Conseil de sécurité: le Secrétaire général et le Président du Niger appellent à une analyse des risques sécuritaires des changements climatiques
Le Secrétaire général de l’ONU et le Président du Niger ont appelé le Conseil de sécurité, aujourd’hui, à l’occasion d’un débat public de haut niveau, à adopter une approche intégrée et coordonnée sur la base d’une analyse approfondie des risques actuels et futurs posés sur la sécurité par les changements climatiques. Une telle analyse permettra de formuler des recommandations pertinentes orientées vers l’action, a affirmé le Président Mohamed Bazoum, alors que le Conseil devrait se prononcer lundi sur un projet de résolution sur le sujet, dont le Niger et l’Irlande sont les porte-plume.
Le Président Bazoum a espéré qu’une telle résolution puisse contribuer, de façon efficace, à la prise en compte des risques climatiques dans les opérations existantes de maintien de la paix et de consolidation de la paix, ainsi que dans le travail de médiation et de prévention des conflits.
Le Conseil doit prendre acte des risques sécuritaires dans le contexte des changements climatiques car, si nous échouons, les conséquences seront catastrophiques, a abondé l’Irlande. En effet, « l’urgence climatique est l’enjeu vital de notre époque », a affirmé avec force M. Guterres en rappelant que, si la COP26 avait permis certaines avancées, les objectifs sont loin d’être atteints.
Pour preuve de la haute pertinence de ce débat, le Secrétaire général a fait remarquer que sur les 15 pays les plus exposés aux risques climatiques, huit accueillent actuellement une mission de maintien de la paix ou une mission politique spéciale des Nations Unies. M. Guterres a exhorté à aborder ces défis de manière intégrée et à créer un « cercle vertueux de paix, de résilience et de développement durable », sur la base de son rapport Notre Programme commun dans lequel il propose un Nouvel agenda pour la paix avec une vision multidimensionnelle de la sécurité mondiale.
Le Président de l’Estonie, M. Alar Karis, a appelé à aller au-delà de la tenue de débats thématiques pour parvenir à une définition plus « ambitieuse » du dossier « climat et sécurité ». En cela, une résolution sur le climat et la sécurité serait le seul moyen de faire une différence, a-t-il dit, estimant également que le Secrétaire général doit être mandaté pour coordonner la politique à cette fin. Il a aussi recommandé des comptes rendus réguliers afin de mettre sur pied des mesures de prévention tangibles.
Présentant la situation que connaît le continent africain en raison des changements climatiques, le Président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, a signalé que les conflits entre agriculteurs et éleveurs au Nigéria ont tué six fois plus, au moins, que la violence causée par le groupe armé terroriste Boko Haram. Le Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad et Chef de la Force multinationale mixte, M. Mamman Nuhu, a présenté pour sa part les effets conjugués des changements climatiques, de la pression démographique et de l’insécurité dans cette zone qui est aujourd’hui confrontée à une grave insécurité alimentaire, ce qui, entre autres facteurs, a favorisé l’implantation de Boko Haram.
L’exemple de l’Iraq et de la Syrie a également été cité, notamment par le Royaume-Uni: les communautés agricoles touchées par les mauvaises récoltes et les sécheresses dues au climat auraient été une source importante de recrues pour l’EIIL entre 2014 et 2016.
Face à ce constat, le Secrétaire général a proposé cinq domaines d’action: prévention et lutte contre les causes profondes de l’insécurité; investissements dans l’adaptation et la résilience; analyse et alerte; partenariats et initiatives reliant les approches locales, nationales et régionales; et investissements plus soutenus dans la lutte contre le terrorisme et les conflits dans le contexte des perturbations climatiques.
La France a prôné la mise en place immédiate de politiques publiques permettant d’arbitrer les conflits relatifs à l’accès aux ressources naturelles. Il faut aussi un soutien accru pour faire face à la guerre contre le terrorisme et aux autres activités criminelles, a prévenu M. Nuhu, qui a également demandé une aide pour améliorer la capacité hydraulique du lac Tchad et financer le plan d’action pour la résilience climatique.
M. Mahamat n’a pas caché sa déception devant le fait que l’Afrique, qui pourtant contribue peu au réchauffement climatique, ne se voit attribuer qu’une portion « congrue » de ce dont le continent a besoin pour faire face à tous ces défis liés au climat. Il a remarqué la même chose concernant le combat contre le terrorisme: des forces « considérables », selon lui, ont été déployées au Moyen-Orient, alors qu’un tel effort est refusé à l’Afrique, s’agissant en particulier des demandes de financement de soutien à la Force conjointe du G5 Sahel.
À l’instar de M. Guterres, qui a dit attendre que les pays développés mettent en œuvre leur engagement de doubler le financement pour l’adaptation d’ici à 2025, le Burkina Faso a exhorté à la mobilisation cohérente de financements suffisants, prévisibles et durables. Ce pays a révélé que plus d’un million de Burkinabé ont été contraints de fuir leur lieu de résidence du fait de la menace terroriste.
Ce débat a enregistré la participation de 57 délégations, dont la majorité a confirmé la corrélation évidente entre sécurité, terrorisme et changements climatiques, prenant pour preuve les organisations terroristes dans différentes régions d’Afrique qui tirent profit des défis résultant des changements climatiques. L’Australie s’est appuyée sur la Déclaration de Boe, signée en 2018 par les pays du Forum des îles du Pacifique, qui reconnaît que les changements climatiques représentent la plus grande menace pour les moyens de subsistance, la sécurité et le bien-être des populations.
Le délégué russe est toutefois demeuré « sceptique » quant à l’existence de liens directs entre terrorisme et climat, de même que ses homologues du Brésil et de l’Iran. Ce dernier a estimé que les défis posés par les changements climatiques devraient être appréhendés dans le contexte du développement durable, et non comme un sujet relevant du mandat du Conseil. L’Inde et le Venezuela se sont quant à eux opposés à ce que le Conseil examine ce sujet, au motif que cela risquerait de provoquer des divisions sur une question qui doit être consensuelle.
Au titre des futurs efforts, les Pays-Bas et l’Allemagne -cette dernière s’exprimant au nom du Groupe des Amis pour le climat et la sécurité- organiseront, en février prochain, une conférence destinée à développer une meilleure compréhension des dynamiques émergentes de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
La sécurité dans le contexte du terrorisme et des changements climatiques (S/2021/988)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a d’abord fermement condamné les attaques lâches perpétrées dimanche contre les forces du G5 Sahel au Niger et, hier encore, contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), attaque au cours de laquelle sept Casques bleus togolais ont perdu la vie. En outre, un Casque bleu égyptien a également succombé aux blessures subies lors d’une attaque au Mali le mois dernier, a-t-il rappelé en déplorant ces attaques et beaucoup d’autres qui ont couté la vie à tant de personnes innocentes. En ces temps difficiles, le Secrétaire général a tenu à réaffirmer sa solidarité et le soutien de l’ONU aux gouvernements et aux peuples de la région dans leur lutte contre le terrorisme. Il a remercié la présidence nigérienne d’avoir organisé ce débat « très opportun » sur les liens entre les changements climatiques, les conflits et le terrorisme.
« L’urgence climatique est l’enjeu vital de notre époque », a-t-il martelé en rappelant que si la COP26 a permis certaines avancées, les objectifs sont loin d’être atteints. M. Guterres a cependant souligné qu’il n’y a pas d’autre choix que de poursuivre les efforts pour maintenir en vie l’objectif de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré, car « nous sommes dans une course contre la montre », et personne n’est à l’abri des effets destructeurs du dérèglement climatique.
Ainsi, a cité le Secrétaire général, en Somalie, à Madagascar, au Soudan, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, des sécheresses et des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes durcissent l’accès à des ressources rares et menacent la sécurité alimentaire. Il a rapporté des estimations sur les conséquences des changements climatiques: selon le Programme alimentaire mondial (PAM), cela fera augmenter le risque de famine et de malnutrition de près de 20% d’ici à 2050, et selon la Banque mondiale, cela provoquera au même horizon le déplacement de plus de 200 millions de personnes. Pour M. Guterres, « tout cela bouleverse la paix, la sécurité et la prospérité mondiales ». Il a rappelé que le Conseil de sécurité l’avait souligné à de nombreuses reprises, y compris dans le cadre des résolutions portant sur les mandats de cinq opérations de maintien de la paix et de cinq missions politiques spéciales.
Après avoir fait remarquer que, bien souvent, les régions les plus vulnérables aux changements climatiques souffrent également d’insécurité, de pauvreté, d’une faible gouvernance et du fléau du terrorisme, le Secrétaire général a ajouté que sur les 15 pays les plus exposés aux risques climatiques, huit accueillent une mission de maintien de la paix ou une mission politique spéciale des Nations Unies, et que les effets du climat se superposent aux conflits et exacerbent les fragilités.
Lorsque le dérèglement climatique pèse sur les institutions et entrave leur capacité à fournir des services publics, il alimente les griefs et la méfiance à l’égard du pouvoir, et lorsque la perte des moyens de subsistance laisse les populations dans le désespoir, cela rend plus séduisantes les promesses de protection, de revenus et de justice derrière lesquelles les groupes terroristes dissimulent parfois leurs desseins. À titre d’illustration, M. Guterres a indiqué que dans le bassin du lac Tchad, Boko Haram a pu mobiliser de nouvelles recrues, notamment au sein des communautés locales désabusées par l’absence de perspectives économiques et d’accès aux ressources essentielles.
De la même façon, dans le centre du Mali, les groupes terroristes ont exploité les tensions croissantes entre éleveurs et agriculteurs pour recruter des membres dans les communautés pastorales, qui se sentent souvent exclues et stigmatisées. D’autre part, la dégradation de l’environnement permet aux groupes armés non étatiques d’étendre leur influence et de manipuler les ressources à leur avantage. En Iraq et en Syrie, par exemple, Daech a exploité les pénuries d’eau et pris le contrôle d’infrastructures hydrauliques pour imposer sa volonté aux communautés. En Somalie, la production de charbon de bois par les Chabab est également une source importante de revenus, a encore cité M. Guterres.
Pour le Secrétaire général, les changements climatiques ne sont pas la source de tous les maux, mais ils ont un effet multiplicateur et deviennent un facteur aggravant de l’instabilité, des conflits et du terrorisme. Pour cette raison, il a exhorté à aborder ces défis de manière intégrée et à créer un « cercle vertueux de paix, de résilience et de développement durable ». Il a rappelé que son rapport Notre Programme commun propose un Nouvel agenda pour la paix qui présente une vision multidimensionnelle de la sécurité mondiale.
Dans cette logique d’approche intégrée, il a présenté cinq domaines dans lesquels il importe d’approfondir l’action collective, le premier étant la prévention et la lutte contre les causes profondes de l’insécurité. Les conflits ou le terrorisme sont le résultat de fractures profondes, a-t-il relevé, citant pauvreté, violation des droits humains, mauvaise gouvernance, effondrement des services publics essentiels, manque de perspectives de développement humain – et plus largement, la perte d’espoir en l’avenir. Il a donc appelé à réduire les inégalités, par la protection des personnes et des communautés les plus vulnérables, notamment les femmes, qui sont touchées de manière disproportionnée. Il a plaidé pour un plus fort appui aux investissements dans le développement humain afin d’atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030, demandant aussi de tirer parti des savoir-faire locaux et d’amplifier la voix des femmes et des jeunes. Car, a-t-il expliqué, les études montrent que lorsque les femmes participent aux négociations, la paix est plus durable, et lorsqu’elles participent à la législation, elles adoptent des politiques plus favorables à l’environnement et à la cohésion sociale.
Comme deuxième point, il a appelé à accroître les investissements dans l’adaptation et la résilience, précisant que les coûts annuels d’adaptation dans les pays en développement sont estimés à 70 milliards de dollars, sachant qu’ils devraient atteindre jusqu’à 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Dans cette optique, il a demandé aux pays développés de tenir leur promesse de fournir au moins 100 milliards de dollars de financement climatique par an aux pays en développement. Il a jugé essentiel qu’au moins 50% du financement climatique pour les pays en développement soit consacré au renforcement de la résilience et de l’adaptation. Dans ce sens, a-t-il fait remarquer, la COP26 de Glasgow a envoyé un signal positif: « J’attends maintenant que les pays développés mettent en œuvre leur engagement de doubler le financement pour l’adaptation d’ici à 2025. »
À titre d’exemple, il a évoqué des initiatives « ambitieuses » telles que la Grande Muraille verte, qui redonne vie aux paysages dégradés du Sahel afin d’augmenter la sécurité alimentaire, créer des emplois et promouvoir la consolidation de la paix, signalant cependant que les mécanismes de financement existants doivent correspondre aux besoins et être accessibles aux populations les plus touchées. À cet effet, les subventions sont essentielles, car le fardeau de la dette écrase déjà les pays les plus vulnérables.
M. Guterres a également invité à adapter le travail de consolidation de la paix à l’action climatique, rappelant que, depuis 2017, le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix a augmenté ses investissements dans des initiatives innovantes qui tiennent compte des risques climatiques. Ainsi, au Yémen, où la pénurie d’eau aggravée par les changements climatiques contribue à l’instabilité, le Fonds a soutenu la restauration et le renforcement des structures locales de gouvernance de l’eau dans la vallée de Wadi Rima, ce qui a contribué à réduire les tensions intercommunautaires. Toutefois, le Secrétaire général a regretté que le Fonds soit « encore loin » d’avoir atteint le volume qui lui permettra d’aider plus systématiquement les gouvernements et les sociétés à faire face aux risques de conflits complexes.
En troisième lieu, M. Guterres a plaidé pour l’analyse et l’alerte. Il a encouragé à comprendre et à anticiper les effets en cascade des manifestations des changements climatiques et au renforcement des actions de paix et sécurité. Faisant remarquer que le tiers de la population mondiale ne dispose pas de systèmes d’alerte précoce, il a déclaré qu’à l’issue de discussions avec les partenaires à l’occasion de la Conférence Union africaine-ONU, l’UA et d’autres organisations régionales montrent la voie pour rendre opérationnels les mécanismes d’alerte précoce. Il a également recommandé de bâtir sur le savoir-faire existant en termes de réduction des risques de catastrophe et d’intégration des risques climatiques dans toutes les décisions économiques et financières. Il a rappelé qu’à l’ONU, le Mécanisme sur la sécurité climatique renforce les capacités des missions sur le terrain, des équipes de pays et des organisations régionales et sous-régionales.
Quatrième priorité selon M. Guterres, le développement de partenariats et d’initiatives reliant les approches locales, nationales et régionales, en faisant le meilleur usage du savoir-faire sur le terrain tout en profitant des capacités politiques, financières et techniques des acteurs régionaux et internationaux. Il a cité en exemple la Stratégie régionale pour la stabilisation, le relèvement et la résilience des zones affectées par Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. Il a également renvoyé à la nouvelle initiative sur les changements climatiques, la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest. Le Secrétaire général a en outre invité à continuer d’appuyer le Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel à travers le Plan d’appui des Nations Unies.
Enfin, il a évoqué un cinquième axe d’action avec la lutte contre le terrorisme et les conflits dans le contexte des perturbations climatiques, ce qui exige un investissement soutenu. Il a déploré qu’au Sahel et en Somalie, les missions africaines de paix ont peu de marge de manœuvre et se voient confrontées à des incertitudes concernant leur financement. Aujourd’hui plus que jamais, les opérations de paix de l’UA ont besoin de mandats du Conseil de sécurité, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, ainsi que des financements prévisibles garantis par des contributions évaluées, a-t-il préconisé, appelant le Conseil à se pencher sur cette question au plus vite. Enfin, il a estimé que le Conseil de sécurité et tous les États Membres doivent œuvrer, simultanément, à la consolidation de la paix et aux effets des changements climatiques.
M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que bien que des experts n’arrivent pas à établir le lien entre conflits et changements climatiques, il ne fait pourtant aucun doute que les déficits climatiques, notamment la raréfaction de l’eau ou des pâturages, contribuent à l’éclosion des conflits. Rappelons, a-t-il dit, que les conflits entre agriculteurs et éleveurs au Nigéria ont tué plus de six fois de plus que la violence causée par le groupe armé terroriste Boko Haram. De plus, a-t-il ajouté, du bassin du lac Tchad à la Corne de l’Afrique, des températures élevées sont enregistrées, entraînant des conséquences « entièrement inestimables » sur l’économie, les récoltes agraires, les déplacements de populations, le terrorisme et les trafics en tous genres. « Voici la situation que connaît le continent africain en raison des changements climatiques. »
Mais, a poursuivi M. Mahamat, l’enjeu n’est pas dans la description des causes et des effets des changements climatiques sur les États et les populations, mais plutôt dans la manière de répondre à ces enjeux. Et sur ce point, le continent africain est « déçu » de la réponse de ses partenaires, a-t-il asséné. Alors que l’Afrique contribue peu au réchauffement climatique, la réponse qui lui est faite est une portion « congrue » de ce dont elle a besoin, a-t-il fait remarquer. Il a relevé, de plus, que dans son combat contre le terrorisme, l’Afrique subit un « deux poids, deux mesures ». Alors que des forces « considérables » ont été déployés pour combattre la menace terroriste dans la région du Moyen-Orient, un tel effort est refusé à l’Afrique, a déploré M. Mahamat, faisant allusion aux demandes de financement de la Force conjointe du G5 Sahel. Il est à espérer que le débat de ce jour permettra de trouver des réponses à ces enjeux, a-t-il conclu.
M. MAMMAN NUHU, Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad et Chef de la Force multinationale mixte, a rappelé que ce lac transfrontalier est partagé par le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad. Dans les années 1960, il était l’un des plus grands lacs d’eau douce du monde, avec une superficie de 25 000 kilomètres carrés. Son bassin était un exportateur de produits agricoles grâce à des cultures vivrières comprenant le mil, le sorgho, le blé, le taro, le maïs, le manioc et la patate douce, mais aussi des cultures de rente telles que le coton, le riz, le sésame et les dattes. L’élevage et la pêche s’y étaient également développés à des fins de subsistance et de commerce. Or, sous les effets conjugués des changements climatiques, de la pression démographique et de l’insécurité, la zone est aujourd’hui confrontée à une grave insécurité alimentaire.
Selon de récentes prévisions modélisées, a poursuivi M. Nuhu, le bassin connaîtra d’ici à la fin du siècle une augmentation de la température annuelle moyenne dans ses parties centre et est, ainsi qu’une réduction de ses ressources en eau disponibles. De plus, la saison des pluies deviendra plus courte, ce qui, combiné à des températures plus élevées, entraînera des changements dans les écosystèmes. Par ailleurs, les conditions climatiques favorables à la croissance des forêts tropicales n’existeront plus, a-t-il averti, avant de faire état d’un rétrécissement du lac lui-même, dont la surface est tombée à seulement 1 410 kilomètres carrés au milieu des années 1980. Si les apports en eau se sont considérablement réduits au fil du temps, le lac Tchad est en outre vulnérable à une évaporation accrue associée aux températures plus élevées en raison de sa grande surface par rapport à son volume. Il a ainsi commencé à rétrécir au début des années 1960 et ce phénomène est à l’origine de la plupart des défis auxquels la région est confrontée aujourd’hui, y compris l’agitation de la jeunesse, le terrorisme et les affrontements entre agriculteurs et éleveurs, a souligné le Secrétaire exécutif.
Plusieurs autres faits expliquent la crise que connaît le bassin du lac Tchad. Tout d’abord, en raison du taux de natalité élevé et de la migration en provenance de toute la région du Sahel, la population est passée d’environ 7 millions au début des années 1960 à 22 millions en 1991 et environ 50 millions en 2015. D’autre part, la combinaison du rétrécissement du lac et de l’explosion démographique a entraîné une diminution des moyens de subsistance, avec pour autres conséquences la pauvreté, un chômage général et une colère généralisée. Bien que la population locale ait fait preuve de résilience et de capacité d’adaptation, des activités criminelles se sont développées, principalement chez les jeunes, avec notamment des trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains, des vols de bétail et des enlèvements contre rançon. C’est dans ce contexte de mécontentement que Boko Haram s’est implanté dans la région, provoquant des déplacements massifs de personnes et aggravant l’insécurité des réserves d’eau existantes, a précisé M. Nuhu.
Face à ces menaces, a-t-il poursuivi, la Force multinationale mixte a été formellement établie en juin 2015 avec pour mission de créer un environnement sûr dans les zones touchées par le terrorisme et de faciliter la mise en œuvre de programmes de stabilisation. Dans ce cadre, les opérations visant à neutraliser les terroristes sont prioritaires, mais s’avèrent insuffisantes à moyen et long terme pour éliminer les menaces d’extrémisme violent dans le bassin, a concédé le responsable, estimant que les actions militaires ne peuvent à elles seules résoudre le problème du terrorisme.
À ses yeux, il est nécessaire de s’attaquer aux causes profondes du problème, et c’est ce qui est fait par le biais de la Stratégie régionale de stabilisation, qui bénéficie de l’appui du PNUD et de l’Union africaine. Ancrée sur 9 piliers thématiques d’intervention et 40 objectifs stratégiques, cette stratégie définit des plans d’action pour chacune des provinces touchées. Dans le même temps, a encore précisé M. Nuhu, le PNUD a lancé en 2019 un mécanisme de stabilisation doté de 100 millions de dollars et destiné à aider les zones libérées du contrôle de Boko Haram, mais où les communautés restent vulnérables aux infiltrations et aux attaques continues. Parallèlement, la Commission du bassin du lac Tchad et ses partenaires ont mis en place des projets humanitaires et de développement afin de restaurer les moyens de subsistance des populations et d’atténuer les effets des changements climatiques. Outre le programme d’urgence pour les groupes vulnérables de la région du lac Tchad, notamment les jeunes et les femmes, un plan d’action pour le développement et la résilience climatique du lac Tchad 2016-2025 est mis en application dans le but de faire de cette zone un pôle de développement rural. Un projet d’amélioration de la capacité hydraulique du lac et de ses affluents vise d’autre part à réduire la perte d’eau par évaporation et les dommages causés par les inondations le long des fleuves Chari et Logone.
Toutefois, les nombreux défis auxquels sont confrontés le bassin du lac Tchad et le Sahel dans son ensemble dépassent ce que la région peut gérer seule, a prévenu le Secrétaire exécutif, avant d’appeler l’ONU à intensifier de toute urgence ses efforts actuels de mobilisation de la communauté internationale. Il a ainsi demandé un soutien accru à la région pour faire face à la guerre contre le terrorisme et les autres activités criminelles, mais également pour améliorer la capacité hydraulique du lac Tchad et financer le plan d’action pour la résilience climatique.
M. MOHAMED BAZOUM, Président du Niger, a expliqué que son pays a organisé ce débat sur la paix et la sécurité internationales à l’épreuve du terrorisme et des changements climatiques afin d’engager le Conseil de sécurité à prendre les initiatives idoines pour trouver des solutions durables aux menaces à la paix et à la sécurité internationales et leurs interactions avec les effets des changements climatiques. Il a jugé « impérieux » qu’au lendemain de la COP26, le Conseil capitalise les différents consensus obtenus afin d’encourager les stratégies visant à atténuer les effets des changements climatiques, conformément à son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales.
M. Bazoum a rappelé que le récent Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, tenu à Dakar, a montré combien le Sahel et le bassin du lac Tchad illustrent l’interaction entre les effets des changements climatiques et la paix et la sécurité. « Les conséquences de ce phénomène ont entrainé la désintégration du tissu social et le vivre-ensemble des populations, poussées dans une compétition effrénée pour l’accès aux ressources, qui se raréfient de façon drastique », a expliqué le Président du Niger avant de préciser que cette situation a alimenté l’extrémisme violent et un banditisme à grande échelle, entraînant dans les réseaux des organisations criminelles et terroristes de nombreux jeunes qui vivaient jadis des richesses de la biodiversité desdites régions.
Le Président du Niger a jugé urgent d’agir de façon effective pour la région du Sahel en donnant suite aux conclusions et recommandations des différentes tables rondes et autres fora initiés pour changer radicalement « les tendances lourdes observables dans la région ». À cet effet, il a estimé que le Programme d’investissements prioritaires du G5 Sahel et le Plan de développement et d’adaptation au changement climatique, adopté par la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) méritent une attention toute particulière. Il a ajouté que le Niger, en sa qualité de Président de la Commission climat pour la région du Sahel, travaille activement à la mise en œuvre effective des différentes recommandations et arrangements qui ont été convenus, de manière concertée par la communauté internationale. Il a dit l’attachement du Niger au Consensus issu de l’Accord de Paris suite à la COP21, qui bénéficie de l’engagement de l’écrasante majorité de la communauté internationale, avant d’ajouter que la récente COP26 de Glasgow a été une autre occasion pour la communauté internationale de réitérer son engagement résolu à faire face aux défis des changements climatiques.
Parallèlement à ces efforts, le Président du Niger a jugé urgent, dans le cadre du mandat de prévention du Conseil, de prendre en compte les risques sécuritaires liés aux changements climatiques, en tant qu’élément supplémentaire de l’architecture de paix et de sécurité. Il a invité le Conseil à adopter la résolution proposée par le Niger et l’Irlande, pour enfin doter le Conseil d’une approche intégrée et coordonnée. Le but, a-t-il expliqué, est de renforcer sa capacité à comprendre l’impact des changements climatiques, sur la base d’une analyse approfondie des risques actuels et futurs, de façon à formuler des recommandations pertinentes orientées vers l’action. Il a espéré que cette résolution pourrait contribuer de façon efficace à la prise en compte des risques climatiques dans les opérations existantes de maintien et de consolidation de la paix ainsi que dans le travail de médiation et de prévention des conflits.
M. ALAR KARIS, Président de l’Estonie, a rappelé qu’en 2020, près de 31 millions de personnes ont été déplacées suite à des catastrophes naturelles provoquées par des événements météorologiques extrêmes et les changements climatiques. S’appuyant sur les chiffres de la Banque mondiale, il a indiqué que, d’ici à 2050, le nombre total de migrants climatiques pourrait atteindre 216 millions. Il a relevé que les changements climatiques et la dégradation de l’environnement préparent le terrain à l’instabilité sociale, aux conflits, au terrorisme et à l’extrémisme, pour ensuite saluer les activités de l’Alliance pour le Sahel qui gère les conséquences des changements climatiques en augmentant la sécurité alimentaire et traite du problème du chômage des jeunes. M. Karis a en outre noté que les conflits pour les ressources naturelles à l’intérieur et entre les États encouragent le commerce illégal et créent des conditions propices pour les organisations terroristes qui tirent parti de l’instabilité et de la pauvreté. « C’est ce à quoi nous assistons actuellement aux frontières européennes », a-t-il affirmé.
Le Président de l’Estonie a ensuite appelé à aller au-delà de la tenue de débats thématiques et parvenir à une définition plus « ambitieuse » du climat et de la sécurité. Nous avons besoin d’une résolution du Conseil de sécurité sur le climat et la sécurité: c’est le seul moyen de faire une différence, a insisté le Chef d’État. Il a également estimé que le Secrétaire général doit être mandaté pour coordonner la politique à cette fin, estimant en outre que des comptes rendus réguliers constitueraient un pas important pour mettre sur pied des mesures de prévention tangibles. La reconnaissance du leadership et de la participation des femmes, ainsi que de l’engagement des jeunes, est également essentiel pour l’élaboration de stratégies de lutte contre le terrorisme et les effets des changements climatiques. « C’est la seule façon de construire des communautés résilientes pour tous », a-t-il conclu.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD, Représentante permanente des États-Unis et membre du Cabinet du Président Biden, a d’entrée averti qu’au rythme actuel, la crise climatique va conduire des centaines de millions de personnes à fuir leurs foyers, ce qui va créer l’émigration de masse. Ce n’est pas seulement une catastrophe humaine, mais il s’agit, a alerté la représentante, du type de population vulnérable qu’exploitent les organisations terroristes.
Heureusement, le Conseil de sécurité a reconnu clairement les liens entre les changements climatiques et les conflits et pris les mesures nécessaires dans certains de ces cas, a-t-elle salué.
Cependant, a nuancé la représentante, « le temps des demi-mesures est passé ». Cette crise mondiale exige une riposte mondiale de l’ensemble de la communauté internationale, a-t-elle martelé. Certes, a-t-elle reconnu, des progrès importants ont été réalisés lors de la COP26, mais il faut faire davantage et il faut le « faire rapidement », a-t-elle pressé.
Pour leur part, elle a assuré que les États-Unis continueront à œuvrer avec tous les pays dans le cadre de l’Accord de Paris et par l’entremise de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour promouvoir les efforts mondiaux en matière d’atténuation et de s’y adapter. Pour montrer l’exemple, le Président des États-Unis, M. Joseph Biden, a annoncé un plan d’urgence d’adaptation et de résilience afin d’aider les pays en développement à gérer les conséquences des changements climatiques, a informé la déléguée. Elle a précisé que le Président œuvrera avec le Congrès pour fournir 3 milliards de dollars chaque année comme contribution au financement de l’adaptation, d’ici à 2024. Grâce à l’initiative « PREPARE », les États-Unis vont soutenir de manière urgente et significative les efforts d’adaptation pour sauver des vies et réduire l’instabilité dans le monde, s’est félicitée Mme Thomas-Greenfield. L’objectif, a martelé la diplomate, est de s’assurer que « nous ne nous contentons pas de faire un chèque », mais que nous travaillons également avec les pays pour garantir que chaque dollar aille aussi loin que possible dans ces communautés.
Dès lors, il est temps pour nous de cesser de débattre de la question de savoir si la crise climatique représente une menace pour la paix et la sécurité internationales, a-t-elle conclu. Ce débat est terminé, a tranché Mme Thomas-Greenfield, pressant le Conseil de sécurité à utiliser ses pouvoirs uniques pour aborder cette question de front et prendre des actions « maintenant »!
« Un monde en état d’urgence climatique, est un monde en danger permanent », a déclaré M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) qui a souligné que les liens entre le climat et la sécurité sont établis dans de nombreuses situations. Il a notamment cité le cas du Sahel où les groupes terroristes instrumentalisent les conflits interethniques et communautaires entre agriculteurs et éleveurs dans un contexte où les changements climatiques ont largement contribué à une mutation des systèmes agropastoraux.
Il a appelé à empêcher les groupes terroristes de tirer parti de la détresse engendrée par les effets des changements climatiques, de la dégradation des terres et de la perte de la biodiversité dans des zones déjà marquées par les tensions et les fragilités. Cela passe par la mise en place immédiate de politiques publiques permettant d’arbitrer les conflits relatifs à l’accès aux ressources naturelles, a insisté M. de Rivière. Il s’agit là d’un impératif car nous ne devons pas laisser le champ libre à une instrumentalisation de ces conflits par les groupes terroristes.
Le représentant a également appelé à construire, là où planent de graves menaces sécuritaires, un « cercle vertueux » entre développement économique durable et action en faveur de la préservation du climat et des ressources naturelles, rappelant le projet de la Grande Muraille verte au Sahel, pour lequel 19 milliards de dollars ont été annoncés. Il a également appelé à doter le G5 Sahel du soutien logistique et financier de l’ONU.
M. de Rivière a ensuite fait part de son soutien au projet de résolution porté par le Niger et l’Irlande. Notant que les changements climatiques sont un test majeur pour le multilatéralisme, il a estimé que le Conseil doit être en mesure de mieux évaluer et traiter l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales et d’en tirer toutes les conséquences. « Le coût de l’inaction serait immense pour chacun d’entre nous », a-t-il mis en garde.
Selon M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), il est indispensable de mieux comprendre les contextes dans lesquels les changements climatiques peuvent aggraver les causes susceptibles d’entraîner la radicalisation d’individus ou de groupes, voire de susciter des actes terroristes, et ce, afin que le travail préventif du Conseil soit plus efficace. Par exemple, la hausse du niveau des mers peut avoir des implications juridiques concernant la continuité ou la perte de la condition d’État, dans les cas où le territoire d’un pays insulaire se retrouverait totalement recouvert par la mer ou deviendrait inhabitable. L’évacuation, la réinstallation et l’émigration de personnes ainsi que la protection des droits humains des déplacés internes et des personnes qui migrent en raison des effets négatifs de la hausse du niveau des mers sont des éléments que le système international doit prendre en compte plus que jamais, a estimé le représentant. Le concept de sécurité humaine s’est en effet élargi de facto pour englober la sécurité environnementale et celle des ressources naturelles.
M. de la Fuente Ramírez s’est inquiété des données du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui montrent que 70% des pays les plus vulnérables aux effets du climat sont également les plus fragiles et les plus instables. Ils font face à une double menace: les conflits et l’insécurité d’un côté, les effets des changements climatiques de l’autre. Aussi a-t-il plaidé pour des approches préventives à partir d’une logique de justice sociale et de justice climatique et pour un appui aux pays devant répondre à leurs besoins d’adaptation et de résilience, tout en défendant une paix durable. C’est ce qu’a fait le Fonds pour la consolidation de la paix dans la région du lac Tchad, en favorisant une gestion plus responsable des ressources naturelles, la reforestation et l’amélioration de l’accès à des moyens de vie durables, a-t-il notamment relevé. De même, les organismes des Nations Unies chargés de la lutte contre le terrorisme devraient inclure la dimension climatique dans l’analyse des facteurs déclencheurs, a ajouté M. de la Fuente Ramírez qui a noté que le contrôle des ressources naturelles et leur trafic sont parfois liés au trafic illégal d’armes et de munitions.
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a estimé que face aux coûts sociaux et économiques de la COVID-19, aux changements climatiques, et au terrorisme, une action multilatérale urgente était « absolument nécessaire ». Ce n’est pas une coïncidence si les pays les plus touchés par le sous-développement, « souvent précédé par le colonialisme », sont aussi parmi les plus exposés aux risques sécuritaires des changements climatiques et du terrorisme, a-t-elle estimé. Les facteurs de conflit sont aggravés par la crise climatique, et « les plus vulnérables d’entre nous se retrouvent souvent piégés dans des cycles douloureux d’insécurité et de sous-développement », a prévenu la représentante. Recommandant d’éviter « la planification à court terme » et « les approches superficielles », elle a appelé à privilégier des « plans et des stratégies de développement globaux » qui renforceraient la souveraineté, rétabliraient la confiance du public et restaureraient les contrats sociaux.
Rejetant « les intérêts nationaux étroits », autant que les « attitudes militaristes » ou les « calculs économiques obtus », Mme King a appelé la communauté internationale à travailler dans « l’unité et la solidarité » pour respecter les accords existants, en particulier les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris. Les pays développés et les institutions financières internationales devraient quant à eux augmenter l’aide au développement et les initiatives de renforcement des capacités. Des solutions pratiques, centrées sur les personnes et sensibles au climat, devraient être mises en œuvre en fonction des besoins, des priorités et des impératifs de développement des États concernés. Mme King a également appelé les pays émetteurs historiques à prendre des mesures ambitieuses et augmenter de manière significative leur soutien à l’adaptation et à l’atténuation.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a relevé que des réponses gouvernementales inadaptées aux événements climatiques extrêmes affaiblissent les contrats sociaux entre États et populations, ouvrant une brèche dans laquelle s’engouffrent les groupes terroristes. Le Conseil a pour responsabilité de briser ce cercle vicieux, a-t-elle affirmé.
Notant que les groupes terroristes peuvent utiliser leur accès aux ressources naturelles dans les régions où elles diminuent, pour alimenter le terrorisme et recruter ceux qui cherchent à subvenir à leurs besoins, la représentante a exhorté à une « action résolue » pour éliminer ces risques, appelant en outre à davantage d’analyses empiriques.
Mme Byrne Nason a par ailleurs relevé que, cette année, le Conseil a produit 13 textes dans lesquels figuraient des dispositions sur les effets adverses des changements climatiques. Elle a toutefois encouragé à une approche « plus robuste et systématique » sur cette question, appelant notamment à appuyer le mécanisme de sécurité climatique. Elle a également rappelé que l’Irlande et le Niger ont travaillé à un projet de résolution pour mieux traiter les risques sécuritaires liés au climat, accroître et améliorer la qualité des données sur ces risques, et exhorté à son adoption. Le Conseil doit prendre acte des risques sécuritaires dans le contexte des changements climatiques car, si nous échouons, les conséquences seront catastrophiques, a averti Mme Byrne Nason pour qui « le temps d’agir est venu ».
Mme MONA JUUL (Norvège) a relevé que les changements climatiques exacerbent les vulnérabilités dans le monde entier et que cette dynamique pourrait expliquer pourquoi de nombreux pays vulnérables au climat, dont le Mali et la Somalie, sont confrontés à des insurrections terroristes. Mettant l’accent sur les interconnexions complexes entre sécurité et changements climatiques, Mme Juul a dit que ces derniers entraînent des déplacements, affaiblissent la gouvernance, alimentent l’instabilité politique et sociale, ce qui entraîne l’insécurité alimentaire, exacerbe la concurrence pour les ressources et les tensions entre les communautés, compromettant en fin de compte les moyens de subsistance et exacerbant les inégalités. « Combinés, ces facteurs peuvent créer un terrain fertile pour la radicalisation, stimuler le recrutement pour groupes armés et entraver le retour des populations qui ont été forcées de migrer », a insisté Mme Juul, avant de noter que l’effet amplificateur des conflits et des changements climatiques met également en évidence le besoin de protection des civils, en particulier dans les situations de déplacement et de famine.
La représentante a appelé à « inclure les risques climatiques dans notre analyse et nos réponses, pour améliorer nos efforts de consolidation de la paix et de maintien de la paix ». Notant que le succès de la lutte contre les changements climatiques et contre le terrorisme dépend d’une bonne gouvernance et de la réduction des vulnérabilités, Mme Juul a appelé à inclure de manière significative toutes les personnes et parties prenantes dans cette réponse, dont les femmes, les jeunes, la société civile et le secteur privé. « L’application d’une perspective holistique et analytique renforcera notre réponse au terrorisme », a-t-elle insisté, en appelant à se concentrer sur les moteurs de la radicalisation pour prévenir l’extrémisme violent. « Lorsque les vulnérabilités se chevauchent, les solutions ont également tendance à se chevaucher », a-t-elle aussi dit, avant d’appeler à une action climatique sensible aux conflits. « Notre consolidation de la paix doit être à l’épreuve du climat », a-t-elle conclu, avant d’appuyer le projet de résolution sur le climat et la sécurité comme moyen de favoriser une approche multilatérale coordonnée par l’ONU et notamment le Conseil de sécurité.
Concernant les liens possibles entre terrorisme et changements climatiques, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a tout d’abord affirmé que, selon ses estimations, la Fédération de Russie se réchauffe « deux fois et demie plus vite que les indicateurs mondiaux moyens ». Évoquant des phénomènes naturels de plus en plus destructeurs, il a appelé sans équivoque à réduire les émissions de gaz à effet de serre, afin de s’adapter aux conséquences négatives des changements climatiques. La stratégie nationale russe de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’en 2050 prévoit de parvenir à l’équilibre entre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et leur élimination au plus tard en 2060, a-t-il indiqué, soulignant que c’est dans cet esprit de « détermination » que la Fédération de Russie a pris part à la COP26 et contribué au consensus. L’équilibre entre les intérêts climatiques, environnementaux et socioéconomiques des pays à différents niveaux de développement et, par conséquent, de vulnérabilité, a permis à la COP26 d’être un succès, a estimé le représentant.
Concernant la lutte contre le terrorisme international, la coopération devrait aussi être globale, a poursuivi M. Nebenzia, se réjouissant que le mécanisme de suivi des activités de lutte contre le terrorisme ait fonctionné correctement durant la pandémie. Le délégué a cependant souligné que l’assistance aux pays devait être menée en tenant compte de très nombreuses particularités nationales et régionales. Par exemple, malgré la lutte active contre Daech en République arabe syrienne et en Iraq, la menace terroriste continue de s’étendre de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord aux pays et régions voisins, en particulier « au plus profond de l’Afrique », a-t-il illustré. La Fédération de Russie l’explique par des problèmes de sécurité frontalière, compte tenu de la porosité des frontières; des conditions socioéconomiques difficiles, exacerbées par la pandémie; et par la faiblesse des autorités centrales sur le terrain. Les terroristes en profitent, multipliant leur propagande et leurs tentatives de recruter de nouveaux adeptes parmi les populations mécontentes, notamment les jeunes, a constaté M. Nebenzia. Il a relevé que, dans la région du Sahel, une myriade de facteurs s’entremêlent: extrême pauvreté et sous-emploi, croissance démographique, désertification, catastrophes naturelles, migrations, entre autres.
« Que devraient alors faire l’ONU et son Conseil », s’est demandé M. Nebenzia en interpellant l’assistance. Reconnaissant que l’approche russe diffère de celle d’autres membres du Conseil, il s’est dit convaincu de la nécessité d’examiner chaque situation au cas par cas, en incluant des facteurs d’instabilité socioéconomique ou politique tels que « la pression extérieure sur les États » ou, à l’inverse, « l’insuffisance de l’aide extérieure ». Quoi qu’il en soit, les « recettes génériques », avec relations de cause à effet automatiques, feront obstacle au Conseil, a observé le représentant russe. Il a regretté la politisation du climat, soit « le fait de forcer l’intégration du facteur climatique dans les mandats des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, par opposition au travail scientifique fondamental ». Réclamant un débat franc sur les causes profondes du terrorisme, « notamment l’ingérence extérieure », le délégué russe est demeuré sceptique quant à l’existence de liens directs entre terrorisme et climat. « Peut-être que nos collègues veulent rendre plus visibles les débats climatiques, mais le fait de faire figurer un thème au Conseil ne doit pas devenir la mesure de son importance », a-t-il argumenté. Selon lui, la lutte contre les changements climatiques ne gagnera rien à figurer au Conseil du fait de sa composition limitée. Elle doit au contraire figurer dans les enceintes où siègent tous les États Membres de l’ONU, comme la CCNUCC ou l’Assemblée générale, en laissant au Conseil la responsabilité de traiter des conflits, sans quoi les doublons et les divisions ne feront qu’augmenter, a-t-il prédit.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) s’est tout d’abord préoccupé de la détérioration de la situation sécuritaire dans les pays du G5 Sahel et a appelé à fournir des ressources adéquates et durables à la Force conjointe du G5 Sahel. Il a jugé inapproprié d’établir un lien entre la sécurité et les changements climatiques, estimant qu’un débat sur cette question au Conseil de sécurité, ignorant les principes de base et les dispositions relatives aux changements climatiques, risque de perturber la nature des discussions générale sur ce sujet important. « Faire passer le discours sur les changements climatiques d’un modèle axé sur le consensus à un processus susceptible de diviser n’est peut-être pas recommandé. » Il a également estimé que l’examen de la question des conflits à travers le seul prisme des changements climatiques présente une perspective myope, notant en outre que le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat indique que l’effet de la variabilité climatique sur la violence est contesté. Il a appelé à débattre de la climatologie dans les enceintes pertinentes de la CCNUCC, ajoutant qu’une simplification excessive des causes de conflit n’aidera pas à les résoudre et ne pourra pas non plus justifier des actes terroristes ou des mesures politiques extrêmes.
Le délégué a ensuite passé en revue l’action climatique de l’Inde, à commencer par l’engagement qu’elle a pris à la COP26 de réduire l’intensité d’émission de son PIB de 45% d’ici à 2030 et d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2070. Il a également appelé à honorer les engagements pris en matière de financement climatique et de transfert de technologie, exhortant les pays développés à commencer à fournir 1 000 milliards de dollars dès que possible. Notant que la communauté internationale dispose aujourd’hui de mécanismes institutionnels pour traiter les problèmes complexes du terrorisme et des changements climatiques, il a de nouveau appelé à continuer à travailler par le biais de ces mécanismes établis.
M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré que les facteurs d’incertitude, de même que le terrorisme et l’insécurité augmentent partout dans le monde et en particulier en Afrique. Il a souligné que la Chine a toujours été partisan et contributeur de la paix et de la sécurité en Afrique, notant que pas moins de 80% de ses soldats de la paix sont basés sur ce continent. Et lors du dernier sommet Afrique-Chine, des annonces ont été faites notamment pour le financement de neuf projets liés à la paix et à la sécurité.
Le représentant a ensuite appuyé le principe d’un financement prévisible et durable de la Force conjointe du G5 Sahel. Cela dit, il reste aussi d’avis que la force militaire seule ne suffira pas à résoudre les conflits dans la région. Il faut s’attaquer aux causes premières, notamment le sous-développement, le tribalisme et les discriminations. Les partenaires internationaux doivent contribuer à cet effort, a dit le représentant.
S’exprimant sur les changements climatiques, le délégué a salué les initiatives déjà prises par l’Union africaine, notamment la création d’un fonds spécial pour le climat. Notant que l’Afrique manque de financements, de technologie et de ressources, il a appelé les pays « occidentaux » à assumer leurs « responsabilités historiques » en participant au financement des efforts de lutte contre les changements climatiques, sur la base du principe de responsabilité commune mais différencié. Nous devons aller au-delà des slogans, a-t-il invité.
Le représentant a par ailleurs assuré que son pays joue un rôle « responsable et productif », comme il l’a fait lors de la COP26 à Glasgow. En tant que partenaire de l’Afrique, la Chine appuie différents projets de développement vert, notamment la grande muraille verte de l’Afrique.
M. HAI ANH PHAM (Viet Nam) a reconnu que les changements climatiques deviennent une dangereuse menace. Dans certains cas, comme dans la région du Sahel, leurs effets s’ajoutent aux menaces de terrorisme existantes et aux fragilités. Nous ne devons pas laisser des groupes terroristes exploiter les tensions et les problèmes aggravés par les changements climatiques pour affaiblir davantage la gouvernance, augmenter le recrutement, radicaliser des personnes privées de leurs droits et les conduire vers l’extrémisme violent, a lancé le délégué.
Pour faire face aux risques posés par les changements climatiques et le terrorisme, le délégué a plaidé pour une approche globale, qui aidera à garantir la durabilité de la réponse et un succès à long terme. Cela signifie une collaboration entre tous les organes de l’ONU, avec une vision et des stratégies à long terme, et, au niveau national, une approche associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société civile. Il a également recommandé d’investir dans l’anticipation et la résilience. Enfin, aucun pays ne peut faire face seul à ces menaces, en particulier les changements climatiques, et les engagements internationaux devraient se fonder sur le principe des responsabilités communes mais différenciées et sur les spécificités et la capacité des pays concernés.
Il est une réalité cruelle que bon nombre des nations les plus touchées par les changements climatiques sont également parmi les plus fragiles du monde, a constaté Mme BARBARA WOODWARD (Royaume Uni). Elle a notamment relevé que les changements de pluviométrie dans la région du Sahel ont alimenté des conflits entre agriculteurs et éleveurs, créant des conditions propices pour l’extrémisme violent, tandis qu’en Iraq et en Syrie, les communautés agricoles touchées par les mauvaises récoltes et les sécheresses dues au climat auraient été une source importante de recrues pour l’EIIL entre 2014 et 2016.
Exhortant à l’action, la représentante a salué l’adoption du Pacte de Glasgow pour le climat, notant que lors de la COP26, les pays ont démontré qu’ils peuvent travailler ensemble pour prendre des engagements ambitieux. Elle s’est notamment félicitée des engagements forts qui ont été pris en faveur de la réduction à zéro des émissions, de la lutte contre la déforestation, et de la réalisation de l’objectif de 100 milliards de dollars d’ici à 2023 au plus tard. Cela aidera les pays à mieux se préparer aux risques climatiques et à protéger les communautés vulnérables des pires impacts des changements climatiques et de leurs effets sur la stabilité, a-t-elle indiqué.
Mme Woodward a ensuite appelé le système des Nations Unies à rendre compte de manière exhaustive des liens entre le climat et la sécurité, estimant que la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a un rôle clair à jouer en la matière. Le projet de résolution présenté à ce Conseil constitue quant à lui un premier pas important pour faire face ensemble à la crise climatique et réduire les risques croissants d’insécurité climatique, a-t-elle ajouté.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) s’est, d’entrée, demandé si le multilatéralisme est capable de déboucher sur des mesures plus concrètes face aux changements climatiques. Il a relevé qu’une action ambitieuse dans le domaine de l’adaptation en Afrique fait défaut. En effet, a-t-il étayé, les engagements pris à Paris pour un financement annuel à hauteur de 100 milliards de dollars ne couvre qu’une « petite partie » de la réponse nécessaire et est déjà « remis en question ». Existe-t-il la volonté politique nécessaire pour agir face à la plus grande menace qui pèse à l’encontre de l’humanité, s’est-il interrogé.
À ses yeux, le défi principal, ce ne sont ni les changements climatiques ni la pandémie, mais les « deux poids, deux mesures, les fausses hiérarchies, les règles du jeu qui ne cessent d’être réécrites entre pays développés et pays en développement, et un égoïsme éclairé ». Décriant un échec du multilatéralisme, il a déclaré que les peuples du monde ont besoin de leaders capables de sauver le multilatéralisme et le sortir de l’ornière dans lequel il se trouve pour le transformer en une source de solutions adaptées.
Sur un autre registre, le représentant a condamné les récentes attaques terroristes contre les Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Estimant que malgré son travail « admirable », la MINUSMA ne sera pas en mesure de stabiliser le Sahel, il a appelé à la constitution d’une force africaine. Or, sur cette question aussi le multilatéralisme est en train de faillir, a déploré le représentant. Et le monde a l’impression que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies s’applique en fonction des intérêts des différents pays. « Nous avons besoin que le Conseil de sécurité adopte des solutions à la hauteur de son mandat » car, a-t-il averti, « le Sahel et notre région ne peuvent attendre indéfiniment ». Le représentant a en outre douté que des initiatives ambitieuses puissent être lancées dans le domaine des changements climatiques et de la sécurité en l’absence de fonds pour lutter contre le terrorisme.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a estimé que le terrorisme et les effets des changements climatiques constituent deux des principales menaces à la paix et la sécurité internationales. Il a rappelé qu’à l’occasion de son mandat au Conseil de sécurité, la Tunisie a demandé à ce que ces facteurs soient pris en compte en adoptant une approche holistique sur la base d’un concept de sécurité collective, avant de faire remarquer que les changements climatiques menacent la stabilité, accroissent les tensions et débouchent sur des conflits plus longs, notamment sur le continent africain. Pour le représentant, il importe aujourd’hui de dépasser le stade conceptuel et d’agir de manière transversale sur ces dangers qui sont du ressort du Conseil de sécurité. C’est pourquoi, a-t-il dit, la Tunisie salue le projet de résolution thématique soumis ce jour au Conseil et le message clair qu’il envoie à la communauté internationale. Alors que les répercussions des changements climatiques se font surtout ressentir dans les régions qui en sont le moins responsables, comme la région du Sahel en Afrique, il importe, selon lui, de tenir compte de la dimension du développement et d’empêcher que ces pays tombent dans la spirale de la violence.
Le représentant a ensuite constaté que, 20 ans après la mise en place du système international de lutte contre le terrorisme, suite à l’adoption de la résolution 1373 (2001) du Conseil, et la création du Comité contre le terrorisme, le problème reste entier. Malgré les progrès engrangés en matière d’enrichissement des cadres juridiques et des mécanismes de coopération internationale pour lutter contre ce fléau, le terrorisme et l’extrémisme violent demeurent la plus grande menace pour la paix et la sécurité internationales, a-t-il relevé, observant que les organisations terroristes utilisent désormais les technologies de l’information et des communications pour diffuser leur idéologie, recruter des membres et financer leurs activités. C’est particulièrement le cas dans les zones de conflit en Afrique, où ces groupes créent des filiales locales pour exploiter la situation, notamment par le biais de trafics d’armes et de drogue, mais aussi par la traite d’êtres humains. Dans ce contexte, il est urgent de contribuer à l’éradication des facteurs qui alimentent le phénomène terroriste, tout en renforçant la capacité des pays à contrer ces dangers, a insisté M. Ladeb, plaidant à cet égard pour un soutien accru de l’ONU à la Force conjointe du G5 Sahel. À ses yeux, le succès de cette force se fera sentir sur la situation sécuritaire régionale mais également internationale.
M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a appelé à une réponse systématique et coordonnée de tous les États face aux méfaits des changements climatiques, et considéré que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques demeure la plateforme la plus idoine pour une réponse coordonnée. À cet égard, l’Iran a entrepris des actions substantielles pour réduire les effets négatifs de ce phénomène mais celles-ci ont été entravées par l’imposition, par les États-Unis, de sanctions illégales qui ont notamment empêché l’accès aux ressources financières et technologiques nécessaires pour relever les défis associés aux changements climatiques.
M. Ravanchi a ensuite affirmé que les changements climatiques relèvent essentiellement du développement, et qu’il n’est pas scientifiquement établi qu’il existe une corrélation directe entre ceux-ci et la paix et la sécurité internationales. En conséquence, le représentant a estimé que les défis posés par les changements climatiques devraient être appréhendés dans le contexte du développement durable, et non comme un sujet relevant du mandat du Conseil.
Exhortant à une « grande prudence » sur la question, il a estimé qu’un engagement du Conseil, qui ne dispose ni de l’expertise requise, ni des outils pour traiter de cette sphère, empièterait sur le mandat d’autres organes de l’ONU, ce qui ne ferait que compliquer leur travail relatif aux changements climatiques.
M. OSUGA TAKESHI (Japon) a estimé que des institutions efficaces, responsables et inclusives sont la meilleure protection contre les risques sécuritaires exacerbés par les changements climatiques. Il a indiqué qu’en 2021, le Japon a fourni environ 3 millions de dollars au Niger, au Burkina Faso et au Tchad pour renforcer leurs capacités dans le secteur sécuritaire. Et, depuis 2013, le Japon aide en outre sept pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, dont le Niger, à mettre en place des institutions judiciaires crédibles par le biais de la formation de policiers, de procureurs et de juges.
Le représentant a également estimé que la présence d’institutions sociales capables d’assurer un accès égal aux services de base contribuera à atténuer les causes profondes des conflits et du terrorisme. Il a fait savoir que le Japon a promu le programme d’enseignement primaire « École pour tous », une initiative lancée en 2004 qui a permis de construire ou réhabiliter 53 000 écoles dans huit pays africains en partenariat avec la Banque mondiale et des organisations de la société civile. Le Japon s’est aussi engagé à soutenir la consolidation des institutions en Afrique en lançant la Nouvelle approche pour la paix et la stabilité en Afrique (NAPSA) à la TICAD7 (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique) en 2019.
M. Osuga a par ailleurs invité le Conseil de sécurité à s’appuyer sur les conseils de la Commission de consolidation de la paix (CCP) pour mobiliser l’ensemble du système des Nations Unies afin de relever les défis de sécurité à multiples facettes.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a été d’avis que le terrorisme n’était pas « directement lié » aux changements climatiques et qu’en conséquence, les changements climatiques ne sauraient être analysés sous le prisme de la sécurité et dissociés des « éléments composites» qui les causent. Il a également estimé que toute stratégie antiterroriste, pour être efficace, ne doit pas exclusivement reposer sur des mesures sécuritaires, mais qu’il faut s’attaquer aux causes sous-jacentes du phénomène, en particulier celles associées aux insatisfactions de longue date d’ordre social, politique, économique et culturel. Le Conseil, a-t-il suggéré, pourrait réitérer que toute mesure antiterroriste doit respecter le droit international, notamment celui relatif aux droits de l’homme et le droit humanitaire.
Tout en admettant qu’au Sahel, l’amenuisement des ressources, aggravé par de graves sécheresses, figure parmi les facteurs exacerbant les tensions et poussant la population à la migration, le représentant a dit avoir une « démarche prudente » lorsqu’il s’agit d’aborder la question des changements climatiques sous l’angle strictement sécuritaire. Il a suggéré d’éviter les doublons entre les divers organes, ajoutant que le temps et l’énergie « détournés » pour traiter les changements climatiques au Conseil de sécurité seraient mieux dépensés pour améliorer les flux financiers en appui aux engagements d’ores et déjà existants et à l’action climatique.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a réaffirmé la ferme détermination de son pays à combattre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations. Dans le même élan, le représentant a appuyé la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris les résolutions 1373 (2001) et 2560 (2020). Le lien direct entre la sécurité et les changements climatiques doit interpeller la communauté internationale, a espéré M. Biang. Le risque est réel et immédiat que les changements climatiques aient un effet amplificateur sur les conflits violents, qui vont à leur tour laisser les communautés plus pauvres, moins résilientes et moins capables de faire face aux conséquences des changements climatiques, a prévenu le représentant.
Pour terminer, M. Biang a réitéré la position de son pays selon laquelle le terrorisme et les changements climatiques relèvent d’une « responsabilité collective » qui mérite d’être abordée partout où la sécurité est au centre des priorités. Le Gabon, a-t-il déclaré, entend résolument réaffirmer son engagement et son plaidoyer permanents dans cette direction pour restituer à la face du monde les visages des « innombrables victimes meurtries par les effets pervers des dérèglements climatiques ».
M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a déclaré que les liens entre les effets néfastes des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement, et les conditions propices au terrorisme et à l’extrémisme sont « évidents ». De plus, le lien entre la pénurie d’eau, l’élévation du niveau de la mer, la désertification, la dégradation des terres et la perte de biodiversité, la pauvreté et le chômage, constitue un terrain fertile pour le recrutement et la radicalisation des groupes terroristes. Il en résulte une menace multidimensionnelle pour la sécurité, d’où l’importance de s’attaquer au lien croissant entre le terrorisme, les changements climatiques et la sécurité. Consciente de ce fait, l’Égypte, qui présidera la COP27 en 2022, a toujours prôné une coopération internationale renforcée pour faire face à cette menace, a assuré son représentant.
Le délégué a ensuite indiqué que l’Afrique est confrontée à une pression sans précédent en raison de divers événements météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques. Dans ce contexte, la récente montée des activités terroristes dans différentes régions du continent peut être considérée comme un exemple frappant de la façon dont les organisations terroristes peuvent exploiter les défis induits par les changements climatiques pour étendre leurs activités et leurs opérations. Sur cette base, les efforts pour lutter contre le terrorisme et relever les défis posés par les changements climatiques devraient être harmonisés de manière à renforcer notre réponse collective. Répondre aux besoins d’adaptation des pays en développement permettra un effet préventif, a jugé le représentant, ajoutant que dans certaines situations complexes, les approches purement techniques échoueront s’ils ne prennent pas en compte les variables socioéconomiques qui contribuent aux conflits.
Selon Mme VANESSA FRAZIER (Malte), les développements récents dans le domaine du contre-terrorisme ont mis en évidence le rôle des nouvelles technologies dans la propagation des idéologies violentes. L’évolution des modèles de propagation de l’extrémisme violent a également été influencée par les restrictions dues à la pandémie de COVID-19, a ajouté la représentante. Pour que les États Membres puissent réagir à ces réalités changeantes, elle a recommandé de mettre en œuvre une coopération multilatérale « vitale ». Les changements climatiques exigent, quant à eux, une réponse déterminée et unie de la part de la communauté internationale, a-t-elle plaidé, rappelant que la COP26 a renforcé l’idée selon laquelle ils constituent des « multiplicateurs de menaces ».
L’activité terroriste, notamment dans la région du Sahel, peut être liée à des facteurs climatiques, a indiqué Mme Frazier. En effet, lorsqu’ils s’ajoutent à une croissance démographique soutenue, ces facteurs peuvent avoir un impact négatif sur les ressources naturelles, par le biais d’inondations ou de sécheresses, exacerbant ainsi la concurrence pour des ressources qui s’amenuisent, et entraînant des troubles que les groupes terroristes peuvent exploiter, a démontré l’oratrice maltaise. Dans un cercle vicieux, ce phénomène peut à son tour contribuer à une dégradation accrue de l’environnement.
Aborder l’interaction entre les changements climatiques et le terrorisme suppose d’y intégrer les questions d’éradication de la pauvreté et de croissance économique durable, a poursuivi l’oratrice, établissant un lien de cause à effet entre la recherche de revenus et l’intégration d’un groupe terroriste. La déléguée maltaise a aussi appelé à créer sur le terrain les conditions propices à une participation pleine, égale et significative des femmes et des filles pour relever ces défis.
Rappelant que les pays africains et les petits États insulaires en développement (PEID) sont en première ligne face à cette double menace, la représentante a promis que son pays, s’il se voyait confier un siège au Conseil en 2023-2024, ferait du climat et de la sécurité l’un de ses thèmes prioritaires.
M. ENRIQUE AUSTRIA MANALO (Philippines) a fait observer que, pour son pays, qui est un archipel, le lien entre climat et sécurité est une question existentielle. Plus généralement, il a considéré que les changements climatiques associés au terrorisme peuvent aggraver des tensions de longue date et exacerber les facteurs de conflit tels que la pauvreté, l’instabilité politique, les politiques nationales mal conçues et l’ingérence étrangère. Les catastrophes climatiques peuvent par ailleurs affaiblir les États, ce dont les terroristes profitent pour avancer leurs pions.
M. Manalo a jugé que la coopération internationale est indispensable, de même que des synergies plus fortes entre États, puisque les changements climatiques ne connaissent pas de frontières. Ceux-ci peuvent aussi se traduire par des pertes de territoire, des déplacements de population, et des tensions sur l’accès aux ressources, raison pour laquelle les Philippines soutiennent le travail de la Commission du droit international relatif aux frontières maritimes. Les pays vulnérables au climat devraient en outre recevoir le soutien et les ressources dont ils ont besoin de la part de ceux qui ont les plus fortes responsabilités dans la crise climatique. Enfin, le délégué a recommandé au Conseil de sécurité d’examiner attentivement les dynamiques entre changements climatiques et terrorisme.
Pour Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse), le Conseil de sécurité devrait être actif pour répondre aux implications sécuritaires liées aux changements climatiques. Ses actions doivent être basées sur le droit international et l’état de droit, a rappelé la représentante. De manière générale, il reste important de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C pour réduire la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles et soutenir les populations à s’adapter aux changements climatiques, a-t-elle plaidé. Soulignant que les changements climatiques agissent comme un multiplicateur de risques, Mme Baeriswyl a salué l’intégration des effets des changements climatiques dans les mandats de plusieurs missions de maintien de la paix et de missions politiques spéciales, y compris au Sahel.
Les risques sécuritaires liés aux changements climatiques devraient être intégrés de manière adéquate et plus systématique dans les mandats des opérations de paix, tout comme dans les contextes de transition et de retrait d’opérations, a-t-elle estimé. À cet effet, a poursuivi la représentante, le Conseil devrait davantage capitaliser sur les ressources disponibles au sein du système des Nations Unies et sur le rôle consultatif de la Commission de consolidation de la paix. Collaborer avec le monde académique, la société civile et les organisations régionales favorise des approches innovantes pouvant orienter l’action du Conseil, a-t-elle estimé. Elle a évoqué le fait que l’Union africaine reconnaît les risques sécuritaires liés au climat dans le cadre de son programme de paix et de sécurité.
Mme Baeriswyl, soulignant le rôle que doit jouer le Conseil pour briser le cercle vicieux des conflits et prévenir l’émergence du terrorisme et de l’extrémisme violent, a rappelé que les mesures de lutte contre le terrorisme doivent impérativement être conçues et mises en œuvre dans le strict respect du droit international en particulier les droits de l’homme et le droit international humanitaire. Lorsque le Conseil élabore de telles mesures, il doit notamment veiller à ce qu’elles ne produisent pas d’effets négatifs sur les activités humanitaires, a-t-elle insisté. Candidate au Conseil de sécurité, la Suisse reste fermement engagée dans la lutte contre les effets néfastes des changements climatiques sur la paix et la sécurité, a conclu la représentante, en assurant que son pays continue à s’investir pour que les populations puissent vivre dans la sécurité et la dignité.
M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a déclaré que des études scientifiques de plus en plus pointues établissent une causalité entre la dégradation des ressources naturelles, accélérée notamment par les changements climatiques, et la genèse de tensions dans plusieurs régions du monde. Dans la région du Sahel en particulier, dans un contexte de croissance démographique et d’accès de plus en plus restreint aux ressources naturelles, les changements climatiques exacerbent la vulnérabilité des populations, a expliqué M. Maes avant de noter que les températures augmentent 1,5 fois plus vite au Sahel que dans le reste du monde. Il a expliqué que les changements climatiques contribuent à la raréfaction des terres fertiles et des ressources en eau et multiplient ainsi les tensions et les risques de conflit dans un espace écologiquement fragile.
« Ce n’est qu’en nous attaquant aux causes profondes des problèmes que nous pourrons trouver des solutions durables », a insisté M. Maes avant d’appeler à soutenir la mise en place d’institutions démocratiques permettant une gouvernance inclusive et équitable des ressources naturelles. Il a aussi appelé à s’engager pour le renforcement des capacités des forces de sécurité afin de permettre aux États affectés de combattre le terrorisme plus efficacement. Il a expliqué que le Luxembourg contribue à ce double effort, notamment en tant que chef de file du soutien au secteur de l’eau et de l’assainissement au Niger. De plus, en coopération avec l’European Institute of Peace et plusieurs acteurs locaux, le Luxembourg envisage de soutenir un projet dans la région du Liptako-Gourma, à la frontière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, afin d’étudier les différents modèles de gouvernance des ressources naturelles et d’en déceler les facteurs déterminants de succès pour soutenir leur réplication ailleurs.
Compte tenu du lien qui existe entre les effets néfastes des changements climatiques et la paix et la sécurité internationales, le représentant a jugé indispensable que les implications sécuritaires des changements climatiques soient prises en compte par le Conseil de sécurité, les opérations de paix et les missions politiques spéciales des Nations Unies dans leurs analyses et leurs actions. C’est pourquoi, M. Maes a invité le Conseil de sécurité à accorder toute l’attention requise au lien entre climat, ressources naturelles et sécurité en adoptant le projet de résolution présenté par le Niger et l’Irlande.
Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne), qui s’exprimait au nom du Groupe des Amis pour le climat et la sécurité, a salué l’attention accrue portée par le Conseil de sécurité à cette menace, soulignant que la COP26 fut un jalon dans ce sens. Parallèlement, la représentante a appelé à se préparer aux effets négatifs des changements climatiques et à faire plus pour augmenter la capacité des pays à s’adapter aux répercussions de ces changements. Il s’agit, pour elle, de prévenir que cela ne contribue à la déstabilisation de pays et régions entières, ce qui risque de contribuer à de nouveaux conflits armés, aggraver ceux déjà existants et créer un terreau pour les extrémismes violents. « Ici, le Conseil de sécurité à un rôle crucial à jouer. »
Le mise en place de systèmes résistants au climat qui soutiennent la paix et la stabilité sont essentiels, a-t-elle dit, félicitant, à cet égard, la participation forte de l’UA et la décision récente de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L’ensemble du système des Nations Unies doit traiter de ce défi dans toutes les instances idoines et avec tous les mandats pertinents, a plaidé la représentante. D’ores et déjà, a-t-elle poursuivi, les Nations Unies font un travail important, citant le mécanisme de sécurité climatique qui renforce la capacité du système de l’ONU à analyser et traiter des répercussions des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales. Pour finir, elle a appelé à veiller à avoir des approches plus structurées et systématiques. Elle a aussi recommandé de créer les moyens nécessaires pour que l’ONU puisse jouer son rôle dans la prévention et le règlement des conflits qui, en partie au moins, sont causés par les conséquences des changements climatiques.
M. SILVIO GONZATO, Chef adjoint de la délégation de l’Union européenne, a déclaré que, pour répondre aux défis posés par la pandémie de COVID-19 et les conséquences des changements climatiques, les piliers des droits humains, du développement et de la paix et de la sécurité de l’ONU doivent travailler plus étroitement ensemble à tous les niveaux. De plus, il ne faut pas oublier les liens entre ces questions et les inégalités de genre, ni l’impératif de continuer à inclure les jeunes dans les discussions et les processus de prise de décisions concernant le climat et la sécurité. Pour cette raison, l’Union européenne continue d’encourager le développement d’une base d’informations complète pour intégrer pleinement les facteurs de risques climatiques et environnementaux dans l’évaluation et la gestion des menaces à la paix et à la sécurité. Le Conseil de sécurité devrait intégrer une telle analyse dans tous les mandats pertinents et adopter une résolution sur le climat et la sécurité, a suggéré M. Gonzato.
Le représentant a également estimé qu’il existe une occasion pour le Conseil de renforcer sa capacité à comprendre et à traiter les risques de sécurité liés au climat, dans le cadre de son mandat. Avec le mécanisme de sécurité climatique, le système des Nations Unies a fait des progrès importants vers une mise en œuvre des considérations de sécurité climatique dans son analyse, sa planification et sa mise en œuvre dans les missions sur le terrain, a-t-il dit, appelant les Nations Unies à continuer dans cette voie.
M. Gonzato a par ailleurs indiqué que, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, l’Union européenne améliore la capacité d’adaptation, renforce la résilience et réduit la vulnérabilité aux changements climatiques. Elle travaille également en étroite collaboration avec les pays africains, notamment par le biais du projet FREXUS qui vise à améliorer la sécurité et la résilience climatique dans un contexte fragile. Il est mis en œuvre au Mali, au Niger et au Tchad, a-t-il illustré.
M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a affirmé que les changements climatiques et leurs effets constituent une menace pour l’ensemble de la communauté internationale. De fait, a-t-il souligné, il convient de prendre en considération le lien qui existe entre le terrorisme et les changements climatiques, lesquels sont des multiplicateurs de menaces, avec des incidences graves sur la vulnérabilité sociale des populations. Tout en réduisant la capacité de réaction de ces dernières, singulièrement dans les situations de conflit, le choc climatique tend également à exacerber les conflits internes, contribuant à créer un terrain propice à l’extrémisme violent, a relevé le représentant, prenant pour exemples les régions d’Afrique et du Moyen-Orient déjà confrontées aux conséquences sécuritaires de ces variations climatiques.
Pour traiter à sa racine le problème du terrorisme, il est fondamental, selon lui, de renforcer la coopération internationale, en particulier dans les situations de conflit et de sortie de conflit. Précisant que son pays contribue à des programmes visant à renforcer la résilience des populations faisant face à de telles situations, il s’est dit d’avis que les missions de paix devraient davantage veiller à ce que leurs opérations respectent l’environnement. C’est pourquoi, a-t-il dit, l’Italie a contribué en 2018 au lancement du Groupe des Amis pour le climat et la sécurité, dont l’un des objectifs est de réduire les conséquences environnementales des missions sur le terrain. Enfin, il a rappelé que, face à la double menace du terrorisme et des changements climatiques, le Conseil de sécurité a la responsabilité première dans le domaine de la paix et de la sécurité.
M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) a appelé à une implication plus systématique du Conseil de sécurité s’agissant du lien entre le climat et la sécurité et a fait part de son ferme appui à l’adoption d’une résolution sur le climat et la sécurité, telle que celle proposée par l’Irlande et le Niger. Dans ce contexte, il a préconisé que les efforts de consolidation de la paix incluent dans leur conception le renforcement des capacités des pays à s’adapter aux impacts négatifs des changements climatiques.
Le représentant a estimé que les mandats des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales de l’ONU devraient continuer d’évaluer les risques sécuritaires liés au climat, concevoir des réponses appropriées et prendre en compte les risques climatiques dans les processus d’alerte précoce et de planification. Il a également appelé à poursuivre les efforts de réduction de l’empreinte écologique des opérations de paix et à encourager l’inclusion de la question du lien entre le climat et la sécurité au sein du programme pour les femmes et la paix et la sécurité et du programme relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité. La lutte contre les effets néfastes des changements climatiques, ainsi que la prévention et la lutte contre le terrorisme, exigeront une perspective large et novatrice, tant de la part des pays individuels que du système de l’ONU dans son ensemble, a indiqué le délégué qui a ensuite engagé le Conseil de sécurité à prendre une part décisive à cet effort.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à la mobilisation contre les conséquences des changements climatiques sur la paix et la sécurité. Pour ce faire, a recommandé le représentant, le Conseil de sécurité devrait renforcer la collecte de données et les outils d’analyse pour une meilleure prise de décisions. Il devrait aussi veiller à ce que les ressources soient utilisées pour pallier les effets des changements climatiques et répondre aux situations urgentes, a-t-il ajouté. M. Abushahab a également souligné l’importance de prendre en considération la question des sexes, de l’âge et de la participation des femmes qui ont fait leurs preuves dans les opérations de maintien de la paix.
Le représentant a encouragé le FAO, le PNUD et le PAM à accroitre leurs budgets pour venir en aide aux victimes des changements climatiques et aux personnes les plus vulnérables. En conclusion, il a mis en évidence l’importance d'une résolution sur la sécurité climatique qui vise à assurer une réponse internationale par rapport aux liens qui existent entre les changements climatiques, d’une part, et la paix et la sécurité, d’autre part.
Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a souligné que les changements climatiques et la lutte contre le terrorisme, phénomènes à première vue isolés, sont en réalité liés. Elle a relevé que de nombreuses zones de conflit sont confrontées à la violence et à l’instabilité et, dans certains cas, doivent également faire face aux conséquences des sécheresses, des inondations, des cyclones, des feux de forêt, de la déforestation et de la montée du niveau des océans, entre autres, qui aggravent leur situation.
La représentante a exprimé sa vive préoccupation quant aux actions des groupes terroristes et des organisations criminelles transnationales, qui génèrent des souffrances, en particulier chez les groupes de population vulnérables. Elle a appelé la communauté internationale à rechercher, par le biais de la coopération internationale, des solutions concrètes à ces événements dévastateurs. Elle a également encouragé à ce que les profondes interconnexions entre les réalités climatiques, socioéconomiques et de sécurité internationale soient dûment étudiées et prises en compte dans le contexte des révisions en cours de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies ainsi que dans la formulation des mandats de maintien de la paix.
Mme THILMEEZA HUSSAIN (Maldives) a fait observer que les effets des changements climatiques mettent l’existence même de son pays en danger et représentent un fardeau très lourd pour les petits États insulaires en développement. Les Maldives, a-t-elle indiqué, ont adopté une approche holistique au niveau social et adopté des mesures contre l’extrémisme violent face aux sombres perspectives, afin de favoriser la cohésion sociale. La représentante a réitéré sa volonté de travailler avec la communauté internationale contre l’extrémisme violent et le terrorisme dans une approche coordonnée, en traitant des causes profondes de l’extrémisme. Elle a estimé qu'une résolution est un pas dans la bonne direction.
M. MARK ZELLENRATH (Pays-Bas) a estimé que la capacité de la crise climatique à déraciner des communautés entières pourrait s’avérer être un « catalyseur de conflit », comme cela se produit déjà au Sahel, entre autres exemples. En tant qu’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a donc un rôle important à jouer pour relever plus efficacement les défis de sécurité qui découlent des changements climatiques, a-t-il argué. Les impacts de ces changements frappant surtout des communautés déjà privées de leurs droits et marginalisées, il importe notamment de savoir si cela peut faciliter le recrutement et la radicalisation d’individus par des terroristes, a souligné le représentant.
À cet égard, le représentant a appelé à regarder au-delà des menaces imminentes et à se concentrer sur les objectifs à plus long terme pour empêcher les conditions propices à la propagation de l’extrémisme violent et du terrorisme. Pour ce faire, il convient selon elle de mettre davantage l’accent sur l’adhésion, avec des approches de prévention holistiques qui, en sus des efforts de consolidation de la paix, aident les communautés et les pays à renforcer leur résilience et à s’adapter aux impacts des changements climatiques. Le délégué a d’autre part jugé crucial de mener des analyses rigoureuses pour comprendre dans quelle mesure un investissement dans des solutions climatiques peut contribuer à réduire les facteurs d’incitation et d’attraction qui entrent en jeu lorsque des individus envisagent de rejoindre ou de soutenir des groupes extrémistes violents. À cette fin, a-t-il indiqué en conclusion, les Pays-Bas coorganiseront avec l’Allemagne, en février prochain, une conférence destinée à développer une meilleure compréhension des dynamiques émergentes de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest.
Pour Mme MARIA THEOFILI (Grèce), la crise climatique constitue l’un des plus grands défis contemporains, mais aussi un « multiplicateur de menaces » susceptible d’affecter la paix, la stabilité et la sécurité. La déléguée a par conséquent estimé qu’une coopération multilatérale renforcée est essentielle pour promouvoir l’atténuation et l’adaptation, pour accroître la résilience des systèmes naturels et socioéconomiques et pour fournir des réponses institutionnelles crédibles. Elle a ajouté que son pays, particulièrement affecté par la hausse des températures et du niveau de la mer, a créé cette année un nouveau ministère de la crise climatique afin de traiter de manière globale toutes les questions pertinentes s’y rapportant.
De l’avis de la représentante, l’atténuation est la première étape à franchir pour éviter les pires scénarios prévus par les scientifiques. À cette fin, a-t-elle précisé, la Grèce prévoit de fermer toutes ses centrales électriques au lignite d’ici à 2028, d’interdire les plastiques à usage unique dans tout le pays à partir de 2021, de décarboner des secteurs clefs tels que le transport maritime et le tourisme, de renforcer les investissements dans les énergies renouvelables et de transformer ses îles en communautés vertes autonomes. Mais les défis climatiques et sécuritaires étant transversaux, une approche holistique est nécessaire pour traiter leurs dimensions simultanément, a relevé la représentante, souhaitant que l’ONU joue un rôle central à cet égard.
S’il importe aujourd’hui de mettre à niveau la base des connaissances pour améliorer l’évaluation des risques, il convient aussi d’intégrer les questions de sécurité climatique dans les systèmes d’alerte précoce et de prévention des conflits pour éviter des crises futures, a plaidé Mme Theofili. Soucieuse de ne pas laisser des communautés entières dans les pays les plus vulnérables devenir la proie de la rhétorique incendiaire de groupes terroristes et extrémistes, elle a estimé qu’une recherche factuelle plus approfondie est nécessaire, afin d’établir les liens entre la montée des groupes extrémistes et les événements climatiques défavorables qui affectent des régions comme le Sahel. Selon elle, la mise en œuvre du processus de Nouakchott, qui a pour objectif le renforcement de la coopération régionale en matière de sécurité et de partage d’informations dans la lutte contre le terrorisme, et l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité dans la région sahélo-saharienne pourrait être un mécanisme régional adéquat à cet égard.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a constaté que, ces dernières années, la détérioration des conditions environnementales provoquée par les changements climatiques est devenue un « moteur » du terrorisme et, plus généralement, des conflits. À ses yeux, le lien entre les changements climatiques, la pauvreté et le terrorisme est particulièrement visible dans les pays en développement dotés d’institutions étatiques fragiles. Un résultat désastreux de l’instabilité provoquée par les changements climatiques peut être une migration incontrôlée, exploitée par des groupes de trafiquants d’êtres humains, a-t-il averti, avant de condamner de telles activités et de rappeler le rôle central de l’ONU sur les questions de lutte contre le terrorisme. De l’avis du représentant, agir avec une longueur d’avance sur les terroristes, surtout à la lumière de l’évolution de l’environnement et de l’utilisation des nouvelles technologies, est crucial pour maintenir la sécurité régionale et mondiale.
Les défis des changements climatiques, de l’instabilité et du terrorisme nécessitent de lutter contre le terrorisme sur le terrain mais aussi contre ses sources, y compris les conséquences des changements climatiques, a poursuivi M. Szczerski en soulignant que son pays soutient l’inclusion du lien entre le climat et la sécurité dans les travaux du Conseil de sécurité. Appelant de ses vœux des actions concrètes dans le cadre de cet organe, il a estimé que l’adoption d'une résolution thématique sur le climat et la sécurité constituerait une étape importante à cet égard. Il a ensuite rappelé que, dans trois semaines, la Pologne entamera sa présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), laquelle a récemment adopté une décision ministérielle sur le renforcement de la coopération pour relever les défis causés par les changements climatiques. Par cette décision, a-t-il noté, les États participants ont confirmé qu’il est possible de trouver une approche consensuelle sur cette question.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a noté que le rapport annuel de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme fait état d’un nombre accru de cas de recrutement d’individus évoluant dans de mauvaises conditions environnementales par Daech, Al-Qaida et Boko Haram. Il a aussi remarqué que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait démontré que les perturbations climatiques causées par les activités humaines s’intensifiaient. Il a réclamé des mesures concrètes pour faire face aux changements climatiques et aux risques connexes dans le contexte de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil et le système des Nations Unies jouant un rôle plus important pour relever ces défis.
Pour M. Hoxha, le Conseil devrait intégrer pleinement la connaissance des risques liés au climat dans tous les aspects de son travail. Il a espéré que le projet de résolution sera adopté, montrant ainsi que le Conseil de sécurité peut répondre présent quand les populations ont besoin de lui. Les risques liés au climat pour la paix et la sécurité internationales sont réels et croissants, a souligné le délégué, ajoutant que l’Albanie avait défini cette question comme l’une de ses priorités au sein du Conseil de sécurité.
M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili) a déclaré que l’accélération des changements climatiques exacerbe les conflits, mettant en péril la sécurité alimentaire et provoquant des flux migratoires en raison de leurs terribles impacts sur les zones les plus fragiles. Face à ce constat, il a jugé nécessaire de lutter contre toutes les dimensions des changements climatiques. « L’action multilatérale est indispensable car les efforts nationaux seront vains sans elle », a insisté le représentant, avant de souligner la nécessité d’une coopération judiciaire internationale pour combattre l’impunité face aux crimes terroristes. Par ailleurs, il a souligné la nécessité de mener davantage de recherches pour étoffer la base de données factuelles sur la relation entre les changements climatiques et le maintien de la paix, en mettant particulièrement l’accent sur les régions et les groupes vulnérables. Il a ensuite expliqué que le Chili préparait actuellement un rapport qui examine les liens entre la sécurité et les changements climatiques, et que sa législation nationale incorporait, depuis 2017, la dimension des changements climatiques.
Mme AMAL MUDALALLI (Liban) a déclaré que les répercussions des changements climatiques se font notamment ressentir sur les pays déjà fortement touchés par des défis économiques et sociaux. C’est notamment le cas dans la Corne de l’Afrique, où les événements climatiques chassent les gens de leurs maisons et de leurs villages et alimentent l’instabilité. Elle a également cité un article sur les impacts des changements climatiques en Afrique subsaharienne, selon lequel 40% des déplacements internes en 2019 étaient dus à des catastrophes naturelles, accroissant la pauvreté et la marginalisation, et semant des griefs exploités par les terroristes.
Dans ce contexte, a poursuivi la représentante, le Conseil de sécurité devrait veiller à ce que les approches de prévention des conflits et de consolidation de la paix intègrent de plus en plus les considérations climatiques dans leurs stratégies. Par conséquent, la coordination entre le Conseil et la Commission de consolidation de la paix mérite d’être renforcée et la sécurité climatique doit être intégrée à l’agenda de cette dernière. La représentante a appuyé l’adoption de mesures
M. LUIS UGARELLI (Pérou) a déclaré que les menaces que font peser les organisations terroristes sur les populations civiles et la mauvaise gestion de l’environnement comme multiplicateur de risques exigent des synergies entre les États, les organisations régionales et sous-régionales, la société civile et le système des Nations Unies pour prévenir et atténuer lesdits risques. Les deux phénomènes se développant par-delà les frontières, il est évident, à ses yeux, que la convergence des efforts pour y faire face doit faire partie de l’agenda de l’ONU. À cet égard, le représentant a dit partager les conclusions du rapport du Secrétaire général sur « Notre Programme commun », selon lesquelles il est difficile d’utiliser des moyens traditionnels de prévention et de gestion face à ces nouveaux risques, compte tenu de l’implication de réseaux transnationaux et de nouveaux agents souvent liés au terrorisme.
Constatant que les conséquences des changements climatiques, qu’il s’agisse du déplacement de populations entières, de la désertification et de la difficulté croissante d’accès aux moyens de subsistance et aux ressources, sont souvent des déclencheurs de conflit, M. Ugarelli a estimé que les efforts visant à prévenir les actes de violence menant au terrorisme doivent s’appuyer sur des approches fondées sur le respect des droits humains et de l’état de droit. Alors que la récente COP26 a rappelé les exigences de l’urgence climatique, il importe aussi, selon lui, d’envisager une nouvelle gouvernance mondiale, qui fasse que les actions préventives contre le terrorisme et pour l’atténuation des conséquences des changements climatiques contribuent au maintien et à la consolidation de la paix. En ce sens, il a dit soutenir les nouvelles orientations de l’ONU tendant à ce que les opérations de maintien de la paix et la Commission de consolidation de la paix incluent l’évaluation permanente des deux phénomènes dans leurs domaines d’action.
Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a rappelé la participation de son pays dans la lutte contre le terrorisme aux niveaux international et régional. Le Qatar, a ajouté la représentante, soutient les programmes des Nations Unies pour renforcer les capacités des États Membres pour contrer ce fléau. Le Qatar a en outre pris différentes mesures comme l’organisation, en 2012, de la Conférence des Parties à la Convention-cadre sur les changements climatiques. La représentante a également rappelé que son pays avait participé activement à la COP26 le mois dernier. Poursuivant, la représentante a signalé que le Qatar fait partie de l’Alliance mondiale contre le changement climatique et qu’il a, en 2019, donné une contribution de 100 millions de dollars pour aider dans ce domaine les petits États insulaires en développement. Il organisera, en janvier 2022, la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés en vue de trouver notamment des solutions aux problèmes des changements climatiques en lien avec la paix et la sécurité internationales, a annoncé Mme Al-Thani.
Pour M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicaine), il est évident que les effets négatifs des changements climatiques peuvent engendrer des conflits, une réalité à laquelle le Conseil de sécurité ne saurait tourner le dos. Le Conseil dispose en effet de la capacité unique d’attirer l’attention de tout le système des Nations Unies sur la façon dont l’Organisation doit intégrer dans son travail les outils nécessaires pour identifier, anticiper et éventuellement prévenir les facteurs de déstabilisation et de conflits armés.
Durant son mandat de membre non permanent du Conseil, la République dominicaine a plaidé pour une approche globale intégrant le risque climatique dans les délibérations. M. Blanco Conde a jugé que le projet de résolution présenté par le Niger et l’Irlande représente autant une occasion historique qu’une grande responsabilité. Il contient en effet des éléments indispensables pour que le Conseil soit mieux préparé et pour augmenter ses capacités d’analyse.
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a déclaré que son pays ne sait que trop ce qu’est le terrorisme. Et pour cause, a-t-il dit, « l’agression » de l’Ukraine par la Fédération de Russie a renforcé le terrorisme dans la région, comme en témoigne l’attentat contre le vol MH17 de la compagnie Malaysian Airlines, abattu par un missile au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014. Combattre cette menace ne suffira pas si l’on ne s’attaque pas au terrorisme parrainé par des États, a lancé M. Vitrenko.
Le représentant ukrainien a également déclaré que la question de la militarisation de la Crimée par la Fédération de Russie et son occupation du Donbass sont une menace pour les eaux territoriales et présente un grave risque environnemental pour la région. Nous avons besoin d’une diplomatie préventive forte pour prévenir de tels agissements et rendre les auteurs responsables de leurs actions, a conclu le délégué.
Pour M. LUIS ANTONIO LAM PADILLA (Guatemala), il est nécessaire d’aborder le phénomène des changements climatiques comme une menace à la paix et à la sécurité internationales et d’agir immédiatement et résolument pour éviter des conséquences dévastatrices à long terme. Pour ce faire, a-t-il plaidé, il est indispensable de protéger les plus vulnérables et d’agir immédiatement afin de sauver des vies, en particulier dans les situations d’urgence, de catastrophe et de crise, par des actions humanitaires se focalisant sur la construction de communautés plus résilientes.
Le délégué guatémaltèque a mis l’accent sur le danger potentiel que représente le lien entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. De par sa position géographique, la région du Guatemala est touchée par les réseaux transnationaux qui encouragent la commission de crimes, en particulier ceux qui sont relatifs au trafic de drogue. Le narcotrafic a en outre un impact dévastateur sur l’environnement lorsqu’il détruit des forêts tropicales pour y construire des pistes d’atterrissage destinées au transport de la drogue, a encore fait remarquer le représentant. Il a par ailleurs voulu souligner que les effets des changements climatiques sur la sécurité alimentaire peuvent déboucher sur des migrations de masse et des conflits pour l’eau.
Mme ANNA KARIN ENESTRÖM (Suède), qui s’exprimait au nom des pays nordiques, a déclaré que cela fait un moment déjà qu’il est temps de passer de la parole aux actes. Elle a appelé les missions et les coordonnateurs résidents de l’ONU à jouer un rôle actif dans la gestion des risques locaux liés au climat et à la sécurité, ainsi que dans l’établissement des rapports présentés au Conseil de sécurité. Ce travail doit être soutenu par les agences de l’ONU qui composent le mécanisme de sécurité climatique de l’ONU, et pour ce faire, elles doivent s’appuyer sur l’expertise locale, a insisté la représentante.
La déléguée a appelé à agir sur la base des meilleures données scientifiques disponibles et à comprendre les risques sécuritaires que font peser les changements climatiques sur le long terme. Selon elle, s’attaquer à la variabilité actuelle du climat ne suffit pas, et il est également essentiel de coopérer étroitement avec les services météorologiques nationaux, les centres climatiques régionaux et l’Organisation météorologique mondiale (OMM). La Commission de consolidation de la paix (CCP) devrait également conseiller le Conseil de sécurité sur ces questions, a-t-elle estimé.
Mme FIONA WEBSTER (Australie) a plaidé en faveur d’une coordination régionale de l’action en matière de changements climatiques et d’un soutien à la gouvernance en vue de parvenir à des résultats plus efficaces. Illustrant son propos, Mme Webster a cité l’exemple des îles du Pacifique qui sont très exposées aux conséquences néfastes des changements climatiques et où « nous avons fait preuve d’un leadership collectif » pour relever ces défis. De fait, a-t-elle rappelé, les pays du Forum des îles du Pacifique ont signé la Déclaration de Boe (2018) qui reconnaît que les changements climatiques représentent la plus grande menace pour les moyens de subsistance, la sécurité et le bien-être des populations.
C’est dans cet esprit que l’Australie collabore avec ses partenaires du Pacifique pour la création d’un centre de fusion de données au Vanuatu visant à améliorer le partage et l’analyse des informations régionales et apporter des réponses aux menaces de sécurité communes.
Certes, a reconnu la représentante, la relation entre la sécurité et les changements climatiques est complexe à comprendre, et complexe à traiter, mais cela ne peut servir d’excuse à l’inaction, a-t-elle conclu.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a jugé nécessaire, au vu du débat de ce jour, de mettre en place un système de rotation permettant à un plus grand nombre de pays d’occuper un siège non permanent du Conseil de sécurité, ajoutant que l’Équateur y est candidat pour l’exercice 2023-2024. Le représentant a fait sienne la proposition visant à doter les opérations de maintien de la paix (OMP) des capacités techniques leur permettant d’évaluer et mesurer les risques sécuritaires liés au climat. Il s’est particulièrement inquiété des conséquences de la désertification, la multiplication des sécheresses, et de l’augmentation du niveau de la mer sur la situation humanitaire de centaines de millions de personnes, avec des conséquences sur la criminalité et la violence. Il a appelé à mobiliser les synergies entre le Conseil de sécurité et les autres organismes des Nations Unies pour faire face aux liens entre sécurité et climat, tout en rappelant que la CCNUCC reste le principal forum pour préparer la meilleure riposte aux changements climatiques.
M. SEYDOU SINKA (Burkina Faso) a constaté qu’en Afrique, et particulièrement dans les pays du G5 Sahel, le terrorisme et les changements climatiques ont engendré une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent, entravant gravement les possibilités de croissance et de développement tandis que les civils en paient le prix le plus élevé. Il a expliqué que les changements climatiques sont sources d’instabilité, qui occasionnent et accentuent des conflits entre communautés pour l’accès aux ressources partagées, comme la gestion de l’eau et l’accès aux pâturages et aux terres arables.
M. Sinka a expliqué que, parallèlement, plus d’un million de personnes au Burkina Faso ont été contraintes de fuir leur lieu de résidence du fait de la menace terroriste, ce qui accroit la précarité de la vie de nombreuses familles. Il a appelé par conséquent le Conseil à prendre des mesures plus fortes en faveur des pays victimes.
« Nous devons agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard, en soutenant davantage les programmes et mécanismes existants », a-t-il insisté, citant en particulier le programme mis en place par les Nations Unies pour le Sahel, les efforts du G5 Sahel et les efforts nationaux. Le représentant a également estimé que le rapport « Notre Programme commun » constitue « une bonne base » pour relever collectivement les défis de paix et des changements climatiques. Il a également encouragé à œuvrer davantage à la mobilisation de financements suffisants, prévisibles et durables. Cela doit se faire de manière cohérente en impliquant étroitement l’ensemble des partenaires multilatéraux et bilatéraux intéressés ainsi que la société civile et le secteur privé, a-t-il préconisé.
Reprenant la parole, M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a déploré que pour ses « voisins ukrainiens », toute séance du Conseil de sécurité est un prétexte pour présenter des « propos mensongers » où tous les maux de l’Ukraine seraient causés par la Fédération de Russie. Tout le monde est lassé de cela, a dit M. Chumakov. Et le fait que la résolution (A/76/L.22) sur le « problème de la militarisation de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol (Ukraine), ainsi que de certaines parties de la mer Noire et de la mer d’Azov » n’a été appuyée que par un tiers des États Membres, le prouve bien.
M. GEORGE EHIDIAMEN EDOKPA (Nigéria) a dit se porter coauteur du projet de résolution sur la paix et le climat présenté par l’Irlande et le Niger. Il a estimé que le système des Nations Unies a l’obligation d’aider les États à parvenir aux objectifs internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme. La communauté internationale doit donc aider le G5 Sahel, y compris pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram qui sévit notamment au Nigéria. Il a également constaté qu’en dépit de leur faible responsabilité dans la production de gaz à effet de serre, les pays africains en paient le prix. Les États s’étant engagés à la COP26 de Glasgow doivent tenir leurs engagements en matière d’adaptation aux effets des changements climatiques, a souligné le représentant, certifiant de la détermination de son pays de défendre et protéger le climat.
M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a déclaré que son gouvernement continue de lutter contre le terrorisme en adhérant à de nombreuses conventions internationales dans ce domaine. Le Bahreïn a également rejoint la coalition internationale contre Daech et présente régulièrement ses rapports périodiques sur la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité, la stratégie de lutte contre le terrorisme et les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI). M. Alrowaiei a ensuite souligné que les changements climatiques exigent des solutions internationales collectives, rappelant que son pays, dont les émissions de gaz à effet de serre ne dépassent pas 0,07% des émissions mondiales, a adopté des plans pour augmenter les ressources renouvelables et séquestrer le carbone. Le Bahreïn appuie, en outre, l’initiative pour un Moyen-Orient vert et s’est engagé à la neutralité carbone d’ici à 2060 à la COP26. Le représentant a, par ailleurs, souhaité obtenir une clarification du concept « changements climatiques, paix et sécurité ».
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a d’entrée relevé que le visage du terrorisme est devenu très complexe, ses racines s’étendant au-delà de la propagation d’une idéologie politico-religieuse. Ce fléau est devenu une sorte de mécanisme de gouvernance, une activité économique rentable pour certains, et sera une menace constante pour la paix et la sécurité internationales à moins que l’on ne s’attaque à ses sources. Et les changements climatiques se sont imposés comme l’un des plus grands multiplicateurs de menaces.
À ses yeux, l’interaction entre les changements climatiques et le terrorisme est une dimension essentielle de la question du climat et de la sécurité et doit faire l’objet d’une réponse mondiale unifiée. Le représentant a par ailleurs souligné que lorsque les catastrophes naturelles exacerbent les vulnérabilités structurelles et sociales existantes, cela exerce une pression sur la relation déjà difficile entre les ressources et les troubles civils.
M. CHO HYUN (République de Corée) a relevé que les effets des changements climatiques sont, d’ores et déjà, constatés dans différentes régions du monde, notamment au Sahel, où des communautés luttent pour leur survie et risquent de tomber aux mains des terroristes, mais aussi dans les petits États insulaires en développement, où un seul épisode météorologique extrême peut entraîner le déplacement forcé de dizaines de milliers de personnes. Dans la plupart des régions qui connaissent des conflits, a poursuivi le représentant, les changements climatiques se révèlent être un facteur aggravant de vulnérabilités pour les populations affectées. À ses yeux, les efforts de prévention des conflits supposent désormais de prendre en compte les changements climatiques et de mettre en place des systèmes de résiliences plus forts, tout en veillant à ce que des groupes terroristes n’exploitent pas la situation.
Dans ce contexte, une approche systémique est, selon lui, nécessaire pour traiter du lien entre le climat et le terrorisme, et ce, avec la participation active du Conseil de sécurité. À cet égard, le délégué s’est dit favorable à la présentation régulière au Conseil de rapports du Secrétaire général consacrés à cette question. Par ailleurs, si des engagements importants ont été pris à la COP26, le mois dernier, « la science nous dit qu’ils ne suffiront pas pour réduire les émissions et limiter le réchauffement planétaire », a-t-il relevé. Pour sa part, la République de Corée a déclaré 2050 « Année de la neutralité carbone » et vient de promulguer une loi-cadre sur la croissance verte, s’est enorgueilli le représentant, faisant également état d’une contribution volontaire renforcée. De plus, compte tenu du lien existant entre les problématiques climatiques et sécuritaires, le pays a rejoint le Groupe des Amis pour le climat et la sécurité. Et, en tant que candidat à un siège au Conseil de sécurité pour la période 2024-2025, il entend contribuer aux actions mondiales destinées à contrer les menaces pour la sécurité internationale, y compris climatiques.
M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (République bolivarienne du Venezuela) a souligné que son pays était fermement engagé dans la lutte contre les changements climatiques. Il a déclaré d’autre part que les actes criminels commis par des groupes terroristes portaient atteinte à l’unité politique des États, engendrant la terreur et déstabilisant l’ordre légitime. L’utilisation du terrorisme pour faire tomber des gouvernements légitimes est intolérable, a affirmé le délégué.
Notant que les changements climatiques avaient davantage d’impact dans les pays du Sud, il a souligné que l’imposition illégale de mesures coercitives unilatérales compromettait l’application de l’Accord de Paris.
Tout en reconnaissant que l’impact négatif des changements climatiques peut représenter une menace supplémentaire dans les situations de conflit ou postconflit, le représentant a exprimé son inquiétude face aux tentatives de « sécuriser » une question aussi délicate en l’inscrivant à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Cela pourrait fournir un prétexte pour inscrire des points à l’ordre du jour à des fins politiques alors que les changements climatiques devraient être abordés sous l’angle de la coopération et du multilatéralisme, a-t-il estimé.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a rappelé que son pays évolue dans une région qui est l’illustration du lien existant entre la sécurité et les retombées des changements climatiques. À l’instar du Sahel, cette région se voit pénalisée par un dérèglement auquel elle ne contribue pas, a-t-il déploré, avant de mettre en avant la relation entre ces changements et l’augmentation de la violence et du fléau du terrorisme. Véritables « multiplicateurs de menaces », les variations du climat créent, de fait, un terrain fertile pour les groupes terroristes, a constaté le représentant, pour qui il est important d’agir là où ces changements entraînent des problèmes de sécurité. Se disant conscient des menaces asymétriques auxquelles doit faire face l’ONU du fait de ce lien sécurité-climat, il a jugé essentiel que l’Organisation en tienne compte dans le déploiement de ses missions de paix. Favorable à un approfondissement du dialogue triangulaire entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de contingents sur ces questions, il a aussi souhaité que les opérations de l’ONU réduisent leur empreinte écologique et soutiennent davantage les pays hôtes dans leur action environnementale. À cet effet, il a indiqué que les forces marocaines se sont dotées d’une stratégie nationale pour les opérations de paix, laquelle prévoit des formations spécifiques sur les questions liées à l’environnement.
M. SATYENDRA PRASAD (Fidji) a estimé que limiter le réchauffement climatique à 1,5°C est l’investissement le plus important en termes de paix et de sécurité que le monde peut faire aujourd’hui. Le débat du jour du Conseil doit donc conduire à des actions claires pour contribuer à la résilience climatique de manière à promouvoir la paix et la stabilité plutôt qu’à alimenter les conflits, l’instabilité et l’effondrement possible d’États, a asséné le délégué. Pour lui, la responsabilité en matière de paix et de sécurité en raison de la crise climatique relève du Conseil de sécurité, « et de personne d’autre ».
Nous sommes face à la propagation de nouvelles armes de guerre, s’est inquiété le représentant. Il s’agit notamment de l’accès à l’eau et de l’accès sélectif aux terres fertiles. Cela fait près de trois décennies que les changements climatiques représentent la plus grave menace pour la paix et la sécurité des îles du Pacifique, a-t-il ajouté. Il a encouragé le Conseil à adopter le projet de résolution, qu’il a jugé pragmatique et constituant un point de départ dans ce moment historique.
M. IGOR PILIPENKO (Bélarus) s’est inquiété des liens entre les changements climatiques et la sécurité internationale et a appelé à une coopération internationale axée non seulement sur les conséquences des changements climatiques mais qui se préoccupe aussi des autres facteurs de conflits. Il a par ailleurs demandé des mesures concrètes, acceptées au préalable par les pays concernés, notamment le renforcement de capacités des pays en développement et des pays les moins avancés, ainsi que l’accès aux technologies, à l’éducation et au financement. M. Pilipenko a dit craindre qu’examiner la question des changements climatiques au Conseil de sécurité conduirait à mettre de côté d’autres facteurs de conflits et de crises. Il a dénoncé les mesures coercitives unilatérales imposées à l’encontre de certains États et leurs répercussions. Le représentant a par ailleurs estimé que débattre des changements climatiques au Conseil de sécurité fait double emploi avec les travaux d’autres organes de l’ONU. Les changements climatiques doivent être réglés de façon ciblée et il nous faut une approche et des solutions acceptables par tous, a-t-il conclu.
M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a alerté que le réchauffement planétaire menace les ressources des pays. Il a dit la détermination de son pays à lutter contre les changements climatiques en promouvant les énergies renouvelables par le biais d’une stratégie nationale de transition vers une économie plus verte pour la période 2019-2030. Il a appelé à élaborer une charte mondiale pour l’environnement pour fixer de nouvelles ambitions. S’inquiétant de l’impact des changements climatiques sur la réduction des ressources hydriques, le représentant de l’Ouzbékistan a jugé indispensable d’établir de nouvelles coopérations internationales en matière de gestion des ressources en eau s’appuyant sur les principes de l’égalité souveraine et de bénéfices mutuels. « Conformément aux projections établies à l’horizon 2050, les ressources des deux principaux fleuves de l’Asie centrale diminueront respectivement de 5 et 10% », a prévenu le représentant, avant de souligner la nécessité pour les pays de la région de mettre en œuvre une coopération pour anticiper ces conséquences.