En cours au Siège de l'ONU

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30 ans après « le miracle » de la Conférence de Madrid, le Séminaire des médias sur la paix au Moyen-Orient promeut le journalisme de solutions

Le Séminaire international des médias sur la paix au Moyen-Orient s’est achevé aujourd’hui après deux jours d’interactions entre hauts fonctionnaires de l’ONU, journalistes, experts des médias et représentants de la jeunesse.  La rencontre a été inaugurée par le Secrétaire général de l’ONU qui a pris acte des difficultés auxquelles se heurte la recherche d’une solution négociée au conflit israélo-palestinien, avant d’exhorter les deux parties à faire preuve de volonté politique.  À la suite de M. António Guterres, plusieurs intervenants ont défendu le « journalisme de solutions », démarche d’information critique marquée par l’investigation et l’explication de réponses crédibles à des problèmes.

Organisé par le Département de la communication globale (DCG), le Séminaire s’est déroulé par visioconférence, avec deux tables rondes, sur l’espoir possible au trentième anniversaire de la Conférence de paix de Madrid, et le journalisme de solutions dans la couverture du conflit israélo-palestinien.

Dans son message vidéo préenregistré, le Secrétaire général a souligné la nécessité d’explorer toutes les possibilités de revitaliser un processus de paix qui, ces dernières années, a subi de nombreux revers.  Beaucoup, a-t-il alerté, remettent désormais en question la viabilité même d’une solution négociée à deux États.  Or cette formule, définie par les résolutions pertinentes des Nations Unies, le droit international et les accords bilatéraux, reste la seule voie pour réaliser les aspirations légitimes des deux parties, a martelé M. Guterres.  Les résolutions, a-t-il rappelé, parlent de « la création de deux États indépendants et souverains, coexistant dans la paix et la sécurité, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale commune ».

Pour réaliser cet objectif, l’ONU reste déterminée à travailler avec Israéliens et Palestiniens, ainsi qu’avec les partenaires internationaux et régionaux, notamment par l’intermédiaire du Quatuor pour le Moyen-Orient, formé de l’ONU, de la Fédération de Russie, des États-Unis et de l’Union européenne.  Il faut aussi, a estimé le Secrétaire général, reconnaître le rôle crucial que peut jouer un journalisme libre et indépendant, comme pierre angulaire de l’édification de sociétés pacifiques.

Bien que le statu quo soit décourageant 30 ans après Madrid, nous ne pouvons ni perdre espoir ni cesser d’essayer, a déclaré Mme Melissa Fleming, Cheffe du DCG, qui s’est exprimée par visioconférence.  La Conférence de 1991 a été « un véritable miracle », a avoué l’ancien Ministre israélien et ancien membre de la Knesset, M. Yossi Bellin, en se souvenant de l’opposition du Premier Ministre de l’époque, Yitzhak Shamir, qui jugeait que les leaders arabes n’étaient pas encore prêts à négocier avec Israël.  Mais « à la surprise générale », il a fini par participer à des travaux qui mèneront au Processus d’Oslo en 1993 et à la paix entre Israël et la Jordanie, en 1994.  Madrid, s’est ému M. Bellin, Israéliens, Palestiniens et leaders arabes se sont retrouvés dans la même salle pour négocier la paix, bilatéralement, et les questions liées à l’économie, à l’eau et aux réfugiés, multilatéralement. 

L’absence de paix que l’on vit aujourd’hui est « tout simplement tragique », s’est-il désolé.  Mais l’espoir est permis parce que, nous avons une feuille de route pour la solution des deux États et une vision pour Jérusalem comme capitale commune et pour l’échange de terres.  M. Bellin a défendu l’idée d’une confédération entre Israël et la Palestine, avant que Mme Grace Wermenbol, de l’Institut du Moyen-Orient, n’estime que le paysage actuel caractérisé par les frictions interpalestiniennes, le report des élections par l’Autorité palestinienne et l’installation d’un gouvernement anti-paix en Israël, laisse peu de chance à l’espoir.  Israel, a-t-il alerté, ne se sent plus tenu de faire des progrès avec les Palestiniens, ayant choisi d’accepter des compromis pour apaiser ses relations avec les pays arabes.  Trente ans après Madrid, la position d’Israël dans le monde s’est normalisée sans le règlement des questions liées au statut final et sans l’accord de paix dont les contours ont été dessinés à Madrid.

Nous sommes revenus en 1991, s’est alarmé M. Riyad Mansour, Observateur permanent de l’État de Palestine.  Il a dit parler d’une époque où le Gouvernement israélien considérait la Conférence de Madrid comme « une séance photo » sans conséquence, avant que la communauté internationale ne fasse pression et « ne traîne » Yitzhak Shamir jusque dans la capitale espagnole.  Nous devons imprimer un nouvel élan au processus de paix, en convoquant une autre conférence internationale, a plaidé l’Observateur permanent, en se montrant également favorable à une réunion ministérielle du Quatuor.

Franchement, nous ne voyons pas la communauté internationale assumer un tel fardeau, a dit M. Bellin qui s’est souvenu qu’à Madrid, le Secrétaire d’État américain, James Baker, a fait huit fois la navette entre les deux délégations.  Nous ne voyons pas le même niveau d’efforts aux États-Unis aujourd’hui et ne nous voyons aucune superpuissance s’impliquer autant.  Certes, la Fédération de Russie vient de lancer les invitations à la conférence qu’elle est prête à tenir à Moscou mais, jusqu’ici, une seule partie a répondu favorablement, a reconnu l’Observateur permanent de l’État de Palestine qui a aussi pris note de la proposition de la Chine d’organiser une conférence.

« La carotte ou le bâton », c’est la politique que doivent adopter les États-Unis vis-à-vis d’Israël, a préconisé Mme Wermenbol.  Si elle a dit ne voir aucune perspective de paix dans les deux prochaines années, elle a tout de même conseillé à l’Administration Biden d’assumer le rôle d’un médiateur plus équitable, en annulant certaines mesures prises par l’ancien Président Donald Trump.  La réouverture d’un consulat américain à Jérusalem-Est pourrait ressusciter l’espoir, a confirmé l’Observateur permanent de l’État de Palestine.

Coauteur du très populaire Accord de Genève sur la fin du conflit israélo-palestinien, lequel a conduit l’ancien Premier Ministre Ariel Sharon à retirer les troupes israéliennes de Gaza, M. Bellin a insisté sur le rôle de la société civile.  La paix ne veut pas nécessairement dire qu’il faut en convaincre le Premier Ministre Naftali Bennett.  Elle peut arriver par la base, a-t-il souligné.  Citant un sondage récent, il a indiqué que l’appui à la solution des deux États est passé de 36 à 46%, ces dernières années.  La société civile oui, mais au bout du compte, ce sont les ministres et les hauts responsables qui prennent les décisions, a rappelé l’Observateur permanent de Palestine.  Israël, a renchéri Mme Wermembol, vient même d’adopter une loi qui limite l’accès des ONG pro-paix aux fonds étrangers.

Nous ne cessons d’encourager un consensus sur la solution des deux États, a affirmé le Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien.  M. Cheikh Niang a mis en avant les activités de sensibilisation de son Comité auprès des États Membres, y compris ceux du Quatuor et du Conseil de sécurité.  Pour remplir notre mandat de diffuser des informations sur la question de Palestine, nous considérons qu’il est essentiel de travailler avec les médias, a indiqué M. Niang qui a attiré l’attention sur le site Web du Comité, « la plus vaste archive en ligne au monde », et la présence de son Comité sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, Facebook, Instagram et YouTube.  « Je vois beaucoup de possibilités de complémentarité et de coopération entre le Comité et les médias pour maximiser notre impact collectif », s’est réjoui le Président.

Les experts des médias ont prescrit « un journalisme de solutions », à la deuxième ronde animée par Mme Nanette Braun, Cheffe du Service des campagnes de communication du Département de la communication globale (DCG).  Ils ont défini ce type journalistique comme fondé sur une approche axée sur le règlement des problèmes, dans la couverture du conflit israélo-palestinien.

Les quatre piliers de cette approche ont été décrits par Mme Dina Aboughazala, fondatrice d’Egab, une plateforme spécialisée dans ce type de journalisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  Un « récit de solutions », a-t-elle expliqué, c’est un récit qui se concentre sur les réponses et fournit des preuves rigoureuses sur le fonctionnement des solutions.  Il offre une vision pour d’autres situations et révèle les limites parce qu’aucune solution n’est parfaite.  Cela fait 20 ans que la solution des deux États a été mise en avant et pourtant, la couverture médiatique n’a pas changé.  Le temps est venu pour les médias d’adopter un nouvel angle.

Il faut définir les problèmes en termes précis et les articuler clairement, a renchéri Mme Eetta Prince-Gibson, ancienne rédactrice-en-chef du Jerusalem Report.  Des concepts tels que « conflit » ou « occupation » doivent être mis à plat et subdivisés en plusieurs éléments auxquels des solutions peuvent être apportés.  Le « journalisme de solutions », contrairement au « journalisme de paix », ne s’écarte pas du principe journalistique fondamental, à savoir la recherche de la vérité, a ajouté M. Daoud Kuttab, Directeur général du Community Media Network.  Les récits doivent avoir pour fin des solutions, « pas au singulier, mais au pluriel ».  Mais s’il faut davantage d’articles basés sur des solutions dans la couverture du conflit israélo-palestinien, il ne faut pas non plus que les journalistes oublient toute humilité et se croient capables de le régler. 

Il est tout aussi vrai, a-t-il reconnu, que le public aime les mauvaises nouvelles et que les journalistes lui servent ce qu’il demande.  Il faut les former à proposer autre chose, a estimé Mme Prince-Gibson.  « Solutions Journalism Network » organise d’ailleurs tous les mois des séminaires, a indiqué Mme Aboughazala dont l’organisation Egad offre, elle aussi, une formation aux journalistes non anglophones pour leur apprendre à enquêter sur les solutions sans se limiter à les promouvoir.  Elle a en effet mis en garde contre toute « simplification à outrance » des questions complexes.  Les journalistes doivent au contraire jeter un pont entre les parties au conflit en leur ouvrant les yeux à une complexité qui conduise à une meilleure compréhension de l’autre. 

Or, les écoles de journalisme n’apprennent pas aux étudiants à traiter de la réalité et de la complexité d’une question.  De nombreux jeunes journalistes sont des freelances sans mentor.  L’on pourrait obtenir du monde universitaire, a-t-elle conclu, qu’il organise des forums pour les jeunes journalistes, en particulier pour écarter le danger de l’« imposture de solutions », a ajouté Mme Aboughazala. 

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