En cours au Siège de l'ONU

9137e séance – matin
CS/15038

Le Conseil de sécurité s’inquiète du sort des femmes en Afghanistan, appelle les Taliban à respecter leurs engagements et une gouvernance inclusive

Le Conseil de sécurité a tenu, aujourd’hui, sa réunion trimestrielle sur l’Afghanistan, l’occasion de faire le point sur la situation dans ce pays en proie à une crise humanitaire sans précédent et où le plein exercice par les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux fait l’objet de restrictions constantes.  Les intervenants se sont également inquiétés de la situation sécuritaire, craignant que l’Afghanistan ne soit utilisé comme « plateforme ou refuge » par les groupes terroristes.

Avant tout, le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour l’Afghanistan, M. Marcus Potzel, s’est indigné de l’interdiction faite aux filles de suivre un enseignement secondaire, ce qui fait de l’Afghanistan le seul pays au monde à leur refuser le droit à l’éducation.  « Le peuple afghan est horrifié et se sent trahi parce que le monde ne réagit pas à l’apartheid dont souffrent les Afghanes », a témoigné Mme Fawzia Koofi, ancienne Vice-Présidente du Parlement afghan.  La décision d’interdire aux filles âgées de 6 à 15 ans d’être scolarisées va à l’encontre d’une religion qui a toujours mis l’accent sur l’importance de l’éducation, de la lecture et de l’écriture, a-t-elle martelé. 

À ce sujet, le Pakistan a indiqué que les pays de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) continuent de discuter avec les Taliban afin d’examiner l’interprétation de la charia pour trouver des réponses au droit des femmes et des filles à l’éducation. 

L’enjeu de cette réunion, initiée par la France en tant que Présidente du Conseil pour le mois en cours, est justement d’amener les Taliban à respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Doha (2020) et lors de la Conférence internationale de Tachkent (2022).  M. Potzel a reconnu que la patience de nombreux membres de la communauté internationale risque d’être mise à rude épreuve s’agissant de la stratégie d’engagement avec les autorités de facto.  De fait, a-t-il expliqué, l’annonce faite par les États-Unis au sujet du décès du chef d’Al-Qaida, Aiman al-Zawahiri, à Kaboul, a mis en relief les liens persistants entre le groupe terroriste et les Taliban, ce qui a encore creusé le fossé de la confiance avec la communauté internationale.

Contrairement aux exigences clairement exprimées par le Conseil, il est clair, a abondé la France, que « les liens des Taliban avec Al-Qaida n’ont pas été rompus ».  Cela démontre, a appuyé la délégation américaine, l’importance de rester « clairvoyants » dans nos interactions avec les Taliban.  Ces derniers ont l’obligation de veiller à ce que l’Afghanistan ne devienne pas un sanctuaire pour les groupes terroristes, a résumé le délégué kényan.

Autre facteur déstabilisateur aux niveaux régional et international: le trafic de drogue.  L’Afghanistan est l’un des trois pays qui concentrent plus de 95% de la culture du pavot à opium dans le monde, ont averti plusieurs délégations.  Selon des chiffres de 2021 cités par la Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la production illicite de drogues y avait atteint un chiffre record de 6 800 tonnes de pavot.  Mme Ghada Fathi Waly a également évoqué une augmentation « alarmante » de la production de méthamphétamines.  Seule une action internationale peut répondre à ces menaces contre la paix et la sécurité et soutenir le peuple afghan, a-t-elle dit.  Pour sa part, l’ONUDC fournit des moyens de subsistance alternatifs à des producteurs de pavot de Kandahar et de Helmand, des provinces où il représente 72% des cultures.

Sur le plan économique, la situation reste précaire, a encore expliqué le Représentant spécial adjoint.  Le revenu par habitant s’est effondré aux niveaux de 2007, effaçant ainsi 15 années de croissance économique.  À ce jour, le Plan de réponse humanitaire 2022 n’a reçu que 1,9 milliard de dollars pour un besoin estimé à 4,4 milliards.  Un tel déficit de financement est d’autant plus alarmant que l’hiver approche.  Dans l’immédiat, les partenaires humanitaires ont besoin, a-t-il pressé, de 614 millions de dollars pour s’y préparer, en plus des 154 millions de dollars nécessaires pour prépositionner les fournitures essentielles. 

Les États-Unis et leurs alliés ont mis en place un fonds afghan visant à préserver 3,5 milliards de dollars appartenant aux réserves de la Banque centrale afghane afin d’assurer la stabilité de l’économie, a expliqué le représentant américain.  Si leur initiative a été saluée par plusieurs délégations, elle a toutefois été dénoncée par la Fédération de Russie qui, à l’instar de l’Iran, a demandé que ces avoirs « confisqués » soient « restitués au peuple afghan». 

Le Conseil a été le théâtre d’une brève passe d’armes entre les deux délégations, la Russie ironisant sur le fait que les États-Unis « ne peuvent pas se vanter de l’Afghanistan qu’ils ont laissé l’an dernier » et les États-Unis pointant du doigt la « violence » de la Russie en Ukraine.

« L’Afghanistan traverse la pire crise économique et humanitaire de son histoire », a déclaré le représentant de ce pays.  Comme d’autres intervenants, il a souligné que l’aide humanitaire ne pouvait toutefois être une solution durable. 

Dans son dernier rapport sur la situation en Afghanistan, dont était saisi le Conseil, le Secrétaire général fait observer que dans le cadre de ses efforts visant à intensifier l’intervention humanitaire, à mettre un terme à la crise économique et à encourager le respect des libertés et des droits humains fondamentaux pour tous les Afghans, la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) s’est concertée avec les autorités de facto afin de satisfaire les besoins fondamentaux et de promouvoir et de protéger les droits du peuple afghan.  « L’orientation politique actuelle des Taliban risque de semer les graines d’une instabilité future, surtout si les besoins de la population ne sont pas pris en compte, si les droits sont restreints et si la diversité du pays ne se reflète pas de manière adéquate dans les structures de gouvernance », avertit-il.

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2022/692)

Déclarations

M. MARCUS POTZEL, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour l’Afghanistan, a craint que la patience de nombreux membres de la communauté internationale ne soit mise à rude épreuve s’agissant de la stratégie d’engagement avec les autorités talibanes d’Afghanistan.  M. Potzel a déploré le maintien de l’interdiction faite aux filles de suivre un enseignement secondaire, une situation unique au monde.  L’Afghanistan se prive ainsi de la contribution significative des filles.  Les restrictions croissantes des droits des femmes indiquent que les Taliban sont indifférents à plus de 50% de la population et « prêts à risquer l’isolement international ». 

Sur le front sécuritaire, le Représentant spécial adjoint a constaté, au cours des derniers mois, une augmentation légère mais régulière des incidents de sécurité surveillés par la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).  Les Taliban ont ignoré nos avertissements antérieurs concernant les capacités de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K).  Mais l’EIIL-K a démontré, rien qu’au cours des derniers mois, qu’il pouvait assassiner des personnalités proches des Taliban, attaquer des ambassades étrangères et sévir au-delà de la frontière, tout en poursuivant sa campagne sectaire de longue date contre les musulmans chiites et les minorités ethniques.   M. Potzel s’est dit particulièrement préoccupé par le récent attentat à l’ambassade de Russie à Kaboul qui a tué 10 personnes, dont un diplomate russe.  Outre les attentats perpétrés par l’EIIL-K, un certain nombre d’incidents non revendiqués ont tué et blessé des Afghans dans leur vie quotidienne, notamment lorsqu’ils se rendaient dans des lieux de culte, a-t-il déploré.

Poursuivant, M. Potzel a souligné la persistance des affrontements armés entre les forces de sécurité de facto et les groupes d’opposition armés dans les provinces de Panjchir, Baghlan, Kapisa, Takhar et Badakhshan.  Des rapports inquiétants ainsi que des vidéos et des photos indiquent que de graves violations des droits de l’homme pourraient avoir été commises dans le Panjchir, a-t-il fait observer, informant que la MANUA a demandé aux autorités de facto d’enquêter sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires dans cette province.  À ce jour, on ne sait rien de ces enquêtes, ni de leurs résultats, malgré les promesses des autorités de facto.

Sur le plan économique, la situation reste précaire, a poursuivi le diplomate.  Alors que les Taliban affirment avoir augmenté les exportations, maintenu la valeur de l’afghani et généré une solide collecte de revenus, le revenu par habitant s’est effondré aux niveaux de 2007, effaçant ainsi 15 années de croissance économique, a déploré M. Potzel qui a expliqué ce ralentissement par des problèmes de liquidités liés à l’isolement de l’Afghanistan du système bancaire international.  Les liquidités restent fortement tributaires de l’argent que la MANUA continue d’apporter pour les opérations humanitaires.  Mais même ce financement est incertain, a-t-il averti.  À ce jour, le Plan de réponse humanitaire 2022 n’a reçu que 1,9 milliard de dollars pour un besoin estimé à 4,4 milliards.  Face à des besoins croissants et à une situation de sécurité alimentaire qui se dégrade, un tel déficit de financement est d’autant plus alarmant que l’hiver approche, s’est encore inquiété le haut fonctionnaire. 

Dans l’immédiat, les partenaires humanitaires ont besoin de 614 millions de dollars pour soutenir la préparation à l’hiver, en plus des 154 millions de dollars nécessaires pour prépositionner les fournitures essentielles avant que des zones ne soient coupées par les intempéries.  Le Représentant spécial adjoint a pris note de la création par les États-Unis du Fonds pour l’Afghanistan, qui placera la moitié des 7 milliards de dollars américains de réserves afghanes sur un compte en Suisse où ils seront utilisés pour aider à stabiliser la macroéconomie dans le pays.  Il s’agit d’une mesure temporaire jusqu’à ce que l’on ait davantage confiance dans la capacité de la banque centrale afghane à mettre en place des mesures de protection contre le blanchiment d’argent et le financement potentiel de groupes terroristes.  Mais ces mesures humanitaires et économiques ne répondront pas aux besoins à long terme du peuple afghan, a-t-il expliqué.

M. Potzel a, par la suite, évoqué le rapport sur les droits de l’homme en Afghanistan publié en juillet dernier, ainsi que la Conférence de Tachkent du 26 juillet qui a constitué « une plateforme d’engagement » et une occasion pour la communauté internationale d’exprimer sa position unie sur ce qu’elle attend des autorités de facto.  Il a toutefois jugé regrettable que la délégation talibane n’ait pas saisi l’occasion de répondre de manière constructive à ces attentes.  Néanmoins, le format de Tachkent est, à ses yeux, utile et doit être maintenu. 

Il s’est dit, par ailleurs, très préoccupé par la détention, par les autorités de facto de trois femmes travaillant pour des agences des Nations Unies à Kandahar, ainsi que par les pressions croissantes exercées sur « notre personnel et nos locaux » et sur ceux d’autres agences.

Pour finir, M. Potzel a estimé que la présence signalée du chef d’Al-Qaida, al-Zawahiri, au cœur de Kaboul et l’attaque menée contre lui ont conduit à remettre en question les engagements des Taliban en matière de lutte contre le terrorisme, ce qui a encore creusé le fossé de la confiance avec la communauté internationale.

Si les Taliban ne répondent pas aux besoins de tous les éléments de la société afghane et ne s’engagent pas de manière constructive dans la fenêtre d’opportunité très limitée qui leur est offerte par la communauté internationale, la suite n’est pas claire, a mis en garde le Représentant spécial adjoint, prédisant « isolement, pauvreté, conflits internes, migration massive et un environnement national propice aux organisations terroristes comme scénarios les plus probables ».

Mme GHADA FATHI WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que, lors de son dernier exposé sur la situation en Afghanistan devant le Conseil en juin 2021, elle avait signalé que la production illicite de drogues y avait atteint un chiffre record de 6 800 tonnes de pavot ainsi qu’une augmentation « alarmante » dans la production de méthamphétamines.  Les chiffres des saisies montrent une augmentation du trafic à la fois d’héroïne et de méthamphétamines en Asie du Sud, ainsi qu’en Afrique, de 2018 à 2021, a-t-elle ajouté, notant à propos de ce tableau général que les saisies d’héroïne en mer, dans l’océan Indien, se sont accentuées depuis 2021.  Sur l’Afghanistan, elle a expliqué que les événements de l’an passé avaient conduit à une situation plus incertaine que jamais, notamment en ce qui concerne la culture, la production et le trafic d’opiacés dans un pays qui reste le premier producteur au monde.  « Seule une action internationale peut répondre à ces menaces contre la paix et la sécurité, et soutenir le peuple afghan », a-t-elle jugé. 

La Chef de l’ONUDC a ensuite indiqué que l’interdiction complète de la culture et de la production de tous les stupéfiants décrétée en juillet dernier par les autorités afghanes de facto avait provoqué une explosion du prix du pavot, dont le kilo s’échange à présent au prix sans précédent de 190 dollars.  En outre, de graves épisodes de sécheresse ont détruit les récoltes de céréales, à un moment où l’économie afghane s’effondrait, plongeant plus de la moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté et près de 19 millions de personnes dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë.  Dans ce contexte, a-t-elle dit, pour beaucoup la culture illicite de pavot reste l’unique alternative à la famine.  Mme Waly a ensuite reconnu qu’il est difficile d’identifier dans quelle mesure l’interdiction de la culture de tous les stupéfiants sera appliquée par les autorités, compte tenu donc des réalités économiques à travers le pays mais aussi de la présence d’au moins une douzaine de groupes armés contestant le régime dans quelque 18 provinces. 

La Directrice exécutive de l’ONUDC a considéré qu’en l’absence d’état de droit, les groupes criminels organisés peuvent tirer profit des drogues illicites et d’autres formes de trafic telles que les armes à feu.  « Il est du devoir du Conseil de sécurité d’empêcher que de telles menaces ne déstabilisent plus gravement encore la région », a-t-elle estimé.  Elle a de plus assuré que l’Office continue de quantifier tant la production afghane de pavot que les volumes d’héroïne qui sont tirés de cette culture, et qu’il reste en mesure d’évaluer l’importance du trafic d’êtres humains et de migrants lié à la production et au commerce de stupéfiants.  Dans les pays voisins de l’Afghanistan, nous avons renforcé les capacités de nos bureaux de liaison frontaliers, des installations portuaires et de fret, afin de mesurer l’importance du trafic illicite d’armes à feu et, partant, pour lutter plus efficacement contre ce fléau, a encore signalé Mme Waly.  Elle a aussi attiré l’attention sur les soins qu’assurent l’ONUDC et ses partenaires onusiens auprès des toxicomanes et des personnes atteintes du VIH et d’hépatites.  L’ONUDC fournit également des moyens de subsistance alternatifs à des producteurs de pavot de Kandahar et de Helmand, des provinces où le pavot représente 72% des cultures. 

Enfin, la Directrice exécutive a appelé la communauté internationale à répondre aux défis de la drogue et de leurs flux illicites émanant de l’Afghanistan, tout en s’efforçant de venir en aide aux personnes touchées par la consommation de stupéfiants à l’intérieur même du pays. 

Mme FAWZIA KOOFI, ancienne Vice-Présidente du Parlement afghan, a dit que le peuple afghan est horrifié et se sent trahi parce que le monde ne réagit pas à l’apartheid dont souffrent les Afghanes.  Elle a indiqué que ses contacts en Afghanistan se sont dits déçus que le débat général de l’Assemblée générale de l’ONU n’ait pas été l’occasion de dénoncer davantage les souffrances infligées à 40 millions d’Afghans.  Face à cette situation, elle a exhorté le Conseil de sécurité, principal organe international chargé de protéger les peuples du monde, à protéger le peuple afghan.  « Mon peuple est en prison en Afghanistan et souhaite que le monde sache ce qui s’y passe », a insisté cette personnalité politique, avant de préciser que 2,3 millions de ses concitoyens ont fui le pays depuis août 2021 et que des millions d’autres envisagent de le faire.  Elle a fustigé la brutalité des Taliban et l’absence de gouvernance qui a fait de l’Afghanistan le seul pays du monde sans constitution. 

« Imaginez qu’en tant qu’homme, vous ne soyez pas autorisé à quitter votre domicile sans être accompagné par une femme et qu’on ne vous autorise pas à vous habiller comme vous le souhaitez », a-t-elle déclaré aux membres du Conseil.  Elle a ajouté que les Taliban avaient pris 31 décisions visant à éliminer les Afghanes de l’espace public, qui rendent de facto toutes les femmes prisonnières de leur foyer.  Elle a indiqué que l’Afghanistan est devenu une prison à ciel ouvert, avant d’estimer que la décision d’interdire aux filles âgées de 6 à 15 ans d’être scolarisées va à l’encontre d’une religion qui a toujours mis l’accent sur l’importance de l’éducation, de la lecture et de l’écriture. 

« Les femmes qui représentaient 30% des fonctionnaires ne peuvent plus aller travailler et ont été remplacées par des hommes », s’est désolée Mme Koofi.  Après avoir noté que 300 médias ont été fermés en 2021 et qu’aucune Afghane journaliste n’est plus autorisée à travailler dans aucune des 17 provinces de l’Afghanistan, elle a précisé que les femmes journalistes, militaires et juges, qui ont été licenciées, sont devenues aujourd’hui invisibles.  Elle a demandé au Conseil de sécurité d’imposer des sanctions vigoureuses à tous les individus affiliés aux Taliban pour encourager le groupe à renoncer aux violences et le contraindre à s’engager en faveur de la paix.  L’ancienne Vice-Présidente du Parlement a également appelé la communauté internationale à tenir des interactions avec les Taliban assorties de conditions claires, avant de noter qu’un groupe extrémiste n’a aucune légitimité à prétendre combattre d’autres groupes extrémistes.  Elle s’est dite particulièrement inquiète que le retour au pouvoir des Taliban n’inspire d’autres groupes similaires présents aujourd’hui sur le sol afghan à réitérer cette expérience ailleurs dans le monde.  Face à ce risque, Mme Koofi a jugé indispensable et urgent le retour à un ordre constitutionnel. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a fait valoir que les femmes et les filles afghanes ont plus que jamais besoin de notre soutien.  « Un an après l’arrivée au pouvoir des Taliban, les pires craintes du peuple afghan se sont concrétisées ».  Elle a appelé à garantir l’accès humanitaire aux personnes qui en ont besoin, notamment les prisonniers, les déplacés internes et les minorités ethniques et religieuses.  La représentante s’est également inquiétée des perturbations de l’accès des femmes et des filles aux services de santé de base, avec des conséquences « potentiellement catastrophiques », dénonçant également la dissolution des mécanismes de recours pour les survivantes de violences sexistes.  Elle s’est dite alarmée par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires, de torture, d’arrestations et de détentions arbitraires et par l’absence d’obligation de rendre des comptes face aux graves violations du droit international.  Mme Juul s’est également émue des violences et abus contre les enfants et s’est félicitée de l’ouverture récente du Centre d’analyse et de sensibilisation sur les enfants et les conflits armés à Doha, au Qatar, affirmant son soutien au travail effectué sur l’Afghanistan. 

En tant que porte-parole pour l’Afghanistan au sein du Conseil de sécurité, Mme Juul a rappelé que la Norvège considère que l’ONU et la communauté internationale doivent continuer à soutenir le peuple afghan et, pour ce faire, s’engager auprès des autorités de facto.  Elle a détaillé le mandat renforcé de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), notamment la défense des droits des femmes, et constaté que « les autorités de facto ont choisi la voie de l’oppression et de l’exclusion ».  Rappelant qu’aucun pays au monde ne refuse aux filles le droit à une éducation secondaire, à l’exception de l’Afghanistan, elle a dénoncé une tragédie évitable.  « Les dirigeants qui oppriment la moitié de la population du pays ne gagneront pas en légitimité » a-t-elle conclu. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est inquiété de la dégradation des droits humains, de la situation sécuritaire et du contexte humanitaire, un an après la prise de pouvoir par les Taliban.  Le recul des droits des femmes et des filles, les restrictions à la liberté d’expression et les assassinats constituent autant de sources de préoccupation pour la communauté internationale.  Il a fait sien l’appel de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), de conseils religieux islamiques et de l’Union européenne réclamant la levée des restrictions imposées aux femmes.  De même, les attaques contre les écoles, les hôpitaux et les infrastructures civiles doivent cesser, a insisté le délégué, pour qui le recrutement d’enfants comme combattants constitue une violation « manifeste » de leurs droits fondamentaux.  Il s’est dit consterné, « mais pas surpris », par le fait que les autorités talibanes continuent d’abriter des groupes terroristes tels que l’EIIL-K et Al-Qaida.  Cette situation va à l’encontre des engagements pris par les Taliban en matière de lutte contre le terrorisme et compromet la sécurité du pays et de la région.  Enfin, M. Agyeman a condamné la poursuite des assassinats extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, de la torture et autres violations visant d’anciens responsables gouvernementaux et des Forces de sécurité, en invitant les Taliban à faire un « véritable effort » de réconciliation dans le cadre de l’amnistie générale annoncée en 2021. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a indiqué qu’en réponse aux besoins humanitaires du peuple afghan ainsi qu’aux appels urgents lancés par les Nations Unies, l’Inde a envoyé, au cours des derniers mois, plusieurs cargaisons d’aide humanitaire à l’Afghanistan, soit 40 000 tonnes de blé, 36 tonnes de médicaments essentiels, 500 000 doses de vaccin contre la COVID-19 et 28 tonnes d’articles de première nécessité en cas de catastrophe.  Afin de suivre de près et de coordonner les efforts des différentes parties prenantes pour la fourniture efficace de l’aide humanitaire, une équipe technique indienne a également été déployée auprès de notre ambassade à Kaboul, a précisé la représentante.  Elle a par ailleurs indiqué que l’Inde, en tant que voisin et partenaire de longue date de l’Afghanistan, a un intérêt direct à assurer le retour de la paix et de la stabilité dans ce pays.  Il s’agit notamment de veiller à ce que son territoire ne serve à lancer des attaques terroristes contre des nations voisines, de former un gouvernement véritablement inclusif et représentatif de la société afghane, de lutter contre le terrorisme et le trafic de drogue et de préserver les droits des femmes, des enfants et des minorités, a précisé la déléguée. 

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a fustigé la répression exercée par les Taliban contre les civils, les défenseurs des droits humains et les journalistes.  Il a notamment condamné le recours aux châtiments collectifs contre la communauté Hazara, avant de déplorer la condition des femmes, qui sont empêchées d’étudier, « exclues du marché du travail, menacées et maltraitées ».  « Les Taliban ne savent maintenir leur contrôle qu’au dépens des femmes et des minorités », a martelé le délégué.  À l’approche de l’hiver, il s’est dit inquiet de la situation humanitaire dans le pays, sous les effets combinés de la violence, des bouleversements politiques et des changements climatiques.  Dans ce contexte, le représentant a demandé aux bailleurs de fonds de poursuivre leur aide humanitaire.  Mais il a regretté que les Taliban paralysent les opérations des agences de l’ONU et des organisations non gouvernementales, appelant les autorités de facto à assurer la sécurité des personnels humanitaires.  « Il est de notre responsabilité de prendre des mesures contre les Taliban lorsque cela est nécessaire », a-t-il poursuivi, avant de conclure que le Conseil doit s’acquitter de son mandat à cet égard. 

M. GENG SHUANG (Chine) a déploré que le peuple afghan ait enduré autant de souffrances ces 20 dernières années, estimant que le retrait des troupes étrangères a permis de mettre fin à une guerre et d’entamer la reconstruction.  « Cela prouve que les interventions étrangères ne fonctionnent pas », a-t-il soutenu.  Le délégué a ensuite appelé la communauté internationale à demeurer aux côtés du « Gouvernement intérimaire » sans le mettre sous pression, tout en appelant ce dernier à bâtir un système de gouvernance « modéré et inclusif ».  Il a constaté que la crise humanitaire risquait de s’aggraver avec l’hiver, exhortant la communauté internationale à « ne pas politiser » son assistance.  Le délégué a appelé le Gouvernement intérimaire à préserver les droits des femmes et des filles, ajoutant qu’elles ont, comme tous les Afghans, grand besoin de l’aide internationale.  Il a demandé la restitution « intégrale et rapide » des avoirs gelés de la Banque centrale d’Afghanistan au peuple afghan.  Le représentant a ensuite souhaité que les autorités coupent les liens avec tous les groupes terroristes, encourageant leurs efforts dans la lutte contre la culture du pavot.  Il a rappelé l’engagement de la Chine au sein des organisations régionales et internationales, notamment l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l’ONU, ainsi que dans le cadre des relations bilatérales, à soutenir le peuple afghan. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que son pays avait déboursé 306 millions de dollars d’aide humanitaire et d’aide au développement pour l’Afghanistan et qu’il s’est engagé à y consacrer 306 millions de dollars supplémentaires en 2023.  Nous sommes le deuxième contributeur au Fonds pour la reconstruction de l’Afghanistan de la Banque mondiale, a-t-elle précisé, et nous continuons de travailler à la stabilisation économique du pays avec le Fonds monétaire international (FMI).  Si l’appui humanitaire et financier peut aider, il ne résoudra toutefois pas les problèmes de l’Afghanistan, a averti Mme Woodward.  Pour ce faire, les Taliban doivent défendre les droits de l’homme, plutôt que de les réprimer; ils doivent permettre un accès humanitaire sans entrave et respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Doha.  La représentante a déclaré que les Taliban ont également le devoir de créer un environnement propice à l’augmentation des investissements, notamment en veillant à ce que les recettes et le budget soient transparents, et à ce que soit assurée la participation des femmes aux activités économiques. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) s’est dite particulièrement inquiète de la régression des droits des femmes et des filles malgré les engagements des Taliban.  Elle a demandé aux Taliban de revenir sur leur décision d’empêcher les filles d’accéder à l’enseignement secondaire.  Par ailleurs, elle a évoqué les liens directs qui existent entre Al-Qaida et les Taliban.  Notant que des récentes attaques terroristes ont frappé une représentation diplomatique russe et de nombreux groupes minoritaires, la représentante a prévenu que le territoire afghan ne peut redevenir une base arrière ou un nouveau sanctuaire pour terroristes.  Dans ce contexte, elle a jugé pertinent d’appuyer le relèvement économique de l’Afghanistan, sans négliger la protection des droits humains et la lutte contre le terrorisme. 

Par ailleurs, la représentante a cité des estimations laissant entendre que l’interdiction faite aux filles d’accéder à l’enseignement secondaire s’est traduite par une perte de 500 millions de dollars pour l’économie afghane depuis 2021.  De même, elle a indiqué que les institutions internationales prévoient une contradiction du PIB afghan d’un tiers entre fin 2021 et fin 2022.  « Comment les Taliban osent-ils demander de l’aide à la communauté internationale pour relancer l’économie afghane alors même qu’ils s’opposent à la participation des femmes à la vie économique? », s’est insurgée la représentante avant d’exhorter les pays de la région à user de toute leur influence pour mettre fin aux souffrances de 20 millions d’Afghanes. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a déclaré que les défis économiques, humanitaires et sécuritaires auxquels l’Afghanistan est confronté nécessite des efforts concertés.  Selon lui, les Taliban doivent s’engager dans un dialogue afin d’améliorer les moyens de subsistance des Afghans et prendre des mesures destinées à unifier le pays, notamment au moyen d’un gouvernement inclusif représentant les intérêts des communautés ethniques et des groupes vulnérables, y compris les femmes.  La situation sécuritaire demeure très préoccupante, alors que le mois d’août a été marqué par une série d’attaques de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), des affrontements récurrents avec les forces d’opposition et la présence de groupes terroristes étrangers.  Les Taliban ont l’obligation de veiller à ce que l’Afghanistan ne devienne un sanctuaire pour les groupes terroristes, a-t-il noté.  À la suite de l’interdiction, en avril de cette année, de la culture de l’opium, le représentant a encouragé les agences, fonds et programmes de l’ONU et les partenaires internationaux à soutenir les efforts visant à fournir aux agriculteurs, les ressources nécessaires pour se tourner vers des cultures alternatives.  S’agissant des avoirs afghans gelés, il a exhorté les parties prenantes à travailler ensemble pour identifier les mécanismes appropriés permettant leur décaissement afin de relancer l’économie.  M. Kiboino a dénoncé pour finir, les restrictions imposées aux femmes et aux filles, en espérant que celles-ci puissent contribuer légitimement au développement de leur pays. 

Mme AURÉLIE FLORE KOUMBA PAMBO (Gabon) a renouvelé l’appel de son pays à l’endroit des Taliban « à mettre fin aux restrictions des libertés des femmes et des filles, et aux violations de leurs droits, durement acquis ».  L’accès à l’éducation des filles, notamment aux études secondaires, doit pouvoir être garanti, a-t-elle ajouté, soulignant que le droit à l’éducation est un « droit fondamental inaliénable ».  Concernant la situation sécuritaire, la représentante a considéré que l’expansion du trafic de stupéfiants, l’intensification des attaques terroristes commises par l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) ces derniers mois, combinées aux affrontements fréquents entre l’opposition et les forces de sécurité, ainsi que la présence de forces étrangères sur le territoire afghan, « sont autant d’éléments d’inquiétude ».  « Nous condamnons le recours à la terreur et l’utilisation d’engins explosifs improvisés contre les populations civiles notamment les enfants », a-t-elle poursuivi.  Pour ce qui est de la situation humanitaire, la représentante l’a qualifiée « des plus alarmantes », l’insécurité alimentaire ayant atteint un niveau préoccupant alors que la saison hivernale approche.  Aussi est-il urgent que le plan d’intervention humanitaire soit effectif pour porter assistance aux afghans les plus vulnérables.  Après avoir appelé les donateurs à poursuivre leur élan de solidarité en contribuant davantage au plan d’intervention humanitaire, Mme Koumba Pambo a réaffirmé l’importance que se tienne un dialogue entre les forces vives afghanes.  Enfin, elle a réitéré le plein soutien de son pays à la MANUA. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est félicité de l’action de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et des points positifs relevés dans le rapport du Secrétaire général: le retour d’anciens gouvernants, les liens renoués entre membres des autorités de facto et des représentants de groupes politiques et de la société civile, et la baisse du nombre de victimes en comparaison avec la même période en 2021.  Il s’est toutefois dit préoccupé par les violations des droits humains de la part des membres des forces de sécurité des autorités de facto et des « politiques discriminatoires » menées contre les femmes et les filles, appelant au respect de leur droits.  Le représentant a regretté que, contrairement à ses engagements, l’administration de facto semble ne pas être en mesure de prendre des décisions sincères en faveur de la constitution d’un gouvernement inclusif avec la participation des femmes et des minorités ethniques et religieuses.  Il a estimé que les interdictions de voyager contre les dirigeants de facto devraient faire l’objet d’un examen en profondeur, car elles pourraient s’avérer contre-productives et favoriser « la ligne dure » au sein des autorités.  Il a également appelé à la levée du gel des avoirs afghans et à une politique souple dans l’attribution de visas humanitaires. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est dite attristée de voir le peuple afghan pris au piège de multiples catastrophes qui le privent de son droit fondamental à mener une vie digne, tandis que les autorités de facto s’activent à rendre la situation plus désastreuse encore.  Celles-ci ont en effet rétabli « l’oppression totale » des femmes en les privant de tout ce que la communauté internationale a affirmé, en paroles et en actes, comme des droits universels.  Ce faisant, les autorités de facto traitent la moitié de la population comme des « êtres inférieurs » et les privent de leur humanité.  « Il ne peut y avoir aucune justification pour exclure et opprimer les femmes », a poursuivi la représentante, ni la situation économique, ni la situation sécuritaire, ni l’interprétation « erronée » de la tradition et de la religion.  Il s’agit là, à ses yeux, « d’une aberration, d’un affront à notre connaissance morale commune » qui ne peut faire l’objet d’aucun marchandage sous le prétexte de résoudre des problèmes plus urgents. 

Après avoir exprimé son appui au travail de la MANUA, Mme Dautllari a appelé les autorités de facto à assurer pleinement la liberté de mouvement de ses personnels.  Elle a également soutenu le déblocage des avoirs afghans, tout en exigeant des autorités de facto qu’elles coupent tout lien avec les organisations terroristes responsables d’attaques violentes en Afghanistan et au-delà. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a craint de voir les Afghanes pâtir les premières de la diminution de l’aide humanitaire prédite par l’OCHA.  L’économie nationale doit être revitalisée a poursuivi la déléguée, saluant des initiatives telles que la création d’un fonds afghan annoncée par les États-Unis.  Les Émirats, s’est-elle félicitée, ont eux aussi cherché à faire montre de solidarité avec la population afghane, rappelant qu’avec le Comité international de la Croix-Rouge, ils avaient convenu d’une subvention de quatre millions de dollars pour aider les hôpitaux afghans.  Redresser l’économie sera toutefois impossible si la moitié de la population est exclue de la vie sociale et économique du pays, a-t-elle noté.  La déléguée a regretté que le Conseil n’ait pu s’accorder sur une déclaration –au début du mois– sur l’éducation des fillettes afghanes: ses membres, a-t-elle mis en garde, doivent éviter les pièges des « fausses dichotomies » sur ce dossier.  Évoquant l’émergence de groupes anti-Taliban, la représentante a considéré que la gouvernance actuelle ne pouvait qu’encourager le mécontentement.  Si le Conseil doit insister sur ses attentes envers le pouvoir taliban, il devrait aussi maintenir « ouvertes les lignes de communication » avec ce dernier, a ajouté la déléguée, sous peine de ne pas réaliser les progrès qu’escompte la communauté internationale. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a fustigé l’attitude de ses collègues occidentaux qui, avec à leur tête les États-Unis, déplorent les conséquences de douze mois de pouvoir taliban, « alors que la situation que nous vivons est la conséquence de la guerre qu’ils ont menée pendant 20 ans en Afghanistan ».  Elle s’est néanmoins inquiétée des récents attentats terroristes orchestrés par les militants de Daech au Khorassan, qui ont visé les représentants des minorités religieuses et ethniques, y compris des femmes et des enfants.  Elle a aussi cité le décès tragique, début septembre, de deux employés de l’ambassade russe à Kaboul aux mains des terroristes.  D’après elle, Daech utilise tous les moyens pour créer en Afghanistan un foyer d’instabilité qui pourrait s’étendre à l’Asie centrale, puis à la Russie.  Elle s’est inquiétée de l’incapacité des autorités talibanes à contrôler ce qui se passe dans le pays, avant de citer un niveau de production record de stupéfiants. 

Mme Evstigneeva a dénoncé le transfert des avoirs afghans « confisqués » sur un compte spécial suisse pour être consacrés à des projets éphémères.  « Nous demandons que ces avoirs soient restitués au peuple afghan » a-t-elle insisté.  « Construire une paix durable en Afghanistan est impossible sans fournir une assistance internationale à son peuple pour le rétablissement d’après conflit », a argué la représentante avant d’appeler à la relance, au développement économique et à la résolution de problèmes anciens dans les domaines du terrorisme et de la drogue.  Pour ce faire, elle a exhorté la communauté internationale à travailler avec les autorités afghanes « en évitant tout chantage et en évitant de conditionner à des objectifs en matière de droits humains la participation des Taliban à des pourparlers ». 

La Russie a toujours prôné le développement de la coopération avec « le peuple frère d’Afghanistan », a insisté la représentante.  Elle a ajouté que son pays continuera de fournir une aide humanitaire aux Afghans « malgré certaines tentatives d’exclure la Russie, l’une des plus grandes puissances agricoles du monde, de la scène commerciale internationale et de mettre des barrières sur la route de la coopération russe avec le Programme alimentaire mondial (PAM) ».  Nous poursuivrons notre dialogue avec l’Afghanistan dans le cadre de contacts bilatéraux avec les autorités de facto et d’autres Afghans, et en formats régionaux, y compris le format de Moscou, et des réunions au niveau régional à travers l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), l’Organisation de coopération de Shanghai, et l’Organisation de la coopération islamique (OCI) », a encore précisé la représentante. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déploré « l’incidence néfaste » de la prise de pouvoir par les Taliban, marquée notamment par la détérioration de la situation humanitaire, l’aggravation de la situation sécuritaire et les restrictions en matière d’éducation imposées aux femmes.  Il a dénoncé les récents attentats commis à Hérat et Kaboul, ainsi que les informations voulant que les Taliban n’aient pas rompu leurs liens avec les organisations terroristes telles que Al-Qaida, ce qui montre l’importance de demeurer « clairvoyants » dans nos interactions avec les Taliban.  Alors que le 17 septembre marquait le premier anniversaire de l’interdiction pour les jeunes filles de fréquenter l’école secondaire, il a regretté que « certains membres » aient empêché le Conseil de marquer ce fait de façon plus formelle.  « Il nous faut agir », a martelé le représentant, en rappelant que, pendant 20 ans, les filles ont pu fréquenter l’école secondaire, bien que sous la menace des Taliban.  Le Secrétaire d’État des États-Unis a par ailleurs annoncé, la semaine dernière, la création d’une alliance destinée à accroître la résilience économique des femmes afghanes. 

Les États-Unis et leurs alliés ont annoncé récemment la création d’un fonds afghan visant à préserver 3,5 milliards de dollars appartenant aux réserves de la Banque centrale afghane afin d’assurer la stabilité de l’économie, a expliqué le représentant.  Selon lui, le Conseil devrait concentrer son attention sur les façons d’améliorer les perspectives économiques et humanitaires en Afghanistan.  Les États-Unis ont, quant à eux, octroyé récemment 307 millions de dollars d’assistance humanitaire, ce qui porte à 1,5 milliard de dollars le total de leurs contributions depuis août 2021.  Enfin, le représentant a rappelé que « la Russie a été chassée d’Afghanistan dans les années 90 et n’est donc pas en mesure de donner des leçons à qui que ce soit ». 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a dénoncé les violations des droits humains en Afghanistan, en particulier ceux des filles et des femmes, en dépit des engagements pris par les Taliban, « qui entendent régir tous les aspects de leur vie quotidienne ».  La persistance des violences envers les femmes et leur exclusion de la vie publique, notamment l’imposition du voile intégral et les restrictions à l’accès aux services publics, y compris à l’enseignement secondaire, constituent une vive source de préoccupation.  La déléguée a demandé la fin de l’impunité pour les auteurs de telles violations et la mise en œuvre des recommandations de la MANUA concernant les droits de l’homme, estimant qu’il ne saurait y avoir de redressement économique sans la pleine participation des femmes et des filles. 

Pendant ce temps, la situation sécuritaire demeure « très précaire », s’est encore inquiétée Mme Broadhurst Estival, alors que Daech au Khorassan poursuit ses attaques terroristes dans de nouvelles provinces.  Contrairement aux exigences clairement exprimées par le Conseil, il est clair à ses yeux que « les liens des Taliban avec Al-Qaida n’ont pas été rompus ».  Le trafic de drogue reste aussi un facteur déstabilisateur aux niveaux régional et international, alors que l’Afghanistan demeure l’un des trois pays qui concentrent plus de 95% de la culture du pavot à opium dans le monde, a-t-elle déploré.  Enfin, la situation humanitaire demeure préoccupante, malgré la participation de la France au financement de l’action de l’Union européenne qui a mobilisé, avec ses États membres, plus d’un milliard d’euros au début de cette année.  La déléguée a exigé à nouveau l’accès complet et sans entrave de toute la population à l’aide humanitaire. 

Mme EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a repris la parole pour répondre aux allégations de son homologue des États-Unis selon lesquelles la Russie n’aurait rien apporté à l’Afghanistan.  À ce titre, il convient de se rappeler l’Afghanistan laissé par l’URSS, a-t-elle martelé.  Des Afghans s’en souviennent bien.  En ce qui les concerne, les États-Unis ne peuvent se targuer des méthodes qu’ils ont utilisées pour faire passer cet héritage soviétique, ni de l’Afghanistan qu’ils ont façonné.  « Ils ne peuvent pas se vanter de l’Afghanistan qu’ils ont laissé l’an dernier », a-t-elle ironisé.  La Russie est opposée à ce que Washington tienne pour responsable qui que ce soit de ce qu’il a fait ces 20 dernières années, a-t-elle tranché. 

M. DELAURENTIS (États-Unis) a rétorqué que son homologue russe est déterminée à vouloir démontrer que les États-Unis sont aussi « violents, manipulateurs et fourbes » qu’eux en Ukraine.  « Vous n’y parviendrez jamais », a assuré le représentant. 

M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a noté que l’Afghanistan souffre actuellement de l’impact combiné des défis mondiaux et de graves crises sociale, politique, économique et humanitaire à la suite de la prise de pouvoir des Taliban.  Il a condamné l’exclusion des femmes et filles afghanes vivant sous le « régime » des Taliban de toutes les sphères de la vie sociale, politique et économique, appelant au rétablissement de leurs droits.  Indiquant que plus de 24 millions d’Afghans avaient besoin d’une aide humanitaire et que 19 millions souffraient d’une insécurité alimentaire aiguë, il a appelé à ce que toutes les personnes vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les minorités aient accès à l’assistance.  « L’Afghanistan traverse la pire crise économique et humanitaire de son histoire », a estimé le représentant.  Il a cependant souligné que l’aide humanitaire ne pouvait être une solution durable. 

M. Faiq a condamné des « violations flagrantes » des droits humains par les Taliban: exécutions extrajudiciaires, tortures, détentions arbitraires, déplacement forcé de certains groupes ethniques dans différentes provinces d’Afghanistan, notamment Baghlan, Panjchir, Takhar, Sar-e Pol et Badakhshan.  Il a estimé que des poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI) étaient nécessaires et appelé à la mise en place d’un mécanisme efficace de rapport, de surveillance et d’enquête pour lutter contre l’impunité.  Le représentant a estimé que la mort du chef d’Al-Qaida à Kaboul le mois dernier prouvait la persistance de liens entre l’organisation Al-Qaida et les Taliban.  De plus, les attaques de Daech - Province du Khorassan contre des cibles civiles, notamment des Hazara chiites, des hindous, des sikhs et des soufis, témoignent de l’incapacité des Taliban à assurer la paix et la sécurité dans le pays. 

Mme ZAHRA ERSHADI (Iran) a déploré que les femmes et les filles afghanes soient privées de leurs droits les plus fondamentaux, en premier lieu celui à l’éducation.  Elle a ajouté que l’aide humanitaire et au développement pour essentielle qu’elle soit n’est pas, contrairement à la revitalisation de l’économie, une solution à long terme.  La représentante a ainsi appelé à la restitution « sans condition » des avoirs gelés.  L’Afghanistan est un pays membre de la communauté internationale, ce que doivent reconnaître les autorités afghanes de facto pour s’acquitter de leurs responsabilités, a-t-elle aussi souligné, considérant que seul un gouvernement comprenant tous les Afghans et toutes les Afghanes permettra de restaurer et préserver les droits de ces derniers. 

Concernant la montée en puissance préoccupante de groupes terroristes affiliés à Daech et Al-Qaida, la représentante a exhorté les autorités de facto à lutter contre ce fléau, en protégeant, notamment comme il se doit, les locaux diplomatiques et consulaires de toute attaque.  Les efforts de lutte contre le trafic de drogue sont tout aussi importants, a-t-elle poursuivi, relevant que l’Iran a joué un rôle actif en la matière, ces dernières années.  Quatre mille membres des services iraniens de répression ont perdu la vie dans la lutte régionale contre ce trafic, a-t-elle dit.  Par ailleurs, la représentante, qui a rappelé que son pays accueille des millions de réfugiés afghans et n’a jamais fermé ses frontières avec leur pays, a exhorté la communauté internationale à intensifier son aide et à partager ce « fardeau migratoire ».  Elle a appuyé les efforts déployés par la MANUA pour régler la crise humanitaire et aider à la stabilité politique du pays. 

M. MEDER UTEBAEV (Kirghizistan) a d’abord souligné qu’en dépit du « changement des priorités internationales face au conflit en Ukraine », la question de l’Afghanistan demeure « pertinente », puisqu’elle occupe un rôle clef dans la stabilité régionale.  Il a salué l’interdiction par les Taliban de la production de stupéfiants –notamment du pavot– ainsi que l’amnistie générale annoncée par le pouvoir, souhaitant sa « mise en œuvre pratique complète ».  La priorité de la communauté internationale, pour le représentant, devrait maintenant être le redressement de l’économie afghane et la « réintégration du pays dans les processus économiques interrégionaux ».  Exhortant les autorités à créer un gouvernement inclusif et respectueux des droits humains, le délégué a aussi espéré voir la communauté internationale « avancer de manière coordonnée sur le dossier afghan ».  Celle-ci, ajoute-il, devrait « coopérer activement les uns avec les autres », animée par un objectif, celui de faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer la situation en Afghanistan. 

M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) s’est inquiété de la situation de l’Afghanistan qui fait face à l’absence d’un système bancaire fonctionnel.  Il a appelé à l’avènement d’un pays en paix avec lui-même et avec le monde, respectant tous les Afghans quelles que soient leurs origines.  « En tant que voisin, le Pakistan à des intérêts majeurs pour la paix en Afghanistan », a dit le représentant, avant de s’inquiéter de la recrudescence du terrorisme, du trafic de stupéfiants et des flux de réfugiés.  Il a dit que 4,2 milliards de dollars étaient nécessaires à l’aide humanitaire et économique de l’Afghanistan.  Il a estimé que la reprise des activités de reconstruction et le développement de projets de connectivités en Asie centrale pourraient ouvrir la voie à la stabilisation économique du pays.  « Cela implique des fonds et une stabilisation financière. » 

En ce qui concerne les droits humains, notamment des jeunes, des filles, le représentant a dit que les pays de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) continuent de discuter avec les Taliban sur l’interprétation de la charia pour trouver des réponses au droit des femmes et des filles à l’éducation.  Il a appelé à faire preuve de patience avant d’expliquer que de nombreuses familles envoient leurs filles au Pakistan pour y être scolarisées.  Selon lui, l’annonce d’une amnistie générale constitue une évolution de nature à nous permettre d’avancer vers une meilleure inclusion dans la gouvernance afghane.  En attendant, le représentant a jugé urgent d’éviter que le territoire afghan soit utilisé par des forces terroristes pour mener des attaques contre l’Afghanistan et le reste du monde.  Il a espéré que les Taliban pourront lutter contre toutes les menaces terroristes.  « L’accord de Doha et les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité par la suite contiennent des éléments pouvant constituer une feuille de route pour un retour à la normale en Afghanistan », a conclu le représentant, avant de saluer le potentiel du Groupe des voisins et amis de l’Afghanistan avec la Russie. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.