Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial met en garde contre le clivage politique persistant en Libye à un mois des élections
L’atmosphère politique reste clivée en Libye, alors même que l’ensemble de la population a soif de se rendre aux urnes, a mis en garde ce matin, par visioconférence depuis Tripoli, l’Envoyé spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), M. Jan Kubiš. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité, auquel il s’adressait aujourd’hui, s’est déclaré favorable à la tenue, le 24 décembre 2021, des élections législatives et présidentielle libyennes.
Dans une déclaration lue par son Président pour le mois de novembre, M. Juan Ramón de la Fuente Ramírez (Mexique), le Conseil dit attendre « avec intérêt l’officialisation du calendrier électoral complet par la Haute Commission électorale nationale et la mise en œuvre de celui-ci dans un climat pacifique ». Souhaitant un processus électoral « consultatif et ouvert à tous », il engage vivement toutes les parties prenantes libyennes à accepter les résultats et à respecter les droits de leurs opposants politiques « avant, pendant et après » les scrutins.
M. Kubiš, qui s’exprimait pour la dernière fois en sa qualité d’Envoyé spécial, a indiqué que, à un mois des élections présidentielle et législatives, plus de 2,8 millions d’électeurs avaient été enregistrés et que 1,84 million avaient déjà reçu leurs cartes électorales. Parallèlement, a-t-il précisé, plus de 3 200 observateurs nationaux, ainsi que 320 médias libyens, 20 médias internationaux et 9 organisations internationales d’observateurs ont soumis leurs demandes d’accréditation.
La Libye a besoin d’élections justes et régulières et le chemin qui mène à un pays stable et uni « passe par les urnes et non par les armes », a souligné M. Kubiš, en désavouant « certains meneurs sur la scène politique » qui continuent de remettre en question le caractère légitime de la loi électorale ainsi que l’éligibilité de certains candidats en vue de l’élection présidentielle.
Les Libyens pourront gérer leur destin s’ils cessent d’être confrontés à l’ingérence étrangère, a encore souhaité le haut fonctionnaire, en n’excluant pas l’éventualité d’activités de groupes armés pendant les élections. Le pays ne peut rester un terrain de jeu, a-t-il déclaré, en jugeant nécessaire de relocaliser, de toute urgence, la base de la MANUL à Tripoli.
« L’ingérence étrangère en Libye doit cesser », a tranché le Kenya, en écho au représentant libyen, qui a demandé qu’on laisse son pays « tranquille », conformément aux souhaits du peuple libyen, qui rejette la présence de forces étrangères sur son territoire, « et peu importe le nom que l’on donne à ces forces ».
« Les espoirs sont grands de voir les Libyens adopter de nouvelles pratiques démocratiques », a affirmé pour sa part Mme Lamees Bensaad, professeure adjointe à l’université de Tripoli et membre du Forum du dialogue politique libyen. Pour cette activiste politique, ce moment historique est le fruit d’efforts conjugués du peuple libyen, de la MANUL, et des « compromis difficiles mais nécessaires » passés par toutes les parties pour établir une feuille de route nationale approuvée par le Conseil dans sa résolution 2570 (2021).
Mme Bensaad a néanmoins regretté les conditions actuelles sur le terrain, puisqu’il n’existe pas encore de consensus entre les parties prenantes sur le cadre juridique des élections, ambigüité qui menace l’issue du processus même, a-t-elle prévenu. Le Mexique a exhorté tous les acteurs politiques libyens à faire preuve de responsabilité pour régler les questions en suspens avec l’aide de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), en œuvrant collectivement à la finalisation du cadre juridique.
Réclamant une annonce simultanée des résultats des élections présidentielle et parlementaires, comme prévue par la Haute Commission électorale libyenne, les membres du Conseil ont systématiquement invoqué la déclaration de la Conférence internationale de Paris pour la Libye, qui appelle tous les acteurs et les candidats libyens à respecter leurs engagements, mais aussi à s’engager publiquement à respecter les droits de leurs opposants politiques avant, pendant et après les scrutins, et d’accepter les résultats d’élections libres, comme l’a également demandé M. Kubiš.
Ils ont également insisté pour que le processus électoral soit véritablement dirigé et pris en charge par les Libyens eux-mêmes et qu’il compte avec la participation des femmes, tant comme candidates que comme électrices. Le représentant libyen a, à cet égard, noté que les scrutins ne doivent pas être vus comme une fin en soi, mais plutôt comme une étape de nature à aider la Libye à se doter d’une constitution qui reflète toutes les composantes de la société. La Fédération de Russie a cependant estimé que tout report de la double échéance électorale ne ferait qu’exacerber les divisions dans le pays.
La Norvège a, elle aussi, mis en garde contre un éventuel report des scrutins, susceptible de déboucher sur une recrudescence des violences et de l’instabilité. Dans un contexte de violations des droits de la personne, l’Estonie a exigé un accès sûr et sans entrave de la Mission indépendante d’établissement des faits à toutes les régions du pays.
La décision prise, le 1er novembre, par la Commission militaire conjointe 5+5, pour encourager le départ des groupes armés et mercenaires étrangers dans le cadre d’un processus graduel, progressif et séquencé, a été vivement saluée par le Niger, l’un des membres de cette Commission, aux côtés du Tchad et du Soudan. La Chine, le Mexique, le Kenya, et l’Irlande, entre autres, ont exigé le retrait des combattants étrangers par leurs pays d’origine, tout en veillant à ce que cela ne pose pas de problèmes sécuritaires dans la région du Sahel. Saint-Vincent-et-les Grenadines a, de son côté, fait sienne la suggestion du Secrétaire général tendant à ce que les États concernés réexaminent leurs politiques d’interception en mer des migrants et de retour des réfugiés en Libye.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclaration de la présidence du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité se félicite de la Conférence internationale de Paris pour la Libye, qui s’est tenue le 12 novembre 2021, de la Déclaration publiée par les participants (S/2021/958) et de l’attachement de ces derniers à l’application intégrale de l’accord de cessez-le-feu et au processus politique défini et mené par les Libyens sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies.
Le Conseil salue également la Conférence sur la stabilisation de la Libye, qui s’est tenue à Tripoli le 21 octobre 2021.
Le Conseil se déclare favorable à la tenue, le 24 décembre 2021, des élections législatives et présidentielle prévues par la feuille de route adoptée par le Forum de dialogue politique interlibyen à Tunis en novembre 2020 et par la résolution 2570 (2021). Il exprime son ferme soutien à l’important rôle joué par la Haute Commission électorale nationale dans la conduite de ces élections et salue les préparatifs techniques qui ont déjà été effectués. Il attend avec intérêt l’officialisation du calendrier électoral complet par la Haute Commission et la mise en œuvre de celui-ci dans un climat pacifique. Il souligne également l’importance d’un transfert pacifique du pouvoir en Libye après les élections.
Le Conseil souligne qu’il importe d’assurer un processus électoral consultatif et ouvert à tous qui soit largement accepté par les parties prenantes libyennes, et condamne toute tentative visant à compromettre ce processus, notamment en attisant la violence, en semant la désinformation ou en empêchant les électeurs de se rendre aux urnes. Il rappelle que des élections libres, équitables et crédibles permettront au peuple libyen d’élire des institutions représentatives et unifiées, dont les membres seront choisis parmi tous les acteurs politiques libyens.
Le Conseil engage vivement toutes les parties prenantes libyennes à s’engager à accepter les résultats des élections et à respecter les droits de leurs opposants politiques avant, pendant et après les élections. Il appelle toutes les parties prenantes libyennes à continuer de travailler ensemble dans un esprit d’unité et de compromis une fois les résultats annoncés.
Le Conseil invite les parties prenantes libyennes à prendre des mesures pour renforcer la confiance mutuelle et bâtir un consensus dans la perspective des élections, notamment par le dialogue et la réconciliation nationale, et salue l’importante contribution qu’apportent à cet égard les bons offices de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye et de l’Envoyé spécial du Secrétaire général.
Le Conseil rappelle que les individus ou entités qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité de la Libye ou qui entravent ou compromettent le bon déroulement de sa transition politique, notamment en faisant obstacle ou en nuisant aux élections, peuvent être visés par ses sanctions.
Le Conseil insiste sur l’importance d’élections présidentielle et législatives libres, équitables, régulières et crédibles et souligne qu’il importe de mettre en place des dispositions visant à assurer la participation pleine, égale et effective des femmes et l’inclusion des jeunes. Il considère qu’il est nécessaire de protéger les femmes contre les menaces et les représailles qu’elles sont amenées à subir, notamment lorsqu’elles sont actives dans l’espace public.
Le Conseil souligne qu’il importe d’appuyer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020, notamment en faisant en sorte que toutes les forces étrangères et tous les mercenaires se retirent de la Libye sans plus tarder. À cet égard, il se félicite du Plan d’action adopté par la Commission militaire conjointe 5+5 à Genève le 8 octobre 2021 et appelle tous les acteurs concernés à en faciliter la mise en œuvre synchronisée, progressive et équilibrée. Il engage donc vivement tous les États Membres, toutes les parties libyennes et tous les acteurs concernés à respecter et à appuyer l’application intégrale de l’accord de cessez-le-feu et du Plan d’action, notamment en définissant rapidement un calendrier et un plan permettant de surveiller et de vérifier la présence et le retrait de toutes les forces étrangères et de tous les mercenaires.
Le Conseil rappelle qu’il a exigé que tous les États Membres respectent l’embargo sur les armes qu’il a imposé à la Libye par sa résolution 1970 (2011), telle que modifiée par les résolutions ultérieures.
Le Conseil souligne que les responsables de violations du droit international humanitaire et de violations du droit international des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits doivent être amenés à répondre de leurs actes.
Le Conseil se déclare à nouveau gravement préoccupé par le trafic de migrants et de réfugiés et par la traite d’êtres humains, ainsi que par la situation tragique à laquelle se heurtent les migrants, les réfugiés ou les personnes déplacées, notamment les enfants, en Libye, et rappelle la nécessité d’accompagner les nouvelles mesures prises pour renforcer la gestion des frontières libyennes.
Le Conseil salue le rôle important que jouent les pays voisins et les organisations régionales à l’appui de l’action des Nations Unies.
Le Conseil réaffirme son profond attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye.
Déclarations
Intervenant pour la dernière fois devant le Conseil de sécurité en visioconférence depuis Tripoli en sa qualité d’Envoyé spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. JÀN KUBIŠ a indiqué qu’il intervient à un mois de l’échéance électorale et après la Conférence de Paris, le 12 novembre, facilitée par l’ONU et conjointement présidée par la France, la Libye, l’Allemagne, l’Italie et les Nations Unies, avec la participation de 30 États Membres et organisations régionale. La Conférence de Pairs a été l’occasion de renforcer le consensus international en appui à la mise en œuvre d’un processus d’appropriation libyen, facilité par l’ONU, et aboutissant à une solution politique de la crise libyenne. La déclaration finale de cette conférence a souligné qu’il faut que toutes les parties prenantes libyennes s’engagent à tenir, le 24 décembre prochain, des élections législatives et présidentielle libres, justes, inclusives et crédibles, conformément à la feuille de route, et aux dispositions des résolutions 2570 et 2571 du Conseil de sécurité et des conclusions de la deuxième Conférence de Berlin du 23 juin 2021.
Il a fait sien l’appel aux parties prenantes et aux candidats visant au respect des droits de leurs opposants politiques avant, pendant et après les élections, à rester fidèle au Code de conduite de la Haute Commission nationale électorale et les résultats des élections, et à s’abstenir de tout discours d’incitation à la haine ou de propos revanchards et de menaces. La Conférence avait d’ailleurs affirmé qu’il importe d’éviter tout vide de pouvoir, dont le transfert entre l’autorité intérimaire actuelle et celle qui sera nouvellement élue devra se produire une fois que les résultats des élections législatives et présidentielle seront définitifs, et annoncés par la Haute Commission.
Expliquant le déroulé du processus électoral, M. Kubiš a informé que le 4 octobre, le Président de la Chambre des représentants a transmis la loi 2/2021 qui détermine les règles électorales. Il faut que cette chambre avalise rapidement les dates des scrutins pour les élections législatives et présidentielle, a-t-il souligné. Le forum de dialogue politique libyen n’est pas tombé d’accord sur le cadre constitutionnel, ce pourquoi la MANUL n’a cessé d’exhorter à prendre à bras le corps les doléances des parties et à organiser des élections simultanément. En novembre, a-t-il dit, seuls quelques amendements techniques ont été demandés par la Haute Commission. Lors d’une conférence de presse le 7 novembre, le Président de la Haute Commission a indiqué que le processus d’enregistrement des candidats pourrait commencer le lendemain. Jusqu’ici, 2 001 candidats, dont 276 femmes, sont enregistrés pour les législatives. La Haute Commission a aussi confirmé son intention d’organiser le 1er tour de l’élection présidentielle le 24 décembre et le deuxième des législatives. Il a précisé que plus de 2,8 millions d’électeurs sont enregistré et qu’à présent, 1,84 million ont déjà reçu leur carte électorale. Par ailleurs, plus de 3 200 observateurs nationaux, ainsi que 320 media libyens, 20 médias internationaux et 9 organisations d’observation internationale ont soumis leurs demandes d’accréditation. Il a applaudi les efforts de la Haute Commission nationale, tout en signalant que l’atmosphère politique reste clivée, alors même que l’ensemble de la population a soif de se rendre aux urnes.
Certains meneurs sur la scène politique continuent de remettre en question le caractère légitime de la loi électorale ainsi que l’éligibilité de certains candidats très en vue à l’élection présidentielle, a expliqué M. Kubiš. Il a témoigné de la crainte de la population de replonger dans l’autoritarisme. La Libye a besoin d’élections justes et régulières et le chemin qui mène à un pays stable et uni passe par les urnes et non par les armes, a-t-il insisté. Les Libyens pourront gérer leur destin s’ils ne sont pas confrontés à des ingérences étrangères. Le haut fonctionnaire a appelé toutes les institutions nationales à apporter leur contribution pour des élections justes et pacifiques.
L’Envoyé spécial a signalé, d’autre part, que la présence des combattants étrangers et des mercenaires constitue une grave menace. Pour y faire face, la Commission militaire conjointe, réunie le 8 octobre à Genève, a élaboré un plan en vue de leur retrait. Ce plan s’inspire également des résolutions 2570 et 2571 du Conseil et des conclusions de la Conférence de Genève. Le plan d’action a été présenté lors de la Conférence de stabilisation de la Libye, convoquée à Tripoli par les autorités nationales, signe important de l’orientation vers une appropriation. L’Égypte a aussi organisé une réunion avec trois pays qui s’est achevée sur un accord soulignant la nécessité d’un mécanisme de contrôle du cessez-le-feu pleinement opérationnel en vue du retrait des combattants étrangers et des mercenaires. La Commission militaire conjointe mixte 5+5 pourra organiser des réunions similaires, notamment avec les pays voisins. Le premier groupe onusien chargé du contrôle du cessez-le-feu a également été déployé.
Dans l’ouest en particulier et dans la capitale, on risque d’assister à une escalade étant donné le clivage autour du processus électoral, a mis en garde M. Kubiš. En effet, certains incidents ont été enregistrés dans certains bureaux et une unité est chargée de veiller à la bonne conduite du scrutin compte tenu des entraves. On ne peut exclure des activités perpétrées par des groupes armés pendant les élections, a-t-il encore prévenu. En outre, et compte tenu du fait que certains individus font de plus en plus connaître leur opinion contre l’État, la société civile est également visée par des restrictions, a-t-il noté, en priant les autorités à protéger les droits de la personne des activistes. Il a dit sa préoccupation face aux discours d’incitation à la haine, les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme en ligne, croissantes, ainsi que les menaces physiques.
M. Kubiš a également évoqué la découverte de charniers à proximité de Tarhouna qui rappelle les horreurs du conflit en Libye et a appelé à faire la lumière et à veiller à la comparution de leurs auteurs devant la justice. Il a aussi dénoncé l’usage excessif de la force à l’encontre des migrants et réfugiés, qui subissent des violences, mais aussi les attaques contre les travailleurs du HCR. Les vols humanitaires sont l’une des rares options des migrants et réfugiés qui risquent d’être assujettis à l’exploitation et à des abus, a signalé M. Kubiš. La communauté humanitaire travaille aussi avec les autorités pour favoriser les efforts nationaux de stabilisation.
« La Libye reste dans une situation précaire et fragile sur le chemin des urnes mais la non tenue de ces scrutins risque de déboucher sur plus d’instabilité. Le nombre de candidat montre à quel point la population aspire à ces élections. Il importe que la communauté internationale reste unie et, parallèlement, ait des échanges pragmatiques pour renforcer le consensus autour des élections et correctement gérer leur issue, a recommandé l’Envoyé spécial. En définitive, c’est le peuple libyen qui fera son choix et l’avenir du pays est entre ses mains », a conclu M. Kubiš. Il est grand temps que la Libye soit menée par des institutions jouissant de son autodétermination. Le pays ne peut rester un terrain de jeu, a-t-il déclaré, en jugeant nécessaire de relocaliser, de toute urgence, la base de la MANUL à Tripoli.
M. T. S. TIRUMURTI , Président du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a brièvement fait état des activités menées par ledit Comité entre le 11 septembre et ce jour. Les activités ont été menées selon la procédure dite tacite, a-t-il expliqué. Le Comité a ainsi inscrit un individu supplémentaire à sa liste de sanctions, M. Oussama al-Kouni Ibrahim, pour avoir participé à des actes répondant aux critères du régime de sanctions. Concernant l’embargo sur les armes, le Comité a reçu une notification de la Tunisie concernant la livraison d’armes de petit calibre à des fins de protection. La Suisse a également envoyé des notifications concernant le gel des avoirs. Concluant, le Président du Comité a rappelé qu’il revenait aux États de mettre en œuvre et faire respecter les mesures relatives au régime de sanctions.
Mme LAMEES BENSAAD, Professeure adjointe à l’université de Tripoli, activiste politique et membre du Forum du dialogue politique libyen, a salué la transition de son pays d’une décennie de conflit et de guerre vers la stabilité. S’adressant aux membres du Conseil depuis Tripoli, « où les espoirs sont grands de voir les Libyens adopter de nouvelles pratiques démocratiques », elle a reconnu que ce moment historique n’aurait pas été possible sans la volonté du peuple libyen, sans les efforts constants de la mission spéciale des Nations unies et sans les compromis difficiles mais nécessaires auxquels sont parvenues toutes les parties. Ce sont ces efforts combinés qui ont permis au Forum de dialogue politique libyen d’établir une feuille de route nationale, approuvée ensuite par le Conseil de sécurité des Nations unies dans la résolution 2570. En tant que membre de ce Forum, elle a souligné sa responsabilité vis-à-vis de la population libyenne de veiller à ce que les prochaines élections répondent à ses espoirs et à ses aspirations. « Cela signifie que les élections doivent se dérouler de manière libre et équitable, conformément à la feuille de route convenue en novembre dernier », a-t-elle précisé.
Elle a appelé à ce que les prochaines élections prévues pour le 24 décembre, s’inscrivent dans le cadre de la feuille de route. Elle a ainsi déploré que les conditions actuelles ne soient conformes ni à la résolution 2570 ni à la résolution 2571 du Conseil de sécurité, ni même à la deuxième conférence de Berlin sur la Libye. À quelques semaines des élections, il n’y a toujours pas de consensus entre les principales parties prenantes sur le cadre juridique des élections, ni de confirmation de la part des partis sur l’acceptation des résultats électoraux, une ambiguïté, a poursuivi Mme Bensaad, qui menace l’issue du processus électoral. « Il est donc nécessaire que le Conseil de sécurité soutienne les Libyens et les aide à dépasser les divisions qui ont longtemps empêché la paix de s’installer », a-t-elle encore ajouté. Il est en outre essentiel, a relevé la représentante, que le Conseil de sécurité veille à ce que les élections législatives et présidentielle se déroulent simultanément le même jour, comme le prévoit la feuille de route. Des observateurs internationaux doivent également être présents pour veiller à ce que les élections soient libres et équitables et qu’il n’y ait pas de fraude électorale, de coercition, de discrimination ou d’intimidation des électeurs, des candidats ou des partis politiques. Elle a également appelé à ce que la sécurité soit maintenue tout au long du processus électoral afin d’éviter toute intimidation ou coercition et a insisté pour que les parties acceptent les résultats, qu’elles gagnent ou perdent.
Enfin, elle a demandé au Conseil de sécurité d’insister sur la participation et la représentation actives des femmes dans le cadre du processus électoral. « À l’heure actuelle, seuls 32 des 200 sièges parlementaires sont réservés aux femmes, ce qui est bien loin du pourcentage de 30 % fixé dans la feuille de route », a-t-elle regretté, soulignant que pour la première fois dans l’histoire du pays, des femmes étaient candidates à la présidence. La Libye est à un point de flexion: un processus électoral historique a été engagé, qui a le potentiel d’ouvrir une nouvelle ère de stabilité, de démocratie et d’indépendance, a-t-elle conclu, demandant au Conseil de sécurité et à l’ensemble de la communauté internationale de faire tout leur possible pour préserver la démocratie libyenne et aider les Libyens à organiser des élections libres et justes.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déclaré que « nous sommes entrés dans une période cruciale qui déterminera la voie vers la stabilité en Libye », avant de réaffirmer son plein soutien au processus en cours, dirigé par les Libyens. Le représentant a souligné que les élections devraient être libres, justes et ouvertes, et permettre la participation pleine, égale et significative des femmes et des jeunes. Il a exhorté tous les acteurs libyens à respecter le calendrier électoral, à s’abstenir de toute action qui perturberait le processus et à résoudre tout différend par des voies légitimes.
M. Kariuki a ajouté qu’il fallait utiliser tous les outils disponibles, y compris les sanctions, contre ceux qui tentent de saper le processus. Les candidats à l’élection présidentielle doivent travailler ensemble de bonne foi avant, pendant et après les élections pour éviter l’instabilité, a-t-il insisté, avant de rappeler qu’il est crucial que le transfert de pouvoir après le scrutin se fasse sans heurt et pacifiquement.
Le représentant a apporté son soutien au plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5 pour le retrait des forces étrangères et des mercenaires et le déploiement d’observateurs du cessez-le-feu de l’ONU. Il incombe aux acteurs internationaux d’assurer le retrait sans délai de toutes les forces et mercenaires étrangers, a-t-il déclaré. Par ailleurs, il a exprimé sa préoccupation concernant les récentes attaques de groupes armés contre l’entreprise pétrolière National Oil Corporation, jugeant inacceptables ses tentatives de prendre le contrôle des richesses nationales aux dépens du peuple libyen.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que l’aide de l’ONU à la Libye en cette période pré-électorale est de la plus haute importance. Il a indiqué que la situation en Libye est stable, avant de souligner l’importance des élections du 24 décembre. Le délégué a noté que les candidats en lice sont de toutes obédiences et viennent de toutes les régions de la Libye, ce qui accroît les chances de succès desdites élections. Le délégué a noté les voix qui s’élèvent en Libye pour demander un report de ces scrutins. Ce report n’est pas souhaitable car il ne ferait qu’exacerber les divisions dans le pays, a tranché le délégué russe. Il a noté les progrès accomplis sur le plan sécuritaire avec l’accord du 8 octobre sur le Plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5 pour un départ des mercenaires, combattants étrangers et forces étrangères de Libye. Nous sommes favorables à l’évacuation des contingents non- libyens au pays, a conclu le délégué, en soulignant le rôle important que l’armée nationale libyenne devrait jouer à l’avenir.
M. SAMADOU OUSMAN (Niger) s’est félicité des récents progrès observés en Libye, notamment depuis la décision prise le 1er novembre par la Commission militaire conjointe 5+5, qui a vu le Tchad, le Niger et le Soudan s’entendre sur un mécanisme de coordination de leur communication pour encourager le départ des groupes armés et mercenaires étrangers dans le cadre d’un processus graduel, progressif et séquencé. Pour le représentant, le départ des mercenaires et des combattants étrangers sera une étape cruciale de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 et de la résolution 2570 (2021) du Conseil.
M. Ousman a souligné l’importance des élections présidentielle et législatives du 24 décembre en tant qu’étape clé de la marche de la Libye vers la liberté et la stabilité. Il a particulièrement appuyé la déclaration de la conférence internationale de Paris pour la Libye, tenue le 12 novembre, qui appelle tous les acteurs et tous les candidats libyens à respecter leurs engagements concernant la tenue des élections le 24 décembre 2021, et de s’engager publiquement à respecter les droits de leurs opposants politiques avant, pendant et après les élections, et d’accepter les résultats d’élections libres.
Tout en se félicitant de la récente réouverture de la route côtière et de l’amélioration de la situation humanitaire, le représentant a jugé insuffisante la fourniture des services sociaux de base à la population. Il s’est particulièrement inquiété des conditions de vie déplorable des migrants et des réfugiés.
M. DANG DIJNH QUY (Viet Nam) s’est félicité des progrès observés ces dernières semaines sur les plans politiques et sécuritaires en Libye en saluant particulièrement les engagements des parties libyennes à la tenue d’élection présidentielle le 24 décembre 2021 et l’adoption d’un Plan d’Action sur le retrait des mercenaires et combattants étrangers. Dans ce contexte, le représentant du Viet Nam a exhorté les parties libyennes à conclure tous les arrangements nécessaires à la bonne tenue des élections présidentielle et parlementaires du 24 décembre, avant de mettre l’accent sur l’importance de réaliser des progrès durables après les élections. « Deuxièmement », il a exhorté tous les acteurs libyens à appuyer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2021, et à respecter le plan d’action pour le retrait des combattants et mercenaires étrangers et l’embargo sur les armes. Enfin, compte-tenu de la situation humanitaire, il a invité la communauté internationale et les partenaires de la Libye à aider le pays à faire face aux défis qui se posent pour les groupes les plus vulnérables, dont les femmes, les enfants, les migrants et les réfugiés.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que les prochaines élections représentaient une étape cruciale en vue d’une Libye prospère et stable. « L’avenir du pays est entre les mains du peuple libyen », a-t-elle ajouté. La représentante a estimé que le processus électoral doit être dirigé et contrôlé par les Libyens et exhorté les autorités libyennes à faire en sorte qu’il se déroule dans un esprit de coopération et d’unité nationale. Le rôle des observateurs régionaux et internationaux sera essentiel, a-t-elle ajouté. Mme Byrne Nason a ensuite demandé une pleine participation des femmes et des jeunes à ces élections, avant d’exhorter les autorités à garantir en cette période pré-électorale un « espace civique sûr et indépendant, pour tous ».
Notant la menace grave que constitue pour la paix en Libye la présence de forces étrangères, Mme Byrne Nason a salué l’adoption le mois dernier du Plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5. Elle a souligné la nécessité de préserver cette dynamique et de mettre pleinement en œuvre ce Plan d’action, en prenant dûment compte des besoins et préoccupations des pays voisins.
Enfin, la représentante a qualifié de « détestables » les mauvais traitements infligés à des personnes vulnérables, telles que les migrants placés en centres de détention, et a salué l’inscription en octobre d’un individu à la liste des sanctions. « Nous appelons les autorités et toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international », a-t-elle ajouté.
Mme MONA JUUL (Norvège) a salué les efforts de la Haute Commission électorale nationale libyenne pour préparer les élections prévues le 24 décembre, près de trois millions d’électeurs étant déjà inscrits. Elle a mis en garde contre l’éventuel report des scrutins, qui pourrait selon elle déboucher sur une recrudescence des violences et de l’instabilité, le cessez-le-feu étant déjà fragile. Mme Juul a en outre estimé que les institutions libyennes ont trop longtemps été divisées, ce qui a eu de graves conséquences sur le plan de la sécurité et de l’économie. Ainsi, a-t-elle jugé essentiel que le transfert de pouvoirs ait lieu de façon à éviter tout vide de leur exercice, cela passant notamment par une annonce simultanée des résultats des élections présidentielle et parlementaires. La représentante n’a pas manqué de rappeler l’importance politique d’une participation pleine, significative et égale des femmes aux élections, tant comme citoyennes que comme candidates. Enfin, Mme Juul a souhaité que le Conseil de sécurité continue d’apporter tout son appui aux processus politiques en cours en Libye, et remercié les efforts entrepris en ce sens par l’Envoyé Spécial Kubiš au cours de son mandat.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a relevé que la Libye était parvenue, en l’espace de deux ans, à passer d’une période de conflit et d’intensification des activités militaires, à une autre, de dialogue politique pacifique, caractérisée par une appropriation nationale offrant au peuple libyen la possibilité d’exercer ses droits démocratiques et de s’acheminer vers des élections, le 24 décembre prochain. À un mois du double scrutin électoral, la Libye est en passe de décider son destin démocratique dans un état de droit. La Tunisie a salué les préparatifs en vue du plein succès de ce processus, conformément à la feuille de route et à la résolution 2570 (2021) du Conseil, appelant la communauté internationale à redoubler ses efforts d’appui tendant à une solution politique, au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Libye, ainsi que l’application des conclusions de la récente Conférence de Paris.
La Tunisie a en outre insisté sur la non-ingérence dans les affaires intérieures de la Libye et la nécessité du retrait de ses combattants étrangers et des mercenaires. Elle a attiré l’attention sur le Plan d’action élaboré par la Commission militaire conjointe 5+5 et sur l’importance du respect du cessez-le-feu, du 23 octobre 2020, par toutes les parties impliquées. À cet égard, la Tunisie a appuyé le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, exhortant tous les membres du Conseil à contribuer à la stabilisation du pays et à répondre aux aspirations du peuple libyen à la paix, la sécurité et la stabilité.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a rappelé que le processus électoral en Lybie aura lieu dans 30 jours seulement, saluant le fait que des millions de Libyens sont inscrits sur les listes électorales et que de très nombreuses candidatures enregistrées pour les législatives et l’élection présidentielle. L’appropriation nationale de ces élections est réelle, a-t-il estimé. La Conférence de Paris le 12 novembre a été une preuve sans ambiguïté du soutien de la communauté internationale au processus électoral en cours dans le pays, le représentant appelant tous les dirigeant libyens à embrasser ce processus et à y participer dans le respect des règles établies. Les menaces de boycott par des factions qui estiment que le processus est biaisé n’aideront ni les Libyens ni la démocratie, a-t-il estimé. À ceux qui souhaitent s’ingérer dans les élections ou avoir recours à la violence, le représentant américain a déclaré que le Conseil de sécurité pourra avoir recours à des sanctions contre tous ceux, Libyens ou non, qui menacent les élections telles que prévues dans la feuille de route du Forum pour le dialogue politique interlibyen. À cet égard, lors de la conférence pour la stabilisation de Tripoli, les autorités libyennes ont été claires, a dit M. DeLaurentis, qui a rappelé qu’elles refusent l’ingérence étrangère avant de demander le retrait des mercenaires et des forces étrangères. Il s’est félicité du Plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5, qui prévoit le retrait des éléments armés étrangers. Le représentant a demandé à tous les États, y compris les membres de ce Conseil de respecter les résolutions 2570 et 2571. Enfin, il a pris bonne note de la démission de l’Envoyé spécial Kubiš et l’a remercié de ses années de service.
M. BING DAI (Chine) a déclaré qu’alors que l’on se rapproche des élections, la Chine appuie le processus et estime que les élections parlementaires et présidentielle doivent se tenir simultanément, à la date prévue, même si beaucoup reste encore à faire. S’il revient à la classe politique libyenne de parvenir à cet objectif, la MANUL peut les y aider, a ajouté le représentant. Cela dit, la communauté internationale se doit, pour sa part, de respecter la souveraineté de la Libye et donc de ne pas s’immiscer dans ses affaires internes, a averti M. Dai. Pour lui, la présence des mercenaires étrangers étant un des problèmes dont souffre la Libye, il est important que les pays d’origine les retirent, tout en veillant à ce que cela ne pose pas de problèmes de sécurité, ni n’impacte la situation dans la région du Sahel.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde), à titre national, a fait part de son « espoir prudent » que les élections parlementaires et présidentielle prévues le 24 décembre prochain en Libye se déroulent de manière transparente, inclusive et crédible. Il a indiqué que l’évolution de la situation sécuritaire pouvait également susciter l’optimisme, en notant l’accord du 8 octobre sur le Plan d’action de la Commission militaire conjointe pour un départ des mercenaires, combattants étrangers et forces étrangères de la Libye. L’ingérence des forces extérieures dans les affaires de la Libye a entravé les progrès sur le plan politique, tandis que les forces terroristes sont toujours actives, a poursuivi le représentant, qui a également qualifié d’alarmantes les violations répétées de l’embargo sur les armes.
Le représentant a estimé que la priorité absolue en Libye était la tenue des élections à la date prévue, le 24 décembre, avant d’appeler à la préservation de la souveraineté, de l’indépendance et de l’unité du pays. « Le processus de paix doit être dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes sans contrainte ou interférence extérieures », a-t-il insisté. Le représentant a ensuite appelé au respect des dispositions de l’accord de cessez-le-feu et des résolutions pertinentes du Conseil. Il a considéré le Plan d’action, qui montre l’engagement des parties libyennes en faveur d’un retrait des forces étrangères, comme un pas dans la bonne direction. Il a, en revanche, déploré que la question de la présence active de Daech en Libye ne reçoive pas l’attention qu’elle mérite. « La communauté internationale doit parler d’une seule voix contre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations », a-t-il rappelé. Enfin, le délégué a dit espérer que les élections constitueront une étape importante en vue d’un processus de réconciliation national inclusif en Libye.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a estimé que pour que la stabilité perdure en Libye et que le processus électoral soit couronné de succès, selon lui, il faut assurer la participation pleine, égale et significative des femmes ainsi que l’inclusion des jeunes à toutes les étapes de la préparation des élections. À cet égard, il a remercié Mme Bensaad des idées précieuses qu’elle a partagées ce matin avec les membres du Conseil. Il est tout à fait évident que les femmes font face à une multitude d’obstacles pour participer au processus électoral et cela requiert notre attention continue, a ainsi souligné le représentant, qui a répété que les femmes doivent pouvoir participer à tous les aspects de la vie politique libyenne, en tant que candidates, activistes et électrices, cela « sans crainte de représailles ». En outre, il a déclaré que toutes les allégations de violations et d’abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire par quelque partie que ce soit doivent faire l’objet d’une enquête approfondie. L’Estonie salue à cet égard le travail important de la Mission indépendante d'établissement des faits et appelle à son accès sûr et sans entrave à toutes les régions de la Libye pour s’acquitter de son mandat, a conclu M. Jürgenson.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné que la tenue des élections parlementaires et présidentielle à partir du 24 décembre représentait une échéance cruciale pour l’avenir de la Libye, qui offre une opportunité unique d’ancrer durablement le pays sur le chemin de la paix et de la stabilité. Il a souligné qu’avec plus de 2,8 millions d’inscrits sur les listes électorales, 98 candidats à la présidentielle et 1766 candidats aux législatives, l’appel des Libyennes et Libyens en faveur de ces élections était sans équivoque. « Des élections inclusives sont à portée de main », s’est-il félicité.
Le représentant a déclaré que la conférence internationale organisée par la France et tenue le 12 novembre à Paris, avec l’Allemagne, l’Italie, la Libye et les Nations Unies, avait permis de réaffirmer le soutien de la communauté internationale au processus électoral mené sous l’égide de la Haute commission nationale électorale libyenne. La France, avec ses partenaires européens, œuvre au déploiement d’observateurs électoraux en Libye, afin de garantir la transparence et la crédibilité du processus électoral, ainsi que l’acceptation de ses résultats par l’ensemble des acteurs, a-t-il précisé.
La France condamnera toute tentative de perturber les élections et M. de Rivière a estimé que tout individu ou entité entravant le processus électoral était susceptible d’être désigné par le comité de sanctions. La Conférence de Paris a également montré l’appui de la communauté internationale au plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5 sur le retrait des mercenaires, des forces étrangères et des combattants étrangers, a poursuivi le représentant, qui a salué le retrait de 300 mercenaires africains de Libye et a appelé à la poursuite de la coordination avec les pays de la région, « notamment l’Égypte », pour faciliter d’autres retraits. Enfin, M. de Rivière a encouragé les acteurs libyens à définir des échéances pour leur retrait et a apporté son soutien au mécanisme d’observation du cessez-le-feu des Nations Unies. Il a enfin rappelé que « le strict respect de l’embargo sur les armes s’impose à tous ».
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a rendu hommage au travail préparatoire technique de la Haute Commission électorale nationale pour faciliter un processus électoral sans heurts. Elle n’a pas hésité à « implorer » les autorités libyennes compétentes à veiller à ce que toutes les dispositions nécessaires sur le cadre juridique électoral soient prises pour que les Libyens puissent exercer dans le calme leur droit de vote, les élections du 24 décembre étant une première étape charnière vers la transition démocratique de la Libye. Après avoir appelé à la mise en œuvre du Plan d’action pour le retrait des mercenaires et des troupes étrangères de la Libye et au respect de l’embargo sur les armes -« faute de quoi la sécurité ne pourra être rétablie durablement »-, elle a réitéré l’importance de « préserver les ressources naturelles de la Libye pour le seul bénéfice économique des Libyens ». Mme King a par ailleurs fait sienne la suggestion du Secrétaire général que les États concernés doivent revoir leurs politiques d’interception en mer des migrants et de retour des réfugiés en Libye.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a salué le rôle important joué par la MANUL dans le soutien du processus de paix en Libye et a invité les membres du Conseil de sécurité, et la communauté internationale dans son ensemble, à tirer les leçons de cette décennie en Libye pour éviter une répétition de l’Histoire. Il a loué les progrès réalisés ainsi que la détermination du peuple libyen, ajoutant que la première conférence internationale sur la stabilisation de la Libye, organisée par le gouvernement d’unité nationale, le 21 octobre, à Tripoli, en était la preuve.
Pour préserver les acquis obtenus à ce jour, l’ingérence étrangère en Libye doit cesser, a ajouté le représentant. Une telle ingérence se caractérise par la présence continue de combattants et de mercenaires étrangers à l’effet déstabilisateur, non seulement sur la Libye, mais aussi sur la région. M. Kimani s’est par conséquent félicité du Plan d'action global pour le retrait progressif, équilibré et par étapes des combattants étrangers et des mercenaires ainsi que des forces étrangères de Libye, signé le 8 octobre.
Se félicitant également de l’arrivée à Tripoli du premier groupe d’observateurs des Nations Unies chargé de soutenir le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu en Libye, M. Kimani a souligné la nécessité de veiller à ce que le processus soit véritablement dirigé et pris en charge par les Libyens. Tout en saluant le travail accompli -et en cours- pour préparer les élections, M. Kimani a déploré les profondes divergences de vues concernant le cadre juridique des élections et a appelé les Libyens à tirer parti du dialogue et de la réconciliation nationale pour résoudre ces problèmes dans l’intérêt commun de leur pays. Quant à la situation des migrants, le représentant a insisté sur le sort des milliers de personnes qui souffrent de traitements intolérables alors qu'elles cherchent à atteindre les côtes européennes.
Enfin, M. Kimani a dit attendre avec impatience le renouvellement substantiel du mandat de la MANUL afin de refléter les progrès réalisés à ce jour, mais également de signaler le soutien du Conseil de sécurité et d’ouvrir la voie à la mise en œuvre des améliorations envisagées dans le cadre du mandat. Tous les avoirs gelés de la Libye doivent être préservés et, à terme, restitués à la Libye et au peuple libyen, a-t-il conclu.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a estimé qu’à un mois des élections présidentielle et législatives en Libye, tous les efforts devraient être tournés vers la création des meilleures conditions possibles pour le processus électoral. Il s’est, à cet égard, félicité des résultats de la Conférence internationale qui s’est tenue à Paris, le 12 novembre, appelant à la mise en œuvre de ses conclusions. Il a en outre exhorté les acteurs politiques libyens à agir de manière responsable afin de résoudre les questions en suspens, avec l’aide de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), notamment pour travailler collectivement à l’achèvement du cadre juridique qui s’appliquera au processus électoral. M. De La Fuente Ramirez a également insisté sur l’importance de respecter les paramètres convenus par les Libyens eux-mêmes dans le cadre du Forum de dialogue politique libyen et approuvé par la communauté internationale lors des deux conférences de Berlin. Il est important de rappeler que la feuille de route convenue à Tunis, l’année dernière, prévoyait que les femmes occupent au moins 30% des postes de direction, a souligné le Mexique.
Saluant l’adoption d’un plan d’action pour le retrait des mercenaires et des combattants étrangers dans le cadre de la Commission militaire conjointe 5+5, il a demandé instamment aux pays d’origine de ces forces de s’engager à mettre en œuvre un tel accord. Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu contribuera à cette fin. D’autre part, il a regretté que des traitements inhumains continuaient d’être commis, malgré les appels continus du Conseil de sécurité pour aborder la situation des migrants en Libye, demandant instamment que des mesures concrètes soient prises pour protéger la vie et les droits des migrants. Enfin, il a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur le rapport de la Mission d’enquête indépendante, publiée en octobre dernier, qui fait état de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Ce rapport indique que l’un des facteurs qui a conduit à la détérioration de la situation en Libye a été la prolifération des armes. Il est donc impératif que l’embargo sur les armes soit pleinement respecté, a conclu le délégué.
M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a commencé par regretter la démission de l’Envoyé spécial Ján Kubiš, en cette période « si sensible », demandant au Secrétaire général de préciser de quelles options il dispose aujourd’hui pour le remplacement de son Représentant spécial démissionnaire. Revenant à la situation dans son pays, il a tenu à remercier les pays étrangers qui ont pris des initiatives pour soutenir un processus politique en Libye, notamment la France, qui a organisé la Conférence internationale de Paris pour la Libye. Mais, a-t-il assuré, seules des initiatives nationales libyennes peuvent permettre une sortie de crise. La Libye doit prendre en main son destin, sans se laisser mener par d’autres. Il faut répondre aux besoins du peuple libyen, notamment répondre à leur refus de la présence de forces étrangères sur son territoire, « et peu importe le nom que l’on donne à ces forces », a insisté le représentant.
Il a ensuite déclaré qu’il n’y a pas de solution évidente à la crise actuelle. Beaucoup appellent à la tenue d’élections, mais il faut aussi écouter les différents points de vue des acteurs locaux, notamment les vues exprimées lors des récents débats constitutionnels et qui nourrissent des inquiétudes. En raison de nombre de divergences entre les parties, les résultats de ces élections pourraient être contestées et plonger à nouveau le pays dans le chaos, a anticipé le représentant, soulignant que les Libyens ne veulent pas revivre cela. Le scrutin ne doit pas être vu comme une fin en soi, mais plutôt comme une étape de nature à aider la Libye à se doter d’une constitution qui tienne compte de tous, a-t-il encore insisté.
S’agissant de la question de l’impunité, le représentant a redit la position de la Libye concernant la compétence de la Cour pénale internationale (CPI). Les crimes commis en Libye resteront une « tâche » sur la conscience libyenne, soulignant qu’il n’y a pas de prescription possible, a assuré le représentant. S’exprimant aussi sur la question des avoirs libyens, il a déploré que ces fonds, qui appartiennent au peuple libyen, a-t-il dit, soient aujourd’hui utilisés comme une arme contre le peuple libyen, quand ils ne sont pas tout simplement détournés. En dépit de plusieurs demandes de rapatriements, les autorités se sont toujours vues refuser le retour des fonds. Dans ce contexte, la délégation s’est dite étonnée de l’attitude de la Belgique qui a décidé de retenir, sans justifications, et sans « respect des règles diplomatiques », 50 milliards d’euros appartenant à la Libye. La Belgique doit rendre ces fonds ou entamer des discussions, a exigé le représentant.
Poursuivant, M. Elsonni a demandé au Conseil de sécurité de jouer son rôle, notamment d’obtenir le départ des troupes étrangères présentes en Libye. Mais, a-t-il dit, « ne nous prenez pas de haut. Écoutez-nous. La population libyenne veut et va se redresser ». « Que les pays qui s’immiscent dans les affaires internes cessent de le faire. » « Laissez-nous tranquilles », a-t-il résumé.