Conseil de sécurité: la prorogation de deux mois de la trêve au Yémen constitue un espoir de paix après sept ans de conflit, selon l’Envoyé spécial
La prorogation de deux mois, jusqu’au 2 août, de la trêve conclue entre le Gouvernement yéménite et les rebelles houthistes constitue un véritable espoir de paix après plus de sept années de conflit, à condition cependant que les parties respectent sa mise en œuvre et s’engagent dans un processus politique à plus grande échelle, a indiqué, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial pour le Yémen.
Encore « inimaginable » au début de cette année, la trêve entrée en vigueur le 2 avril dernier est très largement respectée, a précisé M. Hans Grundberg. Si quelques violations ont été signalées dans les provinces de Mareb, de Taëz et de Hodeïda, aucune frappe ni attaque transfrontalière ne s’est produite depuis lors, a-t-il salué, tout en appelant à prévenir les incidents pour qu’ils n’entraînent pas une reprise des combats.
Cette accalmie, a poursuivi M. Grundberg, s’est traduite par une baisse notable du nombre des victimes civiles, même si les décès et blessures imputables aux mines terrestres sont en hausse. Autres retombées positives de la trêve, les vols commerciaux entre Sanaa, Amman et Le Caire ont repris et l’approvisionnement en carburant est à nouveau assuré depuis le port de Hodeïda. En revanche, beaucoup reste à faire pour soulager les souffrances des habitants de Taëz, en proie à de graves restrictions en raison du siège des houthistes.
C’est pourquoi, a-t-il dit, j’ai convoqué les parties à Amman afin de leur soumettre un plan de réouverture progressive des routes dans et autour de la ville. La proposition a été accueillie favorablement par le Gouvernement yéménite mais j’attends toujours la réponse d’Ansar Allah, le bras politique des houthistes, a-t-il précisé. Appelant les parties à s’engager dans un processus politique inclusif, il a dit vouloir poursuivre ses efforts sur deux directions: l’application et la consolidation de la trêve, d’une part; la recherche de solutions plus durables pour répondre aux besoins économiques et sécuritaires, d’autre part.
L’optimisme mesuré de M. Grundberg a été nuancé par le constat de la Directrice par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), selon laquelle la crise humanitaire au Yémen reste aussi grave aujourd’hui qu’elle l’était avant la trêve et pourrait même bientôt s’aggraver. En effet, a expliqué Mme Ghada Mudavi, les agences d’aide sont particulièrement préoccupées par les besoins croissants, liés à la hausse des prix des produits alimentaires et de base accentuée par les effets de la guerre en Ukraine, mais aussi par la diminution de l’aide humanitaire et la baisse des budgets. Elle a salué, à ce sujet, les discussions récentes entre les Gouvernements du Yémen, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis sur un soutien financier à l’économie yéménite. Une fois déboursé, ce soutien pourrait rapidement influer sur le taux de change, augmenter le pouvoir d’achat et réduire la faim, a-t-elle indiqué.
S’exprimant au nom de la société civile, une représentante de l’ONG « Peace Track Initiative » a fait un ensemble de recommandations qui, outre celles correspondant aux projets développés par M. Grundberg, exhortent la communauté des donateurs à tenir les promesses de reconstruction du Yémen, en se concentrant sur la stabilisation des services de base, le versement des salaires et le renforcement des infrastructures. Mme Azal Al-Salafi a également demandé la mise en place et le financement d’un centre de lutte contre la violence sexuelle et sexiste, avant d’appeler à des pourparlers de paix inclusifs garantissant la participation des femmes et des jeunes.
Les délégations ont unanimement salué le signal positif envoyé par la reconduction de la trêve, estimant, à l’instar du Gabon et de l’Albanie, que les mesures qui accompagnent cette accalmie, en particulier la circulation des biens essentiels et des personnes, la reprise des liaisons aériennes commerciales et la facilitation de l’accès humanitaire contribuent à l’amélioration du climat socioéconomique et à la stabilisation du Yémen. Les membres du Conseil ont cependant enjoint les parties à saisir cette opportunité pour progresser vers la paix, la Chine leur conseillant de faire les compromis nécessaires pour lancer des discussions politiques, avec l’accord de trêve comme point de départ.
La Fédération de Russie a jugé que le rejet des « provocations unilatérales » contribuera à consolider ces évolutions positives et aidera à passer à un règlement politique définitif. Un avis partagé par le Brésil, qui s’est inquiété des mesures économiques unilatérales adoptées par certains pays « en relation avec des conflits en cours ailleurs », lesquelles aggravent la situation au Yémen. Selon lui, ces sanctions ont pour effet d’entraver les flux commerciaux de produits et d’intrants agricoles, de réduire la disponibilité des denrées alimentaires et de faire grimper les prix.
S’agissant enfin du pétrolier SAFER, en passe de provoquer une catastrophe écologique et humanitaire au large du Yémen, plusieurs délégations ont regretté l’insuffisance des fonds qui empêche le démarrage de l’opération de sauvetage. La France a appelé les États et le secteur privé à répondre généreusement à l’appel des Nations Unies, tandis que les États-Unis promettaient de verser 10 millions de dollars en soutien au plan onusien.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, s’est réjoui de ce premier exposé en personne depuis la conclusion de la trêve au Yémen. En place depuis deux mois et demi, cette trêve tient, ce qui paraissait inimaginable au début de l’année, a-t-il relevé, ajoutant que sa reconduction jusqu’au 2 août prochain donne une chance à la paix après plus de sept années de conflit. En termes militaires, la trêve est respectée, ce qui signifie qu’aucune frappe ni attaque transfrontière n’a été menée d’un côté ou de l’autre. Il a également fait état d’une baisse du nombre des victimes civiles, tout en déplorant que celui des décès et blessures imputables aux mines terrestres soit en hausse. C’est d’autant plus préoccupant selon lui que de nombreux civils affluent vers des zones contaminées précédemment inaccessibles. Malgré la trêve, des violations présumées sont signalées à l’intérieur du pays, a indiqué le haut fonctionnaire, selon lequel des pilonnages et des affrontements armés ponctuels ont été rapportés autour de Mareb, Taëz et Hodeïda. Il importe de prévenir ces incidents pour qu’ils n’entraînent pas une reprise des combats, a-t-il plaidé, avant de rappeler que, sous ses auspices, deux premières réunions du comité de coordination militaire ont pu se tenir. Selon lui, ces premières rencontres en face à face, qui devraient désormais avoir lieu sur une base mensuelle, sont un pas important vers le rétablissement de la confiance.
L’Envoyé spécial a ensuite rappelé que son premier exposé devant le Conseil avait coïncidé avec le premier vol commercial depuis Sanaa. À ce jour, s’est-il félicité, huit vols aller-retour ont transporté plus de 2 000 passagers entre Sanaa, Amman et Le Caire. Il a également indiqué que le transfert régulier de carburant vers le port de Hodeïda s’est maintenu et que, depuis début de la nouvelle trêve, deux navires pétroliers ont pu être dédouanés, ce qui a permis d’atténuer la pression sur les services essentiels. Ce sont là des conséquences humanitaires positives de la trêve, a constaté M. Grundberg, pour qui beaucoup reste toutefois à faire pour soulager les souffrances de la population, et en particulier des habitants de Taëz, qui font face à des difficultés d’accès et à des restrictions graves. C’est pourquoi, a-t-il dit, j’ai convoqué les parties à Amman afin de leur soumettre un plan de réouverture progressive des routes. La proposition contient aussi un mécanisme d’application et des engagements pour la sécurité des civils, a-t-il précisé, en saluant l’apport à ces discussions de représentants de la société civile. Saluant l’accueil favorable du Gouvernement yéménite à cette proposition, il a dit encore attendre la réponse d’Ansar Allah, le bras politique des houthistes.
Soulignant le caractère précaire de la trêve, M. Grundberg a averti que tout retard dans son application risque de la mettre à mal dans son intégralité. C’est aux parties qu’il incombe de la respecter, a-t-il insisté, avant de noter que ces deux mois et demi d’accalmie leur ont permis de s’impliquer dans des pourparlers. Or ces derniers ont mis en lumière des discordes sur des questions qui touchent à la politique et à la gouvernance ainsi qu’à l’économie, notamment à la dette publique. Il a donc prôné une conciliation sur des priorités pour parvenir à un processus structuré à différents niveaux. Parmi ces priorités, l’Envoyé spécial a cité la transformation de la trêve en cessez-le-feu durable et le versement des salaires des fonctionnaires. Il importe également que le processus politique soit plus inclusif et permette une participation effective des femmes, a-t-il affirmé. Au cours des six semaines à venir, il entend poursuivre ses efforts sur deux niveaux: l’application et la consolidation de la trêve, avec notamment la réouverture de routes, d’une part; et la recherche de solutions plus durables pour répondre aux besoins économiques et sécuritaires, d’autre part. Avant de conclure, M. Grundberg s’est dit reconnaissant au Conseil de sécurité, au Sultanat d’Oman et à l’Arabie saoudite pour leur soutien. Cet appui restera essentiel dans les prochains mois mais c’est aux parties de négocier de bonne foi et d’accepter les compromis nécessaires, a-t-il souligné.
Mme GHADA MUDAVI, Directrice par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a salué la prolongation de la trêve dont les deux premiers mois ont eu un impact considérable: baisse du nombre de victimes civiles et fin des graves pénuries à mesure que davantage de carburant arrivait par Hodeïda. De même, la reprise des vols commerciaux depuis l’aéroport de Sanaa a permis à davantage de personnes d’entrer et de sortir du pays. Mme Mudavi a aussi constaté un meilleur accès humanitaire dans plusieurs régions. Selon elle, l’amélioration de la liberté de mouvement est essentielle pour améliorer la vie des gens et les conditions humanitaires, en particulier à Taëz, la troisième plus grande ville du Yémen. Elle a néanmoins souligné que la crise humanitaire au Yémen reste aussi grave aujourd’hui qu’elle l’était avant la trêve, pouvant même bientôt s’aggraver. En effet, a-t-elle expliqué, les agences d’aide sont particulièrement préoccupées par les besoins croissants, la diminution de l’aide humanitaire et la baisse des budgets. Nous avons besoin d’une action urgente pour résoudre ces trois problèmes, a-t-elle plaidé.
Au sujet des besoins croissants, elle a affirmé que la guerre en Ukraine fait grimper les prix des denrées alimentaires et d’autres produits de base dans le monde entier, tout en mettant à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le Yémen est particulièrement vulnérable à ces types de chocs parce qu’il dépend des importations pour presque tout ce dont il a besoin, y compris la quasi-totalité de sa nourriture. Un demi-million d’enfants risquaient de souffrir de dénutrition cette année, alors que 19 millions de personnes souffrent de la faim, dont plus de 160 000 qui sont au bord de la famine. Depuis février, les prix des denrées alimentaires au Yémen ont encore augmenté d’environ 10%. Elle a salué les discussions récentes des Gouvernements du Yémen, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis sur le soutien financier à l’économie du Yémen. Une fois déboursé, ce soutien pourrait rapidement influer sur le taux de change, augmenter le pouvoir d’achat et réduire la faim, a-t-elle dit. L’action contre les mines devient également urgente, étant donné que la trêve permet à davantage de civils de se déplacer dans les zones de front, dont beaucoup sont malheureusement contaminées par des mines et d’autres restes explosifs de guerre. Plus de 4 millions de personnes sont également toujours déplacées, dont plus de 7 000 ayant fui au cours des deux derniers mois.
Mme Mudavi a poursuivi en notant que les agences d’aide sont confrontées à un ensemble croissant de problèmes d’accès et de sécurité. Nous travaillons avec les autorités et d’autres parties prenantes pour répondre à ces préoccupations aussi vite que possible, a-t-elle révélé, mais ces agences sont également confrontées à des niveaux d’insécurité alarmants: tentatives de détournement de voiture, d’enlèvement et autres attaques se multiplient. Deux membres du personnel de l’ONU arrêtés à Sanaa en novembre dernier sont toujours en détention, tout comme les cinq enlevés à Abyan en février qui sont portés disparus. Malgré ces défis, les agences continuent de fournir de l’aide à travers le Yémen, a—t-elle dit en dénombrant plus de 200 partenaires humanitaires –dont les deux tiers sont des organisations yéménites– qui aident 11 millions de personnes chaque mois, dans le cadre du plan de réponse des Nations Unies. Elle a déploré le fait que ce plan ne soit actuellement financé qu’à hauteur de 26%. L’aide alimentaire a déjà été réduite pour 8 millions de personnes, et d’autres secteurs essentiels à la prévention de la famine –y compris la nutrition, la santé, l’eau et l’assainissement– sont tous actuellement financés à moins de 25%.
Pour aggraver les choses, l’aide humanitaire au Yémen devient de plus en plus chère en raison de la hausse des prix mondiaux, a ajouté la Directrice. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que ses coûts de fonctionnement mensuel au Yémen ont augmenté de 30 millions de dollars en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires, du carburant et des transports. Sur une note connexe, le plan de l’ONU pour faire face à la menace d’une marée noire catastrophique du pétrolier SAFER reste au point mort faute de fonds. Jusqu’à présent, l’ONU a reçu environ 60 millions de dollars de promesses de dons pour le projet qui a néanmoins besoin de 144 millions de dollars, dont 80 millions de dollars pour démarrer. Mme Mudavi a annoncé une réunion le 23 juin, organisée par la Suède et la Commission européenne, afin de discuter de l’assistance humanitaire au Yémen.
Mme AZAL AL-SALAFI, Représentante de « Peace Track Initiative », ONG qui rassemble 300 femmes yéménites, a fait sept recommandations qui selon elle auront un impact positif sur le processus de paix. Elle a d’abord espéré que le Conseil continuera à soutenir la trêve en vue de la transformer en un cessez-le-feu à l’échelle nationale, avec un mécanisme clair de mise en œuvre surveillé. Ensuite, elle a appelé à soutenir l’ouverture de tous les ports et aéroports d’entrée au Yémen pour permettre les déplacements civils et commerciaux. Elle a également demandé l’ouverture de toutes les routes à l’intérieur du pays, la levée des points de contrôle et le déminage, à commencer par Taëz, en restreignant le flux d’armes dans le pays et les camps et dépôts militaires dans les villes.
En outre, elle a exhorté la communauté des donateurs à remplir leurs obligations humanitaires et de développement, et de tenir les promesses de reconstruction au Yémen, en se concentrant sur la stabilisation des services de base, le versement des salaires et le renforcement des infrastructures. Mme Al-Salafi a demandé la mise en place immédiate et le financement d’un centre de lutte contre la violence sexuelle et sexiste. Elle a dit l’importance de soutenir la feuille de route pour la paix féministe, en la considérant comme une référence du processus de paix, et d’appeler à des pourparlers de paix inclusifs garantissant la participation des jeunes et de la société civile. Enfin, elle a invité l’Envoyé des Nations Unies à créer un poste permanent de conseiller du genre et à nommer des experts dotés de robustes valeurs féministes.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué la prolongation de la trêve au Yémen « grâce au leadership de l’ONU », avant d’appeler à miser sur cet élan positif. Elle a appelé les houthistes à faire preuve de souplesse pour parvenir à un compromis et ouvrir les routes principales vers la ville de Taëz. Saluant le fait que le nombre de victimes civiles reste bien en deçà des moyennes d’avant la trêve, elle a appelé à tout faire pour que ce chiffre tombe à zéro. « Les femmes et les hommes du Yémen méritent de vivre leur vie sans craindre d’être tués ou mutilés. » Elle a fait remarquer à cet égard que les mines terrestres et les munitions non explosées ont été la principale cause de victimes le mois dernier. La représentante a salué le travail essentiel de la MINUAAH et du général Beary dans l’accélération des efforts de déminage. Soulignant que le peuple yéménite continue également d’être menacé par une insécurité alimentaire aiguë, avec actuellement 2,2 millions d’enfants yéménites qui risquent de souffrir de déficiences physiques et cognitives à cause de malnutrition aiguë, la représentante a appelé tous les donateurs à veiller à ce que les fonds soient disponibles et décaissés en temps voulu. Elle a terminé en se félicitant de l’annonce de nouveaux engagements envers l’opération des Nations Unies pour faire face à la menace posée par le pétrolier SAFER.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a salué la trêve actuelle et a voulu que les parties l’exploitent pour parvenir à une solution politique du conflit. Elle a salué le rôle moteur de l’Arabie saoudite dans les négociations et les efforts d’Oman. À ce stade critique, a-t-elle estimé, il faut intensifier les efforts diplomatiques à tous les niveaux, en y impliquant activement les femmes yéménites, garantes d’une paix durable. Il est tout aussi impératif de tenir compte de la perspective des jeunes pour leur donner la chance de jouer un rôle constructif dans leurs communautés. Malheureusement, a déploré la représentante, les houthistes continuent de recruter dans toutes les zones qu’ils contrôlent. Ils endoctrinent les enfants dans leurs prétendus « camps d’été » et les soumettent à une formation, en violation du plan d’action qu’ils viennent de signer avec le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. La représentante a conclu en soulignant la nécessité de régler rapidement le problème du pétrolier SAFER pour éviter une grave catastrophe écologique. Elle n’a pas manqué de rappeler que son pays et l’Arabie saoudite se sont engagés à fournir une aide humanitaire et économique de plus de 3 milliards de dollars au Yémen. Les solutions politiques sont la seule voie pour mettre fin à la crise humanitaire, a-t-elle martelé.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que la prorogation de la trêve au Yémen pour deux mois supplémentaires permet d’entretenir l’espoir d’une paix durable. Selon lui, les mesures qui accompagnent cette trêve, en particulier la circulation des biens essentiels et des personnes, la reprise des liaisons aériennes commerciales à l’aéroport de Sanaa, la liberté de mouvement et la facilitation de l’accès humanitaire, contribuent à l’amélioration du climat socioéconomique et à la stabilisation du Yémen. Cependant, la situation sécuritaire demeure fragile, a-t-il constaté, déplorant à cet égard l’absence d’avancée sur la question de la levée du siège de la ville de Taëz. Alors que le Gouvernement exige la réouverture des routes principales, les houthistes réclament des arrangements sur le versement des salaires des fonctionnaires ou encore les services de base dans les zones qu’ils contrôlent, a observé le délégué. Malgré l’échec de la première série de discussions sur cette question centrale, il a dit soutenir les efforts de l’Envoyé spécial en faveur d’une poursuite des pourparlers afin d’obtenir une meilleure circulation des biens et des personnes à Taëz. Il s’est par ailleurs alarmé de la multiplicité des attaques et des tentatives d’enlèvement à l’encontre des ONG et de travailleurs humanitaires opérant dans différentes parties du pays. Appelant au respect du droit international humanitaire, il a aussi demandé à la communauté internationale de rester vigilante sur la disponibilité des stocks alimentaires et les chaînes d’approvisionnement au Yémen. Enfin, s’agissant du pétrolier SAFER, il a appelé à une plus grande mobilisation internationale pour éviter une catastrophe environnementale et humanitaire de grande ampleur. Il a toutefois salué l’annonce de l’Arabie saoudite de mettre à disposition de l’ONU 10 millions de dollars pour financer le plan de sauvetage.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que cette trêve est un signal encourageant. Il a dit avoir confiance que les parties respecteront toutes les conditions de la trêve. Le rejet des provocations unilatérales contribuera à consolider ces évolutions positives de la crise yéménite et aidera à passer à un véritable règlement politique définitif, a-t-il espéré. Le délégué a estimé qu’un arrêt des combats sur le long terme aiderait à créer une atmosphère favorable au lancement de négociations politiques sérieuses sur l’avenir du pays. Il a assuré que la Fédération de Russie allait continuer d’utiliser ses relations diplomatiques existantes pour favoriser les interactions entre les parties yéménites. Au sujet de la situation humanitaire dans le pays, il a jugé nécessaire d’œuvrer à l’abolition des restrictions sur la livraison de nourriture, de médicaments et d’autres marchandises de première nécessité dans toutes les régions du Yémen, sur une base non discriminatoire, quels que soient ceux qui contrôlent le territoire.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est réjoui du renouvellement de la trêve et a invité les parties à saisir cette opportunité pour progresser vers un processus de paix global et inclusif. Il a exhorté les parties à coopérer avec les Nations Unies et les partenaires humanitaires afin d’offrir un accès sûr aux convois humanitaires, enjoignant les houthistes à rouvrir les routes menant à Taëz. Notant que les ports de Hodeïda sont également une bouée de sauvetage essentielle pour les Yéménites, il s’est félicité de l’engagement constant de la MINUAAH et a invité cette dernière à ramener les parties à des mécanismes conjoints. Le représentant s’est inquiété de l’augmentation du nombre de victimes que font les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Il a également souhaité que les engagements pris en avril par les houthistes de ne plus recruter ou utiliser des enfants et de les réintégrer dans la société soient étroitement surveillés. Il a demandé aux parties de garantir un accès sans entrave aux fonctionnaires de l’ONU, soulignant l’insécurité alimentaire au Yémen. Il s’est aussi inquiété des mesures économiques unilatérales adoptées par certains pays en relation avec des conflits en cours ailleurs, qui aggravent la situation au Yémen: ces sanctions entravent les flux commerciaux de produits et d’intrants agricoles, réduisent la disponibilité des denrées alimentaires et font grimper les prix, a-t-il dénoncé.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est félicité de la reprise des discussions, le 5 juin, pour parvenir à un accord pour ouvrir des routes menant à Taëz et à d’autres provinces, conformément à la trêve. Il a invité les parties à examiner favorablement la proposition révisée de l’Envoyé spécial sur la réouverture progressive des routes et le mécanisme de mise en œuvre et s’engager à assurer la sécurité des voyageurs civils. Il s’est dit persuadé que l’accord intervenu contribuera à atténuer les souffrances des Yéménites et à améliorer la fourniture de l’aide nécessaire à la population vulnérable. Le représentant du Ghana s’est aussi dit heureux de constater la reprise des vols commerciaux au départ de Sanaa le 16 mai dernier, pour la première fois depuis six ans. Après avoir noté que la trêve négociée par l’ONU a déjà permis à 2 495 Yéménites de voyager entre Sanaa, Aman et Le Caire, le représentant s’est dit persuadé que davantage de progrès continueront d’être réalisés avec le renouvellement de la trêve.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a salué le prolongement de la trêve pour deux mois ainsi que les efforts de médiation de M. Grundberg et des pays de la région. Elle a exhorté les parties à pleinement coopérer avec l’Envoyé spécial sur l’ouverture des voies d’accès à la ville de Taëz. Préoccupée par la situation humanitaire au Yémen et les besoins accrus d’aide, alors que le spectre de la famine plane, elle a appelé à garantir la sécurité et la liberté de circulation du personnel humanitaire. La représentante a également mis l’accent sur les besoins de soutien psychosocial sur le terrain et a appelé à financer ces services. Condamnant le recours aux mines terrestres, elle a salué les efforts des organisations humanitaire et de la société civile en termes de déminage, de sensibilisation et de prise en charge des victimes avant de souhaiter voir plus de ressources allouées à ces activités. S’agissant de la situation du pétrolier SAFER, la représentante a exhorté les partenaires régionaux à continuer de contribuer à la collecte des fonds nécessaires soulignant qu’au fil des mois, le risque d’une catastrophe humanitaire et environnementale ne fait qu’augmenter.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a salué la prorogation de la trêve pour une nouvelle période de deux mois, ce qui est une occasion en or pour le Yémen d’aller de l’avant. Si elle s’est dite optimiste, elle a tout de même indiqué que le chemin est encore long. Il faut jeter les bases d’un règlement durable, a dit la déléguée, en louant la souplesse du Gouvernement yéménite et en espérant que les houthistes respecteront leurs engagements, s’agissant, entre autres, de la réouverture des routes vers et à partir de Taëz. Le règlement politique, avec l’implication des femmes et des jeunes, est le seul moyen de rétablir la paix, a-t-elle déclaré. Elle a insisté sur les immenses besoins humanitaires et exhorté les bailleurs de fonds à décaisser les sommes promises. Enfin, la représentante a appelé à relever le défi posé par le pétrolier SAFER et indiqué que son pays a promis une somme de 10 millions de dollars à cette fin. Toutes les parties au Yémen doivent faire le choix de la paix, a conclu la déléguée.
M. ZHANG JUN (Chine) s’est félicité de la prorogation de deux mois de la trêve au Yémen, saluant cette lueur d’espoir et la baisse du nombre des victimes civiles, ainsi que l’approvisionnement en carburant et la reprise des vols commerciaux depuis Sanaa. Il a estimé que la tâche principale est de maintenir la trêve et de rouvrir les routes autour de Taëz. À cette fin, a-t-il noté, l’Envoyé spécial a soumis aux parties des propositions concrètes qui tiennent compte de leurs exigences. Le représentant a espéré que les parties accepteront de faire les compromis nécessaires pour lancer des pourparlers de paix, avec l’accord de trêve comme point de départ pour mener à un cessez-le-feu global. Il a dit appuyer les efforts de l’Envoyé spécial qui s’efforce d’améliorer la communication entre les parties pour rétablir la confiance et préserver l’élan imprimé par la trêve. Il a appelé le Conseil de sécurité à rester uni et à créer des synergies avec les pays qui ont une influence pour promouvoir une solution politique. Il a aussi invité la communauté internationale à prendre des mesures effectives pour aider le Yémen, notamment pour stabiliser sa devise, remédier aux pénuries et répondre aux besoins de la population. Il a également invité l’ONU à agir plus urgemment et à se coordonner pour compenser le manque de ressources du pays, avant d’appeler les parties à coopérer pleinement avec les acteurs humanitaires sur le terrain.
M. GIDEON KINUTHIA NDUNG’U (Kenya) a salué l’extension, le 2 juin, de la trêve, pour deux mois supplémentaires. Il a reconnu les concessions faites par le Gouvernement et espéré que les houthistes s’acquitteront de leurs engagements, notamment en ce qui concerne l’ouverture des routes à Taëz. Le délégué s’est dit vivement préoccupé par la situation sécuritaire au Yémen, avant de demander que les pourparlers de paix incluent un volet désarmement, démobilisation et réintégration. Ces pourparlers doivent aussi reconnaître le fait qu’une génération de femmes, de jeunes et de personnes handicapées yéménites n’a pas eu accès à l’éducation et aux services sociaux. Il a rappelé que le plan de réponse humanitaire pour le Yémen de 2022 est sous-financé, avant de dénoncer le harcèlement des travailleurs humanitaires. Enfin, il a appelé à remédier au défi posé par le pétrolier SAFER.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a noté que des dizaines de milliers de Yéménites risquent encore la famine ou la mort, malgré les progrès réalisés ces derniers mois. Illustrant son propos, elle a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont, la semaine dernière, identifié le Yémen comme l’un des cinq pays les plus touchés par la faim dans le monde. Face à cette situation, elle a exhorté la communauté internationale à combler le déficit financier du Plan de réponse humanitaire. Elle a espéré que l’espace créé par la trêve finira par mener à un cessez-le-feu durable et à un processus inclusif dirigé par les Yéménites, sous les auspices de l’ONU. Elle a exhorté les parties à veiller à ce que les femmes soient au cœur du processus de paix. Il ne faut pas perdre de vue, a-t-il prévenu, qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice et établissement des responsabilités pour les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
Mme TRINE HEIMERBACK (Norvège) a salué les efforts déployés ces dernières semaines par l’Envoyé spécial et les acteurs internationaux pour assurer une reconduction de deux mois de la trêve au Yémen. Grâce à cette trêve, les pertes civiles ont considérablement diminué, les livraisons de carburant ont augmenté et les vols commerciaux via l’aéroport de Sanaa ont repris, s’est-elle félicitée, avant d’appeler à une poursuite de ces efforts. La représentante a salué à cet égard la proposition de l’ONU en faveur d’une réouverture progressive des routes de la ville de Taëz, demandant aux houthistes de faire preuve de flexibilité. Elle a également jugé crucial de profiter des avancées humanitaires de la trêve pour faciliter les progrès vers un règlement politique global. Sur ce point, elle a salué le dialogue de l’Envoyé spécial avec les parties et un groupe diversifié de Yéménites. Il est essentiel, à ses yeux, de concevoir un processus qui recevra une crédibilité locale, ce qui implique d’inclure des voix et des intérêts divers, en particulier ceux des femmes et des jeunes. La déléguée s’est par ailleurs réjouie de la tenue de deux réunions du comité de coordination militaire, voyant dans cette première rencontre entre les parties sous les auspices de l’ONU une étape essentielle vers l’instauration de la confiance. En revanche, elle s’est déclarée profondément préoccupée par la croissance de l’insécurité alimentaire dans le pays et le grave risque de famine. De même, elle s’est alarmée du grand nombre de victimes civiles dû aux mines terrestres, aux restes explosifs de guerre et aux engins explosifs improvisés. Enfin, s’agissant du pétrolier SAFER, elle a appelé à la mise en œuvre du plan de l’ONU dès que possible afin d’éviter une catastrophe humanitaire et écologique.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué le renouvellement de la trêve ce mois-ci, estimant que l’accalmie constatée depuis le mois d’avril a permis une nette diminution des victimes civiles et qu’elle doit être mise à profit pour avancer vers une désescalade durable. Les travaux du comité militaire à Amman vont dans le bon sens et doivent maintenant se concrétiser sur le terrain, a poursuivi la représentante qui a réitéré l’appel de son pays à un cessez-le-feu total. Elle a salué les importantes concessions du Gouvernement yéménite, ces dernières semaines, tout en notant que le principal point de blocage porte désormais sur Taëz. Bien que la trêve ait permis d’améliorer la liberté de circulation et l’accès à certaines zones, la représentante s’est dite préoccupée par la situation humanitaire et en particulier, l’insécurité alimentaire. Elle a appelé à la libération immédiate et sans préconditions du personnel des Nations Unies et du personnel humanitaire retenus par les houthistes. S’agissant du pétrolier SAFER, elle a regretté l’insuffisance des fonds qui empêche le démarrage de l’opération de sauvetage. Elle a donc appelé les États et le secteur privé à répondre généreusement à l’appel des Nations Unies. Il faut agir de toute urgence pour éviter une catastrophe écologique et humanitaire, a-t-elle prévenu.
M. AMARNATH ASOKAN (Inde) a salué l’extension de la trêve pour deux mois supplémentaires. Il a souligné la souplesse dont le Gouvernement a fait montre et a encouragé les parties à faire de la trêve un cessez-le-feu durable. Il a demandé l’ouverture des routes menant à Taëz en vue de faciliter les acheminements d’aide humanitaire et de pérenniser la trêve. Le délégué de l’Inde a préconisé un processus politique inclusif et souhaité que les femmes et les jeunes y soient pleinement associés. Le délégué a salué l’appui des États-Unis et de l’Arabie saoudite aux efforts visant à remédier au défi posé par le pétrolier SAFER. Enfin, il a rappelé que seul un règlement politique permettra de restaurer la paix, la stabilité et la prospérité au Yémen.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué la prorogation de la trêve au Yémen, y voyant un regain d’espoir pour le processus politique et l’avenir du pays. Il s’est félicité de la reprise des vols entre Sanaa, Amman et Le Caire, et de l’entrée de pétroliers dans le port de Hodeïda qui sont autant de « dividendes » de cette accalmie. Il a appelé les parties à poursuivre leurs échanges en vue de parvenir à la réouverture des routes à Taëz et d’autres provinces. Il a exhorté les houthistes à la même flexibilité que le Gouvernement yéménite. La pleine mise en œuvre de la trêve devrait conduire à un cessez-le-feu permanent et dans ce contexte, un processus politique global et inclusif, sous les auspices de l’ONU, reste une nécessité, a souligné le représentant. Il a ensuite encouragé le Conseil présidentiel à prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’accès aux services sociaux de base, jugeant inacceptable que des milliers de Yéménites soient exposés à la famine et aux maladies. Déplorant les violations des droits de l’enfant et les pertes en vies humaines parmi les plus jeunes, le délégué a appelé les houthistes à libérer les mineurs qu’ils ont recrutés et à mettre en œuvre le Plan d’action qu’ils ont signé en avril dernier. Il a d’autre part condamné l’incarcération des Yéménites actuellement ou anciennement employés par les États-Unis et les Nations Unies et demandé leur libération immédiate. Enfin, il a salué les efforts inlassables pour trouver une solution durable au problème du pétrolier SAFER.
M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a expliqué que la décision du Conseil de commandement présidentiel de renouveler la trêve pour une nouvelle période de deux mois découle de la nécessité de soulager les souffrances du peuple yéménite. En revanche, les milices houthistes continuent de renier leurs engagements. Le Gouvernement a fait des concessions sur la réouverture de l’aéroport de Sanaa et du port de Hodeïda mais les houthistes restent intransigeants, s’agissant en particulier de Taëz, une ville de 4 millions d’habitants. Le représentant a demandé au Conseil de sécurité, aux organisations internationales et celles de la défense des droits de l’homme de faire pression sur ces milices pour qu’elles lèvent sans condition le blocus de Taëz et libèrent les prisonniers. Demandant aussi à la communauté internationale de contribuer à améliorer la situation humanitaire, compte tenu en particulier de l’envolée des prix des produits alimentaires, le représentant a par ailleurs accusé les houthistes de recruter des dizaines de milliers de mineurs, en violation flagrante des droits de l’enfant et de la législation nationale. Malheureusement, la communauté internationale reste passive et silencieuse, a-t-il déploré. Il a enfin évoqué le problème du pétrolier SAFER, soulignant que ce danger n’aurait pas perduré sans l’intransigeance des houthistes et leur exploitation du dossier comme monnaie d’échange politique.