Afghanistan: Divergences d’approche entre les membres du Conseil de sécurité, entre partisans de la stabilité et défenseurs des droits humains
Le Conseil de sécurité a examiné aujourd’hui la situation en Afghanistan, toujours en proie à une situation alarmante. Si une partie des membres du Conseil s’est surtout préoccupée des contraintes de plus en plus lourdes imposées aux Afghanes, d’autres ont mis l’accent sur le besoin de stabilité du pays, y compris pour lutter contre le terrorisme islamique, et ont réclamé le dégel des avoirs bloqués à l’étranger.
La séance intervenait au lendemain d’un violent séisme dont le bilan encore provisoire dépassait déjà les 800 morts. Les membres du Conseil ont observé une minute de silence à la mémoire des victimes et les différents membres ont tous présenté leurs condoléances au début de leur intervention. Représentant spécial adjoint, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), M. Ramiz Alakbarov a vu dans cette nouvelle catastrophe « un nouveau rappel tragique de la myriade de dangers auxquels le peuple afghan est confronté en ce moment ».
C’est toutefois sur d’autres urgences que M. Alakbarov a concentré son exposé: la situation humanitaire, la crise économique et la nécessité d'un engagement continu avec les « autorités de facto » dans un contexte de violations multiples des droits de l'homme, et notamment de ceux des femmes et filles. Des urgences auxquelles les membres du Conseil n’accordent pas le même ordre de priorité.
Le Secrétaire général adjoint et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, a insisté sur trois aspects qui réduisent la capacité des organisations humanitaires à répondre aux besoins d’un nombre croissant de personnes, dont 6,6 millions sont au bord de la catastrophe dans le pays. Il a déploré une prudence excessive des autorités chargées d’autoriser les transferts de fonds vers l’Afghanistan dans le cadre des exemptions humanitaires aux sanctions prises contre les Taliban, ce qui limite les liquidités disponibles pour les organisations humanitaires, les exigences imposées à ces dernières par les « autorités de facto », mais aussi le manque de fonds pour financer les appels humanitaires. Lors du débat, plusieurs membres du Conseil ont mis en avant leurs contributions financières mais M. Griffiths a rappelé que la réponse humanitaire n’était financée qu’à 33% des besoins et qu’il manquait près de 3 milliards de dollars pour les six derniers mois de 2022, tandis que les 2,4 milliards de dollars de promesses de dons récemment cités lors d’une conférence de donateurs correspondent à une combinaison d'engagements passés, présents et à venir, qui incluent les réfugiés afghans à l’étranger et dont bon nombre restent à concrétiser.
Ces crises humanitaires risquent de se répéter si l’économie afghane ne se redresse pas, a averti M. Alakbarov, qui a mentionné une contraction de celle-ci de 30 à 40% depuis la conquête du pouvoir par les Taliban en août 2021 et a énuméré les chiffres alarmants. C’est au nom de la relance de l’économie que plusieurs membres du Conseil –la Fédération de Russie et la Chine, mais aussi le Brésil- ont demandé que soit autorisé le rapatriement des avoirs afghans gelés à l’étranger. Une position adoptée aussi par certains voisins de l’Afghanistan, comme l’Iran ou l’Ouzbékistan, au nom de la stabilité régionale. Ainsi, le représentant ouzbèque a estimé que le « Gouvernement intérimaire afghan » avait besoin « d’un certain temps » pour mettre en œuvre concrètement ses promesses et obligations internationales, que des pressions ne pourraient que renforcer les extrémismes et que l’annonce d’une interdiction de la culture du pavot devrait contribuer à priver divers groupes terroristes opérant dans le pays d’une source de revenus provenant du trafic de drogue.
Les représentantes du Mexique, du Kenya et des Émirats arabes unis ont néanmoins demandé comment l’économie pourrait se redresser si en était exclue la moitié de la population constituée par les femmes, de plus en plus « effacées » de la vie du pays, selon les termes de Mme Yalda Royan, représentante de la société civile afghane. Plusieurs membres du Conseil ont violemment dénoncé les mesures de plus en plus dures prises par les Taliban qui, après avoir interdit aux filles de se rendre à l’école, ont récemment imposé aux femmes sortant de chez elles de se voiler intégralement la face. La représentante de l’Irlande a dénoncé le bilan « honteux » du régime des Taliban et celle de la France y a vu une illustration que, malgré toutes leurs promesses, les Taliban n’avaient « pas changé » depuis leur premier exercice du pouvoir entre 1998 et 2001.
L’Irlande a donc exhorté le Conseil de sécurité à trouver la volonté politique nécessaire pour garantir le respect des droits humains et la participation effective des femmes à la société afghane, plutôt que d'accepter le statu quo. L’Albanie a souhaité que le Conseil parle d’une seule voix et le Ghana a suggéré que le Secrétaire général nomme de nouveau une femme à la tête de la MANUA pour succéder à Mme Lyons.
Le rôle de la Mission en matière de protection des droits de l'homme, et de ceux des femmes en particulier, a été évoqué car son mandat, modifié par la résolution 2625 (2022) adoptée le 17 mars, lui confère de nouveaux pouvoirs en la matière. Estimant que « le respect des droits de l’homme et en particulier des femmes et des filles ne peut pas être une variable d’ajustement dans nos discussions et dans la réponse des Nations Unies à la crise afghane », la représentante de la France a dit attendre que la Mission « remplisse sa tâche ». Mme Royan, qui a accusé la Mission d’avoir « trahi » les Afghans par le passé, a souhaité que la MANUA reprenne la publication régulière de rapports ouverts au public et a demandé aux membres du Conseil de « tenir leur parole ». Après avoir déclaré que les Afghanes lui demandaient souvent si le monde les avait oubliées ou, sinon, ce qu’il était prêt à faire pour elles, une autre intervenante de la société civile, journaliste afghane travaillant pour la BBC, a quant à elle invité les membres du Conseil de sécurité à se poser la même question.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2022/485)
Déclarations liminaires
M. RAMIZ ALAKBAROV, Représentant spécial adjoint, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), qui s’adressait au Conseil depuis Kaboul, est revenu sur le tremblement de terre meurtrier qui a frappé hier la province de Paktika aux premières heures du jour. Jusqu’à présent, selon ses informations, au moins 770 personnes ont été tuées, plus de 1 400 blessées, dont beaucoup grièvement, et plusieurs milliers de maisons ont été détruites ou endommagées. Les opérations de recherche et de sauvetage se poursuivent et l’on s’attend à ce que le nombre de victimes augmente encore dans les jours à venir, tout comme le nombre de communautés touchées, a-t-il expliqué. Au lendemain de la secousse, les acteurs humanitaires ont mobilisé une réponse immédiate aux côtés de leurs homologues des autorités de facto, dont le Ministère de la défense est le chef de file.
Des équipes d’évaluation interagences étaient également sur le terrain en quelques heures et restent en place pour aider à coordonner et à informer la réponse humanitaire. M. Alakbarov a dit avoir l’intention de se rendre lui-même, demain, dans la zone touchée pour rencontrer les familles et les intervenants, y compris les groupes de femmes de la société civile qui s’efforcent de faire en sorte que l’aide parvienne aux femmes et aux filles, et pour soutenir l’ensemble des efforts de secours. « Vous conviendrez tous que la journée d’hier a été un nouveau rappel tragique de la myriade de dangers auxquels le peuple afghan est confronté en ce moment », a-t-il déploré.
M. Alakbarov a toutefois concentré son exposé sur les autres urgences auxquelles la population afghane est confrontée, notamment la situation des droits de l’homme, la crise économique, l’urgence humanitaire actuelle et enfin, la nécessité d’un engagement continu avec les autorités de facto.
Le Coordonnateur résident a décrit une situation des droits de l’homme précaire, malgré une décision d’amnistie générale et les assurances répétées des autorités de facto quant à son respect. La MANUA continue de recevoir des allégations crédibles de meurtres, de mauvais traitements et d’autres violations visant des personnes associées à l’ancien Gouvernement afghan, ainsi que des allégations crédibles de violations commises par les autorités de facto contre des personnes accusées d’être affiliées à l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), a-t-il expliqué. Il a exhorté les autorités de facto à faire davantage pour prévenir ces violations et à rendre leurs auteurs comptables.
M. Alakbarov a aussi accusé ces dernières de restreindre de plus en plus l’exercice des droits humains fondamentaux, visant en particulier les droits et libertés des femmes et des filles afghanes, limitant leur participation à la vie sociale, politique et économique. Il s’agit notamment de l’interdiction de l’enseignement secondaire pour les filles et de la décision d’imposer le port du voile aux femmes, a-t-il dénoncé, en pointant le coût immense de ces politiques sur l’économie. Les femmes sont collectivement exclues de la société d’une manière unique au monde, a-t-il dit, tout en assurant ce Conseil que la MANUA restera une voix claire et visible pour sauvegarder les droits du peuple afghan, en particulier ceux des femmes et des filles.
Évoquant la situation actuelle de l’économie, qui s’est contractée de 30 à 40% depuis le mois d’août 2021, le Coordonnateur résident a précisé que la production et les revenus avaient diminué de 20 à 30%, tandis que le nombre de ménages recevant des transferts de fonds a diminué de 50%. Le chômage pourrait même atteindre 40% cette année, contre 13% en 2021, et certaines projections indiquent que le taux de pauvreté pourrait atteindre 97% à la fin de l’année 2022. 82% des ménages sont aujourd’hui endettés, ce qui est encore plus alarmant, alors que la détérioration de l’économie offre peu de chances de s’en sortir. Si l’économie n’est pas en mesure de se redresser et de croître de manière significative et durable, le peuple afghan sera confronté à des crises humanitaires répétées, ce qui pourrait provoquer des migrations massives et créer des conditions propices à la radicalisation et à un nouveau conflit armé, a-t-il mis en garde.
Dans le même temps, l’Afghanistan reste très vulnérable aux changements climatiques et aux chocs géopolitiques à venir. « Nous devons contribuer à la relance de l’économie agricole, qui repose sur la création de chaînes de valeur et le développement de liens entre les agriculteurs et les producteurs alimentaires et les marchés locaux, a plaidé M. Alakbarov. Cela ouvrira également la voie à une agriculture de substitution pour remplacer la culture du pavot, ce qui permettra de tirer parti de l’interdiction récente par les autorités de facto de la culture du pavot et des stupéfiants.
Ce faisant, le Coordonnateur résident a appelé à continuer à accorder une attention suffisante à l’élimination des munitions de guerre non explosées.
Lorsque lui-même et d’autres membres de l’équipe dirigeante des Nations Unies voyagent dans le pays et rencontrent les communautés touchées, celles-ci formulent trois demandes directes, simples et sincères, a expliqué M. Alakbarov: ils veulent des emplois, une réponse à plus long terme à la crise économique et la sécurité. Entre janvier et fin avril 2022, les partenaires humanitaires ont apporté au moins une forme d’aide humanitaire à 20 millions de personnes, dont 19,3 millions de personnes vulnérables ayant des besoins humanitaires, 247 000 rapatriés transfrontaliers, 75 000 réfugiés et 95 000 personnes touchées par des inondations et d’autres phénomènes météorologiques, a-t-il rappelé.
Malgré les difficultés décrites, M. Alakbarov a dit continuer de croire fermement qu’une stratégie d’engagement et de dialogue continus reste la seule voie à suivre pour le bien du peuple afghan, ainsi que pour la sécurité régionale et internationale.
M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a appelé à s’attaquer à la paralysie économique et bancaire qui continue de bloquer la vie des femmes, des hommes et des enfants, à continuer d’étendre et améliorer la qualité de l’aide humanitaire dans les zones mal desservies, et à résister à l’établissement de systèmes de prestation de services parallèles aux institutions nationales. Il a prévenu que 6,6 millions de personnes sont au bord de la catastrophe en Afghanistan en raison d’un déficit de 3 milliards de dollars pour les besoins humanitaires en 2022.
Illustrant son propos, M. Griffiths a mis l’accent sur trois domaines qui présentent des obstacles à la capacité des organisations humanitaires de répondre aux besoins d’un nombre croissant de personnes.
M. Griffiths a d’abord regretté que le système bancaire formel continue de bloquer les transferts en raison d’une volonté excessive de réduction des risques, ce qui a un impact sur les canaux de paiement et provoque des blocages dans les chaînes d’approvisionnement. Près de la moitié des organisations ayant répondu à une enquête de suivi de l’OCHA ont ainsi signalé des difficultés à transférer des fonds vers l’Afghanistan, contre 87% en octobre de l’année dernière. « Même si la situation s’est améliorée, des défis persistent », a dit le représentant de l’OCHA, tout en notant qu’environ 80% des organisations sont confrontées à des retards dans le transfert de fonds, et que plus de 60% d’entre elles citent le manque de liquidités disponibles dans le pays comme un obstacle programmatique.
« Le deuxième obstacle auquel nous sommes confrontés concerne l’engagement entre les organisations humanitaires et les autorités de facto », a poursuivi le Coordonnateur des secours d’urgence, en précisant que les autorités nationales et locales cherchent de plus en plus à jouer un rôle dans la sélection des bénéficiaires et à acheminer l’aide aux personnes figurant sur leurs propres listes prioritaires. M. Griffiths a noté que les autorités de facto demandent davantage de données et d’informations concernant le budget et les contrats de personnel, alors que les ONG sont confrontées à des difficultés persistantes lorsqu’elles essaient d’embaucher des femmes dans certaines fonctions. Il a constaté davantage d’ingérences aujourd’hui qu’au cours des mois précédents, ajoutant que la plupart des difficultés étaient toutefois résolues grâce à un dialogue avec les autorités de facto compétentes. « Cependant, pour chaque problème résolu, un autre problème similaire apparaît, parfois au même endroit avec les mêmes services », a-t-il regretté, avant de souligner la frustration des organisations humanitaires, des communautés et des autorités locales
« Troisièmement, nous n’avons tout simplement pas assez de fonds », a insisté M. Griffiths en ajoutant que seul un tiers des ressources nécessaires à la réponse humanitaire de cette année a été reçu. Il a noté que les organisations alimentaires ont la capacité d’apporter de la nourriture dans le pays, malgré la crise ukrainienne. Mais il a ajouté qu’un financement et une action précoces seront essentiels pour éviter une catastrophe cet hiver. Il a précisé que la conférence des donateurs de haut niveau de mars, qui a généré 2,4 milliards de dollars de promesses de dons, concernait une combinaison d’engagements de financement passés, présents et futurs pour l’Afghanistan ainsi que pour les réfugiés afghans dans les pays voisins en 2022 et au-delà. Notant que bon nombre de ces promesses n’ont pas encore été concrétisées en financement confirmé pour la réponse humanitaire, il a précisé que la réponse humanitaire était confrontée à un déficit de financement de 66%, soit près de 3 milliards de dollars pour les six derniers mois de 2022.
Mme YALDA HAKIM, journaliste, a expliqué qu’elle était la correspondante de BBC News et qu’elle avait couvert l’Afghanistan, où elle est née, depuis 15 ans. Elle a mis l’accent sur les privations de libertés dont sont victimes les femmes afghanes, et en premier lieu sur l’interdiction faite « depuis 279 jours » à des millions de filles d’aller à l’école. L’éducation n’est pas un privilège, c’est un droit de l’homme fondamental, qui continue pourtant d’être refusé aux filles afghanes, a-t-elle rappelé.
La prise de contrôle du pays par les Taliban le 15 août dernier avait réellement été un événement transformateur pour le pays, a expliqué la journaliste, qui a cité en exemple une enseignante de 42 ans, Sheila Dost, elle-même privée dans son enfance d’éducation sous la première domination des Taliban, et qui voit aujourd’hui sa fille de 12 ans subir le même sort. Mme Hakim a fait état des menaces que des femmes qui manifestent contre les interdictions dont elles sont victimes disent être l’objet: mises en joue, arrosées de gaz au poivre, insultées. Elle a fait état d’informations inquiétantes faisant état de disparitions de manifestantes et rappelé que, depuis le 9 mai, femmes et filles ont reçu l’ordre de se couvrir la face lorsqu’elles sortent et ont été incitées à ne pas sortir du tout, les punitions en cas d’infraction étant infligées aux hommes de leur famille.
Mme Hakim a insisté sur le caractère unique de la situation afghane ainsi que sur la rapidité avec laquelle la situation des femmes dans le pays a changé. Il y a un an encore, les fillettes afghanes allaient à l’école et des Afghanes avaient des postes de responsabilité dans tous les secteurs du pays, a-t-elle rappelé. Expliquant qu’elle dirige aussi une fondation qui offre des bourses à des étudiantes afghanes dans plusieurs universités étrangères, Mme Hakim a assuré que la demande d’éducation des Afghanes était plus élevée que jamais alors que l’offre s’est dramatiquement réduite. Elle a ajouté que l’une des questions qu’on lui posait le plus souvent portait sur la possibilité pour la communauté internationale d’accorder davantage de bourses et sur les moyens que pourrait offrir la technologie pour aider les Afghanes qui ne peuvent quitter le pays à apprendre. Tout en remerciant la présidence albanaise du Conseil de l’avoir invitée, Mme Hakim a conclu en expliquant qu’une autre des questions que lui posent souvent les Afghanes consiste à savoir si elles sont oubliées ou si le monde s’inquiète de leur sort et dans ce cas, ce qu’il est prêt à faire. Je voudrais vous demander de vous interroger vous-mêmes, a-t-elle conclu.
Mme YALDA ROYAN, consultante pour l’organisation féministe humanitaire VOICE Amplified, a d’entrée regretté que la communauté internationale n’ait pas entendu les mises en garde des femmes afghanes, qui avaient averti que les promesses des Taliban sur le respect des droits des femmes ne seraient pas tenues en Afghanistan, pire pays au monde pour les femmes.
« Vous nous avez ignorées, et aujourd’hui nous devons payer le prix fort des négligences de la communauté internationale, y compris celles des personnes assises à cette table », a-t-elle déploré.
Mme Royan, qui est également une des fondatrices du Groupe de plaidoyer des femmes afghanes (Afghan Women’s Advocacy Group), a rappelé que, depuis août dernier, les Taliban avaient annoncé plus de 30 décrets, dont seulement quelques-uns ont été rapportés par les médias internationaux, qui effacent systématiquement les femmes de toutes les sphères de la société. Les Taliban imposent ces décrets en utilisant des manœuvres d’intimidation et la violence. En avril, ils ont brutalement torturé et exécuté une jeune sage-femme à Mazar-e-Sharif, ils lui ont coupé les jambes et l’ont poignardée, avant de lui tirer 12 balles — simplement parce qu’elle était une femme et une Hazara, a-t-elle accusé. De plus, des centaines d’anciens fonctionnaires, ainsi que toute personne qui s’oppose au régime taliban, ont été ciblés, torturés ou exécutés. Les Tadjiks des provinces du Panchir, Baghlan et Takhar continuent de faire face à des arrestations aléatoires: ils sont tués, torturés et déracinés. Mme Royan a cité le cas d’un étudiant tadjik, Zamanuddin, et de son frère, arrêtés le 10 juin dans le Panchir, torturés et tués par les Taliban pour n’avoir pas révélé l’emplacement de la base du Front national de résistance (FNR). C’est ça, le vrai visage des Taliban, ceux-là même qui veulent à tout prix être reconnus comme légitimes, s’est-elle écriée.
Décrivant le quotidien insoutenable en Afghanistan, Mme Royan est revenue sur l’attaque en mars dernier des Kouchis dans les districts de Behsud, Malistan, Jaghori et Shaikh Ali, où ils ont tué et blessé 31 personnes, brûlé des centaines de maisons et pris en otage 21 personnes, dont la plupart sont encore portées disparues, selon des activistes de la région. Alors que les Hazaras ont été ciblés dans huit explosions rien qu’en avril, la MANUA, en condamnant ces attaques, n’a fait aucune référence aux origines des victimes, « comme si cela n’avait aucune importance », a-t-elle fait observer.
Combien de Hazaras doivent mourir, afin que ces actes puissent être reconnus officiellement comme un génocide, s’est interrogée Mme Royan en s’adressant aux Membres du Conseil.
Elle a, de même, interrogé le rôle de la MANUA dans la gestion de la crise actuelle, estimant que, bien que la MANUA nous « ait trahies » par le passé, elle a dorénavant une opportunité importante de servir le peuple afghan. Or, et malgré les nombreuses violations choquantes telles que celles qu’elle a énumérées précédemment, la MANUA ne les avait jusqu’à présent jamais condamnées publiquement, ni publié de rapport sur la protection des civils depuis juillet 2021. Pire, a-t-elle dénoncé, à de nombreuses reprises, les chiffres publiés par la MANUA étaient erronés. De nombreux Afghans craignent que la MANUA n’ait pas fait preuve de neutralité lors de collaborations avec les Taliban et qu’elle ait minimisé leurs exactions, a accusé la consultante.
Pour finir, Mme Royan a enjoint à la MANUA de reprendre sans plus attendre la publication régulière de rapports ouverts au public, et d’assurer que tous les rapports en question contiennent des informations exactes et vérifiées qui reflètent le quotidien vécu dans le pays.
Or, elle a dit n’avoir jusqu’à présent constaté aucun effort significatif de la part de la Mission pour faciliter un dialogue inclusif entre les Afghans, les Taliban et la communauté internationale qui puisse favoriser la paix en Afghanistan.
S’adressant aux Membres du Conseil, Mme Royan les a exhortés, s’ils veulent être pris au sérieux par les Taliban ou par qui que ce soit d’autre, à « tenir leur parole, soutenir les droits des femmes et garantir la mise en œuvre du mandat de la MANUA, et faire payer les Taliban » pour leur traitement atroce des femmes. Cessez de rabaisser les femmes afghanes avec des récompenses et des louanges sans importance! s’est-elle emportée.
Déclarations
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a invité le Conseil à exhorter les Taliban à faire plus pour répondre à la crise humanitaire et à faire moins pour créer une crise des droits humains. Faisant écho aux inquiétudes suscitées par les attaques, les meurtres et les disparitions signalés d’anciens responsables gouvernementaux, de membres des forces de sécurité, de procureurs et de juges, de journalistes et de professionnels des médias et de tous ceux qui dénoncent une société régie par la peur plutôt que par la loi, elle a souligné la responsabilité des autorités de facto à mettre fin aux détentions arbitraires, à la torture et aux exécutions extrajudiciaires. Elle a notamment demandé qu’une enquête sur la disparition d’Alia Azizi, directrice de la prison pour femmes d’Hérat, soit ouverte.
La représentante s’est dite alarmée par les attaques terroristes contre des civils, souvent dans des communautés ethniques ou religieuses minoritaires, et a appelé toutes les parties à mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans les conflits armés. Elle a demandé à la MANUA de surveiller et signaler les atteintes aux droits et de dialoguer avec les parties pour qu’elles s’engagent à mettre fin à ces violations. « Sans dialogue avec les autorités de facto, la communauté mondiale perdra ses principaux moyens d’influencer la trajectoire inquiétante de l’avenir de l’Afghanistan », a-t-elle prévenu.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a concentré son propos sur la situation sécuritaire en Afghanistan, que son pays suit de « très près ». L’inde, a-t-il ajouté, s’engage activement auprès de la communauté internationale pour assurer un consensus sur les questions de sécurité, de paix et de stabilité.
Le représentant a fermement condamné l’attaque terroriste contre le Gurudwara Dashmesh Pita Sahibji à Kaboul le 18 juin, soulignant que les récentes conclusions du rapport de l’équipe de soutien analytique et de surveillance des sanctions du Comité 1998 du Conseil indiquent que les autorités actuelles doivent prendre des mesures beaucoup plus fermes pour respecter leurs engagements en matière de lutte contre le terrorisme.
On constate une augmentation significative de la présence de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) dans le pays et de sa capacité à mener des attaques, a poursuivi M. Tirumurti. L’EIIL-K, dont la base se trouverait en Afghanistan, continue d’être une menace dans d’autres pays. Le rapport note également, a-t-il poursuivi, que les Taliban doivent encore se dissocier d’autres groupes terroristes tels qu’Al-Qaida, qui restent actifs. Pour lui, il existe donc de sérieuses préoccupations qui requièrent l’attention immédiate du Conseil de sécurité et une action unifiée afin de garantir que l’Afghanistan ne devienne pas un refuge pour d’autres organisations terroristes.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a dressé un « bilan honteux » de la scolarisation refusée aux filles afghanes alors que nous sommes au deux cent soixante-dix-neuvième jour de cette privation. Après avoir rappelé que la communauté internationale avait prévenu en août dernier que les Taliban seraient jugés d’après leur actions et non leurs paroles, la représentante a regretté de devoir constater que les promesses avaient été « creuses » et que les droits humains sont aujourd’hui érodés en Afghanistan, que les femmes sont « effacées », que les minorités sont attaquées, les journalistes ciblés, l’économie en chute libre, l’aide humanitaire détournée.
Mme Byrne Nason a exhorté la communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité, à trouver la volonté politique nécessaire pour garantir le respect des droits humains et la participation effective des femmes à la société afghane, plutôt que d’accepter le statu quo. Nous ne pouvons pas faire comme si les choses étaient normales, a-t-elle averti.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a souligné le travail important de la MANUA pour ramener une paix durable et la stabilité dans le pays. La Mission demeure un élément essentiel des efforts collectifs de la communauté internationale qui visent un relèvement de l’Afghanistan, a ajouté le représentant, pour qui il faut que le Conseil puisse porter d’une seule voix un message de soutien au mandat de la Mission.
Le représentant a estimé que la nomination au poste de Représentant spécial du Secrétaire général en Afghanistan d’une nouvelle femme pour succéder à Mme Lyons constituerait un message clair de la communauté internationale aux Taliban, à savoir que les femmes et les filles afghanes sont des parties prenantes légitimes aux plans politique, social et économique du pays.
Le représentant a pressé les institutions humanitaires d’intensifier leurs interventions pour apporter un secours indispensable aux populations, notamment aux femmes, aux enfants et aux groupes vulnérables qui paient actuellement un lourd tribut. Il a lancé un appel aux donateurs et partenaires de l’Afghanistan pour qu’ils respectent leurs engagements, afin d’éviter une catastrophe humanitaire.
Mme TRINA SAHA (États-Unis) a condamné sans équivoque l’annonce faite le 23 mars par les Taliban d’interdire l’école pour les femmes et le décret du 7 mai imposant de nouvelles restrictions aux femmes et aux filles. « Régler par décret mène à l’instabilité » à prévenu la représentante, avant de préciser que les États-Unis restent le principal soutien financier de l’aide humanitaire en Afghanistan avec 720 millions de dollars d’aide depuis août 2021. Elle a rappelé que son pays a appuyé l’adoption de la résolution 2615 (2021) établissant l’exemption humanitaire pour faciliter l’acheminement de l’aide. Alors que près de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire, la représentante a exhorté les autres États membres à assumer leur part en matière d’aide humanitaire mais aussi à respecter leurs engagements affichés en matière de lutte contre le terrorisme.
Mme ALLEGRA PAMELA R. BONGO (Gabon) a exhorté les autorités de facto d’Afghanistan à revenir sur leurs restrictions et à respecter les assurances données à la communauté internationale concernant les droits des femmes et des filles. Il en va de leur responsabilité et de leur crédibilité, a-t-elle martelé. La représentante a rappelé que les droits de l’homme sont universels et qu’on ne peut y déroger sous aucun prétexte. Elle a donc a invité les autorités de facto à se conformer aux normes internationales et à garantir leur respect.
Mme Bongo s’est inquiétée de l’instabilité de la situation sécuritaire en Afghanistan et a condamné toutes les attaques, appelant les autorités de facto à intensifier leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme et dans la protection des populations, charges qui leur incombent.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a estimé que le dialogue restait le meilleur moyen de soutenir le peuple afghan, avant d’exhorter les autorités de facto afghanes à promouvoir une forme de gouvernance plus inclusive. Elle a souhaité que l’on ne conditionne pas l’aide humanitaire à des considérations politiques avant d’appeler tous les acteurs à garantir un accès humanitaire sans entrave et sans discrimination. Elle a dit la nécessité de créer des emplois et des moyens de subsistance. Elle s’est demandée comment l’économie afghane pourra se relever si la moitié de sa population n’est pas autorisée à travailler.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a relevé « l’absence totale » de progrès dans tous les domaines où les Taliban ont pris des engagements envers la communauté internationale, y voyant la confirmation qu’ils n’avaient « pas changé ». La représentante, qui a rappelé l’engagement continu de la France et de l’Union européenne pour répondre, sans délai ni condition, à la crise humanitaire, a rappelé les cinq conditions imposées par la communauté internationale pour permettre aux Taliban de sortir l’Afghanistan de l’isolement « imposé par les Taliban eux-mêmes », pour constater qu’« à ce jour, aucune n’est pleinement remplie ». Elle a notamment jugé inacceptables les récentes décisions prises en violation des droits des femmes et des filles, en particulier l’exclusion de ces dernières de l’école secondaire. Ces décisions montrent que les promesses des Taliban sont vaines, a accusé la représentante, pour qui « la confiance a été rompue ». C’est pourquoi le Comité 1988 a révoqué les exemptions à l’interdiction de voyager aux deux ministres chargés de l’éducation, a-t-elle justifié. La France est également déçue par le fait que les liens des Taliban avec les groupes terroristes n’ont pas été rompus. La représentante a jugé encourageantes leurs annonces concernant le trafic de drogue mais rappelé qu’il ne s’agissait à ce stade que de promesses.
La représentante a dénoncé l’inacceptable multiplication de graves violations des droits de l’Homme, dont les femmes afghanes sont les premières victimes, véritables prisonnières dans leur propre pays alors qu’elles ont contribué ces 20 dernières années au développement de leur pays, qui ne pourra se poursuivre sans elles. « Le respect des droits de l’homme et en particulier des femmes et des filles ne peut pas être une variable d’ajustement dans nos discussions et dans la réponse des Nations Unies à la crise afghane », a-t-elle affirmé. Rappelant que le mandat que le Conseil a accordé à la MANUA lui donne les moyens d’agir dans ce domaine, elle a dit attendre que la MANUA « remplisse sa tâche ».
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé qu’un leadership fort de l’ONU reste essentiel pour coordonner le soutien de la communauté internationale et négocier efficacement avec les Taliban, afin de garantir un accès humanitaire de principe à travers le pays. Le Royaume-Uni reste engagé envers le peuple afghan, comme en témoigne la conférence des Nations Unies sur les promesses de dons humanitaires, qu’il a coorganisée le 31 mars, ce qui a permis de collecter 2,4 milliards de dollars, a fait observer le représentant. Il a rappelé l’engagement de son pays à hauteur de 380 millions de dollars pour la période 2022-2023, afin de répondre aux besoins humanitaires et aux besoins humains fondamentaux. La stabilité économique et la fourniture de services de base sont essentielles pour mettre fin au cycle des besoins humanitaires et de la souffrance en Afghanistan, a-t-il rappelé.
M. Kariuki a souligné la nécessité pour les Taliban de respecter leurs engagements envers le peuple afghan et la communauté internationale. Il s’est élevé contre les restrictions inacceptables à la liberté de mouvement et à l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services, auxquelles sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan. De même, il a fait part de sa profonde préoccupation aux graves allégations d’exécutions extrajudiciaires, de détentions et de disparitions d’Afghans, notamment de militants de la société civile et d’anciens membres des forces de sécurité et du Gouvernement. Le représentant s’est également inquiété des attaques terroristes et de la menace du trafic de narcotique qui menacent la région.
M. Zhang Jun (Chine) a estimé que le peuple afghan avait une opportunité historique de prendre en main son destin malgré les difficultés économiques et sociale actuelles. Il a exhorté la MANUA à agir d’urgence pour faire face aux conséquences du récent tremblement de terre. Il a souhaité que le peuple afghan ne soit pas oublié et que le pays puisse devenir un État autonome et efficace en gardant à l’esprit que l’Histoire avait démontré que les modèles étrangers ne fonctionnent pas en Afghanistan.
Le représentant a invité la communauté internationale à renforcer les contacts avec le Gouvernement afghan de manière pragmatique pour envisager un modèle de gouvernance correspondant aux spécificités nationales de l’Afghanistan. Il l’a invitée également à restituer sans condition les avoirs afghans bloqués à l’étranger, avant de déclarer que les problèmes de la drogue et du terrorisme étaient liés aux difficultés faites à l’Afghanistan.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a rappelé que l’aide humanitaire au peuple afghan ne constitue pas et ne devrait pas constituer une violation du régime des sanctions. Tout en reconnaissant que des efforts ont été déployés pour remédier aux difficultés rencontrées par les organisations humanitaires et les agences des Nations Unies pour envoyer des ressources financières en Afghanistan, il a appelé une fois de plus tous les pays concernés à continuer d’examiner de près cette question. Les exemptions humanitaires pour toute sanction doivent être strictement respectées, afin de garantir qu’elles ne compromettent pas l’accès à la nourriture, aux abris et aux fournitures médicales essentielles pour les personnes qui en ont le plus besoin. Cette compréhension s’applique à l’Afghanistan mais aussi à d’autres crises humanitaires, a ajouté le représentant. Enfin, M. Costa Filho s’est fait l’écho des appels lancés aux membres de la communauté internationale pour qu’ils envisagent de dégeler les avoirs des institutions afghanes.
Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a demandé aux Taliban de veiller à ce que le territoire de l’Afghanistan ne soit plus jamais utilisé par des groupes pour exporter le terrorisme vers d’autres régions. Face à la crise économique, la représentante a prévenu que la sous-utilisation et l’exclusion des talents et de la main-d’œuvre féminine continueraient de restreindre la croissance économique de l’Afghanistan. Elle a particulièrement regretté que 279 jours se soient écoulés depuis que les Taliban ont suspendu l’école pour les filles avant de prévenir qu’il n’y avait aucune justification possible à la discrimination des femmes et des filles. Enfin, Mme Toroitich a salué les voisins de l’Afghanistan qui ont ouvert leurs frontières au cours des derniers mois en cette période difficile pour leur générosité, avant d’exhorter la communauté internationale à soutenir les efforts de ces pays grâce à un financement prévisible.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a jugé impératif d’accorder une attention suffisante à l’aggravation de la situation humanitaire en Afghanistan car, a-t-elle insisté, si une catastrophe humanitaire a été évitée l’hiver dernier, la pauvreté et la faim continuent de sévir. L’Afghanistan est malheureusement un exemple de la façon dont la hausse des prix des denrées alimentaires, des engrais et du gaz plonge des millions de personnes dans l’insécurité alimentaire. Pour la représentante, l’avertissement lancé par le Chef du Programme alimentaire mondial (PAM), M. David Beasley, à la fin du mois de mars, est déjà devenu une réalité en Afghanistan: la nourriture est prise à ceux qui ont faim pour être donnée à ceux qui sont affamés.
Mme Alhefeiti a réaffirmé que les conséquences humanitaires potentielles des sanctions devraient être systématiquement prises en compte dans la conception de chaque régime de sanctions. En outre, les Émirats arabes unis encouragent tous les donateurs à déployer tous les efforts raisonnables pour veiller à ce que les personnes figurant sur la liste des sanctions du Comité 1998 ou ayant des liens avec des terroristes ne puissent pas bénéficier de l’aide destinée au peuple afghan.
Les chances de redressement de l’Afghanistan sont condamnées si la moitié de sa population continue d’être marginalisée, a estimé la représentante, qui a exhorté le Conseil à continuer d’exiger que la décision des Taliban d’exclure les filles de l’enseignement secondaire soit annulée et que la participation pleine, égale et significative des femmes à la société soit rétablie.
Enfin, la représentante s’est inquiétée des multiples attaques terroristes au cours des derniers mois et que certains groupes terroristes, comme l’EIIL-K, renforcent leurs capacités et leurs ressources financières. L’Afghanistan ne doit pas être un refuge pour les terroristes. C’est pourquoi les Émirats arabes unis exhortent les Taliban à s’engager dans un dialogue sérieux et significatif avec la communauté internationale sur la lutte contre le terrorisme.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exhorté les donateurs occidentaux à cesser de spéculer sur l’Afghanistan, à restituer au pays les fonds bloqués et à commencer de fournir une assistance sans conditions préalables propice à la normalisation de la situation socioéconomique et humanitaire dans le pays. Il a estimé que la situation actuelle relève de la responsabilité des pays occidentaux qui ont été présents dans ce pays pendant 20 ans. Rappelant que la stabilité de l’Afghanistan est au cœur des efforts régionaux pour la paix, le représentant a prévenu qu’une déstabilisation de ce pays bénéficierait aux groupes terroristes comme l’État islamique, le Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan et Jamaat Ansarullah.
La Fédération de Russie, en tant qu’amie et voisine de l’Afghanistan, fournit traditionnellement l’aide humanitaire au pays par l’intermédiaire des agences compétentes des Nations Unies et par voies bilatérales, notamment de la nourriture, des vêtements chauds et des médicaments, a déclaré M. Nebenzia. Le représentant a regretté que l’imposition de sanctions illégales contre son pays affecte sa capacité de coopérer avec les organisations humanitaires, avant d’affirmer la volonté de la Russie d’aider l’Afghanistan par des approvisionnements en céréales.
La Russie continuera à contribuer à la promotion de la paix et la réconciliation nationale en Afghanistan et soutiendra un dialogue régulier avec les autorités de facto, axé sur les problèmes clés du pays, dont les menaces liées à la drogue, l’inclusivité politique, l’aide humanitaire et les droits humains, a assuré le représentant, qui a dit l’intention de son pays de continuer à fournir au peuple afghan et aux représentants des autorités de facto toute l’aide possible pour atténuer les conséquences de la crise économique.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé que le mois dernier, le chef des Taliban avait appelé les pays à s’engager avec l’Afghanistan sur la base du « respect mutuel ». Mais le respect « n’est pas un don », il se mérite, a affirmé le représentant; et d’abord, en respectant les engagements pris, non en les trahissant. Malheureusement, a regretté M. Hoxha, les actions des Taliban vont dans la direction opposée, au détriment de la population, au détriment du pays. Le représentant, qui a dit avoir « chercher une chose positive » dans la situation actuelle de l’Afghanistan, a ajouté qu’il « continuait de chercher » avant de dresser un bilan catastrophique de l’état du pays.
Pour le représentant et actuel Président en exercice du Conseil de sécurité, il est donc de la plus haute importance que ce dernier reste uni et parle fort, en disant clairement et sans équivoque aux Taliban que, s’ils ne changent pas de cap, les portes du monde leur resteront fermées, qu’ils ne seront pas les bienvenus et resteront les « parias » qu’ils ont choisi d’être.
Il est donc grand temps qu’un processus politique significatif et inclusif soit initié, de bonne foi et avec bonne volonté, a poursuivi M. Hoxha. En disant appuyer « grandement » tous les efforts déployés par la MANUA, il a exhorté la Mission à faire tous les efforts possibles pour continuer à s’engager avec les Taliban dans la mise en œuvre du mandat donné par ce Conseil, pour le bien et au nom du peuple afghan.
M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a souligné les difficultés croissantes du peuple afghan malgré le soutien des Nations Unies et d’autres donateurs. Il a noté que 80% de la population est confrontée à la pauvreté et a dénoncé les limitations de tous les droits humains, notamment le droit d’expression et les difficultés faites aux femmes, mais aussi la disparition d’opposants et d’anciens membres des forces de sécurité. Il s’est inquiété de la présence accrue de groupes terroristes en Afghanistan et de la multiplication d’attaques terroristes visant des centres religieux et éducatifs.
Le représentant a suggéré l’élaboration d’une feuille de route qui permettrait aux Afghans de s’entendre sur des points fondamentaux en préservant les acquis obtenus de haute lutte ces 20 dernières années. « Si nous abandonnons l’Afghanistan nous risquons de réduire à néant les progrès acquis au cours des 20 dernières années », a-t-il mis en garde, avant d’exhorter les membres du Conseil de sécurité à envoyer un message uni dans ce sens.
Le représentant a exhorté les Taliban à respecter les engagements en matière d’amnistie et a demandé que soit garantie la sécurité des anciens membres du Gouvernement, des cadres militaires et des fonctionnaires indépendamment de leur ethnie et de leur genre. Il a également exhorté les Taliban à favoriser l’émergence d’un gouvernement représentatif et responsable, à permettre la réouverture des écoles pour les filles et à respecter leurs engagements en matière de droits humains.
M. MAJID TAKHT RAVANCI (République islamique d’Iran) a souligné qu’en tant que voisin de l’Afghanistan, l’Iran avait utilisé ses capacités et ses ressources pour aider le peuple afghan à surmonter les défis auxquels il a été confronté. L’Iran a ainsi accueilli des millions de réfugiés, qui ont malheureusement reçu une aide internationale minimale au cours des 40 dernières années a fait observer le représentant, qui a ajouté que le dernier exemple en date de l’aide apportée par son pays aux réfugiés afghans était la vaccination à grande échelle contre la pandémie de COVID-19 des Afghans vivant en Iran. Mais les voisins de l’Afghanistan, y compris l’Iran, ne devraient pas supporter l’ensemble du fardeau lié à l’accueil des réfugiés afghans et d’autres États devraient également accueillir ces réfugiés, a ajouté M. Ravanci, qui a rappelé qu’au cours des derniers mois, son pays avait fourni plus de 30 envois d’aide humanitaire au peuple afghan.
M. Ravanci a déclaré que les avoirs gelés de l’Afghanistan à l’étranger appartiennent au peuple afghan et ajouté que leur dégel était crucial pour aider l’économie afghane et sauver des vies. Cette mesure ne devrait pas être, par conséquent, politisée ou conditionnée de quelque manière que ce soit.
Le représentant s’est inquiété des activités terroristes attribuées à Daech et Al-Qaida et exhorté la communauté internationale à presser les Taliban de lutter contre le terrorisme et à faire en sorte que l’Afghanistan ne soit plus un refuge pour les terroristes. Tout aussi essentiels à ses yeux, les efforts pour combattre le trafic de drogue doivent être une priorité. Chaque année, l’Iran est directement touchée par cette menace et en paie le prix fort, a conclu M. Ravanci.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a estimé que les deux civiles afghanes intervenues au début de la séance ne représentent qu’elles-mêmes. Pour le représentant, la communauté internationale assiste à un tournant de l’histoire turbulente de l’Afghanistan et l’objectif prioritaire est de parvenir à la paix et à la stabilité. M. Akram a estimé que l’accès de l’Afghanistan à ses ressources sera essentiel pour éviter un effondrement avant d’appeler à débloquer les avoirs afghans bloqués à l’étranger. Il a jugé indispensable de s’assurer que les sanctions en place ne menacent pas la bonne distribution de l’aide humanitaire.
Le représentant a souhaité que le territoire afghan ne puisse servir de refuge à des groupes terroristes. Soulignant la détermination de l’Organisation de coopération islamique (OCI) à soutenir la paix, la sécurité, un règlement politique durable et le développement en Afghanistan, il s’est dit préoccupé par la persistance d’attaques terroristes contre le Pakistan depuis l’Afghanistan, a fait état de financements étrangers et a dénoncé les agissements d’un membre non permanent du Conseil de sécurité, qu’il a accusé d’être un parrain du terrorisme.
Notant qu’il n’y a plus autant de victimes civiles qu’autrefois en Afghanistan grâce à une certaine stabilité, le représentant a invité la communauté internationale à appuyer un processus de réconciliation nationale pour mettre définitivement fin à quatre décennies de souffrance.
M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a estimé que le Gouvernement intérimaire afghan avait besoin d’un certain temps pour mettre en œuvre concrètement ses promesses et ses obligations internationales. Exercer des pressions ou appliquer des interdictions ne ferait qu’exacerber la situation déjà désastreuse de l’Afghanistan, a-t-il argué. L’aggravation de la situation socioéconomique pourrait conduire à la radicalisation de la société, à des confrontations entre différents groupes et au renforcement des positions des forces extrémistes. Dans le même temps, la communauté internationale devrait continuer à exiger des Taliban qu’ils ne reviennent pas sur leurs promesses de former un gouvernement inclusif, de garantir les droits de l’homme, y compris ceux des femmes et des minorités nationales, et de permettre aux filles afghanes d’accéder à l’éducation scolaire, a poursuivi le représentant.
L’Ouzbékistan part du principe que, dans un avenir prévisible, l’Afghanistan restera un facteur important de la sécurité régionale, qui affectera directement les intérêts nationaux des pays de la région, en premier lieu ceux de ses voisins immédiats, a expliqué M. Ibragimov. Il se félicite de la récente décision du Gouvernement intérimaire de l’Afghanistan d’interdire la culture du pavot ainsi que la production, la vente, le transport et la contrebande de toutes sortes de substances narcotiques, ce qui, a estimé le représentant, devrait contribuer à priver divers groupes terroristes opérant dans le pays d’une source de revenus provenant du trafic de drogue.