Conseil de sécurité: appels au renforcement de la transparence des transferts d’armes à l’Ukraine sur fond de dénonciation par la Russie d’une « guerre par procuration »
Réuni pour la troisième fois en trois jours pour se pencher sur la situation en Ukraine, cette fois à la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement appeler à davantage de transparence en matière de transferts d’armes dans les régions touchées par le conflit et mettre en garde contre de possibles détournements au profit d’éléments non étatiques. Si les pays fournisseurs d’armes à l’Ukraine, États-Unis en tête, ont mis en avant leur volonté d’aider ce pays souverain à résister à l’agression non justifiée de son voisin, la délégation russe a dénoncé une « guerre par procuration » à son encontre, assurant toutefois que cet afflux d’armes ne pourra pas changer le « rapport de force ».
Depuis le début de l’invasion russe le 24 février dernier, a relevé Mme Izumi Nakamitsu, il est de notoriété publique que ce pays a reçu pour ses forces de défense des systèmes d'armes et des munitions d'un certain nombre d'États. Ces transferts, a-t-elle précisé, ont inclus des armes conventionnelles lourdes, des véhicules blindés de combat, des systèmes d'artillerie de gros calibre et des drones de combat sans équipage, ainsi que des armes légères et de petit calibre. Elle a ajouté que des informations vérifiées de manière indépendante font également état du transfert de systèmes d'armes conventionnelles à des groupes armés locaux, y compris des systèmes de lance-roquettes.
Face au risque de détournement de ces armements, la Secrétaire générale adjointe a encouragé la communauté internationale à faire usage du Registre des armes classiques des Nations Unies, pour renforcer la transparence dans les transferts d'armes, mais aussi à se pencher sur la façon dont ces armes sont utilisées, compte tenu de leur impact dévastateur sur les personnes et les infrastructures civiles.
Relevant que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a comptabilisé 13 917 cas vérifiés de victimes civiles, même si les chiffres réels sont « significativement plus élevés », Mme Nakamitsu a précisé que la plupart des décès enregistrés de civils ont été causés par l'utilisation d’armes explosives à large zone d'effet, notamment des attaques à l'artillerie lourde et au moyen de lance-roquettes multiples, de missiles et d’aéronefs.
À l’initiative de cette nouvelle séance sur l’Ukraine, le représentant de la Fédération de Russie a fustigé le rôle des pays occidentaux dans le déclenchement d’une « guerre par procuration » contre son pays. Selon lui, l’OTAN dirige les actions de Kiev sur le théâtre des opérations et l’Ukraine est désormais inondée d'armes occidentales, les États-Unis ayant à eux seuls dépensé 20 milliards de dollars à cette fin. Bien que le « régime ukrainien » ait fait état d’une contre-offensive, à la veille de la réunion des ministres de la défense de l’OTAN à Ramstein (Allemagne), le délégué a assuré que l’afflux prévisible de nouveaux armements en provenance de leurs pays ne modifiera pas le « rapport de force ». Tout juste pourront-ils prolonger « l’agonie du régime de Zelenskyy », a-t-il prédit, avant d’estimer que ce scénario profite d’abord aux sociétés de défense des États-Unis et du Royaume-Uni qui font des « profits fabuleux ».
Pour le représentant russe, la dissémination de ces armes revendues par des fonctionnaires ukrainiens « corrompus » fait craindre qu’elles tombent entre les mains de terroristes et de groupes criminels. Accusant l’Occident de transformer l’Ukraine en « plaque tournante mondiale des transferts d’armes illégaux », il a estimé particulièrement dangereuse la propagation de systèmes portables de missiles antiaériens et d’armes antichar, qui comportent des risques pour l'aviation civile et le transport ferroviaire international.
Sans répondre aux allégations de son homologue russe, le délégué de l’Ukraine a rappelé que la Fédération de Russie a violé les normes et principes de « pratiquement tous les accords bilatéraux et multilatéraux », y compris l’Acte final d’Helsinki et la Charte des Nations Unies. À ses yeux, le droit international donne à l’Ukraine, et « de façon explicite », le droit à la légitime défense. Affirmant que la partie russe est la seule responsable de la paralysie du Conseil de sécurité face à cette guerre, il a assuré que son pays se battra « jusqu'à ce que le dernier centimètre carré du territoire souverain de l’Ukraine, y compris la Crimée, soit libéré, dans le strict respect de l’Article 51 de la Charte ».
Dans ce contexte, les États-Unis se sont dits fiers de se tenir aux côtés de l’Ukraine, en collaboration avec plus de 50 autres États. Rappelant que tous les pays ont le droit souverain de se défendre, conformément à la Charte de l’ONU, ils ont signalé, à l’instar du Royaume-Uni, que Moscou est actuellement en train d’acheter des roquettes à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pour les utiliser en Ukraine, et ce, en violation des résolutions du Conseil de sécurité. Ils ont également déclaré prendre au sérieux la menace d’un détournement des armes fournies, de même que les autorités ukrainiennes.
La Chine a quant à elle insisté que le fait que ces fournitures aggravaient le problème, les armes risquant de se retrouver dans de « mauvaises mains », comme l’a prouvé l’exemple de l’Afghanistan, où 70 milliards de dollars d’équipements militaires ont été abandonnés par les pays étrangers après leur retrait précipité. La France a quant à elle appelé à ne pas « inverser les responsabilités », assurant, comme la plupart des autres pays fournisseurs, que son aide militaire à l’Ukraine ainsi que celle de l’Union européenne se poursuivront « tant que durera l’agression menée par la Russie ».
En ouverture de cette séance, le représentant de la France, qui préside le Conseil, a adressé, au nom des autres membres de l’organe, ses condoléances au Gouvernement et au peuple du Royaume-Uni, endeuillés par le décès de la Reine Elizabeth II. Il a invité chacun à se lever et à observer une minute de silence en hommage à la souveraine défunte.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
Après que le Conseil a observé une minute de silence à la mémoire de Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que le monde se souviendra de son long règne et de son service extraordinaire qui a permis de promouvoir la paix et l’amitié de par le monde.
Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, a indiqué que son exposé porte sur la question des « fournitures d’armes létales à l’Ukraine ». Il est effectivement de notoriété publique que, depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, l’Ukraine a reçu des systèmes d’armes et des munitions d’un certain nombre d’États, a-t-elle déclaré. Elle a précisé que ces transferts ont inclus des armes conventionnelles lourdes, notamment des chars de combat, des véhicules blindés de combat, des systèmes d’artillerie de gros calibre et des drones de combat sans équipage, ainsi que des armes légères et de petit calibre.
Des informations vérifiées de manière indépendante font également état du transfert d’importants systèmes d’armes conventionnelles aux groupes armés locaux en Ukraine, y compris des systèmes de lance-roquettes.
D’une manière générale, a souligné Mme Nakamitsu, cet afflux massif d’armes dans les régions touchées par le conflit soulève de nombreuses préoccupations, en particulier la possibilité de détournements. Ces préoccupations doivent être prises en considération, a-t-elle fait valoir, avant de rappeler que la communauté internationale dispose de plusieurs instruments, dont le Registre des armes classiques des Nations Unies, pour renforcer la transparence dans les transferts d’armes. Encourageant les États à faire usage de ces mécanismes, elle a souhaité qu’au-delà de la question de l’approvisionnement en armes, l’accent soit mis sur la façon dont ces armes sont utilisées, compte tenu de l’impact dévastateur sur les personnes et les infrastructures civiles causées par l’usage d’armes lourdes en Ukraine.
La Secrétaire générale adjointe a signalé que, depuis le 24 février dernier, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a enregistré 13 917 cas vérifiés de victimes civiles. Reconnaissant que les chiffres réels sont « significativement plus élevés », elle a relevé que la plupart des décès enregistrés de civils ont été causés par l’utilisation d’armes explosives à large zone d’effet, notamment des attaques à l’artillerie lourde et au moyen de lance-roquettes multiples, de missiles et d’aéronefs. Parallèlement, a-t-elle ajouté, la guerre continue également de provoquer des déplacements à grande échelle, avec plus de 6,9 millions de personnes déplacées et plus de 7 millions de réfugiés enregistrés à travers l’Europe.
Mme Nakamitsu a réitéré l’appel lancé par le Secrétaire général aux parties au conflit pour qu’elles cessent d’utiliser des armes explosives dans les zones densément peuplées, soulignant les graves conséquences humanitaires d’une telle utilisation. En vertu du droit international humanitaire, a-t-elle insisté, les combattants ne doivent pas prendre pour cible des civils ou des infrastructures civiles et doivent prendre toutes les précautions possibles dans la conduite des opérations militaires pour éviter, ou du moins minimiser, les pertes accidentelles de vies civiles, les blessures infligées à des civils et les dommages portés à des biens de caractère civil. « Le moment est venu de mettre fin à cette souffrance », a plaidé la Secrétaire générale adjointe.
Mme DRAGANA TRIFKOVIĆ, Directrice du Centre d’études géostratégiques, a souligné l’importance de prendre en compte les arguments des deux parties belligérantes dans le conflit en Ukraine, alors que se multiplient les accusations qui ne sont pas étayées par des preuves. Elle a établi un parallèle entre le conflit en Ukraine et celui qui a déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 90, notamment en ce qui concerne l’ingérence extérieure dans la préparation de la guerre, ainsi que la participation indirecte aux hostilités au moyen de la formation, de l’armement, du recrutement et du commandement. Elle a ainsi décrit en détail l’importation irrégulière d’armes par la Croatie à travers la Hongrie, l’Autriche et l’Italie, et leur distribution à des groupes paramilitaires croates. Mme Trifković a également cité l’exemple de l’armement, entre 1992 et 1995, des musulmans de Bosnie-Herzégovine par l’Arabie saoudite, la Türkiye et l’Iran, par l’intermédiaire de la Croatie, malgré la mise en place d’un embargo. Selon elle, ces actes hostiles envers la Serbie ont été encouragés par les États-Unis et l’OTAN, tout comme la fourniture d’armes aux séparatistes du Kosovo, en violation du droit international et de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.
Aujourd’hui, nous pouvons voir des exemples d’ingérence directe dans le conflit en Ukraine, où les pays occidentaux envoient des armes à la partie ukrainienne à partir de pays tiers, y compris des pays asiatiques et africains, a poursuivi Mme Trifković. Ces armes tuent sans discernement la population civile, ukrainienne comme russe, comme l’a expliqué le Centre d’études géostratégiques dans une lettre envoyée au Comité des droits de l’homme des Nations Unies, au Conseil de l’Europe et à la Croix-Rouge, dans laquelle il dénoncé l’utilisation d’armes à sous-munitions et de bombes à fragmentation contre les populations civiles dans l’est de l’Ukraine. L’intervenante a également dénoncé les frappes réalisées à l’aide des systèmes de roquettes d’artillerie à haute mobilité HIMARS, notamment sur le centre de détention d’Olenivka, où étaient détenus des prisonniers de guerre du bataillon Azov, faisant 51 victimes. Les forces ukrainiennes auraient également utilisé des missiles produits par l’OTAN, dans des zones densément peuplées de Donetsk.
On ne peut que conclure que la partie ukrainienne perçoit les civils, ainsi que les prisonniers de guerre, comme des cibles légitimes et qu’elle agit de manière à faire le plus de victimes possible parmi eux, s’est insurgée Mme Trifković. Elle s’est également inquiétée du risque que ces armes aboutissent dans des pays tiers, notamment aux mains de terroristes. La « guerre hybride » en cours menace de se transformer en un conflit direct à grande échelle, ce qui, dans les conditions de l’armement moderne, remet en question la survie et l’avenir même de notre civilisation, a-t-elle conclu.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que la Fédération de Russie a lancé son opération spéciale pour protéger les habitants du Donbass, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, suite à quoi le régime de Kiev, « avec l’approbation de ses parrains occidentaux », a publiquement mis fin au processus de Minsk. Il a souligné que l’opération spéciale a commencé le processus de dénazification et de démilitarisation de l’Ukraine afin que son territoire ne puisse plus constituer une menace ni pour le Donbass ni pour la Fédération de Russie elle-même.
Le délégué a rappelé qu’un mois après le début de l’opération spéciale, les négociations russo-ukrainiennes étaient pratiquement conclues et les grandes lignes des futurs accords de paix avaient été définies. Nos anciens partenaires occidentaux sont alors intervenus, estimant que ce scénario était mauvais, a-t-il regretté. Il a notamment accusé le Royaume-Uni et les États-Unis d’avoir donné des ordres à l’OTAN et d’avoir utilisé le « coup d’État illégal » de Maïdan pour affaiblir la Fédération de Russie. C’est dans ce contexte que les émissaires de ces deux pays sont allés à Kiev suggérer à M. Zelenskyy que l’Occident est prêt à tout, à l’exception d’une intervention directe pour la victoire de l’Ukraine. Il a également relevé que le diplomate en chef de l’Union européenne (UE), M. Borrell, avait déclaré à l’époque que « cette guerre sera gagnée sur le champ de bataille ».
Fustigeant le rôle « des collègues occidentaux » dans le déclenchement de la « guerre par procuration » contre la Fédération de Russie, le représentant a affirmé que c’est l’OTAN qui dirige les actions de Kiev sur le théâtre des opérations. L’Ukraine est inondée d’armes occidentales et d’instructeurs, d’agences de renseignement et de mercenaires. Des cours de formation pour les forces armées ukrainiennes se déroulent dans plusieurs pays de l’OTAN, et en plus des 20 milliards de dollars déjà dépensés, l’Administration Biden a l’intention de demander un financement d’urgence de 20 milliards supplémentaires pour le premier trimestre 2023. Évoquant un processus autodestructeur pour l’Ukraine, le représentant a affirmé qu’avec les systèmes d’artillerie et de missiles à longue portée de l’OTAN, couplé avec le renseignement occidental, le régime de Kiev a commencé à frapper des installations civiles qu’il ne pouvait pas précédemment atteindre. Il a également accusé les membres de l’UE d’avoir ignoré les dispositions du Traité sur le commerce d’armes qui prescrit à chaque État exportateur d’évaluer de manière objective et non discriminatoire la probabilité que les armes fournies causent des dommages à la sécurité au monde.
À la veille de la réunion d’aujourd’hui des ministres de la défense de l’OTAN à Ramstein, le régime de Zelenskyy a tenté de créer l’apparence que l’Ukraine peut attaquer, a poursuivi le délégué russe. Les médias occidentaux ont déjà claironné que l’Ukraine est entrée dans la contre-offensive, ce qui laisse croire que de nouveaux approvisionnements d’armes occidentales continueront d’affluer. Cela fera-t-il une différence palpable sur le champ de bataille? Non, a-t-il tranché, en notant que d’éminents experts militaires le disent ouvertement. De nouvelles armes ne pourront pas changer le rapport de force, mais serviront uniquement à prolonger l’agonie du régime de Zelenskyy et reporter sa fin peu glorieuse, a—t-il argué. Selon lui, les principaux bénéficiaires de ce scénario sont les États-Unis et la Grande-Bretagne dont les sociétés de défense font des profits fabuleux. L’Ukraine n’est pas seulement une immense plateforme pour l’élimination des armes obsolètes de l’OTAN, mais également un terrain d’entraînement pour tester de nouvelles armes. Il n’est donc pas rentable pour l’Occident de perdre une telle opportunité, a-t-il observé.
Poursuivant, le représentant russe a affirmé que des armes sont revendues par des fonctionnaires ukrainiens corrompus, et que les dirigeants militaires occidentaux admettent qu’ils ne sont pas en mesure de retracer l’utilisateur final de leurs armes. Il a accusé le leadership des pays occidentaux de transformer l’Ukraine en une plaque tournante mondiale pour les transferts illégaux d’armes, lesquelles pourraient bientôt être utilisés par des terroristes en Europe, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. Il a estimé particulièrement dangereuse la menace de propagation des systèmes portables de défense antiaériens (MANPADS) et de missile antichar guidé. Ces types d’armes comportent des risques colossaux pour l’aviation civile et le transport ferroviaire international, a-t-il alerté.
M. Nebenzia a relevé que la Première Ministre du Royaume-Uni, Mme Liz Truss, a ouvertement confirmé qu’elle était prête à utiliser des armes nucléaires. Les membres de l’OTAN ont-ils déjà franchi les « lignes rouges »? a-t-il lancé en notant qu’il est difficile de ne pas voir leurs actions comme une préparation à un affrontement militaire direct avec la Fédération de Russie. Nos anciens partenaires occidentaux ont le choix: Soit continuer à fournir des armes à la zone de conflit, ou forcer le régime de Zelenskyy à se mettre à la table des négociations et essayer d’éliminer les raisons qui nous ont poussés à démarrer l’opération militaire spéciale, a-t-il conclu.
Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) s’est dite inquiète des signaux qui tendent à confirmer une situation de « guerre d’usure » en Ukraine. L’humanité n’en a certainement pas besoin, et il est temp de faire taire les armes en Ukraine, a martelé la représentante, selon laquelle « plus d’armes, c’est assurément plus de morts et plus de guerre, plus de destructions, plus de détresse et plus de victimes parmi les populations civiles ». À ses yeux, la corrélation entre prolifération des armes et insécurité est évidente. Exhortant les parties à cesser toute escalade verbale et militaire ainsi que toute action de nature à envenimer les antagonismes, elle a estimé que le Conseil de sécurité doit justifier son label dans chacune de ses réunions car il est « le haut lieu de façonnement de la paix ». Il convient donc de faire converger nos énergies vers la recherche d’une solution au conflit, a-t-elle plaidé, assurant que son pays se tiendra aux côtés de ceux qui proposent des « voies alternatives au langage des armes ». Après avoir à nouveau appelé les parties à arrêter cette guerre, « et très vite », elle a exprimé sa profonde sympathie à l’endroit du Royaume-Uni et de son peuple à l’occasion du décès de la Reine Elizabeth II.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que la guerre « illégale et non provoquée » de la Russie constitue la menace la plus importante à la paix et la sécurité internationales à laquelle le monde est actuellement confronté. À ses yeux, l’Ukraine a le droit « légal et moral » de se défendre en vertu de la Charte des Nations Unies, comme elle l’a fait avec beaucoup de courage pour empêcher l’assaut de la Russie sur Kiev dans les premiers jours de la guerre.
Selon la représentante, la séance d’aujourd’hui met en évidence l’hypocrisie de la Russie et permet de mettre en lumière les pertes colossales des forces russes ainsi que la vulnérabilité de ses lignes d’approvisionnement alors qu’elle peine à maintenir ses stocks d’équipements et à combler les pénuries découlant des sanctions internationales. Et maintenant, la Russie se tourne vers l’Iran pour lui fournir des drones et, en violation flagrante des sanctions de l’ONU, vers la Corée du Nord pour acquérir des munitions, a-t-elle dénoncé. La déléguée a ensuite souligné que toute négociation doit reposer sur le retrait des troupes russes du territoire ukrainien et le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine.
M. RICHARD M. MILLS JR. (États-Unis) a estimé que cette réunion est une tentative de la Fédération de Russie de détourner l’attention de la communauté internationale de la réunion du Conseil d’hier qui portait sur les déplacements forcés de populations. Il a déclaré que les États-Unis sont fiers de se ternir aux côtés de l’Ukraine, en collaboration avec plus de 50 autres États. Nous ne cachons pas ce soutien et nous ne cesserons pas de le faire juste parce que la Fédération de Russie est irritée de nous voir soutenir un État souverain, a-t-il lancé. Il a ajouté que tous les pays ont le droit de se défendre, conformément à la Charte des Nations Unies. Si vous étiez à la place de l’Ukraine, comment réagiriez-vous, a lancé le délégué à l’endroit des membres du Conseil. Il a jugé fallacieux l’accusation russe selon laquelle l’Occident et les États-Unis essayent de prolonger le conflit. Il a rappelé que le Président Biden a bien dit que son pays ne cherche pas une guerre avec la Fédération de Russie, mais que les États-Unis condamnent l’invasion russe.
Poursuivant, le représentant a affirmé que Moscou est en train d’acheter pour des millions de dollars des roquettes nord-coréennes pour les utiliser en Ukraine, ce qui est une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité. Nous avons fourni une assistance sécuritaire pour que l’Ukraine se défende et nous les aidons aussi à gérer les retombées de la guerre, a indiqué le représentant en évoquant une allocation de près de 1,9 milliard de dollars pour les questions humanitaires. Préoccupé par la question du détournement des armes fournies à l’Ukraine, il a salué le sérieux accordé par le Gouvernement ukrainien à cette question.
Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a tout d’abord exprimé sa grande tristesse après la mort de la Reine Elizabeth II. Elle a ensuite regretté que les réunions du Conseil de sécurité n’aient pas soutenu de manière constructive les actions diplomatiques requises pour mettre fin aux hostilités en Ukraine. Compte tenu du peu de signes d’apaisement sur le terrain, elle a engagé la communauté internationale à consacrer tous ses efforts à la recherche d’une solution pacifique au conflit, mais en faisant en sorte que les parties dont les actions ab initio sont inacceptables au regard du droit international ne bénéficient d’aucun avantage. Elle s’est déclarée profondément préoccupée par la reprise des bombardements près de la centrale nucléaire de Zaporijia et a exhorté les parties à coopérer pour réaligner cette installation sur les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires définis par l’AIEA. Il faut aussi que soit délimitée de manière urgente une « zone de sécurité » autour de la centrale, a-t-elle plaidé.
La déléguée a également enjoint toutes les parties et acteurs à soutenir l’Initiative céréalière de la mer Noire afin de fournir une aide alimentaire aux parties du monde menacées par la famine. Constatant que la hausse des prix des carburants se traduit par des coûts de subsistance sans précédent, en particulier dans les pays en développement, elle a averti que des tensions se font jour parmi les populations en quête de survie. Nous devons donc travailler ensemble pour trouver des solutions durables et empêcher que l’aggravation de la crise énergétique dégénère en une crise de sécurité mondiale, a-t-elle lancé.
M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a rappelé que son pays a souligné à maintes reprises l’importance de se pencher sur les implications potentielles du transfert massif d’armes dans le cadre du conflit en Ukraine. Il s’est toutefois étonné de la précipitation avec laquelle cette réunion a été convoquée, mettant en garde contre l’improvisation sur des questions d’une telle importance. Depuis le début de la guerre, nous nous sommes réunis au moins 27 fois et, à ce jour, le Conseil s’est limité à publier une seule déclaration présidentielle, s’est insurgé le représentant, en dénonçant un bilan « clairement insuffisant compte tenu de la gravité de la crise ». Bien que la fourniture d’armes soit compréhensible en cas de légitime défense contre une invasion, elle doit s’accompagner des protections et garanties nécessaires pour minimiser les risques et empêcher leur détournement dans le but de commettre des violations des droits humains ou du droit international humanitaire. Nous devons également garder à l’esprit les implications de la prolifération d’armes parmi les civils, a relevé le représentant qui a cité en exemple le transfert, en 2014, du système de missiles sol-air Buk, qui a entraîné la destruction du vol MH-17 de Malaysia Airlines en Ukraine. Il a exhorté la communauté internationale à exiger un transfert d’armes responsable, et appelé les États parties au Traité sur le commerce des armes de se conformer pleinement à ses dispositions.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que la solidarité et le soutien de la communauté internationale à l’Ukraine se présentent sous différentes formes, évoquant notamment l’adoption, le 2 mars par 141 voix, de la résolution de l’Assemblée générale, l’accueil des personnes déracinées et l’aide humanitaire accordée à des millions d’autres. Et ce soutien vient aussi sous la forme d’interventions militaires défensives directes.
Selon lui, l’agression de la Fédération de Russie n’est pas seulement dirigée contre l’Ukraine et son peuple; c’est aussi une agression contre le droit international, contre la Charte des Nations Unies et l’architecture de sécurité européenne. Par conséquent, défendre l’Ukraine et l’aider aujourd’hui est à la fois un engagement moral, mais aussi un impératif de sécurité clef, a—t-il argué. La Fédération de Russie n’est pas allée en Ukraine avec des fleurs, mais avec des fusils. Il n’est donc pas surprenant qu’on ne lui ait pas souhaité la bienvenue avec des fleurs, mais avec des fusils, a-t-il dit.
Après avoir adressé à son tour ses condoléances au Royaume-Uni en ces « heures tristes » qui font suite au décès de la Reine Elizabeth II, Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a regretté que la situation en Ukraine n’ait pas montré de signe d’amélioration malgré les discussions régulières du Conseil, celle-ci étant la troisième en autant de jours dans cette seule semaine. Appelant la communauté internationale à continuer de répondre positivement aux besoins du peuple ukrainien, la représentante a indiqué que son pays a récemment expédié son douzième envoi d’aide humanitaire à l’Ukraine, conformément à l’approche centrée sur l’humain du Gouvernement indien. Cette approche, a souligné la déléguée, consiste à promouvoir le dialogue et la diplomatie avec pour principal objectif de mettre fin au conflit et d’atténuer avec d’autres partenaires les défis économiques émergents liés à la guerre russo-ukrainienne. Il est dans l’intérêt de tous de travailler à la recherche d’un règlement rapide à ce conflit, a-t-elle estimé.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a exprimé sa vive préoccupation devant les dommages causés par la guerre en Ukraine, ainsi que ses effets sur la sécurité régionale et internationale. Alors que tous les pays subissent les contrecoups de cette guerre, en Afrique, les aspirations au développement, à une action globale et solidaire contre les changements climatiques et à la sécurité continuent de se dégrader du fait de la poursuite du conflit. Selon lui, la mobilisation d’alliances militaires, le recours aux sanctions, les blocus et l’affaiblissement des institutions multilatérales privent les États de la capacité de résoudre collectivement les défis les plus graves. Le représentant a appelé les parties au conflit et leurs alliés à entamer des discussions visant à modifier leur position stratégique pour la rendre conforme à la Charte des Nations Unies. Plutôt que de provoquer une nouvelle rupture du multilatéralisme, il a invité la communauté internationale, et notamment les puissances militaires, à recourir à la Charte pour favoriser la coopération, le compromis et la désescalade.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré que les menaces et la force ne conduiront pas cette crise à un règlement. Il a estimé que le Traité sur le commerce des armes offre une ligne directrice précieuse pour les transferts d’armes. Il a notamment rappelé que le Traité souligne l’importance de respecter et faire respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme. Il exhorte aussi les États à « réglementer efficacement » leur commerce des armes, afin de prévenir les détournements, grâce à des systèmes de contrôle nationaux efficaces. Ces principes doivent servir les objectifs qui sont applicables à la crise actuelle, a-t-il conclu.
Après avoir rendu hommage à la Reine Elizabeth II, Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé les parties à prendre toutes les mesures possibles pour parvenir à un règlement pacifique du conflit en Ukraine. Elle a également souligné l’importance de garantir la transparence des transferts d’armes, jugeant essentiel que les destinataires d’armes et de munitions soient recensés pour éviter que ces armes se retrouvent entre les mains de terroristes.
Elle s’est dite préoccupée par les alertes lancées en juin par INTERPOL quant au danger de la disponibilité d’armes, notamment d’armes légères faciles à transporter, et au risque que des groupes criminels exploitent leur prolifération. Elle a donc appuyé l’appel d’INTERPOL en faveur de l’arrivée en Ukraine d’experts en traçage des armes. Avertissant du risque de recrudescence de la criminalité transnationale organisée que font courir ces flux, elle a aussi constaté des retombées sur la maîtrise mondiale des armements, comme le montre l’absence d’accord à la dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. À ses yeux, les attaques terroristes récentes des Chabab en Somalie ou les bombardements à l’artillerie lourde des houthistes au Yémen rappellent les risques liés à une application limitée des mécanismes de maîtrise des armements. Dans ce contexte, la déléguée a estimé que cette troisième réunion en trois jours sur l’Ukraine montre la gravité de la situation ainsi que le caractère multidimensionnel des défis auxquels le Conseil est confronté pour s’acquitter de sa responsabilité en matière de paix et de sécurité internationales.
M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a d’emblée exprimé ses profondes condoléances au Royaume-Uni à la suite du décès de la Reine Elizabeth II. Revenant à la situation en Ukraine, il a constaté que malgré la décision de la Russie de reconnaître comme entités indépendantes les zones non contrôlées par le Gouvernement des régions de Donetsk et Louhansk, les frontières de l’Ukraine « n’ont pas changé d’un iota », et ce, depuis 2014. Le délégué a ensuite relevé que rien ne prouve que des détournements d’armes ont lieu et que les exportations vers l’Ukraine ne sont pas opérées conformément aux lois et procédures internationales. Rappelant à cet égard que l’Union européenne fournit un soutien militaire à l’Ukraine pour l’aider à exercer son droit à la légitime défense et à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté, il a enjoint la Russie à cesser d’utiliser le Conseil de sécurité comme « plateforme pour ses campagnes de désinformation », à ne plus se faire passer pour « la victime de sa propre agression » et à assumer les actes odieux qu’elle a commis en Ukraine. « Une fois de plus, nous appelons la Russie à renoncer. »
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a réitéré que la Fédération de Russie doit respecter l’ordonnance de la Cour internationale de Justice et cesser immédiatement ses opérations militaires en Ukraine. Elle a réaffirmé son soutien à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et a appelé la Russie à mettre fin à ses attaques indiscriminées. L’Ukraine, a-t-elle souligné, a le droit de se défendre contre les attaques armées de la Russie, comme le prévoit l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, tout comme les autres États sont en droit de répondre positivement à son appel à l’aide dans l’exercice de sa légitime défense.
M. GENG SHUANG (Chine) a indiqué que depuis le début de la crise en Ukraine, son pays a insisté sur le fait que les fournisseurs d’armes allaient aggraver le problème, s’inquiétant du risque que de nombreuses armes tombent entre de mauvaises mains. Il a cité l’exemple de l’Afghanistan où 70 milliards de dollars d’équipements militaires ont été abandonnés par les pays étrangers après leur retrait précipité. Ces armes sont aujourd’hui vendues en plein jour, a-t-il dit. Le représentant a également évoqué des armes laissées dans les années 90 en Somalie, lesquelles sont aujourd’hui utilisées par des terroristes. En Chine également, les envahisseurs avaient laissé des armes chimiques dans les années 30 et 40, et ces armes continuent de menacer la sécurité des populations aujourd’hui. La crise actuelle nous montre de manière brutale que la confrontation ne peut conduire à la paix, a argué le délégué, avant d’inviter toutes les parties à utiliser la diplomatie pour parvenir à un cessez-le-feu.
Après avoir exprimé ses condoléances au Royaume-Uni, M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que la Russie porte seule la responsabilité de la situation actuelle. C’est elle qui alimente le conflit chaque jour en poursuivant sur le terrain son agression armée, a-t-il constaté, avant d’affirmer que la France a fait le choix résolu d’aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale. « Elle l’a fait parce qu’aujourd’hui, l’Ukraine se bat pour des valeurs et des principes qui sont les nôtres, et qui sont aussi ceux de la Charte des Nations Unies. » C’est pourquoi, a-t-il dit, la France apporte à titre national un soutien militaire à l’Ukraine. Elle le fait également au niveau de l’Union européenne, avec la décision prise collectivement de financer des armements pour permettre à l’Ukraine de résister à l’agression russe.
« Nous voulons construire les conditions qui permettront, à un moment que choisira l’Ukraine, soit une victoire militaire, soit une paix négociée dans les termes qui ne seront pas ceux auxquels elle serait livrée si nous l’abandonnions à son sort », a justifié le délégué. Il a ajouté que cette aide militaire se poursuivra tant que durera l’agression menée par la Russie, parallèlement à l’aide humanitaire, économique, politique que la France et l’UE fournissent à l’Ukraine. Récusant à cet égard les arguments selon lesquels cette guerre et sa poursuite seraient le fait des Ukrainiens ou des Européens, il a appelé à ne pas « inverser les responsabilités ». Si nous voulons faire taire les armes, la solution est connue, a-t-il ajouté, rappelant la décision de la Cour internationale de Justice en date du 16 mars en vertu de laquelle la Russie doit cesser immédiatement toutes ses opérations militaires en Ukraine.
M. Nebenzia (Russie) a repris la parole pour rappeler aux sponsors et parrains de Kiev que des armes dites de défense sont utilisées contre les populations. Il a aussi demandé des preuves sur les soi-disant achats d’armes nord-coréennes par la Fédération de Russie. Nous ne nous étonnons plus de rien provenant des médias occidentaux, a-t-il ironisé.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a rappelé qu’en 2008, lorsque la Russie a envahi la Géorgie, la Reine Elizabeth II avait déclaré que « lorsque la vie semble difficile, les braves ne baissent pas les bras et n’acceptent pas la défaite; ils sont d’autant plus résolus à se battre pour un avenir meilleur ». En 2022, la Russie a violé les normes et principes de pratiquement tous les accords bilatéraux et multilatéraux, y compris l’Acte final d’Helsinki et la Charte des Nations Unies. « Nul sur terre, à l’exception de Damas et Pyongyang, ne remettrait cela en cause », a estimé le représentant, pour qui le droit international donne à l’Ukraine, « de façon explicite », le droit à la légitime défense. Seule la Russie, occupant le siège permanent de l’Union soviétique, est à l’origine de la paralysie du Conseil de sécurité pour mettre fin à la guerre, a-t-il relevé. Nous continuerons de nous battre jusqu’à ce que le dernier centimètre carré du territoire souverain de l’Ukraine, y compris la Crimée, soit libéré, dans le strict respect de l’Article 51 de la Charte, a poursuivi le représentant. La seule chose que Putin peut faire pour sauver la vie de ses soldats est d’ordonner leur retrait immédiat, a-t-il prévenu. Le degré de souffrances humaines, de destruction, ainsi que l’ampleur des retombées mondiales de la guerre d’agression russe montrent que lutter contre Putin aujourd’hui ne peut être comparé qu’à notre lutte commune contre Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale, a encore dit le délégué. Comme l’ont reconnu Churchill et Staline, la victoire aurait été impossible sans l’aide militaire des États-Unis. Il a exhorté à cet égard la Russie à respecter le Conseil de sécurité et à cesser de se bercer d’illusions.