Bosnie-Herzégovine: le Conseil de sécurité renouvelle pour un an l’autorisation de l’EUFOR ALTHEA et affiche ses divisions sur le Haut-Représentant
Le Conseil de sécurité a autorisé, cet après-midi, par la résolution 2604 (2021) adoptée à l’unanimité, la reconduction pour une nouvelle période de 12 mois de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), la force multinationale en Bosnie-Herzégovine qui joue « le rôle principal dans la stabilisation de la paix s’agissant des aspects militaires de l’Accord de paix ».
L’EUFOR ALTHEA continuera ainsi de remplir ses missions liées à la mise en œuvre des dispositions des annexes 1-A et 2 de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et de ses annexes (l’Accord de paix de Dayton) en coopération avec le quartier général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sur place. La résolution adoptée aujourd’hui renouvelle d’ailleurs également, pour 12 mois, l’autorisation de maintenir un quartier général de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, tel que décidé dans la résolution 2183 (2014).
Le texte, très bref, de la résolution précise que le Conseil agit en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, du fait que « la situation dans la région de l’ex-Yougoslavie continue de menacer la paix et la sécurité internationales ». La Bosnie-Herzégovine a dit, à cet égard, craindre « la plus grande menace existentielle » contre son pays depuis la guerre, qui pourrait, selon elle, conduire à l’érosion de l’Accord de paix de Dayton. La Serbie a cependant jugé « inappropriée » cette mention de la situation dans le contexte actuel, estimant que « ce chapitre de notre histoire est clos ».
La délégation porte-plume de ce texte, la France, s’est félicitée de l’adoption de la résolution et a réaffirmé son attachement à la perspective européenne de la Bosnie-Herzégovine, en faisant remarquer que, depuis 2004, l’Union européenne « remplit le rôle principal » dans la stabilisation de la paix en Bosnie Herzégovine, pour le compte de la communauté internationale, « conformément à l’Accord de Dayton/Paris et sur décision du Conseil de sécurité ».
Le texte aurait pu être plus substantiel, a toutefois estimé la Norvège, tandis que l’Estonie a regretté l’absence de références au Bureau du Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, aux résolutions antérieures et aux perspectives d’intégration européenne du pays. À l’instar de l’Inde, l’Irlande a salué, en son absence, le Haut-Représentant, M. Christian Schmidt, qui a pris ses fonctions le 1er août, pour son rapport « complet et sincère » sur la période allant du 16 avril au 15 octobre 2021.
La Fédération de Russie a pourtant exprimé de vives critiques sur la question du Haut-Représentant. Il a accusé « des collègues, contournant le Conseil de sécurité », d’avoir tenté de nommer M. Christian Schmidt comme Haut-Représentant en violation du droit international et de la pratique établie de nomination à ce poste. Selon lui, « cela ne fait aucun doute, ce poste reste vacant ». La Chine a confirmé que le Conseil de sécurité a un rôle à jouer dans la nomination du Haut-Représentant, une pratique qui doit être acceptée, mais également évoluer, a-t-elle ajouté.
La délégation russe a aussi attribué l’aggravation de la situation politique en Bosnie-Herzégovine aux « actions irresponsables d’un certain nombre de forces extérieures ». Il a reproché notamment à l’ancien Haut-Représentant, M. Valentin Inzko, d’avoir introduit des modifications au Code pénal de Bosnie-Herzégovine, contrairement à l’avis de partis du pays. La Russie s’est également érigée contre la « diabolisation uniquement des Serbes de Bosnie », avant d’en déduire que l’objectif ultime était de réviser le dispositif de Dayton.
La Serbie, invitée comme la Croatie à ce débat biannuel, a, elle aussi, émis un avis sur le Bureau du Haut-Représentant: les décisions relatives à son travail doivent être prises dans un esprit de coopération, de respect mutuel de tous les acteurs concernés et avec le consensus des membres du Conseil de sécurité. La Serbie a souligné, à cette occasion, ses bonnes relations avec Sarajevo, ainsi que ses « relations harmonieuses » et sa bonne coopération avec la Republika Srpska, conformément à l’Accord sur les relations parallèles spéciales de 2006. En tant que garante de l’Accord de paix de Dayton, la Serbie soutiendra tout accord ou arrangement conclu « d’une manière légale et légitime » par deux entités, « c’est-à-dire par les trois peuples constitutifs », a assuré le représentant.
La Bosnie-Herzégovine a pourtant accusé la Republika Srpska de vouloir faire valoir un droit à recouvrer ses prérogatives s’agissant des questions judiciaires, du maintien de l’ordre et des services de renseignements. Ce qui voudrait dire que la Republika Srpska veut retirer ses forces de l’Armée nationale, revenant ainsi 15 ans en arrière, « avec les risques que l’on sait pour le rétablissement de la confiance et de la sécurité ».
Souhaitant que cette réunion du Conseil contribue à apaiser les tensions en Bosnie-Herzégovine, et ne « jette pas de l’huile sur le feu », la Croatie a, pour sa part, appelé à une modification du cadre électoral qui prive actuellement les Croates de Bosnie-Herzégovine de leur droit d’élire leur représentant légitime à la présidence de l’État.
L’Union européenne (UE) a fait remarquer qu’en dépit des mesures prises en 2020 par les autorités de Bosnie-Herzégovine pour répondre aux principales priorités, notamment l’organisation des élections locales à Mostar pour la première fois depuis 2008, les dirigeants sont revenus à une rhétorique nationaliste et à une obstruction qui divisent, entraînant une grave crise politique. L’UE a ainsi jugé « inacceptable » le récent blocage des institutions de l’État, qui freine l’ensemble du processus de réforme.
La plupart des membres du Conseil ont appelé les parties à travailler ensemble et à accélérer le rythme de la mise en œuvre des réformes. Ils ont, en particulier, condamné toute apologie des criminels de guerre et tout négationisme du génocide.
Les membres du Conseil ont encouragé les dirigeants à mettre de côté les différends, à œuvrer avec les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, en vue de la pleine application de l’Accord de paix de Dayton et des objectifs et conditions figurant dans le programme « 5 plus 2 ». L’Irlande a, d’ailleurs, rappelé que la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » reste la condition préalable convenue pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant.
LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE
Texte du projet de résolution (S/2021/913)
Le Conseil de sécurité,
Constatant que la situation dans la région de l’ex-Yougoslavie continue de menacer la paix et la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Autorise les États Membres, agissant par l’intermédiaire de l’Union européenne ou en coopération avec elle, à créer, pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution, une force multinationale de stabilisation (EUFOR ALTHEA) succédant juridiquement à la SFOR avec une structure de commandement et de direction des opérations unifiée, qui remplira ses missions liées à la mise en œuvre des dispositions des annexes 1-A et 2 de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et de ses annexes (appelés collectivement Accord de paix, S/1995/999, annexe) en coopération avec le quartier général de l’OTAN sur place, conformément aux arrangements qui ont été conclus entre l’OTAN et l’Union européenne et qui lui ont été communiqués par ces deux institutions dans leurs lettres du 19 novembre 2004, par lesquelles elles conviennent que l’EUFOR ALTHEA jouera le rôle principal dans la stabilisation de la paix s’agissant des aspects militaires de l’Accord de paix ;
2. Décide de renouveler l’autorisation qu’il a accordée au paragraphe 11 de sa résolution 2183 (2014) pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution ;
3. Autorise les États Membres à prendre, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer et respecter les annexes 1-A et 2 de l’Accord de paix, et souligne que les parties continuent de répondre à égalité de l’observation des dispositions de ces annexes et qu’elles encourent à égalité les mesures coercitives que l’EUFOR ALTHEA et la présence de l’OTAN pourraient juger nécessaires pour assurer l’application des annexes en question et leur propre protection ;
4. Autorise également les États Membres à prendre, à la demande de l’EUFOR ALTHEA ou du quartier général de l’OTAN, toute mesure nécessaire pour défendre l’EUFOR ALTHEA ou la présence de l’OTAN et pour aider ces deux entités à remplir leur mission, et reconnaît à l’une comme à l’autre le droit de prendre toute mesure de protection nécessaire en cas d’attaque ou de menace ;
5. Autorise en outre les États Membres, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus et conformément à l’annexe 1-A de l’Accord de paix, à prendre toute mesure nécessaire afin de faire respecter les règles de fond et de procédure organisant la maîtrise de l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine pour l’aviation civile et militaire ;
6. Décide de rester saisi de la question.
Déclarations
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné que depuis le conflit des années 1990, la Bosnie-Herzégovine a avancé de manière déterminée sur le chemin de la paix et de la stabilisation, avec l’appui continu de l’Union européenne (UE). Aujourd’hui, alors que les tensions politiques sont fortes, la France réaffirme son attachement à la perspective européenne de la Bosnie-Herzégovine, comme de l’ensemble des Balkans occidentaux, a-t-il dit. M. de Rivière s’est réjoui donc de l’adoption de la résolution 2604 (2021), qui renouvelle le mandat de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), en faisant remarquer que l’UE remplit depuis 2004 le rôle principal dans la stabilisation de la paix en Bosnie Herzégovine. Elle le fait pour le compte de la communauté internationale, « conformément à l’Accord de Dayton/Paris et sur décision du Conseil de sécurité », a-t-il rappelé.
Pour M. de Rivière, le cheminement européen de la Bosnie-Herzégovine passe par la mise en œuvre d’un agenda ambitieux de réformes, au bénéfice de tous les habitants du pays qui ont droit à des institutions démocratiques efficaces, notamment s’agissant de la justice et de la lutte contre la corruption ou le crime organisé. Le représentant a donc appelé les dirigeants en Bosnie-Herzégovine à surmonter leurs divisions et à travailler dans l’intérêt de tous les habitants afin de faire progresser le pays sur cette voie. Il a aussi appelé à une réforme électorale qui garantisse le principe de non-discrimination et d’égalité de tous les citoyens, conformément aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. La France, a-t-il ajouté, continue aussi d’appeler à la formation des gouvernements aux niveaux fédéral et cantonal, quand ils n’en disposent pas.
Le représentant a en outre estimé que le Haut-Représentant du Secrétaire général joue un rôle « essentiel » en soutien à la Bosnie-Herzégovine, en tant que « garant de la mise en œuvre du volet civil de l’Accord de Dayton/Paris ». Il a dit soutenir son action et prendre note avec attention de son rapport. Le représentant a ensuite dit que la France condamne toutes les formes de remise en cause de l’intégrité territoriale et de l’existence de la Bosnie-Herzégovine en tant qu’État. Il a dit regretter « profondément » la décision de certains de bloquer le fonctionnement des institutions de l’État central, avant de réaffirmer le soutien indéfectible de la France à l’unité de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre établi par l’Accord de Dayton/Paris. La France, a-t-il ajouté, condamne également et « de la manière la plus ferme », la glorification des criminels de guerre condamnés par la justice et la négation du génocide, tant cela est incompatible avec les valeurs de l’UE. M. de Rivière a réaffirmé l’importance de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition pour tous les crimes commis pendant les conflits des années 1990. Les processus de justice transitionnelle et de réconciliation restent la seule base solide pour l’avenir du pays, a conclu M. de Rivière.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a dit soutenir pleinement le Bureau du Haut-Représentant et a encouragé toutes les parties en Bosnie-Herzégovine à le respecter et à s’engager au maximum avec lui et son Bureau. Elle a souhaité de plus grands progrès dans la réalisation du programme « 5 plus 2 » dont la mise en œuvre reste la condition préalable convenue pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant. La représentante a exprimé sa préoccupation face à la rhétorique conflictuelle et négative qui ne fait qu’approfondir les divisions existantes et diminuer les perspectives de réconciliation. Elle a appelé toutes les parties à rejeter une telle rhétorique et à s’abstenir de toute nouvelle action unilatérale visant à saper la Bosnie-Herzégovine. Selon elle, il ne peut y avoir de place dans la Bosnie-Herzégovine moderne pour la glorification des criminels de guerre et la négation du génocide.
Mme Byrne Nason a dit soutenir pleinement la perspective européenne de la Bosnie-Herzégovine, avant d’appeler à l’accélération de la mise en œuvre des réformes nécessaires à l’adhésion à l’UE. En outre, malgré la législation existante, elle a relevé que la participation des femmes en politique reste faible. Elle a donc exhorté les autorités à assurer le développement de mécanismes efficaces pour l’application de quotas afin d’améliorer la représentation politique des femmes. Elle a souhaité que les prochains rapports du Haut-Représentant accordent une place à cette question. De plus, des progrès sont nécessaires dans la réforme du cadre électoral pour répondre aux normes européennes et garantir à tous les citoyens l’exercice de leurs droits politiques, a-t-elle considéré, regrettant qu’il n’y ait aucun mouvement vers un accord sur ces questions avant que le pays ne passe en mode électoral complet en 2022. Des progrès sont également nécessaires sur les 14 priorités de réforme clefs énoncées dans l’avis de la Commission européenne, en particulier sur l’état de droit. Ceci est essentiel pour restaurer la confiance des citoyens dans le système judiciaire, a-t-elle expliqué, ajoutant que la Bosnie-Herzégovine n’avancera sur la voie de l’adhésion à l’UE que lorsqu’elle aura mis en œuvre cette masse critique de réformes.
Mme HALIMAH AMIRAH FARIDAH DESHONG (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a exprimé sa préoccupation face aux événements politiques récents qui menacent, selon elle, la stabilité et sapent les progrès accomplis au cours des 26 années écoulées. Elle a demandé à tous les chefs de file politique d’agir activement pour saisir les opportunités communes et entamer un dialogue fructueux en vue de réformes, notamment sur les plans politique, socioéconomique et électoral. Elle a encouragé les dirigeants à honorer leurs engagements en vertu de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, pilier fondamental de consolidation de la paix et de la stabilité. La Bosnie-Herzégovine devrait également s’entraider pour remédier aux conséquences de la pandémie COVID-19, a-t-elle ajouté.
Mme DeShong s’est également alarmée de l’escalade de propos qui sèment la discorde, glorifient les criminels de guerre, et incitent à des actes ciblant la Constitution du pays, ce qui ne fait qu’éroder les jalons significatifs posés pour l’édification de la nation. Elle a insisté pour que les parties améliorent l’état de droit, s’attaquent à la corruption et assainissent le climat politique général dans le pays. Elle a également encouragé les dirigeants à mettre de côté les différends; à œuvrer avec les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, en vue de la pleine application de l’Accord de paix de Dayton et des objectifs et conditions figurant dans le programme « 5 plus 2 ».
Mme FARREY (Royaume Uni) a salué le renouvèlement pour 12 mois de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), insistant sur le rôle vital qu’elle joue dans le contexte de l’environnement trouble actuel. Elle a constaté que le rapport du Haut-Représentant dresse un tableau sombre de la situation qui vient confirmer la plus grande menace existentielle que connaît la Bosnie-Herzégovine depuis l’après-guerre. Elle s’est notamment déclarée profondément préoccupée par les rhétoriques et les actes clivants des représentants de la Republika Srpska. Même si ces actes sont antérieurs à l’amendement, par l’ancien Haut-Représentant, du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine dans le but de pénaliser le déni du crime de guerre génocidaire et la glorification des criminels de guerre, « cet amendement semble avoir été le prétexte à une escalade depuis lors ».
Mme Farrey s’est insurgée contre la tentative de reconstituer l’armée de la Republika Srpska et de se retirer des institutions étatiques, alertant que cela reviendrait à sortir la Republika Srpska de l’ordre constitutionnel établit pas l’Accord de paix de Dayton et à remettre en cause 26 ans de paix. Ces actes ne sont rien de moins qu’une tentative de manigancer une sécession de la Bosnie-Herzégovine, s’est-elle alarmée. Vu la situation politique, il est plus vital que jamais que le Conseil de sécurité exprime clairement son soutien à la mise en œuvre des Accords de Dayton, ainsi qu’à l’EUFOR ALTHEA et au rôle du Haut-Représentant, a-t-elle estimé. La représentante a par ailleurs rejeté toute tentative de miner le mandat du Haut-Représentant ou de fermer son bureau prématurément. Selon elle, de tels agissement ne sont pas motivés par un quelconque intérêt envers le peuple de la Bosnie-Herzégovine, mais visent à saper la sécurité régionale et à faire obstacle à l’entrée de la Bosnie-Herzégovine dans la zone euro-atlantique.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a, tout en saluant la poursuite du travail de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), regretté qu’il n’ait pas été possible de passer à un texte plus substantiel. Un tel texte aurait, selon elle, envoyé un signal aux acteurs en Bosnie-Herzégovine pour qu’ils restent engagés dans le processus de transition vers un pays européen pacifique, orienté vers les réformes. Les autorités de Bosnie-Herzégovine doivent prendre les mesures nécessaires pour remplir les conditions du programme « 5 plus 2 », a insisté la représentante, expliquant que ce n’est qu’à ce moment-là que le Bureau du Haut-Représentant pourra être fermé et que la supervision internationale de la Bosnie-Herzégovine pourra cesser progressivement. Cependant, a-t-elle regretté, « nous n’en sommes pas encore là ». Des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire.
À cet égard, elle s’est dite préoccupée par la crise politique actuelle en Bosnie-Herzégovine. « Il est dans l’intérêt de tous de suivre une voie pacifique et constructive, qui conduise à une réconciliation durable, plus de 25 ans après la guerre », a recommandé la déléguée.
C’est, aux yeux de la Norvège, une condition préalable au développement et à la prospérité. Pourtant, l’impasse politique actuelle est destructrice, a-t-elle regretté. Dans le même ordre d’idées, elle a préconisé de renforcer la mise en œuvre des réformes, notamment en ce qui concerne l’état de droit et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est temps pour toutes les parties de jouer un rôle constructif pour sortir de l’impasse à travers le dialogue, a-t-elle lancé, appelant toutes les parties à garantir la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les aspects de ce dialogue et de la consolidation de la paix.
Pour finir, la déléguée a fait part du plein soutien de son pays à la souveraineté, l’intégrité territoriale et la structure fondamentale de la Bosnie-Herzégovine, en tant qu’État souverain unique, composé de deux entités, la Norvège étant disposée à poursuivre son engagement avec tous
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) s’est félicitée du renouvellement du mandat de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR-ALTHEA), avant de noter que la Bosnie-Herzégovine se trouve à « un moment critique de l’histoire de l’après-guerre ». La représentante s’est ensuite concentrée sur trois points, à savoir la rhétorique dangereuse, la nécessité de financer et de protéger le Bureau du Haut-Représentant, et enfin la réforme électorale et la lutte contre la corruption. Dans ce contexte, elle s’est déclarée préoccupée par les déclarations de M. Milorad Dodik, Président de la République serbe de Bosnie- Herzégovine de 2010 à 2018 et membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine depuis 2018. Ce dernier évoque de plus en plus fréquemment un possible retrait de la Republika Srpska de la Fédération de Bosnie-Herzegovine et de ses efforts pour rédiger une nouvelle constitution pour la Republika Srpska. De de telles déclaration sont « une voie dangereuse » pour la région et constituent une « menace sérieuse » pour l’architecture de Dayton, qui a réussi à préserver la paix jusqu’à présent, a-t-elle mis en garde.
Concernant le Bureau du Haut-Représentant, Mme Thomas-Greenfield a appelé tous les contributeurs à contribuer à son budget, dans le contexte où il a, en moyenne, baissé de 7% par an au cours des dernières années. Les membres du Conseil de mise en œuvre de la paix doivent financer ce bureau afin de lui permettre de faire son travail, a-t-elle plaidé. La représentante a, enfin, demandé que des mesures soient prises en matière de réforme électorale et de lutte contre la corruption afin que la Bosnie-Herzégovine puisse avancer sur la voie de l’intégration à l’Union européenne. « La corruption est à la fois antidémocratique et constitue l’étincelle qui déclenche l’instabilité. Le peuple de Bosnie-Herzégovine mérite mieux », a conclu la représentante.
M. PRATIK MATHUR (Inde) a remercié le Haut-Représentant, M. Christian Schmidt, pour son rapport couvrant la période allant du 16 avril au 15 octobre 2021, avant de juger qu’il importe que toutes les parties adoptent une approche de conciliation et travaillent étroitement au règlement de toutes les questions contentieuses. Il a estimé que l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine constitue une base pour trouver des solutions concernant le règlement du conflit interethnique par le biais d’un dialogue entre les parties reposant sur l’égalité, le respect mutuel, le compromis et le consensus. Il a précisé qu’en tant que mécanisme institutionnel ad hoc, le Bureau du Haut-Représentant a supervisé la mise en œuvre des aspects civils de l’Accord et qu’il lui revient de poursuivre, de manière objective, son travail avec toutes les parties pour que la confiance prenne le pas sur les obstacles.
Le représentant de l’Inde a aussi noté que, comme ledit Bureau est un mécanisme intérimaire, il est fondamental que l’application du programme « 5 plus 2 » demeure une priorité majeure. Il a prévenu que si le nouveau Haut-Représentant n’agit pas diligemment face à la situation politique émergente, cela risque d’avoir un impact négatif sur la mise en œuvre de l’Accord de paix. « Il faut que le nouveau Haut-Représentant promeuve la cohésion et la compréhension mutuelle entre toutes les parties. » Il a également espéré que le différend actuel entre les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix concernant le Bureau du Haut-Représentant pourra être résolu par consensus et grâce à un engagement constructif.
M. ALI CHERIF (Tunisie) s’est préoccupé des développements politiques survenus depuis le mois de juillet dernier, pointant notamment l’obstruction du travail des institutions. De même, il a exprimé son inquiétude concernant la « rhétorique péjorative à caractère ethnique », alertant que celle-ci ne fera qu’exacerber les divisions existantes et entraver le processus de réconciliation en Bosnie-Herzégovine.
Il a réaffirmé la nécessité de préserver la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’ordre constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine, exhortant à éviter tout comportement qui viendrait saboter les réformes et menacer l’unité de ce pays. Il a également appelé toutes les parties à s’éloigner des discours clivants qui ne feront qu’approfondir les divisions ethniques nationales et menacer la paix.
M GENG SHUANG (Chine) a déploré que peu de progrès aient eu lieu sur le terrain. Il a rappelé que les questions touchant la Bosnie-Herzégovine doivent être réglées en priorité par le peuple et que les parties doivent appliquer à la lettre tous les Accords de Dayton. Il a rappelé l’importance de la souveraineté du pays et prié la communauté internationale de ne pas tenter d’imposer des solutions extérieures.
Le représentant chinois a insisté sur le fait que le Conseil de sécurité a un rôle à jouer dans la nomination du Haut-Représentant et que cette pratique doit être acceptée. Il a également fait observer que cette fonction correspond à un système issu d’une époque particulière et a appelé à prendre en compte l’évolution qui a eu lieu depuis lors.
Il s’est félicité de la contribution de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA) en particulier au déminage, pour ensuite évoquer l’aide apportée par la Chine en matière de vaccins. Il a rappelé l’importance de respecter l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine et appelé à la sagesse des parties pour la paix et le développement.
M. ABDOU ABARRY (Niger) a déploré le climat politique délétère qui prévaut en Bosnie-Herzégovine, avertissant que s’il se prolongeait, cela constituerait une menace sérieuse, non seulement pour les fondements de l’Accord-cadre général pour la paix mais aussi, la stabilité institutionnelle. Il a exhorté les parties au respect strict de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, de l’ordre constitutionnel et de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ainsi qu’à faire montre de volonté politique en vue de créer les conditions propices à une désescalade des tensions. Il a par ailleurs estimé que la question des réformes électorales est un sujet à propos duquel tous les acteurs devraient adopter un comportement exemplaire pour éviter de compromettre les futurs processus électoraux avant leur échéance.
Exprimant sa profonde préoccupation quant à l’enlisement de la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 », M. Abarry a encouragé les parties à observer les obligations qui leur incombent en la matière et à œuvrer pour que des avancées notables soient enregistrées dans la mise en œuvre dudit Agenda. Il a aussi appelé à des mesures appropriées pour le retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées, avant d’exhorter les parties à privilégier le dialogue.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a relevé que la situation politique en Bosnie-Herzégovine est aggravée par « les actions irresponsables d’un certain nombre de forces extérieures ». En conséquence, toutes les réalisations du processus, long et difficile, de la réconciliation interethnique sont gravement menacées, a-t-il regretté. En tant que l’un des garants des Accords de Dayton, la Fédération de Russie ne peut rester indifférente à ce qui se passe, a dit le représentant. « Nous ne tolérerons pas l’attitude dédaigneuse envers la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine dont font preuve nombre de nos confrères », a-t-il dit, avant de dénoncer également cette attitude de gardien qui a le droit de dicter aux Bosniens comment ils devraient construire leur État et gouverner leur pays.
La « quintessence » de l’attitude protectionniste de nos collègues occidentaux est devenue un « tapage » disgracieux autour du Bureau du Haut-Représentant en Bosnie-Herzégovine, a constaté M. Nebenzia. Le délégué a rappelé que l’ancien Haut-Représentant, M. Valentin Inzko, à la fin de son mandat, imaginait qu’à la manière d’un autocrate bosniaque autoproclamé, il avait le droit d’introduire certaines modifications au Code pénal de Bosnie-Herzégovine, contrairement à l’avis de partis bosniaques. Bien entendu, un tel « arbitraire inouï » a immédiatement mis de l’huile sur le feu, provoquant une nouvelle vague de contradictions et de polémiques néfastes entre les peuples du pays qui ne s’étaient pas encore totalement remis des conséquences du conflit, a souligné le représentant.
M. Nebenzia a relevé que « des collègues, contournant le Conseil de sécurité, ont tenté de nommer M. Christian Schmidt comme Haut-Représentant ». Cela a été fait sans cérémonie, en violation du droit international et de la pratique établie de nomination à ce poste, a-t-il noté. Selon lui, « il n’y a pas d’illusions: ce poste reste vacant ». Il n’y a pas de Haut-Représentant ou de candidat à ce poste aujourd’hui, a-t-il tranché. Il a donc dénoncé le fait que le document relatif à la réunion de ce jour soit intitulé « Rapport du Haut-Représentant ». Pour M. Nebenzia, le Conseil de sécurité n’a aucune raison d’accepter et d’examiner « des lettres d’individus ». Sinon, l’autorité du Conseil de sécurité et de l’ONU, dans son ensemble, pourrait en souffrir de la manière la plus grave, a-t-il prévenu. Il a ainsi annoncé que la Fédération de Russie n’a pas l’intention de discuter du contenu dudit document, d’autant plus qu’il est « partisan et anti-serbe » et ne vise qu’à « piétiner tout germe d’entente mutuelle, de paix et de coopération entre les peuples vivant en Bosnie-Herzégovine ».
Il a proposé de prendre connaissance du rapport alternatif de la Republika Srpska, diffusé sous la cote S/2021/910. Le Bureau du Haut-Représentant, selon ce rapport, est devenu la source d’un immense problème qui menace tout le dispositif de Dayton en Bosnie-Herzégovine. Pourquoi essayez-vous d’enterrer une paix fragile dans un pays situé au centre même de l’Europe? a lancé le représentant russe à l’endroit de « ses collègues qui promeuvent des desseins illégitimes afin de préserver le Haut-Représentant et ses fonctions essentiellement dictatoriales ».
Par ailleurs, M. Nebenzia a regretté la « diabolisation uniquement des Serbes de Bosnie », ces derniers temps, déduisant que l’objectif final est de réviser le dispositif de Dayton. Il a aussi dénoncé la menace d’appliquer des sanctions unilatérales qui sont illégales. Il a dit être convaincu que le gage du processus de réconciliation ethnique est le dialogue entre les Bosniens, sans ingérence extérieure et sur un pied d’égalité.
M. Nebenzia a, en outre, dit que la tâche urgente est de garantir la représentativité dans les instances gouvernementales à tous les niveaux. L’imposition de « recettes » extérieures comme la nomination de représentants spéciaux sur cette question est contre-productive et ne peut que tout compliquer, a-t-il estimé. Après 26 ans d’examen de ce dossier par le Conseil de sécurité, il a appelé à un dialogue concret et basé sur les intérêts de l’ensemble de la société bosnienne et de la région, sur un retrait rapide du mécanisme de tutelle externe sur la Bosnie-Herzégovine. Il faut aussi apporter au pays une aide constructive à la réconciliation nationale, a-t-il conclu, en insistant sur les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine et de l’égalité de droits de trois peuples constitutifs et de deux entités, avec des larges compétences.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a exhorté toutes les parties à travailler ensemble non seulement pour assurer le plein respect de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, mais aussi pour progresser sur les cinq objectifs et les deux conditions pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant. Se disant préoccupé par la persistance de la « rhétorique polarisante et non constructive », y compris par les menaces de sécession via le retrait d’institutions communes, il a jugé essentiel que les dirigeants évitent toute action susceptible de provoquer des divisions et d’éroder la confiance.
Le représentant a donc appelé les autorités de Bosnie-Herzégovine à ouvrir la voie à un dialogue constructif et à recentrer leurs efforts sur des « actions unificatrices » qui renforcent la confiance pour tous ses habitants, quelle que soit leur identité. Dans ce cadre, a-t-il dit, les dirigeants politiques doivent unir leurs efforts pour mener à la reprise du fonctionnement des institutions de Bosnie-Herzégovine et faire progresser la réconciliation et la compréhension mutuelle, tout en évitant la rhétorique négative et les discours de haine qui ne servent qu’à saper la mise en œuvre de l’Accord de paix.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a exprimé son soutien envers le renouvellement pour 12 mois de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA) en soulignant sa forte contribution à la sécurité en Bosnie-Herzégovine, en particulier dans la situation de crises politiques que traverse le pays, mais il a regretté l’absence de références au Bureau du Haut-Représentant, aux résolutions antérieures et aux perspectives d’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine. Il a ainsi déploré que le Conseil de sécurité n’ait pu réitérer ses positions sur ces éléments importants. M. Jürgenson a rappelé l’importance du travail du Haut-Représentant pour réduire les risques qui pèsent sur la stabilité et remercié « M. Christian Schmidt pour son rapport complet et sincère ». Exprimant son inquiétude à propos des crises politiques et du blocage des institutions de l’État, il a exhorté les parties à éviter qu’il n’y ait plus de divisions et de déstabilisation. Des solutions sont possibles par le dialogue et le retour des institutions, a-t-il plaidé.
M. Jürgenson a confirmé son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine et à l’aspiration de ses citoyens à l’entrée dans l’Union européenne (UE). Il a rappelé que les dirigeants doivent toujours « placer en premier l’intérêt de leur peuple » et ainsi avancer vers la mise en place des 14 priorités présentées par la Commission européenne. Il a appelé les dirigeants bosniens à se concentrer sur la réforme électorale et constitutionnelle qui permet la mise en œuvre des importantes décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et s’est félicité des changements positifs survenus dans le District de Brcko. Il a aussi encouragé les autorités à appliquer la Stratégie nationale de poursuite des crimes de guerre, en particulier au moment où se poursuit la rhétorique nationaliste, facteur de divisions dans le pays. Il a souhaité que la Bosnie-Herzégovine investisse plus dans le combat contre la violence envers les femmes en appliquant le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, avant de louer la mise en place du projet Dialogue pour le futur des Nations Unies. Pour finir, M. Jürgenson a appelé à une accélération des vaccinations contre la COVID-19, facteur de reprise économique, en mentionnant la donation de 1,3 million de doses de vaccins à la Bosnie-Herzégovine par l’UE.
M HAI ANH PHAM (Viet Nam) s’est inquiété de la volatilité de la situation en Bosnie-Herzégovine et a appelé à s’écarter des discours incendiaires. Il a exhorté l’ensemble des parties à œuvrer de concert pour surmonter leurs différends, notamment en ce qui concerne l’interprétation et la mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton, priant, en outre, la communauté internationale de favoriser le dialogue. Il a également plaidé pour le respect de la souveraineté et l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Il a, par ailleurs, insisté sur le rôle des organisations régionales, dont l’aide est également essentielle pour un progrès tangible.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) s’est félicité de l’adoption à l’unanimité de la résolution renouvelant le mandat de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), et du rôle fondamental de stabilisation que cette force multinationale joue sur le terrain. En revanche, il a exprimé son inquiétude devant la paralysie institutionnelle en Bosnie-Herzégovine, soulignant à cet égard que la coopération et le dialogue sont les piliers de la coexistence et du fonctionnement d’un État de Bosnie-Herzégovine caractérisé par sa richesse ethnique, linguistique et religieuse. Estimant que le cadre institutionnel n’a cessé de se renforcer au fil des 20 dernières années, il a espéré qu’il servira pour orienter les parties dans leur projet commun. Pour cette raison, il convient de progresser dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » et de mener des réformes constitutionnelles et électorales, a plaidé le représentant, en appelant à promouvoir la cohésion, les échanges et la coopération entre les communautés. Il a toutefois déploré qu’à cause de tensions internes, la chambre des représentants n’ait pas été en mesure de pleinement exercer ses fonctions législatives. Il a lancé un appel à toutes les parties afin qu’elles s’engagent et participent de façon constructive à la consolidation de la démocratie et du développement durable de la Bosnie-Herzégovine.
M. de la Fuente a formé le vœu que le nouveau Gouvernement de la Fédération soit désigné, tâche en attente depuis les élections de 2018. Le fonctionnement et l’opérationnalisation des institutions étatiques ne sauraient être otages des objectifs contraires au projet de coexistence et d’unité nationale, a-t-il commenté. Il a rejeté par ailleurs toute initiative ou tentative de faire revivre les discours de haine, de négationnisme du génocide ou des crimes de guerre, ou d’exonération de ceux qui ont été condamnés pour crimes de guerre. Le représentant mexicain a aussi mis l’accent sur le rôle important des femmes et des jeunes dans les processus de réconciliation et d’inclusion sociale. En conclusion, il a souligné que la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » est la meilleure voie pour jeter les bases de l’achèvement des tâches du Bureau du Haut-Représentant.
M. SVEN ALKALAJ (Bosnie et Herzégovine) a salué la prorogation d’EUFOR-ALTHEA, en soulignant le respect et la coopération dont elle a fait preuve. Le représentant a estimé que la Bosnie-Herzégovine fait face à sa plus grande « menace existentielle » après la guerre. Il a parlé d’une menace qui pourrait conduire à l’érosion de l’Accord de paix de Dayton et a accusé la Republika Srpska de vouloir faire valoir un droit à recouvrer ses prérogatives s’agissant des questions judiciaires, du maintien de l’ordre et des services de renseignement. Cela veut dire, a alerté le représentant, que la Republika Srpska veut retirer ses forces de l’Armée nationale, ce qui constituerait un recul de 15 ans, avec les risques que l’on sait pour le rétablissement de la confiance et de la sécurité.
La politique de la Republika Srpska, a encore accusé le représentant, est de compromettre des réformes chèrement acquises. Il s’agit pour elle, a-t-il estimé, de compromettre la mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton mais aussi de l’annihiler. Cette politique ne peut que paralyser l’État dans ses efforts pour consolider ses institutions. Le comportement de la Republika Srpska, a poursuivi le représentant, empêche le Président de déployer les Forces armées dans le sud du pays. Il a aussi dénoncé une loi de la Republika Srpska, entrée en vigueur au début du mois d’octobre, qui rend non applicables chez elle les décisions du Haut-Représentant.
M. OLOF SKOOG de l’Union européenne s’est réjoui du renouvellement du mandat de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR-ALTHEA), compte tenu de son importance pour le maintien de la sécurité et d’un environnement stable. L’Union européenne observe cependant qu’en dépit des mesures prises en 2020, par les autorités de Bosnie-Herzégovine pour répondre aux principales priorités, notamment l’organisation des élections locales à Mostar pour la première fois depuis 2008, les dirigeants sont revenus à une rhétorique nationaliste et une obstruction qui divisent, entraînant une grave crise politique. Le récent blocage des institutions de l’État est « inacceptable » et freine l’ensemble du processus de réforme, a fustigé le représentant qui a recommandé aux dirigeants politiques de sortir de l’impasse en priorité et de se recentrer sur les réformes. À ce titre, l’Union européenne attend de la Bosnie-Herzégovine qu’elle veille à ce que les prochaines élections se déroulent conformément aux normes européennes, notamment en ce qui concerne la transparence du financement des partis politiques, a-t-il rappelé.
Le représentant de l’Union européenne a regretté par ailleurs que la Constitution de la Bosnie-Herzégovine ne soit toujours pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à la décision rendue dans l’affaire Sejdić-Finci et les affaires connexes. Il a exhorté les autorités à travailler avec détermination à la mise en œuvre des 14 priorités clefs, en particulier pour renforcer l’état de droit, l’indépendance et l’intégrité de la justice, lutter contre la corruption et le crime organisé, lutter contre la radicalisation ainsi que garantir l’indépendance des médias, la sécurité des journalistes, l’emploi, l’éducation des jeunes et l’égalité des sexes. M. Skoog a condamné fermement les discours visant à remettre en question l’intégrité territoriale du pays et les institutions de l’État et dit attendre des responsables politiques qu’ils mettent un terme à ces discours et actions qui ne font que contribuer à alimenter la crise politique.
M. Skoog a rappelé, en outre, que le révisionnisme, notamment la minimisation ou le négationnisme du génocide de Srebrenica, et la glorification des criminels de guerre contredisent les valeurs de l’UE et sont incompatibles avec la perspective d’intégration. Il a salué les mesures « tangibles » prises pour améliorer la gestion de la migration et de l’asile en Bosnie-Herzégovine. Ces efforts doivent être poursuivis et renforcés, en tenant compte aussi de la nécessité d’un partage équitable des responsabilités entre les entités et les cantons en ce qui concerne les capacités d’hébergement ou de gestion des frontières. Sur un autre plan, l’Union européenne, qui a développé un plan économique d’investissement et livré plus de 1,3 million de doses de vaccins à la Bosnie-Herzégovine, est prête à fournir un soutien supplémentaire, a assuré le représentant. Il a, enfin, réaffirmé son attachement « sans équivoque » à la souveraineté, à l’unité, à l’intégrité territoriale et à la diversité multiethnique de la Bosnie-Herzégovine. « C’est notre position ferme et inchangée. »
M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a fait part de la détermination de son pays à travailler en étroite collaboration avec la Mission ainsi qu’avec le Bureau du Haut-Représentant. Il a souhaité que cette réunion contribue à apaiser les tensions en Bosnie-Herzégovine, et ne « jette pas de l’huile sur le feu ». Le non-respect actuel de la Constitution, le blocage des institutions et l’absence de progrès dans les réformes électorales et autres réformes nécessaires sont extrêmement préoccupants pour M. Šimonović qui a souligné l’importance de surmonter ces défis pour le pays, ainsi que pour la stabilité des Balkans occidentaux, « de plus en plus turbulents ».
Le représentant a réitéré son soutien à une Bosnie-Herzégovine stable, pacifique et prospère ainsi qu’à son intégration à l’UE. En tant que signataire de l’Accord-cadre général de paix en Bosnie-Herzégovine, la Croatie reste un fervent partisan de la Bosnie-Herzégovine en tant qu’État souverain, fondé sur l’égalité de ses trois peuples constitutifs et de tous les citoyens. Or, la loi électorale actuelle et la pratique électorale ne prévoient pas cette égalité, a-t-il déploré, citant, à titre d’exemple, le cadre électoral qui prive les Croates de Bosnie-Herzégovine de leur droit d’élire leur représentant légitime à la présidence de l’État. Il a décrié cette situation inacceptable et demandé qu’elle soit modifiée, arguant qu’elle affaiblit et prive de leur légitimité les principales institutions de l’État. « Nous soutenons donc fermement les changements législatifs nécessaires pour que la loi électorale soit conforme aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et aux décisions pertinentes de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, en particulier l’affaire Ljubić », a martelé M. Šimonović.
Les changements apportés à la loi électorale et à la configuration constitutionnelle du pays devraient être, selon lui, le résultat d’un dialogue démocratique au sein de la Bosnie-Herzégovine, respectant pleinement les droits de tous les peuples constitutifs et des autres citoyens. Ce n’est qu’ainsi que la Bosnie-Herzégovine, ses peuples et tous les citoyens pourront obtenir ce dont ils ont réellement besoin: des institutions légitimes et opérationnelles qui ne seront ni manipulées, ni bloquées, a résumé M. Šimonović. Afin de garantir la légitimité des élections générales de 2022, il a souhaité que le consensus sur la réforme électorale soit atteint le plus rapidement possible. Le succès de la réforme électorale permettrait, selon lui, d’apaiser les tensions politiques et aiderait le pays à se concentrer sur ses priorités, telles que la lutte contre la corruption et la mise en œuvre d’autres réformes prévues par le programme d’adhésion à l’UE. Dans le cas contraire, a-t-il averti, les jeunes et les personnes instruites continueront à partir en raison de l’insécurité politique, de la mauvaise situation économique et du manque général de perspectives.
Pour finir, M. Šimonović a appelé les partenaires internationaux à se joindre aux efforts pour contribuer à la stabilité de la Bosnie-Herzégovine et promouvoir les réformes nécessaires, notamment du système électoral. Ce dont le pays a besoin, c’est plus de transparence, de coopération, de dialogue démocratique et de compromis, et de beaucoup moins de politique, y compris de manipulations électorales, de divisions et de décisions unilatérales, a-t-il conclu.
M. NEMANJA STEVANOVIĆ (Serbie) a tout d’abord relevé que cette réunion se tient à un moment « très délicat » pour la Bosnie-Herzégovine comme pour toute la région. Il a ainsi indiqué que son pays a récemment été confronté aux « actions unilatérales » des institutions provisoires de l’administration autonome de Pristina, qui constituent, selon lui, une « menace directe » pour la paix et la stabilité régionales. Dans ce contexte, il a appelé toutes les parties en Bosnie-Herzégovine à agir de manière responsable, conformément à l’Accord de paix de Dayton, et de faire preuve de retenue. Selon lui, le mécanisme régissant une modification potentielle de l’Accord est « clairement défini » et nécessite le consentement des deux entités et des trois peuples constitutifs. Par conséquent, toute tentative par l’une ou l’autre partie d’imposer une solution est « inacceptable pour la Serbie ».
Jugeant que le dialogue au sein des institutions de Bosnie-Herzégovine est le seul moyen d’instaurer la confiance et de parvenir à une solution de compromis sur les questions importantes pour le développement futur du pays, le représentant a également estimé que les décisions relatives au travail du Bureau du Haut-Représentant doivent être prises dans un esprit de coopération, de respect mutuel de tous les acteurs concernés et avec le consensus des membres du Conseil de sécurité.
Le délégué s’est ensuite dit convaincu que la stabilité de la Bosnie-Herzégovine réside dans une « relation équilibrée » entre le gouvernement central et les entités. À cet égard, il a souligné qu’outre ses bonnes relations avec Sarajevo, la Serbie entretient des « relations harmonieuses » et une bonne coopération avec la Republika Srpska, conformément à l’Accord sur les relations parallèles spéciales de 2006. Il a également assuré que la Serbie soutient fermement tous les pays des Balkans occidentaux dans leurs efforts pour rejoindre l’Union européenne et entend contribuer à l’accélération du processus d’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine.
M. Stevanović a par ailleurs affirmé que son pays respecte pleinement le droit de chaque pays à avoir une politique étrangère indépendante, y compris son droit de rejoindre des alliances militaro-politiques. Sur cette base, il a ajouté qu’en tant que garante de l’Accord de paix de Dayton, la Serbie soutiendra tout accord ou arrangement conclu « d’une manière légale et légitime » par deux entités, « c’est-à-dire par les trois peuples constitutifs ».
Enfin, évoquant la résolution sur le renouvellement du mandat de la mission de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR ALTHEA), qui vient d'être adoptée par le Conseil, le représentant a estimé que le nouveau libellé faisant référence à la « situation dans la région de l’ex-Yougoslavie » n’est pas approprié dans le contexte actuel, « car il a été utilisé dans les années 1990 et contient des connotations négatives ». « Ce chapitre de notre histoire est clos et tous les pays ont avancé », a-t-il conclu, souhaitant que ce libellé ne soit pas utilisé en relation avec la situation sécuritaire actuelle dans la région.