La Cinquième Commission examine l’enveloppe de 767 millions de dollars pour 38 missions politiques spéciales en 2023, sans les résultats escomptés pour certaines d’entre elles
« 767 075 300 dollars », c’est l’enveloppe exacte des ressources demandées par le Secrétaire général de l’ONU pour financer en 2023 les 38 missions politiques spéciales qu’a examinée ce matin la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires. Si le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a constaté une hausse de 5,2% par rapport à 2022, les délégations, comme celle du Brésil, ont surtout vu une part du budget ordinaire multipliée par six en deux décennies, soit peut-être 23% l’année prochaine. L’enveloppe de ces missions ne cesse d’augmenter, a noté la Chine, déplorant que ces sommes importantes n’apportent pas les résultats escomptés, comme en Haïti.
Ces missions, a argué le Brésil, tiennent généralement leurs mandats du Conseil de sécurité, comme les opérations de paix, mais elles sont financées par le budget ordinaire, comme si l’ensemble des États Membres avaient pris part à la décision de les créer. Cette distorsion entre la prise de décisions et le financement entraîne un déséquilibre à l’échelle du système qui exige une solution urgente, a-t-il plaidé, en attirant l’attention sur le rapport, publié il y plus de 10 ans et toujours pas examiné, qui traite des conséquences de cette situation incohérente. Nous sommes effectivement devant une situation intenable qui risque, a prévenu l’Égypte, de compromettre la réalisation même des objectifs de développement durable.
Pour éviter cette pression sur le budget ordinaire, le Mexique a préconisé la création d’un compte distinct. Le financement de ces missions, a précisé l’Uruguay, doit en effet s’appuyer sur un tel compte auquel s’appliquerait le barème des quotes-parts des opérations de paix et pour une période allant du mois de juillet d’une année au mois de juin de l’année suivante. Compte tenu de la situation actuelle, l’Éthiopie a dit ne pas comprendre pourquoi le Secrétaire général demande une somme supplémentaire de 150 000 dollars pour relocaliser le Bureau de l’Envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique dans un autre endroit, alors qu’il est à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine, un lieu de travail idéal permettant de dégager des synergies entre différents organes.
L’Union européenne s’est d’ailleurs réjouie de la collaboration plus étroite entre les missions politique spéciales et le système des coordonnateurs résidents des Nations Unies. Elle a estimé que la contribution essentielle de ces missions à la consolidation de la paix appelle à renouveler les efforts pour trouver un accord global au sein de la Cinquième Commission. Il est de notre devoir, a-t-elle insisté, de veiller à ce que ces missions disposent des ressources nécessaires et que leurs administrateurs reçoivent des orientations politiques claires pour exécuter leurs mandats. L’Union européenne a insisté sur sa détermination de parvenir à une résolution d’ensemble sur laquelle la Commission semble ne pouvoir s’entendre. Nous examinerons l’enveloppe demandée pour chaque mission conformément aux mandats énoncés dans les résolutions du Conseil de sécurité, et cet examen se fera sur le fond et sans politisation, a-t-elle assuré.
La Cinquième Commission tiendra sa prochaine séance publique vendredi 21 octobre à partir de 10 heures, pour se prononcer sur l’enveloppe de 133 millions de dollars demandée pour la Mission d’appui des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). La Chine a d’ailleurs espéré que cette enveloppe sera évaluée en fonction des besoins, avant d’attirer l’attention sur les sommes importantes consacrées aux missions politiques spéciales, sans les résultats escomptés, comme le démontre la situation en Haïti. Vendredi prochain, la Commission examinera les moyens d’améliorer la situation financière de l’ONU.
PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR 2023
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) sur les 38 missions politiques spéciales (A/77/7/Add.1)
Le Comité consultatif note que le montant net des ressources demandées pour 2023 au titre des 38 missions politiques spéciales est de 767 075 300 dollars; il comprend un montant de 2 144 300 dollars pour le Centre de services régional d’Entebbe en Ouganda. À des fins de comparaison, les crédits approuvés en 2022 s’élèvent à 728 959 300 dollars; les ressources demandées pour 2023 représentent donc une augmentation de 38 116 000 dollars (5,2%). Toutefois, le Comité consultatif note que, sous réserve de l’approbation par l’Assemblée générale des crédits ouverts pour 2022 pour les Missions en Afghanistan et en Libye, le montant global des crédits ouverts pour les missions politiques spéciales pour 2022 sera augmenté. Par conséquent, à ce stade, l’analyse des variations entre les crédits ouverts pour 2022 et les ressources demandées pour 2023 pourrait encore faire l’objet d’ajustements.
En attendant, le Comité consultatif recommande que le montant correspondant à la part du budget du Centre de services régional d’Entebbe qui doit être prélevée sur le budget des missions politiques spéciales soit réduit de 3 200 dollars. Le Comité rappelle aussi que l’Assemblée générale a décidé, dans sa résolution 73/279 A, de ne pas créer d’emplois de temporaire ni d’en supprimer au Bureau d’appui commun de Koweït. Il recommande que la proposition de redistribution des emplois du Bureau d’appui commun de Koweït dans les missions concernées pour 2023 ne soit pas approuvée.
La Commission était aussi saisie des Rapports distincts du CCQAB sur les envoyés, conseillers et représentants spéciaux ou personnels du Secrétaire général (A/77/7/Add.2); les équipes de surveillance des sanctions, groupes d’experts et autres entités et mécanismes (A/77/7/Add.3); et sur les bureaux régionaux, bureaux d’appui aux processus politiques et autres missions (A/77/7/Add.4).
Rapport du CCQAB sur la Mission d’appui des Nations Unies en Afghanistan (A/77/7/Add.5)
Le Comité rappelle que par sa résolution 2626 (2022) du 17 mars 2022, le Conseil de sécurité a modifié le mandat de la MANUA et l’a prorogé jusqu’au 17 mars 2023. Il note que le montant des ressources demandées pour 2023 pour la MANUA, soit 133 609 900 dollars (déduction faite des contributions du personnel), reste inchangé par rapport au montant révisé proposé pour 2022. Mais dans son rapport sur les prévisions de dépenses révisées pour 2022, le Comité consultatif avait recommandé que l’Assemblée générale approuve pour 2022 un montant de 131 345 400 dollars, inférieur de 2 264 500 dollars, soit 1,7%, au montant révisé proposé. Le montant des ressources demandées pour 2023 représenterait donc une augmentation de 2 264 500 dollars (1,7%) par rapport au montant révisé recommandé par le Comité pour 2022.
Dans ses commentaires, le Comité consultatif réaffirme que le Bureau d’appui commun de Koweït n’est pas un centre de services partagés approuvé par l’Assemblée générale. Il recommande par conséquent de rejeter la proposition de supprimer trois emplois d’assistant audit Bureau. Le Comité doute aussi que les éventuels gains d’efficacité liés à l’utilisation du Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies aient été pleinement pris en considération dans les prévisions pour 2023. Il recommande donc de réduire de 3% (soit 253 900 dollars) le montant des ressources demandées au titre des opérations aériennes. Compte tenu du faible montant des dépenses engagées en 2021 et au premier semestre de 2022, il recommande également de réduire de 10% (soit 642 400 dollars) le montant des ressources demandées au titre des communications et de l’informatique et de 5% (soit 87 700 dollars) au titre des fournitures, services et matériel.
Rapport du CCQAB sur la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (A/77/7/Add.6)
Le Comité consultatif note que dans sa résolution 2631 (2022), le Conseil de sécurité a décidé de proroger le mandat de la MANUI jusqu’au 31 mai 2023. Il note aussi que les ressources demandées pour 2023 s’élèvent à 97 104 500 dollars, ce qui représente une diminution nette de 568 700 dollars (0,6%) par rapport aux crédits ouverts pour 2022.
Dans ses commentaires, le Comité consultatif réaffirme que le Bureau d’appui commun de Koweït n’est pas un centre de services partagés approuvé par l’Assemblée générale. Il recommande donc de ne pas approuver la suppression proposée de trois emplois d’assistant audit Bureau d’appui commun de Koweït. Compte tenu des ressources dont dispose la Mission, de la nécessité de renforcer les compétences internes et du faible niveau des dépenses engagées en 2021 et au cours des six premiers mois de 2022, le Comité recommande une réduction de la hausse proposée au titre des consultants et services de consultants de 20%, soit 37 700 dollars.
Bien qu’il soit conscient de l’importance des déplacements à l’intérieur de la zone de la Mission, il espère que cette dernière aura davantage recours aux réunions virtuelles et aux formations en ligne. Il recommande donc une réduction de la hausse proposée au titre des voyages officiels de 15%, soit 54 000 dollars. En attendant de connaître la contribution des autres missions aux dépenses de rénovation des locaux de Koweït, le Comité consultatif recommande une réduction de la hausse proposée au titre des installations et infrastructures de 10%, soit 325 800 dollars. Compte tenu des faibles dépenses engagées en 2021 et au cours des six premiers mois de 2022, le Comité consultatif recommande enfin de réduire de 5% (soit 51 100 dollars) le montant des ressources demandées au titre des fournitures, services et matériel divers.
Débat général
Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a déclaré que l’efficacité des missions politiques spéciales continue d’être sapée par la faiblesse de leur financement. Il s’est dit déçu que la Cinquième Commission continue d’ignorer les recommandations du CCQAB et du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix visant à réformer les arrangements existants. L’ASEAN, a insisté le représentant, demande instamment à la Commission de mettre en œuvre les recommandations que le CCQAB a faites dans son rapport du 13 décembre 2011, lesquelles restent d’actualité aujourd’hui, y compris l’idée de créer un compte distinct aligné sur le cycle budgétaire des opérations de paix.
Le cycle du budget ordinaire, a argué le représentant, ne correspond pas à celui des missions politiques spéciales, étant donné que les mandats de ces dernières sont créés et prolongés pendant les mois hors cycle, et que l’appui qui leur est offert vient des départements financés par le budget du maintien de la paix. Le représentant a par ailleurs suggéré une meilleure coordination entre les missions politiques spéciales, les opérations de paix et les autres activités de consolidation de la paix. Selon lui, les membres permanents du Conseil de sécurité doivent assumer une plus grande responsabilité dans le financement de ces missions.
Mme ELEONORE HEIMSOETH, de l’Union européenne, a estimé que l’approche globale des missions politiques spéciales leur permet de répondre à des crises de tout type. Grâce à leur approche multidimensionnelle, qui englobe la coordination entre les trois piliers envisagés par la réforme du Secrétaire général, ces missions traitent des questions de sécurité, de développement et des droits de l’homme. La représentante s’est félicitée des progrès réalisés dans les synergies grâce notamment à une collaboration plus étroite avec le système des coordonnateurs résidents. Elle a estimé que la contribution essentielle des missions politiques spéciales à la consolidation de la paix appelle à renouveler les efforts pour trouver un accord global au sein de cette Commission.
Il est de notre devoir, a-t-elle martelé, de veiller à ce que les missions politiques spéciales disposent des ressources nécessaires et que les administrateurs de programmes reçoivent des orientations politiques claires pour exécuter leurs mandats. La représentante a regretté que cette Commission n’ait pu parvenir à un consensus et insisté sur la détermination de l’Union européenne à parvenir à une résolution d’ensemble, cette année, ce qui implique une approche pragmatique. Nous examinerons la proposition de budget de chaque mission conformément aux mandats énoncés dans les résolutions du Conseil de sécurité. Cet examen sera fait sur le fond et sans politisation, a-t-elle assuré.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme REGINA KUMASHE AONDONA (Nigéria) a souligné le rôle essentiel des missions politiques spéciales, en insistant sur la nécessité de les doter de ressources adéquates. Notant les 767 millions de dollars demandés par le Secrétariat pour 2023, elle a indiqué que la nette augmentation de 162 millions de dollars par rapport à 2022 s’explique largement par un changement de méthodologie, incluant désormais les ressources des Missions en Afghanistan et en Libye. Sous la méthodologie précédente, l’augmentation aurait été de 38 millions de dollars. La représentante a noté le grand nombre de postes non pourvus, y compris certains qui n’exigent pas des compétences extraordinaires. Les inégalités dans la représentation géographique au sein du Secrétariat et des missions politiques spéciales ne peuvent perdurer, a-t-elle aussi prévenu, arguant que ce statu quo discrédite l’Organisation et insisté pour que cette représentation concerne tous les postes. La déléguée a déploré l’augmentation des dépenses liées aux déplacements et appelé à leur rationalisation. Le Centre d’Entebbe est un outil stratégique qui doit être doté de ressources consolidées, a-t-elle aussi insisté.
Au nom de l’Argentine, du Brésil, du Chili, du Costa Rica, de la République dominicaine, de l’Équateur, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, du Panama, du Paraguay et du Pérou, M. FELIPE MACHADO MOURIÑO (Uruguay) a axé sa déclaration sur le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie. Il a appuyé les ressources demandées par le Secrétaire général pour le BINUH pour une mise en œuvre efficace du mandat et la création de conditions permettant au Gouvernement haïtien et à la société civile de traiter des causes sociales, économiques et politiques de la crise multidimensionnelle qui secoue le pays. S’agissant de la Mission en Colombie, le représentant a aussi apporté son appui aux ressources demandées.
Les missions politiques spéciales, a-t-il commenté, ont considérablement augmenté en nombre et représentent aujourd’hui plus de 20% du budget ordinaire et peut-être 23% en 2023. Il faut donc regretter qu’aucune solution n’ait été apportée à cette situation intenable. Le financement de ces missions, a argué le représentant, doit s’appuyer sur un compte distinct auquel s’appliquerait le barème des quotes-parts des opérations de paix et pour une période allant du mois de juillet d’une année au mois de juin de l’année suivante.
M. JESÚS VELÁZQUEZ CASTILLO (Mexique) a pris note de l’augmentation significative des prévisions budgétaires pour les 38 missions actives par rapport à 2022. Afin d’éviter des pressions sur le budget ordinaire, le représentant a plaidé pour la création d’un compte distinct pour que les missions disposent de ressources adéquates et prévisibles pour s’acquitter de leurs mandats complexes et variés. Le Mexique, a conclu le délégué, focalisera son attention sur le budget du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), dont le mandat vient d’être prorogé, et sur la Mission de vérification en Colombie, qui entre dans une nouvelle étape et revêt une signification particulière pour le maintien de la paix.
Après avoir salué le rôle majeur des missions politiques spéciales dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix, M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a soutenu la proposition du Secrétaire général, pour contribuer de manière significative à l’intensification des activités opérationnelles de ces missions et renforcer leur faculté d’exécuter tous les aspects de leurs mandats. Depuis août 2017, a-t-il rappelé, le Bangladesh accueille 1,1 million de réfugiés rohingya qui ont fui les persécutions au Myanmar. Le représentant a donc émis le vœu que l’augmentation des ressources demandées pour l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Myanmar améliorera la situation des droits de l’homme des Rohingya et des autres minorités du Myanmar. Il a exhorté l’Envoyé spécial à travailler de manière transparente avec les parties prenantes et trouver une solution durable à la crise.
Poursuivant, le représentant a appelé à des efforts renouvelés pour parvenir à l’équilibre entre les sexes et à une représentation géographique équitable dans les missions politiques spéciales. Il a souhaité voir plus de femmes dans le processus de prise de décisions sur la prévention et le règlement des conflits. Il a ajouté que la mise en œuvre de la délégation des pouvoirs pourrait être un outil stratégique pour veiller à ce que ces missions exécutent leurs mandats de manière efficace et effective.
M. ALMERRI (Iraq) a noté l’importance de l’ONU en Iraq et appuyé la Mission déployée dans son pays, en rappelant que son mandat a été prorogé jusqu’au 31 mai 2023. Toute coupe budgétaire hypothéquerait l’exécution de ce mandat, a averti le délégué, en soulignant l’appui apporté par son pays à la Mission.
M. ANDREAS HADJICHRYSANTHOU (Chypre) a déclaré que les débats de la Cinquième Commission sur les missions politiques spéciales ne doivent porter sur l’aspect budgétaire, dans le respect du cadre et des paramètres établis par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Le représentant a regretté que le rapport du Secrétaire général ne fasse pas explicitement référence à la base du règlement de la question chypriote. En effet, le mandat du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre découle des dispositions des résolutions du Conseil de sécurité qui stipulent que la base d’un règlement n’est autre que la fédération bicommunautaire et bizonale, avec une égalité politique. Les références explicites aux paramètres établis pour la réunification de Chypre, qui ont été constamment réaffirmés par le Conseil de sécurité, y compris dans sa dernière résolution de juillet 2022, ne doivent pas être considérées comme secondaires. Le Secrétariat est tenu d’appuyer son travail sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a insisté le représentant.
M. ABDULLAH IBRAHIM ABDELHAMID ALSAYED ATTELB (Égypte) s’est dit convaincu que les missions politiques spéciales sont la boite à outil diplomatique pour garantir la paix et la sécurité internationales. Il a souligné l’importance de la coopération avec les entités régionales et sous régionales et rappelé que son pays a travaillé au renforcement de ces missions lorsqu’il a présidé le Comité du programme et de la coordination (CPC) l’année dernière. Nous avons fait la promotion d’un financement adéquat pour qu’elles puissent assurer leur mandat, d’autant plus qu’elles devraient représenter 23% du budget ordinaire proposé pour 2023. Une telle situation ne peut que compromettre la réalisation des objectifs de développement durable, s’est inquiété le représentant. Il a donc plaidé pour un compte distinct comme ce qui se fait pour les opérations de paix. Concluant sur la représentation géographique, le représentant s’est insurgé contre la surreprésentation d’un groupe d’États aux postes de direction, ce qui est tout simplement inacceptable.
M. RICHARD TUR DE LA CONCEPCIÓN (Cuba) a rejeté la notion de responsabilité de protéger, laquelle fait toujours l’objet de divergences entre États Membres. Il a jugé difficile d’analyser les ressources demandées pour le Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger alors qu’elles sont confondues avec celles du Conseiller spécial pour la prévention du génocide. Nous allons, a promis le représentant, formuler des recommandations pour rectifier cette situation dans les estimations budgétaires.
M. ESSAM ALSHAHIN (République arabe syrienne) a salué l’Envoyé spécial et son bureau à Damas pour leur rôle de facilitateur du dialogue syro-syrien. Il a toutefois rejeté la référence à la résolution 253/16 (2012) de l’Assemblée générale, car rien ne la justifie. En ce qui concerne le paragraphe 126 du rapport qui mentionne « la présence continue d’armées étrangères en République arabe syrienne », M. Alshahin a insisté sur la grande différence juridique entre les forces étrangères occupantes entrées illégalement sur le territoire syrien et les forces amies présentes à la demande du Gouvernement légitime pour renforcer la lutte contre le terrorisme.
S’agissant des « facteurs externes » mentionnés dans le rapport, le délégué a argué que cette question requiert un engagement tangible en faveur de la résolution 2254 du Conseil de sécurité, qui réaffirme l’attachement à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne et aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. Or, a-t-il accusé, les parties régionales et internationales ne respectent ni cette souveraineté ni cette intégrité territoriale. Elles interviennent de façon négative et destructrice dans le processus politique, imposent un siège économique au peuple syrien et politisent le processus humanitaire, compromettant le développement durable du pays. Enfin, concernant l’établissement des responsabilités, le représentant a souligné que l’État syrien n’a pas demandé l’assistance juridique et technique des Nations Unies. Notre système est parfaitement capable de s’attaquer à ce domaine.
Mme ABO AI (Japon) a rappelé aux États Membres leur responsabilité de veiller à ce que les missions politiques spéciales aient les ressources nécessaires à l’exécution de leurs mandats, lesquelles doivent être utilisées de manière efficace et rationnelle. Elle a pris note des mesures prises par le Secrétaire général pour pourvoir les postes vacants, avec la possibilité de rajeunir les effectifs. La représentante s’est en effet dite préoccupée par le nombre élevé de postes toujours vacants et par l’écart entre les taux de vacance proposés et les taux réels dans plusieurs missions. Elle a promis d’étudier chacun de ces postes, l’objectif étant de voir si les taux de vacance sont alignés sur les taux réels. Cet examen est nécessaire pour la revitalisation de l’ONU et pour une allocation plus efficace des ressources, s’est-elle expliquée.
M. JAMES STAPLES (Royaume-Uni) a salué le rôle des missions politiques spéciales dans le contexte actuel des problèmes multidimensionnels. Il est plus urgent que jamais de montrer que l’ONU utilise ses ressources de manière efficiente et efficace, a-t-il déclaré, soulignant la responsabilité de la Commission de garantir les ressources nécessaires à l’exécution des mandats, y compris quand ils portent sur les droits humains, la protection des civils, l’environnement et l’égalité femmes-hommes. Le représentant a rappelé que l’ONU vient de commémorer la Journée internationale de la fille, avant d’exprimer la détermination de son pays à défendre la participation des femmes aux processus de paix et aux processus politiques à l’ONU, y compris à la Cinquième Commission.
M. WEN DONG (Chine) a noté que le budget demandé pour les missions politiques spéciales ne cesse d’augmenter, avant de demander une rationalisation des ressources et une amélioration de la représentation géographique au sein desdites missions. La Chine, a-t-il ajouté, est préoccupée par les questions relatives à la structure de ces missions. Il a espéré que les ressources demandées pour la Mission en Afghanistan seront évaluées en fonction des besoins. Il a attiré l’attention sur les sommes importantes consacrées à ces missions, sans les résultats escomptés comme le démontre la situation en Haïti.
M. ÁLVARO DAVID RODRIGUEZ DE LA HOZ (Colombie) a rappelé l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de toutes les résolutions relatives au mandat de la Mission de vérification des Nations Unies dans son pays. Il s’agit d’un élément qui contribue positivement au processus de vérité, de justice et de réparation et qui reflète l’importance du travail de la Mission, a ajouté le représentant. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, il reste des défis dont le règlement nécessite l’engagement de toutes les parties. Dans cette nouvelle étape de la mise en œuvre de l’Accord, le soutien politique et financier de la communauté internationale est plus pertinent que jamais, a souligné le représentant, en se disant convaincu que la mise en œuvre effective du mandat de la Mission dépendra largement de l’allocation de toutes les ressources humaines et financières nécessaires telles que proposées par le Secrétaire général.
M. DENIS ISHIKAWA DOS SANTOS (Brésil) a estimé que l’importance des missions politiques spéciales dans le pilier paix et sécurité ne cesse de se confirmer. Ces missions sont un outil efficace pour atteindre la promotion de la paix et de la sécurité internationales. En seulement deux décennies, leur part dans le budget ordinaire s’est presque multipliée par six. S’agissant de 2023, elles représenteraient 23% dudit budget. Ces missions facilitent la diplomatie préventive et sont de puissants instruments de consolidation de la paix mais, a relevé le représentant, elles fonctionnent dans un système inéquitable. Elles tiennent généralement leurs mandats du Conseil de sécurité, comme les opérations de paix mais elles sont financées par le budget ordinaire, comme si l’ensemble des États Membres avaient pris part à la décision de les créer. Cette distorsion entre la prise de décisions et le financement entraîne un déséquilibre à l’échelle du système qui exige une solution urgente, a plaidé le représentant. Il a attiré l’attention sur le rapport, publié, il y plus de 10 ans et toujours pas examiné, qui traite des conséquences de cette situation incohérente.
M. NACI YILDIZ (Türkiye) a exigé que les Chypriotes turcs soient traités avec le respect qu’ils méritent. La partie chypriote turque est prête à dialoguer sur la base de l’égalité souveraine des deux composantes de l’île, a déclaré le délégué, en précisant que cette égalité souveraine est consacrée par les traités internationaux. Enfin, il a demandé la levée des mesures d’isolement imposées aux Chypriotes turcs, jugeant inacceptable que ces derniers soient privés de leurs droits.
M. GUENSY BETOR (Haïti) a dit prendre note du montant prévisionnel des ressources demandées pour le Bureau des Nations Unies dans son pays. Il a rappelé la responsabilité de ce dernier qui est de conseiller le Gouvernement haïtien sur les moyens de promouvoir et de renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance, y compris l’état de droit, et de préserver et favoriser un environnement pacifique et stable, notamment en promouvant un dialogue national inclusif entre les Haïtiens, et enfin de protéger les droits de l’homme. Il a rappelé que depuis 1993, neuf missions de l’ONU ont été déployées en Haïti dont le Bureau est la dernière. Il a recommandé que les ressources attribuées aux missions politiques spéciales dont le Bureau des Nations Unies dans son pays, soient adaptées aux besoins et à une exécution efficace de leurs mandats.
M. ABEBE (Éthiopie) s’est dit préoccupé par le fait que le Secrétaire général propose la reconfiguration et la réinstallation du Bureau de l’Envoyé spécial de la Corne de l’Afrique dans un autre endroit. Cette proposition, a-t-il commenté, n’a aucun sens du point de vue de l’efficacité dans l’exécution du mandat. La relocalisation engendrerait des coûts supplémentaires de 150 000 dollars alors qu’il y a des priorités vitales sur tout le continent africain, et plus particulièrement, pour la Corne de l’Afrique. De plus, a fait observer le représentant, le Gouvernement éthiopien fournit tout l’appui nécessaire au Bureau à Addis Abeba, au siège de l’Union africaine qui est un lieu de travail idéal permettant de dégager des synergies entre différents organes. Relocaliser le Bureau hypothèquerait tout le travail accompli jusqu’à présent et mettrait en péril la bonne mise en œuvre du mandat de l’Envoyé spécial. En conséquence, le représentant a salué les recommandations très pertinentes du CCQAB qui plaide en faveur du maintien du Bureau dans la capitale éthiopienne.
Droit de réponse
L’Union européenne a rappelé que les missions politiques spéciales sont créées par des mandats conférés par les résolutions du Conseil de sécurité et que la responsabilité de la Cinquième Commission est de les financer. Voilà pourquoi les États Membres devraient respecter les cadres mis en place par le Conseil de sécurité car les contester ne relève pas des prérogatives de la Commission.
Répondant également à la déclaration de la Türkiye, Chypre a dénoncé la tentative de politiser une commission technique et de remettre en cause la volonté de la communauté internationale clairement exposée dans différentes résolutions du Conseil de sécurité. Les commentaires de la Türkiye sont contestables et sans pertinence, a-t-il tranché.
La Türkiye a argué que depuis 2020, il n’y a pas de consensus autour des paramètres sur la situation à Chypre. Elle a insisté sur l’égalité souveraine des Chypriotes turcs sur laquelle doit reposer tout règlement, sans quoi les négociations échoueront comme elles ont échoué par le passé. Elle a imputé l’impasse actuelle à l’Union européenne et promis une réponse circonstanciée en temps et en heure à la « représentante chypriote grecque ».
Chypre a exigé qu’on le désigne par son nom officiel et que l’on cesse de politiser les travaux de la Commission.