En cours au Siège de l'ONU

8971e séance - matin
CS/14799

Conseil de sécurité: l’action militaire sera insuffisante pour stabiliser la République centrafricaine et y promouvoir la réconciliation, assure le Représentant spécial

« Il n’y aura pas de solution militaire exclusive à la crise », a affirmé ce matin devant le Conseil de sécurité le Représentant spécial du Secrétaire général en République centrafricaine et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays (MINUSCA).

Si M. Mankeur Ndiaye a estimé que l’action militaire est nécessaire, il l’a toutefois jugée insuffisante pour apporter des solutions politiques durables à la crise qui touche ce pays.  Sentiment d’autant plus fondé selon lui que le recours actuel aux supplétifs par les Forces armées centrafricaines, « si l’on n’y prend pas garde », est susceptible de compromettre les initiatives de désarmement, de démobilisation et de réintégration en cours et plus généralement la réforme du secteur de la sécurité.  La réconciliation nationale en serait affectée et un climat de suspicion mutuelle se répandrait, susceptible de raviver des tensions aux relents interethniques et confessionnels.  Le haut fonctionnaire a donc encouragé le Gouvernement à explorer une démarche plus équilibrée qui tempère la prédominance des opérations militaires par la poursuite des processus politiques et de paix.

La Ministre des affaires étrangères de la République centrafricaine, Mme Sylvie Valérie Baifo-Temon, a expliqué que les autorités n’ont nullement fait le choix d’une approche militaire, mais qu’elles ont décidé d’assurer la protection du territoire national et d’une population lassée par le recours à la violence des groupes armés depuis des années.

Le Représentant spécial a affirmé qu’en dépit de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral en octobre 2021, la situation sécuritaire demeure préoccupante.  En effet, dans certaines parties du territoire, des opérations militaires sont en cours contre des groupes armés, membres de la Coalition des patriotes pour le changement, qui lancent des représailles contre les forces de sécurité nationale et les populations.  Se félicitant que des portions du territoire précédemment occupé par ces groupes armés aient été reprises, M. Ndiya a déploré que de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire continuent d’être commises par toutes les parties au conflit.

Sur le plan politique, le Chef de la MINUSCA a salué l’annonce d’un dialogue politique en mars prochain et la tenue en septembre des élections locales.  Le Gouvernement a également pris la décision de surseoir aux poursuites judiciaires engagées à l’encontre de certains membres de l’opposition, a-t-il indiqué, alors que la majorité des membres du Conseil ont salué ces mesures d’apaisement.

Ils ont également, pour la plupart, salué l’adoption de la feuille de route conjointe de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), adoptée le 16 septembre 2021, et de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral par le Président Touadéra le 15 octobre.  Son succès, a argué M. Ndiaye, ne sera possible que s’il existe une forte volonté politique et si tous les acteurs matérialisent, « sans équivoque et de manière irréversible », leur commune volonté de dépassement de la crise par « l’exécution de bonne foi de toutes leurs obligations ».  Selon lui, la complémentarité entre la feuille de route conjointe et l’Accord de paix du 6 février 2019 devrait faciliter des interactions synergiques et promouvoir la revitalisation dudit accord.  La Norvège a salué les efforts régionaux, en particulier ceux de l’Angola et du Rwanda, avant d’encourager tous les acteurs à œuvrer en faveur du dialogue républicain « tant attendu », un dialogue qui devra inclure les femmes.

Le Représentant spécial de l’Union africaine, M. Bertino Matias Matondo, a exhorté tous les partenaires du pays à apporter un soutien matériel et technique au processus de dialogue avant de juger déterminante la tenue des élections municipales en septembre 2022.  Pour le Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, il est inquiétant de voir qu’à l’heure actuelle, l’enregistrement des citoyens, y compris les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les réfugiés de retour et les jeunes adultes, n’a toujours pas débuté et que le pays pourrait ne pas achever cette tâche d’ici au 30 avril 2022, à moins de parvenir à mobiliser 10 millions de dollars.  « C’est une recette pour la violence politique et électorale », a-t-il mis en garde.

Le Représentant spécial a par ailleurs déploré le climat délétère entretenu par des campagnes de désinformation qui nuisent aux relations entre le Gouvernement, la population et la MINUSCA et alimentent des comportements hostiles de la population et des forces armées et de sécurité intérieure.  À la suite du Représentant spécial, certains membres du Conseil, comme l’Irlande, ont invité les autorités à enquêter sur les attaques menées contre le personnel humanitaire et les Casques bleus et à tout mettre en œuvre pour traduire les auteurs en justice.

La France s’est dite préoccupée par le recrutement de milices anti-balaka par les forces centrafricaines avec l’aide des mercenaires du Groupe Wagner, un processus « parallèle et opaque » qui porte les germes de nouvelles violences intercommunautaires.  Un argument repris par le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont estimé que 40% des actes de violence examinés lors de la dernière réunion sur la situation en RCA seraient le fait du Groupe Wagner.  La Fédération de Russie a de son côté mis en garde contre ce qu’elle a qualifié de tentatives de discréditer et de décrédibiliser la présence russe en RCA.

Le Gouvernement a donc donné un caractère définitif aux activités du Comité national de suivi desdites violations, a annoncé la Ministre centrafricaine, qui a contesté l’imprécision des rapports sur les violations des droits humains.  Au nom du groupe A3 (Ghana, Kenya et Gabon), le Gabon a estimé qu’un appui financier adéquat en faveur du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) et de rapatriement sera nécessaire, de même que la levée de l’embargo sur les armes.  Même son de cloche du côté de la Chine, qui a appelé le Conseil à lever ces sanctions dans les plus brefs délais pour permettre au Gouvernement de relever les défis sécuritaires.  Le Royaume-Uni a rétorqué que l’embargo, qui ne vise pas le Gouvernement, existe pour empêcher que des armes ne tombent entre les mains de groupes armés et alimentent la violence.  La France a regretté que le Groupe d’experts, dont les travaux apportent un éclairage utile sur la situation sur le terrain, demeure « bloqué » par la Fédération de Russie.

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE S/2022/119

M. MANKEUR NDIAYE, Représentant spécial du Secrétaire général en République centrafricaine et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a encouragé les pays contributeurs de troupes et de police à honorer leur engagement de déployer des contingents, alors que des défis se posent toujours.  À la suite de l’adoption de la feuille de route conjointe de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), le 16 septembre 2021, et de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral par le Président Touadéra le 15 octobre, des représentants de cette organisation sous-régionale ont effectué une visite de suivi à Bangui le 14 janvier 2022 pour faire avancer la mise en œuvre effective de la feuille de route pour la paix et la réconciliation en RCA.  

Le Secrétaire général adjoint a estimé que cette initiative gagnerait à renforcer son ancrage dans l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine.  Il a ainsi appelé le Gouvernement à manifester davantage son engagement pour l’avancement du processus de paix à travers l’adoption de mesures concrètes et rapides.  Il s’agit en particulier, concernant la feuille de route, d’en définir les mécanismes de suivi, en les rendant opérationnels, adossés à un calendrier clair et en responsabilisant chacune des parties prenantes.  Le succès de la feuille de route, a-t-il argué, n’est possible que s’il existe une forte volonté politique et si tous les acteurs matérialisent, « sans équivoque et de manière irréversible », leur commune volonté de dépassement de la crise par « l’exécution de bonne foi de toutes leurs obligations ».  Selon lui, la complémentarité entre la feuille de route conjointe et l’Accord de paix du 6 février 2019 devrait faciliter des interactions synergiques et promouvoir la revitalisation dudit accord. 

M. Ndiaye a relevé à cet effet que la visite à Bangui mi-février, des experts de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, rwandais et angolais, avait permis l’établissement et l’élaboration des termes de référence d’un groupe de travail de suivi, en coordination étroite avec les autorités nationales et les partenaires internationaux.  Ce groupe de travail est responsable du suivi de trois aspects de la feuille de route de Luanda, arrêtés lors du dernier sommet de la Conférence sur la région des Grands Lacs.  Avec ses partenaires, la MINUSCA s’est employée, auprès du Gouvernement et de l’opposition politique républicaine, à instaurer un climat de confiance pour sortir de l’impasse dans laquelle les préparatifs du dialogue républicain se trouvaient, en raison du retrait de l’opposition de ce processus, a expliqué le haut fonctionnaire.  Cet investissement collectif a abouti au retour de l’opposition démocratique au sein du comité d’organisation du dialogue républicain, qui a repris ses travaux.  Les attentes sont grandes, a-t-il relevé, en parlant du dialogue, avant de rappeler qu’il s’agit d’apporter des solutions politiques durables et de créer un climat politique propice à la bonne tenue des élections locales. 

En outre, avec son mandat d’assistance électorale, la Mission continue de soutenir les autorités nationales afin de s’assurer de la bonne tenue des élections locales qui vont grandement contribuer à l’approfondissement du processus de démocratisation par la promotion d’une gouvernance locale inclusive.  À cet effet, la Mission travaille avec tous les acteurs politiques pour maintenir un climat politique apaisé et renforcer la confiance, afin de permettre, le moment venu, à la population de participer pleinement et sans entrave à cet exercice démocratique.  M. Ndiaye a indiqué que le succès de ces élections tant attendues contribuera également à l’approfondissement du processus de décentralisation ainsi qu’à l’extension de l’autorité de l’État et à l’élargissement de l’espace politique à tout le pays.  Pour que le processus soit pleinement à la hauteur des attentes et au service de toute la population, un soutien doit être apporté à des élections.  Il faudrait quelque 10 millions de dollars américains, a—t-il noté.

Le Représentant spécial a ensuite affirmé qu’en dépit de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral en octobre 2021, la situation sécuritaire demeure préoccupante.  En effet, dans certaines parties du territoire, des opérations militaires sont en cours contre des groupes armés, membres de la Coalition des patriotes pour le changement.  À ces opérations militaires, s’ajoutent les représailles menées par les groupes armés à la fois contre les forces de sécurité nationale et les populations.  Il a noté les progrès réalisés au cours de ces opérations en termes de reprise du contrôle du territoire précédemment occupé par des groupes armés.  Il a déploré que des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire continuent d’être commises par toutes les parties au conflit, y compris l’usage excessif de la force ainsi que le ciblage de certaines communautés dans les théâtres d’opérations, les violences sexuelles basées sur le genre et/ou liées aux conflits ainsi que le recrutement, les abus et l’utilisation d’enfants par des groupes armés.  Il a exhorté les autorités centrafricaines à mener les enquêtes requises et à prendre des mesures tangibles et immédiates pour prévenir les violations des droits de l’homme commises par les forces de défense et de sécurité et les autres personnels de sécurité. 

M. Ndiaye a insisté ensuite sur la nécessité de coupler la reprise du contrôle du territoire avec une restauration effective de l’autorité de l’État, à travers le déploiement de services au profit de la population.  Il a donc encouragé le Gouvernement à explorer une démarche plus équilibrée qui tempère la prédominance des opérations militaires par la poursuite des processus politique et de paix.  L’action militaire est certes nécessaire, mais insuffisante pour apporter des solutions politiques durables à la crise centrafricaine, a-t-il expliqué.  Il n’y aura pas de solution militaire exclusive à la crise, a-t-il assuré, ajoutant que ceci est d’autant plus fondé que le recours actuel aux supplétifs par les forces armées centrafricaines, si l’on y prend pas garde, est susceptible de compromettre les initiatives de désarmement, de démobilisation et de réintégration en cours, de ruiner les gains engrangés dans la réforme du secteur de la sécurité, de fragiliser l’œuvre de réconciliation nationale et de répandre un climat de suspicion mutuelle de nature à raviver les tensions aux relents ethniques et/ou religieux.

La justice doit aller de pair avec la réconciliation pour favoriser une paix durable, a-t-il également souligné.  Mais la justice ne peut servir la réconciliation que si les jugements sont rendus, a mis en garde le Représentant spécial, avant d’appeler à prendre toutes les mesures possibles pour assurer l’exécution des mandats d’arrêt de la Cour pénale spéciale, saluant aussi les efforts déployés par le Gouvernement pour l’opérationnalisation de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation.  M. Ndiaye a par ailleurs déploré le climat délétère entretenu par des campagnes de désinformation qui nuisent aux relations entre le Gouvernement, la population et la MINUSCA et alimentent des comportements hostiles de la population et des forces armées et de sécurité intérieure.  Il a appelé le Gouvernement à lutter contre ses agissements, y compris à travers des poursuites judiciaires.

M. BERTINO MATIAS MATONDO, Représentant spécial de l’Union africaine et Chef du Bureau de l’Union africaine en République centrafricaine, s’est inquiété de la persistance de tensions politiques entre les principaux acteurs politiques et sociaux du pays, malgré les efforts déployés et la politique de main tendue.  Il a salué le dialogue de consensus qui a prévalu entre le Gouvernement et les partis d’opposition avant d’appeler les parties à maintenir les chances d’un dialogue inclusif lors des assises prévues en mars 2022 pour apporter des solutions concrètes et susciter la confiance.  Dans ce contexte, il s’est félicité de la reprise du dialogue républicain le 9 février 2022, après plus de trois mois de blocage.  Le Représentant spécial de l’Union africaine a aussi salué la contribution des plateformes religieuses, des organisations de la société civile, des femmes et des jeunes qui ne ménagent aucun effort et continuent de sensibiliser la population pour leur participation active au processus de dialogue et de paix.  Il a exhorté tous les partenaires de la République centrafricaine à apporter un soutien matériel et technique au processus de dialogue avant de juger déterminant la tenue des élections municipales en septembre 2022.  « Trois ans après la signature de l’Accord de paix du 6 février 2019 entre le Gouvernement et 14 groupes armés, nous avons continué à apporter un regard critique et constructif sur la mise en œuvre de cet Accord », a aussi insisté le Chef du Bureau de l’UA en RCA.  « Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu et d’arrêt des combats, le processus de désarmement, démobilisation et réintégration ne pourra être effectif », a prévenu le représentant de l’Union africaine, avant de s’inquiéter des menaces permanentes de groupes armés notamment dans le nord-ouest, le nord et le centre du pays et les activités criminelles transfrontalières.  Néanmoins, il a salué la contribution de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) à la mise en œuvre de la feuille de route de Luanda.

M. Matondo s’est dit particulièrement inquiet des conséquences des violences qui ont un impact négatif sur la population civile, citant les informations faisant état d’exactions contre les populations dans les régions ou sont actifs les groupes armés, avant de rappeler que 2,7 millions de civils sont privés de toute assistance humanitaire.  En conclusion, le haut fonctionnaire a estimé que le respect de la feuille de route de Luanda, le respect de la date du dialogue inclusif, la poursuite du processus de DDR, la promotion d’une meilleure coopération régionale dans les initiatives de paix, et la traduction en justice de tous les auteurs de violences sont autant de conditions au retour à la paix et à la stabilité. 

M. JOÃO SAMUEL CAHOLO, Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), a expliqué que les ramifications socioéconomiques et politiques négatives de la crise en RCA et leurs retombées régionales ont poussé la CIRGL à chercher une solution face à la détérioration de la situation politique et sécuritaire en RCA.  Elle a organisé trois mini sommets les 29 janvier, 20 avril et 16 septembre 2021.  Lors du troisième mini-sommet, les chefs d’État et de gouvernement de la CIRGL ont adopté une feuille de route conjointe pour la paix en RCA, appelant à un dialogue inclusif à l’appui de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et exhortant le Gouvernement à déclarer un cessez-le-feu.  À la suite de ce sommet, le 15 octobre 2021, le Président de la RCA, M. Faustin-Archange Touadéra, a déclaré une cessation unilatérale des combats contre les groupes armés, signalant l’engagement de son gouvernement à relancer le processus de paix et à promouvoir un dialogue pacifique à l’appui du processus de paix.  Des progrès graduels dans le contexte de l’atténuation des tensions politiques et civiles, du règlement de la crise humanitaire et de la prévention des violations des droits de l’homme continuent d’être observés, a noté M. Caholo, et, six mois après le cessez-le-feu, le Gouvernement de M. Touadéra continue d’adhérer à l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et à la mise en œuvre de la feuille de route.  Preuve de sa volonté d’inclusivité, le Gouvernement a créé un comité organisateur pour un dialogue républicain regroupant l’opposition politique, les groupes armés, les chefs religieux et la société civile.

Mais malheureusement, la mise en œuvre de l’Accord politique est confrontée à des défis dus à de nombreux facteurs interdépendants, dont certains échappent au contrôle du Gouvernement, a concédé le Secrétaire exécutif, citant notamment de multiples défis, dont certains d’ordre financier, ce qui affecte la mise en œuvre rapide des processus de démobilisation, désarmement, réintégration et rapatriement (DDRR), l’une des recommandations essentielles du troisième mini-sommet de la CIRGL.  Le Gouvernement a mis en place la structure politique et administrative nécessaire, notamment en nommant un ministre d’État chargé de la DDRR et un ministre de l’action humanitaire et de la réconciliation nationale, et officiellement désigné un Comité exécutif de suivi de la mise en œuvre de l’Accord.  Environ 4 205 éléments de groupes armés ont été identifiés pour bénéficier du Programme DDRR.  Cependant, en raison de l’espace budgétaire et des capacités institutionnelles limités, ce processus s’est ralenti, suscitant l’inquiétude parmi les bénéficiaires, a expliqué M. Caholo.

Passant au calendrier électoral annoncé par le Gouvernement pour organiser les premières élections municipales, régionales et sénatoriales le 11 septembre 2022, « les dernières remontant à 1988 », M. Caholo s’est dit préoccupé que le pays ne dispose pas de ressources suffisantes pour mener à bien des activités nécessaires à la tenue d’élections inclusives, crédibles et équitables, telles que l’inscription des électeurs et leur sensibilisation.  À l’heure actuelle, l’enregistrement des citoyens, y compris les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les réfugiés de retour et les jeunes adultes, n’a toujours pas débuté et le pays pourrait ne pas achever cette tâche d’ici au 30 avril 2022, à moins de parvenir à mobiliser 10 millions de dollars.  « C’est une recette pour la violence politique et électorale », a-t-il mis en garde, en évoquant le risque de résultats contestés en raison d’une préparation inadéquate.

En ce qui concerne la situation humanitaire, il a rappelé avec préoccupation qu’environ trois millions de personnes, soit 63% de la population, ont toujours besoin de protection et d’aide et qu’il y a environ 641 300 personnes déplacées à l’intérieur du pays.  En outre, les taux de chômage, en particulier chez les jeunes, et de pauvreté restent très élevés.  La situation sécuritaire en RCA est toujours instable, a poursuivi M. Caholo, expliquant que bien que le cessez-le-feu ait été signé, l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC) et les 3R (retour, réclamation et réhabilitation) continuent de perpétrer des exactions contre les populations civiles ainsi que des attaques contre les forces de défense et de sécurité.  La CIRGL a appelé à maintes reprises les dirigeants et groupes armés à respecter leurs engagements et condamné l’utilisation des mines antipersonnel, a tenu à préciser le haut fonctionnaire.

Compte tenu de cette situation, la CIRGL recommande de soutenir la capacité institutionnelle du Gouvernement de la RCA en fournissant un appui technique et des programmes de renforcement des capacités dans les domaines liés à la paix, à la sécurité et au renforcement des capacités des institutions gouvernementales.  Elle préconise aussi de fournir une assistance humanitaire aux personnes déplacées en RCA pour répondre aux besoins humanitaires croissants qui, à leur tour, sont un moteur des troubles dans le pays.  Il est également opportun que le Conseil de sécurité travaille avec le Gouvernement de la RCA pour poursuivre des réformes vigoureuses du secteur de la sécurité afin d’aider le pays à mieux relever les défis de sécurité complexes.  M. Caholo a également appelé les partenaires de la RCA à s’engager et soutenir l’Autorité électorale nationale en vue de pouvoir organiser des élections crédibles et équitables.

En outre, il a réitéré la demande du Président angolais João Manuel Lourenço Goncalves, qui préside en ce moment la CIRGL, pour que le Conseil de sécurité reconsidère l’embargo sur les armes qui continue d’empiéter sur la capacité des forces de sécurité à sauvegarder l’intégrité territoriale de la RCA et à rétablir et maintenir l’ordre public dans le pays.  « La stabilité politique et le développement économique ne peuvent être assurés qu’avec l’amélioration de la situation sécuritaire et humanitaire », a conclu M. Caholo.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a salué l’engagement de la République centrafricaine dans la recherche d’une solution durable au problème que posent les groupes armés.  La communauté internationale doit appliquer à ceux-ci les sanctions prévues par l’Accord de paix, a-t-il recommandé en précisant que la France a proposé au Conseil de sécurité de sanctionner Ali Darassa, en décembre dernier.  Le représentant a déclaré que la voie des armes choisie et les violations du cessez-le-feu par tous les protagonistes ne sont pas une solution durable et n’offrent pas de chemin pour un dialogue sincère.  C’est le sens de la feuille de route de Luanda, a dit M. de Rivière qui a appelé les autorités centrafricaines et les groupes armés à mettre en œuvre leurs engagements sans tarder.  « Le cessez-le-feu doit être appliqué. »

Pour le représentant, le retour à la paix passera par un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) efficace qui doit être mené dans la transparence, par les seules autorités centrafricaines et avec le soutien de la MINUSCA, de la région et de la communauté internationale.  La France est préoccupée par le recrutement de milices anti-balaka par les forces centrafricaines avec l’aide des mercenaires du Groupe Wagner, un processus parallèle et opaque qui porte les germes de nouvelles violences intercommunautaires, selon le délégué.  

Sur le plan politique, M. de Rivière a pris note de la reprise imminente du dialogue républicain en notant la volonté du Gouvernement et de l’opposition de faire preuve de compromis dans l’intérêt du pays.  Les élections locales de septembre doivent être organisées dans la concertation et dans le respect des libertés d’expression et d’information, a-t-il espéré en souhaitant que l’opposition non armée trouve un espace politique d’expression et de liberté sans crainte de représailles.  Le représentant a invité les autorités centrafricaines à accentuer leurs efforts dans la lutte contre l’impunité saluant le fait que 26 enquêtes soient en cours contre des auteurs d’attaques contre la MINUSCA, ainsi que le début des audiences publiques de la Cour pénale spéciale. 

Cette Cour doit pouvoir exécuter son mandat en toute indépendance, sans interférence politique, a demandé M. de Rivière dénonçant le fait que le Groupe Wagner ne fasse l’objet d’aucune poursuite alors que des mercenaires du Groupe auraient tué et exécuté plus d’une dizaine de civils à Aïgbando à la mi-janvier et auraient posé des mines autour du village pour empêcher la MINUSCA d’enquêter.  Ces violences sont systématiques et délibérées, elles participent d’une méthode qui vise à provoquer la terreur pour contrôler certains territoires et en tirer des profits, a accusé M. de Rivière qui s’est aussi inquiété des violences subies par certains éléments des FACA du fait du Groupe Wagner qui utilise en plus des brouilleurs pour empêcher la MINUSCA d’agir.  

M. de Rivière a appelé la RCA à poursuivre tous les auteurs de violences, quels qu’ils soient.  Il a conclu sur l’embargo sur les armes réitérant que les évolutions du régime de sanctions doivent s’inscrire dans une stratégie d’ensemble tenant compte des progrès politiques en République centrafricaine, des efforts régionaux et des avancées dans la réalisation des objectifs fixés par le Conseil en matière de contrôle des armements.

La France regrette que le Groupe d’experts, dont les travaux apportent un éclairage utile sur la situation du terrain, demeure bloqué par la Fédération de Russie.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a déploré l’augmentation de l’usage des mines antipersonnel, en dépit du cessez-le-feu déclaré par le Président Touadéra.  Il a plaidé pour l’adaptation du mandat de la MINUSCA pour qu’elle soit en mesure de faire face à la nouvelle donne.  En l’absence de justice pour les victimes, nous n’aurons jamais la paix, a prévenu le délégué en insistant sur le fait que la seule solution possible au conflit est une solution politique.  Au sujet du processus de dialogue républicain, il a souhaité qu’il soit inclusif et intègre les femmes du pays. 

Mme AMIERA AL HEFEITI (Émirats arabes unis) a mis l’accent sur trois objectifs pour désamorcer les tensions en République centrafricaine et mettre fin à la détérioration des conditions humanitaires et économiques.  Elle a d’abord plaidé pour un plein engagement en faveur du cessez-le-feu en regrettant que l’annonce du Président Faustin Touadéra d’un cessez-le-feu unilatéral en octobre 2021 n’ait pas été respectée, et que des groupes armés aient continué à lancer des attaques, aggravant la situation humanitaire et sécuritaire en RCA.  Elle a ensuite exhorté les parties à s’engager dans un dialogue politique solide et inclusif, pour permettre la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2019 et de la feuille de route de Luanda.  Elle a espéré que les efforts régionaux continueront d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord, notamment par la poursuite du dialogue entre les autorités de la RCA, de l’Angola et du Rwanda, en tant que garants de la feuille de route de Luanda de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). 

Mme Al Hefeiti a aussi souligné l’importance d’améliorer et de développer des politiques visant à protéger les civils, en particulier les enfants et les femmes, compte tenu de l’escalade alarmante de la violence, notamment les violences sexuelles et basées sur le genre.  Elle a d’ailleurs salué les efforts de la MINUSCA pour empêcher les violences sexuelles liées aux conflits.  Enfin, elle a condamné les attaques contre les personnels humanitaires et les Casques bleus avant de préciser que son pays continue de soutenir le Plan de réponse humanitaire 2021.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a constaté que le cessez-le-feu unilatéral annoncé par le Président Touadéra n’a pas produit les résultats escomptés: la situation sécuritaire en RCA s’est détériorée, avec de fréquentes informations faisant état de violations du cessez-le-feu, a-t-elle regretté, avant de souligner l’impératif pour tous les acteurs de respecter effectivement le cessez-le-feu et d’appeler le Gouvernement à accélérer la mise en œuvre de la feuille de route de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  Elle a souligné l’importance de faire de nouveaux progrès dans le dialogue républicain, se félicitant au passage du retour des membres de l’opposition au sein du comité d’organisation du dialogue républicain.  L’Albanie a souhaité que lors du dialogue prévu en mars prochain, toutes les parties parviennent à un accord tangible et inclusif.  Elle s’est dite encouragée à cet égard par les préparatifs des élections locales de septembre 2022, émettant l’espoir qu’elles soient crédibles et garantissent la participation égale des femmes et des jeunes.  Préoccupée par les violations persistantes des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par toutes les parties, la représentante a martelé que la responsabilité des actes criminels, indépendamment de quelle partie les commet, ne saurait être sacrifiée au nom de dispositions de sécurité et de l’application de la loi.  Elle s’est réjouie de voir que la Cour pénale spéciale soit devenue opérationnelle, appelant les autorités centrafricaines à ne ménager aucun effort pour traduire les responsables en justice.  Troublée également par les effets de l’instabilité sécuritaire sur le front humanitaire, elle a parlé d’actes de violence récurrents qui ont aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse où 3,1 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire et de protection.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’est exprimé au nom du Ghana, du Kenya et du Gabon (A3), a dit que la République centrafricaine se trouve à une phase charnière pour le rétablissement des fondements d’une paix et d’une stabilité durables pour lequel le Conseil doit maintenir un consensus, proposer des solutions réalistes et concrètes et formuler des plans politiques, sécuritaires et humanitaires qui soient à la hauteur des défis et de la détresse des populations centrafricaines.  Sur le plan politique, le représentant a salué l’annonce d’un dialogue politique en mars prochain et la tenue en septembre des élections locales.  Le Gouvernement a également pris la décision de surseoir aux poursuites judiciaires engagées à l’encontre de certains membres de l’opposition, a indiqué le représentant. 

Le dialogue républicain doit être inclusif et organisé dans un environnement apaisé où toutes les composantes de la société peuvent s’exprimer, a exhorté M. Biang, qui a demandé au Gouvernement de se réapproprier le processus politique afin de trouver des solutions compatibles avec les réalités du terrain et les aspirations des populations à une paix durable.  Il a réitéré que la solution militaire ne suffira pas à ramener la paix et la stabilité en Centrafrique.  Il faut selon lui tirer profit de la mobilisation internationale et saisir l’occasion du dialogue national ainsi que du processus de réconciliation.  Pour mettre un terme au cycle de violence, a-t-il dit, les élections municipales et régionales constituent une occasion pour raviver la flamme démocratique et susciter l’engouement et l’intérêt des populations à la dynamique politique.  Il a demandé aux partis politiques de s’impliquer davantage, d’œuvrer en faveur d’une participation effective des femmes et des jeunes à tous les processus électoraux. 

Sur le plan sécuritaire et humanitaire, la situation est préoccupante, a alerté M. Biang.  C’est une terrible équation de tenir les élections paisibles dans un environnement sécuritaire particulièrement volatile.  Une autre redoutable équation est de protéger les populations contre les exactions des groupes rebelles lourdement armés qui en font leur cible et s’attaquent régulièrement aux fournitures de base, a dit le représentant qui a condamné les attaques contre les civils, les Casques bleus et les travailleurs humanitaires.  Leurs auteurs doivent faire l’objet de poursuites judiciaires.  Il a salué la mise en place de la commission d’enquête nationale spéciale chargée de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  

Pour M. Biang, il est inacceptable de rester sans réagir face aux bandes armées.  Il a donc plaidé pour que soient coupées les sources d’approvisionnement de ces groupes.  Le groupe A3 estime aussi qu’un appui financier adéquat de la communauté internationale en faveur du programme de DDR et de rapatriement sera nécessaire de même que la levée de l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine.  Saluant les efforts de la MINUSCA, le groupe a souhaité un mandat plus robuste pour la Mission, le renforcement de ses effectifs et de ses capacités opérationnelles.  M. Biang a conclu en demandant plus de moyens financiers pour faire face aux urgences humanitaires en République centrafricaine. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a regretté que les combats se poursuivent et qu’un dialogue inclusif n’ait toujours pas pu commencer.  Si elle en a attribué la responsabilité aux rebelles, elle a estimé que le choix de ses partenaires par le Gouvernement affecte les chances de parvenir à une paix durable dans le pays.  La représentante a salué les efforts régionaux, en particulier ceux de l’Angola et du Rwanda, avant d’encourager tous les acteurs à œuvrer en faveur du dialogue républicain tant attendu, un dialogue qui doit inclure les femmes.  Mme Juul a souligné l’importance de la protection des civils pour éviter de nouveaux cycles de violence. 

La représentante s’est inquiétée des informations faisant état de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire, étant particulièrement scandalisée du fort taux de violence sexuelle et sexiste liée au conflit, de celle contre les enfants, de celle qui cible les minorités religieuses ainsi que des attaques contre le personnel humanitaire.  Elle en a accusé les groupes armés de la Coalition des patriotes pour le changement mais noté également que, selon les rapports donnés, les Forces armées centrafricaines (FACA) et leurs partenaires –le groupe russe Wagner– continuent à commettre de nombreuses violations et abus des droits de l’homme, ainsi que des violations du droit international humanitaire.  Elle a donc demandé aux autorités centrafricaines d’enquêter sur tous ces incidents et de tenir les auteurs pour responsables.  Elle s’est aussi inquiétée des tendances nouvelles au recrutement de mandataires d’anciens combattants contre les groupes armés et de l’utilisation d’engins explosifs.

Mme Juul s’est ensuite félicitée de la mise en œuvre par le Gouvernement de l’accord sur le statut des forces, mais s’est préoccupée des informations relatant des obstructions et des dénis d’accès à la MINUSCA par les FACA et le Groupe Wagner.  Il faut laisser la MINUSCA faire son travail, a-t-elle plaidé avant de s’inquiéter également de l’absence du Groupe d’experts sur la République centrafricaine, à cause du rejet des experts désignés par un État Membre.  Elle a espéré que le Secrétariat proposerait rapidement de nouveaux noms et que le Groupe d’experts pourrait reprendre son travail aussi vite que possible.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a mis l’accent sur trois aspects de la situation en RCA en citant respectivement l’action et la sécurité de la MINUSCA, la menace que représentent les forces du Groupe Wagner pour les droits humains et enfin les voies et moyens d’un règlement politique au conflit.  La représentante a d’abord condamné les attaques et campagnes de désinformation dont a été victime la MINUSCA, avant de saluer le travail de la Mission, qui a permis de repousser des groupes armés dans certaines régions.  « Nous devons traduire en justice ceux qui attaquent la MINUSCA », a insisté la représentante des États-Unis, avant d’exhorter le Groupe Wagner à cesser de faire obstacle aux travaux de la Mission.

Par ailleurs, elle a aussi fustigé la menace que représente pour les droits humains le Groupe Wagner avec le concours de forces de sécurité locales.  Elle a estimé que 40% des actes de violence documentés examinés lors de la dernière réunion sur la situation en RCA seraient le fait du Groupe Wagner.  Elle a cité 20 exécutions dont se seraient rendus responsables les forces du Groupe Wagner avant de demander au Gouvernement de la RCA de coopérer pleinement en enquêtant sur toutes les allégations de crimes odieux.  Elle s’est particulièrement inquiétée que les Forces armées centrafricaines (FACA) et celles du Groupe Wagner continuent de prendre pour cible les populations à majorité musulmane, ce qui est un risque majeur de déstabilisation du pays.

Enfin, s’agissant des voies et moyens d’un règlement politique au conflit, elle a estimé que ce règlement passait par une application pleine et entière de l’Accord de paix de 2019, la justice pour toutes les victimes et l’organisation d’un dialogue républicain représentatif.  En outre, elle a demandé au Gouvernement d’appliquer le cadre qui doit permettre la tenue des élections locales de septembre 2022 et la loi de décentralisation de 2020.   

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a espéré que la situation politique globale stable et la nomination du nouveau Premier Ministre faciliteront le processus de réforme et le dialogue national en République centrafricaine.  Il a jugé cruciales les élections locales prévues en septembre 2022 pour approfondir le processus démocratique en cours et a espéré que la législation nécessaire ouvrira bientôt la voie à ce processus.  La tenue du dialogue national sera également importante pour capitaliser sur les acquis du cessez-le-feu unilatéral, qui a été annoncé par le Président Touadéra en octobre 2021, a-t-il poursuivi.  Il a espéré que l’arrêt des poursuites contre les membres de l’opposition, décidé le 31 janvier, contribuera à accélérer le processus du dialogue national parce que la mise en œuvre de l’Accord politique de 2019 ne sera possible, selon l’Inde, que lorsque les six groupes signataires, y compris les factions du CPC s’engageront de bonne foi.  Dans ce contexte, le représentant a salué la tenue de la réunion du Comité exécutif et de suivi de l’Accord politique, le 14 février, et dit attendre avec intérêt le démarrage des travaux de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation.  Nous espérons qu’avec les progrès du dialogue national, la situation sécuritaire s’améliorera dans les prochains jours, a-t-il déclaré.

Notant que la mise en œuvre de l’accord sur le statut des forces s’est améliorée au cours des quatre derniers mois, le représentant y a vu un signe clair du renforcement de la coopération entre la MINUSCA et les autorités centrafricaines.  Il a toutefois dénoncé le fait que les Casques bleus soient toujours victimes d’attaques ciblées.  En conclusion, il a exhorté la direction de la Mission à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix.

Préoccupé par la situation sécuritaire, M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a dénoncé les groupes armés qui déstabilisent la République centrafricaine.  La violence sexuelle, le manque d’accès humanitaire et le recrutement d’enfants sont des réalités troublantes, a-t-il constaté, prenant note toutefois des récentes initiatives législatives et judiciaires pour s’attaquer à ces violations des droits de la personne.  S’agissant des pourparlers de paix, le représentant a souligné l’urgence de relancer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.  Il a ensuite regretté que le Comité des sanctions ne puisse malheureusement pas tirer parti des renseignements fournis par le Groupe d’experts.  Le Gouvernement devrait utiliser les ressources et l’expertise de la MINUSCA pour accélérer ce processus, a suggéré M. de Almeida Filho.  Puis il a appelé les parties prenantes à intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre la feuille de route conjointe pour la paix, élaborée par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  Le Brésil a enfin appelé de ses vœux un dialogue qui devrait conduire à une meilleure compréhension entre les acteurs politiques centrafricains. 

M. ECKERSLEY (Royaume-Uni) a dit craindre que la poursuite de la violence en RCA compromette la possibilité d’un dialogue politique inclusif.  Il a donc exhorté toutes les parties à respecter le cessez-le-feu comme une étape clef vers la paix.  Il a également salué le retour des partis d’opposition au dialogue républicain et a reconnu les immenses efforts régionaux pour suivre la feuille de route conjointe de Luanda, « un progrès positif ».  Selon le délégué, l’Accord politique reste le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité à long terme pour les citoyens de la RCA.  En ce qui concerne la situation humanitaire, il a déploré les niveaux élevés de déplacement et de violences sexuelles liées aux conflits répertoriés dans le rapport du Secrétaire général.  Le ciblage du personnel humanitaire et le refus d’accès humanitaire doivent cesser, a-t-il dit.  Malheureusement, a-t-il noté, les violations du droit international humanitaire et les violations et abus des droits humains par toutes les parties au conflit en RCA se poursuivent.  Le représentant du Royaume-Uni s’est dit particulièrement préoccupé par les meurtres indiscriminés de civils non armés et le ciblage des communautés peules et musulmanes par les FACA et le groupe de mercenaires russes Wagner, estimant que le Groupe Wagner joue un rôle déstabilisateur dans le pays et compromet le travail de la mission onusienne au détriment des citoyens centrafricains.  Il a appelé le Gouvernement à veiller à ce que tous les acteurs de la sécurité opérant dans le pays respectent les droits humanitaires, et que tous les auteurs de violations ou d’abus soient tenus responsables.

Le représentant a en outre évoqué les menaces à la sûreté et à la sécurité des Casques bleus.  Il a demandé de nouveau des éclaircissements concernant l’attaque contre un bus de la police des Nations Unies en novembre dernier, laquelle avait fait des victimes parmi les personnels des Nations Unies et un civil.  Il a également appelé à une enquête urgente sur le brouillage des signaux GPS de la MINUSCA et de ses communications par satellite.  Enfin, le délégué a souligné que l’embargo sur les armes existe pour empêcher que des armes tombent entre les mains de groupes armés et alimentent la violence.  Il ne vise pas à empêcher le Gouvernement d’obtenir l’équipement dont il a besoin dans le cadre de la réforme du secteur de la défense et de la sécurité, a-t-il expliqué.  

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a rappelé la pertinence de l’appel du Secrétaire général qui souhaite que toutes les parties s’engagent à mettre en place un cessez-le-feu et à entreprendre un véritable dialogue en faveur de la paix avec la pleine et entière participation des femmes, pour permettre un retour aux conditions de l’Accord politique de 2019.  Elle a estimé qu’une solution politique, fondée sur un dialogue national constructif et inclusif, représente une occasion de promouvoir la paix et la sécurité dans le pays.  Elle a salué le retour des dirigeants de l’opposition au comité d’organisation du dialogue républicain, et a exhorté tous les acteurs politiques en RCA à s’engager de manière constructive.

Elle a particulièrement condamné les attaques contre les acteurs humanitaires qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire alors que 3,1 millions de personnes, soit 63% de la population, ont besoin d’aide et de protection.  Elle a invité les autorités centrafricaines à mener des enquêtes sur les attaques menées contre le personnel humanitaire et les Casques bleus et de tout mettre en œuvre pour traduire les auteurs en justice.  Elle a exhorté tous les acteurs à travailler à créer un environnement propice à la tenue pacifique des élections locales avant la fin de l’année.  Dans ce contexte, elle a salué les efforts visant à promouvoir la pleine participation des femmes aux élections, en tant qu’électrices et candidates.

Notant que les sanctions sont un outil important, utilisées par ce Conseil pour soutenir la restauration de la paix et de la sécurité en RCA, la représentante a réitéré son soutien au Comité des sanctions 2127 et appelé à accélérer la désignation d’experts au Comité.  Rappelant que l’engagement de la région a fortement contribué aux efforts de restauration de la paix et de la sécurité en RCA, notamment le soutien aux efforts de médiation, elle a exhorté le Conseil à continuer à appuyer ces initiatives.

M. DAI BING (Chine) a noté que la situation en RCA s’améliore de manière générale, en citant notamment le fait que le dialogue républicain est sur le point de débuter et que les préparatifs électoraux sont en cours.  Il a appelé les parties à soutenir ces efforts et à imprimer un nouvel élan au cessez-le-feu.  Il a également encouragé la CIRGL à améliorer sa communication avec le Gouvernement sur la feuille de route pour la paix et la réconciliation.  Saluant les efforts considérables et fructueux du Gouvernement et des parties pour améliorer la situation sur le plan sécuritaire, le délégué a exhorté la communauté internationale à aider les forces armées nationales à se prémunir de la menace que représentent les groupes armés.  La MINUSCA, a-t-il ajouté, devrait aider le Gouvernement à étendre son contrôle sur tout le territoire et ses frontières.  Concrètement, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à lever l’embargo sur les armes dans les plus brefs délais pour permettre au Gouvernement de faire face aux défis sécuritaires du pays en ayant une armée bien équipée. 

Conscient de la situation humanitaire difficile en RCA, le représentant a exhorté la communauté internationale à fournir une aide financière de manière opportune pour aider le pays à redresser son économie et à améliorer la situation sur le plan humanitaire.  Il a ensuite rappelé les recommandations faites par la RCA lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité sur le mandat de la MINSUCA.  Il a dit que la Chine exhorte le Conseil de sécurité à être à l’écoute du pays et à prendre en considération ses préoccupations, tout en saluant les efforts de la Mission et du Gouvernement dans le contexte du statut sur les forces.

Pour Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie), la situation est stabilisée en République centrafricaine et la présence de l’État se renforce dans les différentes régions.  Les préparatifs des élections locales prévues pour cette année se poursuivent.  Le Président a déployé des efforts pour le dialogue et a garanti la mise en œuvre de la feuille de route pour actualiser l’Accord politique conclu le 6 février 2019, qui est le point de départ pour parvenir à la paix et à la sécurité dans le pays de façon pérenne.  La déléguée a souligné l’importance de la participation du Gouvernement centrafricain aux efforts de médiation régionale et internationale qui doivent inclure les priorités fixées par le Président Touadéra, dont le démantèlement des formations armées, la cessation des hostilités, la mise en œuvre des programmes de DDR, la réforme du secteur de sécurité, le renforcement du contrôle des frontières et la poursuite du processus de paix.

Malheureusement, a fait remarquer la représentante, la Coalition des patriotes pour le changement et d’autres groupes armés continuent de lancer des attaques et cherchent à s’emparer du pouvoir par la force.  Dès lors, il faut renforcer les capacités des autorités et améliorer la coordination entre les autorités de Bangui et les partenaires bilatéraux.  La Russie a souhaité que les modifications prévues à la tête de la MINUSCA aient une incidence positive sur les relations entre la Mission et le Gouvernement, afin d’améliorer leur relation.  Le nouveau chef de la Mission devra prendre en compte cette recommandation, a prévenu la représentante, en dénonçant l’embargo sur les armes et le régime de sanctions qui doivent être adaptés à la situation et assouplis en particulier concernant les mortiers de calibre 60mm et 82mm et les munitions conçues pour ces armes.  La déléguée a mis en garde ses « collègues du Conseil de sécurité » et leurs tentatives de discréditer et de décrédibiliser la présence russe en République centrafricaine et leurs campagnes hystériques.  Elle a déploré le fait que les évaluations des organisations régionales sont ignorées et que leur position sur la levée de l’embargo sur les armes n’est pas du tout prise en considération. 

La Ministre des affaires étrangères, de la Francophonie et des Centrafricains de l’étranger, Mme SYLVIE VALÉRIE BAIPO-TEMON, a rappelé quelques « mesures courageuses » prises par son gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de paix et de la feuille de route de Luanda.  Elle a cité la déclaration de cessez-le-feu du Président Touadéra, l’immunité conférée à certains leaders de l’opposition, la réévaluation du revenu minimum, la prolongation jusqu’en 2023 du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix, entre autres.  Elle a dit que le succès de telles mesures dépendra de la volonté de rester solidaire face aux ennemis de la paix que sont les groupes armés.  La Ministre a rappelé qu’à l’initiative du Gouvernement, un Comité de mise en œuvre de la feuille de route de Luanda s’est réuni à Bangui le 14 janvier, avec les partenaires de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).  Il s’agissait de mettre sur pied un comité technique d’experts pour assurer la mise en œuvre de la feuille de route qu’elle a appelé la communauté internationale à soutenir, notamment ses six objectifs thématiques.  Elle a aussi annoncé pour le mois prochain le début du dialogue républicain inclusif qu’elle a présenté comme un instrument de paix.  

Sur le plan sécuritaire, le Gouvernement s’est félicité de la baisse de l’insécurité dans la ville de Bangui et a souligné que la reconstitution des forces de défense et de sécurité se poursuit.  Les auteurs de violations des droits de l’homme sont poursuivis par le tribunal militaire quand il s’agit de forces de l’ordre, a-t-elle relevé.  Dans le même temps, les opérations de sécurisation des sites d’exploitation minière se poursuivent afin d’en reprendre le contrôle aux groupes armés.  Pour la Ministre, les autorités centrafricaines n’ont nullement fait le choix d’une approche militaire, mais elles ont décidé d’assurer la protection de la population et du territoire national.  La Ministre a dit que la population est lassée par le recours à la violence des groupes armés depuis des années, alors qu’ailleurs, les criminels sont traqués et font face à la justice.  Évoquant les préoccupations de la communauté internationale face aux attaques ciblant les soldats de la paix, elle a tenu à rappeler que des milliers de Centrafricains ont également perdu la vie au cours des dernières décennies.  Elle a donc appelé à ne point légitimer la violence des groupes armés. 

En matière de droits de l’homme, Mme Baipo-Temon a rappelé que la Cour pénale spéciale a pris fonction et sera accompagnée par des organes de contrôle et de la redevabilité comme celui fonctionnant au sein de l’armée.  Devant la récurrence des accusations de violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire, le Gouvernement a donné un caractère définitif aux activités du Comité national de suivi desdites violations.  Elle a néanmoins dit que son gouvernement continue de déplorer l’imprécision des rapports sur les violations des droits humains, appelant à des rapports plus exhaustifs et non variant « en fonction de raisons géopolitiques ».  Sur le sujet des violations des droits humains, elle a plaidé pour l’impunité zéro.  Elle s’est ainsi étonnée de voir qu’un contingent avait été prié de quitter la RCA pour des accusations non avérées alors qu’un autre qui faisait l’objet de 40 accusations n’a pas vu l’affaire prospérer en justice.

Elle a ensuite demandé une meilleure coordination du travail des partenaires du pays pour parvenir à la paix et au développement économique de la RCA.  La Cheffe de la diplomatie centrafricaine a précisé qu’il faut que tous ces partenaires soient animés de la même conviction afin que leur partenariat ne souffre d’aucune désinformation ou manipulation.  La Ministre a assuré que les questions relatives aux droits humains restent une préoccupation majeure de son gouvernement.  Elle a appelé tous les partenaires du pays à poursuivre leur appui en faveur d’une paix durable.  Enfin, évoquant l’embargo sur les armes qui frappe le pays, elle a appelé à dépasser des « sanctions inappropriées, arbitraires, inefficaces et injustes » qui frappent les forces armées nationales.

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