La Commission de consolidation de la paix appelle à renforcer la coopération avec les institutions financières internationales et régionales
La Commission de consolidation de la paix (CCP) a appelé au renforcement du partenariat stratégique entre l’ONU et les institutions financières internationales et régionales afin de favoriser la consolidation de la paix, ce matin, à l’occasion de sa session annuelle qui se tenait sur le thème « Partenariats avec des institutions financières régionales ».
Comme plusieurs intervenants à sa suite, le Président de la Commission, M. Muhammad Abdul Muhith du Bangladesh, a souligné d’emblée l’importance cruciale de renforcer ce partenariat sur le terrain. À cette fin, a-t-il rappelé, l’Assemblée générale a adopté, en septembre dernier, la résolution 76/305 relative au financement de la consolidation de la paix, qui reconnaît le rôle de ces institutions dans ce domaine.
Compte tenu de leurs orientations locales et régionales, les banques régionales de développement sont dans une position unique pour favoriser le développement et réduire les risques multidimensionnels. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), avec lesquels la CCP entretient un partenariat de longue date dans le cadre de leurs stratégies respectives sur la fragilité, les conflits et la violence (FCV), ont également renforcé la coordination et le partage des enseignements avec les banques régionales, qui développent des approches différenciées axées sur la consolidation de la paix dans leurs régions respectives, a expliqué le Président.
« Les fragilités et la résilience sont deux faces d’une même médaille », a fait observer M. Yero Baldeh, le Directeur du Bureau de coordination des États en transition à la Banque africaine de développement (BAfD), en mettant en avant l’adoption, cette année, d’une stratégie de renforcement de la résilience en Afrique. Toutefois, bien que les acteurs de la consolidation de la paix continuent d’entretenir un dialogue avec les communautés touchées par les conflits, les changements climatiques et l’insécurité croissante nous poussent à réfléchir à ces questions de manière globale, a-t-il reconnu.
La Sous-Secrétaire générale chargée du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, Mme Elizabeth Spehar, s’est félicitée pour sa part que presque toutes les banques régionales de développement disposent aujourd’hui de procédures permettant de faire face à la fragilité. Comme l’ONU, ces institutions reconnaissent l’importance de mettre en œuvre des mesures adaptées à chaque pays, en mettant l’accent sur la fragilité et la résilience, les communautés locales, les femmes et les jeunes. Elle a appelé à cet égard à une « harmonisation stratégique » des efforts déployés par les institutions financières internationales et les banques régionales de développement afin de faire face aux situations fragiles et de conflit, en intensifiant le partage de données, l’analyse et l’évaluation conjointes, tout en harmonisant les travaux aux niveaux national et régional, comme c’est le cas avec la BAfD, où des plans de travail conjoints ont été mis en place.
Le Canada a encouragé les banques régionales à poursuivre leurs efforts en vue de renforcer les partenariats et la coopération stratégique avec l’ONU, et à envisager d’entreprendre des initiatives et des analyses conjointes. Il serait plus productif d’aborder le débat sous l’angle des forces respectives et des avantages comparatifs de chaque acteur du système de consolidation de la paix, a argué le Brésil, en mettant en garde contre la création de nouvelles entités qui se feraient concurrence pour des financements.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, où entre 40 et 70 millions de la population vit dans des pays fragiles caractérisés par leur capacité limitée à fournir des services de base et à répondre aux chocs, M. Fernando Quevedo, de la Banque interaméricaine de développement (BID), a expliqué que ces défis particuliers, distincts du développement, exigent des approches analytiques et opérationnelles différenciées répondant à leurs besoins réels.
Il en va de même en Afrique, a renchéri la BAfD, où le nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes atteint aujourd’hui un nombre record, ce qui a amené la Banque à renforcer ses partenariats avec les acteurs de la paix et du développement. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sont ainsi devenus des partenaires essentiels. De même, les organisations civiles locales et régionales continuent de jouer un rôle de premier plan pour atteindre les populations rurales les plus touchées.
En raison de leur proximité géographique, de leur mandat et de leur connaissance approfondie des dynamiques économiques et de développement dans leurs régions respectives, les banques régionales de développement peuvent fournir un soutien localisé dans une perspective régionale, permettant de prévenir l’escalade des crises et de financer les capacités et les acteurs idoines pour les mettre en œuvre, a noté la Sierra Leone.
Malgré la croissance économique phénoménale de l’Asie au cours des dernières décennies, le développement n’a pas toujours été régulier, a reconnu Mme Lesley Lahm, représentante au Bureau de représentation nord-américain de la Banque asiatique de développement (BAsD). Les pays qui en ont le moins profité ont souvent été les plus vulnérables et les petits États insulaires en développement (PEID), où les conflits ont joué un rôle important dans leur histoire récente. La Banque a récemment adopté une nouvelle approche visant à renforcer leur résilience à l’aide de projets adaptés.
M. Thomas Djurhuus de la Banque mondiale, a rappelé que 44% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté habitent des pays en situation de fragilité, de conflit ou de violence. La Stratégie du Groupe de la banque mondiale en matière de fragilité, de conflit et de violence (Stratégie FCV) lancée l’an dernier par la Banque mondiale a déjà permis de réaliser des progrès tangibles, le financement pour les pays les plus pauvres ayant été revu à la hausse. Plus de 3 milliards de dollars ont ainsi été distribués dans des États fragiles, et une nouvelle allocation de fonds débloquée, en collaboration avec l’ONU. La Banque mondiale a également renforcé ses partenariats avec les banques régionales de développement, en mettant l’accent sur des modes de financement novateurs permettant de s’attaquer aux fragilités institutionnelles.
« L’argent est le nerf de la paix », a renchéri la Suisse, contributrice de premier plan au Fonds pour la consolidation de la paix, en soulignant l’engagement des banques régionales, de la Banque mondiale et, plus récemment, du FMI, dans des contextes fragiles. Ces initiatives démontrent à ses yeux que les banques régionales peuvent élargir leurs « barrières institutionnelles » tout en respectant leur mandat et leurs avantages comparatifs.
De nombreux intervenants ont relevé le rôle des institutions régionales dans la promotion de solutions régionales. Leur expertise et leur légitimité ne peuvent être remplacées par des acteurs extérieurs, a fait remarquer la BAfD, en soulignant l’importance de l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine. En plus de fournir des ressources à l’Union africaine pour le renforcement de ses capacités, nous développons conjointement de nouveaux instruments financiers pour financer la paix et la sécurité sur le continent, a noté M. Baldeh, tels que l’initiative des obligations d’investissement indexées sur la sécurité. De plus, la Facilité d’appui à la transition de la Banque a déjà fourni plus de 5 milliards de dollars pour financer plus de 400 opérations dans des pays à faible revenu en situation de conflit.
Pour Mme Lahm, de la BAsD, les banques de développement sont complémentaires des efforts nationaux et internationaux de la consolidation de la paix au moyen d’un processus régulier de formulation de stratégies de partenariat avec les pays. Les banques régionales jouent également un rôle important en fournissant une expertise technique et de renforcement des capacités à tous les acteurs de la consolidation de la paix, y compris les femmes et les jeunes, qui sont en première ligne des activités de mise en œuvre, a relevé l’Afrique du Sud. Il est essentiel de garantir la participation égale et significative des femmes et des jeunes aux processus de construction de la paix en tant qu’agents du changement, a argué à son tour le Costa Rica.
En plus de travailler avec des organismes de l’ONU et des institutions de financement du développement, la BAfD, comme nombre de délégations, a décelé un potentiel important dans la mobilisation du secteur privé. Nos efforts seraient en effet vains sans la participation du secteur privé, a confirmé le représentant de la Banque mondiale, qui travaille avec les banques régionales de développement à la mise au point d’instruments de diminution des risques pour les entreprises. La mobilisation du financement provenant du secteur privé est essentielle, a fait valoir la représentante de la Banque asiatique de développement, qui a mis en place un mécanisme spécifique à cet effet.