Soixante-cinquième session,
2e séance plénière – matin & après-midi
FEM/2212

La Commission de la condition de la femme achève sa session en adoptant des conclusions concertées par consensus, malgré les réserves de plusieurs délégations

La Commission de la condition de la femme a achevé, dans la soirée, sa soixante-cinquième session, en adoptant des conclusions concertées jugées « peu ambitieuses » par certaines délégations, sanctionnant ainsi deux semaines de travaux qui avaient pour thème « Participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique, élimination de la violence, réalisation de l’égalité des sexes et autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles ».  Elle avait au préalable, durant la matinée, achevé par visioconférence sa discussion générale en donnant la parole à la société civile.

Alors que le programme initial prévoyait de clore cette session en matinée, c’est finalement en soirée que les délégations, réunies cette fois-ci en présentiel, sont parvenues à un consensus afin d’adopter les conclusions concertées sur le thème prioritaire de la session (E/CN.6/2021/L.3*), sous des applaudissements nourris à l’endroit du Facilitateur et Vice-Président de la Commission, M. Na Sang-Deok, de la République de Corée. 

Dans ce document de 24 pages, la Commission reconnaît notamment la nécessité de mettre en œuvre les engagements et obligations internationaux, régionaux et nationaux visant à réaliser l’égalité des sexes, y compris au moyen de mesures temporaires spéciales, au besoin, et de créer un environnement propice pour promouvoir la participation pleine et effective des femmes et leur prise de décisions dans la vie publique.

Le texte souligne notamment que lorsque les femmes ne sont pas incluses dans les processus de prise de décisions, les politiques qui en résultent sont susceptibles d’être inefficaces, nuisibles et peuvent conduire à la violation des droits humains des femmes et des filles.

La Commission engage notamment les États Membres à réviser les lois et politiques qui entravent la pleine participation des femmes à tous les aspects de la vie publique et à établir des objectifs précis pour atteindre la parité dans les branches législatives et judiciaires du Gouvernement.  Les conclusions contiennent également une série de recommandations pour prévenir et éliminer la violence à l’encontre des femmes dans la vie publique; renforcer les réformes institutionnelles sexospécifiques; augmenter les financements pour appuyer la participation des femmes à la vie publique; et répondre aux racines du problème de l’inégalité entre les sexes.

Par ce texte, la Commission reconnaît également que les jeunes femmes sont exclues de manière disproportionnée des consultations sur les questions qui les concernent, et que l’exposition précoce aux femmes leaders en tant que modèles, ainsi qu’aux espaces législatifs et d’élaboration des politiques, motive les jeunes femmes et les filles et renforce leurs possibilités de devenir des citoyennes pleinement engagées.

Dans le contexte sanitaire qui prévaut, la Commission s’inquiète en outre du fait que la pandémie de COVID-19 ait un impact disproportionné sur les femmes et les filles et aggrave les inégalités préexistantes.  Elle souligne le rôle critique que les femmes ont joué et continuent de jouer dans la riposte à la COVID-19, et appelle à renforcer leur participation pleine, égale et significative à toutes les étapes de l’intervention et du rétablissement contre la COVID-19.

Par ailleurs, la Commission se déclare préoccupée par le fait de la féminisation de la pauvreté persiste, et souligne que l’éradication de la pauvreté est indispensable pour l’autonomisation économique des femmes, leur participation pleine et effective et leur prise de décisions dans la sphère publique, l’élimination de la violence et la réalisation du développement durable.  Dans ce contexte, la Commission reconnaît l’importance du plein engagement des hommes et des garçons en tant que partenaires et alliés stratégiques dans la promotion de la participation effective des femmes dans la vie publique, ainsi que l’élimination de la violence à leur encontre.

L’adoption des conclusions concertées a notamment été saluée par la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, qui a estimé qu’elles contribuent à des avancées importantes, cette session étant la première à s’attaquer à la question de la participation des femmes à la vie publique. 

Par la voix de l’Allemagne, l’Union européenne a toutefois indiqué qu’elle aurait préféré des libellés plus ambitieux, insistant notamment sur l’importance de protéger le droit de chaque individu de décider de sa sexualité et d’offrir des soins de santé sexuelle et procréative à tous.  L’Arabie saoudite a marqué sa colère face au maintien de certains libellés sur le genre, tandis que la Fédération de Russie a regretté que certaines dispositions sur la protection des mères aient été retirées. 

Les conclusions concertées seront transmises au Conseil économique et social (ECOSOC), dont la Commission est un organe subsidiaire, ainsi qu’à son Forum politique de haut niveau pour le développement durable, qui l’incluront dans leurs travaux.

La Commission a ensuite adopté son ordre du jour provisoire et la documentation de sa soixante-sixième session (E/CN.6/2018/L.2), laquelle aura comme thème prioritaire « Réalisation de l’égalité des genres et avancement de toutes les femmes et de toutes les filles dans le contexte des politiques et programmes dans les domaines des changements climatiques et de la réduction des risques environnementaux et des risques de catastrophes ».  Elle a aussi adopté le rapport des travaux de sa soixante-cinquième session (E/CN.6/2021/L.1), dont la Rapporteure, Mme Shilpa Pullela (Australie), a fait la présentation.  Elle a également pris note du rapport de sa Commission de la communication. 

Après la clôture de cette session, le Président de la Commission, M. Mher Margaryan (Arménie), a brièvement ouvert les travaux de la soixante-sixième session.  La courte séance a permis d’élire Mme Mathu Joyini (Afrique du Sud) comme Présidente, ainsi que Mme Pilar Eugenio (Argentine) et M. Guenter Sautter (Allemagne) à la Vice-Présidence.  Le bureau complet sera connu plus tard.  La Commission a également nommé la Fédération de Russie à sa Commission de la communication. 

*Les conclusions concertées ont été adoptées exclusivement dans leur version en anglais

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE » (A/75/38, E/CN.6/2021/2, E/CN.6/2021/3, E/CN.6/2021/4, E/CN.6/2021/5, E/CN.6/2021/6, E/CN.6/2021/7)

Suite et fin de la discussion générale

La Commission de la condition de la femme a achevé, dans la matinée, sa discussion générale en donnant la parole à la société civile.  Tour à tour, des organisations et alliances ont revendiqué une plus grande représentation et prise en compte des voix des femmes autochtones et rurales, des femmes handicapées, des veuves, des jeunes femmes et des filles et des femmes LGBTI.  Leaders religieux et syndicats ont également demandé à être associés davantage à la transformation des normes sociales qui empêchent les femmes de pleinement s’épanouir et d’exercer leurs droits dans les sphères publique, économique, sociale mais également privée.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a mis en exergue le rôle de premier plan que les femmes ont joué dans la riposte à la pandémie de la COVID-19.  Mais si elles représentent 70% du personnel de santé au niveau mondial, elles n’occupent que 25% des rôles décisionnels dans ce secteur.  C’est la raison pour laquelle l’OMS a lancé, en février dernier, une initiative sur l’égalité entre les sexes dans le secteur de la santé dans le but d’augmenter la part des femmes aux postes de responsabilité dans ce secteur et de leur garantir l’égalité dans les salaires.

L’International Disability Alliance a attiré l’attention sur la situation des femmes handicapées, signalant que celles-ci sont invisibles dans la prise de décisions publiques.  Cela s’explique en partie par le fait que des millions de personnes handicapées en Europe n’ont pas la possibilité de voter en raison d’obstacles physiques, et que 14 pays européens les privent même du droit de vote à partir du moment où elles sont sous une forme de garde.  C’est inadmissible, s’est indignée cette ONG pour laquelle l’autonomisation de toutes les femmes ne peut se faire sans celle des femmes ayant un handicap.

Même son de cloche du côté de Widows For Peace Through Democracy, qui a indiqué que les droits des veuves sont souvent foulés en raison, une fois de plus, de leur absence au sein des instances de décision.  Même à la Commission de la condition de la femme ils sont rarement mentionnés, a regretté l’organisation.  Pourtant les veuves sont souvent exposées à la violence, la pauvreté et la discrimination et privées des droits de succession ou de protection sociale.  C’est un facteur clef dans la déscolarisation de leurs enfants et des mariages précoces des leurs filles.  Dès lors, l’organisation a appelé les gouvernements à démanteler les normes patriarcales qui continuent d’empêcher ces femmes d’avoir accès à la justice, à l’héritage, à la protection et à la terre. 

Les droits fonciers et l’accès à la terre ont également été revendiqués par les femmes autochtones et les femmes rurales par la voix du Centre de culture autochtone du Pérou, qui regroupe des femmes autochtones de 23 pays, et de l’Institut de développement rural.  Les deux organisations ont argué que ces femmes restent largement sous-représentées dans les instances du pouvoir même dans des pays où des mesures de discrimination positives ont été adoptées.  Elles ont appelé à revoir les cadres normatifs pour y inclure un angle ethnico-racial en vue de garantir la représentation des femmes autochtones à tous les niveaux.  Assurer en outre les droits fonciers des femmes autochtones et rurales s’inscrit dans une répartition plus égale du pouvoir et dans leur autonomisation concrète, ont soutenu ces organisations.

De son côté, Girls Learn International a fait un vibrant plaidoyer pour la prise en compte de l’opinion des jeunes filles à tous les niveaux et leur droit à l’éducation, y voyant un outil fondamental de leur autonomisation et pour leur permettre de contrôler leur vie.  Constatant que la violence entrave toujours grandement la contribution des filles à la prise de décisions, l’organisation a demandé aux États Membres de créer des environnements propices à la protection des filles et d’interdire les mariages précoces.  Selon elle, les filles méritent leur place à la table et doivent avoir voix au chapitre à travers une représentation dans les instances publiques. 

La Confédération internationale des syndicats a braqué les projecteurs sur la discrimination contre les femmes dans le monde du travail où elles représentent la grande majorité du secteur informel et où les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont toujours bien réels.  Si les femmes sont vouées à être les agents du changement que l’on espère, les syndicats peuvent les accompagner, mais les gouvernements doivent jouer le rôle de chef de file en adoptant des législations permettant de parvenir à la parité, a fait valoir l’organisation.  Dans la même veine, ACT Alliance, une organisation qui regroupe 135 églises, a expliqué que l’accès équitable des femmes au pouvoir et à la prise de décisions passe par un changement profond des normes sociales.  Estimant que les communautés religieuses doivent être associées à cette transformation, ACT Alliance a encouragé les États Membres à travailler en partenariat avec les leaders religieux en vue de promouvoir des « approches transformatrices de la foi ».

L’International Planned Parenthood Federation et Taking Choice for Youth and Sexuality ont mis l’accent sur l’importance de l’accès à la santé sexuelle et reproductive mais aussi à la prise en charge psychologique et aux foyers pour les femmes et jeunes femmes victimes de violences, en ligne et hors ligne.  Il s’agit d’un obstacle majeur à la participation des femmes à la vie publique, ont soutenu ces organismes.  Ce point de vue a été partagé par l’Alliance internationale des femmes qui a demandé à l’ECOSOC et au Conseil des droits de l’homme de tenir pour responsables les États Membres qui échouent à protéger les femmes de la violence et ne respectent pas leurs engagements pris à ce titre.  À la lumière de l’impact dévastateur de la pandémie de la COVID-19 sur les femmes, l’Alliance a également suggéré aux États Membres de réallouer au moins 50% de leurs dépenses dans le domaine de la défense au secteur de la santé et d’appliquer une budgétisation sexospécifique à l’économie de soins.  Les gouvernements doivent reconnaître les répercussions sexistes de la pandémie et le fait que les lois actuelles y ont contribué, a renchéri Equality Now.

Enfin, le Centre Asie-Pacifique pour les femmes, qui représente 35 organisations de la société civile, a demandé aux États Membres de garantir l’accès des femmes à l’espace public notant que leur représentation dans les instances de prise de décisions est seulement de 12%.  L’organisation a également appelé à abroger les lois et politiques qui perpétuent la discrimination contre les femmes et à traiter des obstacles à la participation des femmes à la vie économique, notamment en offrant des congés de maternité payés et en créant des crèches.  Il faut aussi assurer l’accès des femmes à la terre, et leur garantir une couverture sanitaire universelle qui tienne compte de leurs besoins en termes de santé procréative et sexuelle.

La couverture de cette discussion a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique.

Adoption des conclusions concertées – explications de position

Après l’adoption du texte des conclusions concertées, l’Union européenne (UE), par la voix de l’Allemagne, a indiqué qu’elle aurait préféré des libellés plus ambitieux.  La participation pleine et entière des femmes et des filles est la pierre angulaire de toute démocratie et de la bonne gouvernance, a souligné l’UE qui a insisté notamment pour que les femmes soient admises dans les partis politiques.  De même, la protection du droit de chaque individu de décider de sa sexualité et de sa reproduction est cruciale pour l’UE qui a souhaité que des soins de santé sexuelle et procréative soient offerts à tous.  L’UE a aussi condamné la violence ciblant les associations des femmes et les défenseurs des droits des femmes.

Pour sa part, l’Arabie saoudite a marqué sa « colère » face au maintien de certains libellés.  La délégation a notamment souligné que le genre signifie un homme et une femme et que le mariage ne s’entend qu’entre ces deux genres, en conformité avec la charia.  Le Chili, s’exprimant au nom du Groupe de Santiago, un groupe de pays d’Amérique latine et centrale, a regretté que certaines de leurs propositions n’aient pas été retenus dans les conclusions concertées.  Pour le Royaume-Uni, le texte adopté est le miroir de nos ambitions vis-à-vis des femmes et des filles, « même si certaines délégations auraient voulu un retour en arrière », a argué la délégation.  De son côté, l’Ukraine, a estimé que l’inclusion d’un paragraphe mentionnant les coercitions économiques fait l’affaire de ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme et n’aurait pas dû figurer dans un document de cette importance.

Les conclusions concertées prennent en compte nombres de questions qui n’ont pas forcément leur place dans le débat de la Commission, a estimé pour sa part le Brésil qui a précisé que la mention des méthodes contraceptives dans le texte ne signifie pas que le pays adhère à la pratique de l’avortement.  Le Soudan s’est dissocié des références à la santé sexuelle et reproductive.

À son tour, l’Égypte a déploré un texte déséquilibré et a appelé la Commission à revoir ses méthodes de travail.  La délégation a notamment décrié la tactique consistant à rallonger la durée des négociations pour « épuiser » les petites délégations.  Il faut se souvenir qu’en adoptant ces documents onusiens, l’objectif est de les voir mis en œuvre sur le terrain, a rappelé la délégation.

La Chine a souligné qu’il n’y a pas de définition agréée au plan international sur l’expression « défenseur des droits humains » et s’est dissociée de son usage dans les conclusions concertées.  La Libye a rejeté l’usage de termes ambigus comme la référence aux genres.  Pour la Libye, « mâle et femelle » sont les seuls genres qui existent. 

Le Maroc a estimé que bien qu’incomplètes, la mise en œuvre de ces conclusions concertées apporterait des changements positifs pour les femmes et filles du monde.  La République islamique d’Iran a précisé que la mise en œuvre des conclusions concertées se fera en tenant compte de ses priorités nationales.  Le Nigéria a rappelé qu’aucun développement ne peut être possible sans les femmes et qu’il faut les accompagner pour leur permettre de réaliser leur plein potentiel.  À son tour le Yémen a appelé au respect des positions nationales en ce qui concerne certaines questions.

Enfin, la Fédération de Russie a regretté que certaines dispositions sur la protection des mères aient été retirées du texte.  La délégation a également dit ne pas comprendre pourquoi le paragraphe sur la souveraineté nationale a créé autant de remous. 

D’autres délégations ont également commenté l’adoption de ces conclusions concertées tard en soirée alors que les services d’interprétation n’étaient plus disponibles.

 

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