9126e séance – après-midi
CS/15023

Ukraine: le Conseil de sécurité examine les violations des droits humains dans les territoires occupés par la Russie et les allégations de « filtrage »

Faute de pouvoir mettre un terme à la « guerre insensée » en Ukraine, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a exhorté, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, la communauté internationale à continuer d’enregistrer les « conséquences horribles » de l’invasion russe aussi fidèlement que possible afin de s’assurer que les crimes commis ne resteront pas impunis. 

Depuis le début du conflit en Ukraine, 13 917 victimes civiles ont été enregistrées, dont 5 718 tués, a informé Mme Rosemary DiCarlo, en précisant qu’il ne s’agit là que de chiffres vérifiés.  Plus de 6,9 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, une augmentation de 330 000 personnes depuis le 24 août dernier, date de son dernier exposé devant le Conseil, tandis que le nombre de réfugiés atteint 7 millions de personnes.  Des chiffres qui ne peuvent rendre compte de l’ampleur de la tragédie, a-t-elle reconnu.  

Appuyée par plusieurs délégations, Mme DiCarlo a également appelé à mener des enquêtes sur les allégations persistantes de déplacements forcés, de déportations et de « camps de filtration » dans les zones occupées par la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien.  La Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a de son côté fait état d’allégations crédibles concernant des transferts forcés d’enfants non accompagnés vers la Russie et les territoires occupés.  Mme Ilze Brands Kehris a prévenu que le récent assouplissement de la législation russe permettant d’accorder la nationalité russe aux enfants sans parents contrevient à la quatrième Convention de Genève.  « Notre bureau a pu vérifier que les forces armées russes et les groupes affiliés ont pu soumettre les civils à une procédure de filtration », une pratique incompatible avec les droits humains, a précisé Mme Kehris. 

La délégation ukrainienne a, quant à elle, dénoncé la poursuite des déportations forcées de citoyens ukrainiens sur son territoire, qui toucheraient près de 2,5 millions de personnes, dont 38 000 enfants.  En bloquant l’évacuation vers l’Ukraine continentale, la Russie ne laisse à la population civile des zones occupées d’autre choix que de se rendre sur le territoire russe ou en Crimée occupée, a dénoncé sa représentante.

La Lettonie, s’exprimant au nom des États Baltes, a condamné à son tour la conscription dans les forces russes de citoyens ukrainiens vivant dans les territoires temporairement occupés, ainsi que la déportation de civils vers la Russie, le transfert et l’adoption illégale d’enfants ukrainiens et l’enlèvement de civils.  À l’instar de l’Italie, plusieurs pays ont également demandé à la Russie d’accorder aux agences onusiennes un accès sans entraves aux lieux où se trouvent ces civils.

Pour la Coordonnatrice de la coopération internationale au Center for Civil Liberties (CCL), la Russie ne fait qu’étendre aux territoires ukrainiens occupés par la Russie depuis février 2022 des pratiques illégales auxquelles elle avait déjà recours dans les territoires qu’elle occupe depuis 2014.  Ces territoires sont des zones de « non-droit » dans lesquelles le Gouvernement russe se soustrait à ses responsabilités en tant que puissance occupante en vertu du droit international, a fustigé Mme Oleksandra Drik. 

Une position partagée par la France, rejointe par l’Albanie, le Royaume-Uni ou les États-Unis, qui ont dénoncé les transferts forcés de civils ukrainiens vers des zones occupées par la Russie ou vers la Russie.  Les autorités russes auraient également soumis des civils ukrainiens à des conditions de détention inhumaines et à des processus de « filtrage », actes d’une « extrême gravité » qui pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a déclaré son représentant, qui a jugé « indispensables » les enquêtes ouvertes par la Cour pénale internationale, la Commission d’enquête internationale indépendante créée par le Conseil des droits de l’homme et les autorités judiciaires ukrainiennes.  

À l’opposé, la Fédération de Russie a estimé que cette séance du Conseil de sécurité marquera un nouveau jalon dans « la campagne de désinformation lancée par l’Ukraine et ses parrains occidentaux contre la Russie », dans la foulée des « fabrications » de crimes à Boutcha, Kramatorsk et ailleurs en Ukraine.  Les autorités russes, a-t-il assuré, traitent les demandes des Ukrainiens qui souhaitent se rendre en Russie et traduisent en justice les criminels de guerre, « une pratique normale pour toute armée ». 

De leur côté, la Chine, l’Inde et le Brésil ont essentiellement souhaité la poursuite des efforts diplomatiques et du dialogue entre les parties.

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a par ailleurs jugé « extrêmement préoccupants » les effets du conflit sur les pays déjà gravement touchés par les changements climatiques, la sécheresse ou l’instabilité, citant l’exemple de la Somalie qui achetait, avant la guerre, 90% de son blé en Russie et en Ukraine, et qui se trouve maintenant au bord de la famine. 

Toutefois, l’Initiative céréalière de la mer Noire continue de permettre les exportations de produits alimentaires depuis l’Ukraine alors que, depuis le 1er août, 100 navires ont transporté depuis l’Ukraine plus de 2 300 tonnes métriques de céréales sur trois continents, y compris le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a affrété 3 navires jusqu’à présent, a-t-elle ajouté.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a fait état de 13 917 victimes civiles depuis le début du conflit en Ukraine, y compris 5 718 tués, dont 372 enfants, et 8 199 blessés, dont 635 enfants, précisant qu’il ne s’agit là que de chiffres vérifiés, le nombre réel de victimes étant sans doute beaucoup plus élevé.  Plus de 6,9 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, soit une augmentation de 330 000 personnes depuis son dernier exposé, le 24 août dernier, et le nombre de réfugiés s’élève maintenant à 7 millions de personnes.  Après avoir reconnu que ces chiffres ne peuvent rendre compte de l’ampleur de la tragédie, elle a estimé que « face à l’incapacité de la communauté internationale à mettre un terme à cette guerre insensée, nous devons continuer à enregistrer ses conséquences horribles aussi fidèlement et précisément que possible ».

Poursuivant, Mme DiCarlo a expliqué que l’ONU continue de se mobiliser pour faire face à l’impact massif de la guerre sur les civils.  Ainsi, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé une évaluation des conséquences de la guerre sur la santé, l’accès à l’éducation et la sécurité alimentaire, dont les résultats devraient être connus en décembre 2022.  Alors que les besoins humanitaires vont croissant, la réponse des Nations Unies s’est élargie et touche désormais 12,7 millions de personnes.  Elle s’est toutefois inquiétée du manque d’accès humanitaire aux Ukrainiens vivant dans des zones qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement ukrainien, alors que l’aide ne parvient qu’à 1 million de personnes dans ces zones.

Les effets du conflit sur les pays déjà gravement touchés par les changements climatiques, la sécheresse ou l’instabilité demeurent « extrêmement préoccupants », a informé Mme DiCarlo, citant l’exemple la Somalie, qui achetait, avant février 2022, au moins 90% de son blé en Russie et en Ukraine, et qui est maintenant au bord de la famine selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.  Toutefois, l’Initiative céréalière de la mer Noire continue de permettre les exportations de produits alimentaires depuis l’Ukraine alors que, depuis le 1er août, 100 navires ont transporté depuis l’Ukraine plus de 2 300 tonnes métriques de céréales sur trois continents, y compris le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a affrété trois navires jusqu’à présent.  Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix mondiaux des produits alimentaires sont à la baisse, bien qu’ils demeurent élevés. 

S’agissant de la centrale nucléaire de Zaporijia, la Secrétaire générale adjointe s’est félicitée du rapport de mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui contient des recommandations visant à assurer la désescalade à la centrale, notamment au moyen de la création d’une zone de protection de la sûreté et de la sécurité nucléaires (NSSPZ), afin d’assurer la sécurité du personnel et de maintenir l’intégrité physique de la centrale. 

En outre, une mission d’établissement des faits se rendra à Olenivka afin d’enquêter sur l’incident du 29 juillet qui a entraîné la mort de 53 prisonniers de guerre ukrainiens.  Mme DiCarlo a également appelé à mener des enquêtes sur les allégations persistantes de déplacements forcés, de déportations et de « camps de filtration » gérés par la Fédération de Russie et les forces locales. 

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a indiqué que les violations des droits commises dans les territoires occupés par la Russie ont contraint nombre de civils à fuir.  Elle a mentionné les allégations crédibles faisant état de transferts forcés d’enfants non accompagnés vers la Russie et les territoires occupés par la Russie.  Elle s’est dite préoccupée devant le récent assouplissement de la législation russe afin d’accorder la nationalité russe à des enfants sans parents.  La quatrième Convention de Genève interdit à la Russie de changer la nationalité des enfants.  « Notre bureau a pu vérifier que les forces armées russes et les groupes affiliés ont pu soumettre les civils à une procédure de filtration, un système de vérification sécuritaire. »  Mme Kehris s’est dite préoccupée qu’une telle vérification, qui peut être suivie d’une détention, ne respecte pas les principes de nécessité et de proportionnalité.  Cette pratique a abouti à des violations des droits humains, a-t-elle dit, en pointant les risques de violence sexuelle pesant sur les femmes lors de ces vérifications qui peuvent aller jusqu’au déshabillement des personnes. 

La Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a encore fait part d’informations crédibles selon lesquelles des hommes et femmes avec des liens avec les institutions ukrainiennes ont été soumis à des actes de torture et des mauvais traitements.  Ils ont été transférés dans des colonies pénitentiaires et ont été torturés afin de livrer une « prétendue confession » sur leur coopération active avec le Gouvernement ukrainien.  Enfin, Mme Kehris a exhorté la Russie à accorder un accès sans entraves et confidentiel à son bureau dans tous les centres de détention placés sous son contrôle, notamment les lieux où sont détenus les personnes soumises à ladite « filtration ».  « Nous exhortons la communauté internationale à continuer d’appuyer les citoyens et résidents ukrainiens ayant dû fuir leurs foyers. »

Mme OLEKSANDRA DRIK, Coordonnatrice de la coopération internationale, Center for Civil Liberties (CCL), a accusé la Russie de mettre en œuvre des politiques illégales dans le territoire occupé de l’Ukraine depuis huit ans, des pratiques ensuite élargies à d’autres territoires occupés par la Russie en Ukraine depuis février, énumérant un certain nombre de violations des droits humains commises sur des Ukrainiens.  D’après les témoignages qu’elle a reçus, certaines des personnes qui ont été torturées indiquent que l’objectif des Russes était de leur faire avouer des liens supposés avec l’armée ukrainienne.  Beaucoup de gens sont en fait enlevés, kidnappés chez eux et disparaissent des territoires occupés; ensuite on apprend qu’ils sont dans un centre de détention au Bélarus ou en Russie, a relaté l’intervenante, en assurant qu’il ne s’agissait pas de cas isolés: une organisation de défense des droits humains a reçu déjà des informations au sujet de 600 cas, c’est là une « activité systématique planifiée et organisée ». 

Il existe donc une zone de non-droit créée par les Russes sur le territoire ukrainien et le Gouvernement russe se soustrait à ses responsabilités alors que des crimes atroces sont perpétrés, a fustigé Mme Drik.  Or, en tant que puissance occupante, la Russie doit respecter le droit international.  Aussi a-t-elle demandé la création d’un mécanisme de contrôle approprié du respect du droit international par la Russie avant d’insister quant au fait que doit cesser la détention illégale des Ukrainiens qui ne passent pas par les centres de filtration.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a jugé à la fois préoccupantes et troublantes les allégations de déportation et de détention d’Ukrainiens par des forces russes.  Mais ce ne sont plus de simples allégations, ce sont des faits confirmés de façon détaillée et douloureuse sur la base d’informations concordantes et vérifiées, a-t-il dénoncé.  La conclusion en est « sidérante ».  Selon le représentant, « la Russie est en train de revoir la composition démographique de la région ».  Malgré les demandes présentées, aucun observateur n’a pu se déplacer sur le terrain pour examiner ces centres de détention, qu’il a qualifiés de « trous noirs » dans lesquels les Ukrainiens subissent la torture.  Selon un rapport publié récemment, les forces russes ont transféré de force des Ukrainiens dans des zones occupées et parfois dans des endroits reculés en Russie.  Il y a donc des déplacements forcés d’adultes et d’enfants, a conclu M. Hoxha, en se fondant sur les données recueillies, notamment des empreintes digitales et des photos. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dépeint dans le détail la vie des Ukrainiens ordinaires vivant dans les zones occupées par la Russie en Ukraine, qui courent à tout moment le risque d’être emmenés dans des centres de filtration russes.  Elle a dressé un parallèle avec les déportations, la conscription forcée et les tortures qui prévalaient en Union soviétique ou encore en Tchétchénie, pendant la guerre, telles que documentées par des rapports crédibles émanant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de Human Rights Watch et d’autres organisations.  La filtration intervient dans le cadre d’arrestations dans les rues et à des points de contrôle arbitraires où des gens sont arrêtés ou pris en otage.  Les autorités russes ont ainsi détenu, transféré et déporté entre 900 000 et 1,6 million d’Ukrainiens dans l’est de la Russie, a dénoncé la représentante.  Elles tiennent en outre des listes de personnes à arrêter et assurent le suivi de ces opérations qui touchent des millions d’enfants soumis à l’adoption forcée en Russie.  Alors que les preuves de ces comportements s’accumulent, la représentante a prévenu que ces actions peuvent représenter des « crimes de guerre ».  Toute personne faisant l’objet d’opérations de filtration doit avoir accès à une agence humanitaire en mesure d’attester de son bien-être, a martelé Mme Thomas-Greenfield.  Pourquoi la Russie fait-elle tout son possible pour effacer la mémoire vivante de l’Ukraine, s’est-elle encore demandé?  Il s’agit selon elle de « préparer une annexion de l’Ukraine par la force tout en appliquant un vernis de légitimité, notamment à l’aide de référendums factices ».  On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas, a-t-elle conclu. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que les civils ukrainiens sont soumis à des interrogatoires, fouilles, mauvais traitements et actes de torture lorsqu’ils se trouvent dans des camps de filtration.  Certains civils jugés « menaçants » seraient détenus sine die dans des centres de détention, alors que d’autres, y compris des mineurs non accompagnés, sont déportés de force vers la Fédération de Russie.  La représentante a par conséquent demandé à celle-ci de permettre à l’ONU et aux autres organisations internationales pertinentes d’avoir un accès immédiat et sans entrave à toutes les personnes détenues dans des camps de filtration et dans des centres de détention.  Mme Woodward s’est également dite préoccupée par le fait que la Russie pourrait utiliser les déportations et déplacements forcés pour « changer la composition démographique de certaines régions ukrainiennes ».  Moscou agit comme si la Charte des Nations Unies et le droit international humanitaire ne s’appliquaient pas à elle.  Ses agissements confirment qu’il ne s’agit pas seulement d’une tentative de détruire la démocratie ukrainienne, mais d’une tentative de détruire l’identité et la culture ukrainienne, soit une véritable « désukrainisation », a lancé la représentante en conclusion. 

M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que la communauté internationale doit continuer de prêter main forte à l’Ukraine et à ses voisins en apportant une aide aux nécessiteux dans les conditions propices à un retour volontaire des réfugiés et déplacés.  Il a ensuite plaidé pour que soient assurées la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Aucun incident ne doit être toléré, a-t-il insisté, appelant les parties concernées à mettre en œuvre de bonne foi les sept piliers proposés par le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et à s’abstenir de tout acte qui pourrait mettre à mal la sûreté et la sécurité nucléaires.  Le délégué a encouragé l’Ukraine à poursuivre la coopération et la communication au sujet des questions humanitaires et à appuyer l’ONU pour qu’elle puisse fournir une aide à l’Ukraine et aux pays voisins sur la base des principes de neutralité d’impartialité et de non-politisation.  Pour la Chine, les efforts diplomatiques et la négociation constituent la seule manière viable de régler les conflits et crises.  Aussi le représentant a-t-il appelé « une fois encore » les parties concernées à poursuivre leurs interactions, à envisager des solutions politiques et à œuvrer en vue d’une cessation rapide des hostilités pour rétablir la paix et la stabilité.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a fait observer l’impact débilitant des conflits sur la situation humanitaire dans le monde, que ce soit en Afghanistan, au Yémen, au Mali, au Soudan ou en Ukraine.  Les parties aux conflits semblent considérer la population et les infrastructures civiles comme des cibles légitimes, a-t-elle relevé, tout en s’inquiétant des conséquences de ces actions sur les groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, ainsi que sur les hôpitaux et le patrimoine culturel.  Selon elle, seuls le dialogue et la diplomatie permettront d’y mettre un terme.  Alors que la situation sécuritaire et humanitaire en Ukraine reste grave, la déléguée a exprimé l’espoir que la communauté internationale continuera de répondre aux besoins croissants, notamment au moyen de l’acheminement des fournitures humanitaires et médicales essentielles.  Pour sa part, l’Inde a récemment expédié son douzième envoi d’aide humanitaire en Ukraine.  La représentante s’est également inquiétée de l’impact du conflit sur la sécurité alimentaire, les engrais et le carburant, notamment dans les pays en développement.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déploré l’intensification des hostilités, laissant augurer un conflit long avec des conséquences graves pour le monde.  « Parler ne suffit pas, il faut prendre les mesures permettant de remédier aux conséquences du conflit s’agissant notamment de la sécurité alimentaire des pays en développement », a déclaré le délégué.  Il a condamné tout recours à la force et appelé à la cessation des hostilités, avant de souligner la nécessité de respecter les préoccupations sécuritaires des parties.  « Isoler l’une ou l’autre partie ou fermer la porte au dialogue ne permettra pas de régler le conflit », a prévenu le délégué.  La présence des inspecteurs de l’AIEA dans la centrale de Zaporijia et les récents accords sur l’acheminement du blé ukrainien montrent que des concessions réalistes peuvent ouvrir une voie vers la paix, a-t-il conclu.

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a condamné les violations des droits humains commises contre les civils en Ukraine, y compris les allégations de cas de filtration et autres actes qui pourraient constituer des crimes de guerre.  Les opérations de filtration peuvent être inhumaines et violer le droit international humanitaire, a prévenu la déléguée, en demandant des enquêtes indépendantes sur lesdites allégations.  Les attaques contre les zones civiles densément peuplées et la destruction des infrastructures civiles sont inacceptables et doivent cesser.  Elle a appelé la Russie à retirer ses forces d’Ukraine et rappelé qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit.  Enfin, elle a indiqué que son pays ne reconnaît aucune annexion unilatérale de territoire par la force.

Pour Mme MONA JUUL (Norvège), il ne fait aucun doute que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a des conséquences tragiques et humanitaires.  Cette invasion illégale viole les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies.  La Russie doit retirer ses troupes et la guerre doit cesser, a pressé la déléguée, déplorant le nombre « alarmant et inacceptable » de victimes civiles.  Plus de 7 millions de personnes ont traversé la frontière pour fuir la guerre, cherchant une protection dans les pays voisins et autres.  Un nombre à peu près équivalent est déplacé à l’intérieur de l’Ukraine.  « Derrière ces chiffres se cachent de vraies personnes -des familles, des enfants et des personnes handicapées- qui ont toutes besoin de protection, de services de santé et d’éducation. »  Jugeant le rétablissement des liens familiaux de la plus haute importance, la déléguée a appelé à prévenir et combattre la traite des êtres humains et les autres abus dont sont victimes ceux qui ont un besoin urgent d’assistance.  Toutes les parties ont l’obligation de protéger les civils, de sauvegarder et de garantir leurs droits de l’homme et leurs libertés fondamentales.  Pour finir, elle a rappelé que les mesures visant à modifier la composition démographique d’un territoire occupé sont interdites par le droit international humanitaire et peuvent constituer des crimes de guerre. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que la présente séance, convoquée à la demande des États-Unis et de l’Albanie, marquera un nouveau jalon dans « la campagne de désinformation lancée par l’Ukraine et ses parrains occidentaux contre la Russie ».  La tactique de l’Occident, qui mène selon lui une guerre hybride en Ukraine, est claire: il s’agit de dépeindre négativement « l’opération militaire spéciale » que nous menons.  Il a dénoncé les « fabrications » de crimes à Boutcha, Kramatorsk et ailleurs en Ukraine, infirmées par des témoignages que tente de cacher l’Occident.  Selon le représentant, les prétendues filtrations appliquées à l’encontre de citoyens Ukraine sont « des films d’horreur fabriqués par le ministère de la propagande ukrainien ».  Le terme « filtration » ne jouit pas d’une définition claire en vertu du droit international humanitaire, a-t-il argué, avant d’assurer que les autorités russes traitent les demandes des ukrainiens qui souhaitent se rendre en Russie et traduisent en justice les criminels de guerre, « une pratique normale pour toute armée ».  S’agissant des mesures de filtration, M. Nebenzia a établi un parallèle avec le programme de déportation vers le Mexique de millions de déplacés par les États-Unis.  La Russie est le principal pays d’accueil des réfugiés ukrainiens, a fait valoir le représentant, alors que 3,7 millions d’Ukrainiens ont rejoint la Russie, dont 600 000 enfants, où ils sont « libres de circuler et de quitter le pays ».  De plus, 1 500 centres d’accueil ont été mis sur pied en Russie, où les bénéficiaires reçoivent des services de base.  Comme sur le territoire de l’Union européenne, les Ukrainiens qui se rendent en Russie font l’objet d’une procédure d’enregistrement et non de filtration, a affirmé le représentant.  Il a dénoncé les évacuations obligatoires de civils des zones de Donetsk et Louhansk sous contrôle ukrainien alors qu’ils ne courent aucun danger.  Le délégué s’est également demandé comment les Ukrainiens qui commettent des attentats en Russie auraient pu commettre leurs crimes s’il y avait de tels centres de filtration. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a qualifié d’alarmantes les informations selon lesquelles des personnes déplacées seraient soumises à une procédure de « filtration ».  Il a demandé une enquête indépendante sur ces allégations afin que le Conseil puisse prendre les mesures nécessaires, avant de plaider pour l’accès des agences onusiennes aux déplacés passés par ces camps de filtration.  M. Kiboino a par ailleurs indiqué se souvenir avec beaucoup d’acuité du traitement différentiel qui avait été réservé aux personnes d’ascendance africaine ayant fui l’Ukraine lorsque la guerre a éclaté.  Il a appelé tous les États à revoir leurs lois et procédures, à remédier aux discriminations raciales et à traiter les réfugiés et les demandeurs d’asile avec la dignité qu’ils méritent.  « Nous appelons à la cessation du conflit en Ukraine et au retour de la diplomatie. »

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rappelé que la crise en Ukraine est en constante évolution, l’identification des besoins nouveaux et émergents et l’atténuation des menaces pesant sur les groupes vulnérables constituant une priorité et un défi.  Il a cité les femmes et les filles, mettant en garde contre l’impact des hostilités sur l’interruption des services destinés aux victimes de violences sexuelles.  Le délégué a ensuite souligné l’importance de s’attaquer à la menace que représente le trafic à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution et au risque d’exploitation et de trafic de réfugiés.  Pour toutes ces raisons, le Mexique a estimé que des réponses et des stratégies humanitaires axées sur le genre devaient être privilégiées. 

Le représentant a ensuite évoqué le sort des enfants, le Haut-Commissariat pour les réfugiés et l’UNICEF ayant jugé primordial de garantir l’identification immédiate, l’enregistrement, la protection et la prise en charge adéquate des enfants non accompagnés et/ou séparés, et d’éviter les adoptions pendant ou immédiatement après une situation d’urgence.  « Nous suivrons avec intérêt les conclusions de la Commission internationale indépendante d’enquête en Ukraine sur l’impact de la guerre sur les enfants. »  Enfin, M. de la Fuente Ramírez a déclaré que 2,7 millions de personnes handicapées en Ukraine ont un accès limité aux abris, aux services de santé ou aux réseaux de soutien.  En outre, une personne handicapée sur quatre est âgée de plus de 60 ans et nombre d’entre elles rencontrent des difficultés pour accéder aux retraites, aux médicaments et aux autres services de santé. 

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a appelé la Russie à respecter le droit international humanitaire et condamné toute attaque indiscriminée.  Il a dénoncé les violations odieuses perpétrées en Ukraine, en citant notamment les allégations de déportations d’Ukrainiens, y compris des enfants, dans les zones occupées par les forces russes.  « De telles violations pourraient constituer des crimes de guerre. »  M. Mythen a mentionné les informations sur les cas de violence sexuelle commise par les forces russes.  Le viol n’est pas inhérent à la guerre, mais un acte délibéré susceptible de constituer un crime de guerre, a-t-il mis en garde.  « Il ne doit pas y avoir d’impunité pour de tels crimes. »  Enfin, le délégué a dénoncé les mauvais traitements dont les prisonniers de guerre font l’objet et rappelé que ces derniers doivent être traités avec humanité en vertu du droit international.  L’Irlande appelle de nouveau la Russie à cesser son agression.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a dit qu’alors que parents et enfants à travers le monde se préparent avec enthousiasme à la rentrée scolaire, les images d’enfants ukrainiens dans leur salle de classe ont montré leur résilience.  La guerre n’a pas épargné les 2 300 établissements d’enseignement scolaire, puisque 300 d’entre eux ont été détruits, a-t-elle déploré.  Selon les estimations de l’UNICEF, quelque 2 millions d’enfants auraient quitté leur pays et nombre d’entre eux sont des déplacés internes.  Certes, certains auront la possibilité de suivre les cours en ligne, mais la majorité auront besoin d’une école dans leur nouveau lieu de vie.  Le traumatisme causé aux enfants devrait être examiné par les autorités russe et ukrainienne, a-t-elle recommandé.

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) s’est dite alarmée par les allégations faisant état de l’existence de camps de filtration et de recours au fichage aussi bien de civils que de prisonniers de guerre, assortis de mauvais traitement, de recours au travail forcé et de cas de torture.  Des allégations particulièrement graves qui, si elles étaient avérées, seraient inconcevables et inacceptables, car, a-t-elle martelé, « l’état de guerre n’est pas un état de non-droit et la détresse humaine ne peut être un objet de spéculation, de chantage ou d’échange ».  Il est particulièrement horrifiant de savoir que des enfants, dont le nombre se compte par centaines de milliers, seraient aussi concernés par ces traitements inhumains, s’est inquiétée la déléguée.  Sur un sujet aussi grave, des enquêtes indépendantes et impartiales doivent être menées pour établir les faits et les responsabilités, a-t-elle conclu.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que la guerre d’agression que conduit la Russie depuis bientôt sept mois, « en violation de tous les principes du droit international et de la Charte », a des conséquences insupportables pour les populations civiles.  Alors que les conséquences de cette guerre « illicite et injustifiée » se font sentir partout dans le monde, la population ukrainienne paie le plus lourd tribut, a-t-il noté.  Il s’est dit choqué et préoccupé par les informations concernant le transfert forcé de civils ukrainiens vers des zones occupées par la Russie ou vers la Russie.  Les autorités russes auraient également soumis des civils ukrainiens à des conditions de détention inhumaines et à des processus de « filtrage », actes d’une « extrême gravité » qui pourraient constituer « des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».  M. de Rivière a répété que les crimes commis en Ukraine font, dans leur intégralité, l’objet d’enquêtes rigoureuses et d’analyses criminalistiques qui permettront leur examen par la justice.  « Leurs auteurs devront rendre des comptes.  Rien ne pourra rester caché », a martelé le représentant.  Afin de lutter contre l’impunité, il a estimé indispensables les enquêtes ouvertes par la Cour pénale internationale (CPI), la Commission d’enquête internationale indépendante créée par le Conseil des droits de l’homme et les autorités judiciaires ukrainiennes.

Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) a indiqué que les souffrances humaines infligées par les occupants russes ont prouvé une fois de plus que la seule option pour mettre fin à cette guerre est de « tenir l’agresseur pour responsable de ses actions criminelles ».  Elle a évoqué l’énorme quantité de crimes commis dans les territoires occupés de l’Ukraine et les antécédents criminels de nombreux soldats russes recrutés récemment pour la guerre contre l’Ukraine.  « L’histoire du meurtrier russe Ivan Neparatov met en évidence le niveau de dégradation morale du régime de Putin.  En 2013, cet individu était le chef d’un gang, condamné à 25 ans de prison pour le meurtre de cinq personnes et des agressions armées », a accusé la représentante.  « Aucune morale, la volonté de tuer et de terroriser » - voilà le personnel accueilli aujourd’hui à bras ouverts par les recruteurs de l’armée russe.  Ainsi, après avoir purgé moins de la moitié de sa peine, Neparatov s’est vu proposer de signer un contrat avec le groupe Wagner, l’« infâme » société militaire privée appartenant au « copain » de Putin, Yevgeny Prigozhin.  Le meurtrier a rejoint les forces d’occupation russes dans le Donbass, a été tué peu de temps après, avant de recevoir une haute décoration militaire.  En effet, a conclu la représentante, les meurtriers et les criminels sont des « héros » russes modernes, comme le prouve une autre récompense décernée par Putin à la 64e brigade motorisée russe, responsable du massacre de Boutcha.  La Russie, a-t-elle poursuivi, a intensifié le recrutement de prisonniers, leur offrant l’amnistie en échange de leur engagement dans les unités militaires en Ukraine, alors que le nombre d’incidents avec des militaires réguliers russes refusant de se battre dans notre pays ne cesse de croître.  Mais aujourd’hui, près de 200 jours après le début de l’invasion, nous sommes plus que confiants dans notre victoire, a déclaré la déléguée ukrainienne.  « Malgré le fait que l’ennemi soit toujours sur nos terres, malgré le fait que nous ayons encore un long chemin à parcourir pour libérer l’ensemble du territoire, il ne fait aucun doute que cela arrivera. » 

Selon elle, les forces d’occupation russes considèrent que terroriser la population locale est une partie importante de leurs tentatives de préparer le terrain pour de faux référendums.  Mais une large résistance active et passive dans les territoires occupés, le mépris de la population locale envers les occupants, le petit nombre de collaborateurs et, avant tout, les actions intensives des forces armées ukrainiennes, ont déjà forcé la Russie à abandonner ses plans d’organiser de tels « référendums » comme initialement prévu par Moscou.  Dans le cadre de son agression, la Russie poursuit la déportation forcée de citoyens ukrainiens sur son territoire, a accusé la représentante, qui a estimé à près de 2,5 millions, dont environ 38 000 enfants, le nombre d’Ukrainiens transférés des régions du sud et de l’est de l’Ukraine.  En bloquant l’évacuation vers l’Ukraine continentale, la Russie ne laisse à la population des zones occupées d’autre choix que de se rendre sur le territoire russe ou en Crimée occupée, a-t-elle expliqué.  En outre, dans le cadre de l’évacuation et de la déportation forcées, la Russie détient les réfugiés dans des « camps de filtration », des installations illégales largement utilisées par la Russie depuis les guerres de Tchétchénie pour terroriser la population civile sous le prétexte d’identifier des « personnes dangereuses ».  En réalité, ceux que les occupants soupçonnent de déloyauté en raison de leurs opinions politiques ou de leur affiliation potentielle à l’armée ukrainienne, au Gouvernement, aux médias et aux groupes de la société civile, disparaissent après la soi-disant « filtration » dans la zone « grise » de Donetsk et de Louhansk occupées.  Le Ministère de la réintégration des territoires temporairement occupés d’Ukraine déclare que seuls environ 16 000 citoyens déportés ont pu retourner en Ukraine, a relevé la déléguée.  Par ailleurs, depuis le début de l’invasion, les forces russes ont endommagé 2 177 établissements scolaires, dont 284 ont été totalement détruits, a-t-elle encore noté.  En raison des menaces de sécurité, seuls 56% des établissements d’enseignement sont prêts à offrir un enseignement en personne à leurs étudiants, alors que débute la rentrée des classes.  La principale préoccupation de son gouvernement tient au fait que la Russie tente d’étendre ses pratiques de militarisation et de « russification » de l’éducation aux territoires qu’elle occupe depuis février.  Elle se concentre sur l’effacement de l’identité ethnique ukrainienne.  Selon les données disponibles, environ 200 000 enfants d’âge scolaire demeurent dans les territoires occupés.  Les directeurs et le personnel scolaire des territoires occupés font l’objet de pressions et d’intimidations visant à les contraindre à suivre les programmes scolaires russes.  Face à la menace existentielle qui pèse sur l’État et la population, l’Ukraine continue de contribuer à éviter la crise alimentaire mondiale et à remplir de bonne foi ses obligations dans le cadre de l’Initiative céréalière de la mer Noire.  « À ce jour, plus de 90 navires ont déjà été envoyés depuis les ports ukrainiens.  Et de manière générale, plus de 2 millions de tonnes de nos denrées alimentaires ont déjà été exportées par voie maritime depuis trois ports ukrainiens », a indiqué la déléguée.  Mais tant que la Russie sera en mesure de poursuivre son agression contre l’Ukraine sur terre et sur mer, les menaces pour la sécurité mondiale et la crise alimentaire resteront fragiles.  

M. MAURIZO MASSARI (Italie) a déclaré que la mise en place par la Russie d’un système de filtration des civils ukrainiens est une violation du droit de la guerre.  « La gravité de la situation exige deux actions immédiates afin de mettre fin aux conditions inacceptables et inhumaines faites à des milliers de civils ukrainiens. »  Premièrement, la Russie doit accorder aux agences onusiennes un accès sans entraves aux lieux de placement de ces civils, a poursuivi le délégué.  En second lieu, il a appelé la Russie à assurer le retour immédiat de tous les Ukrainiens transférés de force, notamment les femmes et les enfants, vers leurs lieux d’origine.  Il doit être mis fin à cet odieux système de filtration, a conclu M. Massari.

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) est revenu sur les informations signalées par l’administration ukrainienne et confirmées par le récent rapport de Human Rights Watch, selon lesquelles les transferts forcés de civils des régions de Donetsk et de Louhansk et de la ville envahie de Marioupol vers le territoire de la Fédération de Russie ont été effectués par des troupes et des fonctionnaires russes ou affiliés à la Russie.  À cet égard, M. Szczerski a exprimé sa profonde inquiétude quant aux déportations de civils vers la Russie.  De même, il s’est dit profondément préoccupé par la création de ce que l’on appelle les « centres de filtration » pour les personnes évacuées des territoires assiégés ou temporairement occupés.  Ces pratiques lui ont rappelé les « méthodes staliniennes » et leur caractère systématique laisse supposer qu’elles ont pu être préméditées.  Cette pratique constitue une nouvelle tentative du Kremlin d’éliminer physiquement les Ukrainiens et de détruire leur identité distincte.  Le délégué a également jugé les informations concernant les enfants ukrainiens transférés en Russie particulièrement inquiétantes.  « Les transferts forcés sont un élément de plus sur la longue liste des violations graves par la Fédération de Russie des lois de la guerre qui peuvent s’apparenter à des crimes de guerre et potentiellement à des crimes contre l’humanité. »  Il a jugé déplorable que la Russie présente tous les Ukrainiens qui entrent sur son territoire -volontairement ou non- comme des réfugiés ou des migrants, alors qu’ils sont en fait les victimes des violations du droit international commises par la Russie.

M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a déploré qu’en dépit des multiples appels de la communauté internationale, la Fédération de Russie poursuit son agression injustifiée et non provoquée contre l’Ukraine en violation flagrante du droit international.  Il s’est dit préoccupé par l’intention de la Russie d’organiser des référendums frauduleux dans le but d’annexer illégalement les territoires occupés de l’Ukraine.  « Ces mesures anticipées suivent la même tactique que celle utilisée par la Russie en 2014 à l’égard de la Crimée. »  De même, M. Chatrnúch s’est inquiété des nombreuses informations selon lesquelles des fonctionnaires de la Fédération de Russie ou affiliés à la Fédération de Russie ont transféré de force des civils ukrainiens vers des zones dans les territoires occupés de l’Ukraine et vers la Russie.  Ces actions ne sont pas seulement « immorales », elles pourraient également constituer des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », a-t-il averti.  Toujours selon ces informations, les citoyens ukrainiens sont soumis à un contrôle de sécurité obligatoire, avec collecte des données biométriques des civils, fouilles corporelles et interrogatoires sur leurs opinions politiques.  Les personnes ayant échoué lors d’un tel processus de « filtrage » ont été détenues; l’endroit où se trouvent certaines d’entre elles ainsi que leur sort restent inconnus.  À cet égard, M. Chatrnúch a évoqué de sérieuses raisons de craindre que ces personnes soient particulièrement exposées à la torture et à la privation de leur vie.  C’est pourquoi il a appelé la Fédération de Russie à mettre fin immédiatement à cette activité et à permettre à tous les civils transférés de force qui souhaitent retourner en Ukraine de le faire. 

M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie), s’exprimant au nom des États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), a fustigé la poursuite de la « guerre d’agression cruelle et brutale » menée depuis 200 jours par la Russie, « aidée par le Belarus », en violation flagrante du droit international et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  La Russie a commencé cette guerre et seule la Russie peut y mettre fin en retirant complètement et sans condition ses troupes du territoire ukrainien, a-t-il noté, ainsi qu’en appliquant les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de Justice (CIJ).  Selon le dernier rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), au moins 5 718 décès de civils ont été documentés en Ukraine, un chiffre en constante augmentation alors que « de nouveaux crimes contre les civils sont découverts et de nouvelles attaques contre les civils sont exécutées régulièrement par l’armée russe ».  Alors que la Russie a transféré de force plus de 1,7 million d’Ukrainiens en Russie, dont plus de 240 000 enfants, le délégué a condamné la conscription dans les forces russes de citoyens ukrainiens vivant dans les territoires temporairement occupés, ainsi que la déportation de civils vers la Russie, le transfert et l’adoption illégale d’enfants ukrainiens ainsi que l’enlèvement de civils.  Ainsi, un responsable russe a reconnu que 1 426 979 personnes, dont 238 329 enfants, avaient été évacuées des zones dangereuses du Donbass et d’Ukraine vers le territoire de la Fédération de Russie.  Le HCDH, a-t-il rappelé, a fait savoir au Conseil des droits de l’homme qu’il enquêtait sur des allégations selon lesquelles des enfants dans des orphelinats avaient été emmenés en Russie.  Les États baltes appellent les organisations internationales de défense des droits de l’homme à continuer de documenter les cas de transfert forcé de citoyens ukrainiens, et l’ONU à mettre en place une mission d’enquête sur la déportation des citoyens ukrainiens.  À leurs yeux, il s’agit là d’une approche « délibérée et cohérente » de la Russie visant à briser la résistance du peuple ukrainien.  « Incapable de vaincre l’Ukraine sur le champ de bataille, l’armée russe cherche à atteindre ses objectifs en terrorisant la population civile ukrainienne », a déclaré leur représentant.  Il est temps que la communauté internationale démontre que les normes visant à protéger les civils « ne sont pas des déclarations vides qui peuvent être foulées aux pieds par les dictateurs et les tyrans ».

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