Conseil de sécurité: la Haute-Représentante de l’ONU regrette à nouveau l’impasse dans laquelle se trouve le dossier des armes chimiques en Syrie
Les efforts de l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en vue de clarifier toutes les questions en suspens relatives à l’utilisation présumée d’armes chimiques en République arabe syrienne n’ont pas donné lieu à des progrès depuis le mois dernier, a constaté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement.
Dans le cadre de la séance mensuelle du Conseil à ce sujet, Mme Izumi Nakamitsu a ajouté « qu’en raison des lacunes, incohérences et divergences identifiées non résolues, la déclaration soumise par la République arabe syrienne ne peut être considérée comme exacte et complète conformément à la Convention sur les armes chimiques ».
La haute fonctionnaire a relevé que l’OIAC attend toujours des informations sur les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques possiblement utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation déclarée de manufacture d’armes chimiques. De même, elle n’a pas reçu de Damas d’informations sur les dégâts causés au cours de l’attaque du 8 juin 2021 contre une ancienne installation de production d’armes chimiques et le déplacement non autorisé des restes de deux cylindres de chlore détruits lors de l’incident de Douma en date du 7 avril 2018.
Mme Nakamitsu a aussi informé les membres du Conseil que l’OIAC n’est toujours pas en mesure de mener, à Damas, la vingt-cinquième série de consultations entre l’Autorité nationale syrienne et l’Équipe d’évaluation en raison du refus répété de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à son principal expert technique. La Haute-Représentante a rappelé au Gouvernement syrien son obligation de coopérer avec le Secrétariat technique de l’OIAC, conformément aux dispositions de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité, notamment en ménageant un accès sans entrave aux personnels désignés.
Alors que les délégations russe, chinoise, iranienne et syrienne ont imputé l’absence de progrès au « manque de professionnalisme et d’impartialité » de l’OIAC et à sa « politisation » par les pays occidentaux, les États-Unis ont rappelé que 20 questions relatives à sa déclaration initiale, pourtant amendée à 17 reprises, restent sans réponses. Enfin, « pour clore tout doute », la délégation américaine a rappelé qu’une enquête conjointe de l’OIAC et de l’ONU a attribué quatre attaques chimiques au « régime Assad ».
« En l’absence totale de coopération de la part du régime syrien depuis plus d’un an et après six refus de la part de celui-ci, le Secrétariat technique a finalement renoncé à déployer sur le terrain l’équipe d’évaluation de la déclaration initiale syrienne », a constaté à regret la France avant de fustiger une attitude inacceptable d’entrave systématique du « régime ». Tandis que le représentant l’a appelé à répondre par écrit dans les meilleurs délais aux 20 questions en suspens, son homologue britannique a précisé qu’une de ces questions concerne la localisation de centaines de tonnes d’agents chimiques.
De leur côté, les délégations russe et syrienne ont critiqué les « propos subjectifs » de M. Fernando Arias, le Directeur général de l’OIAC, de même que son refus de se rendre à Damas, lié à la suspension des droits et privilèges de la Syrie en tant qu’État membre de l’OIAC. Si le représentant syrien a jugé illégitime M. Arias, celui de la Chine a pour sa part invité l’OIAC à s’appuyer sur des éléments de preuves fiables dans ses travaux. La République islamique d’Iran a prévenu que la politisation des activités de l’Organisation risquait non seulement de saper la crédibilité de cette organisation mais aussi de la Convention sur les armes chimiques. Regrettant la réitération, chaque mois, des mêmes allégations infondées contre le Gouvernement syrien, la déléguée iranienne a salué les efforts de la Syrie qui vient, le 15 juillet 2022, de publier son cent quatre-vingt-quatrième rapport mensuel sur la mise en œuvre de ses obligations.
Répondant à la Fédération de Russie, Mme Nakamitsu a souhaité que l’on permette la participation de l’expert principal de l’Équipe d’évaluation des déclarations, dont le visa n’a pas été délivré alors qu’il dispose d’une expérience unique. « Il s’est rendu plus de 20 fois en Syrie depuis la création de l’Équipe en 2014, parle couramment l’arabe et constitue donc un membre indispensable de l’Équipe », a-t-elle insisté, avant de souligner l’obligation de Damas de coopérer avec l’OIAC et l’ONU, d’accepter le personnel désigné par ces organisations, et de lui fournir un accès sans entrave à tous les sites.
Réagissant à ces propos, le représentant syrien a rétorqué que son pays ne revendiquait pas le choix des experts nommés mais s’opposait à la délivrance d’un visa à un individu qui a, selon lui, « perdu toute objectivité et tout professionnalisme ».
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2022/530)
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a déclaré que les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la République arabe syrienne n’ont pas progressé depuis la dernière réunion du Conseil sur cette question.
Elle a ajouté que le Secrétariat technique de l’OIAC n’a pas encore reçu la déclaration demandée à la République arabe syrienne sur tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation de production d’armes chimiques déclarée par la République arabe syrienne comme n’ayant jamais servi à produire des agents de guerre chimique.
Le Secrétariat technique de l’OIAC attend également de plus amples informations et documents de la République arabe syrienne concernant les dommages causés au cours de l’attaque du 8 juin 2021 contre une ancienne installation de production d’armes chimiques, a encore souligné la Haute-Représentante.
Notant que le Secrétariat technique n’a pas encore reçu de réponse à la demande d’informations concernant le déplacement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors de l’incident à l’arme chimique qui s’est produit à Douma le 7 avril 2018, Mme Nakamitsu, a invité la Syrie à y répondre de toute urgence.
« J’ai le regret d’informer les membres du Conseil que le Secrétariat technique de l’OIAC n’est toujours pas en mesure de mener la vingt-cinquième série de consultations à Damas entre l’Autorité nationale syrienne et l’Équipe d’évaluation des déclarations en raison du refus répété de la République arabe syrienne de délivrer un visa d’entrée à l’expert technique principal de l’Équipe d’évaluation des déclarations », a cité Mme Nakamitsu avant de préciser que l’Autorité nationale syrienne a exigé l’exclusion du même expert de l’Équipe d’évaluation des déclarations proposé par le Secrétariat de l’OIAC pour participer à une série de consultations à Beyrouth.
Elle a aussi souligné qu’en réponse à une note verbale du 20 mai 2022 du Secrétariat technique de l’OIAC, le Ministre des affaires étrangères syrien a envoyé une lettre au Directeur général de l’OIAC le 31 mai 2022, souscrivant à la proposition du Secrétariat de remédier aux lacunes de la déclaration initiale de la République arabe syrienne par échange de correspondances. « Dans sa lettre, le Ministre syrien des affaires étrangères a également reconnu qu’un tel échange ne saurait remplacer les consultations entre l’Autorité nationale syrienne et l’Équipe d’évaluation des déclarations, tout en continuant d’affirmer que l’exclusion du chef de file de l’Équipe d’évaluation des déclarations était une condition pour la tenue de la vingt-cinquième série de consultations », a-t-elle précisé.
Dans ce contexte, la Haute-Représentante a exhorté le Gouvernement syrien à coopérer avec le Secrétariat technique de l’OIAC conformément aux dispositions de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité, notamment en autorisant un accès sans entrave pour tout le personnel désigné par le Secrétariat de l’OIAC.
Elle a indiqué qu’en raison des lacunes, des incohérences et des divergences identifiées non résolues, la déclaration soumise par la République arabe syrienne ne peut être considérée comme exacte et complète conformément à la Convention sur les armes chimiques.
Après avoir salué l’intégrité, le professionnalisme, l’impartialité, l’objectivité et l’indépendance des travaux de l’OIAC, la Haute-Représentante a regretté que la République arabe syrienne n’ait pas encore fourni suffisamment d’informations ou d’explications techniques qui permettraient à l’OIAC de clore le dossier lié à la détection en novembre 2018 d’un produit chimique inscrit au tableau 2 dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS) de Barzé.
En ce qui concerne la rencontre en personne entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères, elle a indiqué que le Secrétariat technique de l’OIAC attend toujours la position syrienne sur la dernière version de l’ordre du jour. Elle a indiqué que la mission d’établissement des faits de l’OIAC continue d’étudier toutes les informations disponibles relatives aux allégations de l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne et que l’Équipe d’enquête et d’identification (IIT) poursuit son investigation sur des incidents au cours desquels la mission a déterminé que des armes chimiques avaient été utilisées ou étaient susceptibles d’être utilisées en Syrie.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dit que le cent cinquième rapport du Directeur général poursuit le même objectif que les précédents: montrer que la Syrie ne s’acquitte pas de ses obligations alors que c’est le cas et qu’elle coopère avec l’OIAC. Il a noté que tout développement positif est mentionné de manière elliptique dans le rapport, lorsqu’il l’est. Il a dit qu’il a une longue liste de questions pour le Directeur général de l’OIAC, M. Fernando Arias, et regretté que ce dernier ne se soit pas exprimé en personne devant ce Conseil. « Nous comprenons que l’Europe est dans une période de vacances », a-t-il cependant noté. Le délégué a souligné la déformation des faits relatifs à l’incident de Douma et les persécutions de « ceux qui n’ont pas peur de dire la vérité ». M. Arias n’a pas eu le temps de se rendre en Syrie alors qu’il vient pourtant de se rendre aux États-Unis, s’est-il étonné, en rappelant que le quart de l’intervention prononcée par ce dernier devant la dernière conférence des États parties était consacrée à la Syrie. Il a donc demandé à M. Arias de se rendre régulièrement à Damas pour tourner « cette page honteuse » de l’histoire de l’OIAC.
Le délégué a aussi battu en brèche l’idée selon laquelle un changement d’attitude de Damas suffirait pour boucler ce dossier. La Syrie n’est en rien opposée à l’envoi de l’Équipe d’évaluation des déclarations mais elle a le droit de refuser la présence d’un expert qui ne lui convient pas, a tranché le délégué: « Damas continue de faire preuve d’un esprit d’ouverture inédit et respecte tous les engagements pris. » Il a fustigé le « biais » de l’OIAC à l’encontre de Damas et rejeté tout rapport passé et futur comme « illégitime » parce que fruit d’une structure « illégitime », qui veut cacher les faits et incriminer la Syrie. Il a regretté l’attention insuffisante accordée à l’emploi d’armes chimiques par des groupes terroristes, alors que des éléments montrent que cette menace est bien réelle. Enfin, le délégué russe a dénoncé la politisation de l’OIAC par les pays occidentaux, ce qui sape le régime de non-prolifération des armes chimiques. Mais elle peut encore s’acquitter de ses obligations en assurant la transparence de ses travaux et en remédiant aux erreurs du passé, a conclu le délégué.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a salué les efforts inlassables des experts de l’OIAC pour apporter les informations permettant de faire le point sur le programme d’armes chimiques de la Syrie. Il a reproché au « régime syrien » de ne pas avoir fourni à l’OIAC les informations demandées, notamment sur les cylindres de chlore utilisés dans l’attaque perpétrée à Douma et sur leur déplacement, ou encore sur l’installation de Barzé. En outre, les États-Unis reprochent aussi à la Syrie de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour déclarer toutes les armes chimiques en sa possession et pour régler toutes les questions en suspens relatives à sa déclaration initiale. Le représentant américain est également revenu sur le refus du régime syrien d’accorder des visas à certains membres de l’OIAC. Le « régime Assad », et ceux qui l’appuient comme la Fédération de Russie, ne cessent de dire que l’OIAC est biaisée, a-t-il rappelé, considérant pour sa part qu’il s’agit d’une accusation « absurde ». Le représentant a donc invité les membres du Conseil de sécurité à se pencher sur cette question et sur les changements apportés par le « régime Assad » à sa déclaration initiale. Les États-Unis attendent le rapport de l’Équipe d’évaluation des déclarations sur l’attaque présumée à l’arme chimique de 2018, même si, selon eux, la pire transgression du régime est celle faite au peuple syrien lui-même qui vit dans la peur de voir ces armes utilisées à nouveau contre lui. Le représentant a conclu en exhortant la Syrie à respecter toutes ses obligations.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté l’absence de progrès dans les discussions de la Syrie avec l’OIAC, le programme d’armes chimiques de la Syrie continuant d’être hors de portée de la communauté internationale. La Syrie veut choisir les inspecteurs mais elle n’en a pas le droit, a rappelé le représentant, en disant que ce cent cinquième rapport de l’OIAC met en exergue les lacunes et les disparités avec la déclaration initiale de Damas. Le « régime syrien » manque de fournir les informations pour révéler la portée de son programme d’armes chimiques, a continué le délégué qui a exhorté la Syrie à coopérer avec le Secrétariat technique. Le refus de dialoguer de Damas, soutenue par ses alliés, est inacceptable et irresponsable, a asséné l’Albanie, en appelant le Conseil de sécurité à faire preuve d’unité sur ce dossier.
Après avoir noté que la Syrie a rejoint l’OIAC il y a presque neuf ans, M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a regretté l’absence de progrès et une situation qui n’évolue pas parce que la déclaration initiale de la Syrie est toujours incomplète. Il a ajouté que le rapport du Directeur général de l’OIAC nous a notamment appris que des cylindres contenant des produits chimiques ont été détruits, à un endroit où ils ne devaient en réalité pas se trouver. Après avoir exhorté la Syrie à faire toute la lumière sur l’intégralité de ses stocks, le représentant a dit que le régime continue de faire obstruction au travail de l’OIAC. « En l’absence totale de coopération de la part du régime syrien depuis plus d’un an et après six refus de la part de celui-ci, le Secrétariat technique a finalement renoncé à déployer sur le terrain l’Équipe d’évaluation de la déclaration initiale syrienne », a noté M. de Rivière, avant de fustiger une attitude inacceptable d’entrave systématique du « régime ». C’est pourquoi le représentant a fermement appelé le régime syrien à répondre par écrit et dans les meilleurs délais aux 20 questions en suspens. « Il appartient à la Syrie de se mettre en conformité avec ses obligations internationales si elle veut rétablir ses droits et privilèges qui ont été suspendus par la décision prise par la Conférence des États parties en avril 2021 », a insisté le délégué avant de féliciter les équipes de l’OIAC qui continuent leur travail malgré les obstacles. Enfin, il a jugé inadmissible que certains tentent de remettre en cause la légitimité et les méthodes de travail du Secrétariat technique avant de préciser attendre les conclusions des deux prochains rapports de l’Équipe d’enquête et d’identification sur les incidents de Douma et de Marea. En conclusion, il a jugé essentiel que les auteurs d’attaques à l’arme chimique soient identifiés et rendent des comptes.
M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a dit que ces réunions du Conseil demeurent importantes afin que la Syrie s’acquitte de ses obligations, en notant le peu de progrès enregistrés jusqu’à présent. Nous n’avons pas vu de réels efforts de la Syrie d’honorer ses engagements, a tranché le délégué, en accusant ce pays d’entraver le travail de l’OIAC. En réponse à cette obstruction, l’OIAC a fait montre de flexibilité, en cherchant récemment à poursuivre le travail de l’Équipe d’évaluation des déclarations par le biais de correspondances écrites. Il a aussi noté que les arrangements en vue d’une rencontre entre M. Arias et le Ministre syrien des affaires étrangères sont toujours en souffrance. Le fait est que la Syrie doit engager sérieusement l’OIAC afin de résoudre toutes les questions en suspens, a conclu le délégué de l’Irlande.
M. PRATIK MATHUR (Inde) a encouragé la poursuite de l’engagement entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC pour régler toutes les questions en suspens. Il a souhaité que le vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’Autorité nationale syrienne soit organisé au plus tôt et que l’OIAC et la République arabe syrienne continueront de travailler ensemble pour surmonter les obstacles. Réaffirmant l’attachement de l’Inde à la Convention sur les armes chimiques, le représentant a plaidé pour sa mise en œuvre intégrale, efficace et non discriminatoire. En outre, il a indiqué que la délégation soutient les efforts collectifs de toutes les parties pour garantir que la crédibilité et l’intégrité de cette convention soient maintenues au mieux. L’Inde s’oppose à l’utilisation d’armes chimiques par quelque partie que ce soit, où que ce soit, et en toutes circonstances, a-t-il réitéré, avant d’ajouter que toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques doit être impartiale, crédible et objective. Une telle enquête devrait suivre scrupuleusement les dispositions et les procédures inscrites dans la Convention, et être conforme à l’équilibre délicat des pouvoirs et des responsabilités qu’elle consacre, afin d’établir les faits et de parvenir à des conclusions fondées sur des preuves, a tenu à souligner le représentant. Il a mis en garde contre la possibilité que des entités et des individus terroristes aient accès à des armes chimiques, y compris dans la région, notant que les rapports de l’Équipe d’enquête des Nations Unies chargée d’amener Daech/État islamique en Iraq et au Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) font notamment référence aux déploiements répétés d’armes chimiques par des groupes terroristes proscrits par l’ONU contre des populations civiles entre 2014 et 2016. Pour sa part, l’Inde a apporté une contribution de 200 000 dollars pour soutenir les enquêtes de l’UNITAD, a précisé le délégué.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a regretté le fait que les autorités syriennes continuent de ne pas fournir toutes les informations nécessaires pour clarifier les divergences sur les 20 questions en suspens de leur déclaration initiale. Il n’y a pas non plus eu de progrès dans la clarification de l’incident de Douma d’avril 2018. La représentante a aussi regretté qu’une nouvelle série de consultations ne puisse toujours pas avoir lieu, compte tenu du refus de la Syrie de délivrer un visa à l’un des membres de l’Équipe d’évaluation des déclarations. Cette question d’ordre technique ne doit pas être politisée, a mis en garde la déléguée, en appelant la Syrie à respecter ses obligations, conformément à la Convention sur les armes chimiques et aux résolutions de ce Conseil, ainsi qu’à fournir un accès immédiat et sans restriction au personnel désigné par l’OIAC. Le Conseil doit insister quant à la nécessité de rendre des comptes concernant l’utilisation d’armes chimiques dans le cas de la Syrie. Tous les membres du Conseil doivent encourager des mesures qui permettront à la Syrie et à l’OIAC de régler toutes les questions en suspens, a ajouté Mme Massieu en conclusion.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a rappelé que l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a pour mission de clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures du République arabe syrienne depuis sa création en 2014. Il a regretté que le vingt-cinquième cycle de consultations entre le Secrétariat de l’OIAC et le Gouvernement syrien n’ait toujours pu avoir lieu en raison d’un manque de coopération de la Syrie. Il a rappelé que les 20 questions en suspens incluent la localisation de centaines de tonnes d’agents chimiques alors qu’une équipe d’enquête a établi que la Syrie a mené des attaques chimiques contre sa propre population. Le délégué a insisté sur le fait qu’il ne devait y avoir aucune impunité contre les auteurs d’attaques chimiques.
« En adhérant à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, la Syrie s’est engagée à coopérer avec l’OIAC et à apporter l’appui nécessaire à son Secrétariat technique, comme le prévoit l’article 7 de la Convention », a déclaré M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Kenya). Il a apporté son plein soutien au travail de l’OIAC et déploré les manquements dans la déclaration initiale de la Syrie. Il a aussi regretté le refus d’accorder un visa à l’expert principal de l’Équipe d’évaluation des déclarations, alors que les opérations de cette équipe sont vitales pour l’exécution des obligations de la Syrie. Le délégué a fait part de sa conviction que des échanges directs de haut niveau entre le Directeur général et le Ministre syrien des affaires étrangères permettraient de restaurer la confiance et d’impulser un nouvel élan en vue d’une meilleure coopération. Enfin, il a souligné la nécessité que les travaux de l’OIAC demeurent indépendants, transparents et impartiaux.
Mme SHAHD JAMAL YOUSUF IBRAHIM MATAR (Émirats arabes unis) a réitéré la position de principe des Émirats arabes unis qui rejettent et condamnent l’utilisation d’armes chimiques, qui constitue une violation flagrante des dispositions de la Convention sur les armes chimiques et du droit international. Constatant qu’un accord sur la tenue d’une série de consultations limitées entre les autorités syriennes et l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC à Beyrouth n’avait pas abouti, elle a réaffirmé que les consultations et le dialogue sont essentiels pour évaluer l’état des questions en suspens et tenir des discussions sur la réalisation de progrès sur ce dossier. Cela suppose que les parties concernées puissent trouver un compromis, et les Émirats arabes unis espèrent que les obstacles à la tenue de ces consultations seront surmontés avant la prochaine réunion du Conseil sur cette question, a dit Mme Matar. Les armes chimiques doivent être éliminées et personne ne doit pouvoir y avoir accès ni les utiliser, a tranché la représentante, pour qui cela s’applique à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie. Le fait que ces armes puissent être obtenues par des organisations terroristes constitue une grave menace à la sécurité et à la stabilité tant régionales que nationales, a-t-elle mis en garde. Compte tenu des tentatives continues de Daech de lancer des attaques et de développer ses capacités, la représentante a jugé essentiel de renforcer les efforts collectifs dans la lutte contre Daech pour empêcher cette organisation de réorganiser ses rangs et d’acquérir des armes chimiques.
M. XING JISHENG (Chine) a regretté que M. Arias ait décliné l’invitation du Conseil de sécurité, avant d’encourager le Secrétariat technique de l’OIAC à maintenir les discussions avec la Syrie. S’agissant du problème de visa refusé à l’un des membres de l’Équipe d’évaluation des déclarations, il faut faire preuve de flexibilité, a préconisé le représentant. Selon lui, le respect de la Convention sur les armes chimiques exige de respecter les principes d’indépendance, de neutralité et d’objectivité. Le travail de l’OIAC semble biaisé, a constaté le délégué, qui a dénoncé la division du Conseil de sécurité sur la question des armes chimiques en Syrie. L’OIAC ne doit pas devenir un outil politique, a exhorté le représentant en conclusion.
Mme MONA JUUL (Norvège) a rejeté sans ambages toute tentative de discréditer le « travail important » de l’OIAC. Constatant l’absence de progrès sur ce dossier, elle a reproché à la Syrie de ne toujours pas remplir ses obligations conformément à la Convention sur les armes chimiques et la résolution 2118 du Conseil de sécurité. La représentante a regretté que le vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et les autorités syriennes n’ait toujours pas eu lieu en raison du refus des autorités syriennes de délivrer un visa à l’expert technique principal de l’Équipe. La Norvège rappelle donc à la Syrie son obligation de coopérer avec l’OIAC et de fournir un accès à son personnel, a souligné Mme Juul. Elle a également exhorté la Syrie à fournir les informations requises à l’OIAC pour pouvoir régler les 20 questions en suspens relatives à sa déclaration initiale. Tant pour la communauté internationale que pour le peuple syrien, il est impératif d’établir les responsabilités pour l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, a-t-elle insisté, en estimant que les membres du Conseil ne peuvent se permettre d’ignorer de telles violations.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a noté le peu de changements en ce qui concerne la relation entre la Syrie et l’OIAC, espérant malgré tout des développements positifs. Il a aussi souhaité que le Directeur général de l’OIAC puisse s’exprimer en personne devant ce Conseil. Il a appelé à restaurer la confiance entre les deux parties et à surmonter la « politisation regrettable » qui a sapé la culture du consensus au sein de l’OIAC. Enfin, le délégué a appelé à une réévaluation urgente de la périodicité des réunions du Conseil sur ce sujet. « Ne pas avoir eu cette réunion en juin n’a pas affecté le travail du Conseil sur ce dossier, ce qui renforce l’idée selon laquelle la fréquence idéale pour nos échanges serait trimestrielle. »
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a assuré que son gouvernement avait détruit ses stocks d’armes chimiques, dénonçant la politisation par certains États Membres du travail de l’OIAC avant d’annoncer des évolutions positives qui devraient faciliter son travail en Syrie. Il a déploré l’« ingratitude » et le « déni » de l’OIAC, dont le rapport ne se concentre que sur les aspects négatifs, présentant une version partielle de la situation en extirpant certains éléments de contexte. Les points du rapport qui sont inexacts doivent être rectifiés, a demandé le représentant.
Pour ce qui est de la réunion entre le Ministre des affaires étrangères syrien et le Directeur général de l’OIAC, ce dernier a refusé la proposition de la tenir à Damas, a dit le représentant. Le Directeur général a justifié son refus de venir à Damas par l’impossibilité pour lui de se déplacer dans un État en partie privé de ses droits, a indiqué le délégué, alors que rien selon lui dans la Convention sur les armes chimiques ne mentionne une telle clause. Le Directeur général s’est à ses yeux soumis à la volonté des pays occidentaux, démontrant ainsi qu’il n’est ni professionnel ni impartial.
Selon le représentant, la Syrie veut toujours que la vingt-cinquième réunion avec l’Équipe d’évaluation des déclarations ait lieu, à l’exception d’un seul individu. Préoccupé par les obstacles posés par le Secrétariat technique pour régler les points en souffrance, le délégué a demandé d’abandonner cette tactique improductive. Concernant la mission d’établissement des faits, il a regretté que le Secrétariat technique n’ait pas éclairci les incidents dont sont coupables des organisations terroristes signalées par la Syrie.
Pour ce qui est de la résolution 1540 (2004), la Syrie a participé aux consultations publiques sur sa mise en œuvre et appelé à prévenir l’acquisition par les groupes terroristes d’armes chimiques, a assuré le représentant, qui a par ailleurs demandé aux États-Unis de cesser d’utiliser le terme de « régime » pour désigner son gouvernement. Il a ensuite accusé la France de soutenir des groupes terroristes en Syrie. Si Damas ne choisit pas les experts de l’OIAC, elle a cependant le droit de travailler avec tel ou tel professionnel, a rétorqué le représentant à son homologue de l’Albanie.
Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a dénoncé l’instrumentalisation de l’OIAC en vue de la réalisation d’objectifs politiques nationaux, en rappelant que la Syrie s’est acquittée de ses obligations et continue de coopérer avec l’OIAC. Elle a déclaré que la proposition d’une réunion entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre des affaires étrangères syrien est un pas dans la bonne direction: « Nous notons que le Gouvernement syrien a accueilli favorablement cette réunion et espérons que le Directeur général en fera de même. » Eu égard à l’exécution par la Syrie de ses obligations, elle a regretté que les réunions du Conseil sur ce sujet soient toujours l’occasion de répéter des allégations infondées à l’encontre du Gouvernement syrien.
M. ÖNCÜ KEÇELI (Türkiye) a salué le professionnalisme du Secrétariat technique de l’OIAC, en rappelant que ce dernier attend toujours des réponses de la part du régime syrien relativement à sa déclaration initiale. Il a regretté que la Syrie poursuive sa tactique visant à retarder les travaux de l’Équipe d’évaluation des déclarations en refusant d’accorder un visa à l’un de ses membres. Le représentant a exhorté la Syrie à pleinement coopérer avec l’OIAC à l’avenir, disant attendre les résultats des enquêtes menées par l’Équipe d’évaluation des déclarations sur l’utilisation d’armes chimiques, en 2018 notamment. Il faut faire la lumière sur ces incidents et établir toutes les responsabilités, a-t-il souligné, en estimant que « nous le devons aux victimes ».
Répondant à la Fédération de Russie, Mme NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a indiqué que l’Équipe d’évaluation des déclarations a pour mandat de vérifier la déclaration initiale syrienne par le biais de consultations avec les autorités nationales pour aider Damas à s’acquitter de ses obligations. « Nous insistons sur la participation de l’expert de l’Équipe dont le visa n’a pas été octroyé alors qu’il est en contact avec les partenaires syriens depuis la création de l’Équipe en 2014 », a précisé la Haute-Représentante. Elle a vanté l’expérience unique de cet expert qui s’est rendu à plus de 20 reprises en Syrie depuis 2014 et parle couramment l’arabe. Tout en reconnaissant que la délivrance d’un visa relève du bon vouloir des autorités nationales, Mme Nakamitsu a rappelé à la Syrie l’obligation pour elle de coopérer avec l’OIAC et l’ONU en acceptant le personnel désigné par ces organisations, et de fournir à ces personnels un accès sans entrave pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions sur l’ensemble des sites concernés.
En réponse à la Haute-Représentante, le représentant de la Syrie a dit que l’Équipe d’évaluation des déclarations n’est ni un organe d’enquête ni un organe d’inspection, citant son propre chef. Cette équipe a été créée pour aider la Syrie à élaborer ses déclarations initiales. Concernant le visa refusé à un expert, l’individu en question a perdu toute objectivité et tout professionnalisme, a jugé le représentant, en précisant que la Syrie ne choisit pas les experts que l’OIAC compte envoyer chez elle.
Mme Nakamitsu a repris la parole pour dire qu’elle n’a pas utilisé les termes d’enquête et d’inspection.
Le représentant de la Syrie a tenu à préciser qu’il n’était pas d’accord avec ce que Mme Nakamitsu vient de dire, en lui rétorquant que le mandat de la mission n’est pas de vérifier la déclaration initiale de la Syrie mais de l’aider à présenter sa déclaration. Elle n’a pas un mandat de vérification mais d’assistance, a-t-il tranché.