La Quatrième Commission donne le coup d’envoi des auditions de pétitionnaires de plusieurs territoires non autonomes inscrits à son ordre du jour
Cet après-midi, la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) a débuté les traditionnelles auditions de pétitionnaires venus faire entendre leurs voix au sujet de la Polynésie française, de Gibraltar et de la Nouvelle-Calédonie, 3 des 17 territoires non autonomes figurant sur la liste établie par l’ONU. Elle a également entendu les représentants de ces territoires. Cette année, ce ne sont pas moins de 200 pétitionnaires qui ont demandé à intervenir devant la Commission, un chiffre sans précédent.
C’est par la voix de son Ministre des infrastructures, M. René Moana Temeharo, que le Gouvernement de la Polynésie française est venu dire clairement que son pays n’est plus une colonie, puisqu’il dispose d’un statut d’autonomie ayant évolué à cinq reprises et de sa propre langue. Son autonomie, c’est la voie de son développement à travers un partenariat fort avec la France, a-t-il expliqué. Après avoir concédé que le Gouvernement a eu à faire des choix qui ont été mal vécus par la population pendant la pandémie, il y a vu la raison de l’élection des indépendantistes, un vote « sanction » qui selon lui ne change rien à l’attachement des Polynésiens à leur autonomie. Lors des prochaines élections, a estimé le Ministre, seuls les Polynésiens décideront de leur avenir, et ils ne se prononceront « ni à Paris, ni à New York », mais chez eux.
Accusée par plusieurs pétitionnaires d’être un « gouvernement fantoche », la France a été appelée à mettre fin à sa « politique de la chaise vide » au sein des instances internationales dès lors qu’il est question de la Polynésie française, bloquant ainsi son processus de décolonisation. Comme l’a dit le Vice-Président du parti Tavini Huiraatira, M. Antony Geros, neuf ans après la réinscription de la Polynésie française à l’ordre du jour de la Quatrième Commission, on attend toujours que la France « fasse preuve de grandeur » et ouvre enfin le dialogue en vue de l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Certains, comme Mme Ollivier, ont argué que « le colonialisme par consentement est tout de même du colonialisme » et qu’il n’est pas dans l’intérêt de son peuple que le processus de décolonisation soit retardé plus longtemps.
Outre les questions d’ordre politique, il a aussi été question du lourd héritage de la France imposé au peuple maohi, peuple « abandonné sur sa terre polluée ». En effet, le dossier des 193 essais nucléaires menés par la France entre 1966 et 1996 et de leur impact sur la santé et l’environnement des Polynésiens a occupé une place prédominante dans les débats. Comme l’a soutenu M. Pihaatae, le Président du Conseil œcuménique des Églises pour le Pacifique, la Polynésie française meurt silencieusement à cause des radiations des essais nucléaires français, avec plus de 30 000 personnes ayant succombé des cancers jusqu’à présent. Il s’agit d’une situation qui perdurera pour les générations futures; dès lors, comme l’a dit Mme Christelle Boosie, de l’Association 193, « comment ne pas penser que le peuple Maohi Nui n’a pas servi de cobaye, sacrifié au nom de la raison d’État? ». Plusieurs intervenants ont réclamé des réparations à la Puissance administrante.
Par ailleurs, M. Richard Tuheiva, de l’Assemblée de la Polynésie française, a rappelé que depuis la réinscription de la question de « Ma’ohi Nui/Polynésie française » sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU en 2013, des demandes répétées de la part des pétitionnaires ont été faites pour qu’un programme de travail au cas par cas soit lancé pour la Polynésie française, demande restée lettre morte à ce jour. Il a argué que cela entrave le processus de décolonisation relancé en mai 2013 et offre au gouvernement élu « accommodant », et à la Puissance administrante, la possibilité de plaider en silence –« dans les coulisses »– pour un « statu quo » qui ne correspond pas aux trois options adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies dans ses déclarations de décolonisation 1516 et 1541 en décembre 1960.
Le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, M. Louis Mapou, a quant à lui affirmé que, même si trois consultations référendaires avaient révélé que les deux grandes visions concurrentes de l’avenir subsistent, c’est un fait que son peuple aspire à assumer toutes ses responsabilités. Pour le Président calédonien, il ne fait aucun doute que l’avenir de son pays relève de la responsabilité de la République française et des forces politiques de la Nouvelle-Calédonie. De leur côté, les indépendantistes du FLNKS, s’exprimant par la voix de M. Wamytan du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ont qualifié de simulacre le dernier référendum en date.
La Commission a également entendu le Ministre principal de Gibraltar, M. Fabian Raymond Picardo, qui a plaidé en faveur de son retrait de la liste des territoires non autonomes des Nations Unies, en arguant que son peuple jouit « incontestablement » du droit inaliénable à l’autodétermination en vertu du droit international. Il a rappelé que le Royaume-Uni n’est pas à Gibraltar en tant que puissance « colonisatrice », mais bien à la demande « expresse » de son peuple. En réponse, le représentant de l’Espagne a retracé l’histoire de la cession « par la force » de Gibraltar à la Couronne britannique.
Par ailleurs, le Directeur exécutif de la Commission sur la décolonisation de Guam, M. Melvin B. Won Pat-Borja est venu souligner à la tribune de la Quatrième Commission les progrès réalisés en 2022 par son organisation sur la voie d’un référendum sur l’autodétermination du territoire. Il a toutefois indiqué que les demandes en ce sens auprès du Congrès des États-Unis sont restées lettre morte cette année encore, un refus qui démontre selon lui « que notre droit à l’autodétermination est nié ». Dès lors, le haut responsable a demandé à l’ONU d’aider l’île à atteindre l’autogouvernance, y compris économique, de façon pacifique.
EXAMEN DES POINTS RELATIFS À LA DÉCOLONISATIONDéclarations des représentantes et représentants des territoires non autonomes et des pétitionnaires
M. RENE MOANA TEMEHARO, Ministre des infrastructures de la Polynésie française, a soutenu que son pays n’est plus une colonie puisqu’il dispose d’un statut d’autonomie qui a évolué à cinq reprises et qu’il dispose de sa propre langue. Ce statut n’est pas figé et permet de s’adapter. Notre autonomie est la voie de notre développement à travers un partenariat fort avec la France, a-t-il déclaré, en soulignant le soutien de la France pendant la pandémie de COVID-19 pour venir soutenir les équipes médicales. Revenant sur l’exploitation des ressources naturelles, il a demandé un moratoire pour interdire toute exploitation des fonds marins et s’est dit favorable à l’acquisition des connaissances scientifiques des fonds marins, marquant ainsi l’autonomie de la Polynésie française dans ce domaine alors même qu’elle possède des réserves cobaltifères.
Sur le dossier nucléaire, le travail se poursuit en partenariat avec la France, a poursuivi le Ministre. La reconnaissance du fait nucléaire est désormais inscrite dans la Loi statutaire et la France a une obligation d’indemnisation et de réparation économiques et sociales. À ce jour, plus de 10 000 documents classés secret défense sont consultables par les Polynésiens. L’autonomie est plébiscitée par le peuple « même si tout n’est pas parfait », a expliqué le ministre. Il a concédé que le Gouvernement a eu à faire des choix mal vécus par la population pendant la pandémie, ce qui explique, selon lui, l’élection des indépendantistes, un vote « sanction » qui ne change rien selon lui à l’attachement des Polynésiens à leur autonomie. Seuls les Polynésiens décideront de leur avenir, a-t-il expliqué, et lors des prochaines élections le peuple se prononcera chez lui, ni à Paris, ni à New York.
M. YADAV (Vanuatu) a rappelé que depuis quelques années les pétitionnaires demandent un programme de travail pour la Polynésie française, or cela ne s’est pas encore fait. Il a donc demandé au Ministre les raisons de ce retard.
M. JAMES BAGWAN, Pacific Conference of Churches, a déclaré qu’à l’approche du dixième anniversaire de la réinscription par l’Assemblée générale de Ma’ohi Nui/Polynésie française en tant que territoire non autonome, le moment est venu d’entreprendre un véritable processus de décolonisation, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. Il a rappelé qu’en 1999, l’Assemblée avait chargé, dans sa résolution annuelle sur l’application de la Déclaration sur la décolonisation, le Comité spécial de la décolonisation (C24) d’élaborer un programme de travail constructif, au cas par cas, pour les territoires non autonomes. Il a jugé fort préoccupant que, 23 ans plus tard, il n’y ait toujours pas d’obligation de rendre compte de la mise en œuvre de ce mécanisme. Alors que les petits territoires insulaires constituent la plupart des territoires restant sur la liste de l’ONU depuis 1990, il a jugé « profondément décevant » que le système des Nations Unies n’ait toujours pas mis en œuvre cet élément essentiel de son mandat de décolonisation. Il incombe selon lui aux États Membres de veiller à la mise en œuvre des résolutions qu’ils adoptent. « Cette inactivité doit cesser maintenant », a insisté M. Bagwan.
M. RICHARD TUHEIVA, de l’Assemblée de la Polynésie française, a rappelé que depuis la réinscription de la question de Ma’ohi Nui/Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU en 2013, il y a eu des demandes répétées pour qu’un programme de travail au cas par cas soit lancé pour la Polynésie française. Cela fournirait aux États Membres des informations et des analyses précieuses sur la situation réelle sur le territoire, a-t-il estimé. Couplé à l’évaluation indépendante de l’autonomie déjà reconnue par l’Assemblée générale, ce programme de travail servirait à séparer les opinions des faits concernant la condition coloniale qui prévaut sur notre territoire, a-t-il déclaré en demandant que l’ONU assure un processus d’autodétermination impartial.
À cet égard, la Puissance administrante ne devrait pas disposer d’un droit de veto effectif sur la mise en œuvre du mandat de décolonisation, a estimé le pétitionnaire. Si cela est permis, la Puissance administrante continuera de court-circuiter le processus de décolonisation de notre territoire, en violation de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration sur la décolonisation, s’est-il indigné, en reprochant à la France de quitter son siège chaque fois que la question de la Polynésie française est examinée à l’ONU. À son avis, un programme de travail pour la Polynésie française peut être lancé avec ou sans la participation de la Puissance administrante, et constitue la meilleure voie à suivre pour entamer le processus d’autodétermination conduisant à une véritable décolonisation. La profonde préoccupation de M. Tuheiva, c’est que l’échec à lancer un tel programme de travail pour son territoire entrave le processus de décolonisation relancé en mai 2013 et offre au gouvernement élu accommodant, et à la Puissance administrante, la possibilité de plaider en silence –dans les coulisses– pour un « statu quo » qui ne correspond pas aux trois options adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies dans ses déclarations de décolonisation 1516 et 1541 en décembre 1960.
Mme HINAMOEURA CROSS, de la société civile, a évoqué son militantisme antinucléaire, une position difficile à tenir et à exprimer face à la puissance coloniale française. Elle a rendu hommage à la population maohie, qui fut le cobaye de 193 bombes nucléaires et la victime d’une politique d’asservissement, de propagande et de manipulation psychologique basée sur le mensonge d’État. Elle a également affirmé que les essais nucléaires français avaient entraîné la multiplication de maladies induites par les radiations, dont la leucémie qui l’affecte personnellement. À ce sujet, elle a parlé de lourd héritage de la France imposé au peuple maohi, peuple « abandonné sur notre terre polluée ».
M. FRANÇOIS PIHAATAE, qui s’exprimait au nom de toute la Communauté de l’Église protestante Mäòhi, en sa qualité de Président du Conseil œcuménique des Églises pour le Pacifique, a salué la salle dans sa propre langue, une façon d’affirmer que « nous sommes aussi une nation et que nous avons nous aussi une langue comme la vôtre, un don de Dieu ». La Polynésie française meurt silencieusement à cause des radiations des essais nucléaires français, a-t-il ensuite affirmé, en précisant que selon le dernier recensement, il y aurait plus de 30 000 personnes décédées des cancers. C’est une situation transgénérationnelle qui perdurera pour les générations futures, a-t-il mis en garde, en rappelant que d’après des recherches récentes menées par divers instituts compétents, l’ensemble de Mäòhi Nui/Polynésie française a été contaminé par les effets des essais nucléaires. La question qui lui vient à l’esprit est de savoir comment l’État français, et même les États membres de cette organisation, pourraient passer sous silence une telle injustice de « génocide silencieux » opéré contre son peuple par la Puissance administrante. C’est la raison pour laquelle, l’Église protestante Mäòhi, par la voix de son Synode, a pris la décision en 2016 d’intenter une action en justice internationale contre l’État français devant le Comité des droits de l’homme, à Genève, pour crimes contre l’humanité, a-t-il expliqué. Le dossier a été reçu par le Rapporteur spécial, fin octobre 2018, et les Polynésiens attendent toujours une réponse. Alarmé par la déclaration du Président Macron sur la zone maritime exclusive appartenant à la France, il a estimé que c’est dans le seul but de pouvoir poursuivre l’exploitation des ressources sous-marines, de cinq millions de kilomètres carrés appartenant au peuple Mäòhi (Polynésiens).
M. PHILIPPE NEUFFER, du Conseil d’éducation de l’Église protestante Ma’ohi, a remarqué que depuis la réinscription en 2013, le statut politique de la Polynésie française n’a pas changé malgré les changements cosmétiques apportés au soi-disant « statut d’autonomie » qui lui ont été imposés par la France et qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. Mais comme nous le savons, la réforme coloniale n’est pas synonyme de décolonisation, a-t-il souligné, en arguant que le territoire reste non autonome au sens où l’entend la Charte des Nations Unies. Les réformes internes imposées par la France en 1996 et 2004 n’ont tout simplement pas modifié le caractère colonial du statut politique du territoire, a argué le pétitionnaire. Le déficit démocratique existant et le déséquilibre flagrant du pouvoir dans la relation de statut politique avec la France renforcent cette réalité. Ceci est démontré également par l’autorité absolue continue des Français sur pratiquement toutes les compétences majeures, y compris le système judiciaire et éducatif, a-t-il relevé, en affirmant que le système éducatif en Ma’ohi Nui/Polynésie française est toujours sous contrôle colonial. À ce jour, la relation actuelle de « statu quo » entre notre territoire et la France révèle une compétence locale en matière d’éducation, déléguée aux élus locaux. Cependant, la Puissance administrante garde en fin de compte le contrôle sur l’enseignement public et privé à travers des programmes d’études imposés. Même avec ces faits clarifiés, les forces de légitimation coloniale « qui ont été installées » continuent, selon M. Neuffer, dans leurs vains efforts pour projeter l’illusion que Ma’ohi Nui/Polynésie française a connu une sorte d’évolution de l’autogouvernance dans le but de désactiver les revendications de « pleine autonomie ».
M. TIAREMAOHI TAIRUA, du Conseil des jeunes de l’Église protestante Ma’Ohi, composé de plus de 10 000 membres actifs sur l’ensemble du territoire de Ma’ohi Nui/Polynésie française, a exprimé leurs profondes préoccupations concernant le processus actuel de décolonisation entamé en mai 2013. Alors que l’Assemblée générale des Nations Unies a annuellement réaffirmé l’applicabilité de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration de décolonisation au territoire de Ma’ohi Nui/Polynésie française, le système élaboré de gouvernance de la dépendance en Polynésie française sous couvert d’une « autonomie » déficiente ne s’approche même pas d’une norme minimale reconnue d’autonomie. Le Gouvernement français lui-même reconnaît pleinement sur son site Internet que « la Polynésie française n’a pas d’autonomie politique, mais jouit (uniquement) d’une autonomie administrative, et est soumise à une législation française (unilatérale) spécifique », a souligné le pétitionnaire. Le gouvernement colonial accommodant a régulièrement critiqué l’évaluation indépendante de l’autonomie gouvernementale sur le territoire, pourtant les conclusions de cette évaluation de 2012 ont été approuvées par l’Assemblée générale des Nations Unies dans ses résolutions successives sur la Polynésie française, en tant que contribution de fond importante à l’examen de l’aménagement colonial actuel du territoire, a-t-il précisé. Il serait peut-être plus approprié pour le gouvernement local élu du territoire de tenir compte des résultats de cette analyse car elle a révélé la réalité de l’arrangement colonial en jeu sur le territoire, s’est-il emporté, car à défaut, le gouvernement actuel risque de continuer dans son état de confusion sur ces questions fondamentales qui ne pourront être corrigées qu’en s’engageant dans un véritable processus d’autodétermination.
M. TEVAEARAI PUARAI, de l’Association Moruroa E Tatou, qui s’occupe des droits des vétérans des deux sites nucléaires français MORUROA et FANGATAUFA sur le territoire polynésien et des victimes actuelles des essais nucléaires français depuis 2001, a souligné que de nouvelles informations découvertes grâce à la déclassification et à une analyse indépendante ont révélé un impact bien plus important sur la santé du peuple polynésien que ce qui est indiqué dans les rapports de l’ONU à ce jour. Au premier rang de ces analyses indépendantes se trouve le rapport « Toxic » réalisé en 2021 qui confirme de manière factuelle et indépendante toutes les conséquences que le peuple continue d’endurer dans sa chair et dans son âme. Il a appelé à l’inclusion de cette analyse récente des impacts des essais nucléaires pour qu’elle soit reflétée dans un nouveau rapport du Secrétaire général « qui est attendu depuis longtemps depuis son dernier rapport en 2016 ». Notant qu’il existe maintenant un traité international pour interdire l’utilisation des armes nucléaires, il a tenu à rappeler qu’il y a beaucoup de gens qui paient encore le prix des effets des essais qui ont été effectués il y a des décennies dans son pays. Le dossier historique montrera que les essais nucléaires français étaient le résultat direct de la colonisation, et qu’ils ont été imposés au peuple sous la menace d’un régime militaire s’il refusait. La poursuite du colonialisme a limité les efforts qui pourraient être déployés contre une Puissance administrante dominante qui n’a pas encore été tenue responsable par l’ONU pour ses crimes contre l’humanité, a fustigé en conclusion le pétitionnaire.
Mme SANDRINE TUPAI TURQUEM, première femme pilote polynésienne « d’une compagnie polynésienne », a raconté que sa famille avait enduré « l’ère atomique », subissant les contaminations radioactives consécutives aux essais nucléaires français. Elle a en outre dit appuyer les femmes qui célèbrent le mois « octobre rose » en faveur des malades du cancer du sein dans le territoire. Elle a ensuite plaidé pour l’instauration d’un moratoire sur l’exploitation des ressources des fonds marins, « qui sont la propriété de la seule population polynésienne autochtone ». Le Gouvernement français, qui pratique la politique de la chaise vide, doit reprendre le contact avec nous dans le cadre de l’ONU et de son programme de décolonisation, a-t-elle conclu.
Mme MARYSE OLLIVIER, Pharmacie Tautiare, Tahiti, a déclaré que « le colonialisme par consentement est tout de même du colonialisme ». Il n’est pas dans l’intérêt de notre peuple que le processus de décolonisation soit retardé plus longtemps, a estimé la pétitionnaire, en ajoutant le système des Nations Unies devrait se concentrer sur la mise en œuvre des actions demandées par les résolutions de l’Assemblée générale concernant les droits humains en Polynésie française afin de concrétiser un véritable processus d’autodétermination menant à la pleine autonomie, plutôt qu’à l’illusion actuelle d’autonomie. L’Assemblée générale n’a jamais cessé d’affirmer que la Polynésie reste un territoire non autonome, a-t-elle noté. La violation de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies par la France, qui refuse de coopérer avec notre pays, ne peut plus être utilisée comme excuse pour ne pas appliquer le mandat. Nous avons été victimes de 193 bombes nucléaires dans le Pacifique, loin de la France, lesquelles ont causé des catastrophes sanitaires pour des siècles à venir, s’est insurgée Mme Ollivier. « Nous ne sommes pas des enfants de la France et notre pays n’est pas lié à la France », a-t-elle ajouté en conclusion.
Mme CHRISTELLE BOOSIE, Association 193, a rappelé que 193 essais nucléaires ont été réalisés par la France en Polynésie française de 1966 à 1996, soit l’équivalent de 800 bombes d’Hiroshima. Sur une population de 280 000 habitants, 800 nouveaux cas de cancer sont détectés chaque année depuis des décennies. Elle a dénoncé l’héritage empoisonné de la colonisation française, système politique qui a permis le fait nucléaire en Polynésie. Comment ne pas penser que le peuple Maohi Nui n’a pas servi de cobaye, sacrifié au nom de la raison d’État, s’est-elle demandé. L’État verrouille l’indemnisation en imposant des seuils au-delà desquels la France se défausse vis-à-vis de milliers de malades et de morts. Plus de 55 000 Polynésiens ont signé une pétition pour faire la lumière sur cet aspect sombre de notre pays, avec l’appui de la Communauté internationale, a-t-elle noté.
M. OSCAR TEMARU, maire de la ville de Faa’a et ancien Président de la Polynésie française, a rappelé que depuis 2013, la France a tenté de retirer la Polynésie française de la liste onusienne des territoires non autonomes. Depuis 2018, et sa communication devant la Cour pénale internationale de La Haye, M. Temaru a expliqué avoir été licencié et déchu, par un tribunal administratif français, de son mandat de représentant au sein de l’Assemblée de la Polynésie française. En 2021, ses avoirs personnels et ses comptes ont été gelés par un procureur français. La ville de Faa’a, dont il est maire depuis des décennies, a été victime de multiples et incessantes tracasseries administratives et actions en justice discriminatoires alors que ses enfants et sa famille ont été stigmatisés et qu’il a fait l’objet de pressions juridiques, administratives et financières très offensives. Reprochant à la Puissance administrante de pratiquer la « politique du siège vide depuis 2013, l’édile a exhorté la France à donner suite au rapport tant attendu sur les conséquences environnementales, économiques et sanitaires des 193 essais nucléaires menés entre 1966 et 1996 et de reprendre sa participation aux travaux du C24 et de la Quatrième Commission. Il n’y a pas de véritable démocratie dans un territoire où la démocratie est gérée par un autre pays, a conclu M. Temaru.
M. ANTONY GEROS, Vice-Président du parti Tavini Huiraatira, a regretté que neuf ans après la réinscription de la Polynésie française à l’ordre du jour de la Quatrième Commission, on attende toujours que la France fasse preuve de grandeur et ouvre enfin le dialogue sur la décolonisation des Maohi Nui/Polynésie française en vue de l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Au lieu de cela, elle a mandaté le président « fantoche » de Maohi Nui/Polynésie française pour venir expliquer à l’ONU que les Polynésiens de Polynésie veulent rester français. Si cette affirmation était en partie exacte jusqu’en 2021, il n’en demeure pas moins que depuis le 18 juin 2022, le parti Tavini Huiraatira qu’il représente a brillamment remporté les trois sièges de député permettant à Maohi Nui/Polynésie française d’être représenté à l’Assemblée nationale de la République française.
Alors aujourd’hui, c’est fort de cette victoire démocratique que M. Geros a demandé à la France de ne plus pratiquer la politique de la chaise vide et d’engager immédiatement le dialogue sur la décolonisation de Maohi Nui/Polynésie française et la formalisation d’un véritable programme de travail. Cela lui semble être l’approche la plus efficace pour lancer le processus d’autodétermination plutôt que la version du « colonialisme bienveillant » que le gouvernement fantoche de Ma’ohi Nui/Polynésie française propose de légitimer. Les grandes lignes de ce programme se décomposent en cinq étapes et doivent nous conduire à un véritable acte d’autodétermination qui prévoirait le choix d’un statut politique légitime et la pleine autonomie, a affirmé le pétitionnaire. C’est sous l’égide de l’ONU que ce processus doit être mené afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts au profit de la Puissance administrante, a-t-il souhaité.
Mme VALENTINA CROSS, de la ville tahitienne de Teva I Uta, a souligné le caractère illégitime du système électoral imposé à la Polynésie par la France, et qui est conçu pour fonctionner au détriment des autonomistes. Ce système produit un véritable déficit démocratique qui maintient au pouvoir des gens qui excluent de la prise de décision les indépendantistes et partisans de l’autodétermination, a-t-elle accusé. Elle a invité la France à reprendre des contacts avec le Comité spécial et la Quatrième Commission, comme l’y invitent les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.
Mme CHANTAL GALENON, du « Committee of Education of the Assembly of French Polynesia », a qualifié de « frauduleux » ce même système électoral, qui devrait être aboli en raison de son caractère non démocratique. Il devrait exister un système électoral juste, et non manipulé aux fins d’arrangements coloniaux destinés à freiner les forces qui aspirent à l’indépendance et à la liberté, a-t-elle dit. Notre peuple ne souhaite en rien rester une colonie française, a-t-elle assuré, appelant à la tenue d’un référendum non biaisé, et organisé sous l’égide de l’autorité neutre des Nations Unies.
M. MICHEL VILLAR, Groupe Tavini, a exhorté la Commission à user de toute son influence et à prendre des mesures pour briser la « politique du siège vide » que la France pratique depuis que la question de la Polynésie française figure à son ordre du jour. C’est une politique que la France pratique depuis 2013, a-t-il soutenu, lorsqu’une résolution des Nations Unies a réinscrit la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU. La position de la France est un déni du droit international et une violation de toutes les résolutions adoptées sur la question depuis 2013, a insisté le pétitionnaire.
M. OPAHI BUILLARD, Association TERIIEHINA a TAURAA, a déclaré que l’absence de représentants de la France lors de l’examen par la Commission de la question de la Polynésie française confirme clairement que les ressources naturelles de ce territoire lui appartiennent. Il a ajouté que leur détournement par la France constitue une violation du droit international.
M. ANDRE STANLEY CROSS, Ordre des avocats de Papete, a fustigé un cadre juridique français qui n’a jamais pu tenir compte de la diversité culturelle du peuple polynésien. Il s’est étonné que la justice française n’ait pu, depuis 11 ans condamner un responsable politique accusé de graves crimes alors qu’Oscar Temaru, dirigeant indépendantiste, a été tué politiquement en quelques mois. M. Cross a ajouté que ces manipulations n’ont pas empêché l’élection de trois députés indépendantistes en juin 2022.
M. STEVE CHAILLOUX, député de l’Assemblée nationale, a souhaité que les ressources polynésiennes soient utilisées pour fonder un nouveau modèle de société polynésienne au lieu d’être transférées en France. « La France continue de contrôler les ressources polynésiennes en violation du droit international et du droit fondamental à l’autodétermination », a insisté le député avant de regretter la présence d’une base militaire et navale française en Polynésie. Il a aussi rappelé que les essais nucléaires effectués en Polynésie ont constitué une violation des droits de la population locale de décider de son avenir. Il a dénoncé un modèle d’exploitation économique exclusif dont les profits iraient à la France tandis que la détérioration des ressources naturelles serait exclusivement assumée par les Polynésiens. Neuf ans après l’inscription de la Polynésie sur la liste du Comité de décolonisation, M. Chailloux a exhorté la France à relancer immédiatement le dialogue sur la décolonisation.
M. TEMATAI LEGAYIC, député à l'Assemblée nationale française, a évoqué les peines et humiliations subies par ses aïeux, certains ayant été battus pour avoir parlé dans « leur langue ». Il a fustigé le système colonial pour avoir rendu « muette » toute une génération, forcée d’intégrer un sentiment d’infériorité. Il a assuré la Commission que les siens n’ont qu’un désir, en finir avec l’héritage colonial et ses manifestations modernes. Nous voulons être en mesure de traiter avec l’État français sur un pied d’égalité, afin que soit réalisée notre aspiration profonde à rejoindre l’assemblée des nations souveraines, a-t-il encore dit. Il a appelé la France à « entendre le peuple maohi », demandant que soit lancé un processus démocratique sous l’égide des Nations Unies.
M. FABIAN RAYMOND PICARDO, Ministre principal de Gibraltar, a déclaré que le peuple de Gibraltar jouit « incontestablement » du droit inaliénable à l’autodétermination en vertu du droit international. Conformément à celui-ci, notre décolonisation doit se réaliser exclusivement par l’application du principe d’autodétermination, a-t-il argué, conformément à nos souhaits et aspirations en tant que peuple. Dans cet exercice, il n’y a aucun rôle pour une partie autre que les Nations Unies, la Puissance administrante, le Royaume-Uni, et nous, le peuple du territoire non autonome. Malgré de nombreuses invitations à visiter Gibraltar, le Comité spécial de la décolonisation ne l’a jamais fait. Si le Comité ne souhaite pas en savoir plus sur le peuple de Gibraltar, pourquoi devrait-il, ou cette Commission prétendre que notre décolonisation devrait être soutenue par autre chose que notre droit inaliénable à l’autodétermination? s’est-il demandé.
La Puissance administrante s’est engagée à plusieurs reprises à ne jamais « conclure d’accords en vertu desquels le peuple de Gibraltar passerait sous la souveraineté d’un autre État contre sa volonté librement et démocratiquement exprimée », a rappelé le Ministre principal. Cet engagement, a poursuivi M. Picardo, n’est pas seulement politique, il est également juridiquement contraignant, énoncé dans le préambule de la Constitution de Gibraltar de 2006. « Cette commission doit comprendre qu’en adoptant cette position, le Royaume-Uni défend nos droits en vertu du droit international de décider de notre avenir, sur notre terre et dans notre foyer », a martelé le Ministre principal. À ses yeux, le Royaume-Uni soutient à la fois le travail de la Commission et notre droit à l’autodétermination.
Le Royaume-Uni n’est pas à Gibraltar en tant que puissance « colonisatrice » mais bien à la demande « expresse » du peuple de Gibraltar, a insisté M. Picardo. Il a donc demandé à la Commission de retirer Gibraltar de la liste des territoires non autonomes. À la suite du Brexit, nous cherchons toujours à régler notre future relation avec l’Union européenne, notamment au moyen d’un nouveau traité qui supprimerait les obstacles à la mobilité des personnes et des biens. « Imaginez si l’énergie et les ressources que l’Espagne, le Royaume-Uni et Gibraltar consacrent à se disputer devant vous et les uns avec les autres étaient canalisées, au contraire, pour travailler ensemble », a déclaré M. Picardo. Dès lors qu’il s’agit de nos droits politiques, de notre décolonisation, de nos relations avec nos voisins, de nos relations futures avec l’Union européenne, le peuple de Gibraltar déterminera l’avenir de Gibraltar, a-t-il conclu.
En réponse, M. SANTOS MARAVER (Espagne) a retracé l’histoire de la cession par la force de Gibraltar à la Couronne britannique. Différentes résolutions ont été adoptées par les Nations Unies depuis afin d’accélérer la décolonisation de Gibraltar, a-t-il noté. L’Espagne comprend que les négociations en vue de la décolonisation de Gibraltar ne peuvent avoir lieu que dans le plein respect du droit international et de la doctrine établie par les Nations Unies, que le Royaume-Uni ignore. Il a condamné la présence militaire britannique à Gibraltar, contraire selon lui à la doctrine de l’Assemblée générale. L’Espagne souhaite en outre que la population de Gibraltar soit prise en considération, tout en notant qu’elle s’est opposée au Brexit. L’Espagne et le Royaume-Uni sont parvenus en 2020 à un accord qui devrait servir de base à un accord avec l’Union européenne, a-t-il ajouté. Cet accord ne doit toutefois pas permettre une modification de la position de l’Espagne sur Gibraltar, a prévenu le représentant.
M. RICHARD BUTTIGIEG, Groupe pour l’Autodétermination de Gibraltar , a rappelé que 75% des 12 237 personnes qui ont participé au référendum de 1967 ont exprimé leur vœu de rester sous souveraineté britannique en pleine connaissance de cause. Il a expliqué que l’Espagne a mal réagi à l’annonce de ce référendum en fermant la seule frontière terrestre et en se livrant à un véritable blocus économique de Gibraltar. Mais, selon lui, cette période difficile a permis à la population de renforcer son identité locale et sa volonté de façonner un avenir en luttant pour son autodétermination.
M. MELVIN B. WON PAT-BORJA, Directeur exécutif de la Commission sur la décolonisation de Guam, qui s’est exprimé au nom du Gouverneur de Guam, a souligné les progrès réalisés en 2022 par son organisation sur la voie d’un référendum sur l’autodétermination du territoire, une initiative que la Commission s’efforce de faire connaître sous tous les aspects auprès des jeunes et au sein des communautés. Il a mentionné les efforts menés par la Commission en matière d’éducation à la décolonisation dans les écoles et d’organisation d’événements culturels dans des musées et des salles de spectacle. L’intervenant a demandé à la Quatrième Commission de mentionner ces initiatives dans les projets de résolution sur Guam qui seront présentés pendant la session. Par ailleurs, il a indiqué que les demandes de référendum auprès du Congrès des États-Unis sont restées lettre morte cette année encore, un refus qui démontre selon lui « que notre droit à l’autodétermination est dénié ». Il a demandé à l’ONU d’aider Guam à intégrer le cercle des nations indépendantes afin que l’île soit en mesure de contribuer à la lutte contre les changements climatiques ou encore à la préservation des cultures autochtones. L’ONU doit nous aider à atteindre l’autogouvernance, y compris économique, de façon pacifique, a-t-il répété, attirant l’attention sur les conséquences délétères pour la santé des habitants de Guam et l’équilibre des écosystèmes du territoire, de la militarisation américaine continue de l’île.
Le représentant du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, M. LOUIS MAPOU, a rappelé que le peuple de Nouvelle-Calédonie, composé de son peuple autochtone, le peuple kanak et de toutes ses communautés qui y sont enracinées, chemine depuis 30 ans pour donner forme au socle de son appartenance identitaire, émancipée des séquelles du processus de colonisation. Ce processus inédit dans l’histoire de la République française a conduit à une responsabilisation partagée et progressive depuis 1998, permettant à la Nouvelle-Calédonie de s’assumer en 2022 à un niveau jamais atteint dans son histoire. Les progrès obtenus questionnent désormais la capacité des deux acteurs à trouver à court terme les solutions pour répondre à la demande croissante de disposer de plus de responsabilités. Alors que la Nouvelle-Calédonie prend sa place dans le concert des pays du Pacifique et qu’elle est invitée par les États-Unis d’Amérique, aux côtés des autres membres du Forum des îles du Pacifique, à échanger sur l’avenir de notre région, M. Mapou a rappelé qu’il y eut la troisième consultation, boycottée par les indépendantistes et le « peuple premier », et qu’elle a enregistré une participation de seulement 43% de la population. Si les autorités françaises l’ont jugé légale, sa crédibilité et sa légitimité n’en demeurent pas moins entachées, comme l’ONU et le FIP l’ont noté. Et même si les trois consultations référendaires ont révélé que les deux grandes visions de l’avenir subsistent, c’est un fait que la Nouvelle-Calédonie aspire à assumer toutes ses responsabilités, a tranché le représentant.
L’année 2022 est une année de transition pour poser les jalons des réformes structurelles nécessaires au développement du pays à long terme, l’objectif étant de redonner confiance au peuple de Nouvelle-Calédonie, de le mettre en capacité d’assumer sereinement, et en pleine connaissance des enjeux, les choix à faire sur l’avenir de son pays après 2024, a expliqué M. Mapou. Quatre grands chantiers sont menés dans ce sens. Le premier est celui de l’affermissement d’une identité calédonienne sur le socle de l’appartenance de chacun des citoyens du pays à la terre de Nouvelle-Calédonie. Le deuxième chantier est celui de la lutte contre toutes les vulnérabilités contemporaines notamment celles liées aux changements climatiques. Le troisième chantier est celui d’une consolidation de notre système institutionnel, qui, en 30 ans, a largement contribué à maintenir une stabilité interne, et le quatrième chantier concerne le statut international actuel de la Nouvelle-Calédonie. Le représentant a estimé que cette trajectoire politique traduit à de nombreux égards une forme de réussite de l’Accord de Nouméa, et une grande maturité des hommes et des femmes de Nouvelle-Calédonie.
Il a fait valoir que l’avenir de son pays relève de la responsabilité de la République française et des forces politiques de la Nouvelle-Calédonie. Ces discussions sont importantes tout autant que délicates. Dans un schéma d’avenir, elles ne peuvent se concevoir que dans la logique et la continuité du long cheminement historique, dont l’Accord de Nouméa est la dernière séquence, au risque de susciter des difficultés, a expliqué le représentant. Ainsi, la redéfinition d’un nouveau champ d’exercice de la souveraineté entre la Nouvelle-Calédonie et la République française est l’ultime dénouement. La France doit promouvoir cette nouvelle étape qui acterait le caractère mature de l’exercice de la responsabilité par les Calédoniens eux-mêmes et leur volonté de s’assumer pleinement. Différents schémas de transition existent, et pourraient être accompagnés par tous les acteurs, dont l’ONU et le Forum des îles Pacifique, a ajouté M. Mapou.
Mme NAÏA WATEOU, qui parlait au nom des formations politiques non-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, a expliqué que la situation calédonienne aujourd’hui, et après trente années de processus de décolonisation sous la rigoureuse supervision des Nations Unies, est la suivante: par trois fois, il a été demandé aux Calédoniens s’ils souhaitaient acquérir la pleine souveraineté et accéder à l’indépendance. Par trois fois, ils se sont exprimés de manière libre, éclairée et souveraine, dans des conditions permettant un vote dont le fonctionnement démocratique n’a jamais été remis en question. Par trois fois, les Calédoniens ont exprimé leur rejet du projet porté par le FLNKS et leur volonté farouche d’inscrire définitivement leur avenir au sein de la République française, a-t-elle insisté. Il y a plus de trente ans, la Nouvelle-Calédonie s’engageait sur le chemin exemplaire d’une autodétermination pacifique, régie par le droit international, mais surtout motivé par l’impérieuse volonté des Calédoniens de trouver la voie du Destin Commun, a-t-elle martelé. Alors que les Calédoniens s’inscrivent résolument au sein d’une Nouvelle-Calédonie dans la République Française, deux provinces sur trois sont dirigées par des formations indépendantistes, de même que le Congrès et le Gouvernement de la Nouvelle Calédonie, a-t-elle rappelé. La stratégie politique qui est engagée au sein de ces institutions n’a pour unique ambition que d’amener la Nouvelle-Calédonie vers la Kanaky. Quand les Calédoniens s’inscrivent résolument au sein d’une Nouvelle-Calédonie dans la République Française, les indépendantistes exigent des bilatérales avec l’État français pour acter le transfert des compétences régaliennes et donc l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Quand certains observateurs estiment que l’avis de l’ONU n’est plus suffisant pour cautionner le processus exemplaire d’autodétermination, c’est au Forum des Îles du Pacifique qu’il est demandé de se positionner sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Mme Wateou a donc demandé à la Commission ce que peuvent bien penser cette majorité de Calédoniens, sinon que leur voix n’est pas entendue, que leur volonté n’est pas respectée, où tout du moins qu’ils comptent moins que d’autres! Elle a conclu en rappelant que d’après la résolution 1541, il existe bien trois solutions possibles pour un territoire non autonome pour s’émanciper: acquérir son indépendance; s’associer librement avec un État tiers; ou demeurer dans l’État dans lequel il se trouve déjà. C’est la troisième solution que les Calédoniens ont choisi de manière libre, éclairée et souveraine. Aujourd’hui, les Calédoniens souhaitent passer à autre chose et parler d’avenir, a assuré l’intervenante.
M. RENALDO BOURGEOIS, représentant des jeunes calédoniens, a expliqué que les différentes interrogations relatives à l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie étaient éminemment importantes pour leurs parents. Pour eux, les jeunes, la situation est différente. Par trois fois, les Calédoniens ont exprimé leur attachement profond à la France, a-t-il souligné arguant que leur avenir n’est plus ponctué d’un point d’interrogation et de questions en suspense. Cette histoire commune, entre la Nouvelle-Calédonie et la France, est la clef d’un projet de société qui trouve racine dans l’inclusion et la conviction que nous avons tous notre place dans la maison calédonienne, a-t-il affirmé. Il est désormais temps de nous témoigner des signes de confiance et d’espoir. La confiance que notre avenir sera serein et ne sera plus troublé par une série de consultations qui viendraient conditionner ou remettre en question notre présent et notre avenir, a-t-il souhaité, l’espoir que les jeunes puissent enfin oser le rêve calédonien.
M. ROCH WAMYTAN, Congrès de la Nouvelle-Calédonie, a rappelé que le Mouvement de libération du peuple Kanak s’est engagé, en 1998, en faveur d’un processus de décolonisation caractérisé par l’organisation de trois référendums. Or, le peuple a refusé de participer au référendum de 2021 en raison de la pandémie de COVID-19 et de l’impossibilité de réaliser une consultation dans les règles. Le référendum a tout de même eu lieu, au mépris des traditions du peuple kanak, et en dépit d’un taux d’absentéisme de 56%. Il s’agit d’un simulacre de référendum, qui devait clore un chapitre de la colonisation, volé par l’État français qui est sorti de son principe de neutralité, s’est insurgé M. Wamytan. La mouvance indépendantiste doit donc se tourner une fois de plus vers l’ONU pour faire valoir son droit à l’autodétermination et à la souveraineté, a-t-il conclu.
Droits de réponse
Le représentant du Royaume-Uni a défendu l’identité britannique historique de Gibraltar qui n’a jamais été une colonie selon lui.
Le représentant de l’Espagne a noté que la cession du rocher de Gibraltar s’est faite après une conquête militaire suivie par l’installation de colons britanniques. Le Traité d’Utrecht, a-t-il dit, ne s’applique pas et ces eaux relèvent de la souveraineté espagnole.