Le Conseil de sécurité mis en demeure d’agir face à une insécurité alimentaire alarmante et des cas de famine alimentés par les conflits armés
Fin 2020, plus de 88 millions de personnes souffraient de la faim en raison des conflits et de l’instabilité, soit une progression de 20% en l’espace d’un an. Et d’après les prévisions pour 2021, cette « situation effrayante » devrait perdurer, a alerté aujourd’hui le Secrétaire général lors d’un débat public du Conseil de sécurité consacré à ce que plusieurs intervenants ont qualifié de « cercle vicieux » de l’insécurité alimentaire et des conflits. Pour remédier à ce fléau planétaire, et notamment aux cas de famine, parfois utilisés comme tactique de guerre, des appels à la mobilisation mondiale ont été lancés, de même que de nombreuses suppliques en faveur de l’application effective de la résolution 2417 2018).
« Nous devons faire face à de multiples famines entraînées par des conflits dans le monde entier », a souligné M. António Guterres, ajoutant que les chocs climatiques et la pandémie de COVID-19 « attisent le feu ». En l’absence de mesures immédiates, des millions de personnes risquent de basculer dans la faim extrême, a-t-il mis en garde, alors que les crises alimentaires s’accentuent au Sahel et dans la Corne de l’Afrique, et s’installent au Soudan du Sud, au Yémen et en Afghanistan. Pas moins de 30 millions de personnes dans plus d’une trentaine de pays sont aujourd’hui aux portes de la famine, a averti le chef de l’ONU.
Malgré les efforts consentis l’an dernier par la communauté internationale pour contrer ce danger de « pandémie de la faim », « nous nous tenons une nouvelle fois au bord de l’abîme », a renchéri le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM). Selon M. David Beasley, dont l’agence a apporté une aide vitale à 114 millions de personnes en 2020, un nombre record, l’urgence est particulièrement pressante en République démocratique du Congo (RDC), en Afghanistan, au Nigéria et en Syrie. Quant au Yémen, autre pays en conflit qui s’achemine vers la plus grave crise alimentaire de l’histoire moderne, « c’est l’enfer sur Terre », a-t-il résumé.
Dans ce contexte, près de 400 000 enfants pourraient mourir cette année au Yémen sans une intervention urgente, a alerté M. Beasley. « Allons-nous leur tourner le dos? », a-t-il interrogé, en alertant également sur l’insécurité alimentaire croissante dans la région du Tigré, en Éthiopie, et au Soudan du Sud. Afin d’éviter de multiples famines à travers le monde, il a demandé aux membres du Conseil de fournir 5,5 milliards de dollars immédiatement. Il a également souligné la nécessité d’investir dans la paix, notant que les coûts de la violence sont immenses, de l’ordre de 14 500 milliards de dollars. « Le Conseil de sécurité a l’obligation morale de faire tout ce qui est son pouvoir pour mettre fin à ces guerres », a-t-il martelé.
Une position largement partagée par la Directrice exécutive d’OXFAM International, qui a dénoncé les blocus empêchant l’acheminement des vivres et du carburant au Yémen, en RDC, en Afghanistan et en Syrie. « Nous devrions en être horrifiés », a commenté Mme Gabriela Bucher, avant de rappeler que la résolution 2417, adoptée unanimement en 2018 par le Conseil, condamne l’utilisation de la famine comme arme de guerre contre les civils. Or, les pays en conflit menacés par la famine en 2017 le sont toujours aujourd’hui et d’autres les ont rejoints, a-t-elle relevé, appelant le Conseil à briser ce « cercle vicieux ».
Pour y parvenir, le Conseil devrait, selon elle, prendre de « véritables mesures » pour soutenir l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et condamner le ciblage des infrastructures de production de denrées alimentaires ainsi que les restrictions à l’accès humanitaire. Il devrait en outre exiger une responsabilisation pour les « crimes de famine », renforcer l’appel de fonds nécessaire pour répondre aux besoins supplémentaires et approuver l’accessibilité d’un vaccin contre la COVID-19.
Dans l’immédiat, le Secrétaire général a annoncé la création d’un groupe spécial de haut niveau sur la prévention de la famine, qui sera dirigé par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, et fera rapport au Conseil. Cette équipe, composée de représentants du PAM et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), contribuera à ce qu’une aide soit fournie aux pays les plus touchés.
Délégation à l’origine de ce débat, les États-Unis ont salué cette annonce, tout en plaidant pour l’établissement de « rapports plus rapides et plus cohérents sur ces crises ». Á cette fin, le Conseil doit s’assurer que le Secrétaire général a le mandat et les outils nécessaires pour mettre en lumière les conflits émergents et la famine potentielle, a avancé la délégation, jugeant essentiel d’avoir « de meilleures informations sur les endroits où sévit la faim et où elle va s’aggraver ». Pour ce faire, elle a demandé à M. Guterres et à son équipe de produire deux rapports à l’attention du Conseil chaque année, en plus du mandat actuel de notification d’urgence en cas de risque.
Circonspecte, la Fédération de Russie a rejeté cette proposition et exprimé ses doutes quant à la « valeur ajoutée » du Conseil sur la question de la famine. Elle a aussi dit son opposition à la nomination d’une personne en charge de ce dossier au motif que son travail perturberait les activités du PAM et de la FAO. Dénonçant d’autre part les tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures des États qui tardent à fournir des données sur leur situation de famine, elle a soutenu que le meilleur moyen de lutter contre ces crises est de lever les sanctions unilatérales qui frappent certains pays, rejointe sur ce point par la Chine et l’Inde.
Parmi les six délégations représentées au niveau ministériel, l’Irlande a mis en avant son « héritage » en matière de famine et souhaité que le Conseil soit saisi de la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des systèmes alimentaires et des marchés locaux, tandis que le Kenya prônait des interventions fondées sur des faits et des données empiriques. L’Estonie a, pour sa part, appelé l’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales à se réunir plus souvent sur cette question urgente.
De son côté, le Royaume-Uni a invité l’ONU à utiliser toute la gamme d’outils à sa disposition pour prévenir les conflits, y mettre fin et lutter contre l’insécurité alimentaire, à commencer par la résolution 2417 qui met l’accent sur leur interrelation. Parce que les conflits sont la principale cause du risque de famine et des crises alimentaires, la France a, elle, jugé essentiel d’accélérer la mise en œuvre des résolutions 2532 (2020) et 2565 (2021)qui demandent un cessez-le-feu et une pause humanitaire.
« Si vous ne nourrissez pas les gens, vous nourrissez les conflits »: tel est le message qu’a souhaité faire passer le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, à l’entame de son exposé. En effet, a-t-il dit, « les conflits et la faim, lorsqu’ils frappent un pays ou une région, se renforcent mutuellement et ne peuvent être éliminés séparément ». Notant que le Comité Nobel a reconnu cette corrélation en décernant le prix Nobel de la paix au Programme alimentaire mondial (PAM), il a souligné que ce « puissant appel à l’action » fait comprendre que la sécurité alimentaire est « essentielle pour instaurer la paix et la stabilité ».
Alors que, ces dernières décennies, l’amélioration de la productivité et le recul de la pauvreté dans le monde ont permis de faire d’énormes progrès en matière de lutte contre la faim, il se révèle que la famine et la faim « ne sont plus une question de manque de nourriture », a poursuivi M. Guterres. En grande partie produites par l’homme, elles frappent surtout des pays touchés par des conflits prolongés et de grande envergure, a-t-il souligné, avant de constater que la situation empire. Fin 2020, plus de 88 millions de personnes souffraient cruellement de la faim en raison des conflits et de l’instabilité, soit une progression de 20% en l’espace d’un an. Et d’après les prévisions pour 2021, cette « situation effrayante » devrait perdurer.
Le Secrétaire général a donc alerté le Conseil: « nous devons faire face à de multiples famines entraînées par des conflits dans le monde entier ». De plus, a-t-il relevé, « les chocs climatiques et la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) attisent le feu ». Avertissant qu’en l’absence de mesures immédiates, des millions de personnes risquent de basculer dans la faim extrême, il a fait part d’estimations selon lesquelles les crises alimentaires s’accentuent et se propagent dans l’ensemble du Sahel et de la Corne de l’Afrique, et s’installent de plus en plus rapidement au Soudan du Sud, au Yémen et en Afghanistan. De fait, plus de 30 millions de personnes dans plus d’une trentaine de pays sont au bord de la famine, a-t-il affirmé, observant que les femmes et les filles doivent faire face à un « double danger » car elles risquent davantage d’avoir à quitter leur foyer en raison du conflit et elles sont plus vulnérables à la malnutrition, notamment lorsqu’elles sont enceintes ou allaitent.
L’insécurité alimentaire est aggravée par la restriction de l’accès humanitaire, a ajouté M. Guterres en se disant profondément préoccupé par la situation dans la région du Tigré, en Éthiopie. Dans certains pays, notamment au Yémen, au Soudan du Sud et au Burkina Faso, la famine est déjà là, a-t-il insisté. Plus de 150 000 personnes risquent de mourir de faim. Au Yémen, où cinq années de conflit ont entraîné le déplacement de quatre millions de personnes, on estime qu’en 2021, la malnutrition aiguë devrait toucher la moitié des enfants de moins de 5 ans. De surcroît, environ 16 millions de personnes connaissent l’insécurité alimentaire. De même, a poursuivi le Secrétaire général, depuis que le Soudan du Sud a déclaré son indépendance il y a 10 ans, l’insécurité alimentaire n’a jamais atteint un niveau aussi élevé qu’aujourd’hui. Dans ce pays, 60% de la population souffre de plus en plus de la faim et la situation est aggravée par le prix élevé des denrées alimentaires, les violences persistantes, les phénomènes météorologiques extrêmes et les répercussions économiques de la COVID-19.
L’an dernier, a encore indiqué le chef de l’ONU, la République démocratique du Congo (RDC) a connu la plus grande crise alimentaire au monde, près de 21,8 millions de personnes ayant souffert de faim aiguë entre juillet et décembre. Dans ce contexte, a-t-il déploré, les « sombres conséquences de l’association de la faim et des conflits » ont été illustrées le mois dernier par l’attaque qui a visé les véhicules du Programme alimentaire mondial (PAM) dans l’est du pays, coûtant la vie à trois personnes, dont l’Ambassadeur italien, Luca Attanasio.
Il nous incombe de faire tout ce que nous pouvons pour inverser le cours des choses, tout d’abord en prévenant la famine, a plaidé M. Guterres. En septembre dernier, le Secrétariat a établi un livre blanc qui présente les risques de famine dans quatre pays, a-t-il dit, indiquant avoir décidé de créer un groupe spécial de haut niveau sur la prévention de la famine, qui sera dirigé par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock. Ce groupe, composé de représentants du PAM et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), contribuera à ce que la question de la prévention de la famine soit examinée de manière concertée à un haut niveau et à ce qu’une aide soit fournie aux pays les plus touchés. Le Secrétaire général a en outre demandé à M. Lowcock de s’appuyer sur d’autres membres du Comité permanent interorganisations, dont l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et ONU-Femmes.
Pour M. Guterres, il faut avant tout se préoccuper des plus de 34 millions de personnes déjà aux prises avec une insécurité alimentaire qui a atteint un niveau critique. D’ores et déjà, le PAM et la FAO ont lancé un appel à la mobilisation urgente de 5,5 milliards de dollars de ressources extraordinaires visant à fournir une aide vitale, qui comprend la distribution de nourriture, d’argent en espèces et de bons d’alimentation, ainsi que l’aide adaptée à l’agriculture et les soins médicaux à ceux qui souffrent déjà de malnutrition aiguë. Si tous les pays rencontrent des difficultés économiques résultant de la pandémie de COVID-19, « supprimer l’aide aux enfants qui meurent de faim n’est pas la solution », a-t-il souligné. À cet égard, il a regretté que la Manifestation de haut niveau pour les annonces de contributions relatives à la crise humanitaire au Yémen n’ait pas répondu aux attentes. Il a donc demandé à tous les pays de réfléchir à nouveau aux responsabilités et aux capacités qui sont les leurs, faisant valoir que « les sommes relativement modestes qui vont à l’aide humanitaire permettent d’investir non seulement dans la population mais aussi dans la paix ».
Le Secrétaire général a également souligné que les personnes souffrant de faim aiguë doivent pouvoir accéder à la nourriture et à une assistance vitale en toute sécurité, en particulier durant des conflits armés. Conformément à la résolution 2417 (2018), les biens et les produits indispensables à la survie des populations civiles doivent être protégés. De plus, l’accès humanitaire ne doit pas être entravé et l’utilisation de la famine comme méthode de guerre est interdite. Malheureusement, a-t-il constaté, « nous ne manquons pas d’exemples récents d’utilisation de la famine comme tactique de guerre ». Il a cité le cas de la Syrie mais aussi du Soudan du Sud, où l’accès humanitaire a été systématiquement refusé à la population. Au Myanmar, a-t-il encore indiqué, des éléments montrent que la faim, due à la destruction des terres agricoles et des villages ainsi qu’aux restrictions de mouvement, a été utilisée contre les Rohingya. Martelant que « l’utilisation délibérée de la famine comme méthode de guerre constitue un crime de guerre », il a exhorté les membres du Conseil à agir par tous les moyens pour que les responsables de ces actes atroces soient amenés à rendre des comptes.
Avant de conclure, M. Guterres a appelé à s’attaquer en même temps à la faim et aux conflits « si nous voulons régler l’un ou l’autre problème ». Il a rappelé que le plan de l’ONU pour la réduction de la faim est le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et en particulier l’objectif 2: « Faim zéro ». Nous devons transformer nos systèmes alimentaires pour qu’ils profitent à tous et pour les rendre plus résilients et durables, a-t-il soutenu, notant que cette question sera au cœur du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, qu’il convoquera l’année prochaine. Il importe, dans le même temps, de trouver des solutions politiques aux conflits, a-t-il déclaré, avant d’inviter tous les États à faire en sorte que la cessation des conflits, « et non pas simplement l’atténuation de leurs effets », soit une priorité majeure de leur politique étrangère. « La famine et la privation de nourriture n’ont pas lieu d’être au XXIesiècle. »
Mme GABRIELA BUCHER, Directrice exécutive d’OXFAM International, a rappelé l’histoire de la naissance de son organisation créée pour aider le peuple grec qui, en 1941, était confronté à des privations alimentaires imposées par les Puissances de l’Axe. « OXFAM International se tenait avec le peuple grec pour exiger son droit à l’alimentation durant la guerre. » Nous faisons faire face à la même injustice aujourd’hui, a déclaré Mme Bucher dénonçant les blocus qui empêchent l’acheminement des vivres et du carburant au Yémen, aux millions de personnes souffrant de la faim en République démocratique du Congo, en Afghanistan et en Syrie. Nous devrions en être horrifiés, a dit la Directrice exécutive.
Le Conseil de sécurité, qui a adopté en 2018 la résolution 2417, a condamné l’utilisation de la famine comme arme de guerre contre les civils, a rappelé Mme Bucher tout en se demandant si la promesse de cette résolution avait été tenue. Les pays menacés par la famine des conflits en 2017 le sont toujours aujourd’hui et d’autres les ont rejoints, a-t-elle relevé en soulignant qu’au moins 88 millions de personnes souffrent de la faim aiguë dans les pays où les conflits et l’insécurité persistent. Les femmes et les filles sont touchées de façon disproportionnée parce qu’elles sont souvent les dernières à manger et parce qu’elles mangent moins, a-t-elle aussi fait remarquer. « Ces populations ne meurent pas de faim mais sont affamées. »
Elle a insisté sur le fait que les dépenses en armements des pays les plus puissants ont conduit trop souvent à la famine avant de raconter l’histoire d’une Yéménite, A’eshah Yahya Dahish, obligée de nourrir son jeune frère avec de l’eau et des miettes pour survivre. Elle a aussi parlé de Tesfay Getachew, un agriculteur éthiopien du Tigré qui comptait sur sa production pour nourrir sa famille. Or, en novembre dernier, son village a été bombardé et ses récoltes ont été incendiées, ne lui laissant rien.
Mme Bucher a aussi raconté la vie de la centrafricaine Housseina dont la maison et les champs ont été détruits dans les combats. Avec le soutien d’OXFAM International, elle a replanté ses terres pour les voir à nouveau détruites lors des récents combats. Des femmes comme Housseina veulent vivre et le Conseil doit tenir sa promesse fondamentale de protéger leur famille, a plaidé Mme Bucher ajoutant que les femmes dans les conflits font face à des choix impossibles: se rendre au marché et risquer de franchir les postes de contrôle, ou voir leurs familles mourir de faim? Récolter les récoltes et risquer d’être attaquées, ou ne pas le faire et souffrir de la famine? Parfois, ils n’ont pas le choix, a continué la Directrice parlant du cas de deux sœurs de 3 et 8 ans, Sahar et Hanan, qui ont été déplacées par le conflit au Yémen et forcées de se marier parce que leurs parents ne pouvaient pas les nourrir.
Mme Bucher a donc appelé le Conseil à briser le cercle vicieux des conflits et de l’insécurité alimentaire, premièrement en établissant des rapports sur les situations où il existe un risque de famine et d’insécurité alimentaire provoquées par un conflit. Le Conseil devrait procéder à des examens trimestriels des mesures prises dans le cadre du système d’alerte précoce.
Deuxièmement, a ajouté Mme Bucher, le Conseil doit prendre de véritables mesures pour soutenir l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial, assurer l’accès humanitaire, ainsi que l’inclusion des femmes dès le début du processus.
Troisièmement, le Conseil devrait condamner le recours à la famine des civils en tant qu’arme de guerre, le ciblage des infrastructures de production de denrées alimentaires et toutes les restrictions à l’accès humanitaire. Le Conseil devrait également saisir de toute occasion pour exiger la responsabilité des crimes de famine. Elle a dénoncé l’impunité quasi mondiale sur cette question.
Quatrièmement, a continué Mme Bucher, le Conseil devrait renforcer à l’appel mondial pour lever les 5,5 milliards de dollars nécessaires pour répondre aux besoins supplémentaires et éviter la famine, surtout depuis la crise de la COVID-19. Pour être la plus efficace possible, l’aide doit aller de toute urgence aux organisations locales, en particulier les organisations de défense des droits des femmes qui sont en première ligne dans la lutte contre la faim, a recommandé Mme Bucher.
Cinquièmement, elle a souhaité que le Conseil approuve un vaccin gratuit et accessible à tous contre la COVID-19. Si elle a reconnu que la fin de la pandémie ne mettra pas fin à la famine, la Directrice exécutive a estimé que nous ne pouvons pas éradiquer la famine si nous ne pouvons pas mettre fin à cette pandémie. Les pays riches doivent éliminer les contraintes qui entravent l’approvisionnement et aider à distribuer le vaccin à tous ceux qui en ont besoin, a-t-elle conclu.
M. DAVID BEASLEY, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, il avait affirmé devant le Conseil que le monde était, en plus de la pandémie de COVID-19, au bord « d’une pandémie de faim », 270 millions de personnes courant un risque de famine. Heureusement, le monde nous a entendus et nous avons évité la catastrophe en 2020, a-t-il indiqué, ajoutant que le PAM a apporté une aide vitale l’an dernier à 114 millions de personnes, soit le nombre le plus élevé de toute son histoire. « Je voulais néanmoins vous avertir que nous nous tenons une nouvelle fois au bord de l’abîme. » M. Beasley a indiqué que les conflits et l’instabilité sont en train d’engendrer une « nouvelle vague destructrice de famine qui menace de balayer le monde”, avant de remercier le Secrétaire général pour son leadership afin d’éviter ces famines.
« Les projections du PAM pour 2021 sont véritablement choquantes. » Le Directeur exécutif a déclaré que 19,6 millions de personnes sont en situation de crise alimentaire en République démocratique du Congo -« l’urgence la plus pressante »-, 17 millions en Afghanistan, 13 millions au Nigéria et 12 millions en Syrie, tous ces nombres étant en hausse par rapport à l’année dernière. En 2021, 270 millions de personnes feront face à une crise alimentaire et 34 millions de personnes seront au bord de la famine, a-t-il déclaré.
M. Beasley a déclaré que ces urgences alimentaires ont deux points communs: elles découlent d’un conflit et sont entièrement évitables. « Ne nous trompons pas, le conflit du fait de l’homme est le véritable coupable. » Il a détaillé la situation au Yémen, qui s’achemine vers la plus grave famine de l’histoire moderne. « C’est l’enfer sur Terre au Yémen. » Il a averti que près de 400 000 enfants pourraient mourir cette année au Yémen sans une intervention urgente, soit un enfant toutes les 75 secondes. « Allons-nous leur tourner le dos? » a-t-il lancé, en appelant à la levée de l’embargo sur le carburant, pour des raisons humanitaires. Le Directeur exécutif a souligné la nécessité de mobiliser d’importantes ressources financières pour faire face à la situation au Yémen.
Dans la région du Tigré, en Éthiopie, trois millions de personnes ont besoin d’une assistance alimentaire, a déclaré M. Beasley, en appelant à une augmentation des ressources financières afin de leur porter secours. « Malheureusement, la liste des pays dans le besoin et des victimes de conflit ne fait que s’allonger. »
Le Directeur exécutif a attiré l’attention du Conseil sur le conflit au Soudan du Sud, où 7,2 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire alarmante. Il a détaillé sa visite dans la région de l’ouest de Pibor et raconté que des mères en sont réduites à nourrir leurs enfants avec de la peau d’animaux morts et même avec de la boue. « Dans l’ouest de Pibor, ils disent que 2021 est l’année de la famine. »
Il a demandé aux membres du Conseil de fournir 5,5 milliards de dollars immédiatement afin d’éviter de multiples famines à travers le monde. « Je vous demande d’ouvrir vos cœurs, de montrer de la compassion et de donner généreusement. » Le Directeur exécutif a exhorté le Conseil à jouer son rôle, car “sans l’argent nécessaire, le monde ne peut mettre un terme à la famine.”
Au-delà de cette crise immédiate, M. Beasley a souligné la nécessité d’investir dans la paix, ajoutant que les coûts de cette violence sont immenses, près de 14 500 milliards de dollars. « Le Conseil de sécurité a l’obligation morale de faire tout ce qui est son pouvoir pour mettre fin à ces guerres. » Avant d’y parvenir, il a exhorté le Conseil à mobiliser les fonds nécessaires pour éviter que des millions de personnes ne meurent de faim. « Si nous avons été capables d’éviter la famine en 2020, nous pouvons le refaire en 2021 », a conclu M. Beasley. « S’il vous plaît, ne nous demandez pas de choisir quel enfant affamé meurt et lequel vit. Nourrissons-les tous.
La Représentante permanente des États-Unis auprès des Nations Unies, et membre du Gouvernement Biden, Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD, a parlé de son expérience tragique, en 1993, lors de la visite d’un camp de réfugiés dans le nord de l’Ouganda: une fillette de 2 ans s’était éteinte à cause de la faim devant ses yeux. Pour elle, lorsqu’on utilise des termes techniques comme « sécurité alimentaire, malnutrition aiguë, faim induite par les conflits », il ne faut pas oublier que l’on parle d’humanité, de pure souffrance et de vraies personnes. La Représentante a noté que la malnutrition aiguë peut déclencher d’autres problèmes tels que la violence sexiste ou l’exploitation et la maltraitance des enfants. En d’autres termes, « la cruauté de la faim entraîne plus de cruauté ».
Selon Mme Thomas-Greenfield, « en 2021, il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas fournir de ressources aux personnes dans le besoin ». Et, sachant que la famine est causée par l’homme, cela signifie que nous devons aussi l’arrêter. À ce propos, elle a rappelé qu’en 2018, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2417 qui prévoyait de mener des enquêtes « sur les mauvais acteurs qui violent le droit international et utilisent la famine comme arme de guerre » avec l’engagement de les tenir pour responsables. La Représentante a ensuite évoqué les situations de famine dans certains pays comme le Yémen où plus de 70% de la population a besoin d’aide alimentaire, ou l’Éthiopie où les combats dans la région du Tigré au cours des quatre derniers mois ont poussé des citoyens innocents au bord du gouffre.
Selon la Représentante, « nous avons besoin de meilleurs rapports plus rapides et plus cohérents sur ces crises ». Nous devons donc nous assurer que le Secrétaire général a le mandat et les outils nécessaires pour mettre en lumière ces conflits émergents et la famine potentielle, a-t-elle dit. Elle a salué l’annonce du Secrétaire général concernant la création d’une équipe spéciale de haut niveau sur la prévention de la famine. Selon elle, il faudrait avoir de meilleures informations sur les lieux où sévit la faim et où elle va s’aggraver. « Nous pouvons sauver des vies, si nous savons où aller et si nous y consacrons des fonds. » La représentante a donc appelé le Conseil de sécurité à résoudre ce problème de manque de données. S'adressant au Secrétaire général et à son équipe, elle a recommandé de produire deux rapports officiels à l’attention du Conseil de sécurité chaque année, en plus du mandat actuel de notifier d’urgence le Conseil en cas de risque. Elle a aussi demandé de se pencher spécifiquement sur la manière d’améliorer les méthodes de collecte et d’analyse des données. Les États-Unis, qui sont un partenaire dans cet effort, insistent pour que l’ONU, dans la pratique, s’emploie à analyser et à identifier qui est responsable de la faim, a-t-elle conclu.
Mme EVA-MARIA LIIMETS, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a souligné l’importance cruciale du respect du droit international humanitaire pour réduire l’insécurité alimentaire et prévenir la famine. Elle s’est félicitée des amendements apportés au Statut de Rome pour reconnaître que l’utilisation de la famine contre les civils constitue un crime de guerre. La Ministre a particulièrement mis l’accent sur l’opportunité que constituent les mesures restrictives dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2417 (2018) pour lutter contre l’insécurité alimentaire. La Ministre a ensuite mis l’accent sur trois cas critiques, en citant le Soudan du Sud, la région du Tigré en Éthiopie et l’Afghanistan.
S’agissant du Soudan du Sud, où près de 70% de la population a besoin d’aide humanitaire, elle a signalé que l’Estonie a fait une contribution au PAM pour atténuer la situation humanitaire dans ce pays. Pour ce qui est de la région du Tigré, Mme Liimets a noté que la communauté humanitaire a lancé des appels pour augmenter l’aide humanitaire afin d’éviter des conditions de famine sur le terrain. Il est essentiel que le Gouvernement éthiopien respecte son engagement de fournir un accès humanitaire sans entrave et que les troupes érythréennes se retirent du Tigré, a-t-elle estimé. Pour ce qui est de l’Afghanistan, où 45% de la population risque de souffrir de la faim cette année, la Ministre s’est inquiétée du risque de voir près d’un enfant de moins de 5 ans sur deux souffrir de malnutrition aiguë. Elle s’est alarmée des niveaux excessifs de violence à travers le pays qui empêchent non seulement les gens de sécuriser leurs moyens de subsistance, mais aussi entravent gravement l’aide humanitaire. Estimant qu’il revient aux membres du Conseil de sécurité de répondre aux risques de famines potentielles dans le monde, la Ministre a souhaité que le Conseil de sécurité se réunisse plus souvent sur cette question urgente.
M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la défense de l’Irlande, a rappelé que son pays a lui-même connu la famine lors de pire catastrophe humanitaire de l’Europe du XIXesiècle. Un million de personnes ont alors péri et un autre million ont été forcées d’émigrer, a-t-il souligné, ajoutant que cet héritage a donné lieu à la conviction que nous avons une « responsabilité mondiale partagée d’agir ». Pour le Chef de la diplomatie irlandaise, il est indéniable que les conflits sont le principal moteur de la faim et, trop souvent, la famine est utilisée comme arme de guerre. Chaque fois que le Conseil est informé du Yémen et de la Syrie, il est rappelé que trop de gens risquent de mourir de faim, ce qui, selon lui, devrait être un « motif de grande honte » au XXIe siècle.
Alors que la faim provoquée par les conflits est un phénomène dont le Conseil de sécurité est régulièrement informé, à la fin de l’an dernier, environ 88 millions de personnes souffraient de la faim dans les pays où les conflits et l’insécurité jouaient un rôle clef dans l’insécurité alimentaire, a observé M. Coveney. Le Ministre a ainsi souligné que le peuple yéménite est confronté à « la possibilité réelle de faire face à la pire famine que le monde ait connue depuis des décennies », tandis qu’en Éthiopie, même avant le conflit au Tigré, il était prévu que 1,4 million de personnes dans cette région auraient besoin d’une aide alimentaire en 2021. Or, malgré les engagements pris par le Gouvernement éthiopien, l’accès humanitaire reste insuffisant par rapport aux besoins urgents à grande échelle. De même, en Syrie, 10 ans après le début du conflit, 60% de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire, a-t-il déploré, non sans rappeler que ce pays se classait dans la moitié supérieure de l’indice de développement humain il y a 12 ou 13 ans. Indiquant avoir visité le point de passage de Bab el-Haoua le mois dernier, il a expliqué que parler à des ONG syriennes et internationales et aux agences de l’ONU travaillant dans le nord-ouest de la Syrie lui a fait comprendre « la misère humaine et le gaspillage total du potentiel humain qui résultent du conflit ».
Pour M. Coveney, l’adoption à l’unanimité de la résolution 2417 (2018) a été un « moment impressionnant » dans l’histoire récente du Conseil. C’était un témoignage de l’unité du Conseil sur la nécessité de lutter contre la faim provoquée par les conflits, a-t-il souligné avant de regretter que l’intention de ce texte « ne se concrétise pas pour les personnes les plus touchées ». Nous devons reconnaître que la sécurité alimentaire et les conflits armés doivent être au cœur des travaux du Conseil, a-t-il insisté, notant que la faim induite par les conflits n’est pas un événement rare et appelle notre attention. Dans ce contexte, a-t-il ajouté, l’Irlande se félicite de travailler avec le Niger en tant que point focal sur la faim et les conflits au sein du Conseil pour les deux prochaines années. Les deux pays accueilleront le mois prochain la première des réunions d’information semestrielles pour 2021, afin de discuter des conclusions du prochain rapport conjoint PAM-FAO.
De l’avis du Ministre irlandais, il convient d’adapter notre approche aux contextes nationaux et reconnaître les différentes manières dont les systèmes alimentaires sont endommagés par les conflits. Dans les situations de conflit armé, a-t-il plaidé, le Conseil doit être saisi de la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des systèmes alimentaires et des marchés locaux. De plus, si un accès humanitaire rapide et sans entrave est vital pendant une crise alimentaire aiguë, le Conseil doit envisager une action rapide pour prévenir l’insécurité alimentaire et la famine. « L’Histoire nous jugera durement si nous échouons », a-t-il conclu en appelant une nouvelle fois à la mise en œuvre de la résolution 2417.
Mme RAYCHELLE OMAMO, Secrétaire d’État aux affaires étrangères du Kenya, a réitéré que la sécurité alimentaire est l’une des quatre priorités du Gouvernement kènyan dans le cadre de son « Big Four Agenda ». La Ministre a reconnu que les changements climatiques et les sécheresses, la désertification, la dégradation des terres et les invasions acridiennes ont sapé la sécurité alimentaire et multiplié les menaces liées aux conflits. Mme Omamo s’est dite préoccupée par l’insécurité alimentaire dans les communautés et les zones où des conflits violents se poursuivent. Elle a misé sur le débat de ce jour pour mettre en lumière de nouveaux moyens de traiter du problème de l’insécurité alimentaire comme un facteur multiplicateur de menaces et de fragilités en termes de paix et de sécurité. Elle a espéré que de nouvelles solutions émergent pour assurer l’accès à l’aide humanitaire et l’aide à la production alimentaire nationale et locale. Pour y arriver, les infrastructures civiles essentielles à l’acheminement des denrées alimentaires ne doivent jamais être délibérément ciblées par les parties en conflit, a-t-elle exigé. Elle a aussi appelé à protéger les biens civils liés à l’alimentation, y compris les fermes, les marchés, les systèmes d’approvisionnement en eau, les usines, les sites de transformation et d’entreposage des aliments et les plaques tournantes, arguant que ce sont des ressources neutres qui n’ont aucun rôle à jouer dans les hostilités.
Mme Omamo a suggéré que les pays et les régions en conflit armé fassent tout leur possible pour assurer et faciliter un accès sûr et sans entrave du personnel humanitaire aux civils vulnérables qui ont besoin d’aide. Les agences humanitaires devraient non seulement étendre leur soutien à l’aide alimentaire, mais aussi renforcer les capacités locales de production alimentaire et renforcer la résilience nutritionnelle. À cet égard, le soutien aux intrants agricoles, aux semences et aux engrais, pour les populations locales dans les pays fragiles, est de la plus haute priorité. Mme Omamo a enfin appelé à mettre en œuvre la résolution 2417 (2018) pour atténuer l’insécurité alimentaire provoquée par les conflits, et en particulier interdire la famine comme arme de guerre. Les décisions et les interventions du Conseil de sécurité devraient être fondées sur des faits et fondées sur des données empiriques visant à assurer une approche équilibrée pour faire avancer la paix et la sécurité internationales, a recommandé la Secrétaire d’État.
« Á l’heure où nous parlons, 700 millions de personnes dans le monde ne savent pas quand sera leur prochain repas et 270 millions font face à une insécurité alimentaire aigüe », a déclaré M. DAG-INGE ULSTEIN, Ministre pour le développement international de la Norvège. Il a indiqué que le visage de la faim aujourd’hui est vraisemblablement celui d’une femme et sera sûrement celui de son enfant demain. « Qu’aurions-nous à leur dire? J’ai peur que nous leur disions que nous avons entendu les avertissements mais que nous ne nous sommes pas mis d’accord sur la manière d’agir. »
Il a rappelé que la sécurité alimentaire est une question de sécurité, en invitant le Conseil à passer aux actes. Le Ministre a qualifié de « désespérée » la situation au Yémen, où 16 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, avant de plaider pour une solution politique négociée pour mettre un terme à cette crise qui est du fait de l’homme. M. Ulstein a également déclaré que le risque de famine existe dans la région du Tigré en Éthiopie, où la situation continue de se détériorer. « Le Conseil de sécurité doit parler d’une seule voix contre les violations du droit international humanitaire, notamment l’obstruction à l’acheminement de l’aide humanitaire et l’affamement des civils comme tactique de guerre. » Il a indiqué que la réponse à de telles violations pourrait inclure l’adoption de mesures ciblées, avant d’exhorter les parties au Statut de Rome à ratifier le récent amendement relatif à l’affamement comme crime de guerre dans un conflit armé non-international.
Rappelant que la famine est la plupart du temps une question politique, le Ministre a souligné la nécessité de solutions politiques, en appelant le Conseil à agir plus fermement lorsque le Secrétaire général active les mécanismes d’alerte précoce devant une situation de famine et d’insécurité alimentaire. « Mais déclarer une famine ne dit pas tout de ce qui se passe », a rappelé M. Ulstein, ajoutant que la famine n’a jamais été officiellement déclarée au Yémen, en dépit des souffrances humanitaires qu’elle engendre. Le Ministre a déclaré que le Conseil a pour mandat de prévenir les conflits par des moyens pacifiques et plaidé pour une intervention immédiate, à savoir « lorsque nous entendons les alertes précoces. » « Si nous n’agissons pas maintenant, il sera trop tard » , a-t-il prévenu.
Le Ministre de l’agriculture, des forêts, de la pêche, de la transformation rurale, de l’industrie et du travail de Saint-Vincent-et-les Grenadines, M. SABOTO CAESAR, très préoccupé par la situation alimentaire mondiale, a mis l’accent sur la nécessité d’une approche globale et coordonnée « à l’échelle du système » pour s’attaquer aux causes profondes et immédiates de la fragilité et de l’insécurité. Il a souhaité que le Conseil de sécurité ne ménage aucun effort pour protéger les plus vulnérables, notamment en facilitant l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave à ceux qui en ont besoin. Le Conseil doit également travailler plus étroitement avec l’Assemblée générale et le Conseil économique et social (ECOSOC) pour favoriser des solutions de développement qui répondent aux besoins fondamentaux des personnes en situation de conflit, a préconisé M. Caesar. De même, la Commission de consolidation de la paix (CCP), avec ses capacités consultatives stratégiques et sa plateforme de rassemblement, est utile pour consolider les efforts dans le cadre du lien entre paix et sécurité et développement humanitaire, a-t-il ajouté, souhaitant que ces capacités soient exploitées plus souvent.
Pour sa part, Saint-Vincent-et-les Grenadines a accéléré ses efforts pour assurer la sécurité alimentaire localement et dans toute la région, a fait valoir le Ministre. « Nous sommes le grenier du sud des Caraïbes », s’est-il félicité, expliquant que les agriculteurs et les pêcheurs du pays restent des parties prenantes essentielles à ces efforts, et indiquant que le Gouvernement entend faire tout ce qu’il peut pour les soutenir. À cet égard, le Ministre a réitéré les appels à une action urgente, concertée et décisive pour lutter contre les changements climatiques, lesquels sont inextricablement liés à l’insécurité alimentaire. Bien que nous convenions que les conflits sont l’un des principaux moteurs de la faim dans certains contextes, les événements météorologiques extrêmes, notamment les inondations et les sécheresses, sapent également la productivité agricole et créent une insécurité alimentaire, a-t-il rappelé. Dans ce contexte, a indiqué le Ministre, « la souffrance continue de nos frères et sœurs en Haïti, l’un des quatre pays les plus exposés à l’insécurité alimentaire au monde, est un douloureux rappel des liens entre les catastrophes naturelles, la stabilité politique et économique et la faim aiguë ».
M. Caesar a estimé que des efforts accrus sont donc nécessaires, sur tous les fronts, pour relever les défis interdépendants que sont les conflits, les changements climatiques et l’insécurité alimentaire. De ce fait, les émissions doivent être réduites et les engagements financiers en faveur des mesures d’adaptation doivent être respectés. Dans le même temps, les principaux donateurs, y compris les institutions financières internationales, devraient intensifier l’assistance offerte aux pays en développement et aux pays touchés par un conflit, notamment en augmentant l’allégement de la dette et le financement concessionnel, et en veillant à ce que les agences humanitaires disposent de ressources suffisantes pour mener à bien leurs plans de réponse salvateurs. Il a enfin affirmé que pour tenir notre promesse collective de mettre fin à la faim d’ici à 2030, nous devons travailler ensemble, sérieusement et de manière constructive, pour mettre fin aux conflits et arrêter le réchauffement climatique.
Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d'État du Royaume Uni pour le Commonwealth, l’Organisation des Nations Unies et l’Asie du Sud, a prévenu des risques de famine au Soudan du Sud et au Yémen où 16 millions de personnes risquent de faire face à la pire famine de ces dernières décennies. Il a souligné que le conflit est le principal moteur de l’insécurité alimentaire et que la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques aggravent cette situation désespérée. Notant que certains groupes armés utilisent la famine comme une arme de guerre, le Ministre d’État a exhorté le Conseil à redoubler d’efforts pour briser le cycle des conflits armés qui alimentent et entretiennent les crises humanitaires. De même, il a invité l’ONU à utiliser toute la gamme d’outils à sa disposition pour prévenir et mettre fin aux conflits, en citant la résolution 2417 du Conseil de sécurité qui met l’accent sur l’insécurité alimentaire induite par les conflits.
M. Ahmad de Wimbledon a appelé le système de l’ONU à mieux coordonner son travail pour éliminer les obstacles qui empêchent de fournir de la nourriture à ceux qui en ont besoin. Il s’est particulièrement inquiété des conséquences de l’insécurité dans le nord-est du Nigéria, où 1,2 million de personnes ne peuvent accéder à l’aide humanitaire. En Éthiopie, « environ 18 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire en 2021 », a prévenu le Ministre avant de noter que quatre mois de violence ont entraîné des déplacements forcés, des violations des droits de l’homme et l’effondrement des services de base essentiels dans la région du Tigré. Les risques d’insécurité alimentaire extrême sont importants, environ 4,5 millions de personnes, soit 80% de la population de la région, auront besoin d’une aide d’urgence au cours des prochains mois, a-t-il prévenu avant d’appeler à une action urgente pour éviter une catastrophe majeure.
M. Ahmad de Wimbledon a appelé à une meilleure mise en œuvre de la résolution 2417 et a souhaité que les rapports sur la question soient plus rapides et opportuns pour permettre au Conseil de sécurité d’agir avant qu'il ne soit trop tard. « Malgré les dispositions de la résolution 2417, le Conseil n’a encouragé aucune enquête d’État indépendante sur l’utilisation de l’affamement de civils comme méthode de guerre », a-t-il regretté avant d’exhorter le Conseil de sécurité à demander des comptes à ceux qui sont responsables de l’insécurité alimentaire induite par les conflits. Les rapports de l’ONU sur les risques de famines doivent se traduire par des actions concrètes du Conseil de sécurité, dont des sanctions, a-t-il affirmé.
La Chine a constaté que la situation de la sécurité alimentaire dans le monde s’est aggravée et que beaucoup reste à faire pour atteindre l’objectif « faim zéro » du Programme 2030. Notant que la crise alimentaire est particulièrement grave dans les pays touchés par des conflits, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, elle a appelé ces pays à prendre des mesures urgentes pour veiller à ce que les ressources nécessaires soient en place et que l’assistance humanitaire ait accès aux régions qui en ont le plus besoin. La délégation a déclaré appuyer les institutions des Nations Unies, conformément aux principes d’assistance humanitaire, tout en fustigeant toute utilisation de la question de la faim à des fins politiques. Elle a également réaffirmé l’engagement de son pays à fournir une assistance d’urgence dans ce cadre. Selon elle, l’insécurité alimentaire n’a toutefois « rien de nouveau ». Les conflits armés, le terrorisme, la pauvreté, les difficultés rencontrées dans la chaîne d’approvisionnement et l’augmentation des prix des denrées alimentaires peuvent avoir une incidence sur ce fléau. C’est aussi, a-t-elle insisté, « le fruit d’un déficit de développement mondial » et certains pays sont confrontés à des risques récurrents, piégés qu’ils sont par le « cercle vicieux du sous-développement et des conflit armés ».
La Chine a, par conséquent, souhaité que l’on étudie l’insécurité alimentaire « sous un angle plus large », en tenant compte de ses causes profondes. À ses yeux, il importe de prendre des mesures intégrées allant dans le sens du développement mondial et de garantir la sécurité alimentaire dans les cycles de production, de distribution et de vente. Reconnaissant que toute disruption peut entraîner l’insécurité alimentaire, à commencer par les violences, elle a exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour faciliter le règlement pacifique des différends. Il convient d’inciter toutes les parties à répondre à l’appel au cessez-le-feu global lancé par le Secrétaire général et à mettre en œuvre les dispositions de la résolution 2532 (2020), a-t-elle plaidé, voyant le développement durable comme la clef. C’est ainsi que nous pourrons aider les pays à devenir autonomes, a assuré la délégation, selon laquelle l’assistance d’urgence ne peut être que temporaire.
Pour parvenir à la sécurité alimentaire, il est essentiel de résoudre les problèmes de développement, d’éradiquer la pauvreté et de rétablir les populations dans les zones rurales, a insisté la Chine, invitant à cet égard les pays riches à tenir leurs promesses en matière d’aide publique au développement. Il faut aussi relever les défis des changements climatiques et continuer de renforcer la résilience des systèmes alimentaires, a-t-elle ajouté, avant de rappeler son action constante de promotion de la coopération Sud-Sud. Entre autres exemples, la délégation a rappelé que, fin 2019, 24 centres agrotech chinois ont été établis en Afrique et transmis à des agriculteurs africains, ce qui bénéficiera à un demi-million de personnes. La Chine continuera de partager son expérience et de travailler avec les pays en développement pour les aider à vaincre la pauvreté, a-t-elle affirmé, demandant à la communauté internationale de renforcer sa coopération aux niveau politique et opérationnel en luttant contre les flux financiers illicites, les politiques de subvention qui entraînent des distorsions de marchés et les mesures coercitives unilatérales qui entravent la coopération. Ce n’est qu’en réglant ces problèmes que les pénuries alimentaires pourront être évitées, a souligné la délégation, pour qui les Nations Unies devraient davantage agir en faveur de la coopération internationale et donner la priorité au développement de l’agriculture. Enfin, se disant consciente de l’immense défi de la malnutrition et des effets de la pandémie de COVID-19 sur la sécurité alimentaire, la Chine a réitéré sa proposition d’organiser une conférence internationale sur le gaspillage alimentaire.
Le Niger a rappelé avoir organisé en septembre 2020 une réunion sur ce même thème de « la protection des civils contre la faim dans le contexte de conflit armé », pour donner suite à une note publiée par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) sur la question. Six mois après ce débat, a dit la délégation, force est de constater que les conclusions tirées gardent toute leur pertinence. Le Niger, situé dans la région du Sahel, connait parfaitement le lien entre les conflits et l’insécurité alimentaire dans la mesure où cette région, déjà exposée au fléau du terrorisme, est parmi les premières à subir les effets néfastes des changements climatiques, a ajouté la délégation. La concordance de la carte des zones de conflits et de l’insécurité alimentaire n’est pas une simple coïncidence, selon la délégation qui a aussi relevé les conséquences de la pandémie de COVID-19 exacerbant davantage les problèmes dans les régions déjà confrontées à de grandes crises humanitaires.
Rappelant la résolution 2417 (2018), le Niger a recommandé de mettre en place un mécanisme d’alerte précoce indépendant, fondé sur des données, qui pourra permettre une réaction rapide pour éviter l’aggravation de la situation. Il est donc impératif, a insisté le Niger que les gouvernements soient aidés à assoir les bases d’une politique agricole qui soit résiliente aux impacts des changements climatiques, notamment les sécheresses, les phénomènes météorologiques extrêmes, les incendies, les invasions de criquets et les inondations. Enfin, briser le cycle vicieux entre l’insécurité alimentaire et les conflits devra nécessairement passer par des actions concrètes pour mettre fin à la prolifération des armes, a conclu la délégation.
L’Inde a rappelé cette phrase du Mahatma Gandhi: « Il y a dans le monde des personnes qui ont tellement faim que Dieu ne peut leur apparaître que sous la forme d’un morceau de pain. » Tout en reconnaissant le lien entre conflit armé et insécurité alimentaire, la délégation a rappelé qu’une telle insécurité alimentaire n’est pas en elle-même une condition suffisante pour que surviennent la violence politique et le conflit. « Le lien entre ces deux éléments dépend des contextes et des régions et varie selon le niveau de développement des pays et la robustesse de leurs institutions politiques et filets de protection sociale. » Á cette aune, l’Inde a invité le Conseil à se saisir de ces questions d’insécurité alimentaire en raison d’un conflit dans les contextes spécifiques de pays où elles peuvent menacer la paix et la sécurité internationales.
La délégation a plaidé pour des chaînes alimentaires inclusives donnant toute leur place aux communautés marginalisées afin de renforcer la sécurité alimentaire. Elle a aussi demandé un accès humanitaire sans entraves dans les zones de conflit, dénonçant notamment les restrictions dans le nord-est du Nigéria, au Yémen ou encore au Mali. « Les mesures unilatérales n’ont fait qu’aggraver ces situations », a-t-elle constaté. L’Inde a ensuite dénoncé une tendance grandissante à une politisation des situations humanitaires. « Nous devons contrecarrer cette tendance consistant à lier aide humanitaire et au développement aux progrès du processus politique », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’une telle position de la part des donateurs ne peut qu’aggraver l’insécurité alimentaire dans les situations de conflit. L’Inde a rappelé que la communauté internationale a l’obligation d’agir dans les situations où il existe des raisons crédibles de penser que des millions de personnes ont un besoin désespéré d’assistance. Enfin, la délégation a fait savoir que l’Inde, en ces temps de pandémie, a apporté une aide alimentaire à plusieurs pays dans le monde, dont le Myanmar, les Maldives, l’Afghanistan, Djibouti ou bien encore le Soudan du Sud.
La Tunisie a rappelé que la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité soulignait le besoin de garantir l’acheminement de produits alimentaires dans des zones de conflit. Malgré cela, plus de 217 millions de personnes font face à la famine selon le PAM. Il faut donc plus de coopération et une approche plus efficiente, a prôné la délégation qui a rejeté l’utilisation de la faim comme arme de guerre. La Tunisie a appelé la communauté internationale à agir pour veiller à ce que les parties en conflit respectent le droit international humanitaire. On ne peut pas mettre un terme à la famine si l’on ne fait pas taire les armes, a argué la délégation. Elle a invité le Conseil de sécurité à se focaliser sur les conflits prolongés, avant d’insister sur le respect de l’appel à un cessez-le-feu mondial lancé par le Secrétaire général dans le contexte de la lutte contre la COVID-19. Pour prévenir les catastrophes humanitaires, a suggéré la Tunisie, la communauté internationale doit renforcer les réponses humanitaires ainsi que la capacité des États à lutter contre la famine.
La France a relevé que les conflits, les changements climatiques, la pandémie de COVID-19 et la récession économique qui en résulte contribuent à accroître chaque jour le nombre de personnes en situation de grave crise alimentaire. Elle a fait appel à la responsabilité collective et à l’obligation morale des États Membres d’empêcher une telle tragédie là où la situation reste particulièrement préoccupante, comme au Yémen, au Soudan du Sud, au Nigéria, dans la région du Sahel, au Burkina Faso, dans la région du Tigré, en Éthiopie et en République démocratique du Congo (RDC). Mettant l’accent sur la nécessité d’une action collective coordonnée et intégrée, la France a ajouté que les États, les agences onusiennes, les organisations régionales et sous-régionales, les ONG, mais aussi le secteur privé et les institutions financières internationales doivent être mobilisés pour faire reculer le risque de famine et plus largement, de crise alimentaire. « Nous devons tout d’abord renforcer les mécanismes de prévention et d’alerte précoce pour mieux anticiper, prévenir et atténuer les effets de ces crises », a prôné la France avant d’appeler à renforcer les systèmes productifs nationaux et locaux et de favoriser les filets de sécurité sociaux qui aideront les plus vulnérables à subvenir, dans la dignité, à leurs besoins alimentaires.
La France a indiqué que son financement de l’aide alimentaire a augmenté de 51% en deux ans, pour atteindre plus de 50 millions d’euros en 2020 et 72 millions en 2021. Par ailleurs, la France a indiqué que l’Agence française de développement (AFD) a engagé 1 milliard d’euros en 2020 dans les domaines de l’agriculture, du développement rural et de la biodiversité. Parce que les conflits sont la principale cause du risque de famine et des crises alimentaires, la France a jugé essentiel d’accélérer la mise en œuvre des résolutions 2532 et 2565, à travers un cessez-le-feu et une pause humanitaire. « Prévenir la famine et les crises alimentaires implique également que toutes les parties aux conflits respectent leurs obligations dans le cadre du droit international humanitaire », a ajouté la France avant de mettre l’accent sur la protection des civils et des infrastructures civiles. La France a rappelé que l’utilisation contre les civils de la famine comme méthode de guerre constitue un crime de guerre qui ne doit pas rester impuni. La France a aussi dénoncé et condamné la hausse des attaques contre les personnels humanitaires et médicaux et les multiples obstacles qui empêchent un accès humanitaire sûr et sans entrave aux personnes dans le besoin, notamment au Yémen et dans la région du Tigré. Parce que les conflits restent le premier moteur des crises alimentaires, la France a jugé déterminant d’accroître les efforts pour trouver des solutions politiques durables aux conflits.
Le Viet Nam a observé que, depuis le dernier débat du Conseil sur le même sujet, l’insécurité alimentaire dans plusieurs situations de conflit s’est gravement détériorée et que la famine sévit au Yémen, au Soudan du Sud, dans le nord-est du Nigéria, en RDC et au Burkina Faso. Reconnaissant le « cercle vicieux » entre les conflits armés et la faim induite par les conflits, la délégation a également noté que l’insécurité alimentaire peut, à son tour, créer des tensions, déstabiliser les processus de paix, prolonger les conflits, en créer de nouveaux et entraver la reconstruction et le relèvement. Pour le Viet Nam, il est indispensable que le droit international humanitaire soit respecté dans toutes les situations de conflit armé, tandis que la famine ne doit jamais être utilisée comme méthode de guerre. La délégation a appelé toutes les parties aux conflits armés à s’acquitter de leurs obligations de respecter et de protéger les civils et les biens à caractère civil, y compris les biens nécessaires à la production et à la distribution de denrées alimentaires. « La population civile ne doit pas être privée de l’aide humanitaire et des objets indispensables à sa survie. » Toutes les parties doivent adhérer à la demande du Conseil de sécurité de cesser immédiatement les hostilités pour répondre à la pandémie de COVID-19, a ajouté le Viet Nam.
De surcroît, a poursuivi la délégation, il est impératif d’assurer un accès sans entrave aux travailleurs humanitaires « impartiaux » et de garantir leur sécurité. De l’avis du Viet Nam, la coopération internationale est également cruciale pour renforcer la capacité des gouvernements à protéger et à satisfaire les besoins fondamentaux de leur population et à prévenir la famine, tout en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale des États. Pour cela, il importe de renforcer la réponse humanitaire mondiale, sous forme de financements et de dons en nature, ainsi que la préparation logistique. Nous devons faire progresser une stratégie globale à long terme, qui vise à aider les communautés locales à construire des systèmes alimentaires résilients, a-t-elle préconisé. Mais, selon elle, le moyen le plus efficace de vaincre la faim est de mettre fin aux conflits et de construire la paix. Á cette fin, a-t-elle conclu, le Conseil devrait continuer d’adopter une approche intégrée pour s’attaquer aux causes profondes des conflits et ainsi permettre à l’ONU de tenir sa « promesse de paix et de développement durables ».
La Fédération de Russie a estimé que les défis socioéconomiques ne pourraient pas être relevés sans rétablir la confiance des membres de la communauté internationale. De plus, les objectifs de développement durable ne seront atteints que si la paix et la sécurité sont assurées, grâce notamment à la confiance dans les organes des Nations Unies chargés du développement. La délégation a demandé d’éviter le scenario dans lequel le Conseil de sécurité s’immiscerait dans le travail de l’Assemblée générale, du PAM et de la FAO. La Fédération de Russie s’est d’ailleurs étonnée de l’absence de la FAO à cette réunion alors qu’elle a les connaissances nécessaires sur le problème alimentaire. Le PAM et la FAO sont sur le front dans la lutte contre l’insécurité alimentaire à Rome, a rappelé la délégation qui n’est pas convaincue de la valeur ajoutée du Conseil de sécurité sur la question de la famine.
La Fédération de Russie a donc dit son opposition à la nomination d’une personne chargée de cette question, arguant que son travail risquerait d’embrouiller les activités de la FAO et du PAM. Les autres causes de famine comme les changements climatiques doivent être analysés en fonction de leurs contextes concrets, a ajouté la Russie dénonçant comme dangereuse l’imposition d’une vue commune sur la famine dans les conflits. Tous les pays qui souffrent d’une famine ne sont pas tous en conflits, a-t-elle fait observer. La délégation n’est pas non plus d’accord sur le fait de mettre en seconde position les autres causes de la famine dans les pays où l’on a détruit les institutions des États comme en Iraq, en Libye, au Yémen ou encore en Somalie. Dans ce dernier, a-t-elle indiqué, ce sont les conflits armés qui ont entraîné la famine.
La délégation a dit ne pas être non plus d’accord avec les liens supposés entre sécurité alimentaire et protection. Elle a dénoncé les tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures des États qui tarderaient à communiquer leurs données sur leurs situations de famine. Pour la Fédération de Russie, la résilience des systèmes agricoles relève du développement durable et n’a pas de lien direct avec les activités du Conseil de sécurité. Elle est également opposée à l’élaboration de rapports par le Secrétaire général deux fois par an sur la sécurité alimentaire et les situations de crises liées aux conflits. Afin de lutter contre les famines, il faut lever les sanctions unilatérales qui frappent certains pays, a plutôt suggéré la Fédération de Russie.
Le Mexique a rappelé que les conflits sont à l’origine d’une augmentation exponentielle de l’insécurité alimentaire. « Disons-le haut et fort. » S’il a vu dans la résolution 2417 (2018) un pas important dans la reconnaissance des liens entre conflit armé et famine, le Mexique a estimé que cela ne suffit pour régler le problème. Il faut donc agir de toute urgence, a-t-il exigé. Il a indiqué que l’insécurité alimentaire touche d’abord les femmes. Celles-ci, bien que représentant 48% de la main d’œuvre agricole mondiale, ont moins accès aux ressources financières que les hommes. Autonomisons les femmes et les filles pour aider à réduire la faim, a-t-il lancé.
Le Mexique a ensuite souligné, en se référant au Statut de Rome, que la privation de denrées constitue un crime contre l’humanité. Il a condamné fermement l’utilisation de la famine comme tactique de guerre, jugeant cette pratique « inadmissible ». La délégation a ensuite condamné la récente attaque contre un convoi du PAM en République démocratique du Congo, qui a coûté la vie à l’ambassadeur d’Italie, à son garde du corps et à un agent du PAM. Enfin, le Mexique a plaidé pour un renforcement des systèmes d’alerte précoce du Conseil de sécurité et de l’ONU, jugeant impératif d’agir pour prévenir la famine.