9117e séance - matin
CS/15008

Conseil de sécurité: face à l’escalade de la violence en Syrie, l’Envoyé spécial appelle à un cessez-le-feu et à relancer le processus politique

Devant la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire en Syrie, l’Envoyé spécial du Secrétaire général a demandé, ce matin, au Conseil de sécurité, l’appui de ses membres afin de favoriser la mise en place d’un cessez-le-feu et la relance du processus constitutionnel, tout en assurant la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022).

S’exprimant par visioconférence depuis Genève, M. Geir Pedersen a constaté au cours des derniers mois des « signes inquiétants » d’escalade militaire en Syrie, caractérisée notamment par un accroissement des frappes militaires attribuables à différents acteurs.  Ainsi, le 11 août, en réponse à des tirs d’artillerie, des militaires turcs ont été tués sur le territoire turc par les forces de défense syriennes, entraînant une riposte le 16 août.  Et le 22 août, des bombardements aériens à Edleb ont fait des victimes civiles, tandis que les 23 et 24 août, des frappes américaines ont touché des positions iraniennes en Syrie.

La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Joyce Cleopa Msuya Mpanju, s’est quant à elle inquiétée d’informations faisant état de préparatifs d’une éventuelle opération militaire dans le nord de la Syrie, tout en précisant qu’une mission par-delà les lignes à Ras el-Aïn avait été reportée du fait de l’intensification des hostilités.

« Nous sommes confrontés à des difficultés croissantes dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité », a déploré M. Pedersen, en souhaitant l’adoption d’un cessez-le-feu dans les plus brefs délais et l’intensification des mesures de rétablissement de la confiance entre les parties.  Afin d’atténuer l’impact humanitaire de cette nouvelle flambée de violence, l’Envoyé spécial a sollicité l’appui des membres du Conseil de sécurité pour mettre en œuvre la résolution 2642, qui prévoit le renouvellement pour six mois du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier au point de passage de Bab el-Haoua, assorti d’une prorogation supplémentaire de six mois qui nécessitera l’adoption d’une résolution distincte en janvier 2023.

Toutefois, selon la France, rejointe par de nombreuses délégations, ce renouvellement reste « largement insuffisant » face à l’ampleur des besoins.  Malgré l’achèvement, en août, de la sixième livraison transversale d’aide humanitaire, Mme Msuya Mpanju a rappelé que le financement global du plan de réponse humanitaire de la Syrie ne représentait à ce jour que 24% des fonds demandés.  

Pour de nombreux membres du Conseil, la crise humanitaire continue de s’approfondir du fait d’une transition politique paralysée par les agissements du Gouvernement syrien, qui « prend en otage l’avenir de tout un pays », selon les mots de l’Albanie, en empêchant la Commission constitutionnelle de se réunir à Genève.

Les États-Unis ont exprimé leur inquiétude face aux retards « inutiles et injustifiés » dans la poursuite des travaux de la Commission, une situation qui ne peut que nuire « au peuple syrien, qui n’en est pas responsable ».  L’absence de progrès sur le fond continue en effet d’entraver les travaux de la Commission constitutionnelle, condition nécessaire à une paix durable en Syrie, a déploré M. Pedersen, qui s’est entretenu récemment avec les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Türkiye afin de lever les obstacles à la tenue de la neuvième session de la Commission.  

Après avoir jugé « profondément regrettable » que la session de la Commission constitutionnelle n’ait pas eu lieu, l’Irlande a rappelé la position de l’Union européenne selon laquelle il ne saurait y avoir de normalisation avec le Gouvernement syrien tant qu’une solution politique inclusive n’aura pas été trouvée, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil.  De même, les États-Unis restent opposés à la reconstruction dans les zones contrôlées par le régime en l’absence de progrès tangibles.  Cette résolution, ont-ils rappelé, ne porte pas seulement sur la Commission constitutionnelle, mais appelle également la Syrie à mettre en place un cessez-le-feu et à libérer les personnes détenues de manière arbitraire. 

L’Envoyé spécial a en outre appelé le Gouvernement syrien à ne pas rater l’opportunité de progresser sur le chemin de la paix en favorisant la mise en œuvre du décret sur l’amnistie adopté le 30 avril.  S’agissant de la question des personnes portées disparues, l’Envoyé spécial a indiqué que le Secrétaire général de l’ONU rendra publique sous peu une étude portant sur l’aide aux familles affectées.  Des avancées sur ce dossier sont essentielles afin de rompre l’impasse politique actuelle, a fait valoir la Norvège. 

Pour la Fédération de Russie, comme pour la Syrie et l’Iran, la sécurité à long terme passe par le rétablissement complet de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie, et par la fin de la présence militaire étrangère « illégale ».  Selon le représentant syrien, les organisations humanitaires continuent d’être confrontées à des circonstances difficiles dans le pays, la faute à la poursuite par les pays occidentaux d’activités qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et le développement en Syrie.

Les États-Unis et leurs alliés occidentaux continuent d’imposer et d’élargir des mesures coercitives unilatérales, causant d’indicibles souffrances pour la population syrienne s’est-il indigné, alors même que le blé, le pétrole, le gaz et le coton syriens continuent d’être pillés par les forces d’occupation américaines, a fustigé la délégation syrienne.  Elle a également demandé qu’il soit mis fin à la présence illégitime de forces étrangères et de milices dans son pays, ainsi qu’aux agressions d’Israël.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT S/2022/635

Déclarations liminaires

S’exprimant par visioconférence depuis Genève, M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a fait état de « signes inquiétants » d’escalade militaire ces derniers mois, notamment une hausse des frappes pouvant être attribuées à divers acteurs.  Ainsi, le 11 août, des militaires turcs ont été tués sur le territoire turc par les Forces de défense syriennes en réponse à des tirs d’artillerie, entraînant une riposte turque le 16 août.  Le 22 août, des bombardements aériens à Edleb ont fait des victimes civiles, et les 23 et 24 août, des frappes américaines ont touché des positions iraniennes.  Une augmentation des incidents sécuritaires a également été observée dans le sud-ouest de la Syrie, notamment dans le cadre de combats entre les forces gouvernementales et des groupes terroristes.  Dans ce contexte, M. Pedersen s’est inquiété de la multiplication des victimes civiles et de l’impact des violences sur la paix et la sécurité internationales.  Il a pris note des efforts diplomatiques déployés pour apaiser les tensions, espérant qu’ils conduiront à la mise en place d’un cessez-le-feu prenant en compte la présence de groupes terroristes et la nécessité de protéger les civils et les infrastructures civiles.

Afin d’atténuer l’impact humanitaire de cette nouvelle flambée de violences, l’Envoyé spécial a sollicité l’appui des membres du Conseil de sécurité pour mettre en œuvre la résolution 2642.  Toutefois, a-t-il prévenu, toute sanction qui pourrait exacerber la situation difficile des Syriens doit être évitée.  Afin de lever les obstacles à la tenue de la neuvième session de la commission constitutionnelle, M. Pedersen s’est entretenu avec les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Türkiye.  L’absence de progrès sur le fond continue cependant d’entraver les travaux de la commission, a-t-il noté.  Des mesures de renforcement de la confiance pourraient selon lui s’avérer propices à un contexte plus pacifique, de manière coordonnée, sous l’égide des Nations Unies.  Il a appelé le Gouvernement syrien à ne pas rater l’opportunité de progresser sur le chemin de la paix en favorisant la mise en œuvre du décret sur l’amnistie adopté le 30 avril.

S’agissant de la question des personnes portées disparues, l’Envoyé spécial a indiqué que le Secrétaire général de l’ONU rendra publique sous peu une étude relative à l’aide aux familles affectées.  « Nous sommes confrontés à des difficultés croissantes dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité », a déploré M. Pedersen en conclusion, tout en souhaitant l’adoption d’un cessez-le-feu dans les plus brefs délais et l’intensification des mesures de rétablissement de la confiance entre les parties.

Alarmée par l’intensification des violences dans le nord de la Syrie, notamment au nord d’Alep et dans le nord-ouest du pays, Mme JOYCE CLEOPA MSUYA MPANJU, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence (OCHA), a cité une attaque à Hassaké le 18 août qui a coûté la vie à quatre femmes et filles civiles et une attaque contre un marché d’Al-Bab le 19 août qui aurait tué 13 civils, dont 4 garçons et 1 fille.  Elle s’est inquiétée d’informations faisant état de préparatifs d’une éventuelle opération militaire dans le nord de la Syrie en précisant que la mission par-delà les lignes (« crossline ») à Ras el-Aïn a été reportée en raison de l’intensification des hostilités.  Face à ce constat, elle a demandé instamment aux membres du Conseil de garantir le respect des règles de la guerre et d’établir les responsabilités pour les violations graves.

Par ailleurs, elle a dit qu’au moins 26 meurtres ont été signalés au camp de Hol en 2022, dont ceux de 20 femmes, avant de dénoncer des violences sexuelles, dont certaines perpétrées par les gardiens du camp, et une augmentation des cas d’exploitation sexuelle.  « Si les hostilités s’intensifient dans le nord de la Syrie, il y aura probablement un impact négatif sur la protection des personnes dans le camp de Hol, où la situation sécuritaire est déjà extrêmement mauvaise », a prévenu Mme Msuya Mpanju.  Elle a ajouté que les résidents du camp de Hol et les partenaires humanitaires qui travaillent pour les aider ont besoin de plus de protection, de sûreté et de sécurité. 

En outre, la représentante de l’OCHA a indiqué que 228 projets ont reçu 333 millions de dollars pour mettre en œuvre des activités de relèvement rapide et de résilience, ce qui représente 30% des fonds demandés.  Elle a précisé qu’au moins 51 de ces projets contribuent à fournir de l’électricité pour soutenir les services de base, notamment l’eau et l’assainissement, la nutrition, la santé et l’éducation.  Néanmoins elle a rappelé que le financement global du plan de réponse humanitaire de la Syrie ne représente actuellement que 24% des fonds demandés.  Alors que les besoins augmenteront à mesure que l’hiver approche, Mme Msuya Mpanju a demandé un financement humanitaire accru de la part de la communauté internationale, en particulier pour les programmes de relèvement rapide et le financement des moyens de subsistance.  Elle a ajouté que le financement des programmes de déminage est essentiel, avant de préciser que plus d’un million de mètres carrés de terres agricoles ont été déminées dans la campagne de Damas depuis décembre.  

S’agissant de l’accès humanitaire, la haute fonctionnaire a assuré que l’ONU continue de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire progresser l’assistance à travers les lignes dans toutes les régions de la Syrie.  Illustrant son propos, elle a dit que la sixième mission de ce type dans le nord-ouest, à Sarmada, dans la province d’Edleb, s’est achevée les 4 et 5 août.  Elle a exhorté toutes les parties concernées à étendre ces opérations en autorisant plusieurs convois à traverser les lignes chaque mois et en augmentant le nombre de camions au sein de chaque convoi.

Par ailleurs, elle a indiqué avoir visité Gaziantep et Hatay en Türkiye le mois dernier pour examiner la réponse humanitaire transfrontalière à la lumière de la résolution du Conseil de sécurité.  Elle a salué l’ampleur de l’opération et le niveau élevé de contrôle appliqué, citant des témoignages de femmes au sujet des conditions humanitaires lamentables dans le nord-ouest de la Syrie.  Elle a assuré que l’ONU fera tout son possible pour faciliter la mise en œuvre de tous les aspects de la résolution 2642 dans les prochains mois, mais que l’Organisation avait besoin du soutien de toutes les parties, de ressources significatives et d’un accès soutenu, régulier et prévisible.  Préoccupé par les dommages irréversibles causés par le sous-financement chronique, notamment en matière de déscolarisation et de malnutrition, Mme Msuya Mpanju a prévenu qu’une génération d’enfants syriens pourrait être perdue.  Elle a appelé toutes les parties à faciliter l’accès à l’aide humanitaire à l’approche de l’hiver.

Déclarations

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a estimé que l’absence de progrès sur le plan politique et la détérioration de la situation humanitaire devraient inciter le Conseil de sécurité à s’unir pour obliger le « régime syrien » à rendre des comptes.  Hélas, a-t-il dit, un de ses membres « a mis sur un pied d’égalité ses intérêts avec ceux d’Assad ».  Se disant inquiet des retard « inutiles et injustifiés » dans la poursuite des travaux de la Commission constitutionnelle, il a appelé à leur reprise rapide car cette situation « ne fait que nuire au peuple syrien qui n’en est pas responsable ».  La Russie, a-t-il noté, a dit que le processus doit être pris en main par les Syriens eux-mêmes et nous en sommes d’accord.  « Mais la Russie a ses propres préoccupations bilatérales qui n’ont rien à voir avec la Syrie », a fait valoir le représentant, avant de rappeler que la résolution 2254 (2015) ne porte pas seulement sur la Commission constitutionnelle, mais appelle également la Syrie à mettre en place un cessez-le-feu national et à libérer les personnes détenues de manière arbitraire.  Si le « régime syrien » est sérieux quant au règlement politique, il doit engager des mesures concrètes démontrant qu’il compte déclarer l’amnistie, comme promis, et précisant la situation des personnes libérées, a-t-il souligné.  

Exhortant le « régime d’Assad » à avancer sur ces tâches importantes, le délégué s’est ensuite expliqué sur les frappes aériennes effectuées le 24 août par son pays.  Il a précisé que des frappes de précision ont visé des installations utilisées par des milices affiliées aux Gardiens de la Révolution iranienne.  Ces frappes ont été menées en riposte à une attaque visant les États-Unis, lesquels ont exercé leur droit à la légitime défense, comme consacré par la Charte des Nations Unies, a justifié le représentant, qui a rappelé que, le 15 août, l’Iran, appuyée par des milices, s’en était prise aux forces américaines en deux emplacements et que d’autres actions hostiles avaient été enregistrées cette année.  Tout ceci a mis en danger les vies de personnels des États-Unis et de la coalition, a-t-il affirmé, ajoutant que l’action militaire de son pays visait à dissuader l’Iran et ses milices afin qu’ils ne mènent plus et n’appuient plus de telles attaques.  Il a cependant assuré que les États-Unis sont favorables à la désescalade et sont préoccupés par les activités militaires et les déplacements forcés de civils.  Cela étant, ils s’emploient à garantir la défaite de Daech sur le terrain, a-t-il souligné.  

Appelant à la mise en œuvre « véritable et durable » de la résolution 2254 (2015), le représentant a invité le Conseil et le « régime d’Assad » à faciliter l’accès humanitaire, y compris par le biais du mécanisme transfrontalier prévu par la résolution 2642 (2022).  Il a rappelé à cet égard que son pays a débloqué 900 millions de dollars à cette fin cette année, son aide s’élevant à 15 milliards de dollars depuis le début de la crise.  Il a également appelé de ses vœux la poursuite des efforts de relèvement rapide afin de faciliter l’accès aux services de base, tout en précisant que les États-Unis restent opposés à la reconstruction dans les zones contrôlées par le régime en l’absence de progrès tangibles.  S’agissant du mécanisme transfrontalier, il a regretté qu’il ait été limité à six mois « en raison de l’obstruction de la Russie ».  Dans ce contexte, a-t-il averti, les familles syriennes et les organisations humanitaires craignent le pire pour le mois de janvier, les stocks préparés à l’approche de l’hiver risquant de ne pas suffire.  Il s’est cependant félicité que 14 convois d’aide aient pu traverser la frontière le 4 août et que, tous les mois, d’autres convois passent par le point de Bab el-Haoua.  Le délégué a, en revanche, dénoncé le fait que les partisans du régime continuent de bloquer l’aide qui passe par les lignes de front lorsque cela sert leurs intérêts.  Des produits de base, comme le lait pour enfant, ne passent pas, s’est-il indigné, accusant le « régime syrien » et la Russie de vouloir mettre fin au mécanisme transfrontalier « pour soumettre le peuple syrien ».  Il a donc exhorté les membres du Conseil à renforcer l’acheminement de l’aide humanitaire par les deux modalités et à appuyer le mécanisme politique décrit par la résolution 2254 (2015).

Pour M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie), la stabilité et la sécurité à long terme sur le sol syrien passent par le rétablissement complet de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie et par la fin de la présence militaire étrangère illégale.  À cet égard, il a condamné les frappes aériennes de l’armée israélienne sur diverses cibles en Syrie, en citant notamment les raids ayant visé le port syrien de Tartous au cours du mois dernier.  Il a également dénoncé l’occupation américaine d’une partie du territoire de la Syrie et les frappes américaines dont le dernier incident remonte au 15 août.  Les États-Unis l’ont ouvertement reconnu en transmettant une lettre à ce sujet au Conseil de sécurité, a noté le représentant, pour lequel « ces actions illégales et irresponsables constituent une violation flagrante des normes fondamentales du droit international et doivent cesser ».  Les terroristes ont trouvé refuge dans les zones non contrôlées par la Syrie, a-t-il affirmé et par conséquent il faut poursuivre sur la voie du dialogue politique en vue d’un règlement de la crise syrienne sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et des décisions adoptées lors du Congrès du dialogue national syrien en 2018, a réitéré le représentant.  Il a noté à cet égard que la Commission constitutionnelle doit pouvoir travailler de manière régulière, dans des conditions favorables et sans ingérence extérieure.  Dans ce contexte, il a réaffirmé l’importance du processus d’Astana, qui continue à faire ses preuves en tant que mécanisme international efficace pour aider à parvenir à une normalisation à long terme de la situation en Syrie.  La Russie prévoit d’ailleurs de tenir la prochaine réunion du processus à Nour-Soultan avant la fin de l’année, a annoncé M. Nebenzia à cet égard.

Quant à la dimension humanitaire de la crise, le délégué a remarqué que l’ONU commence à reconnaître les effets dévastateurs des sanctions occidentales illégales sur le développement de l’économie syrienne, en notant la détérioration rapide de la sécurité alimentaire dans le pays et les difficultés d’approvisionnement en électricité de la Syrie et de ses infrastructures essentielles.  Il a argué que la poursuite des sanctions sape les efforts de l’ONU pour remplir son mandat humanitaire, « ce qui n’est dans l’intérêt de personne ».  Par conséquent la Russie demande une décision radicale et la levée des sanctions contre Damas, a insisté M. Nebenzia, en dénonçant au passage les secours humanitaires assurés uniquement dans les zones non contrôlées par Damas et le pillage américain continu des ressources pétrolières et agricoles syriennes.  En ce qui concerne l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les lignes de front, il a partagé le point de vue du Secrétaire général sur l’importance de renforcer ces efforts dans le contexte d’Edleb.  Avec la bonne volonté des parties, l’approvisionnement de toutes les régions de la Syrie le long des routes intra-syriennes est possible, a-t-il estimé, ce qui est devenu tout à fait évident après la fermeture du poste de contrôle de Yaaroubiyé.

Le représentant a ensuite réfuté les allégations portant sur les conséquences soi-disant tragiques d’une telle étape.  « L’expérience prouve le contraire et nous attendons encore des progrès tangibles dans les six mois à venir », a tranché M. Nebenzia.  Fondant de grands espoirs sur le premier tour du dialogue interactif informel qui se tiendra en septembre, le représentant a dit attendre avec impatience une discussion franche et non politisée, ainsi qu’une contribution substantielle de l’ONU.  Il a noté avec intérêt que par rapport à la période précédente, le nombre de projets de relèvement rapide financés par des donateurs est passé de 133 à 288, et a indiqué que la Russie voudrait discuter de cette question en détail en septembre.  En outre, elle voudrait que la question des réfugiés syriens soit abordée, a-t-il ajouté, arguant qu’ils sont devenus un lourd fardeau pour les pays d’accueil contraints de subir la présence sur leur territoire d’anciens « casques blancs », reconnus même en Occident comme des « éléments radicaux ».

S’exprimant au nom de la Norvège et de l’Irlande en tant que délégations porte-plumes du dossier humanitaire sur la Syrie, M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a estimé que les besoins sont à leur plus haut niveau en raison de la poursuite de la violence qui a fait 87 morts parmi les civils entre le 1er juin et le 25 juillet.  Il est « profondément troublant » que les attaques ayant entraîné ces décès semblaient viser des civils, a-t-il jugé, tout en appelant les parties à respecter le droit international humanitaire.  Il s’est toutefois félicité de l’achèvement de la sixième livraison transversale d’aide humanitaire, en août, appelant les parties à soutenir les livraisons transfrontalières, tout en fournissant des garanties sécuritaires.

La flambée des prix des denrées, amplifiée par une inflation mondiale à la hausse, a exacerbé l’insécurité alimentaire, a déploré le délégué, en appelant à augmenter le financement de l’aide humanitaire.  Il a invité les membres du Conseil de sécurité à confirmer dans les plus brefs délais le renouvellement, au-delà de six mois, du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier, qui demeure un instrument vital pour des millions de syriens.  Devant l’escalade du conflit dans le nord de la Syrie, le délégué a condamné les frappes délibérées contre les civils, notamment les attaques indiscriminées et disproportionnées.  M. Mythen a jugé « profondément regrettable » que la neuvième session de la Commission constitutionnelle, prévue le mois dernier, n’ait pas eu lieu à la suite du refus du Gouvernement syrien d’y participer.  Il a rappelé en terminant la position de l’Union européenne selon laquelle il ne saurait y avoir de normalisation avec le Gouvernement syrien tant qu’une solution politique inclusive n’aura pas été trouvée, conformément à la résolution 2254 du Conseil.

Intervenant au nom des A3 (Ghana, Kenya et Gabon), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est inquiété de l’aggravation de l’insécurité notamment dans le nord-ouest de la Syrie, notant que les civils continuent d’en payer le prix le plus élevé.  Il a averti que l’escalade de la violence sape les efforts de paix, notant en outre que le conflit syrien a un impact disproportionné sur les femmes et les filles.  Il a particulièrement dénoncé la persistance de violences sexuelles dans le camp de Hol, où 77% des 26 personnes assassinées en 2022 sont des femmes.   

Le représentant s’est également inquiété de la gravité de la situation humanitaire en Syrie où plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire.  Il a estimé que l’acheminement de cette aide nécessite encore le recours au mécanisme d’aide humanitaire transfrontalier et a espéré que la résolution 2246 (2022) sera renouvelée après janvier 2023.  Les opérations transfrontalières en cours restent une bouée de sauvetage cruciale pour l’aide humanitaire, a-t-il insisté.  Soulignant qu’il n’y a pas de solution militaire au problème syrien, le représentant des A3 a appelé à trouver des solutions durables par le biais d’un dialogue franc impliquant toutes les composantes de la société, y compris les femmes.

Mme SHERAZ GASRI (France) a constaté que la Fédération de Russie continue de paralyser le processus politique en offrant un prétexte au « régime syrien » pour ne pas participer à la Commission constitutionnelle, en raison de « considérations baroques » sur le lieu de la réunion.  Rappelant qu’en vertu des termes de référence, c’est à Genève que doivent se tenir les réunions de la Commission, elle déploré qu’après 11 ans de conflit, aucune solution politique conforme aux dispositions de la résolution 2254 (2015), pourtant adoptée à l’unanimité, ne se dessine.  Dans ces conditions, elle a fait savoir que les positions françaises comme européennes sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction « demeureront inchangées ».  La représentante a d’autre part jugé que le renouvellement du mécanisme humanitaire transfrontalier pour six mois, avec un seul point de passage, reste « largement insuffisant » face à l’ampleur des besoins.  Affirmant que la France sera « extrêmement engagée », en janvier prochain, pour que ce mécanisme vital soit renouvelé pour un an, elle s’est aussi prononcée pour la poursuite des progrès en matière d’accès « crossline », non sans relever que ces livraisons à travers les lignes de front ne peuvent se substituer aux opérations transfrontalières, qui ont permis d’acheminer 1 200 camions d’aide en juin et en juillet derniers. 

La déléguée a ensuite assuré que la France continuera son combat sans relâche contre l’impunité en Syrie.  Dans ce cadre, a-t-elle indiqué, le Ministère français de l’Europe et des affaires étrangères a été destinataire d’une importante documentation relative à de possibles crimes commis par les forces du régime syrien lors du massacre de Tadamon, en 2013.  Selon elle, les faits allégués, qui sont susceptibles d’être constitutifs de crimes internationaux parmi les plus graves, ont été signalés au parquet national antiterroriste au titre de la compétence des juridictions françaises en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.  Saluant le courage des défenseurs des droits humains dont le travail a permis la collecte de ces documents, elle a précisé que ces éléments s’ajoutent à la documentation déjà fournie concernant les violences subies par les Syriens, notamment le rapport César et les rapports de l’ONU faisant état du recours systématique aux violences sexuelles par le régime. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est dite déçue de voir que l’organe restreint de la Commission constitutionnelle ne se soit pas réuni ce mois-ci.  L’Inde avait espéré que les trois parties s’engageraient de manière constructive et résolue, dans un esprit de compromis, pour réaliser des progrès crédibles or, a-t-elle regretté, des facteurs externes se sont avérés préjudiciables au processus politique global.  Jusqu’à présent, l’engagement n’a pas été en mesure de combler le déficit de confiance entre les principales parties prenantes.  Comme les négociations de juillet pour le renouvellement du mécanisme transfrontalier pour l’aide humanitaire l’ont montré au monde, l’adoption de positions tranchées par les principales parties prenantes peut être contreproductive à long terme et préjudiciable aux intérêts de millions de Syriens.  La représentante a donc réaffirmé qu’il appartient aux Syriens de décider ce qui est le mieux pour la Syrie et leur propre avenir.  Appelant à soutenir les efforts de l’Envoyé spécial, en particulier son approche par étapes vers un règlement politique, elle a salué sa récente visite à Moscou et sa rencontre avec le Ministre russe des affaires étrangères.  La représentante a espéré que M. Pedersen pourra bientôt se rendre à Damas et s’y entretenir avec le Gouvernement syrien, en arguant que le succès de ses efforts dépendra notamment du soulagement réel apporté au peuple syrien par l’assouplissement des mesures affectant sa vie quotidienne.  

Poursuivant, la déléguée a salué la normalisation progressive des relations de la Syrie avec ses voisins arabes, en mettant en garde contre le fait que tout acte compromettant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie aurait un impact négatif sur le processus politique.  Sur le front de la sécurité, elle a insisté sur l’urgence de parvenir à un cessez-le-feu national global en Syrie et sur le retrait de toutes les forces étrangères pour parvenir à cet objectif.  Mettant en garde contre la menace imminente que représente la résurgence de groupes terroristes en Syrie et en Iraq comme Daech et Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), elle a estimé que la lutte mondiale contre le terrorisme ne peut pas et ne doit pas être compromise pour des gains politiques étroits, en insistant sur la reddition de comptes.  

Sur le plan humanitaire, la prolongation du mandat de l’aide humanitaire transfrontalière en juillet 2022 a été une évolution bienvenue à ses yeux, tout comme le fait que le Conseil ait pu adopter une résolution sur la Syrie.  La représentante a fait valoir que bien que les opérations transfrontalières soient prévisibles et importantes, elles ne peuvent pas exister à perpétuité.  Des mesures concrètes doivent être prises pour surmonter les obstacles qui entravent le fonctionnement des opérations à travers les lignes de front.  L’aide humanitaire ne peut être une question d’opportunisme politique, a-t-elle tranché en estimant qu’associer l’aide humanitaire et au développement aux progrès du processus politique ne fera qu’exacerber les souffrances humanitaires.  Elle a ensuite appelé la communauté internationale à envisager de manière constructive la promotion de projets qui apporteront des emplois et des opportunités économiques indispensables au peuple syrien.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a dénoncé les attentats des 18 et 19 août et a exhorté toutes les parties à faire preuve de retenue, à respecter leurs obligations de protéger les civils et à contribuer à faire baisser les tensions.  Il est donc particulièrement décevant que la neuvième session de la Commission constitutionnelle syrienne n’ait pas eu lieu, a-t-elle regretté.  Elle a promis que la Norvège allait continuer à soutenir les travaux engagés par l’Envoyé spécial, la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) et d’un processus politique mené et dirigé par les Syriens.  La représentante a indiqué que la question des détenus et des personnes disparues en Syrie était d’importance majeure, notant que de nombreux Syriens et leurs familles sont personnellement touchés par ce problème et ne savent pas ce qu’il est advenu de leurs proches.  Les avancées sur ce dossier est essentiel pour rompre avec l’impasse politique actuelle, a-t-elle estimé.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a regretté l’annulation de la neuvième série de réunions de la Commission constitutionnelle pour des raisons externes.  Elle a appelé la communauté internationale à cesser de lier le dossier syrien à d’autres dossiers politiques, l’engageant en outre à apporter son soutien aux efforts de médiation de l’Envoyé spécial visant à instaurer la confiance entre les parties.  Elle s’est opposée à une intervention étrangère en Syrie pour préserver son unité, sa souveraineté et son intégrité territoriale.  

La représentante s’est dite préoccupée face à la détérioration de la situation humanitaire en Syrie.  Les femmes et les enfants supportent le plus lourd fardeau et des millions de personnes continuent de souffrir d’une pénurie d’eau propre et d’un environnement insalubre, s’est-elle inquiétée.  De même, fournir de l’électricité aux Syriens reste également un besoin urgent.  Elle a estimé que le retard persistant dans le traitement de la situation politique aggrave les difficultés existantes, notamment le vide sécuritaire déjà exploité par des groupes terroristes dans le pays, tels que Daech.  Elle a averti que ces groupes constituent une grave menace, non seulement pour la sécurité et stabilité de la Syrie, mais pour toute la région.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est tout d’abord concentré sur l’acheminement de l’aide humanitaire à la Syrie, rappelant que le mécanisme transfrontalier autorisé par la résolution 2642 (2022) n’est qu’un arrangement temporaire dont la validité expirera dans cinq mois.  Le Conseil doit, selon lui, profiter de cette période pour sérieusement mesurer et documenter les résultats du mécanisme, tout en effectuant une véritable évaluation de ce qui freine les livraisons à travers les lignes de front.  À ses yeux, l’aide humanitaire transfrontalière n’est pas une solution à long terme.  À terme, a-t-il estimé, elle devra être supprimée progressivement dans le contexte d’une solution permettant à la République arabe syrienne d’assumer l’entière responsabilité de l’acheminement de l’aide à sa population.  Dans l’immédiat, il a encouragé les efforts visant à augmenter les livraisons à travers les lignes de front, arguant qu’elles peuvent atteindre d’autres parties du territoire syrien.  

Pour ce qui est du processus politique en Syrie, le représentant s’est alarmé de la quasi-absence de progrès, ces dernières années, du dialogue facilité par l’ONU sous les auspices de la Commission constitutionnelle.  Assurant qu’il continue de croire en l’importance de l’ONU pour faciliter ce processus, il a plaidé pour davantage de flexibilité dans les efforts de facilitation, notamment en ce qui concerne les lieux des pourparlers, et fait valoir que ces efforts doivent rester conformes aux principes énoncés par la résolution 2258 (2015).  Enfin, le délégué a constaté qu’en dépit des dérogations humanitaires, les sanctions prononcées contre le Gouvernement syrien continuent d’avoir un impact négatif sur l’assistance et le rétablissement des infrastructures et services de base, y compris dans les projets de relance dont la résolution 2642 (2022) a souligné l’importance.  Il a donc réitéré sa demande d’évaluation approfondie des conséquences délétères potentielles des sanctions pour la population civile syrienne.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a pris note du communiqué conjoint à la suite du sommet de Téhéran qui a eu lieu en juillet dernier.  Elle a regretté que la neuvième réunion de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle n’ait pu avoir lieu, alors que c’est indispensable pour mettre un terme à la crise politique profonde qui a marqué ces 11 années de conflit en Syrie.  Parallèlement à ce processus constitutionnel, elle a demandé la prise en compte de la situation des personnes disparues et détenues en demandant que les organisations humanitaires puissent avoir accès aux centres de détention en Syrie.  Consternée par l’escalade des hostilités, notamment dans le nord d’Alep, la représentante a mis en exergue le prix élevé payé par la population civile et encouragé les parties à parvenir sans tarder à un accord de cessez-le-feu.  Passant au problème de sécurité alimentaire, elle a demandé que les différentes modalités d’accès à l’assistance alimentaire restent ouvertes, qu’elles soient transfrontières ou au travers des lignes de front.  Selon la déléguée, compte tenu de la situation, il faudra renouveler le mécanisme transfrontière en janvier 2023 tout en renforçant le mécanisme à travers les lignes de front.  Avant de conclure, elle a tenu à rappeler que pour le Mexique, invoquer la légitime défense pour faire usage de la force contre des acteurs non étatiques dans un État tiers est contraire à la Charte des Nations Unies et au droit coutumier.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déploré le fait qu’après 11 années de brutalités, de déplacements forcés, de meurtres de civils, de destruction d’infrastructures civiles et d’atrocités de toute nature, « nous ne voyons toujours pas le bout » de la guerre en Syrie.  Alors que 87 personnes ont été tuées et 100 autres blessées au cours des deux derniers mois, les violations des droits fondamentaux des civils continuent d’être commises en toute impunité.  Les besoins humanitaires « colossaux » en Syrie ne font qu’augmenter, a-t-il noté, démontrant l’importance « vitale » du mécanisme transfrontière qui doit être renouvelé en janvier 2023.  La crise humanitaire continue en outre de s’approfondir du fait de la paralysie que connaît la transition politique en raison des agissements du « régime » syrien, qui empêche que se réunisse la Commission constitutionnelle, prenant en otage l’avenir de tout un pays.  Alors que plus de 130 000 personnes ont été arbitrairement arrêtées ou ont « disparu » de force, le représentant a préconisé la création d’un mécanisme indépendant doté d’un mandat international vigoureux pour faire la lumière sur cette « montagne d’atrocités ».  À ses yeux, l’établissement des responsabilités, le respect du droit international humanitaire et du droit international sont essentiels pour parvenir à une paix pérenne.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déploré que le « régime » syrien continue de bloquer les discussions sur les questions politiques et la réforme constitutionnelle.  Nous sommes en outre déçus que la Fédération de Russie ait utilisé les retombées de sa propre agression en Ukraine comme prétexte pour saper le progrès politique en Syrie, en affirmant que Genève ne devrait plus être le lieu des pourparlers de la Commission constitutionnelle menés et dirigés par les Syriens, a poursuivi le délégué.  Alors que le régime syrien continue de manquer à sa responsabilité de respecter les principes fondamentaux des droits des Syriens de subvenir à leurs besoins ou de s’engager dans le processus politique, la situation humanitaire continue de se détériorer, a constaté le délégué.  Il a dit que le Royaume-Uni reconnaît qu’un relèvement rapide est nécessaire pour répondre aux besoins humanitaires.  Et cela se reflète dans le soutien et le financement octroyés par le Royaume-Uni pour aider à la réhabilitation des réseaux d’alimentation en eau, à fournir une formation agricole et des intrants pour le bétail et la production de légumes, ou encore des formations et des subventions destinées aux petites entreprises.  Pour le représentant, l’aide humanitaire, et notamment transfrontalière, reste une bouée de sauvetage pour des millions de gens en Syrie.  En restreignant le mandat du mécanisme transfrontalier de l’ONU de 12 à six mois, la résolution 2642 (2022) a semé l’incertitude pour l’ONU et ses partenaires, a-t-il affirmé.  Le représentant britannique a donc appelé tous les membres du Conseil à œuvrer ensemble à un accord renouvelé de 12 mois en janvier, afin de répondre aux besoins critiques du peuple syrien. 

M. ZHANG JUN (Chine) a tout d’abord appelé à la fin des violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Ces principes importants inscrits dans la Charte des Nations Unies ne sont pas facultatifs et ne doivent pas donner lieu à de mauvaises interprétations, a-t-il martelé, estimant que les récentes opérations militaires des États-Unis dans l’est de la Syrie n’ont rien à voir avec l’Article 51 de la Charte ou la légitime défense.  Observant ensuite que Daech, Hay’at Tahrir el-Cham et le Mouvement islamique du Turkestan oriental continuent d’être implantés en Syrie et constituent une menace pour la paix et la sécurité, le représentant a déploré que certaines organisations terroristes inscrites sur les listes du Conseil aient toujours accès à des financements sous diverses formes.  « C’est du terrorisme, point final! » a-t-il tranché, estimant que toute utilisation politiquement motivée des forces terroristes « ne peut que conduire à davantage de chaos ».  

Le délégué a également plaidé pour que le processus politique soit dirigé et pris en mains par les Syriens eux-mêmes, en l’absence de toute ingérence extérieure.  Saluant les efforts déployés dans ce sens par l’Envoyé spécial, il s’est également félicité des « signaux importants » du processus d’Astana en appui de ce processus politique et de l’annonce par Damas de la tenue, en septembre, d’élections locales.  Il a par ailleurs estimé que la transition de l’aide transfrontalière vers les acheminements d’aide par-delà les lignes de front « doit continuer ».  Se disant « déçu » par le mécanisme transfrontalier qui, depuis l’adoption de la résolution 2258 (2015), n’a donné lieu qu’à une seule opération dans l’est de la Syrie, il a rappelé que ce dispositif ne devait être qu’exceptionnel.  Il a appelé à accélérer la transition vers l’aide à travers les lignes de front et à établir un calendrier clair afin que l’aide transfrontalière prenne fin.  Il a enfin appelé la communauté internationale à promouvoir les projets de relèvement rapide et à mettre en œuvre davantage de projets pour aider la Syrie à se développer économiquement.  Constatant à cet égard que 83% de la production pétrolière de la Syrie est vendue illégalement et que des convois de contrebande pétrolière sont nombreux aux frontières, il a demandé au Conseil de condamner ces agissements.  Les sanctions et le pillage des ressources de la Syrie doivent cesser, a-t-il insisté, assurant que le relèvement et le développement économique sont pour ce pays les seuls moyens de se remettre de cette crise humanitaire.  

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a insisté sur le fait que le Gouvernement syrien déploie d’importants efforts pour promouvoir la réconciliation nationale et offrir des conditions de vie dignes aux Syriens.  Il s’efforce de rétablir les infrastructures et les services de base, de reconstruire le pays et d’offrir des conditions de retour sûres et dignes aux réfugiés syriens.  Conformément à la résolution 2642 du Conseil de sécurité, il a été possible d’acheminer une aide humanitaire supplémentaires à ceux qui en avaient besoin et d’étendre les projets de relèvement rapide, notamment dans le domaine de l’électricité.  Aujourd’hui, deux mois après l’adoption de ce texte par le Conseil de sécurité, il a souhaité que le Conseil garantisse sa pleine mise en œuvre et fasse la lumière sur les défaillances dans sa mise en œuvre en tenant pour responsables les États qui en sont à l’origine.

Les organisations humanitaires continuent d’être confrontées à des circonstances difficiles en Syrie, a concédé le représentant, en expliquant cela par la poursuite par les pays occidentaux d’activités qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et le développement en Syrie.  Certains États nient les principes reconnus par tous, notamment ceux liés aux projets de relèvement rapide, et, a souligné le représentant, seule une petite partie des financements promis dans le cadre de la résolution 2642 a été débloquée à ce jour.  Les États-Unis et leurs alliés occidentaux continuent d’imposer et d’élargir les mesures coercitives unilatérales qui visent la Syrie, causant d’indicibles souffrances pour la population syrienne s’est-il indigné, alors même que le blé, le pétrole, le gaz et le coton syriens continuent d’être pillés par les forces d’occupation américaines.  Ces derniers jours plus de 500 camions remplis de pétrole syrien ont quitté le territoire syrien vers des bases militaires américaines en Iraq, a-t-il affirmé.  Le Gouvernement syrien souhaite que l’aide humanitaire parvienne à tous ceux qui en ont besoin, a-t-il poursuivi, mais les organisations terroristes du nord-ouest de la Syrie, et leurs parrains occidentaux, continuent d’entraver les efforts visant à élargir le mécanisme d’acheminement par-delà les lignes de front.

Le représentant a également demandé à l’ONU de mettre en place un plan de déminage ambitieux assorti d’un échéancier.  Lors du Sommet de Téhéran du 19 juillet 2022, la Russie et l’Iran se sont engagés à rétablir l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie, condamnant de nouveau l’agression israélienne qui se poursuit, a rappelé le représentant.  Au cours de ce sommet, des engagements ont également été pris pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et il a été réaffirmé que seul un processus politique dirigé et pris en main par les Syriens eux-mêmes et facilité par l’ONU pourra conduire à une véritable solution en Syrie.  Le représentant a demandé qu’il soit mis fin à la présence illégitime de forces étrangères et de milices en Syrie, ainsi qu’aux agressions israéliennes et aux politiques de punition collective visant le pays.  C’est, à ses yeux, la seule façon d’éliminer toute présence terroriste sur le territoire syrien et de mettre fin aux changements démographiques et à l’exode pour que les Syriens puissent reprendre en main leur pays, notamment sur le plan économique.  À cet égard, le représentant a exigé que les milices qui pillent les ressources syriennes aient à verser des compensations au peuple syrien.

Répondant à l’intervention du représentant américain et sa justification des attaques menées par son pays dans la province de Deïr el-Zor, il lui a rappelé que les forces armées américaines se trouvent de manière illégale sur le territoire syrien et que cette présence illégitime constitue une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Le fait que le représentant des États-Unis ait invoqué la Charte pour justifier ces agissements est honteux, aux yeux du représentant syrien, et confirme un dicton arabe selon lequel « l’excuse est parfois plus hideuse que l’acte lui-même ».

Mme ZAHRA ERSHADI (Iran) a déclaré que les circonstances politiques actuelles ne devraient pas empêcher l’aide humanitaire d’atteindre les nécessiteux, à condition que les actions en ce sens soient menées dans le plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Syrie.  Elle s’est félicitée à cet égard de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2642 (2022), estimant qu’il s’agissait là d’une étape importante pour répondre aux besoins les plus urgents.  Les projets de relèvement rapide tels que ceux concernant l’électricité sont indispensables pour rétablir l’accès aux services essentiels et ne doivent pas être affectés par les sanctions unilatérales, a-t-elle prévenu.  Selon elle, les sanctions unilatérales imposées à la Syrie doivent être levées afin de permettre la mise en œuvre de résolution.  

S’agissant du processus politique, la représentante a réaffirmé que la crise syrienne doit être résolue de manière pacifique et conformément au droit international, en mettant fin à l’occupation et en rétablissant la pleine souveraineté de la Syrie.  Elle a souligné le rôle crucial joué par la Commission constitutionnelle, ainsi que le sommet tripartite d’Astana qui s’est tenu à Téhéran en juillet dernier.  Elle a condamné fermement la poursuite des attaques militaires israéliennes en Syrie, notamment celle menée contre l’aéroport de Damas le 10 juin, estimant qu’elles ont pour effet de déstabiliser le pays et d’exacerber les tensions dans la région.  Enfin, la représentante a rejeté « catégoriquement » les accusations portées par le représentant des États-Unis, estimant que la présence de ce pays dans le nord-est de la Syrie constitue une violation claire de la Charte des Nations Unies, du droit international, ainsi que de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a dit que seule une solution politique conforme à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité sera de nature à mettre fin au conflit syrien.  Il a dit l’urgence de parvenir à une unité du peuple syrien pour ramener la stabilité dans un pays qui partage 911 kilomètres de frontières communes avec la Türkiye.  Le représentant s’est particulièrement inquiété de la menace que font peser les groupes terroristes dans la région en rappelant que les Forces démocratiques syriennes comprennent le Parti des travailleurs du Kurdistan et les Unités de protection du peuple kurde, qualifiés de groupes terroristes, qui ont mené des attaques qui ont coûté la vie à deux soldats turcs le 16 août dernier.  La lutte contre Daech ne peut être menée que par des acteurs légitimes, a insisté le représentant de la Türkiye avant de juger « fausse » l’idée selon laquelle un groupe terroriste peut lutter contre un autre groupe terroriste.  Il a exhorté les parties à renouveler le mandat du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière le 10 janvier prochain, prévenant que la suspension de cette aide en plein hiver serait dramatique.  Il a fustigé l’attitude négative du régime syrien qui empêche la livraison d’aide à travers les lignes de front à Roukban.  Enfin, le représentant a salué l’approche constructive de l’opposition lors des huit premières sessions de la Commission constitutionnelle.  

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