Conseil de sécurité: examen du rapport 2021 de la Commission de consolidation de la paix avec des appels en faveur d’un financement prévisible
En 2021, la Commission de consolidation de la paix (CCP) a apporté son soutien à 13 contextes nationaux ou régionaux, a déclaré ce matin le Président sortant, M. Osama Abdelkhalek, de l’Égypte. En présentant au Conseil de sécurité le rapport annuel de l’organisme, il a indiqué notamment que la CCP s’est engagée l’an dernier pour la première fois avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qu’elle a augmenté la participation des femmes à ses réunions et qu’elle entend avoir des échanges plus fréquents avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA).
De son côté, le Président en exercice, M. Monwar Hossain, du Bangladesh, a annoncé que la CCP a prévu cette année de s’engager avec au moins 12 pays et 5 régions. « Jusqu’à ce jour, la CCP a tenu 13 réunions au niveau des ambassadeurs et une visite sur le terrain du Président de la configuration Libéria » a-t-il précisé avant de citer des réunions spécifiques aux pays organisées à la demande de la Colombie, de la République centrafricaine, de la Guinée-Bissau, du Libéria et du Burkina Faso, tandis que des réunions régionales ont discuté des défis et priorités spécifiques de consolidation de la paix pour le Sahel, le bassin du lac Tchad et les îles du Pacifique.
Si plusieurs membres du Conseil ont salué la « maturité » croissante de la « jeune » CCP, « l’adolescente » dans la famille des Nations Unies selon le Brésil, « qui présente un immense potentiel » selon le Royaume-Uni, beaucoup ont insisté sur la nécessité d’un meilleur financement de la consolidation de la paix pour prévenir efficacement les conflits.
Saluant « un triangle de la consolidation de la paix » -constitué par la CCP, le Fonds pour la consolidation de la paix et le Bureau de consolidation de la paix– qui devient de plus en plus souple et efficace, la Norvège a appuyé les négociations en cours sur l’amélioration du financement dont la proposition du Secrétaire général en faveur de contributions statutaires. Plusieurs délégations ont appuyé les initiatives de la Suède et du Kenya pour la rédaction d’un projet de résolution du Conseil de sécurité sur le financement de la CCP. De son côté, reconnaissant que le Fonds pour la consolidation de la paix ne doit pas être la seule source de financement de la Commission, la Fédération de Russie a estimé qu’un éventuel financement à partir du budget ordinaire de l’ONU devra être assorti d’un mécanisme de contrôle garantissant que les fonds bénéficient aux pays hôtes et respectent leurs priorités.
Sur le fond, le Royaume-Uni s’est félicité que le plus jeune organisme des Nations Unies coordonne les réponses collectives aux défis de consolidation de la paix. La France a salué, à cet égard, la capacité de la CCP à réunir un ensemble large et diversifié d’interlocuteurs, dont les États Membres, la société civile, les organisations régionales et le secteur privé. Elle s’est aussi félicitée que la configuration chargée de la République centrafricaine ait, cette année encore, fait des recommandations au Conseil de sécurité en amont du renouvellement du mandat de la MINUSCA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine.
Saluant elle aussi la « contribution précieuse qu’elle apporte aux pays sortant de conflits », la délégation des États-Unis s’est dite en faveur d’un rôle croissant de la CPP. Elle a fait valoir dans ce contexte que le Président Biden a lancé le 1er avril une stratégie de prévention des conflits pour les 10 prochaines années.
Les recommandations de la CCP ont également suscité des commentaires, alors qu’elle a, en 2021, prodigué des conseils 9 fois au Conseil de sécurité, 4 fois à l’Assemblée générale, et 3 fois au Conseil économique et social. Le Kenya a appelé à la mise en place d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre de ces recommandations par le Conseil de sécurité, tandis que le Brésil a exhorté « le Conseil à commencer de considérer la Commission comme une alliée indispensable, et non comme une concurrente ». La Fédération de Russie a, pour sa part, souhaité que la Commission améliore la qualité de ses recommandations au Conseil de sécurité sur les pays qui figurent à son ordre du jour.
La CCP est un organe consultatif intergouvernemental de l’ONU qui appuie les efforts de paix dans les pays touchés par un conflit. Composée de 31 États Membres, élus au sein de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social, elle compte notamment parmi ses membres les principaux pays contributeurs financiers et les principaux pays contributeurs de troupes.
CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX
Déclarations liminaires
M. OSAMA ABDELKHALEK (Égypte), qui s’exprimait en qualité de Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP) en 2021, a présenté le rapport annuel de la Commission en mettant l’accent sur cinq points: élargir la portée de la CCP en termes d’orientation géographique et sur le fond; renforcer les rôles de conseil et de relais de la CCP; favoriser des partenariats efficaces dans la consolidation de la paix; faire avancer la discussion sur le financement de la consolidation de la paix; et promouvoir les thématiques « les femmes et la paix et la sécurité » et « les jeunes et la paix et la sécurité » et la promotion de la reprise post-pandémie de COVID-19.
Mettant l’accent sur la portée géographique, M. Abdelkhalek a indiqué que la CCP a apporté en 2021 son soutien à 13 contextes spécifiques à des pays et à des régions, dont la première réunion sur le golfe de Guinée et la transition au Tchad. Pour ce qui est du renforcement des rôles de conseil et de relais de la CCP, il a expliqué que la Commission a renforcé ses relations avec l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social (ECOSOC) par la désignation de coordonnateurs informels pour gérer les relations entre les organes et pour un meilleur alignement de leurs programmes de travail. Illustrant son propos, il a indiqué que la CCP a prodigué des conseils 9 fois au Conseil de sécurité, 4 fois à l’Assemblée générale et 3 fois à l’ECOSOC.
S’agissant de la promotion des partenariats, il a indiqué que la Commission s’est engagée pour la première fois avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle a aussi tenu sa quatrième réunion consultative informelle avec le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine (UA), qui a appelé à des échanges plus fréquents entre les deux organes.
Mettant l’accent sur la mise en œuvre des thématiques relatives aux femmes et aux jeunes en lien avec la paix et la sécurité, M. Abdelkhalek a cité des statistiques de 2021 qui montrent que 91% des documents finaux de la Commission ont promu la participation pleine, égale et significative des femmes à la consolidation de la paix. La participation des femmes aux réunions de la CCP est d’ailleurs passée de 22% en 2019 à 74% en 2021. De même, la Commission a enregistré une augmentation significative du taux de participation des jeunes venant informer la Commission, passée de 5,4% en 2020 à 44,4% en 2021.
En conclusion, il a indiqué que la CCP, en tant qu’organe consultatif intergouvernemental qui soutient les efforts de consolidation de la paix, a continué de jouer un rôle essentiel pour le renforcement d’un multilatéralisme efficace comme plateforme de solidarité et de coordination mondiales répondant à la demande croissante de soutien à la consolidation de la paix.
M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh), qui s’exprimait en tant que Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a expliqué s’être fixé pour objectif, en 2022, d’adopter un programme plus ambitieux et tourné vers l’avenir pour la Commission, pour ensuite en présenter les grandes lignes. Il a indiqué que la CCP continue de mettre l’accent sur l’action en répondant aux demandes en temps opportun. Cette année, la Commission a prévu de s’engager avec au moins 12 pays différents et 5 régions différentes, en plus de ses priorités thématiques actuelles. Jusqu’à ce jour, la CCP a tenu 13 réunions au niveau des ambassadeurs et une visite sur le terrain du Président de la configuration Libéria. Des réunions spécifiques aux pays ont été organisées à la demande de la Colombie, de la République centrafricaine, de la Guinée-Bissau, du Libéria et du Burkina Faso, tandis que des réunions régionales ont eu lieu sur le Sahel, le bassin du lac Tchad et les îles du Pacifique pour discuter des défis et priorités spécifiques de consolidation de la paix de ces pays et régions.
Le programme de travail de cette année a également donné la priorité à l’appropriation nationale et à l’inclusivité. À cet égard, avant d’organiser les réunions, la Commission s’est entretenue avec un éventail d’acteurs nationaux et régionaux concernés pour s’assurer que la CCP répond aux besoins réels sur le terrain. Par exemple, avant la réunion sur le Sahel, la Commission, avec le soutien du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA), a tenu de vastes consultations avec les représentants locaux et régionaux du Sahel et ses partenaires internationaux.
Une plus grande attention à la cohérence des Nations Unies est restée une priorité pour la Commission cette année, a encore indiqué son président. Jusqu’à présent, la Commission a accordé l’attention voulue à la promotion d’approches intégrées, stratégiques et cohérentes de consolidation de la paix et a mis l’accent sur la synergie avec le Fonds pour la consolidation de la paix. En juin, la Commission a tenu une réunion avec les présidents des configurations spécifiques aux pays pour recevoir des mises à jour sur les progrès réalisés et les activités à venir. En outre, la Commission poursuit des partenariats efficaces avec des organisations régionales et des institutions financières internationales et régionales. Jusqu’à présent cette année, une grande variété de partenaires, dont l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), la Banque africaine de développement, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Commission du bassin du lac Tchad, le G5 Sahel, le Forum des îles du Pacifique et la Communauté du Pacifique, ont participé aux réunions de la CCP, a précisé M. Hossain.
Le financement de la consolidation de la paix est aussi resté au cœur de l’attention cette année, en particulier dans le contexte de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le financement de la consolidation de la paix qui s’est tenue du 27 au 29 avril. La CCP a donné la priorité à son plaidoyer pour assurer un financement adéquat, prévisible et durable de la consolidation de la paix, et a envoyé, avant la réunion de haut niveau, une mise à jour complète au Président de l’Assemblée générale, réitérant que le financement de la consolidation de la paix reste un défi essentiel. Elle a encouragé l’Assemblée générale à examiner toutes les options pour un financement accru de la consolidation de la paix, y compris les financements volontaires, évalués et innovants. Le processus se poursuit désormais sous la direction de la Suède et du Kenya en tant que cofacilitateurs des consultations intergouvernementales sur le financement de la consolidation de la paix.
En dernier lieu, le Président de la CCP a évoqué les efforts de la Commission pour renforcer son rôle consultatif et de liaison avec l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social (ECOSOC). La Commission a pour la première fois partagé son programme de travail avec l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité par le biais de communications officielles du Président, ce qui a marqué une étape majeure vers l’institutionnalisation des relations consultatives entre la CCP et d’autres organes de l’ONU, a estimé son président. Un autre progrès significatif a été l’échange de lettres entre le Président de la CCP et le Président du Conseil de sécurité demandant au Secrétaire général de se mettre en liaison avec la Commission avant de faire un rapport au Conseil de sécurité. La CCP reçoit désormais les rapports du Secrétaire général à l’avance, a précisé M. Hossain. De même, un coordonnateur informel a été nommé pour la première fois pour faire la liaison avec l’ECOSOC.
Déclarations
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a souligné le mandat unique dont la CCP est dotée et sa complémentarité avec celui du Conseil, insistant sur le besoin grandissant de consolidation de la paix dans le monde. Il a jugé crucial de faire en sorte que la CCP continue de fournir des conseils pertinents et concrets au Conseil, qu’ils soient thématiques ou qu’ils se rapportent à un pays donné. Il a demandé que les voix des États concernés soient bien entendues dans le cadre des travaux du Conseil et de la CCP. Il a salué le fait que les pays concernés et la Commission reçoivent désormais par avance des exemplaires de rapports du Secrétaire général sur des sujets transversaux: « Cela contribuera à nourrir la confiance des pays en l’efficacité de la CCP et leur engagement informé lors de ses réunions. » Les priorités, faits et demandes formulés par les pays sont sacro-saints et doivent être reflétés fidèlement dans lesdits rapports, a insisté le délégué, qui a souhaité qu’un suivi de la manière dont les recommandations de la CCP sont intégrées dans les travaux du Conseil soit assuré.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a partagé cinq observations pour aider la Commission de consolidation de la paix à s’acquitter de son mandat. Il a d’abord recommandé aux gouvernements concernés de fixer leurs priorités et d’élaborer des stratégies de paix durable dans toutes les étapes du conflit, en veillant à l’inclusion qui est primordiale pour atteindre les objectifs de maintien de la paix. Il a ensuite invité à forger la cohésion sociale et la confiance dans les institutions nationales, des éléments indispensables pour garantir que les sociétés ravagées par les conflits ne tombent à nouveau dans le chaos. Les efforts à cet égard doivent prendre en compte différents scénarios postconflit et le contexte local, a précisé le délégué. Il a aussi souhaité que le débat sur le financement croissant de la Commission de consolidation de la paix soit approfondi, en prenant en compte l’ensemble du système des Nations Unies. Le représentant a invité à rejeter l’interprétation large du mandat de la Commission telle qu’élaborée par la résolution 60/180 de l’Assemblée générale et la résolution 1654 (2005) du Conseil de sécurité. S’agissant du rôle consultatif de la Commission, il a préféré qu’il soit exercé de manière judicieuse et uniquement lorsqu’il est nécessaire. De plus, selon le délégué, la Commission doit s’impliquer de manière proactive dans les activités du Fonds pour la consolidation de la paix pour résoudre le déficit budgétaire. Enfin, il a jugé important de prévoir des paramètres et des critères pour les stratégies de sortie dans les pays à l’examen.
Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) s’est félicitée de la maturité acquise par le plus jeune organisme des Nations Unies qui présente un immense potentiel. « En continuant d’approfondir ses relations avec les pays qu’elle couvre et en coordonnant des réponses collectives aux défis de consolidation de la paix, la CCP continuera d’acquérir de l’importance. » Soulignant en particulier la difficulté de faire face au coût des conflits, la représentante a insisté sur la nécessité de mettre l’accent sur la prévention en promouvant des sociétés pacifiques, justes et inclusives, en réalisant le développement durable et en forgeant la résilience. Elle a appelé tous les acteurs nationaux et internationaux à placer la consolidation de la paix et la paix durable au cœur de leurs politiques et approches. Elle a recommandé pour cela d’adopter des approches politiques plus intégrées, inclusives et stratégiques, de prévoir un financement plus intelligent et de mettre en œuvre une coopération plus large.
Pour Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), la Commission de consolidation de la paix (CCP) a fait ses preuves en réunissant un ensemble large et diversifié d’interlocuteurs, avant de saluer sa capacité à faire dialoguer de manière interactive les États Membres avec la société civile, les organisations régionales, voire le secteur privé. Elle s’est félicitée que la configuration sur la République centrafricaine ait, cette année encore, fait des recommandations au Conseil de sécurité en amont du renouvellement du mandat de la MINUSCA, encourageant la configuration sur le Burundi à continuer à soutenir les avancées dans ce pays. Elle a précisé que le Burundi pourra compter sur l’accompagnement de la France dans le cadre du dialogue politique en cours via l’Union européenne.
Par ailleurs, Mme Broadhurst Estival a demandé que l’apport opérationnel de la CCP soit accru, notamment vis-à-vis du Conseil de sécurité. Elle a demandé que les sujets thématiques comme les femmes et la paix et la sécurité et la jeunesse s’inscrivent dans des situations géographiques spécifiques. Rappelant le rôle central de la Commission pour bâtir une paix durable et prévenir la réémergence des conflits, la représentante a appuyé ses activités dans les contextes de transition et de postconflit. Elle devrait appuyer la préparation des retraits d’opérations de maintien de la paix, en mobilisant agences, fonds et programmes des Nations Unies et l’ensemble des partenaires. « Son soutien à la transition de la MONUSCO sera crucial », a-t-elle insisté, avant de suggérer que la CCP produise des recommandations complémentaires, ciblées et opérationnelles, dans le respect des mandats des deux organes. Dans le contexte de la réalisation des objectifs du développement durable et de la bonne gouvernance, elle a appelé la CCP à se concentrer sur les transitions, notamment en Afrique, avant de mettre l’accent sur des partenariats avec les institutions financières internationales et la mobilisation des acteurs du secteur privé. Elle a indiqué que la France augmentera cette année sa contribution au Fonds, qui atteindra 7,5 millions de dollars.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué les activités menées par la CCP pour élargir son rôle et sa portée, mais elle pourrait faire encore davantage selon lui. Pour ce qui est des enjeux de sécurité, l’ONU reste une pierre angulaire en termes de prévention et de pérennisation de la paix, a-t-il constaté en encourageant l’Organisation et la CCP à opter pour une démarche inclusive des acteurs régionaux et internationaux. Une approche de consolidation de la paix mieux définie pour les opérations de maintien de la paix et les missions politiques serait également utile pour certains mandats, a estimé le représentant, qui a également insisté sur l’importance d’une plus forte participation des femmes et des jeunes à la pérennisation de la paix. M. Hoxha a encouragé la CCP à prendre en compte les effets des changements climatiques dans ses travaux, ainsi que ceux de l’insécurité alimentaire. La Commission devrait également s’appuyer sur les organismes de l’ONU sur le terrain dans un souci d’optimisation des ressources, a-t-il encore fait valoir. Pour ce qui est du financement de la consolidation de la paix, il a plaidé en faveur d’un financement durable et dit soutenir les efforts intergouvernementaux en cours déployés par la Suède et le Kenya sur cette question.
Mme AMEIRAH AL HEFEITI (Émirats arabes unis) a encouragé les membres du Conseil à engager la CCP, y compris en l’invitant à s’exprimer devant ce Conseil et à lui fournir des recommandations écrites. Ils devraient coopérer davantage avec la CCP en prévision de leur présidence et durant celle-ci. Cela permettrait d’identifier les domaines dans lesquels la CCP peut faire une contribution tout en donnant le temps à celle-ci d’élaborer ses interventions en prévision des réunions du Conseil. Elle a ainsi rappelé que son pays, lors de sa présidence de mars, avait invité la CCP à faire des recommandations écrites lors du débat sur les femmes et la paix et la sécurité. Une contribution qui a permis de façonner les discussions, a estimé la déléguée, qui a demandé en conclusion de tirer pleinement profit des recommandations de la CCP lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des mandats des opérations onusiennes.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a souhaité que la Commission de consolidation de la paix ait un rôle croissant « étant donné la contribution précieuse qu’elle apporte aux pays sortant de conflits ». Ce rôle accru permettrait au système des Nations Unies de relever avec plus d’efficacité les défis transversaux liés à la sécurité, aux changements climatiques, à la santé, au genre, à l’égalité et aux droits humains. Les efforts des pays concernés et des États Membres en matière de consolidation de la paix doivent compléter ceux de l’ONU, a exhorté le représentant. Il a rappelé que le 1er avril dernier, le Président Biden avait lancé la phase de mise en œuvre de la stratégie des États-Unis de prévention des conflits et de promotion de la stabilité pour les 10 prochaines années, une stratégie qui prendra en compte tout l’éventail des outils à disposition afin non seulement d’éviter les conflits, mais également de lutter contre les racines sociales, politiques et économiques de la précarité. Les femmes doivent y être associées et avoir voix au chapitre, a-t-il précisé. Le représentant a aussi réitéré son appui au programme de réforme du Secrétaire général afin de mettre en phase les efforts et les acteurs de paix et de développement et humanitaires, en renforçant leur complémentarité. Il a appelé les États Membres à garantir la cohérence des mandats et des programmes et à se pencher sur des moyens novateurs de financement. Il leur a aussi demandé d’appuyer fermement la pleine participation des femmes à la consolidation de la paix.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a relevé que le financement de la consolidation de la paix demeure un défi de taille, notant qu’en 2021, le Fonds de consolidation de la paix était doté d’environ 178 millions de dollars, bien en deçà de l’objectif du Secrétaire général de 500 millions de dollars annuel. Il a estimé que des contributions fixées par l’ONU permettraient de fournir au Fonds une base de financement cohérente et a appuyé l’appel du Secrétaire général pour une dotation annuelle de 100 millions de dollars au Fonds pour la période allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.
En ce qui concerne les méthodes de travail, le représentant a salué la pratique de la CCP qui consiste à soumettre des lettres ou des notes d’avis en amont des réunions du Conseil de sécurité. Si elle était approfondie, cette pratique renforcerait les relations nécessaires entre le Conseil de sécurité et la CCP et permettrait à la Commission d’avoir un impact sur les travaux du Conseil, a estimé le représentant. Il a également salué la capacité de la CCP à appuyer une participation significative des femmes à la consolidation de la paix, estimant que cela permet de renforcer l’efficacité et la durabilité des mesures de consolidation de la paix. Il en va de même pour le travail ciblé de la Commission avec les jeunes et les agriculteurs afin de leur donner les moyens de renforcer leur participation pleine et significative à tous les processus politiques, y compris les élections et les transitions. L’implication de la Commission dans les interventions de paix et de développement liées au climat ainsi que dans la promotion de mécanismes communautaires de règlement des différends est tout aussi remarquable et devrait être encouragée, a-t-il ajouté.
M. ZHANG JUN (Chine) a appelé l’ONU et la communauté internationale à investir davantage dans la consolidation de la paix, dans le respect des priorités de développement des pays concernés. Le développement économique doit être au cœur des efforts de consolidation de la paix, a-t-il estimé. Le délégué a pris l’exemple du Sahel, où les opérations militaires ne suffisent pas à régler le défi du terrorisme. Il est en effet crucial de remédier aux causes profondes, a-t-il dit en demandant le renforcement des capacités des pays concernés en matière de développement durable. Les sanctions sapent les capacités des pays et doivent donc être levées, a argué le délégué. Il a préconisé l’exploration de nouvelles voies de financement des efforts de consolidation de la paix et souhaité une coordination plus étroite du Conseil avec la CCP, afin que celle-ci puisse pleinement jouer son « rôle fédérateur ». Le Président de la CCP devrait s’exprimer plus souvent devant ce Conseil, a conclu le délégué de la Chine.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a rappelé qu’il faut investir dans la prévention des conflits « parce qu’elle sauve des vies et de l’argent ». Elle a recommandé d’agir de manière coordonnée, notamment en appuyant le nouveau programme de paix du Secrétaire général, avant de plaider pour que les activités de consolidation de la paix soient financées de manière durable. Elle a aussi invité le Conseil à tirer de précieuses leçons du travail de la CCP sur la promotion de l’inclusion, notamment des femmes et des jeunes. « La paix durable ne se construit pas sans inclure ceux qui, en fin de compte, en hériteront. » La représentante a apprécié à cet égard que la Commission se soit engagée de manière tangible dans les questions relatives aux jeunes dans la région des Grands Lacs et au Sahel. Le Conseil doit s’appuyer sur les avis et conseils de la CCP, a-t-elle estimé. Comme exemples concrets de la façon dont nous pouvons travailler efficacement ensemble, elle a cité la récente séance d’information de la Commission sur le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, son engagement sur les questions régionales et ses conseils sur le renforcement des liens entre le maintien et la consolidation de la paix. Recommandant des synergies entre la CCP et le Conseil, pour plus d’efficacité, elle a expliqué qu’il ne s’agit pas d’outrepasser les mandats, mais de les utiliser à leur plein potentiel. « À ceux qui cherchent à utiliser la Charte des Nations Unies pour protéger leur propre pouvoir au lieu de remplir leurs obligations de maintenir la paix et la sécurité internationales, de quoi avez-vous vraiment peur? » a lancé la représentante en guise de conclusion.
Mme MONA JUUL (Norvège) a constaté que le triangle de la consolidation de la paix des Nations Unies, composé de la Commission de consolidation de la paix (CCP), du Fonds pour la consolidation de la paix et du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, devient plus efficace et agile. Elle a cependant suggéré trois domaines dans lesquels une amélioration pourrait être faite, à commencer par le rôle consultatif important de la CCP auprès du Conseil de sécurité, qui devrait s’appuyer davantage sur ses recommandations, en particulier s’agissant de l’élaboration des mandats, des prorogations et des transitions. En outre, la déléguée a proposé que la CCP continue à innover et à étendre son travail à d’autres domaines, notamment en soutenant des mesures holistiques liées aux changements climatiques, à la santé, au genre, au développement et aux droits humains. Cela devrait bien sûr se faire en étroite collaboration avec les États Membres concernés, les coordonnateurs résidents et les équipes de pays des Nations Unies, a souligné la représentante. Son troisième point a porté sur l’intensification des efforts en vue d’accroître les financements disponibles pour la consolidation de la paix et la prévention. La Norvège appuie fermement les négociations en cours sur la hausse du financement de la consolidation de la paix, a-t-elle précisé à cet égard, y compris les propositions du Secrétaire général relatives aux quotes-parts. Son pays, a-t-elle dit, a été un partenaire constant du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix depuis ses débuts, et le restera. La représentante a précisé que l’accord actuel de la Norvège, qui porte sur cinq ans et est d’un montant d’environ 50 millions de dollars, lui offre prévisibilité et flexibilité.
Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a demandé que le système onusien œuvre de manière plus coordonnée et cohérente pour accompagner les objectifs stratégiques que se fixent les pays en vue de maintenir la paix et promouvoir le développement durable. « Une attention particulière doit être accordée aux femmes », a-t-elle souligné, avant de plaider pour une attention similaire à la jeunesse, en vue de créer un environnement sain pour elle et d’empêcher qu’elle soit « détournée vers le piège de la radicalisation ». Un accent devrait également être mis sur le renforcement des mécanismes nationaux de prévention des conflits, y compris la mise en place de cadres institutionnels inclusifs susceptibles d’accroître l’endurance des sociétés face aux risques de conflits, avec la pleine participation du secteur privé et de la société civile, a conclu la déléguée du Gabon.
Mme GLORIYA A. AGARONOVA (Fédération de Russie) a estimé qu’une démarche globale qui appuie les priorités nationales, en tenant compte des particularités des pays et des facteurs régionaux, contribue à atteindre les objectifs de consolidation de la paix. Celle-ci est efficace lorsqu’elle repose sur le principe d’appropriation nationale, a-t-elle insisté, précisant que l’ONU et les partenaires internationaux doivent seulement être appelés pour renforcer les capacités des États à sortir des conflits. Elle a aussi parlé de la société civile et des ONG qui peuvent jouer un rôle subsidiaire, en coordination avec les autorités nationales. Venant à la CCP, elle a souhaité que la Commission améliore la qualité de ses recommandations au Conseil de sécurité sur les pays qui figurent à son ordre du jour.
S’agissant du financement de la Commission, elle a dit attendre de voir si le budget alloué est dépensé comme il se doit. Elle s’est inquiétée des coûts élevés du personnel international et des consultants qui « dépassent l’entendement ». Les ressources doivent être allouées à l’objectif d’élimination des racines des conflits, a plaidé la représentante avant d’exprimer son désaccord avec la pratique largement répandue de donner la priorité au genre, une question pas toujours mise en avant par la partie hôte mais qui est populaire chez les donateurs. Elle a également dénoncé les cas dans lesquels les donateurs dictent des conditions politiques pour l’octroi du financement. « C’est d’autant plus scandaleux lorsqu’on arrête de financer la mise en œuvre d’accords de paix, comme récemment au Soudan du Sud. » La représentante a rappelé que ce sont le règlement politique du conflit et la stabilisation de la situation en matière de sécurité qui contribuent à améliorer la situation des droits humains et qui permet d’édifier des institutions démocratiques dans les pays, et non pas le contraire. Le Fonds de consolidation de la paix ne doit pas être la seule source de financement de la Commission, a aussi été d’avis la déléguée. Évoquant la possibilité d’allouer également des fonds du budget ordinaire à la CCP, la déléguée a expliqué que les États Membres devraient alors définir un mandat pour l’utilisation de ces fonds et prévoir un contrôle des décaissements. L’argent doit aller aux pays hôtes et doit être dépensé en fonction de leurs priorités, a-t-elle conclu.
M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a constaté que le travail de la CCP a augmenté ces dernières années, avec des activités de plus grande portée géographique et thématique. Il a salué le fait que la Commission et le Fonds pour la consolidation de la paix aient été impliqués dans des projets dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, en particulier en Colombie. En ce qui concerne les programmes sur les femmes et les jeunes, la paix et la sécurité, il a souligné que l’adoption de plans d’action pour ces deux programmes a donné des outils concrets pour faciliter l’intégration des femmes et des jeunes dans ces processus. De même, il a reconnu que la CCP a fait un effort pour écouter les voix des femmes et des jeunes qui travaillent dans leurs communautés et sont de véritables bâtisseurs de paix.
Notant qu’il ne saurait y avoir de paix sans développement, le représentant s’est félicité du fait que la CCP soit un acteur clef du nouvel Agenda pour la paix promu par le Secrétaire général qui favorise une plus grande coordination entre les coordonnateurs résidents et les équipes de pays des Nations Unies afin d’appuyer la recomposition du tissu social et répondre aux intérêts des sociétés et des gouvernements des pays d’accueil. La CCP est un acteur clef pour renforcer la capacité préventive de l’ONU, a souligné le représentant qui a souhaité que les recommandations et avis de la CCP puissent arriver plus tôt au Conseil de sécurité.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a rappelé la valeur ajoutée de la Commission de consolidation de la paix (CCP), qui a l’avantage de mobiliser les organisations régionales et les institutions financières internationales et de favoriser les accords de coopération Sud-Sud et triangulaire à l’appui des initiatives nationales de consolidation de la paix. Elle peut également contribuer à promouvoir la réconciliation, le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, le renforcement des institutions et autres priorités de consolidation de la paix définies au niveau national, a encore observé le représentant. Toutefois, la CCP pourrait faire davantage, selon le représentant, pour qui elle reste une « adolescente » dans la famille des Nations Unies. « Les relations de la Commission avec l’ECOSOC, l’Assemblée générale et surtout le Conseil de sécurité n’ont pas encore été pleinement explorées », a-t-il poursuivi.
Les prochaines étapes à suivre devraient déboucher sur une collaboration plus significative entre ces deux organes, a estimé le délégué, en citant des consultations sur les questions relatives à la consolidation et au maintien de la paix avant la formation, l’examen, le retrait et la transition des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, « avec un calendrier clair à cet effet ». En outre, il a plaidé pour la présentation régulière d’avis écrits par la CCP sur les questions figurant à l’ordre du jour des deux organes et sur la manière dont les plans et stratégies de consolidation de la paix pourraient répondre concrètement aux besoins des enfants touchés par les conflits, en particulier la réintégration de ceux anciennement associés à des groupes armés. M. Costa Fihlo a également préconisé un alignement plus poussé des programmes de travail du Conseil et de la CCP et une amélioration des méthodes de travail du Conseil s’agissant de son interaction avec la CCP.
Sans une contribution appropriée à la consolidation de la paix, le Conseil de sécurité ne pourra pas faire de progrès significatifs dans la prévention des conflits, qui est un élément clef de la promotion de la paix à long terme, et dans les préparatifs de transitions réussies. Il doit donc commencer à considérer la Commission comme une alliée indispensable, et non comme une concurrente, a conclu le représentant.