Réunion d’urgence du Conseil du sécurité sur l’Ukraine: La Fédération de Russie annonce une « opération militaire spéciale » et les États-Unis, un projet de résolution
Réuni en urgence, la deuxième fois en trois jours, pour débattre de la situation en Ukraine, le Conseil de sécurité a entendu d’ultimes appels, dont celui lancé « du fond du cœur » par le Secrétaire général de l’ONU, pour préserver la paix en Ukraine, alors qu’une attaque par la Fédération de Russie était pressentie comme imminente. « Il est déjà trop tard pour éviter la guerre », a déclaré l’Ukraine, en indiquant que le Président Vladimir Putin a lancé une opération militaire au moment même où se déroule la réunion du Conseil.
Sur un ton grave, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a ouvert la séance en déclarant qu’il n’a jamais voulu croire les rumeurs qui par le passé accréditaient l’hypothèse d’une offensive imminente contre l’Ukraine. Mais je me trompais et je ne voudrais pas me tromper à nouveau, aujourd’hui, a-t-il dit. Si une opération est en cours de préparation, a poursuivi le Secrétaire général, en s’adressant directement au Président Putin, je n’ai qu’une chose à dire et je vous le dis du fond du cœur: « Empêchez vos troupes d’attaquer l’Ukraine et donnez une chance à la paix. Trop de gens sont déjà morts. »
Nous ne pouvons pas prédire ce qui va se passer dans les prochaines heures en Ukraine mais une chose est sûre, une escalade aurait un coût inacceptable, a prévenu, à son tour, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix. Mme Rosemary DiCarlo a insisté sur le fait que « le peuple ukrainien veut la paix ». « Et je suis certaine que le peuple russe la veut aussi. »
La gravité de la situation a été reconnue par l’ensemble des délégations qui ont insisté sur les conséquences catastrophiques qu’aurait une guerre au cœur de l’Europe. L’Irlande s’est inquiétée de voir se rapprocher « l’abîme d’un conflit majeur en Europe, qui aurait des implications mondiales ». C’est le moment de faire preuve de courage, le moment de sortir du précipice, le moment de revenir au dialogue et à la diplomatie, a-t-elle déclaré, appuyée par tous. La réunion de ce soir vise à demander à la Fédération de Russie d’éviter la guerre alors que depuis des mois, elle tient un pistolet contre la tempe de l’Ukraine, a imagé le Royaume-Uni. « Aujourd’hui, le Président Putin a le doigt sur la gâchette. » Il a averti qu’un conflit de grande ampleur dans un pays de 44 millions de personnes entraînerait d’indicibles souffrances, des victimes de part et d’autre et des conséquences humanitaires catastrophiques.
Tous les membres du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, sans oublier le Secrétaire général, exigent le respect des principes de la Charte des Nations Unies mais la Fédération de Russie fait la sourde oreille, a dit le Royaume-Uni. Il est important, a tempéré la Chine, de laisser la porte ouverte à la diplomatie parce qu’il est possible de trouver une solution pacifique. L’Inde a plaidé pour une désescalade immédiate, ajoutant que les préoccupations sécuritaires légitimes de toutes les parties doivent être pleinement prises en compte. La France a félicité l’Ukraine pour sa retenue admirable, en dépit des provocations russes. Elle a fait part de sa disposition à construire avec la Russie « une architecture de sécurité renouvelée pour l’Europe ».
Le Président Biden, ont indiqué les États-Unis, nous a demandé de transmettre dans les termes les plus forts notre soutien indéfectible à l’Ukraine. Ils ont rappelé avoir « imploré » en vain la Russie de s’asseoir à la table des négociations. Il y a 48 minutes, a déclaré solennellement l’Ukraine, le Président Putin nous a déclaré la guerre. Le délégué ukrainien a demandé avec insistance au Représentant permanent de la Fédération de Russie et Président du Conseil de sécurité de passer un coup de fil à Moscou pour confirmer la présence des troupes russes sur le territoire ukrainien et le pilonnage des villes ukrainiennes. « Vous avez déclaré la guerre », a-t-il tranché, et il est désormais de la responsabilité de ce Conseil d’y mettre fin.
Pointée du doigt par de nombreuses délégations, la Fédération de Russie a accusé les pays occidentaux de croire aux « fables » ukrainiennes. « L’opération militaire spéciale » en cours ne vise pas le peuple ukrainien mais « la junte » qui a pris le pouvoir et la « dénazification de l’Ukraine ». Plusieurs délégations ont repris la parole pour dénoncer l’opération militaire en cours, la France précisant que le Conseil devrait se réunir demain pour discuter d’un projet de résolution sur la situation en Ukraine annoncé par les États-Unis en cours de séance.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Déclarations
Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a dit vouloir réaffirmer ce qu’il a dit ce matin lors de la réunion de l’Assemblée générale sans vouloir se répéter. Aujourd’hui, plusieurs faits sont survenus, a-t-il constaté en annonçant que Mme DiCarlo allait en rendre compte. La journée a été marquée par des rumeurs, des indications, laissant entendre l’imminence d’une offensive contre l’Ukraine, a déclaré le Secrétaire général en reconnaissant que, dans un passé récent, alors qu’il y avait des indications et rumeurs semblables, il n’a jamais voulu y croire. « Mais je me trompais et je ne voudrais pas me tromper à nouveau, aujourd’hui. » « Si une opération est en cours de préparation, je n’ai qu’une chose à dire et je vous le dis du fonds du cœur », a-t-il dit en s’adressant directement au Président Putin: « Empêchez vos troupes d’attaquer l’Ukraine. Donnez une chance à la paix. Trop de gens sont déjà morts ».
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a dit que les républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk ont demandé l’assistance de la Fédération de Russie. Aujourd’hui, aussi, les autorités ukrainiennes ont déclaré un état d’urgence national et annoncé des mesures de défense, y compris la mobilisation des réservistes. Elle a indiqué que, selon différents médias, des colonnes militaires seraient en train de faire route vers l’Ukraine. La Russie aurait aussi fermé son espace aérien près de la frontière ukrainienne, a-t-elle ajouté. Mme DiCarlo a indiqué que l’ONU ne peut vérifier ces informations mais que si celles-ci venaient à être confirmées elles représenteraient une aggravation d’une situation très dangereuse.
La Secrétaire générale adjointe a relayé l’appel lancé par le Président ukrainien à une poursuite de la diplomatie, tandis que le Président Putin a exprimé sa volonté de dialogue. « Nous encourageons de tels efforts, même à une heure si tardive. » Nous ne pouvons pas prédire ce qui va se passer dans les prochaines heures en Ukraine mais ce qui est sûr c’est le coût inacceptable qu’aurait une escalade, a-t-elle dit. « Le peuple ukrainien veut la paix et je suis certaine que le peuple russe veut la paix. » En conclusion, elle a souligné la nécessité de n’épargner aucun effort pour faire en sorte que la paix prévale.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que la Fédération de Russie fait tout et son contraire. On nous dit de cesser l’hystérie, parce que les troupes se trouvent sur le territoire russe. Or, ce n’est plus le cas. Les troupes envahissent désormais un pays voisin sans provocation aucune et sous de faux prétextes et des informations fabriquées de toutes pièces. L’évolution de la situation, ces dernières 48 dernières heures, confirment que les prétendues inquiétudes de la Fédération de Russie n’ont rien à voir avec sa sécurité. Nous assistons, a dit le représentant, à une confrontation entre la Fédération de Russie et le droit international. Nous sommes à une heure sombre, non seulement pour l’Ukraine, mais également pour l’ensemble de la communauté internationale car nous sommes impuissants face à la progression d’un acte d’agression et d’autodestruction.
La Fédération de Russie doit s’arrêter, réfléchir et revenir sur sa décision illégale. Le Conseil de sécurité doit plus que jamais appuyer la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La Fédération de Russie, a martelé le représentant, a été prévenue à maintes reprises qu’elle sera tenue pour responsable des pertes de vies humaines et des destructions en plein cœur de l’Europe, au vingt-et-unième siècle. Si elle choisit d’exécuter ses plans, elle devra non seulement assumer « une culpabilité historique », mais aussi la honte de l’invasion d’un pays voisin, alors que sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité est de contribuer à maintenir la paix et la sécurité internationales.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dit s’être entretenue avec son Président peu avant cette réunion d’urgence. « Il m’a demandé de transmettre dans les termes les plus forts notre soutien indéfectible à l’Ukraine et a insisté pour que les États-Unis et leurs partenaires continuent de réagir en affichant un front uni », a-t-elle indiqué, ajoutant que, de l’avis de Washington, « une invasion de l’Ukraine par la Russie est imminente ». La représentante a observé que, ce soir, les Russes ont fermé leur espace aérien, envoyé des troupes dans le Donbass, «en se tenant prêts à combattre ». Cette réunion a pour raison de demander à la Russie de retirer ses forces et d’envoyer des diplomates de haut rang à la table des négociations, a-t-elle expliqué, avant de lancer à son homologue russe: « évitez de nous précipiter dans l’abîme avant qu’il ne soit trop tard ».
Elle a ensuite constaté que les événements anticipés par son pays se matérialisent aujourd’hui. Nous avions dit que la Russie fabriquerait un prétexte pour attaquer, cela se confirme avec la situation sur la ligne de contact. Nous avions dit que la Russie convoquerait ses hautes instances, le Président russe a reconnu dans une allocution l’indépendance de régions qui sont des territoires souverains de l’Ukraine contrôlés par des « pions et des forces par procuration ». Depuis 2014, a poursuivi la diplomate, nous avons pu tirer bien des conclusions au sujet de M. Putin. Mais personne n’aurait pu prédire le danger de son discours. « Il ramène le monde à une époque marquée par les empires et les colonies », a-t-elle martelé.
De même, a encore relevé Mme Thomas-Greenfield, nous nous attendions à des cyberattaques et à des perturbations dans les communications, et cela s’est vérifié. « Nous avons vu que des sites gouvernementaux ont été pris pour cible et que des logiciels malveillants ont infecté des ordinateurs .» Nous avions dit que des soldats et des chars d’assaut russes seraient déployés, « c’est désormais imminent », a-t-elle affirmé. Ces derniers jours, la Russie a dit que nous mentions et que nous donnions au monde des informations fallacieuses. « Mais ce que nous avions prévu devient réalité ». Dans ce contexte, a fait valoir la déléguée, « toutes les parties ne sont pas coupables ici ». Demander aux deux parties de contribuer à la désescalade serait, selon elle, « injuste », car « il n’y a qu’un seul agresseur ». Le Conseil de sécurité a pour tâche de maintenir la paix et la sécurité internationales, mais la Russie est « en train de court-circuiter tout cela ». Avec l’Ukraine, leurs alliés et partenaires européens, les États-Unis ont « imploré » la Russie de s’asseoir à la table des négociations, mais « ces appels sont restés lettre morte », a déploré la représentante. Aujourd’hui, « la Russie conduit l’Ukraine et le monde entier au bord du précipice ».
Face à cette situation, les responsables russes devraient se demander « combien de vies russes vont être sacrifiées par Putin », a souligné Mme Thomas-Greenfield. Les autres membres du Conseil vont « afficher un front uni », et ce, « malgré le comportement imprudent d’un membre qui essaie de subvertir l’ensemble du système multilatéral». Avant de conclure, la déléguée a rappelé qu’aujourd’hui, des dizaines de pays ont défendu l’Ukraine à la tribune de l’Assemblée générale. Elle a également dit avoir rencontré avec d’autres diplomates le Ministre ukrainien des affaires étrangères dans la matinée. « Il nous a avertis que personne ne pourra rester les bras croisés si Putin lance cette agression contre l’Ukraine, et il avait raison ». À présent, il importe de contrer cette menace au Conseil de sécurité, aux Nations Unies et dans nos capitales, a conclu la représentante. « Les Ukrainiens comptent sur nous, ne les laissons pas tomber. »
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a dit que la réunion de ce soir vise à demander à la Fédération de Russie d’éviter la guerre alors que depuis des mois elle tient un pistolet contre la tempe de l’Ukraine. Aujourd’hui, le Président Vladimir Putin a le doigt sur la gâchette. Un conflit de grande ampleur dans un pays de 44 millions de personnes entraînerait d’indicibles souffrances, des victimes de part et d’autre et des conséquences humanitaires catastrophiques, a prévenu la représentante. Aujourd’hui, a-t-elle rappelé, tous les membres du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, sans oublier le Secrétaire général, exigent le respect des principes de la Charte des Nations Unies mais la Fédération de Russie fait la sourde oreille.
Le Royaume-Uni, a prévenu la représentante, n’acceptera aucun compromis quant à son attachement à l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine. Son appui à la paix, à la prospérité et à la liberté démocratique du peuple ukrainien restera ferme. Il n’y aura pas de compromis quant à l’engagement en faveur des principes de la Charte des Nations Unies. Le principe fondateur des Nations Unies, c’est la coexistence pacifique et l’action de la Fédération de Russie est une attaque contre la Charte. Face à notre détermination à rechercher la paix, notre Premier Ministre et notre Ministre des affaires étrangères n’ont ménagé aucun effort. Nous avons, a rappelé le représentant, annoncé des sanctions contre des oligarques, des banques et les politiciens russes qui soutiennent le Président Vladimir Putin. Les sanctions économiques seront renforcées si la Fédération de Russie ne change pas de cap et il est encore possible de faire preuve de modération, a conclu la représentante.
« À l’heure où nous parlons, la Russie est sur le point de provoquer le chaos en Ukraine et de porter un coup injustifiable à la paix et la sécurité au cœur de l’Europe », a averti M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) à l’entame de son intervention, observant que, depuis plusieurs mois, le Président de la Fédération de Russie a « patiemment préparé de quoi mener une offensive majeure » contre ce pays. Il a amassé des soldats et des armes « à un niveau sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », il a incité à la violence « par le mensonge et la désinformation », il a nié « jusqu’à la légitimité même de l’existence de l’État ukrainien » et il a porté atteinte à la souveraineté et à l’intégrité de l’Ukraine en reconnaissant « l’indépendance de portions du territoire ukrainien », a-t-il accusé. Face à cette stratégie de menace et de déstabilisation, l’Ukraine a fait preuve d’une « retenue admirable », et ce, en dépit des « incitations russes », a salué le représentant, avant de redire la solidarité de la France avec le peuple ukrainien, « comme l’a rappelé le Président Macron à son homologue ukrainien, il y a quelques heures ». Face à cette « stratégie de désordre et de confrontation », a ajouté M. de Rivière, les dirigeants d’Europe et des États-Unis ont démontré leur unité et redoublé d’efforts pour proposer une issue diplomatique. Le Président français, en lien avec le Chancelier allemand et de nombreux partenaires, « y ont pris toute leur part » en faisant part de leur « disponibilité à construire avec la Russie une architecture de sécurité renouvelée pour l’Europe ».
La France « condamne avec force la stratégie de provocation à la guerre du Président russe », a poursuivi avec gravité le délégué, en écho à « l’appel du peuple ukrainien, porté par le Président Zelenskyy dans son adresse à la nation russe il y a quelques heures ». Comme ce dernier l’a assuré, les Ukrainiens veulent la paix, a-t-il affirmé. « Ils souhaitent une relation de bon voisinage avec la Russie, à l’image des relations familiales et personnelles qui unissent tant de Russes et d’Ukrainiens. » À la suite de l’Assemblée générale, où la communauté internationale a, de manière unie, fait entendre sa voix aujourd’hui, « celle du respect de la Charte des Nations unies, celle du règlement pacifique des conflits, celle de la diplomatie », M. de Rivière a appelé une nouvelle fois la Fédération de Russie « à suivre cette voie, à revenir sur sa décision de reconnaissance des entités séparatistes de l’est de l’Ukraine et à rappeler ses soldats ». Appelant chacun des membres du Conseil à « agir en responsabilité », il a prévenu que « si la Russie confirme le choix de la guerre, elle devra en assumer toutes les responsabilités et en payer le prix ».
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) s’est inquiétée de voir se rapprocher «l’abîme d’un conflit majeur en Europe, un conflit qui aurait des implications mondiales ». « Ce soir, les principes fondamentaux des Nations Unies auxquels nous croyons sont attaqués », a-t-elle ajouté réaffirmant l’attachement de l’Irlande à un ordre international fondé sur des règles. Insistant sur le fait qu’il est important de respecter la voix et l’intégrité de tous les pays, grands ou petits, elle a fait remarquer que « plus fondamentalement, nous connaissons la valeur de la paix ». Un État qui menace et utilise la force létale contre un autre pour arriver à ses fins ou pour étendre son territoire, ce n’est pas une solution, s’est indignée Mme Byrne Nason appelant à revenir au dialogue pour résoudre les différends. « Il est de notre responsabilité collective, voire de notre obligation, ici à cette table, de maintenir la paix et la sécurité internationales », a-t-elle martelé, « rien de moins ».
La décision de la Russie de reconnaître en tant qu’entités indépendantes les zones non contrôlées par le Gouvernement ukrainien des régions ukrainiennes de Donetsk et Louhansk ne modifie pas d’un iota les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, a-t-elle plaidé. Elles n’ont pas changé en 2014, et elles n’ont pas changé cette semaine, a tranché la représentante avant d’exhorter la Fédération de Russie à revenir immédiatement sur cette décision et à s’abstenir de toute nouvelle escalade unilatérale qui ne peut qu’aggraver encore la crise. Mme Byrne Nason a estimé que, ce soir, la voie de la diplomatie, la voie du dialogue, est dangereusement étroite. Relevant que les principes de la Charte des Nations Unies ont déjà été bafoués, elle a prévenu que ces principes risquent d’être encore violés. C’est le moment de faire preuve de courage, a lancé la représentante, « le moment de sortir du précipice, le moment de revenir au dialogue et à la diplomatie ». Il n’est jamais trop tard pour faire le bon choix, a conclu Mme Byrne Nason.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a déploré que les appels à laisser une chance aux initiatives diplomatiques n’aient pas été entendus. La situation pourrait dégénérer en une crise majeure, a-t-il mis en garde. Vivement préoccupé, le délégué a plaidé pour une désescalade immédiate et exhorté les parties à accroître leurs efforts pour surmonter leurs différends. Les préoccupations sécuritaires légitimes de toutes les parties doivent être pleinement prises en compte, a poursuivi le délégué. Il a rappelé que 20 000 ressortissants indiens, dont nombre d’étudiants, se trouvent actuellement en Ukraine. Enfin, le délégué a plaidé pour un dialogue diplomatique entre les parties concernées et appelé ces dernières à la plus grande retenue.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à la désescalade pour trouver une solution pacifique à la crise, sur la base du droit international. Il a rappelé l’importance de la Charte des Nations Unies qui prône le règlement pacifique des différends, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et de leur indépendance. Le représentant s’est ému de la situation déjà précaire des populations civiles dans l’est de l’Ukraine, alors que des obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire sont constatés de part et d’autre de la « ligne de contact ».
Mme MONA JUUL (Norvège) a condamné fermement la décision du Président Putin d’envoyer des troupes russes dans les régions de Donetsk et Louhansk. Cette décision est injustifiée, non provoquée et irresponsable, a-t-elle déclaré, avant d’appeler la Fédération de Russie à revenir sur ses décisions et à retirer immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires du territoire de l’Ukraine et des environs de ses frontières internationalement reconnues. Elle a également appelé toutes les parties à respecter strictement les dispositions pertinentes du droit international humanitaire, lesquelles appellent à la protection des civils, y compris le personnel humanitaire, et des infrastructures civiles, et à faciliter un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave à ceux qui en ont besoin en Ukraine. La Charte des Nations Unies s’applique à toutes les nations, y compris la Fédération de Russie, a-t-elle relevé. La représentante a exhorté la Fédération de Russie, en tant que partie aux accords de Minsk et au conflit, à respecter ses engagements, à respecter le droit international et à reprendre la voie de la diplomatie. Elle a enfin salué la posture de retenue de l’Ukraine face aux provocations et aux efforts de déstabilisation continus.
M. JUN ZHANG (Chine) a déclaré que dans le contexte actuel, toutes les parties doivent faire preuve de retenue et éviter toute escalade. Il est important de laisser la porte ouverte à la diplomatie parce qu’il est possible de trouver une solution pacifique. Le contexte historique autour du dossier ukrainien est « complexe » et la situation actuelle est le fruit de la conjugaison de plusieurs facteurs, a estimé le représentant, tout en défendant le respect de la souveraineté des États, de leur intégrité territoriale et donc de la Charte des Nations Unies. Toutes les parties concernées, a-t-il dit, doivent s'engager sur la voie du dialogue et cela est particulièrement important à l’heure où il faut éviter d’alimenter les tensions. La Chine, a promis le représentant, fera tout pour promouvoir des négociations et la recherche d'une solution diplomatique.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a jugé extrêmement préoccupants les rapports reçus concernant le mouvement des troupes dans certaines zones de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. La menace ou l’usage de la force contre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique d’un membre de l’ONU est inacceptable, a-t-il martelé. Il a estimé que, dans les circonstances actuelles, le Conseil de sécurité doit agir conformément à son objectif principal, en tant que titulaire de la responsabilité principale, en vertu de la Charte des Nations Unies, du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a recommandé que son action soit orientée vers la réduction des tensions et vers l’accompagnement des parties dans leurs négociations. Il a appelé toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue et à s’abstenir de toute action susceptible d’aggraver encore les tensions sur le terrain.
L’heure n’est pas à la rhétorique belliqueuse ni aux menaces militaires, mais à l’engagement véritablement dans un processus diplomatique, a clamé M. Filho en faisant valoir que les moyens de négociation ne sont pas épuisés. Il a estimé que la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) peut apporter son aide si un accès illimité lui est accordé afin de vérifier, d’identifier et de signaler en conséquence toute violation du cessez-le-feu. En outre, les parties doivent permettre l’accès rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin, a-t-il exigé. Il a aussi appelé à garantir « sans condition » la protection des civils, y compris du personnel humanitaire et des personnes en situation de vulnérabilité. Il a relevé que les négociations doivent, d’une part, tenir compte des préoccupations sécuritaires de toutes les parties du conflit et, d’autre part, viser à créer les conditions adéquates pour un dialogue politique inclusif, lequel doit refléter la diversité et inclure une représentation de tous les peuples de la région.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a qualifié la situation en Ukraine d’alarmante. Il a demandé à la Fédération de Russie de revenir sur sa décision et de reprendre la mise en œuvre des accords de Minsk. Notant qu’il n’est pas trop tard pour la désescalade, il a lancé un avertissement à ceux qui choisissent la voie du conflit. Ils auront à assumer les conséquences de leurs actes, a-t-il dit, avant d’exhorter la Fédération de Russie de retirer ses troupes de l’est de l’Ukraine. La souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine ne sont pas négociables, a-t-il martelé. Les parties doivent faire preuve de retenue et régler leurs différends par des moyens pacifiques, grâce aux mécanismes onusiens existants, a conclu le représentant.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a regretté de constater que, malgré les nombreux appels de la communauté internationale, les tensions autour de l’Ukraine ont augmenté au lieu de diminuer. « Tous les États, ayant ratifié la Charte des Nations unies se sont engagés à respecter la souveraineté, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des États, a-t-elle rappelé. La déléguée a dit avoir soutenu toutes les déclarations du Secrétaire général et exhorté les parties à faire usage des bons offices que le Secrétaire général a offerts. Ce matin même, le Président du Mexique a déclaré qu’il n’acceptera pas qu’un pays en envahisse un autre, car cela est contraire au droit international. « Nous rappelons, une fois encore, que la Russie a déclaré avec force à la communauté internationale, ici même il y a quelques jours, qu’elle n’envahirait pas l’Ukraine. » Si une invasion devait avoir lieu, elle constituerait un acte d’agression conformément à la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, a souligné la représentante. « Nous ne relâcherons pas notre appel à la détente, à la diplomatie et au dialogue », a insisté le Mexique, pour qui une solution diplomatique est le seul moyen d’éviter le « précipice de la guerre » en Europe.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a rappelé que c’est la quatrième fois en trois semaines que ce Conseil se réunit pour débattre de la situation en Ukraine, et il ne s’est écoulé que 48 heures après notre dernière séance, « parce que l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de l’Ukraine ont été violés ce soir, parce que d’innombrables vies humaines de femmes et d’enfants sont prises dans l’étau de la violence meurtrière et des affrontements dans l’est de l’Ukraine », engendrant un exode massif de populations. Ces agissements accréditent les craintes récurrentes d’une action militaire imminente contre l’Ukraine, s’est inquiétée la délégation, qui s’est dite vigoureusement attachée au respect de la souveraineté nationale de chaque État et des principes consacrés par la Charte des Nations Unies.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) s’est dit profondément préoccupé par les risques graves d’un conflit qui embraserait toute la région du Donbass et entraînerait d’importantes pertes en vies humaines ainsi qu’une crise de réfugiés. Appelant au calme et à la protection des personnes et des infrastructures civiles, il a estimé qu’il y avait encore des raisons de croire aux perspectives d’une solution diplomatique à la crise. Cette solution, a-t-il dit, nécessite la vision d’une architecture de sécurité viable pour l’Europe, qui protège l’Ukraine et d’autres États tout en restant sensible aux besoins des autres parties. Le Conseil de sécurité peut empêcher une catastrophe, a assuré le représentant, avant de rappeler que, lors des guerres récentes menées en violation de la Charte des Nations Unies, la sécurité de toutes les parties a été affectée. Les dirigeants qui ont conçu le système multilatéral d’aujourd’hui l’ont fait en réaction aux guerres du siècle précédent, a-t-il dit, exhortant tous les États Membres à se souvenir des ruines de la guerre subies par tous ceux qui sont assis autour de la table du Conseil.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit « regretter » la poursuite des provocations de l’Ukraine contre les Républiques populaires de Donetsk et Lougansk, dénonçant les encouragements des pays occidentaux. L’Ukraine, a-t-il dit, a même intensifié les bombardements et les sabotages dans les deux Républiques. Avant cela, la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait déjà enregistré près de 2 000 violations du cessez-le-feu, dont près de 1 500 explosions. Les habitants de Donetsk et de Lougansk se réfugient dans les caves et l’afflux des réfugiés dans le territoire russe se poursuit. Le représentant a accusé les pays occidentaux de croire aux « fables » de l’Ukraine selon lesquelles les habitants de Donetsk et Lougansk se bombardent eux-mêmes et la Fédération de Russie crée des faux prétextes pour envahir l’Ukraine.
Nous n’avons pas violé, a martelé le représentant, les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États. Nous tenons au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La tragédie en Ukraine, a-t-il dit, a commencé juste après le coup d’État illégitime de Maïdan en 2014. Au lieu de dialoguer avec les Russophones d’Ukraine, le nouveau Gouvernement les a bombardés et n’a pas hésité ensuite à violer les accords de Minsk, dont le dialogue direct avec Donetsk et Lougansk. Les provocations de l’Ukraine n’ont jamais cessé et au contraire, elles se sont intensifiées. Notre décision de reconnaître l’indépendance des deux Républiques est la conséquence directe des actes du régime ukrainien. Le Président Vladimir Putin a en effet ordonné une opération militaire spéciale mais la Fédération de Russie n’a pas dans ses plans d’occuper l’Ukraine. Ce que nous voulons, c’est la démilitarisation et la « dénazification » de l’Ukraine, a conclu le représentant.
Sur un ton grave, M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a dit d’emblée que certains aspects de sa déclaration sont désormais obsolètes puisque la guerre a été déclarée quelques minutes auparavant par le Président russe. Il a lu des extraits de la Charte pour démontrer que la Fédération de Russie ne remplit plus les conditions pour être membre des Nations Unies. À cet égard, il a demandé au Secrétaire général de distribuer à tous les États Membres l’avis émis en décembre 1991 par le Conseiller juridique de l’ONU. Aucune disposition de la Charte ne prévoit une adhésion « par continuité », a martelé le représentant, avant de demander avec insistance au Représentant permanent de la Fédération de Russie d’appeler Moscou pour savoir si les troupes russes n’ont pas pénétré le territoire ukrainien et si elles ne sont pas en ce moment en train de pilonner les villes ukrainiennes. Vous avez déclaré la guerre, lui a-t-il lancé et il est désormais de la responsabilité du Conseil de sécurité d’y mettre fin.
Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) a regretté l’annonce faite par la Fédération de Russie d’une opération militaire spéciale sur le sol ukrainien. Elle a demandé à tous les États Membres d’être aux côtés de l’Ukraine. La reconnaissance des soi-disant républiques de Donetsk et Louhansk était déjà un camouflet au Conseil de sécurité, il y a deux jours, et en ce moment même, les forces russes se déplacent à l’intérieur de l’Ukraine dans une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous demandons à la Fédération de Russie de retirer ses troupes de l’Ukraine et nous sommes prêts à privilégier la diplomatie, notamment dans le format Normandie. Nous exhortons Fédération de Russie à faire de même, a conclu la représentante.
Reprenant la parole, la représentante des États-Unis a déclaré qu’elle avait prévenu qu’il y aurait des réunions « théâtrales » et des cyberattaques. Mais malheureusement, au moment même où nous sommes réunis au Conseil ici en quête de paix, le Président Vladimir Putin vient d’ordonner de nouvelles mesures, transmettant une « déclaration de guerre » au Conseil de sécurité.
La représentante du Royaume-Uni a indiqué à son tour qu’alors que le Conseil de sécurité est réuni en urgence pour enjoindre à la Russie de retirer ses forces, le Président Putin a ordonné un déploiement de ses troupes en Ukraine. C’est contraire à nos principes, a-t-elle martelé, affirmant appuyer pleinement l’appel lancé par les États-Unis au sujet d’un projet de résolution. Le Conseil doit faire tout son possible pour empêcher la guerre et faire respecter la Charte des Nations Unies, a-t-elle conclu.
Le représentant de l’Albanie a dit qu’il craignait cette crise, faisant référence à des bombardements entendus à Kiev et dans d’autres villes de l’Ukraine. « Les masques sont tombés et les chars sont entrés en jeu », a-t-il ajouté. La Fédération de Russie a décidé de nier l’existence même de l’Ukraine mais nous défendrons la paix, le droit international et ferons tout pour que l’agresseur soit tenu responsable de ses actes, a promis le représentant.
Le représentant de la France a repris la parole pour dire que la Fédération de Russie avait fait « le choix de la guerre ». Cette décision annoncée au moment même où le Conseil de sécurité est réuni témoigne du mépris de ce pays pour l’organe onusien, a—t-il argué. Il a appelé l’ensemble des membres du Conseil à soutenir le texte de la résolution qui leur sera présenté dans les prochaines heures. Il a également appelé au respect du droit international humanitaire.
Reprenant la parole, la représentante de l’Irlande a rappelé avoir dit il y a à peine quelques minutes que la voie du dialogue et de la diplomatie était extrêmement étroite. Entre-temps, cette voie a été bloquée par l’agresseur russe, a-t-elle regretté. Elle a assuré que l’Irlande est aux côtés de l’Ukraine et a exhorté le Conseil de sécurité à faire entendre sa voix face à cette agression.
Reprenant la parole, le représentant de l’Ukraine a déclaré qu’« il n’y a pas de purgatoire pour les criminels de guerre. Ils vont directement en enfer ».