Conseil de sécurité: l’AIEA confirme le fonctionnement normal de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine
Réuni en séance d’urgence à la demande du Royaume-Uni et de ses partenaires, le Conseil de sécurité a entendu ce matin le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) rassurer sur la situation de la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine, suite au bombardement qui y a provoqué un incendie la nuit dernière, maitrisé depuis.
« Nous avons survécu cette nuit à ce qui aurait pu mettre fin à l’histoire de l’Ukraine et de l’Europe », a déclaré l’Ukraine, se faisant l’écho du sentiment de la grande majorité des États Membres, qui, à l’instar des États-Unis, ont souligné à maintes reprises que les infrastructures nucléaires, ne peuvent et ne doivent pas faire partie des cibles du conflit en Ukraine. « Par la grâce de Dieu, le monde a échappé à une catastrophe nucléaire hier soir », a lancé la délégation américaine.
Intervenant depuis un aéronef en route pour Téhéran, M. Rafael Mariano Grossi a indiqué qu’au petit matin, l’AIEA a été informée qu’un projectile a touché un bâtiment adjacent aux six réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia. Aucun système de sécurité n’a été compromis, les réacteurs n’ont pas été touchés, et il n’y a eu aucune émission de rayonnements, a assuré le Chef de l’AIEA.
Les opérations de la centrale se poursuivent normalement, même s’il n’y a rien de normal dans cette situation où des forces militaires ont la charge d’un tel site, a encore relevé le Directeur général de l’AIEA qui a précisé que les autorités militaires russes ont confirmé leur présence dans la zone du site, l’AIEA demeurant pour sa part en contact avec les autorités ukrainiennes et avec l’entreprise assurant le fonctionnement de la centrale nucléaire.
Par ailleurs disposé à se rendre sur place à Tchernobyl pour rencontrer les autorités ukrainiennes, « et si possible les autorités russes », M. Grossi a précisé qu’une telle mission se limiterait uniquement à la question de la sécurité et de la sûreté des sites nucléaires en Ukraine qui sont sous la menace d’incident. Cette proposition a été appuyée par plusieurs délégations, dont celle de la France.
Évoquant le tragique accident nucléaire de Tchernobyl, en 1986, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a exhorté les parties à travailler avec l’AIEA pour établir un cadre approprié capable de garantir le fonctionnement sûr, sécurisé et fiable des centrales nucléaires ukrainiennes, soulignant que toutes les centrales nucléaires doivent bénéficier des garanties de sécurité les plus hautes. Mme Rosemary DiCarlo a aussi insisté sur l’impératif d’assurer un passage sans entraves aux centrales nucléaires en Ukraine au personnel de l’AIEA.
Principale accusée de l’incident d’hier soir, la Fédération de Russie s’est défendue en arguant qu’elle n’a aucun intérêt à compromettre la sécurité nucléaire d’un pays voisin. La délégation a indiqué que la région de Zaporijia est, depuis le 28 février, sous le contrôle des forces russes qui ont pour objectif d’empêcher les « nationalistes ukrainiens » d’exploiter la situation dans le but de provoquer des accidents nucléaires ou couper l’électricité.
Les évènements d’hier seraient, selon elle, le fruit d’une attaque visant une patrouille mobile russe près de la centrale nucléaire, qui, a-t-elle confirmé, est « protégée » par les forces russes mais opérée par les employés ukrainiens. Le poste de combat, qui se trouvait dans le centre de formation, aurait été neutralisé et les « nationalistes ukrainiens » qui s’y trouvaient y auraient mis le feu avant de prendre la fuite. Les forces russes, qui mettent tout en œuvre pour garantir la sécurité des centrales nucléaires ukrainiennes, font l’objet d’une campagne de désinformation « absurde » dont témoigne très clairement l’incident d’hier, a encore déploré la délégation.
Fustigeant en revanche un acte de « terrorisme nucléaire », l’Ukraine s’est inquiétée du fait que les régulateurs nucléaires ukrainiens n’aient pas été autorisés à accéder au site, avertissant que toute interruption du processus de refroidissement pourrait entraîner des conséquences environnementales et humaines irréversibles pour l’ensemble de la région. La délégation ukrainienne a également regretté que dans sa déclaration, le Directeur général de l’AIEA n’ait pas clairement condamné l’attaque sur le site de Zaporijia, appelant dans la foulée le Conseil à créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son territoire dans les meilleurs délais.
Invitant la communauté internationale à garder « la tête froide », la Chine a appelé de son côté les parties concernées à faire preuve de plus de prudence à l’avenir et à collaborer sans faille avec l’AIEA pour garantir la sécurité des installations nucléaires en Ukraine.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Déclarations
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a indiqué que le Secrétaire général a suivi avec les plus vives inquiétudes les informations faisant état de confrontations autour de la centrale nucléaire de Zaporijia. Nous comprenons que l’incendie a touché un centre de formation et non le système de refroidissement ou le centre d’alimentation des réacteurs, a-t-elle précisé. Les opérations militaires autour des sites nucléaires et d’autres infrastructures civiles essentielles sont non seulement inacceptables, mais hautement irresponsables, s’est-elle indignée en rappelant que l’Ukraine ne sait que trop bien ce que signifie un accident nucléaire, évoquant le tragique accident nucléaire de Tchernobyl. Toutes les centrales nucléaires doivent bénéficier des garanties de sécurité les plus hautes et tout doit être fait pour éviter une quelconque attaque qui les viseraient, a exigé Mme DiCarlo en martelant que ce type d’attaques sont contraires au droit international humanitaire, et plus précisément à l’article 56 du Protocole additionnel I à la Convention de Genève. Elle a ensuite exhorté l’ensemble des parties à travailler avec l’AIEA pour établir un cadre approprié qui garantira le fonctionnement sûr, sécurisé et fiable des centrales nucléaires ukrainiennes. Elle a aussi insisté sur l’impératif de garantir un passage sans entraves aux centrales nucléaires en Ukraine au personnel de l’AIEA.
Saluant ensuite le deuxième cycle de pourparlers entre les parties qui s’est achevé hier et le projet de mettre en place des couloirs humanitaires, Mme DiCarlo a dit espérer que cet accord signalé sera mis en œuvre sans délai et qu’un cessez-le-feu complet et inconditionnel sera rapidement convenu et promulgué. Nous exhortons les parties à poursuivre les négociations et à faire des progrès urgents sur les questions sécuritaires, humanitaires et autres, a-t-elle ajouté, appelant à revenir sans tarder à la diplomatie pour trouver une solution pérenne à cette crise.
Le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), M. RAFAEL MARIANO GROSSI, intervenant depuis un aéronef, a indiqué que son agence est en contact avec l’agence nationale de régulation du secteur nucléaire d’Ukraine depuis le début du conflit. Dans l’ensemble, a-t-il témoigné, les installations nucléaires et les centrales nucléaires sont en sécurité, précisant que le pays compte 15 réacteurs dans 4 sites différents, en plus du site de Tchernobyl. La semaine dernière, l’AIEA a été informée que les forces spéciales russes avaient pris possession de Tchernobyl, tandis que le personnel de la centrale continue d’assurer son fonctionnement au quotidien.
Les autorités militaires russes ont également confirmé qu’elles se trouvent dans la zone de la centrale nucléaire de Zaporijia. Des civils ont fait obstacle à leur progression, et au petit matin, l’AIEA a été informée qu’un projectile a touché le bâtiment adjacent aux six réacteurs de cette centrale. L’incendie qui qui s’est en suivi a été maitrisé par les pompiers sur place. Aucun système de sécurité n’a été compromis, les réacteurs n’ont pas été touchés par ce projectile, et il n’y a eu aucune émission de rayonnement, a-t-il assuré. Les opérations de la centrale se poursuivent normalement, même s’il n’y rien de normal dans cette situation où des forces militaires ont la charge d’un tel site, a encore relevé le Directeur général. Il a affirmé que l’AIEA reste en contact avec les autorités ukrainiennes et avec l’entreprise assurant le fonctionnement de la centrale nucléaire.
Le Directeur de l’AIEA a fait part de sa disposition à se rendre sur place à Tchernobyl pour rencontrer les autorités ukrainiennes, et si possible les Russes. Une telle proposition a d’ailleurs été transmise aux autorités des deux pays, a-t-il indiqué, notant qu’une telle mission de l’AIEA n’aurait rien à voir avec le volet politique et diplomatique de la crise qui relève du Conseil de sécurité. Cette visite se limiterait uniquement à la question de la sécurité et de la sûreté des sites nucléaires en Ukraine qui sont sous la menace d’incidents, a-t-il précisé.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que son pays et ses partenaires ont convoqué cette réunion d’urgence en raison de l’attaque de la plus grande centrale nucléaire d’Europe par les forces russes. Elle a relevé que c’est la première fois qu’un État attaque une centrale nucléaire en fonctionnement. Elle a précisé que le droit international impose une protection spéciale aux installations nucléaires, notant que les actions de la Fédération de Russie sont incompatibles avec ses engagements en vertu de ce droit. Elle a exhorté la Fédération de Russie à éviter les combats près des sites nucléaires et d’en assurer la protection et la sécurité.
La représentante a par ailleurs estimé que le Président Putin en planifiant « l’opération militaire spéciale » -ou, comme tout le monde l’appelle, « une guerre »– a sous-évalué la force, la résilience et la volonté du peuple ukrainien. « Il a également sous-estimé la condamnation mondiale de ses actions, comme en témoignent 141 votes à l’Assemblée générale et les sanctions sans précédent contre son pays », a ajouté Mme Woodward avant d’exhorter la Fédération de Russie à mettre fin à la violence, à retirer ses troupes et à engager des négociations de paix sérieuses.
Deux jours après le vote de l’Assemblée générale, Moscou continue de défier le monde et de le plonger dans l’abysse, a dénoncé M. FERIT HOXHA (Albanie) qui s’est alarmé de l’incendie provoqué la nuit dernière à la centrale nucléaire de Zaporijia par un missile russe. Il a relevé que cette centrale fournit à l’Ukraine un cinquième de son électricité, et que cette attaque pourrait avoir des conséquences irréparables sur le plan environnemental. Saluant la réaction rapide de l’AIEA, il a appelé à accorder à l’Agence un accès urgent et sans entrave à la centrale pour lui permettre de vérifier la situation et veiller à la mise en place des garanties. En ces circonstances difficiles, les centrales nucléaires devraient continuer d’être exploitées par leur personnel habituel, a demandé le délégué, préoccupé par les difficultés persistantes qu’il rencontre pour accéder à ces centrales. Il a ensuite appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes de l’Ukraine et à cesser d’employer la force pour contrôler les centrales nucléaires et détruire les infrastructures civiles.
« Par la grâce de Dieu, le monde a échappé à une catastrophe nucléaire hier soir », s’est exclamée Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) qui a salué la bravoure des opérateurs ukrainiens et le travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’attaque d’hier soir, a affirmé la représentante, a mis en danger les populations en Fédération de Russie, en Ukraine et en Europe. Elle a demandé à la Fédération de Russie de retirer ses troupes de la centrale nucléaire et d’y permettre le roulement du personnel afin de garantir son bon fonctionnement. L’AIEA doit aussi pouvoir y accéder sans entrave.
Les infrastructures nucléaires, a martelé la représentante, ne peuvent et ne doivent pas faire partie des cibles de ce conflit. Tout aussi inquiète de la situation à la centrale de Tchernobyl, désormais sous contrôle russe, elle s’est dite préoccupée par l’arrêt du roulement du personnel. Elle a appelé tous les pays à faire front avec le Directeur général de l’AIEA afin de trouver les moyens pour garantir la sécurité de toutes les installations nucléaires ukrainiennes. Elle a en outre reproché à la Fédération de Russie de cibler des infrastructures essentielles, comme les centrales électriques ou d’approvisionnement en eau, ce qui aura « d’immenses retombées humanitaires ». Mercredi dernier, a rappelé la représentante, 141 États Membres des Nations Unies ont clairement appelé le Président Vladimir Putin à mettre fin à cette guerre « injuste et non provoquée ». « Et voilà, ce qu’il fait à la place. »
S’adressant à son homologue russe, elle a dit: « Le Conseil de sécurité attend des réponses. Nous voulons vous entendre dire que cela ne se reproduira pas. Nous vous appelons à respecter les frontières de l’Ukraine et la Charte des Nations Unies, et à retirer vos troupes au lieu de les envoyer dans une opération-suicide contre une centrale nucléaire. Le monde exige que la Fédération de Russie s’acquitte de ses obligations au regard du droit international humanitaire et nous demandons une trêve humanitaire. Il faut mettre fin à cette guerre M. Putin. Il faut mettre fin à cette folie maintenant. Le bon sens doit prévaloir. » La représentante a appelé la communauté internationale à rester unie et à exiger que ces attaques « insensées » cessent.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que le 24 février, les forces russes sont entrées dans la zone de Tchernobyl. L’équipe d’exploitation de la centrale a été retenue et réquisitionnée par les militaires russes. Le 27 février, une forte détonation a été enregistrée près d’un centre d’entreposage de déchets à Kiev. Ce matin, un incendie s’est déclaré dans la plus grande centrale nucléaire d’Europe à la suite de l’attaque russe. Il a condamné cette atteinte à l’intégrité d’une structure nucléaire dont il faut garantir la sécurité, se disant extrêmement préoccupé des conséquences potentiellement dévastatrices pour la santé humaine et l’environnement d’un accident nucléaire résultant de l’agression militaire commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
Le représentant a appelé la Fédération de Russie à cesser immédiatement ses activités illégales et dangereuses afin de rétablir le contrôle des autorités ukrainiennes sur toutes les installations et matières nucléaires à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine. La Fédération de Russie doit également autoriser un accès régulier et sans entrave du personnel des installations pour garantir la poursuite de leur exploitation en toute sécurité, a-t-il plaidé, appelant en outre au plein respect de la Convention sur la sûreté nucléaire et des autres conventions pertinentes.
M. de Rivière a appuyé la proposition du Directeur général de l’AIEA pour la négociation d’engagements entre les parties au conflit armé en Ukraine, afin d’assurer le respect des sept principes établis lors du Conseil des gouverneurs du 2 mars 2022 sur les implications de la situation en Ukraine en matière de sûreté, de sécurité et de garanties nucléaires.
M. GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a fustigé l’agression injustifiée de la Fédération de Russie qui sème le chaos et la destruction en Ukraine et inflige des épreuves et souffrances énormes au peuple ukrainien. Il a rappelé aux parties en conflit leur devoir de respecter les normes du droit international humanitaire, en précisant que cela comprend l’obligation de ne pas attaquer les infrastructures civiles. L’attaque d’hier soir, a-t-il estimé a envoyé un signal « effrayant » dans toute l’Europe, voire dans le monde entier, et elle vient renforcer les préoccupations suscitées par la prise de contrôle des installations nucléaires de Tchernobyl, il y a huit jours. Le représentant a déclaré que les tirs insensés contre des installations nucléaires pacifiques constituent des violations du droit international, de la Charte des Nations Unies, du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 et du Statut de l’AIEA.
Il a exhorté la Fédération de Russie à respecter les normes de sûreté et de sécurité nucléaires et à autoriser le personnel ukrainien de la centrale à faire son travail en toute sécurité. Après avoir rappelé les conséquences de Tchernobyl et de Fukushima, le représentant a demandé à la Fédération de Russie de cesser immédiatement les hostilités, de se retirer sans condition de tout le territoire de l’Ukraine et de s’abstenir de nouvelles menaces ou de recourir à la force de quelque nature que ce soit contre l’Ukraine ou tout autre État Membre. Pour éviter une catastrophe nucléaire, il a appelé à une cessation immédiate des activités militaires près des installations nucléaires ukrainiennes et a demandé que les autorités ukrainiennes compétentes soient autorisées à reprendre rapidement le contrôle total de de la centrale de Zaporijia et de toutes les autres installations nucléaires. Nous devons encourager le dialogue et une diplomatie de bonne foi, a conclu le représentant.
Mme MONA JUUL (Norvège) a condamné les bombardements et les combats à proximité immédiate d’une centrale nucléaire civile. Cette attaque montre un mépris flagrant pour les vies ukrainiennes, pour les vies russes, et même pour la vie en Europe et au-delà, a dénoncé la représentante qui a souligné que la destruction d’une centrale nucléaire nous mettrait tous en danger et pourrait conduire à un « cauchemar radioactif ».
Mme Juul a appelé la Fédération de Russie à s’acquitter de ses obligations de protection des civils et des infrastructures civiles en vertu du droit international humanitaire. Elle a également rappelé la décision de l’AIEA en 2009, selon laquelle toute attaque armée et toute menace contre des installations nucléaires consacrées à des fins pacifiques constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du statut de l’Agence. La Russie porte l’entière responsabilité de cet acte d’agression, et de toutes les destructions et pertes en vies humaines qu’elle a causées et continuera de causer, a-t-elle souligné. La représentante a aussi appelé la Fédération de Russie à retirer immédiatement ses forces du territoire ukrainien et à cesser toute menace et action militaire, y compris à proximité ou dirigées contre des installations nucléaires.
Pour M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie), la réunion d’aujourd’hui est une nouvelle tentative des autorités de Kiev de susciter artificiellement l’hystérie générale, sous les encouragements de leurs « protecteurs occidentaux ». Il a qualifié de mensonge l’affirmation selon laquelle les forces russes auraient « attaqué » la centrale nucléaire de Zaporijia. Cela ne correspond pas à la réalité, a-t-il tranché. Depuis le 28 février, cette région est sous le contrôle des forces russes qui ont pour objectif d’empêcher les « nationalistes ukrainiens » d’exploiter la situation pour provoquer des accidents nucléaires ou couper l’électricité. Cette centrale, a martelé le représentant, est protégée par les forces russes et le personnel ukrainien assure son fonctionnement. La situation est la même à la centrale de Tchernobyl, où la sécurité est garantie conjointement par les forces russes et les opérateurs ukrainiens. « Les mesures prises sont strictement des mesures de sécurité », a insisté M. Nebenzia.
Les évènements d’hier sont le fruit d’une attaque contre une patrouille mobile russe près de la centrale nucléaire. Le poste de combat, qui se trouve dans le centre de formation a été neutralisé et les « nationalistes ukrainiens » qui s’y trouvaient y ont mis le feu avant de fuir. Ce centre de formation ne se trouve pas sur le terrain même de la centrale qui elle, a affirmé le représentant, continue de fonctionner normalement, dans une sécurité pleinement garantie. Ses six réacteurs n’ont pas été endommagés, ce qui a été confirmé par l’AIEA qui par ailleurs n’a constaté aucune émission.
Les forces russes, qui mettent tout en œuvre pour garantir la sécurité des centrales nucléaires ukrainiennes, font l’objet d’une campagne de désinformation « absurde », a accusé le représentant. Quel intérêt aurait la Fédération de Russie de compromettre la sécurité nucléaire dans un pays voisin? « Nous sommes un pays voisin de l’Ukraine », a-t-il insisté. Les forces russes ne représentent aucun danger pour les civils ukrainiens, contrairement aux « nationalistes ukrainiens » et l’incident d’hier le montre très clairement. Vos tentatives d’en faire un scandale ne laisse aucun doute sur le fait que les « nationalistes radicaux » bénéficient de votre pleine protection. Nous vous invitons à calmer « vos protégés » qui se cachent derrière les populations civiles. Notre armée, quant à elle, met tout en œuvre pour garantir l’évacuation des civils, y compris les ressortissants étrangers qui seront rapatriés dans leur pays. Avant de conclure, le représentant a demandé des précisions au Secrétariat de l’ONU sur les informations diffusées sur le site Telegramm et selon lequel les véhicules de l’ONU seraient réquisitionnées par les « nationalistes ukrainiens ». Si vous le savez, pourquoi n’en avez-vous pas informé le Conseil de sécurité? s’est étonné M. Nebenzia.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a dit attacher la plus grande importance à la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Alors que nous discutons de la dimension nucléaire du conflit, ce Conseil doit aussi reconnaître les besoins humanitaires pressants, a-t-il dit, soulignant que la sûreté et la sécurité des civils, dont plusieurs milliers d’Indiens, en particulier les étudiants, sont en jeu. Le représentant a dit espérer qu’après le deuxième cycle de pourparlers entre les deux parties les couloirs humanitaires seront mis en place rapidement. Comme l’a répété mon Premier Ministre dans ses conversations avec certains de ses homologues, y compris ceux de la Fédération de Russie et de l’Ukraine, les divergences doivent être résolues par un dialogue et une diplomatie soutenus, a indiqué le délégué.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) s’est dit particulièrement préoccupé par l’incident à la centrale nucléaire de Zaporijia. « Bien que les informations qui nous sont présentées indiquent que les réacteurs nucléaires n’ont pas été touchés et que les niveaux de rayonnement n’ont pas augmenté, cela n’enlève rien à la gravité de l’incident », a-t-il souligné. Il a rappelé que le tir de projectiles sur ou à proximité d’une centrale nucléaire viole le principe fondamental relatif à l’intégrité physique des installations nucléaires, qui, a-t-il rappelé, doivent être maintenues sûres à tout moment et en toutes circonstances. Qui plus est, le droit international humanitaire interdit expressément l’attaque d’installations nucléaires.
Le représentant a souligné que la sécurité physique des installations nucléaires doit toujours et en toutes circonstances être sauvegardée et que les éléments qui garantissent la sécurité de ces installations doivent être vérifiés. « L’incident de Zaporijia s’ajoute à une liste croissante d’attaques directes ou collatérales contre des infrastructures civiles, dont certains bâtiments diplomatiques », a regretté le représentant. Il a demandé que les actions militaires de la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien respectent les principes du droit international et de proportionnalité des actions qui affectent les infrastructures civiles, en particulier les installations nucléaires et les équipements et matières radioactifs.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a dit être gravement préoccupée par l’attaque et le bombardement de sites proches de la centrale nucléaire de Zaporijia et a appelé à déployer tous les efforts pour atténuer le risque d’émissions. Elle a demandé à l’AIEA d’aider les autorités ukrainiennes à assurer la sûreté des installations et des infrastructures nucléaires avec le personnel sur place. Elle a également appelé les parties à faire preuve de retenue et à mettre fin à l’usage de la force contre les infrastructures essentielles, y compris les centrales nucléaires, et à respecter leurs obligations internationales de protéger les vies humaines et de prévenir une catastrophe potentielle. Mme Oppong-Ntiri a par ailleurs pris note des pourparlers diplomatiques en cours entre les parties au Bélarus et salué l’accord sur les couloirs humanitaires permettant l’évacuation de millions de personnes, ainsi que la fourniture de vivres et d’articles médicaux.
M. JUN ZHANG (Chine) a relevé, en se basant sur les informations de l’AIEA, que les équipements de la centrale nucléaire de Zaporijia demeurent intacts et les niveaux d’émissions, inchangés. Le représentant a tout de même espéré que les parties concernées feront preuve de plus de prudence à l’avenir et collaboreront sans faille avec l’AIEA pour garantir la sécurité des installations nucléaires en Ukraine. Il a appelé à redoubler les efforts diplomatiques et salué les deux cycles des pourparlers directs entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. Dans ce cadre, il a espéré que l’accord sur les couloirs humanitaires sera rapidement mis en œuvre pour permettre l’évacuation en toute sécurité des ressortissants étrangers, dont des Chinois. Le représentant a aussi émis l’espoir de voir rapidement un règlement politique de cette crise. La communauté internationale, a-t-il dit, doit garder « la tête froide ». Toutes les mesures qu’elle prend doivent viser la désescalade et à un règlement pacifique et pas à mettre de l’huile sur le feu.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déploré le fait qu’en plus de la catastrophe humanitaire en cours en Ukraine, vient désormais s’ajouter le risque d’un incident radioactif majeur aux conséquences catastrophiques pour l’Ukraine et toute l’Europe. La sécurité de millions de personnes est en jeu, a dit le délégué, avant de rappeler que les centrales nucléaires ne peuvent faire l’objet d’attaque. Cette logique s’applique aussi à d’autres installations militaires se trouvant à proximité de tels sites, a-t-il ajouté. Le représentant a demandé à toutes les parties d’éviter des actions qui pourraient menacer la sécurité des sites nucléaires en Ukraine. Il a en outre déploré l’incapacité du Conseil de sécurité à trouver une solution à la situation en Ukraine en dépit de ses multiples réunions sur la question, l’appelant à créer les conditions favorables à la diplomatie.
Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) s’est dite profondément préoccupée par les rapports faisant état d’un incendie à proximité immédiate de la centrale nucléaire de Zaporijia. Soulignant l’urgence d’un accord entre les parties, elle les a appelées à respecter le deuxième Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des victimes de conflits armés non internationaux, en particulier la partie IV. L’article 15 de ce Protocole stipule que « les ouvrages d’art ou les installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d’énergie électrique, ne seront pas l’objet d’attaques, même s’ils constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent entraîner la libération de ces forces et causer, en conséquence, des pertes sévères dans la population civile ».
La représentante a également cité la résolution adoptée en avril dernier sur « la protection des objets indispensables à la survie de la population civile » qui met en évidence les conséquences sur les civils de la destruction des infrastructures dans de nombreux conflits à travers le monde. Elle a appelé les dirigeants militaires de l’Ukraine et de la Fédération de Russie à établir des mécanismes pour éviter de cibler les infrastructures essentielles et atténuer les risques d’attaques. Un tel mécanisme pourrait s’inspirer de l’accord conclu hier par les deux parties sur la création de couloirs humanitaires et sur un cessez-le-feu temporaire, dans certains endroits, pour permettre l’acheminement de l’aide. Nous encourageons la poursuite de ce dialogue « positif » et appelons la Fédération de Russie à entamer d’urgence des négociations pour régler ce conflit par des moyens pacifiques, a conclu la représentante avant de saluer l’adoption hier par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA d’une résolution relative à cette question.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) s’est inquiétée des informations faisant état d’un incendie à la centrale nucléaire de Zaporijia. Rappelant Tchernobyl et Fukushima, elle a exhorté à empêcher que de tels accidents se reproduisent. Les parties doivent garantir la sûreté et la sécurité de la centrale et de ses réacteurs ainsi que des zones avoisinantes, a-t-elle insisté. Ces installations ne doivent pas être ciblées afin d’éviter des conséquences catastrophiques pour toute la région. La déléguée a exhorté toutes les parties à coopérer avec l’AIEA pour garantir la protection et la sûreté des installations nucléaires en Ukraine et établir un cadre stable sur le terrain. La représentante a ensuite salué les pourparlers bilatéraux entre l’Ukraine et la Russie, exhortant en outre le Conseil à tout mettre en œuvre pour éviter une catastrophe nucléaire.
Répondant à la question de la Fédération de Russie, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a indiqué que, d’après des informations obtenues ce matin à 10 heures, les 13 véhicules de l’ONU qui auraient été réquisitionnés se trouvent toujours sur place.
« Nous avons survécu cette nuit à ce qui aurait pu mettre fin à l’histoire de l’Ukraine et de l’Europe », a déclaré M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) pour qui l’avenir de l’humanité et des générations futures est à présent en jeu. La Russie est furieuse que la population ukrainienne continue de lutter courageusement pour sa liberté avec l’appui de la communauté internationale. En réponse à cela, elle commet des crimes de guerre et ne s’en cache même plus, s’est-il indigné en l’accusant de s’en prendre à des civils et à des infrastructures civiles, ajoutant qu’au cours de la seule journée d’hier, 47 civils ont trouvé la mort. Le 3 mars, c’est également un acte de terrorisme nucléaire qui a été commis en attaquant le site nucléaire de Zaporijia, s’est insurgé le délégué ukrainien.
M. Kyslytsya a affirmé qu’après l’incendie qui s’est déclaré lors du bombardement russe, la centrale de Zaporijia est désormais sous le contrôle des forces russes. Il s’est alarmé que plusieurs employés chargés de la sécurité du fonctionnement du site aient été tués et qu’il n’y ait pas eu de rotation du personnel depuis le matin du 3 mars. Décrivant l’état des six réacteurs de la centrale, il a indiqué que le réacteur 1 est en panne et son enceinte endommagé. Les réacteurs 2 et 3 ont été déconnectés du réseau, le 4 est opérationnel, les réacteurs 5 et 6 sont en cours de refroidissement et les niveaux de rayonnement restent normaux. Les régulateurs nucléaires ukrainiens n’ont cependant pas été autorisés à accéder au site, a-t-il déploré, avertissant que toute interruption du processus de refroidissement pourrait entraîner des conséquences environnementales et humaines irréversibles pour toute la région.
Pour ce qui est de la situation des étudiants étrangers en Ukraine, il a demandé à son homologue russe de lancer un appel à sa capitale pour la mise en place d’un couloir sécurisé afin de permettre aux étudiants de quitter la zone, tout en l’exhortant à cesser de propager des mensonges au sein du Conseil.
Revenant à l’attaque d’hier soir sur le site nucléaire de Zaporijia, il a souligné que cet acte va à l’encontre de tous les accords internationaux, y compris du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de la Convention de lutte contre le terrorisme nucléaire. Il a averti qu’un incident nucléaire à la centrale nucléaire de Zaporijia dépasserait l’étendue de la dévastation provoquée par l’accident de Tchernobyl en 1986, regrettant que dans sa déclaration, le Directeur général de l’AIEA n’ait clairement condamné l’attaque sur le site de Zaporijia. Il a appelé le Conseil à réfléchir à la protection des centrales nucléaires et interdire tous les vols au-dessus de l’Ukraine dans les meilleurs délais, exigeant en outre le retrait des forces russes des installations nucléaires ukrainiennes. Il a également demandé au personnel du Secrétariat de respecter la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 2 mars et de ne pas utiliser le terme « d’opération spéciale militaire russe » au lieu « d’invasion russe ». Le libellé sur « l’agression contre l’Ukraine » ne doit pas être remplacé par des euphémismes, a-t-il souligné, demandant en outre à toutes les organisations internationales d’expulser les représentants de la Fédération de Russie, « car ils ne méritent pas de siéger parmi les pays civilisés ».