Le Conseil de sécurité appelle à améliorer la communication stratégique dans l’ensemble des composantes des opérations de maintien de la paix
Le Conseil de sécurité a souligné, aujourd’hui, la nécessité d’améliorer la culture de la communication stratégique dans l’ensemble des composantes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies en adoptant une déclaration présidentielle par laquelle il note avec une vive préoccupation l’augmentation de la quantité de désinformation et de mésinformation dirigées contre celles-ci.
En vertu de ce texte, le Conseil constate notamment que la communication stratégique et la fourniture de contenus dignes de foi, notamment dans les langues locales et en coordination avec les autorités nationales, par les opérations de maintien de la paix permettent de mieux faire comprendre les mandats, de gérer les attentes et de rallier la confiance et un appui parmi les parties prenantes concernées, notamment les gouvernements hôtes et les populations locales.
Ce texte souligne également que dans les contextes de transition, une approche active à la communication stratégique par les opérations de maintien de la paix peut concourir à créer des conditions propices à la reconfiguration sans heurt de la présence des Nations Unies.
Réaffirmant l’importance du multilinguisme dès la phase de planification, le Conseil de sécurité engage en outre le Secrétaire général et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à continuer de recourir à la communication et à la sensibilisation stratégiques afin de faire avancer les priorités concernant les femmes et la paix et la sécurité.
Cette déclaration a été adoptée lors d’un débat public, le premier du genre, initié par le Brésil, qui assure la présidence du Conseil pour le mois en cours, et consacré au rôle déterminant de la communication stratégique dans l’efficacité du maintien de la paix.
Alertant que la désinformation et les discours de haine sont de plus en plus utilisés comme armes de guerre, le Secrétaire général a déclaré que « la communication stratégique –crédible, précise et centrée sur l’humain- est l’un de nos meilleurs instruments, et le plus rentable, pour contrer cette menace ».
« La communication n’est pas une question secondaire ou une réflexion à mettre de côté », a souligné M. António Guterres qui a indiqué que selon une récente enquête, près de la moitié des Casques bleus considèrent que les fausses informations et la désinformation affectent gravement l’exécution de leur mandat et menacent leur sûreté et leur sécurité. Illustrant son propos, il a notamment indiqué qu’au Mali, une fausse lettre alléguant que les Casques bleus collaboraient avec des groupes armés a été publiée sur Facebook puis reprise par les médias nationaux, attisant hostilité et ressentiment à l’égard des soldats de la paix.
Dans ce droit fil, le commandant de la force de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a indiqué que cette mission est présente dans un pays où sa pertinence n’est pas forcément bien perçue par une partie de la population. La MONUSCO est parfois prise pour cible par des discours de haine compromettant la sécurité de ses membres et les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux sont difficiles à détecter, a déploré le général de corps d’armée Marcos De Sá Affonso Da Costa qui a appelé à communiquer directement avec les parties prenantes, être à l’écoute et expliquer les limites du mandat.
La prolifération de la désinformation et des mensonges dangereux répandus sur le mandat et les activités des missions de l’ONU ont préoccupé bon nombre de la quarantaine de délégations ayant pris part à ce débat, et qui ont été plusieurs à s’interroger sur le point de savoir comment la Stratégie pour la transformation numérique du maintien de la paix des Nations Unies pourrait contribuer à améliorer les capacités de communication des missions. L’initiative Action pour le maintien de la paix et sa stratégie de mise en œuvre qui accordent une grande priorité aux communications stratégiques a également été saluée à plusieurs reprises.
De son côté, le Ministre des affaires étrangères du Brésil a estimé que les nouvelles technologies pertinentes devraient être utilisées au maximum de leur potentiel, appelant en outre à dispenser une formation adéquate préalable au déploiement sur les communications stratégiques à tous les officiers civils, militaires et de police. La direction de la mission doit être le fer de lance de l’institutionnalisation d’une culture de la communication stratégique dans toutes les composantes des opérations de maintien de la paix, a encore affirmé M. Carlos Alberto Franco França.
Dès lors, se sont interrogés les États Membres, comment les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police pourraient-ils contribuer à améliorer la communication des missions avec les parties prenantes concernées, notamment les communautés locales?
Il faut adopter une « culture d’écoute » pour comprendre ce que les chiffres ne peuvent nous permettre de percevoir, a recommandé la Directrice de recherche de l’International Peace Institute, Mme Jenna Russo, qui a appelé à passer à une communication stratégique plus dynamique.
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES
Le rôle essentiel de la communication stratégique pour un maintien de la paix efficace (S/2022/539)
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité réaffirme que la Charte des Nations Unies lui assigne la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et réaffirme ses résolutions antérieures et les déclarations de sa présidence au sujet du maintien de la paix.
Le Conseil souligne l’importance du maintien de la paix comme l’un des outils les plus efficaces dont dispose l’Organisation des Nations Unies pour promouvoir et maintenir la paix et la sécurité internationales et réaffirme les principes fondamentaux du maintien de la paix, tels que le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou pour la défense du mandat.
Le Conseil réaffirme qu’une paix durable ne peut être réalisée ni maintenue uniquement au moyen d’interventions militaires et techniques, mais nécessite des solutions politiques et une approche globale de la pérennisation de la paix et souligne que la recherche de telles solutions devrait éclairer la conception et le déploiement d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Le Conseil note les progrès accomplis sur le plan des efforts entrepris par le Secrétaire général pour mobiliser l’ensemble des partenaires et des parties prenantes à l’appui d’un maintien de la paix plus efficace des Nations Unies par la voie de ses initiatives « Action pour le maintien de la paix » et « Action pour le maintien de la paix Plus » qui mettent l’accent sur l’importance notamment de la communication stratégique dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Le Conseil souligne l’importance qu’il attache à la communication stratégique pour l’exécution des mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et pour la sécurité et la sûreté des soldats de la paix. Il constate que la communication stratégique et la fourniture de contenus dignes de foi, notamment dans les langues locales et en coordination avec les autorités nationales, selon que de besoin, par les opérations de maintien de la paix des Nations Unies permettent de mieux faire comprendre les mandats, de gérer les attentes et de rallier la confiance et un appui parmi les parties prenantes concernées, notamment les gouvernements hôtes et les populations locales, ainsi que de contrer la désinformation et la mésinformation afin de renforcer les capacités des opérations de maintien de la paix des Nations Unies de s’acquitter de leurs mandats et d’améliorer la sécurité et la sûreté des soldats de la paix.
Le Conseil constate que la communication stratégique joue un rôle de catalyseur et de multiplicateur dans tous les domaines relevant du mandat des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et aide notamment à calibrer les messages en réponse aux informations réunies par les opérations de maintien de la paix, tout en respectant les limites du mandat et la zone d’opération. Il se félicite des efforts faits par le Secrétaire général pour tenir compte de la communication stratégique dans les domaines de préparation et de prise de décisions des opérations de maintien de paix et note qu’une approche collective faisant intervenir côte à côte le personnel en tenue et le personnel civil dans la communication stratégique facilite le renforcement de la confiance auprès des populations locales, tout comme la coordination entre les composantes militaire, policière et civile et avec les équipes de pays des Nations Unies. Le Conseil souligne donc la nécessité d’améliorer la culture de la communication stratégique dans l’ensemble des composantes civile, militaire et policière des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et souligne le rôle essentiel que joue l’équipe de direction de la mission à cet égard.
Le Conseil souligne que la communication stratégique est un élément important d’une démarche globale, intégrée et efficace à l’égard de la protection des civils et demande aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies au niveau de l’exécution de tels mandats d’accroître la mobilisation et la sensibilisation locales quant aux besoins et aux capacités en matière de protection des populations locales, en particulier au moyen d’un recours à des activités de communication stratégique et de mobilisation locales. Le Conseil réaffirme l’importance du multilinguisme dès la phase de planification, selon que de besoin, au moment de l’élaboration de la stratégie de communication. Il souligne que la communication stratégique peut être un important outil pour prévenir la violence sexuelle liée aux conflits et encourage les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à investir d’emblée dans le dialogue et la concertation avec les acteurs locaux, notamment les femmes et les jeunes, afin de construire à partir du bas un environnement protecteur pour les civils.
Le Conseil réaffirme l’importance d’une participation pleine, égale et véritable des femmes dans toutes les phases du processus politique et du processus de paix et dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à tous les niveaux et dans toutes les fonctions, y compris aux postes d’encadrement de haut niveau, et engage le Secrétaire général et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à continuer de recourir à la communication et à la sensibilisation stratégiques afin de faire avancer les priorités concernant les femmes et la paix et la sécurité. Il demeure résolu à obtenir une augmentation du nombre de femmes parmi le personnel civil et en tenue dans les missions de maintien de la paix à tous les niveaux et aux postes de direction et encourage les efforts à cet égard.
Le Conseil réaffirme son appui à la politique de tolérance zéro adoptée par l’Organisation des Nations Unies à l’égard de toutes les formes d’exploitation et de violence sexuelles, et se félicite des efforts constants faits par le Secrétaire général pour l’appliquer et note qu’il importe de la communiquer à l’ensemble du personnel et aux parties concernées, notamment les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police et les populations locales.
Le Conseil souligne l’importance d’améliorer la sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix et note avec une vive préoccupation l’augmentation de la quantité de désinformation et de mésinformation dirigées contre les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, qui pourraient avoir des répercussions sur les missions et les soldats de la paix. Il souligne la nécessité d’une approche intégrée pour régler ce problème dans les contextes du maintien de la paix et se félicite des efforts faits par le Secrétaire général à cet égard. Il réaffirme qu’il existe une corrélation essentielle entre, d’une part, la sûreté et la sécurité et, d’autre part, la performance des membres du personnel civil et en tenue du maintien de la paix et que l’instauration d’une culture de la performance dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies favorisera une meilleure exécution des mandats de maintien de la paix et permettra de renforcer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix.
Le Conseil souligne qu’il incombe au premier chef à l’État hôte d’assurer la sûreté et la sécurité du personnel et des biens des Nations Unies et souligne l’importance d’une communication efficace entre les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et les gouvernements hôtes pour renforcer la confiance et la compréhension mutuelles et améliorer ainsi la sécurité et la sûreté des soldats de la paix. Il engage une fois de plus tous les États Membres accueillant des opérations de maintien de la paix à enquêter rapidement sur toutes les attaques visant le personnel ou les biens des Nations Unies et à en poursuivre activement les responsables, en vue d’empêcher l’impunité et de décourager la violence contre les soldats de la paix, conformément à la résolution 2589 (2021), et de tenir les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police concernés au fait de l’avancement de ces enquêtes et poursuites, conformément à la résolution 2518 (2020).
Le Conseil prend note de l’élaboration d’une stratégie relative à la transformation numérique des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et constate l’importance de mettre à profit les technologies de communication existantes en vue de faciliter l’exécution des mandats et de renforcer la sécurité et la sûreté des soldats de la paix et, à cet égard, se félicite des initiatives en cours, comme le lancement d’Unite Aware. Il encourage les opérations de maintien de la paix et les parties prenantes concernées, notamment les pays fournissant des contingents ou du personnel de police, à appuyer et à pleinement utiliser des technologies de communication qui soient axées sur le terrain, fiables et économiques, à l’appui de l’exécution des mandats de maintien de la paix et conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et des principes fondamentaux du maintien de la paix, et souligne qu’il importe de tenir des consultations entre les États Membres et les pays hôtes, selon que de besoin.
Le Conseil demande de nouveau au Secrétaire général de continuer d’examiner et d’harmoniser les normes de l’Organisation des Nations Unies relatives à la formation et à la performance, et se félicite de l’initiative prise par le Secrétaire général d’actualiser la politique adoptée par l’Organisation en 2017 sur la communication stratégique et l’information. Il encourage le Secrétaire général à continuer d’élaborer, en étroite consultation avec les parties prenantes concernées, notamment les pays fournissant des contingents ou du personnel de police, une stratégie relative à la communication stratégique, ainsi que des politiques, des directives et du matériel de formation spécialisés sur la question, qui devraient être mis en place dans toutes les composantes des opérations de maintien de la paix, l’objectif étant d’intégrer la communication stratégique aux activités de planification, de prise de décision et de mise en œuvre pertinentes.
Le Conseil constate qu’il importe de continuer d’améliorer les capacités de communication stratégique dans les opérations de maintien de la paix et encourage le Secrétariat et les États Membres, notamment les pays fournissant des contingents ou du personnel de police et les États Membres à collaborer à cet égard. Il sait qu’une communication stratégique efficace est largement tributaire d’une formation adéquate du personnel civil et en tenue qui soit liée au contexte, et souligne qu’il importe de recruter, selon que de besoin, des officiers communication et des personnes référentes chargées de la communication stratégique et l’information parmi le personnel de police, qui soient qualifiées et aient l’expérience voulue, dans toutes les composantes des missions de maintien de la paix.
Le Conseil souligne que dans les contextes de transition, une approche active à la communication stratégique par les opérations de maintien de la paix des Nations Unies peut concourir à créer des conditions propices à la reconfiguration sans heurt de la présence des Nations Unies et constate que le processus de transition et notamment les rôles et les responsabilités de toute présence reconfigurée des Nations Unies doivent être compris par la population locale. Il demande à cet égard que la communication stratégique soit considérée durant la planification en amont des transitions, de manière inclusive et intégrée, comme énoncé dans la résolution 2594 (2021).
Le Conseil prie instamment le Secrétaire général de lui présenter, au plus tard le 15 avril 2023, un examen stratégique de la communication stratégique dans toutes les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, notamment au niveau du Siège, en vue d’évaluer les capacités existantes et l’effet sur les populations locales, de répertorier les lacunes et les problèmes et de proposer des mesures en vue d’y remédier.
Le Conseil prie instamment le Secrétaire général d’inclure, dans les rapports qu’il lui soumet périodiquement sur les diverses opérations de maintien de la paix, selon que de besoin, des informations sur les mesures prises et l’effet de la communication stratégique pour les activités prescrites par le mandat.
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, s’est réjoui que ce Conseil consacre, pour la première fois, un débat de haut niveau au rôle essentiel des communications stratégiques dans les opérations de maintien de la paix. Pour M. Guterres, il s’agit d’un point fondamental car la communication n’est pas une question secondaire ou une réflexion à mettre de côté. Le Secrétaire général a expliqué que, lorsqu’il avait prêté serment en 2016, il avait souligné la nécessité d’une réforme substantielle de « notre stratégie de communication », à travers la modernisation des outils et plateformes pour atteindre les gens dans le monde entier.
Dans les années qui ont suivi, a-t-il poursuivi, nous nous sommes lancés dans une ambitieuse stratégie de communication mondiale pour faire exactement cela - et sommes déterminés à faire plus. Après tout, a-t-il fait valoir, le travail de communication n’est pas seulement conçu pour informer, mais aussi pour impliquer les publics dans le soutien de la mission vitale des Nations Unies.
De fait, le paysage dans lequel opèrent les soldats de la paix est plus dangereux aujourd’hui, a rappelé M. Guterres. Les tensions géopolitiques au niveau mondial se répercutent au niveau local. Les soldats de la paix sont confrontés à des terroristes, des criminels, des groupes armés et leurs alliés, dont beaucoup ont accès à de puissantes armes modernes et ont tout intérêt à perpétuer le chaos dans lequel ils prospèrent. Les armes qu’ils brandissent ne sont pas seulement des fusils et des explosifs: la désinformation et les discours de haine sont de plus en plus utilisés comme armes de guerre, a-t-il averti. L’objectif est clair: déshumaniser le soi-disant « autre », menacer les communautés vulnérables -ainsi que les soldats de la paix eux-mêmes- et donner ouvertement le feu vert pour commettre des atrocités.
Pour toutes ces raisons, a insisté le Secrétaire général, les communications stratégiques sont essentielles dans tout le spectre de notre mandat de maintien de la paix et cruciales pour la réalisation de notre mission: protéger les civils et prévenir la violence; faire avancer le programme pour les femmes, la paix et la sécurité et promouvoir le rôle des femmes en tant que gardiennes de la paix, artisanes de la paix et leaders de la paix; et, dans le même temps, assurer la sûreté et la sécurité de nos soldats de la paix et des communautés qu’ils servent.
C’est pourquoi la communication stratégique est une priorité absolue de l’initiative Action pour le maintien de la paix Plus (A4P+). Nous savons que la désinformation n’est pas seulement trompeuse, elle est dangereuse et potentiellement mortelle, a poursuivi M. Guterres. Elle alimente la violence ouverte contre notre personnel et nos partenaires. Une enquête récente a révélé que près de la moitié des Casques bleus considèrent que les fausses informations et la désinformation affectent gravement l’exécution de leur mandat et menacent leur sûreté et leur sécurité. Le Secrétaire général a cité, à titre d’exemple, le Mali, où une fausse lettre alléguant que nos Casques bleus collaboraient avec des groupes armés a été publiée sur Facebook. Elle est devenue virale sur WhatsApp et a été reprise par les médias nationaux. Cette fausse lettre a attisé l’hostilité et le ressentiment à l’égard des soldats de la paix, rendant leur tâche vitale de protection des civils encore plus difficile.
La communication stratégique -crédible, précise et centrée sur l’humain- est l’un de nos meilleurs instruments, et le plus rentable, pour contrer cette menace, a plaidé le Secrétaire général. Au-delà de la simple défense contre les mensonges nuisibles, une communication bidirectionnelle adaptée permet de renforcer la confiance et d’obtenir un soutien politique et public. Elle permet à la population locale de mieux comprendre nos missions et nos mandats et, en retour, elle permet à nos soldats de la paix de mieux comprendre les préoccupations, les griefs, les attentes et les espoirs de la population locale. Elle peut créer un espace sûr pour que la réconciliation et la consolidation de la paix puissent fonctionner et offrir aux femmes, aux jeunes et à la société civile un meilleur accès aux processus de paix.
Mais pour être efficace, la communication stratégique doit être fondée sur des preuves, s’appuyer sur des données vérifiées, être ouverte au dialogue, s’enraciner dans la narration et être délivrée par des messagers crédibles.
M. Guterres a présenté six actions concrètes prises pour améliorer la communication stratégique dans le maintien de la paix. Il a cité l’adoption d’une approche globale de la mission dans toutes les composantes civiles et en tenue afin de favoriser une communication en réseau sur le terrain. C’est pourquoi il encourage tous les pays contributeurs à fournir du personnel doté de ces compétences. Il a ensuite demandé aux chefs de mission de s’approprier et de diriger la communication stratégique et de veiller à ce qu’elle soit pleinement intégrée dans tous les aspects de la planification et de la prise de décisions de la mission. Il a appelé à fournir des conseils et des formations aux missions et à collaborer avec différents partenaires, notamment les entreprises technologiques et médiatiques et les États Membres, afin d’identifier et de déployer les meilleurs outils pour mieux détecter et contrer la désinformation et les discours haineux. Le Secrétaire général a aussi jugé nécessaire d’adapter notre stratégie aux besoins tactiques des contextes spécifiques dans lesquels nous opérons. Enfin, il a appelé au déploiement de communications stratégiques pour renforcer la responsabilisation et soutenir les efforts visant à mettre fin aux comportements répréhensibles du personnel et des partenaires, y compris la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels.
Pour le Secrétaire général, à son meilleur, le maintien de la paix des Nations Unies est une entreprise remarquable de multilatéralisme et de solidarité internationale. Mais pour qu’il réussisse face aux nouvelles menaces et aux défis croissants, « nous devons tous jouer notre rôle et tous les aspects de nos opérations doivent s’adapter aux nouvelles réalités ».
Les États membres -en particulier ceux qui sont présents sur le terrain aux côtés de nos soldats de la paix- sont des partenaires essentiels dans cet effort crucial.
L’accès à l’information est un droit de l’homme, a rappelé le Secrétaire général pour qui, dans les endroits où nos soldats de la paix opèrent, cela peut être une question de vie ou de mort, et la différence entre la paix et la guerre. Il s’est donc réjoui de travailler avec ce Conseil pour renforcer les opérations de maintien de la paix grâce à une meilleure communication stratégique, et pour poursuivre l’objectif commun de paix.
Le général de corps d’armée MARCOS DE SÁ AFFONSO DA COSTA, commandant de la force de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a déclaré que la MONUSCO effectuait son mandat dans un contexte qui évolue rapidement. Elle est présente dans un pays où sa pertinence n’est pas forcément bien perçue par une partie de la population et est parfois prise pour cible par des discours de haine compromettant la sécurité des membres y compris par les groupes armés. Les fausses informations sur les réseaux sociaux sont difficiles à détecter, a fait observer le général qui a noté que nombre d’opérations de maintien de la paix sont touchées par ces problèmes. Dès lors, il faut s’adapter en communiquant directement avec les parties prenantes, être à l’écoute et expliquer les limites du mandat. Il faut aussi utiliser les bonnes pratiques durant les patrouilles en fournissant des services linguistiques.
Le général a souligné l’importance de travailler en concertation avec les autres composantes de la Mission. En tout cas, a-t-il affirmé, au sein de la MONUSCO, nous avons appris à mieux communiquer sur notre mandat. Il reste toutefois beaucoup à faire, comme améliorer la formation de prédéploiement des Casques bleus, contrecarrer la désinformation, avoir une longueur d’avance sur les détracteurs, notamment par des moyens psychologiques. L’officier général a mis en exergue l’importance pour les missions d’avoir un plan de communication stratégique sur les mandats. Le maître mot est la synergie et également d’assurer la bonne communication avec le Siège, a-t-il ajouté estimant que la communication stratégique était un devoir à mettre en œuvre au niveau de la Mission.
Mme JENNA RUSSO, Directrice de recherche de l’Institut international pour la paix (International Peace Institute), a déclaré qu’il était nécessaire de passer d’une culture de flux d’informations qui va dans un sens à une communication stratégique plus dynamique qui va dans les deux sens avec une écoute des récits et un discours de nature à adapter les actions de la mission sur le terrain. Elle a ajouté que la communication stratégique devait servir à mieux protéger les civils, à promouvoir la parité entre les genres et garantir la redevabilité de la mission. À cet égard, elle a estimé que la capacité d’une mission de garantir une écoute active des préoccupations des populations locales était une condition de sa crédibilité. Citant une étude qui met en évidence que les Casques bleus sont souvent perçus comme les représentants d’une puissance qui auraient une connaissance à apporter plutôt qu’à recevoir du terrain, Mme Russo a exhorté l’ONU à adopter une culture d’écoute pour comprendre ce que les chiffres ne peuvent nous permettre de percevoir.
M. CARLOS ALBERTO FRANCO FRANÇA, Ministre des affaires étrangères du Brésil, a rappelé que son pays était un contributeur traditionnel aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies puisque, a-t-il rappelé, depuis 1956, le Brésil a participé à 41 opérations de ce type, déployant environ 55 000 militaires et policiers pour servir sous le drapeau de l’ONU dans le monde entier.
Au cours de ces années, notre expérience pratique a confirmé qu’un « maintien de la paix efficace » n’est pas seulement une question de ressources et de mandats, mais aussi de communication, a affirmé le Ministre.
C’est pourquoi M. França a dit avoir noté avec une grande satisfaction les efforts entrepris par le Secrétaire général et le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix pour mobiliser les parties prenantes en faveur d’un maintien de la paix des Nations Unies plus efficace. En effet, a-t-il fait observer, l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et sa stratégie de mise en œuvre accordent une grande priorité aux communications stratégiques, ce dont il se félicite.
À cet égard, le Ministre a insisté sur quatre points importants, notamment une stratégie claire en matière de communication dans les opérations de maintien de la paix. Pour ce faire, le Conseil devrait, selon lui, encourager le Secrétariat de l’ONU à poursuivre l’élaboration d’une stratégie, ainsi que des politiques et directives connexes. Ensuite, a-t-il poursuivi, il s’agit d’améliorer les capacités de communication du Siège de l’ONU et des missions. Les nouvelles technologies pertinentes devraient être utilisées au maximum de leur potentiel, à cette fin, une formation adéquate -préalable au déploiement- sur les communications stratégiques pour tous les officiers civils, militaires et de police aurait, à son avis, un impact significatif sur l’engagement avec les parties prenantes locales.
Il faut, enfin, et surtout, un changement culturel promu par les dirigeants. De fait, a expliqué M. França, la direction de la mission doit être le fer de lance de l’institutionnalisation d’une culture de la communication stratégique dans toutes les composantes des opérations de maintien de la paix. Dès lors, a-t-il estimé, il appartient aux chefs de mission d’intégrer la communication stratégique dans la planification, la prise de décisions et la mise en œuvre des activités quotidiennes, car, a conclu le Ministre, la communication stratégique est essentielle au succès d’une opération de maintien de la paix.
Mme SHIRLEY AYORKOR BOTCHWEY, Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale du Ghana, a noté la complexité du contexte dans lequel évoluent les opérations de paix, qui sont soumises à des efforts de désinformation utilisant les technologies numériques. Des populations civiles leur sont mêmes hostiles parce que les discours de haine sont autorisés, y compris par certaines autorités locales. La sécurité est compromise parce qu’une partie de la population est radicalisée. La Ministre s’est dite préoccupée par l’ampleur de ces actes, qui ont un impact négatif sur les missions.
Le Ghana appuie tous les efforts pour relancer la communication stratégique au sein des missions afin de réduire la violence et maintenir la paix, a assuré Mme Botchwey. La communication stratégique doit faire partie des missions et le Ghana appuie des efforts supplémentaires pour renforcer les stratégies existantes. La Ministre a appelé à renforcer les outils numériques des missions et appuyé les efforts du Département de la communication globale dans son appui à la communication stratégique des missions. Une communication stratégique efficace nécessite l’institutionnalisation de la communication avec les communautés locales pour faciliter le dialogue pour que chacun comprenne le mandat, a encore suggéré la Ministre, qui a demandé que soient renforcés les projets à effet rapide qui permettent de faire comprendre le mandat. Pour ce faire, des moyens supplémentaires sont nécessaires.
M. SAURABH KUMAR, Secrétaire au Ministère des affaires extérieures de l’Inde, s’est inquiété de malentendus qui sont aggravés par l’utilisation de termes ambigus qui entraînent des spéculations sur l’efficacité des mandats. Il a jugé indispensable d’élaborer des stratégies ciblées en matière de réponse et riposte à la désinformation. Parmi ses huit recommandations pour améliorer la communication stratégique, M. Kumar a jugé essentiel que le Conseil de sécurité s’abstienne, dans la définition des mandats, de recourir à des termes ou formules subjectifs de nature à créer des fausses attentes ou de faux espoirs. Il a aussi dit la nécessité d’une communication qui sensibilise les populations locales sur la nécessité de protéger les Casques bleus. En outre, il a mis l’accent sur la pertinence d’une communication qui appuie la parité entre les genres avant de rappeler que le premier contingent de Casques bleus constitué uniquement de femmes a été déployé par l’Inde au Libéria.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH, en sa qualité de Ministre adjointe des affaires étrangères et de la coopération internationale des Émirats arabes unis, a estimé qu’une communication stratégique efficace dans le domaine du maintien de la paix commence avec le Conseil de sécurité qui doit veiller à ce que les mandats de toutes les missions définissent des objectifs clairs et fournissent aux missions les moyens nécessaires pour développer des communications stratégiques efficaces. Le Conseil doit traiter la communication stratégique non seulement comme un élément central de la planification des opérations de maintien de la paix, mais aussi comme un élément de son propre travail, a-t-elle estimé. En outre, les efforts visant à adapter les messages du Conseil aux contextes locaux et à s’assurer qu’ils sont bien compris peuvent améliorer considérablement la capacité du Conseil à opérer des changements positifs sur les questions inscrites à son ordre du jour.
Après avoir exhorté le Conseil de sécurité et les Nations Unies à s’attaquer aux effets pernicieux des campagnes de désinformation et de mésinformation contre les opérations de maintien de la paix, Mme Nusseibeh a souligné que le maintien de la paix exige une collaboration étroite avec les communautés qu’il sert pour obtenir des résultats efficaces. Une communication à double sens est, dès lors, essentielle pour garantir que les missions ne se contentent pas de partager des informations avec les communautés locales, mais qu’elles sont également informées par elles. Elle a également recommandé au Conseil de veiller à ce que le personnel de maintien de la paix s’engage régulièrement auprès des gouvernements hôtes, des partenaires locaux et de la société civile afin de renforcer la compréhension et adapter les approches du maintien de la paix aux dynamiques locales et aux différents publics. Les missions de maintien de la paix doivent par ailleurs s’assurer que toutes les communications stratégiques tiennent compte de la dimension de genre.
Mme MONA JUUL (Norvège) a fait part de sa profonde préoccupation face à l’utilisation croissante de la désinformation et des discours de haine par les groupes armés et autres fauteurs de troubles à l’encontre des opérations de paix des Nations Unies. Cela mine la capacité des opérations à remplir leur mandat et met en danger la sûreté et la sécurité des soldats de la paix, a-t-elle averti. Elle a appelé à aider les missions à gérer ces risques en utilisant des messages ciblés, et en privilégiant le dialogue avec les communautés locales et les gouvernements hôtes, ainsi qu’une présence numérique accrue. Les missions doivent être en mesure d’atteindre avec succès les populations locales et de gérer les attentes quant à ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire, notamment en ce qui concerne la protection des civils. Il faut donc investir dans le renforcement des capacités de communication stratégique au sein des missions.
La représentante a également appelé à utiliser les communications stratégiques pour faire progresser le programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Grâce à un engagement sexospécifique avec les communautés locales et les groupes de femmes, les soldats de la paix peuvent contribuer à promouvoir la participation significative des femmes aux processus politiques. Cela est essentiel, car sans leur inclusion, ces processus ont plus de chances d’échouer, a-t-elle insisté.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné que la communication doit servir la protection des civils et la mise en œuvre des mandats. En exploitant le potentiel du numérique, la communication peut contribuer à lutter contre les discours de haine, les incitations à la violence et les tentatives de manipulation de l’information. Vis-à-vis de l’État hôte, la communication stratégique doit nourrir une confiance mutuelle et un dialogue régulier, a-t-il estimé. De même, le travail d’écoute et de pédagogie auprès des autorités et des communautés locales doit renforcer les partenariats et protéger les civils.
Après avoir souligné que la maîtrise des outils de communication doit contribuer à la protection des Casques bleus, le représentant a cité en exemple le groupe WhatsApp créé par la MINUSS pour répondre aux fausses informations sur son action ainsi que les efforts déployés par la MINUSMA qui forme des journalistes à la vérification des faits et diffuse des messages en langue locale pour prévenir les tentatives de manipulation de l’information. Il a également dit compter sur la mise en œuvre de la Stratégie pour la transformation numérique du maintien de la paix pour soutenir le développement de capacités au sein des opérations pour détecter, analyser et répondre aux éléments potentiels de désinformation.
L’ONU, a-t-il enchaîné, doit disposer des moyens adéquats pour développer une communication stratégique et adopter une approche intégrée de la communication, mission par mission, autour de messages communs en particulier à la promotion des programmes pour les femmes, la paix et la sécurité et pour les jeunes, la paix et la sécurité. Une approche intégrée contribuera aussi à renforcer la coordination entre les composantes militaires, policières et civiles des opérations et s’étendre à l’ensemble des agences, fonds et programmes des Nations Unies lorsqu’une opération de paix est en transition ou en phase de retrait. De plus, les opérations de paix doivent être dotées des moyens nécessaires, maîtriser les technologies de l’information et de la communication notamment pour atteindre les plus jeunes. Notant en outre que la communication des femmes et des hommes sur le terrain doit être proactive, adaptée au contexte et se faire dans la langue locale, le représentant a souligné que la formation des personnels est indispensable et qu’elle incombe au premier chef aux pays contributeurs de troupes.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est inquiétée de l’augmentation significative de la désinformation et du volume de mensonges dangereux répandus sur le mandat et les activités de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilité au Mali (MINUSMA) depuis que le groupe Wagner soutenu par le Kremlin s’est déployé au Mali. La représentante a expliqué que ces désinformations soumettaient la vie des soldats de la paix à un risque accru dans un environnement déjà volatile. Elle a décrit comment cette désinformation sème une méfiance qui décourage les communautés locales de partager des renseignements avec la MINUSMA et entrave la capacité de la Mission à prévenir les attaques contre des civils et des soldats de la paix. La poursuite de la propagation de la désinformation et de la mésinformation provoquera la perte de nouvelles vies, a-t-elle ajouté.
La représentante a souligné l’importance de la communication stratégique pour soutenir le programme pour les femmes et la paix et la sécurité avant de saluer les efforts déployés par les Casques bleus britanniques et allemands de la MINUSMA à cet égard. Elle a expliqué leur démarche consistant à rencontrer et entendre les associations féminines locales et à aider les radios locales à communiquer en direction du public féminin. « Cela a contribué à renforcer la compréhension mutuelle et donné aux femmes maliennes des plateformes pour leur plaidoyer en faveur de la paix », a-t-elle expliqué.
Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a estimé que l’environnement de plus en plus complexe et changeant dans lequel évoluent les Casques bleus requiert une communication stratégique solide, adaptée et efficace. Une communication optimale est en effet nécessaire à l’établissement de la confiance et d’un dialogue constructif avec le pays hôte, ingrédients essentiels à la mise en œuvre effective des mandats des opérations de maintien de la paix. Selon la représentante, l’appui des populations locales permet de contrer les menaces asymétriques tout en incitant celles-ci à ne pas soutenir les groupes armés. Elle a par ailleurs prévenu que malgré son importance dans la gestion des conflits, la technologie peut également servir de catalyseur à la propagation de discours haineux, à la radicalisation, à la discrimination et à la violence, notamment envers les femmes. La représentante a ensuite appelé à tenir compte du multilinguisme dans les opérations de maintien de la paix, en appelant notamment à l’augmentation du déploiement de membres du personnel francophones dans les théâtres d’opérations francophones, ce qui faciliterait la communication avec la population locale.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a alerté sur la propagation de la désinformation et de la mésinformation qui affecte le secteur de la sécurité et les troupes des Nations Unies sur le terrain. En effet, a-t-il mis en garde, la désinformation, la mésinformation et les discours de haine sont lourds de conséquence. Car la désinformation sape les faits, cache les crimes et déforme la réalité.
De plus, la transparence des activités des Nations Unies, notamment sur le terrain, y compris pour les opérations de maintien de la paix, est cruciale pour maintenir et renforcer la confiance. À cet égard, il s’est félicité des mesures prisent pour faire la lumière sur tous les cas d’exploitation et de harcèlement sexuel. En effet, les Casque bleus doivent remplir dûment leur mission en protégeant les civils et non pas en abusant de ceux qu’ils protègent.
Mme GERALDINE BYRNE MASON (Irlande) a déclaré qu’une communication stratégique doit envoyer un message d’espoir dans un contexte de conflit. Le message devra dire que la communauté internationale, le Conseil de sécurité, les missions, les Casques bleus sont présents avec les populations pour qu’elles aient une vie meilleure dans leur pays. Les missions doivent communiquer de manière efficace avec les populations locales, les autorités des pays hôtes et toutes les parties prenantes en leur expliquant les raisons de leur présence, leur rôle et l’espoir qu’ils représentent. Une communication stratégique efficace renforce la mission, et les relations avec les populations locales. Les informations du terrain doivent nourrir une communication stratégique cohérente pour la protection des Casques bleus et des civils. La communication stratégique doit lutter contre les discours de haine, les campagnes de désinformation et les apologies des abus sexuels. Elle doit aider à créer un environnement favorable sain avec les jeunes et les femmes comme chefs de file. La représentante a souligné l’importance de la communication stratégique au cours des phases de transition en expliquant le nouveau rôle de la nouvelle présence de l’ONU, qui doit être comprise par les populations. La communication stratégique doit s’adapter à la révolution numérique afin de veiller à la sécurité des Casques bleus et celle de ceux qu’ils ont pour mandat de protéger.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a noté que la technologie numérique moderne, qui a profondément changé l’interaction humaine, pose des défis aux soldats de la paix de l’ONU et aux institutions gouvernementales, mais offre aussi de grandes opportunités de partager des informations à des coûts relativement faibles. Sur la base de cette réflexion, le représentant a fait cinq recommandations de communication stratégique.
Le représentant a d’abord jugé indispensable de s’assurer que le but et les tâches de la mission de paix soient bien expliqués et diffusés au public cible, en particulier la communauté d’accueil. Il a ensuite demandé que chaque mission ait une équipe professionnelle de communication publique/média qui communique en permanence sur les mandats et activités de la mission et recueille des informations publiques pour mesurer l’impact de ses activités et identifier les zones potentielles d’amélioration.
En troisième lieu, les missions doivent être très créatives dans la façon dont elles transmettent les messages, en particulier aux pays et communautés d’accueil. À cet égard, le représentant a suggéré de promouvoir la communication visuelle et les activités participatives, qui sont mieux comprises. En outre, il a mis l’accent sur l’importance d’actions au niveau local pour donner une visibilité stratégique qui permettra de contrer la désinformation. Enfin, il a souligné l’importance d’une communication stratégique adaptée aux publics cibles aux niveaux international, régional, national et local avec le support le plus approprié à chaque public et une analyse d’impact.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que les communications stratégiques ont pour objectif de faciliter la réalisation des mandats des missions de maintien de la paix, de protéger les Casques bleus contre l'information néfaste et les provocations, ainsi que d'accroître le niveau de confiance de la population dans leurs activités. Toutefois, dans certains cas, une mission présente dans un pays depuis des années est intégrée dans le processus politique interne et modifie l'essence de ces États, a-t-il relevé. Le succès des opérations de maintien de la paix doit être examiné non pas en paroles mais en actes, comme un partenaire dans la réalisation d'objectifs communs entre l'État et la société civile. Il est donc inacceptable qu’une mission agisse comme une sorte de « gendarme » veillant sur des gouvernements souverains ou qu'elle introduise des impératifs formulés ailleurs, a affirmé le représentant qui a souligné l’importance de l'impartialité et de l'objectivité de l'ONU dans un environnement en mutation.
S’agissant des critiques formulées contre les opérations de maintien de la paix, que ce soit en Haïti, au Mali ou en République démocratique du Congo, il a noté que le recours aux outils de communication comme la radio et la télévision permettent aux Casques bleus d’expliquer leur mandat. Il a ensuite dénoncé la propagation « sans précédent » de désinformation et de mésinformation, fustigeant la censure et une « infodémie » délibérée qui s'est emparée des principaux médias du monde pour servir les intérêts d'un petit groupe de pays.
M. ZHANG JUN (Chine) a relevé que l’initiative Action pour le maintien de la paix contient un volet communication stratégique, un aspect très important pour améliorer la sûreté et la sécurité des Casques bleus et améliorer la performance des opérations elles-mêmes. Pour améliorer les communications stratégiques, il a préconisé de créer des partenariats plus robustes, soulignant que le pays hôte est le plus important des parties prenantes. En effet, le déploiement d’une opération doit se faire avec l’assentiment du pays hôte et la sécurité du personnel doit être garantie par ce même pays tout comme la mise en œuvre du mandat nécessite la coopération de ce pays, a-t-il noté, appelant l’ONU à continuer d’améliorer sa communication avec les pays qui hébergent des opérations de paix.
Le représentant a également exhorté à protéger la sûreté et la sécurité des forces de maintien de la paix, citant, à cet égard, le cas tragique d’un Casque bleu qui a perdu la vie en octobre dernier à Abyei en raison d’un manque de communication et de confiance mutuelle entre la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) et les tribus locales. Pour finir, il a appelé à améliorer les capacités de communication stratégique, indiquant espérer que le Secrétariat qui va bientôt mettre à jour sa politique en la matière, saisira cette occasion pour intégrer la communication stratégique dans toutes les composantes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a souligné l’importance du genre pour la communication stratégique. Les opérations de maintien de la paix doivent promouvoir les exemples de succès, gérer les attentes des populations locales et dénoncer les désinformations qui menacent la sécurité. Le représentant a encouragé les missions à protéger leur réputation auprès des populations et salué les propositions faites ce matin par le Secrétaire général à cet égard. Il a pointé du doigt les campagnes de désinformation qui menacent la sécurité des Casques bleus au Mali depuis l’arrivée du groupe Wagner appuyé par le Kremlin dans ce pays. Le représentant a condamné les campagnes de désinformation et de dénigrement des Casques bleus en République centrafricaine. Pour atténuer les risques, il faut nouer des liens avec les acteurs locaux et transmettre des messages positifs qui intéressent les populations locales et prendre à bras le corps ces campagnes de désinformation et de diffamation, a-t-il ajouté.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), tout en reconnaissant que la communication stratégique ne peut à elle seule résoudre les différents défis auxquels le maintien de la paix est confronté dans le monde, a estimé que la mise en œuvre de telles stratégies, accompagnée d'une réflexion véridique sur les facteurs qui affectent le succès ou l'échec des mandats de ce Conseil, est aujourd'hui plus opportune que jamais. Face aux au campagnes de désinformation qui nuisent à la capacité de certaines missions à briser les cycles de violence qui affligent la population, le représentant a jugé nécessaire que le Conseil contribue à l'efficacité des missions par des mandats mieux articulés autour d'objectifs réalistes et pertinents. Pour lui, un des meilleurs moyens d’assurer la crédibilité de l’ONU est de doter les opérations de maintien de la paix des capacités et des financements nécessaires pour s'acquitter pleinement de leur mandat. Dans ce contexte, il a estimé que l'initiative Action pour le maintien de la paix Plus (A4P+) est le cadre approprié pour enrichir la réflexion sur la performance des opérations de maintien de la paix, à laquelle doivent participer le système des Nations Unies et les acteurs sur le terrain, les organisations régionales, le secteur privé, la société civile, y compris le milieu universitaire.
M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) s’est dit préoccupé par le grand nombre d’attaques perpétrées contre les Casques bleus, notamment au sein de la MINUSMA, tout en relevant le lien direct entre les communications stratégiques et le succès des opérations de maintien de la paix. Il s’est également inquiété de la prolifération de la désinformation et de la mésinformation ciblant les Casques bleus, soulignant l’importance d’une communication efficace entre les opérations de maintien de la paix, les gouvernements hôtes et les parties prenantes afin d’assurer une compréhension mutuelle. À cet effet, les missions doivent disposer d’un mandat clair et de ressources idoines, assortis de partenariats stratégiques en matière de communication. Le représentant a ensuite invité les États Membres à redoubler d’efforts pour assurer la sécurité des Casques bleus déployés sur le terrain.
M. OSUGA TAKESHI (Japon) a mesuré l’importance capitale de la communication stratégique pour la sûreté et la sécurité des soldats de la paix, condition préalable à l’exécution de toute mission. Il a également relevé que les défis plus larges liés aux communications stratégiques, notamment la lutte contre la désinformation et la mésinformation, vont bien au-delà des questions techniques qui peuvent être traitées par la formation des soldats de la paix et des chefs de mission ou par l’introduction de technologies de l’information avancées.
Le représentant a estimé que l’amélioration des capacités de communication de chaque mission de maintien de la paix nécessite une approche ascendante adaptée aux contextes locaux respectifs. Selon lui, les efforts de renforcement des capacités doivent être faits sur mesure, car une approche universelle ne suffira pas. Il a ensuite encouragé le Secrétariat à collecter les meilleures pratiques et les exemples de communications stratégiques réussies sur le terrain. Il a par ailleurs souligné que les États Membres ont également un rôle essentiel à jouer pour améliorer les communications stratégiques en apportant un soutien aux pays et communautés d’accueil. Il a cité le cas de son pays qui a contribué à la diffusion de la vision stratégique pour la paix et la stabilité au Soudan du Sud entre 2012 et 2018.
M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a souligné la nécessité d’avoir une stratégie de communication dans le domaine du maintien de la paix qui soit claire, complète, réalisable et adaptée aux nouvelles situations. Selon lui, les communications sur les opérations de maintien de la paix devraient s’efforcer d’appuyer les efforts futurs en matière de consolidation et de maintien de la paix. À cet égard, il faut doter les soldats de la paix de compétences en matière de communication stratégique et d’une meilleure compréhension des conditions, des contextes et de la culture locaux. Il a également préconisé une plus grande utilisation des technologies numériques, et un engagement continu avec le pays hôte et les parties prenantes concernées. Le délégué a aussi insisté sur l’importance de renforcer la confiance des gouvernements hôtes et des acteurs locaux, citant l’exemple que son pays qui, au sein de la MINUSS, a partagé avec les communautés locales ses meilleures pratiques dans des domaines tels que l’agriculture durable et la gestion de l’eau et des terres. Il a ensuite appelé à garantir des ressources adéquates et suffisantes pour les engagements communautaires des opérations de maintien de la paix et des Casques bleus, en particulier les activités qui appuient le développement local.
M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark), au nom des pays nordiques, a mis en avant la nécessité d’une diffusion d’un contenu précis de nature à lutter contre la mésinformation et la désinformation d’acteurs malveillants qui exploitent les progrès de la technologie et l’évolution des réseaux sociaux pour nuire à l’image des missions et à leurs capacités opérationnelles. Face à ce constat, il a dit la nécessité de communications stratégiques efficaces permettant d’améliorer la sécurité des civils et des personnels de l’ONU. Il a cité une enquête menée par le Département des opérations de paix en mars 2022 selon laquelle 44% du personnel des missions de maintien de la paix estiment que la mésinformation et la désinformation ont un impact grave ou critique sur le travail des missions. Pour le représentant, la communication stratégique peut contribuer à la protection des civils de plusieurs manières, en favorisant la confiance et en veillant à ce que les missions soient au fait des préoccupations des communautés locales. Il a jugé indispensable de disposer d’équipes bien formées pour mener des campagnes de communication permettant de clarifier et corriger les informations erronées, de dissuader les populations locales de rejoindre les groupes armés, et de contrer les récits qui encouragent et exacerbent la violence.
Mme HEBA MOSTAFA MOSTAFA RIZK (Égypte) s’est déclarée consciente de l’importance de la communication stratégique comme facteur clef pour la bonne exécution des mandats des opérations de maintien de la paix. Elle a appelé à prendre en compte les difficultés auxquelles se heurtent celles-ci, insistant notamment sur la maîtrise des nouvelles technologies. Elle a également relevé qu’une communication stratégique efficace permet de mieux renforcer les connaissances des Casques bleus sur les conditions dans lesquelles ils opèrent. La représentante a ensuite encouragé les opérations de maintien de la paix à renforcer leurs efforts de communication avec les populations et les autorités locales afin de renforcer la confiance mutuelle et s’acquitter de leurs mandats.
M. OMAR HILALE (Maroc) a dénoncé les campagnes de désinformation contre les opérations de maintien de la paix, y voyant un risque pour l’humanité. Le représentant a appelé à la mobilisation globale de partenariats entre l’ONU et les États hôtes sur cette question. Il a souligné l’importance de mandats bien planifiés basés sur les priorités nationales. Le déploiement d’une opération de maintien de la paix doit être accompagné d’une stratégie de communication adaptée expliquant sa responsabilité et ses limites. Le représentant a également mis l’accent sur le rôle des médias, y compris en promouvant les actions des missions de paix. Il a demandé à renforcer la coopération au sein même de l’ONU, y compris le renforcement de capacités mené par le Département de la communication globale dans les opérations de maintien de la paix. Il a suggéré de développer une stratégie de communication spécifique à chaque mission et aux défis auxquels elle est confrontée. Avant de conclure, il a demandé l’intégration de nouvelles technologies dans les opérations de paix afin d’augmenter notamment leur capacité d’alerte précoce.
M. CARLOS AMORÍN (Uruguay) a dit que la communication stratégique doit être cohérente avec le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, en promouvant la participation des femmes à tous les niveaux et en soulignant le rôle clef des femmes dans la communication avec les communautés locales, en particulier dans la prévention des violences sexuelles associées aux conflits et comme canal de communication avec les victimes et les survivants. Notant que les opérations de maintien de la paix sont confrontées à un risque croissant de campagnes de désinformation qui érodent la réputation des missions, affectent leurs capacités à mettre en œuvre les mandats et menacent la sécurité des personnels, le représentant a mis en avant la nécessité d’une stratégie de communication permettant de renforcer la confiance avec les gouvernements et les acteurs locaux. Il a jugé indispensable que les personnels des missions soient formés pour être capables de réagir de manière proactive pour contrer ces phénomènes de désinformation.
Mme ANA PAULA BAPTISTA GRADE ZACARIAS (Portugal) a déclaré que la conception d’une stratégie de communication et l’évaluation de l’information doivent précéder le début d’une opération de maintien de la paix afin d’identifier les moyens les plus efficaces d’atteindre la population locale. Selon la représentante, une telle démarche est conforme au programme A4P+ du Secrétaire général, aux principes des Nations Unies concernant les opérations de maintien de la paix et à la résolution 2594 (2021) du Conseil de sécurité. Face aux défis croissants de la désinformation et de la mésinformation, nous devons intensifier nos efforts pour contrer les fausses informations et les discours haineux visant les missions et les soldats de la paix, a-t-elle argué. Elle a cité en exemple des initiatives telles que la création par la MINUSMA d’un groupe WhatsApp constitué de centaines d’influenceurs qui aident à contrecarrer la désinformation. De meilleures stratégies de communication peuvent également fournir des informations sur la protection des missions à l’égard des populations civiles et prévenir la violence sexiste et la discrimination à l’égard des femmes et des filles, a relevé la représentante.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a dit observer, dans plusieurs opérations de maintien de la paix, un décalage entre le mandat et les capacités d’une part, et les attentes des populations locales d’autre part. Les Casques bleus sont souvent perçus par la population comme le principal garant de leur protection, alors qu’ils ne sont déployés qu’en appui au gouvernement de l’état hôte. Les opérations de maintien de la paix doivent expliquer leur mandat mais aussi les limites de leur action. Elles devraient saisir les préoccupations locales, particulièrement des femmes, et y répondre de manière appropriée afin d’éviter des frustrations, qui peuvent engendrer des risques additionnels pour les Casques bleus. La représentante a notamment cité le cas des transitions d’une opération de maintien de la paix à une autre forme de présence onusienne.
Pour la Suisse, la communication stratégique doit faire avancer les agendas clefs des Nations Unies et se servir des canaux modernes. Les femmes devraient jouer un rôle égal dans les processus de paix. Les moyens de communication devraient être adaptés aux groupes ciblés. En outre, « l’action en dit plus que les mots », a déclaré la représentante, qui a appelé à rendre les opérations de maintien de la paix plus performantes, notamment par la formation et de la mise en œuvre du Système Intégré de Planification et d’Évaluation de la Performance. Enfin, la représentante a plaidé pour une plus grande coordination entre les différents piliers des opérations de maintien de la paix et s’est félicitée des efforts du Secrétariat en ce sens.
Mme Baeriswyl a également jugé la communication importante pour le Conseil de sécurité. Elle a annoncé que son pays, qui entrera au Conseil en janvier prochain pour deux ans, s’engagera en faveur de l’inclusion des perspectives des États Membres, des pays fournisseurs de contingents, de la Commission de consolidation de la paix et des voix des femmes et de la société civile, qui permettent de rendre plus crédible, et donc plus efficace, la communication du Conseil.
M. BAE JONGIN (République de Corée) a prié l’ONU d’adopter une approche intégrée pour aider les missions sur le terrain à répondre à la désinformation, aux fausses informations et aux discours de haine en leur fournissant des orientations et des outils appropriés pour améliorer les capacités de surveillance, de détection, d’analyse et d’intervention. À cet égard, il a appuyé la mise en œuvre de la stratégie de transformation numérique des opérations de maintien de la paix qui aide les missions à exploiter le potentiel des technologies numériques et à atténuer leurs risques. Il a également appelé les États Membres à établir un climat de confiance avec les gouvernements hôtes et les communautés locales. L’expérience des Casques bleus coréens, actuellement déployés au Soudan du Sud et au Liban, montre qu’un tel engagement améliore non seulement la sûreté et la sécurité des soldats de la paix, mais facilite également l’exécution de leurs mandats, a-t-il indiqué.
Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) a noté une tendance des populations à surestimer la capacité des opérations de maintien de la paix à obtenir un impact positif immédiat avant de souligner le risque de voir ces populations frustrées parce que les problèmes de sécurité et de développement persistent plus longtemps qu’ils ne l’avaient espéré. Dans ce contexte, la représentante a dit l’importance d’une communication claire, auprès de la population et des autorités locales, sur les objectifs et les limites des missions de maintien de la paix, afin d’anticiper les attentes irréalistes et d’obtenir un soutien au mandat mis en œuvre. Elle a appelé à expliquer que les opérations de maintien de la paix de l’ONU n’agissent qu’avec l’autorisation du pays hôte et reposent sur un mandat clair du Conseil de sécurité de l'ONU. Il a appelé à investir dans l’évaluation de l’impact des personnels de maintien de la paix et à communiquer clairement sur leurs activités. Elle a jugé indispensable que les Casques bleus comprennent les débats publics dans un contexte donné ainsi que les moyens de les influencer, notamment via les médias sociaux. « Pour réussir, les soldats de la paix doivent comprendre le contexte local et l’évolution de la situation sécuritaire et se mettre à l’écoute de la population », a encore dit la représentante, avant de souligner l’importance de formations linguistiques et du rôle de personnels en charge de la liaison avec la population locale.
M. JUAN ANTONIO BENARD ESTRADA (Guatemala) a estimé que l’évolution et la dynamique des communications peuvent offrir aux opérations de paix de nouvelles capacités pour partager des informations avec différentes parties prenantes sur le terrain où elles sont déployées. Il a aussi noté que le Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix (HIPPO) a indiqué que « les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et la communauté internationale en général ont souvent du mal à faire passer leurs messages aux populations locales ». Il a estimé que les missions doivent pouvoir adapter leurs messages aux spécificités et publics nationaux, régionaux et internationaux tout en respectant le principe du consentement des parties et le respect de la souveraineté des pays d’accueil et des pays voisins. Pour le représentant, l’expérience des différentes missions de maintien de la paix montre que l’utilisation de la communication stratégique est un élément crucial pour la pleine mise en œuvre des mandats et une nécessité opérationnelle. Par conséquent, il a jugé nécessaire un changement de culture dans le travail du personnel des missions, pour reconnaître qu'une communication stratégique est de la responsabilité de toute la mission. De plus, il a jugé pertinent que les informations soient partagées avec les pays contributeurs de troupes, de police et de personnel de maintien de la paix, rapidement et efficacement.
Pour M. OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne, les communications stratégiques -que ce soit par le biais des médias traditionnels ou des nouvelles technologies- jouent un rôle de plus en plus important dans la mise en œuvre des mandats de maintien de la paix car elles constituent un outil essentiel pour protéger les civils et promouvoir la sûreté et la sécurité des soldats de la paix. M. Skoog s’est félicité, à cet égard, de la stratégie 2021 pour la transformation numérique du maintien de la paix des Nations Unies et de l’initiative « Action pour le maintien de la paix Plus », dont la communication stratégique est l’une des priorités.
L’Union européenne est engagée dans la paix et la sécurité dans les mêmes environnements volatiles que l’ONU, a rappelé M. Skoog. Tout comme l’ONU, l’Union européenne est également devenue une cible de désinformation. Afin de contrer ces activités, nous avons intensifié notre préparation pour protéger nos institutions et nos capacités opérationnelles, a-t-il expliqué.
Le 5 décembre 2018, l’Union européenne a ainsi adopté un plan d’action contre la désinformation contenant des propositions spécifiques pour une réponse coordonnée afin de lutter contre la désinformation. Le plan d’action s’appuie sur quatre piliers: amélioration de la capacité de l’Union à détecter, analyser et exposer la désinformation; renforcement des réponses coordonnées et conjointes des États membres des institutions de l’UE; mobilisation du secteur privé (plateformes en ligne) pour lutter contre la désinformation; et sensibilisation et amélioration de la résilience de la société à la désinformation.
En outre, et conformément à la boussole stratégique pour la sécurité et la défense, l’Union européenne élabore actuellement une boîte à outils pour traiter et contrer la manipulation et l’ingérence des informations étrangères, y compris dans le cadre de ses missions et opérations relevant de la politique de sécurité et de défense communes. Cela contribuera à renforcer l’engagement de l’UE en matière de désinformation au sein des Nations Unies et à améliorer notre préparation à la coopération sur le terrain, a conclu M. Skoog.
M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a dénoncé l’utilisation par la Russie de la désinformation dans sa guerre non provoquée contre l’Ukraine. Le représentant a condamné le recours à la désinformation et aux fausses informations au Mali et en République centrafricaine et les activités du groupe Wagner dans ces pays, menées avec l’appui du Kremlin. Il a apporté son appui à la Stratégie pour la transformation numérique du maintien de la paix des Nations Unies.
M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a rappelé la réflexion menée le 26 mai dernier au cours d’une réunion coorganisée par le Brésil, le Ghana, l’Inde et l’Équateur lors de la semaine de la protection des civils. Il a dit attendre avec impatience l’examen stratégique du Secrétaire général sur les communications stratégiques, y compris une évaluation des capacités existantes.
La valeur que l’Équateur accorde au rôle des communications dans l’ensemble du système se reflète également dans notre présidence du Comité de l’information au cours des deux dernières années, a poursuivi le représentant. Il a dit avoir pu constater, en cette capacité, le rôle de facilitateur des communications dans la plupart des efforts entrepris par l’ONU et ses Membres.
M. JARROD LEE PENDLEBURY (Australie) a déclaré que céder du terrain dans le domaine de l’information à ceux qui travaillent à contrer les efforts de la communauté internationale peut miner l’efficacité des opérations de paix et nuire à la crédibilité de l’ONU. À cet égard, il a jugé que la communication stratégique peut combler le fossé entre les opérations de maintien de la paix et les populations locales. Pour sa part, l’Australie soutient le recours à la communication stratégique pour contrer la désinformation et les discours haineux dans le cadre d’opérations de maintien de la paix.
Afin de réduire le risque de violence pour les soldats de la paix et les civils, le représentant a demandé que des mesures soient prises pour aider les missions de maintien de la paix à mieux identifier et contrer ces « outils de conflit ». Dans la foulée de l’engagement de son pays à financer la création d’un centre d’innovation au sein du Département des opérations de paix, le représentant a annoncé le déblocage d’un premier versement destiné à mettre en œuvre la Stratégie pour la transformation numérique des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Il a réaffirmé en terminant son engagement en faveur de l’Action pour le maintien de la paix Plus.
Mme THANDEKILE TSHABALALA (Afrique du Sud) a abordé des questions fondamentales en matière de communication stratégique, citant l’utilisation des technologies numériques dans le maintien de la paix, la sûreté et la sécurité des forces de maintien de la paix, la promotion du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, et les partenariats.
Pour la représentante, l’efficacité des communications stratégiques est étroitement liée aux efforts des Nations Unies en faveur d’une transformation numérique inclusive. La réforme continue des opérations de maintien de la paix de l’ONU doit tenir compte de l’évolution des technologies numériques et de leur potentiel pour renforcer les mandats de maintien de la paix de l’ONU. Les technologies appropriées, complétées par un personnel compétent, doivent faire partie intégrante de toutes les phases des missions de maintien de la paix, y compris les transitions. C’est pourquoi, elle a estimé que des formations permanentes doivent être fournies à tous les centres de formation et de communication pour garantir l’accès au numérique et l’acquisition de compétences.
M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a déclaré qu’en tant que premier pays fournisseur de contingent et de forces de police, le Bangladesh contribue au renforcement des capacités des opérations de maintien de la paix en vue de protéger les Casques bleus. S’agissant de la communication stratégique, il a plaidé pour l’amélioration de la formation avant le déploiement et pour le renforcement des capacités de l’ensemble du personnel des missions de maintien de la paix.
Le Bangladesh a intégré la communication stratégique et le dialogue avec les communautés dans la formation de ses forces de main de la paix, a affirmé le représentant. Notant que la désinformation est devenue une source de vive préoccupation dans certaines missions, il a plaidé pour la pleine mise en œuvre de la Stratégie pour la transformation numérique des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il a salué le rôle joué par le Département de la communication globale pour mettre l’accent sur la contribution des pays fournisseurs de contingent et de police aux communications stratégiques, estimant que les États Membres de l’ONU ont une responsabilité à cet égard.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a encouragé à œuvrer pour trouver de meilleurs moyens d’atteindre le public cible. La mise en œuvre des mandats de maintien de la paix pertinents et la sûreté et la sécurité des soldats de la paix ne peuvent être garanties que si des communications stratégiques efficaces sont intégrées à la fois dans la planification quotidienne et dans les mandats plus larges des missions, a-t-elle dit.
Cela nécessite également une formation adéquate du personnel civil et en tenue. À cet égard, Mme Frazier a salué les efforts déployés par le Département des opérations de paix pour élaborer une nouvelle stratégie de communication qui devrait englober bon nombre des éléments discutés ici aujourd’hui.
M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a jugé essentielle la communication stratégique dans les opérations de maintien de la paix pour la mise en œuvre des mandats des missions et la gestion des attentes de l’État hôte, des communautés locales et d’autres groupes de paix, y compris les femmes et les jeunes. Le représentant a recommandé que les Départements des opérations de paix et de la communication globale envisagent de mener un examen conjoint des politiques des communications stratégiques des Nations Unies afin de fournir des orientations aux opérations de maintien de la paix. Cela renforcerait la confiance dans les processus de paix et favoriserait une meilleure compréhension de la raison d’être des missions. Un examen pluriannuel conjoint des politiques et une planification des communications stratégiques doivent être effectués régulièrement, en utilisant une approche intergouvernementale.
Le délégué a estimé que, pour que la communication stratégique soit efficace et percutante sur le terrain, les messages doivent être adaptés aux interlocuteurs locaux et externes des missions. Une campagne de communication propre au contexte et axée sur chaque public doit aborder les problèmes de désinformation et de fausses informations contre des dirigeants des missions et contribuer également à assurer la sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix. Il faut établir un cadre sur la communication stratégique en matière de maintien de la paix pour lutter contre la propagande contre l’ONU, a-t-il conclu.
M. LUKÁŠ PETER PRVÝ (Slovaquie) a déclaré que la communication stratégique est essentielle pour assurer le soutien politique et public dont les missions ont besoin pour mettre en œuvre efficacement leurs mandats et créer un environnement opérationnel sûr pour les soldats de la paix. Il a dit la pertinence de la communication stratégique pour gérer les attentes des parties prenantes concernées, en particulier les communautés locales et le gouvernement hôte, notamment en luttant contre la désinformation qui sape la crédibilité des missions. Il a appelé à une coordination étroite entre les partenaires locaux et internationaux ainsi qu’à une stratégie renforcée de la communication vis-à-vis de la population locale et des médias internationaux, afin de dénoncer, par exemple, les violations des normes internationales. La communication stratégique est également cruciale pour le maintien de la connaissance de la situation, ce qui nécessite d’être à l’écoute des communautés locales, a-t-il ajouté.
M. KARL LAGATIE (Belgique) a déclaré que la désinformation et la mésinformation constituent à la fois des défis anciens et nouveaux. Alors que la vérité a toujours été la première victime de la guerre, les médias numériques ont en effet donné une nouvelle ampleur à ce phénomène. Il s’est particulièrement inquiété à cet égard du discours de la Fédération de Russie sur la guerre en Ukraine. La mésinformation peut éroder la confiance de la population locale envers les opérations de maintien de la paix et engendrer un sentiment négatif envers la mission, a prévenu le représentant. Nous devons donc communiquer nos objectifs et nos actions de façon claire, de même que nos valeurs et nos succès, a fait valoir le délégué. Afin d’instaurer la confiance nécessaire parmi les communautés locales, celles-ci doivent être convaincues que les Nations Unies agissent dans leurs intérêts. Nous devons également communiquer avec le public dans sa langue maternelle, qui n’est souvent pas une langue officielle des Nations Unies, a-t-il relevé. S’agissant des acteurs humanitaires, le représentant a mis en garde contre la politisation de l’action humanitaire par certaines parties, notamment au moyen de rumeurs.
M. GILAD MENASHE ERDAN (Israël) a rappelé l’attaque du Hezbollah qui a tué cinq soldats israéliens il y a 16 ans, conduisant à la création de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), s’inquiétant en outre de l’augmentation de l’emprise du Hezbollah sur le Sud du Liban depuis 16 ans. Pour que la communication stratégique soit efficace, il faut traiter la désinformation et les fausses informations du Hezbollah qui restreint la liberté de mouvement de la Force dont la sécurité et la sûreté sont constamment menacées. Le Hezbollah propage fausses accusations et désinformation sur la FINUL et dresse la population locale contre elle. La FINUL est soumise à plus d’attaques que jamais et est incapable d’assumer son mandat et d’empêcher le Hezbollah de multiplier son arsenal de roquettes. La FINUL a les mains liées par le Hezbollah qui a même accusé la Force d’être à l’origine de l’explosion du port de Beyrouth. Réclamant des moyens pour la FINUL, le représentant a souligné que la communication stratégique exige une formation qui va de pair avec l’action contre la désinformation. Il faut lutter contre la menace terroriste du Hezbollah, a insisté le délégué.
M. MOHAMED ENNADIR LARBAOUI (Algérie) a déclaré que la communication stratégique est un pilier du succès des opérations de maintien de la paix et des missions de consolidation de la paix. Il a estimé qu’une bonne stratégie de communication devrait permettre aux personnels des missions de prendre conscience des réalités et spécificités locales et des attentes des populations. Il a souligné l’importance de la maîtrise des langues locales pour communiquer au mieux avec les populations locales et donner crédibilité aux supports de communication. Il a aussi dit l’importance d’un plan de communication assurant une interaction la plus positive avec les populations locales, les parties en conflit et les partenaires nationaux, régionaux et internationaux.