Conseil de sécurité: le Kosovo plus que jamais dépendant de l’état de son dialogue avec la Serbie, souligne la nouvelle Représentante spéciale
Au Conseil de sécurité cet après-midi, la nouvelle Représentante spéciale et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), Mme Caroline Ziadeh, a averti que, alors que les tensions géopolitiques de la guerre en Ukraine se font ressentir dans les Balkans occidentaux, la stabilité du Kosovo est plus que jamais dépendante du difficile dialogue entre Pristina et Belgrade. Organisée dans un climat tendu, cette séance a également vu la Serbie et l’Albanie s’opposer sur le principe d’un maintien de la MINUK dans sa configuration actuelle.
Les développements en Ukraine ont et continueront inévitablement d’exercer une influence sur toutes les questions de sécurité européenne, y compris dans les zones d’opérations de la MINUK, a d’emblée souligné Mme Ziadeh, avant de s’étendre sur les récentes élections générales en Serbie, auxquelles la participation des électeurs du Kosovo n’a cette fois pas été facilitée par Pristina. Regrettant les « effets clivants » de cette décision qui, selon elle, a divisé l’opinion publique « sur la base de considérations ethniques », elle a néanmoins salué le fait que plus de 19 000 Serbes du Kosovo aient pu voter dans des bureaux spéciaux établis en Serbie.
Après avoir souligné l’importance de la résilience des institutions démocratiques dans toute la région des Balkans, Mme Ziadeh a dénoncé les récentes attaques qui ont visé des patrouilles de police dans le nord du Kosovo, avant d’inviter les dirigeants de Pristina et de Belgrade à se montrer « judicieux » dans leurs rhétorique politique et, surtout, à s’engager de manière constructive dans le dialogue facilité par l’Union européenne. Alors que l’Accord de Bruxelles sur les principes présidant à la normalisation des relations vient d’entrer dans sa dixième année, elle a également enjoint les deux parties à trouver une solution négociée à la question des plaques d’immatriculation des véhicules, mais aussi à celles relatives à la liberté de mouvement et aux accords énergétiques.
Abordant ensuite la question de son mandat, Mme Ziadeh s’est voulue très claire: la MINUK n’a pas vocation à être un « facteur déterminant » ou à se muer en porte-parole d’intérêts particuliers s’agissant d’un règlement juste et durable entre les parties. « Ce n’est pas notre rôle », a-t-elle tranché, promettant que sa Mission poursuivra son travail dans les domaines où elle est réellement en mesure de contribuer à promouvoir les objectifs communs des autorités, des collectivités et des institutions du Kosovo, tout en appuyant les progrès dans les discussions politiques de haut niveau.
Cette déclaration d’intention a été contredite par l’Albanie, pour qui il ne fait aucun doute que le rôle de la MINUK ira en diminuant, compte tenu du progrès global de la situation, de la consolidation des institutions du Kosovo, du renforcement de sa stature internationale et des perspectives d’accord. Rappelant que la Mission « ne fait pas partie des murs du Kosovo », il a observé qu’elle ne joue un rôle crucial « dans aucune des questions clés pour lesquelles le Kosovo a besoin d’aide ». Concluant que la MINUK, dans sa configuration actuelle, n’est plus nécessaire, le représentant albanais a invité le Conseil à mettre fin à son mandat pour passer à une présence onusienne « plus efficace et mieux adaptée à son objet ».
Un avis partagé par Mme Donika Gërvalla-Schwarz, ex-Vice-Première Ministre du Kosovo et actuelle dirigeante du parti Guxo, pour qui la Mission ne joue plus de rôle dans la vie des citoyens du Kosovo. C’est d’autant plus vrai, à ses yeux, qu’une grande majorité des pays de l’Union européenne et de l’OTAN ont reconnu l’indépendance du Kosovo, à l’instar de la Cour internationale de Justice (CIJ) et soutiennent le principe d’un rapprochement. « Le Kosovo fait partie de l’Occident, alors que la Serbie est un satellite de la Russie », a-t-elle lancé, comparant la campagne militaire menée par la Serbie en 1999 contre le Kosovo à celle engagée par la Russie en Ukraine. Elle a aussi déploré que les nationalistes serbes ne se soient jamais excusés pour les crimes de guerre commis au Kosovo et les aient même justifiés. De fait, a-t-elle renchéri, la Russie et son allié serbe représentent la plus grande menace à la paix dans la région.
Avant ces prises de position, le Ministre des affaires étrangères de la Serbie avait fait part de son souhait que la MINUK et la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) poursuivent leur mission, « avec une capacité non diminuée ». De l’avis de M. Nikola Selakovic, l’engagement de la MINUK constitue même un facteur clef du maintien de la paix et de la sécurité dans la « province méridionale du Kosovo et Metohija », compte tenu des violations des droits des Serbes et des non-Albanais commises par Pristina, avec pour objectif, selon lui, de « mettre fin à toute forme de diversité nationale ». Il a donc appelé le Conseil de sécurité à adresser un message qui souligne la nécessité d’établir la confiance interethnique en ayant des institutions à Pristina qui respectent les accords conclus et respectent les normes internationales relatives à l’état de droit et aux droits de l’homme.
Affirmant ne pas avoir l’impression que les institutions de Pristina aient la volonté politique d’améliorer la situation, le Ministre serbe en a voulu pour preuve le fait que Pristina affirme ouvertement que la création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo ne sera jamais autorisée, alors même qu’elle est prévue par l’Accord de Bruxelles. Cela sape non seulement le dialogue entre Belgrade et Pristina, mais humilie aussi directement les acteurs internationaux, principalement l’Union européenne, a-t-il commenté.
Sur la même ligne que Belgrade, la Fédération de Russie a déploré les retards pris dans la création de cette communauté, mesure pourtant essentielle à la réconciliation, selon elle. Face aux efforts de Pristina pour « éliminer l’identité des Serbe du Kosovo », elle a souhaité à son tour que la MINUK continue d’être dotée des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat. La délégation s’est également élevée contre le rapprochement du Kosovo avec l’OTAN, évolution « lourde de dangers » à son sens, alors que ni Washington ni Bruxelles « n’ont de prise sur Pristina ». Enfin, elle a fait mention des 78 jours de bombardement de Belgrade par l’OTAN en 1999 et son cortège de destructions et de pertes civiles, non sans relever que l’Alliance atlantique avait pour alliée, à l’époque, l’Armée de libération du Kosovo (ALK), dont nombre de crimes restent impunis.
RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2022/313)
Déclarations
Mme CAROLINE ZIADEH, Représentante spéciale et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), nouvellement nommée à ces fonctions, a tout d’abord indiqué que les développements en Ukraine ont et continueront inévitablement d’exercer une influence sur toutes les questions de sécurité européenne, y compris dans les zones d’opérations de la Mission. Elle a ensuite informé le Conseil sur les suites des élections serbes, organisées le 3 avril. Bien que les résultats définitifs soient encore attendus, il ressort de ce scrutin que l’actuel parti majoritaire en Serbie conserve un mandat public sûr. Parallèlement, a-t-elle relevé, la coalition au pouvoir à Pristina jouit également d’une majorité confortable au Parlement, ce qui permet d’espérer des « prises de décision courageuses ». Dans ce contexte, la haute fonctionnaire a déploré que, dans la perspective des élections générales serbes, aucune solution n’ait permis de répondre à l’appel lancé par la communauté internationale aux autorités de Pristina et de Belgrade pour qu’elles conviennent de modalités facilitant la participation des électeurs au Kosovo. Elle a regretté les « effets clivants » de cette décision qui, selon elle, a divisé l’opinion publique « sur la base de considérations ethniques ». Néanmoins, plus de 19 000 électeurs du Kosovo ont pu participer en votant dans des bureaux de vote spéciaux établis en Serbie et, grâce à une logistique facilitée de part et d’autre, le processus électoral s’est déroulé sans heurts et sans incident, a-t-elle salué.
Soulignant l’importance de la résilience des institutions démocratiques dans toute la région des Balkans, Mme Ziadeh a rappelé qu’elle a rencontré, ce mois-ci, le Président réélu de la Serbie, ainsi que d’autres représentants du Gouvernement serbe à Belgrade, faisant état de « conversations très directes et ouvertes ». Elle s’est cependant dit préoccupée par les récentes attaques qui ont visé des patrouilles de police dans le nord du Kosovo. Bien que le mobile soit encore inconnu, elle a exhorté la population et les responsables de tous bords à condamner ces violences et à fournir toute information qui permettrait d’identifier et de traduire en justice leurs auteurs. Elle a également invité les dirigeants de Pristina et de Belgrade à être très judicieux dans leurs actions et leur rhétorique politique, tout en s’engageant de manière constructive dans le dialogue facilité par l’Union européenne. Tout en précisant ne pas avoir encore eu l’occasion de rencontrer le Premier Ministre ou Président à Pristina, elle a dit s’être entretenu avec la plupart des dirigeants de tout l’éventail politique du Kosovo, y compris les partis de l’opposition et les indépendants, et a promis d’échanger régulièrement avec les chefs d’autres partis du voisinage des Balkans pour entendre leurs perspectives.
Poursuivant, Mme Ziadeh a rappelé qu’hier marquait le neuvième anniversaire du premier accord de principes sur la normalisation des relations. Saluant les « résultats significatifs » auxquels a conduit ce processus, elle a regretté que, même sur des sujets extrêmement techniques comme celui des plaques d’immatriculation des véhicules, les progrès restent « timides et lents ». À cette heure, nous ne sommes toujours pas sûrs que Belgrade et Pristina arriveront à se mettre d’accord sur cette question d’ici à la date limite de demain, a-t-elle averti, encourageant les deux parties à rechercher ensemble une solution permanente sur ces licences ainsi que sur d’autres questions concernant la liberté de mouvement et les accords énergétiques. Évoquant ensuite la situation économique du Kosovo et de la région, elle a rappelé que l’inflation, les pénuries, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation de la dette pesaient déjà lourdement avant la pandémie de COVID-19 et le début des événements en Ukraine. Mais ils se sont depuis aggravés, a-t-elle souligné, avant d’appeler à trouver des modes pratiques de coopération économique entre Belgrade, Pristina et tous les voisins régionaux, notamment en réduisant les restrictions à la circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.
Pour ce qui concerne son mandat, Mme Ziadeh a affirmé que sa responsabilité est de fournir des informations objectives au Secrétaire général et au Conseil de sécurité. À cet égard, elle a assuré que le contenu des rapports du Secrétaire général ne fait l’objet d’aucune négociation avec les parties. Elle a d’autre part fait valoir que la MINUK n’est pas un « facteur déterminant » -ni le porte-parole d’aucun point de vue particulier- concernant un règlement juste et durable entre les parties. « Ce n’est pas notre rôle », a-t-elle déclaré, rejetant les « insinuations » selon lesquelles la MINUK constituerait un obstacle ou serait le véhicule des uns ou des autres. Par conséquent, nous poursuivrons notre travail dans les domaines où nous sommes réellement en mesure de contribuer à faire avancer les objectifs communs des autorités, des collectivités et des institutions au Kosovo, a indiqué la Représentante spéciale, avant d’insister sur l’importance de progrès dans les discussions politiques de haut niveau, en particulier le dialogue facilité par l’Union européenne, qui, selon elle, peuvent être soutenues par un travail interpersonnel intensifié sur le terrain.
Avant de conclure, Mme Ziadeh s’est fixée comme priorités de soutenir la société civile, de promouvoir de nouveaux outils pour aider le Kosovo à renforcer l’état de droit, de contribuer à l’autonomisation des femmes et des jeunes, de fournir une expertise et un soutien aux mécanismes des droits de l’homme. Dans ce cadre, elle a souhaité que le Conseil continue de suive attentivement l’état des relations entre Pristina et Belgrade, tout en se disant consciente que « d’autres situations difficiles » mobilisent son attention.
M. NIKOLA SELAKOVIĆ, Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a souligné que son pays considère l’engagement de la MINUK comme l’un des facteurs clefs du maintien de la paix et de la sécurité de territoire de « notre province méridionale », le Kosovo et Metohija. Il a évoqué des violations des droits des Serbes et non Albanais, avec comme objectif de Pristina de voir ces deux communautés quitter le Kosovo-Metohija et mettre fin à toute forme de diversité nationale. Si nous ne définissons pas clairement les causes des problèmes, ils se reproduiront et deviendront plus complexes, a-t-il constaté. Il a appelé le Conseil de sécurité à adresser un message qui souligne la nécessité d’établir la confiance interethnique en ayant des institutions à Pristina qui respectent les accords conclus, mettent en œuvre ce qui a été convenu et harmonisent leurs actions avec les normes internationales relatives à l’état de droit et aux droits de l’homme.
Le Ministre a relevé que le 16 janvier 2022, les institutions provisoires d’administration autonome de Pristina ont interdit l’organisation d’un référendum au Kosovo et Metohija sur la modification de la Constitution de la République de Serbie dans le domaine judiciaire. Pristina a répété cet acte illégal et rendu impossible l’organisation des élections présidentielle et parlementaires de la Serbie au Kosovo-Metohija le 3 avril. Il a noté que ce fut la première fois depuis 1999 que des citoyens du Kosovo-Metohija ont été empêchés de participer aux élections de la République de Serbie, ce qui constitue une violation, entre autres, du mandat clairement défini de la Mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
M. Selaković a évoqué des exactions de la police locale contre les détenteurs de plaques d’immatriculations issues de Serbie. Selon lui, la triste réalité est qu’aujourd’hui au Kosovo-Metohija, si vous êtes un Serbe, vous pouvez être condamné à de nombreuses années de prison sur la base de déclarations de témoins non vérifiées ou contradictoires. Il a évoqué des actes qui créent une atmosphère d’insécurité totale et conduisent à l’exode des Serbes du Kosovo-Metohija. Il a rappelé les événements survenus dans la municipalité de Strpce le 21 décembre 2021, au cours desquels 11 Serbes ont été arrêtés, dont l’ancien maire et vice-président du parti serbe Bratislav Nikolic qui est toujours en détention dans le cadre de la « prétendue » lutte contre la corruption. Et les employés de la commune ont été informés qu’ils ne devaient plus travailler, ce qui a remis en cause la subsistance de dizaines de familles serbes. Le Ministre serbe a souligné que Pristina affirme ouvertement depuis longtemps que la création de la Communauté des municipalités Serbes du Kosovo ne sera jamais autorisée, alors que cela est prévu par l’Accord de Bruxelles. Cela sape non seulement le dialogue entre Belgrade et Pristina, mais humilie aussi directement les acteurs internationaux, principalement l’Union européenne (UE), a-t-il fait observer.
Il a ensuite parlé de 63 incidents à caractère ethnique au cours de la période du rapport. Et ce n’est pas surprenant qu’il y ait encore plus de 200 000 déplacés serbes et autres non-Albanais du Kosovo et Metohija en République de Serbie. Le chef de la diplomatie serbe a salué l’appel du Secrétaire général de l’ONU à permettre le retour des personnes déplacées. Il a appelé à des mesures concrètes pour assurer, entre autres, la sécurité des rapatriés et le plein respect des droits de propriété des personnes déplacées. Nous n’avons pas eu l’impression que les institutions de Pristina avaient la volonté politique d’améliorer la situation, a-t-il dit. Il a enfin souhaité que la MINUK et la KFOR poursuivent leur mission, avec une capacité non diminuée, compte tenu de ce qui a été dit lors du débat d’aujourd’hui.
Mme DONIKA GËRVALLA-SCHWARZ, du Kosovo, a indiqué que la Russie est un danger pour la stabilité en Europe. Elle a déclaré que les agences de l’ONU sont respectées au Kosovo, même si ce n’est pas forcément le cas de la MINUK qui, a-t-elle précisé, ne joue plus de rôle dans la vie de nos citoyens. Elle a jugé cette situation encourageante. Elle a souligné les liens noués par le Kosovo avec d’autres pays dans le monde et insisté sur le dynamisme de la démocratie kosovare. La grande majorité des pays de l’UE et de l’OTAN ont reconnu l’indépendance du Kosovo et soutenu son rapprochement avec ces deux organisations, a rappelé l’intervenante. Elle a assuré que la démocratie kosovare est plus transparente et qu’elle lutte de manière déterminée contre la corruption, en précisant que la croissance économique a été de 10% en 2021. La population a de grandes attentes de notre Gouvernement, a-t-elle dit, en disant son attachement à l’état de droit.
« Notre pays est né du génocide perpétré par la Serbie. » Le Kosovo a survécu à la tentative de la Serbie de l’éliminer, a-t-elle poursuivi. « Le Kosovo fait partie de l’Occident alors que la Serbie est un satellite de la Russie. » Elle a comparé la campagne de la Serbie en 1999 contre le Kosovo à celle menée par la Russie en Ukraine. Elle a déploré que les nationalistes serbes ne se soient jamais excusés pour les crimes de guerre commis au Kosovo et les aient même justifiés. Ces nationalistes sont le plus grand facteur de déstabilisation des Balkans occidentaux, a-t-elle martelé, en ajoutant que l’ambassadeur russe en Serbie soutient cette propagande nationaliste serbe. La Serbie et la Russie sont, selon elle, la plus grande menace à la paix dans la région. Mme Gërvalla-Schwarz a mentionné l’armement russe livré à la Serbie en exhortant le monde à prendre cette menace au sérieux. Heureusement, face à cette Serbie autocrate, nous avons des alliés, a-t-elle poursuivi, en ajoutant que son pays veut aller de l’avant. « Mais la Serbie doit reconnaître la réalité. » Elle a ajouté que la Cour internationale de la Justice (CIJ) a reconnu la licéité de l’indépendance du Kosovo. La Serbie doit décider si elle veut faire partie de l’Occident ou rester un satellite de la Russie, a-t-elle tranché, avant de conclure en dénonçant l’invasion russe de l’Ukraine.
M. ASHISH SHARMA (Inde) a commencé par réitérer la position de principe de son pays en faveur de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Serbie. Toutes les questions en suspens doivent être résolues par des moyens pacifiques, a-t-il plaidé, prenant note des réunions tenues entre la Serbie et les autorités de Pristina depuis 2014 sous les auspices de l’Union européenne. À ses yeux, la mise en œuvre des accords signés, y compris sur la création d’une association des municipalités à majorité serbe, reste essentielle, tout comme la recherche d’un terrain d’entente entre les parties pour surmonter les préoccupations mutuelles, en particulier les questions politiques et ethniques. À cet égard, il a salué les efforts en cours pour permettre une reprise du dialogue, notamment ceux des membres du Quint (Allemagne, États-Unis, France, Italie et Royaume-Uni) et de l’Union européenne (UE). Pour le délégué, la question des personnes disparues doit être résolue en priorité. Il importe également, selon lui, de garantir le retour volontaire et en toute sécurité des personnes déplacées ou parties dans d’autres pays de la région. La MINUK devrait continuer à encourager les autorités de Pristina à résoudre les problèmes de toutes les communautés, a-t-il souligné. Le représentant a par ailleurs salué l’action de la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) au Kosovo et s’est félicité que, dans le cadre de la coopération internationale, les troupes de la KFOR continuent de remplir leur mandat en vertu de la résolution 1244 (199). Il a souhaité que ces deux missions respectent leurs mandats respectifs et restent neutres, tout en coopérant étroitement avec les autorités de police de Pristina pour veiller à ce que la sécurité globale soit assurée.
M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a relevé que les deux parties ont la responsabilité de s’abstenir de diviser davantage par leur rhétorique ou leurs actions, et de respecter et de mettre en œuvre, sans délai, les engagements qu’ils ont pris dans le cadre du dialogue. Il a noté les gains concrets qui ont amélioré le quotidien de toutes les communautés du Kosovo en demandant de ne pas les gaspiller par des actions qui risquent d’aggraver les tensions. Pour le représentant, une normalisation complète, définitive et juridiquement contraignante est essentielle pour la perspective européenne des deux parties, le Kosovo et la Serbie, et pour une plus grande stabilité dans les Balkans occidentaux.
M. Gallagher s’est félicité des mesures prises par le Kosovo pour remédier aux violences sexuelles et sexistes, en particulier l’adoption d’une stratégie contre la violence domestique et la violence à l’égard des femmes. Les femmes du Kosovo ont fait des progrès remarquables en politique au niveau national, a-t-il constaté, tout en espérant voir cela se répliquer au niveau local dans les années à venir. Il est donc question de lever tous les obstacles et de soutenir financièrement l’engagement politique des femmes au niveau local. De même, l’inclusion significative de la jeunesse du Kosovo dans les efforts de prévention des conflits et de consolidation de la paix est essentielle pour parvenir à une paix durable, a rappelé M. Gallagher qui a, enfin, appelé à lutter contre l’impunité pour les crimes du passé, afin de prévenir de futures violations. Il a ainsi jugé vital que les autorités du Kosovo respectent leurs engagements envers les Chambres spécialisées.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a dénoncé les discours qui risquent d’exacerber les tensions dans la région et exhorté les parties à la modération. Elle a plaidé pour un dialogue constructif entre Pristina et Belgrade et regretté que les avancées en la matière aient été « minimales » ces six derniers mois. Elle a défendu une pleine participation des femmes audit dialogue et dénoncé la violence spécifique visant les femmes, en particulier la violence domestique. Elle a rappelé que 1620 personnes sont encore portées disparues en raison du conflit et mentionné le grand nombre de personnes déplacées. Celles-ci doivent pouvoir rentrer dans leurs foyers en toute sécurité, a-t-elle plaidé. Enfin, la représentante a salué le travail important accompli par la MINUK, s’agissant notamment du rapprochement des communautés.
M. EMERSON CORAIOLA YINDE KLOSS (Brésil) a salué les efforts déployés par la MINUK pour aider le peuple du Kosovo, conformément aux objectifs définis dans la résolution 1244 (1999). Il a toutefois estimé que davantage devrait être fait en matière de renforcement de l’état de droit, de lutte contre la corruption et le crime organisé et de respect des droits des minorités, plaidant à cet égard pour la mise en place d’une communauté des municipalités à majorité serbe. Il a aussi pris note avec satisfaction des initiatives menées par l’Union européenne et les États-Unis pour favoriser le dialogue entre Pristina et Belgrade. Mais malgré le soutien continu de la communauté internationale, un règlement politique demeure insaisissable, a-t-il déploré, avant de regretter la méfiance et le manque de coopération entre les deux parties, ce qui nuit à la stabilité politique des Balkans occidentaux. À ses yeux, le débat persistant sur la reconnaissance du Kosovo en tant qu’État indépendant a été préjudiciable au processus politique plus large et a sapé les perspectives d’une coopération régionale significative. Si une autonomie substantielle du Kosovo a été généralement atteinte, les conditions d’une vie paisible et normale pour toutes les communautés de la région ne sont, selon lui, pas encore réunies. De ce fait, l’objectif principal de la MINUK n’a toujours pas été atteint et le débat sur un Kosovo indépendant semble « prématuré », a-t-il affirmé.
Pour le représentant, il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place un large dialogue entre les différentes communautés de la région, et ce, dans le strict respect des droits de l’homme, y compris la liberté de religion, l’intégrité des sites religieux et le renforcement de l’état de droit. De plus, alors que de nombreux observateurs estiment que le statu quo au Kosovo est insoutenable, il importe que Pristina et Belgrade fassent preuve d’un « sentiment d’urgence renouvelé » dans la reprise du processus de négociation, a-t-il souligné, assurant ne pas sous-estimer la complexité des problèmes posés par le futur statut du Kosovo.
M. BING DAI (Chine) a insisté sur l’importance de la stabilité et de la sécurité du Kosovo. Il a demandé d’éviter des actions unilatérales, plaidant par exemple pour que les accords sur les plaques d’immatriculations qui expirent bientôt soient reconduits. Le représentant a appelé à promouvoir le dialogue entre Pristina et Belgrade, sous la houlette de l’Union européenne. Il a appelé le Kosovo à mettre rapidement en œuvre l’Accord de Bruxelles qui prévoit la création d’une association des municipalités serbes du Kosovo. Le délégué a, en conclusion, appelé les Nations Unies à poursuivre leur soutien à la MINUK, tandis que le Kosovo devrait faciliter son fonctionnement sur le terrain.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a indiqué que la position de son pays sur le Kosovo reste inchangée. Elle a rappelé les 78 jours de bombardement de Belgrade par l’OTAN en 1999 et son cortège de destructions et de pertes civiles. L’OTAN avait pour alliée à l’époque l’Armée de libération du Kosovo, dont nombre de crimes sont encore impunis. Elle a dénoncé les crimes de guerre commis par cette Armée, celle-ci s’étant aussi livrée à des ventes d’organes humains. La déléguée a insisté sur les répercussions de cette guerre de l’OTAN, « qui s’est paré du costume de gendarme et a ouvert la boîte de Pandore ». La résolution 1244 (1999) doit demeurer la base du dialogue entre Pristina et Belgrade, a-t-elle déclaré, en accusant le Kosovo d’être un projet occidental.
Elle a déploré les retards pris dans la création de la communauté des municipalités serbes qui est pourtant essentielle à la réconciliation. Sans elle, les Serbes du Kosovo sont dans une situation très précaire, a dit Mme Evstigneeva. Les Serbes du sud du Kosovo ont disparu et les efforts d’élimination de l’identité des Serbes du Kosovo se poursuivent, a-t-elle déclaré. Les chiffres des retours des non-Albanais au Kosovo sont très faibles, a poursuivi la déléguée, en jugeant inacceptable qu’il n’y ait que des Albanais au Kosovo. Les violations des droits des Serbes du Kosovo doivent cesser. La déléguée a dénoncé aussi les agissements de Pristina contre le personnel de la MINUK, l’un de ses membres ayant été passé à tabac. La MINUK doit être dotée des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat, a défendu la représentante, avant de dénoncer le rapprochement du Kosovo de l’OTAN qui est lourde de dangers, en ajoutant que ni Washington ni Bruxelles n’ont de prise sur Pristina.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que les élections locales d’octobre dernier ont apporté une nouvelle confirmation de la façon dont le Kosovo a progressé dans la construction d’un État pour ses citoyens. Le Kosovo est une démocratie à part entière et un acteur important de la stabilité régionale, a-t-il souligné, affirmant que son développement interne et sa politique étrangère et de sécurité contribuent à stabiliser les Balkans occidentaux. À cet égard, il a salué le positionnement clair du Kosovo sur l’Ukraine et son alignement sur les sanctions, tout en louant la générosité dont il a fait preuve en accueillant des réfugiés afghans et, plus récemment, des déplacés ukrainiens. Il a également remercié tous ceux qui aident le Kosovo à aller de l’avant depuis 1999, à commencer par la MINUK. À la suite de la déclaration d’indépendance de 2008, dont la légitimité a été confirmée par un avis de la Cour internationale de Justice en 2011, les compétences et les responsabilités de la MINUK ont été progressivement transférées aux autorités kosovares, ce qui était « la bonne chose à faire », a-t-il dit, non sans se féliciter qu’en conséquence, la fréquence des réunions du Conseil consacrées au Kosovo se soit réduit.
Avec le progrès global et la consolidation des institutions du Kosovo, avec le renforcement de sa dimension internationale et des perspectives d’accord à travers la poursuite du dialogue, il ne fait aucun doute que le rôle de la MINUK va diminuer, a-t-il ajouté, estimant que « c’est dans la nature des choses ». En effet, a souligné le représentant, la MINUK « ne fait pas partie des murs du Kosovo ». Elle a été mandatée pour accomplir une mission qui, sur la base de son mandat initial, a été accomplie. Jugeant, de fait, que la Mission, dans sa configuration actuelle, n’est plus nécessaire, il a constaté qu’elle ne joue un rôle crucial dans aucune des questions clés pour lesquelles le Kosovo a besoin d’aide. Ainsi, a-t-il noté, le dialogue entre le Kosovo et la Serbie est facilité par l’Union européenne, l’ordre public et la sécurité sont assuré par la police et les forces de sécurité du Kosovo, ainsi que par l’EULEX et la KFOR, les droits des minorités nationales sont inscrits dans la Constitution nationale et le système judiciaire du Kosovo est consolidé. De plus, a-t-il fait valoir, la situation au Kosovo n’est pas plus une question de paix et de sécurité, au titre du Chapitre VII. Il convient donc de s’interroger sur la « raison d’être » de la MINUK, alors que son budget d’environ 42 millions de dollars par an et son effectif de 374 personnes appellent à examen global de son rôle et de son efficacité, afin d’éviter les doubles emplois avec d’autres agences qui y opèrent ou tournent dans le vide. Il a donc souhaité que le Conseil mette fin au mandat de la MINUK et aide à passer à une présence onusienne plus efficace et adaptée à son objet.
Le représentant a ensuite réitéré son soutien au dialogue facilité par l’UE entre le Kosovo et la Serbie et a appelé tous les acteurs concernés à l’accélérer. Si, selon lui, l’image des Balkans comme lieu de troubles et d’instabilité politique est passée, il ne faut pas oublier les personnes disparues et le « cri silencieux » des quelque 20 000 habitants du Kosovo utilisés comme arme de guerre par des Serbes toujours en fuite. Pourtant, l’attention devrait être consacrée à améliorer le présent et à améliorer le futur, ce qui passe par la réconciliation. À ce sujet, il a estimé que la guerre d’agression en Ukraine renvoie aux terribles souvenirs de la dissolution de la Yougoslavie. La responsabilité finit toujours par « frapper à la porte », a-t-il rappelé. « Milosevic est mort derrière les barreaux, Karadzic a été reconnu coupable de génocide et paie pour ses actes. À bon entendeur salut ! ».
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a déploré le fait que les mouvements diplomatiques et les diverses initiatives visant la reprise d’un dialogue de bonne foi, sur la base des accords existants, n’aient pas été suivis d’effets. La question de la libre circulation reste un défi majeur, a-t-il relevé, notant qu’il est crucial pour la cohésion du Kosovo que l’ensemble des citoyens puissent jouir de la plénitude de leur droit de circuler, sans crainte pour leur sécurité. Pour ce faire, une solution durable doit être trouvée en ce qui concerne les plaques d’immatriculation dans la région du nord à majorité serbe. Selon le délégué, la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles est un pilier important du processus de normalisation et constitue un élément vital pour l’autonomie des communautés serbes. Retarder sa mise en œuvre ne peut qu’éloigner le Kosovo de la stabilité dont elle a besoin, a-t-il assené.
Il a ensuite déploré la décision du Parlement kosovar de ne plus permettre la participation des serbes du Kosovo et des Kosovars de Serbie aux processus électoraux. Il a exhorté les autorités du Kosovo et de la Serbie à trouver un accord mutuellement satisfaisant dans ce domaine. Le Quintet [France, USA, Italie, Allemagne, Royaume-Uni] a, de toute évidence, un rôle important à jouer à cet effet, a précisé M. Biang. Pour lui, la discrimination envers les communautés minoritaires doit être combattue avec plus de vigueur et la loi sur la protection contre la discrimination mise en œuvre. La question des personnes disparues est d’un intérêt déterminant pour l’édification du Kosovo, a-t-il argué. Plus généralement, il a encouragé une meilleure prise en compte des femmes dans la vie publique.
Mme MEENA ASIYA SYED (Norvège) a salué la tenue des élections locales au Kosovo, tout en notant le manque de transparence desdits scrutins. Elle a noté la recrudescence des tensions entre Pristina et Belgrade et souhaité une solution durable à la question des plaques d’immatriculation des voitures: « Ce serait un pas dans la bonne direction. » Elle a encouragé les parties à renforcer leur dialogue sur la base des Accords de Bruxelles en visant à des compromis mutuellement acceptables. « Un accord complet entre la Serbie et le Kosovo sur la pleine normalisation de leurs relations est un élément clef pour éviter un conflit gelé. » Enfin, Mme Syed a souligné le travail important abattu par la MINUK tout en souhaitant un fonctionnement plus efficient.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné l’importance de redoubler d’efforts pour apaiser les tensions et renouer le dialogue entre les groupes ethniques au Kosovo, d’une part, et entre Pristina et Belgrade, d’autre part. À cet égard, il a jugé impératif de se souvenir de la guerre dévastatrice qui a déchiré la région il y a deux décennies. Depuis, des progrès tangibles ont été réalisés et il ne faudrait pas qu’ils connaissent une régression en raison des événements récents en Europe, a-t-il affirmé, avant d’encourager le Kosovo et la Serbie à participer de manière active au dialogue facilité par l’Union européenne pour parvenir à un terrain d’entente sur les questions en suspens. Jugeant essentiel que les tensions actuelles ne sapent pas les efforts engagés pour la paix et la stabilité, il a répété que le dialogue est le seul moyen de régler les différends pacifiquement, ce qui implique pour les parties de retourner à la table des négociations. Dans ce contexte, le représentant a salué les efforts en cours visant à faire rayonner les valeurs de tolérance et de coexistence pacifique. Il a également appelé à contrer les discours de haine afin de contribuer à l’instauration de sociétés pacifiques dans la région. Favorable à une participation accrue des femmes à tous les niveaux des processus politiques, il s’est félicité des progrès accomplis par le Kosovo en la matière. Il a d’autre part jugé crucial que les accords conclus soient pleinement respectés et qu’ils reflètent pleinement les aspirations des deux communautés. Dans le cadre de ses efforts, les Nations Unies doivent, selon lui, continuer de jouer un rôle important, via la mise en œuvre de projets soutenant les institutions gouvernementales et permettant de rétablir la confiance.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a accusé la Fédération de Russie d’avoir commencé son discours par de la désinformation. Il a dit que les images en provenance d’Ukraine, comme celles de ces derniers jours à Marioupol, ne confèrent pas à la Fédération de Russie la possibilité de donner des leçons de morale. Le représentant a appelé Belgrade et Pristina à poursuivre le dialogue engagé sous l’égide de l’UE, afin de parvenir à une reconnaissance mutuelle. Il leur a également demandé de travailler de concert sur la question des personnes disparues. Le délégué a estimé qu’une mission de maintien de la paix n’est plus nécessaire au Kosovo, vu que la situation de 1999 n’est pas la même que celle de nos jours. Il a donc demandé que les exposés de la MINUK soient désormais faits au Conseil de sécurité sur une base annuelle. De même, le Conseil doit consacrer ses ressources à d’autres questions, et il est important d’assurer une transition pour la MINUK, dans l’intérêt de toute la région, a-t-il plaidé.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a appelé les parties à respecter leurs engagements pris dans le cadre du dialogue conduit par l’UE en vue d’une normalisation de leurs relations. Il a dénoncé les attaques commises contre les agents de police au Kosovo et souligné l’importance de préserver l’état de droit. Le délégué a appelé à contrer les discours de haine et invité la MINUK à assurer le suivi de tels discours sur les médias sociaux. Il a souhaité une participation accrue des jeunes et des femmes dans les processus de prise de décision. Les parties doivent s’engager en faveur d’un dialogue renforcé et œuvrer à une désescalade des tensions, a conclu le délégué du Kenya.
M. WADID BENAABOU (France) a réaffirmé l’attachement de son pays à la perspective européenne du Kosovo et de la Serbie, laquelle n’est envisageable que si Belgrade et Pristina règlent pacifiquement leurs différends. L’Union européenne prend toute sa part à ces efforts dans le cadre du dialogue facilité par son Représentant spécial, Miroslav Lajčák, a relevé le délégué, appelant le Kosovo et la Serbie à mettre en œuvre sans restriction les accords précédemment conclus et à s’engager de bonne foi dans la voie du dialogue. Dans cette perspective, il a exhorté les deux parties à éviter de nourrir les tensions et à agir conformément aux valeurs et principes qui soutiennent l’intégration européenne. Nous espérons notamment que le groupe de travail sur les plaques d’immatriculation saura trouver sans délai une solution négociée et pérenne de compromis, a-t-il dit, avant d’exprimer son soutien aux efforts de lutte contre la corruption et de lutte contre l’impunité pour les auteurs de crimes graves. Il a également salué l’adoption en janvier de la stratégie de lutte contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes, ainsi que le projet d’accueillir au Kosovo un sommet de haut niveau sur le programme « femmes, paix et sécurité » en 2022.
Le représentant a par ailleurs apporté l’appui de la France à l’action de la nouvelle Représentante spéciale, à la tête de la MINUK, pour promouvoir la sécurité, la stabilité, le renforcement de l’état de droit et le respect des droits humains au Kosovo et dans la région, et ce, « à un moment où le contexte géopolitique se durcit ». La MINUK, a-t-il assuré, peut compter sur l’action conjointe de la mission État de droit de l’Union européenne (EULEX), à laquelle la France vient de renforcer sa participation en mettant sur pied, aux côtés du Portugal et de l’Italie, une réserve d’intervention de maintien de l’ordre de la Force de gendarmerie européenne. La France tout comme l’Union européenne restent engagées pour la stabilisation des Balkans occidentaux et pour la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina, a-t-il conclu. « Leur avenir européen commun en dépend ».
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a estimé que parvenir à une normalisation de la situation dans la province autonome du Kosovo est nécessaire pour la paix, la sécurité et la prospérité à long terme de la région des Balkans occidentaux et de l’Europe dans son ensemble. Il a donc encouragé la reprise des négociations constructives entre les représentants de la Serbie et du Kosovo dans le cadre des pourparlers facilités par l’UE. Le Ghana, a-t-il dit, reste favorable à un processus ouvert, transparent et inclusif de dialogue, impliquant les femmes, les jeunes et tous les secteurs de la société, pour assurer la pérennité des accords conclus. Le délégué a appelé à remédier rapidement aux tensions croissantes dues à la conduite des récentes élections et à répondre aux questions connexes de libre circulation. Enfin, il a encouragé une approche unifiée du Conseil de sécurité et de la communauté internationale pour trouver une solution durable et globale à la question du Kosovo, conformément aux principes fondamentaux du droit international, de la Charte des Nations Unies et de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué le dialogue accru entre la nouvelle représentante et Pristina et insisté sur le travail important abattu par la MINUL. Il a dénoncé les attaques commises contre les agents de police au Kosovo et salué l’engagement renouvelé du Gouvernement du Kosovo en faveur de la lutte contre la corruption. Il a relayé les inquiétudes exprimées par la communauté serbe du Kosovo et souhaité que celle-ci soit pleinement intégrée. Il a mis en garde contre les discours haineux dans la région des Balkans occidentaux, avant de dénoncer l’invasion illicite de l’Ukraine par la Russie. Le représentant a réitéré la volonté de son pays d’œuvrer à la stabilisation de la situation dans les Balkans occidentaux, appelant les parties à œuvrer à une pleine normalisation de leurs relations.
Prenant la parole pour la seconde fois, la déléguée de la Fédération de Russie a rappelé que les États-Unis avaient bombardé Belgrade pendant 78 jours dans les années 1990. Elle a aussi évoqué la Libye, la Syrie, l’Iraq qui sont des pays situés bien loin des États-Unis, mais qui ont subi des bombardements américains alors qu’ils ne constituaient aucune menace pour eux. « Toutes vos frappes n’ont pas été chirurgicales », a-t-elle ironisé en rappelant que l’ancienne Secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, avait parlé de « dommages collatéraux ». Les violations des droits de l’homme ne sont condamnées que lorsque vos intérêts ne sont pas engagés, a encore dit la représentante, en relevant que ceux qui sont condamnés sont ceux qui ne sont pas du même bord que les États-Unis. Vous n’avez pas attendu des enquêtes à Boutcha pour désigner les coupables, a-t-elle lancé à l’endroit de son homologue américain, lui enjoignant d’arrêter avec la politique du deux poids, deux mesures et l’accusant de vouloir imposer la volonté de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au reste de la communauté internationale.
Le Ministre des affaires étrangères de la Serbie a souhaité réagir aux propos de Mme Donika Gërvalla-Schwarz. Au lieu de parler des problèmes véritables sur le terrain concernant le non-respect des droits humains, l’abolition des droits des personnes déplacées, des profanations de lieux saints et des crimes commis sans épilogue judiciaire, elle a préféré mettre en avant ses aspirations politiques et s’en prendre à la MINUK et au Président de la Serbie, « qui est aussi le sien », a-t-il tonné. Appelant cette responsable politique kosovare albanaise au « respect », il a dit refuser ses « leçons ». Il a relevé qu’en évoquant les « bouchers des Balkans », Mme Gërvalla-Schwarz a omis de parler de l’ancien Président Hashim Thaçi et de l’ex-chef du parlement kosovar, qui sont aujourd’hui à La Haye et attendent d’être jugés pour crimes de guerre. La Serbie, a-t-il poursuivi, est un État indépendant souverain et les accusations selon lesquelles elle serait l’agent d’autres États sont de purs mensonges. En tant que pilier des Balkans, la Serbie s’efforce de renforcer la coopération et la stabilité régionale. Or, le Président du Kosovo envoie des unités la nuit pour miner le dialogue, a-t-il accusé, avant de rappeler les crimes commis par les terroristes du KLA et les bombardements meurtriers de l’OTAN sur son pays. Pour le Ministre, les affirmations fallacieuses de Pristina ne servent qu’un objectif politique et mine tout espoir de progrès entre Serbes et Albanais. Rappelant que 200 000 personnes déplacées du Kosovo vivent en Serbie et ne peuvent rentrer dans leurs foyers ancestraux, il a dit rejeter l’inspiration politique des dirigeants albanais de ce territoire, qui créent des institutions composées uniquement d’Albanais et ne sont même pas en mesure de respecter leur « soi-disant Constitution ». À ses yeux, Mme Gërvalla-Schwarz ne parle que pour elle et ne représente pas un État Membre des Nations Unies. Le Kosovo continuera de ne pas l’être parce que sa motivation est de privilégier l’Albanie, pas d’obtenir l’indépendance, a-t-il asséné.
Le délégué du Kosovo a repris la parole pour dire son attachement au dialogue, tout en notant les difficultés de ce dialogue. Elle a estimé que les Balkans occidentaux sont le théâtre d’une guerre de l’information visant à manipuler l’opinion internationale. Il est difficile de garder son sérieux devant de telles « fake news », a dit la déléguée. « Nous savons qui est le boucher des Balkans, c’est Slobodan Milosevic ». Elle a déploré que la Serbie ne parvienne pas à prendre ses distances avec les crimes commis par ce dernier. La Russie est agressive sur le dossier du Kosovo, en raison du succès qu’est le Kosovo depuis l’intervention de l’OTAN visant à arrêter un génocide, a dit la déléguée, avant de rendre hommage au courage des soldats ukrainiens. Elle a accusé le Ministre serbe de falsifier la réalité, avant de démonter l’accusation de vente d’organes visant certains responsables kosovars. Elle a dénoncé cette longue tradition du mensonge qui vise à réaliser des objectifs politiques. « Nous savons que la guerre en Ukraine occupe beaucoup de votre temps, mais occupez-vous de ce qui se passe maintenant dans les Balkans. »
M. FERIT HOXHA (Albanie), répondant à M. Selaković, dit que son pays n’a pas pour objectif de former un « Grand ceci ou cela », mais de construire des Balkans ouverts et non des Balkans « brisés ». Les leçons tirées des tragédies des années 1990 prouvent le péril d’être entraîné par des erreurs de jugement, et des personnalités et idées extrémistes ne doivent pas dicter l’avenir. Il n’y a rien de bon à nuire à son voisin, a-t-il déclaré, et le seul objectif de l’Albanie est de rejoindre l’Union européenne.
Le Ministre serbe a déploré cette idée de manipulation avancée par la déléguée du Kosovo et réitéré l’accusation de trafic d’organes commis par l’Armée de libération du Kosovo. Il a indiqué que les Serbes ne peuvent rentrer au Kosovo en raison d’une sécurité insuffisante. Même l’Ukraine qui est, comme la Russie, un pays ami de la Serbie, n’a pas reconnu l’indépendance du Kosovo, a conclu le Ministre.
Mme Donika Gërvalla-Schwarz a pris une dernière fois la parole pour « rappeler les faits », et notamment que la protection des minorités est assurée au Kosovo. Notre armée et notre police sont mixtes parce que nous le voulons, a-t-elle affirmé. De plus, la Constitution du Kosovo prévoit des sièges au Parlement pour les minorités, lesquelles peuvent aussi briguer d’autres sièges que ceux qui leur sont réservés. Dans les faits, il s’agit donc d’un privilège accordé aux Serbes du Kosovo, a-t-elle fait valoir, faisant remarquer que ces dispositions constitutionnelles ont conduit à ce que son parti n’obtienne pas la majorité au Parlement. La Constitution impose, en outre, que des membres des minorités siègent au gouvernement, a-t-elle ajouté, avant de souligner que « cela n’existe nulle part ailleurs en Europe ». L’un de ces membres est serbe, membre du parti de Slobodan Milosevic et ne s’est jamais excusé, a précisé Mme Gërvalla-Schwarz. Elle a donc sommé le Ministre serbe de cesser ses mensonges et de suivre l’exemple du Kosovo avant de le critiquer. Nous ne sommes pas seulement un petit pays, nous sommes un pays fier, « c’est dans notre ADN », a-t-elle conclu, estimant que Mme Vjosa Osmani, la Présidente du Kosovo, « montre par son courage ce que peut être l’avenir des Balkans ».