Le Bangladesh prend les rênes de la Commission de consolidation de la paix en 2022 et compte renforcer son rôle fédérateur
Le Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix a élu, ce matin à l’unanimité, la Représentante permanente du Bangladesh à la présidence de la Commission. Première femme à occuper cette fonction, Mme Fatima Rabab prend les rênes d’une Commission encouragée par ses membres à présenter des recommandations efficaces à la première réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le financement de la consolidation de la paix prévue plus tard cette année. En présentant ses priorités, la nouvelle Présidente a dit vouloir améliorer les rôles fédérateurs et de conseil de la Commission et promouvoir la solidarité pour atténuer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le développement et la consolidation de paix grâce notamment à une collaboration plus étroite avec le Conseil économique et social (ECOSOC).
Après avoir adopté le rapport de sa quinzième session, le Comité a élu par acclamation l’Égypte et la République dominicaine à la vice-présidence de la Commission jusqu’au 31 décembre 2022. Il a également réélu le Brésil, le Maroc, la Suède et la Suisse à la tête des formations de pays qu’ils président à savoir, respectivement, la Guinée-Bissau, la République centrafricaine, le Libéria et le Burundi.
De nombreux États Membres sont également intervenus, notamment pour déplorer qu’après avoir été invitée pour la première fois à informer le Conseil des droits de l’homme, la Commission ne soit pas parvenue à s’entendre sur la manière de répondre à cette demande d’information particulière. « Pour la première fois, la Commission n’a pas informé un organe de l’ONU, ce qui constitue une situation sans précédent », a regretté le Costa Rica qui a appelé à ne pas confondre consensus et unanimité.
Dans sa déclaration de Présidente élue, Mme Rabab a appelé à renforcer les liens entre la Commission et le Fonds pour la consolidation de la paix, ainsi que le rôle essentiel de la Commission dans la convocation des parties prenantes du maintien de la paix, la fourniture de conseils au Conseil de sécurité concernant la définition du mandat des opérations de paix et le soutien à la mise en œuvre des dimensions de consolidation de la paix dans le contexte de l’initiative « Action pour le maintien de la paix ». Elle a également fait part de sa volonté d’établir des partenariats plus solides avec des organisations régionales et sous-régionales, ainsi qu’avec des institutions financières internationales et régionales. Il y a aussi beaucoup à faire en termes de coopération Sud-Sud et triangulaire, en particulier pour mobiliser des ressources critiques et créer des plateformes de partage d’idées et de bonnes pratiques, a-t-elle estimé.
Jugeant par ailleurs impératif d’avoir une liaison plus étroite avec l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et l’ECOSOC, Mme Rabab a par ailleurs annoncé qu’il y aura cette année un coordonnateur informel pour assurer la liaison avec l’ECOSOC en plus des deux autres organes.
Parmi les priorités qu’elle souhaite faire avancer dans le cadre de sa vice-présidence, la République dominicaine a cité pour sa part le renforcement du rôle des jeunes dans la consolidation de la paix et la construction de sociétés plus justes et plus inclusives, insistant en outre sur l’importance d’un financement prévisible et adéquat de la Commission et du renforcement de son rôle de conseil auprès des principaux organes de l’ONU et des États Membres.
Dressant le bilan des travaux de la quinzième session, le Président sortant de la Commission, M. Mohamed Edrees (Égypte), a indiqué qu’en 2021, la Commission a examiné pour la première fois la situation dans le golfe de Guinée et la transition au Tchad, amenant à 23 le nombre de pays à l’ordre du jour de la Commission. Près de 40% des séances étaient consacrées à des débats thématiques portant sur les liens entre la consolidation et le maintien de la paix, le programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et le soutien psychosociologique, entre autres.
En 2021, a-t-il poursuivi, la Commission a fourni à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité ses premiers rapports et conseils sur la région des Grands Lacs et sur la question du développement durable en Afrique. La Commission est également intervenue pour la première fois auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le but de faciliter l’accession des pays sortant d’un conflit à l’OMC. La Commission a en outre participé au Forum politique de haut niveau de l’ECOSOC et élargi ses partenariats avec 64 participants non onusiens y compris des organisations sous-régionales et régionales.
Entre autres statistiques, le Président sortant a par ailleurs fait savoir que la participation des femmes à de véritables processus de consultation a atteint 74% en 2021. La Commission a aussi enregistré une meilleure participation des jeunes qui a atteint 44% en 2021 contre 24% en 2020, s’est félicité M. Edress pour qui le financement de la consolidation de la paix reste le défi principal de la Commission.
Vice-Présidente sortante, la Slovaquie a ajouté qu’en 2021, la grande majorité des travaux de la Commission s’était déroulée sur des plateformes virtuelles, ce qui avait permis d’augmenter la participation de la société civile, de représentants de gouvernements et d’autres parties prenantes qui n’auraient autrement pas pu prendre part à ses travaux. Il convient néanmoins de renforcer l’engagement de la Commission auprès des jeunes qui doivent figurer au cœur de son travail, a-t-elle estimé.
« L’année 2022 apporte de nouvelles opportunités mais aussi des défis pour le travail de la Commission », a déclaré pour sa part la responsable du Bureau d’appui à la consolidation de la paix qui a relevé que l’augmentation des attaques de militants extrémistes et l’instabilité politique observées dans différentes parties de la région du Sahel risquent d’inverser les gains acquis par la Commission depuis des années. Dans le même temps, les répercussions économiques de la COVID-19 exacerbent les inégalités et accroissent la polarisation dans la plupart des contextes où la Commission travaille. Pour Mme Awa Dabo, cette situation exige donc une action rééquilibrée et un soutien plus efficace.
La responsable a également identifié plusieurs points de convergence entre le travail du Bureau et celui de la Commission, appelant notamment à mettre davantage l’accent sur l’impact et sur l’inclusion; soutenir la cohérence à l’ONU; établir des partenariats plus efficaces; mener des plaidoyers plus efficaces pour le financement de la consolidation de la paix; améliorer le rôle consultatif; et enfin, renforcer le principe de responsabilité.
Les présidents de formations pays, qui ont tous été réélus à cette fonction, ont ensuite décrit la situation dans les pays à leur examen. La Suisse, qui est à la tête de la formation Burundi, a cité la tenue, en 2021, de trois réunions sur la mobilisation d’un soutien international continu et cohérent à la consolidation de la paix et au développement au Burundi. Elle a également souhaité que 2022 soit l’occasion d’établir une feuille de route pour identifier des moyens de mobiliser les bailleurs autour de priorités communes de pérennisation de la paix au Burundi, notant en outre que la séance de haut niveau prévue au printemps et consacrée aux recommandations pour un financement de la consolidation de la paix adéquat, durable et prévisible sera une opportunité d’atteindre des résultats concrets.
Après avoir mis l’accent sur l’importance d’un dialogue avec les mécanismes de droits humains et l’octroi de ressources suffisantes en qualité et quantité à la Commission, la Suède, qui préside la formation Libéria, a mis l’accent sur le soutien à l’organisation, en 2023, d’élections inclusives et transparentes, la mise en œuvre du programme sur les femmes et la paix et la sécurité, ou encore l’examen des liens entre les changements climatiques, la paix et la sécurité au Libéria.
Le Brésil, Président de la formation Guinée-Bissau, a dit sa détermination à appuyer le processus de stabilisation politique en Guinée-Bissau en mettant l’accent sur les huit priorités de consolidation de la paix inscrits dans le plan de développement de la Guinée-Bissau présenté en 2021. Il a particulièrement mis l’accent sur l’appui à la réforme institutionnelle et au développement économique et social.
Pour le Maroc qui préside la formation République centrafricaine, les élections législatives qui ont eu lieu en mars 2021 ont posé les jalons d’une sécurité durable. Il a estimé que la déclaration d’un cessez-le-feu en octobre 2021 a été un « acte courageux » qui a permis le lancement de la phase opérationnelle de la feuille de route adoptée en marge la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs en septembre 2021. Tout en reconnaissant un environnement peu propice au dialogue républicain en 2021, le Maroc s’est dit confiant de pouvoir se rendre à la cérémonie de lancement de ce dialogue en 2022. Il a également cité des avancées importantes en matière de lutte contre l’impunité et de justice transitionnelle, avant de saluer la création d’une commission d’enquête sur les crimes commis par les forces de sécurité.
De nombreuses délégations sont également intervenues pour appeler, à l’instar du Japon, à tout faire pour que la pandémie et ses impacts socioéconomiques ainsi que les conséquences des changements climatiques ne nuisent pas aux efforts de consolidation et de maintien de la paix. Le Japon a en outre jugé nécessaire de surveiller de près la situation liée à la vaccination contre la pandémie de COVID-19, en appelant à se recentrer sur le lien développement-paix-humanitaire. « La Commission est la mieux placée pour un tel travail ». Pour assurer le succès de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale, le Japon a par ailleurs appelé la Commission à fournir des contributions sur les moyens d’assurer un financement adéquat, prévisible et durable de la consolidation de la paix et à utiliser son pouvoir de mobilisation, en renforçant la coordination avec d’autres entités des Nations Unies et au-delà.
Le Pakistan a appelé la Commission à envisager davantage d’interactions officieuses avec le Conseil de sécurité, en particulier en amont des prorogations de mandats ou des visites du Conseil de sécurité dans les pays. Il a également plaidé en faveur d’un financement adéquat et durable, notamment à travers des projets à long terme financés par le Fonds pour la consolidation de la paix. La Commission pourrait en outre jouer un rôle crucial pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des conflits « qui ne sont pas toujours pleinement prises en compte au Conseil de sécurité pour diverses raisons ». Notant la nature changeante des conflits, et les interventions étrangères de plus en plus nombreuses dans les conflits locaux, le représentant a souligné qu’il y a souvent des intérêts financiers en jeux liés à la course aux ressources naturelles notamment. Il a même proposé comme nouvelle maxime de l’analyse des sources de conflits « suivez l’argent ».
La Colombie a déclaré que la Commission est devenue incontournable pour les mécanismes de consolidation de la paix, saluant l’importance de sa valeur ajoutée pour le système onusien. Elle a souligné que le sujet du financement des activités de la Commission reste crucial, pour ensuite appeler à renforcer les ponts entre la Commission et le Conseil de sécurité.
Notant qu’une grande partie du monde en développement n’a pas encore été vaccinée, et que la reprise et la relève en dépendent, l’Inde a estimé que la Commission a un rôle essentiel à jouer pour garantir que le monde n’oublie pas les « plus nécessiteux » dans les campagnes de vaccination et les programmes de sensibilisation mondiaux du Mécanisme COVAX. Elle a relevé que les terroristes profitent des écarts de mandat entre le maintien de la paix et la consolidation de la paix, les États en proie à des conflits étant incapables de combattre le fléau faute de moyens. Cela devient de plus en plus évident au Sahel et dans d’autres parties de l’Afrique, a remarqué la délégation. Si nous ne sommes pas en mesure de renforcer la capacité de l’État à lutter contre le terrorisme, nous ne pouvons pas combler ce fossé entre les deux mandats et assurer une reprise durable après un conflit ou la COVID-19, a expliqué la délégation qui a également appelé à accorder une attention adéquate au renforcement des institutions, constatant qu’aujourd’hui une grande partie de l’aide destinée à la consolidation de la paix est consacrée à des activités humanitaires.
Pour accroître la pertinence de la Commission, le Kenya a appelé à investir dans la résilience nationale après les conflits, stimuler la croissance économique et l’emploi des jeunes, ainsi que la protection de l’environnement, les pratiques commerciales pérennes et l’adaptation aux changements climatiques. Il a appelé à un financement prévisible et durable de la Commission, en Afrique notamment, regrettant que les résultats des débats sur le financement aient été litigieux.
La Lettonie a déclaré que durant son mandat à la Commission, elle plaidera pour le renforcement des institutions après les conflits, la compétence numérique, la participation des femmes et des jeunes, et l’État de droit. Pour y parvenir, il faut privilégier une approche inclusive, tant pour les communautés touchées que pour la communauté internationale, a ajouté la délégation qui a plaidé pour un financement prévisible et durable de la Commission. La Commission doit en outre développer des relations avec d’autres organes de l’ONU y compris le Conseil des droits de l’homme.
La Thaïlande a indiqué que sa priorité à la Commission sera de militer pour un financement pérenne de la Commission dans le cadre de la coopération entre les différentes parties prenantes. Il est également important d’assurer la coopération sud et sud et triangulaire. Et les Casques bleus doivent jouer le rôle de bâtisseurs de paix dès que possible. Les efforts de développement sont liés aux efforts de consolidation de la paix, a souligné la délégation.
Évoquant l’approche du vingtième anniversaire de la conception de la Commission, le Costa Rica a exhorté la Commission à traiter des problèmes transversaux qui affectent des régions entières et constituent une menace pour la paix et la sécurité, notamment la crise climatique. Tout en se félicitant que la Commission ait été invité pour la première fois, en 2021, à informer le Conseil des droits de l’homme, il a regretté que la Commission n’ait pu s’entendre sur la manière de répondre à cette demande d’information particulière. « Pour la première fois, la Commission n’a pas informé un organe de l’ONU, ce qui constitue une situation sans précédent », a regretté la délégation qui a appelé à ne pas confondre consensus et unanimité.
Le Canada a tout d’abord souligné que la consolidation de la paix nécessite des ressources et repose sur la volonté d’écoute et rappelé que la Commission a mis l’inclusivité au cœur de ses travaux, insistant notamment sur le rôle des femmes et des jeunes dans la consolidation de la paix.
Regrettant que la Commission n’ait pas pu pleinement exercer son mandat fédérateur et accepter l’invitation du Conseil des droits de l’homme, le représentant a souligné que la force de la Commission est de travailler avec les pays « et pas par-dessus leur tête ». Elle est mandatée pour jouer un rôle intermédiaire entre les organes principaux et devrait donc pouvoir accepter les invitations de ces organes, a souligné la délégation qui a appelé à travailler ensemble pour faire en sorte que les efforts de consolidation de la paix de l’ONU soient cohérents et financés.
Le Nigéria a souligné l’importance de la Commission pour aider les pays sortant de conflit en situation de fragilité à créer une résilience. Il a dit l’importance d’un dialogue soutenue entre la Commission et les institutions régionales et sous-régionales, avant d’appeler la Commission à convoquer des réunions sur la restauration de la démocratie, notamment en Afrique de l’Ouest où plusieurs pays ont été victimes récemment de coups d’État.
« Pour assurer le succès de la consolidation de la paix, il faut un financement durable et prévisible », a insisté la délégation de l’Afrique du Sud, avant d’indiquer que son pays a initié un dialogue sur le rôle du secteur privé en appui à la consolidation de la paix.
Les Pays-Bas ont mis l’accent sur la valeur ajoutée de l’inclusion de la société civile aux travaux de consolidation de la paix, insistant notamment sur la pleine participation des femmes et des jeunes. Après avoir souligné l’importance du sommet d’avril 2022 sur le financement de la consolidation de la paix, la délégation a salué le rôle consultatif croissant de la Commission auprès de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC ainsi que du Conseil des droits de l’homme.
Après avoir salué le travail précieux mené par les configurations pays de la Commission ainsi que leurs recommandations, la France a estimé que les travaux de la Commission sur des sujets thématiques ont montré toute leur importance, notamment pour ce qui est de la participation des femmes et des jeunes aux efforts de consolidation de la paix. Elle a appelé à poursuivre les efforts pour rendre la Commission encore plus efficace et a souhaité qu’elle fasse des recommandations au Conseil de sécurité bien en amont lors de la prorogation de mandats.
L’Allemagne a déclaré que les délibérations sur « Notre Programme commun » ont marqué un tournant pour les efforts de consolidation de la paix de l’ONU. Elle a ensuite regretté que la Commission n’ait pas encore accepté l’invitation du Conseil des droits de l’homme, en soulignant son rôle consultatif et fédérateur. L’Allemagne a également insisté sur l’impératif d’un financement adéquat et prévisible de la consolidation de la paix en espérant que la réunion de haut niveau sur cette question de l’Assemblée générale sera couronnée de succès.
La Chine a salué les efforts de la Commission pour lutter contre la COVID-19 et faciliter la relève dans les pays frappés par un confit. En tant qu’organe créé par une résolution jumelle du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, elle a espéré que ces organes sauront tirer parti des avantages de la Commission dans son rôle consultatif.
À son tour, la Fédération de Russie a déclaré qu’il revient aux gouvernements de déterminer leurs besoins en matière de consolidation de la paix et à la communauté internationale de les accompagner. C’est la condition d’une paix robuste et pérenne. Ajoutant que chaque conflit a ses propres causes, la représentante a invité à s’appuyer sur les organisations régionales, notamment en Afrique. Elle a encouragé la Commission à présenter des recommandations efficaces à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le financement de la consolidation de la paix, tout en notant que le Fonds pour la consolidation de la paix « a fait ses preuves ». La délégation a par ailleurs estimé que la question de genre et d’autres questions transversales n’ont un sens que si des liens ont été établis avec un pays. Il faut également éviter les amalgames et les doublons avec d’autres organes de l’ONU, a-t-elle ajouté, soulignant que chaque organe doit rester dans les limites de ses mandats. Elle a terminé en réitérant l’importance du principe de prise de décisions par consensus à l’ONU.
La République de Corée, qui a demandé un financement prévisible, adéquat et pérenne pour la consolidation de la paix, a appelé à affecter une partie des contributions au budget ordinaire au Fonds pour la consolidation de la paix.