Conseil de sécurité: la Représentante spéciale pour l’Afghanistan appelle les Taliban à démontrer qu'ils sont attachés à la sécurité et à la prospérité du peuple afghan
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan a déclaré, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que le moment était venu pour les Taliban de démontrer clairement au peuple afghan qu’ils sont attachés à chacun d’entre eux et à garantir leur sécurité, leurs libertés, leur santé, leur éducation et leur prospérité.
« Les manifestations qui ont court dans tout le pays démontrent que si les Taliban ont conquis le pouvoir, ils n’ont pas encore acquis la confiance de tout le peuple afghan », a-t-elle notamment estimé.
Au cours de cette séance, marquée par l’intervention de Mme Wazhma Frogh, du Réseau afghan des femmes artisanes de la paix, et de la prix Nobel de la paix Malala Yousafzai, Mme Deborah Lyons a également alerté du risque de crise imminente que représentent les milliards d’avoirs et de fonds de donateurs qui ont été gelés par des membres de la communauté internationale afin qu’ils ne tombent pas entre les mains de l’administration de facto des Taliban. Elle a averti que ce gel risque de provoquer un grave ralentissement économique qui pourrait plonger des millions de personnes dans la pauvreté et la faim, générer une vague massive de réfugiés afghans et faire reculer l’Afghanistan pour des générations.
Un moyen doit être trouvé rapidement pour permette à l’argent d’affluer vers l’Afghanistan pour éviter un effondrement total de l’économie et de l’ordre social, a plaidé la Représentante qui a souhaité que l’économie puisse être relancée pour quelques mois, « afin de donner aux Taliban la chance de démontrer leur flexibilité et une réelle volonté de faire les choses différemment cette fois-ci, notamment en ce qui concerne les droits humains, le genre et la lutte contre le terrorisme ».
La Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a également indiqué que la composition du gouvernement intérimaire des Taliban, annoncé il y a deux jours, va appeler le Conseil à décider des mesures à prendre au sujet de la Liste des sanctions sur laquelle figure nombre des 33 membres du cabinet, y compris le Premier Ministre, les deux Vice-Premiers Ministres et le Ministre des affaires étrangères. Elle a également déploré le fait qu’aucune femme n’a été désignée dans ce gouvernement qui ne compte pas de membres non Taliban, pas de personnalités du gouvernement précédent ou de dirigeants reconnus de groupes minoritaires.
Rappelant que le Conseil s’est à plusieurs reprises engagé à ne pas reconnaître un gouvernement d’exclusion, le représentant de l’Afghanistan a appelé à faire pression sur les Taliban pour qu’ils ouvrent la voie à un gouvernement inclusif et à refuser toute reconnaissance de l’administration annoncée jusqu’à ce qu’ils forment un véritable gouvernement inclusif et tracent une ligne rouge fondamentale concernant le traitement des femmes et des filles et le respect des droits de tous les Afghans. Le délégué afghan a aussi appelé le Conseil à réévaluer l’octroi des exemptions d’interdiction de voyager aux dirigeants Taliban figurant sur la liste des sanctions, affirmant que ces derniers utiliseront ce mécanisme à mauvais escient dans le but d’obtenir une reconnaissance internationale de leur gouvernement non inclusif.
Dans une intervention marquée par l’émotion, Mme Wazhma Frogh a témoigné de la situation des femmes afghanes, dont « la vie a basculé depuis le 15 août ». Elle a alerté que les femmes fonctionnaires ont reçu l’ordre de rester chez elles et que des milliers de travailleuses d’ONG se cachent, tandis que les filles de plus de 12 ans ne vont plus à l’école. « Notre État moderne n’avait que 20 ans, mais nous avions 500 femmes juges et procureurs, ainsi que 12 000 femmes dans la police et l’armée. Aujourd'hui, elles se cachent, craignant pour leur vie », s’est alarmée la militante qui a souhaité que le Conseil facilite une rencontre entre une délégation de femmes afghanes et les Taliban.
« Il faut envoyer un message clair et sans équivoque aux Taliban selon lequel une condition fondamentale de toute coopération avec eux est le respect du droit des filles à l’éducation », a renchérit Mme Malala Yousafzai, qui a témoigné de son enfance au Pakistan sous l’emprise de l’extrémisme et le terrorisme et plus particulièrement par sa prise pour cible délibérée par un tireur, alors qu’elle n’avait que 15 ans.
À l’instar du Ministre des affaires étrangères et de la défense d’Irlande, M. Simon Coveney, la vaste majorité des membres du Conseil de sécurité ont insisté sur l’importance de la participation pleine, équitable et significative des femmes et appelé au respect de leurs droits. Ils ont également été nombreux à appeler les Taliban à veiller à ce que tout Afghan ou étranger souhaitant quitter l’Afghanistan puisse le faire sans restriction. Les Taliban ont pris des engagements concrets sur ce point dans leur déclaration du 27 août 2021 et il est impératif qu’ils les respectent, en vertu notamment de la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité, a appuyé la France.
Les États-Unis ont invité le nouveau pouvoir à faciliter l’action des acteurs humanitaires et à respecter ses engagements, en particulier pour la protection des civils et le départ de ceux qui veulent quitter le pays. Ce faisant, les Taliban contribueront à la stabilité de la région, et les États-Unis ne travailleront avec eux qu’à ces conditions, a souligné la délégation avant d’affirmer que « la légitimité se gagne ».
À ce stade, rien ne sert de céder à la panique, a estimé pour sa part la Fédération de Russie pour qui le plus important est de se concentrer sur la fourniture de l’aide humanitaire. À ce sujet, de nombreuses délégations font part de leur appui à la réunion de haut niveau sur la situation humanitaire en Afghanistan qui sera convoquée le 13 septembre à Genève par le Secrétaire général.
La délégation russe s’est également préoccupée des tentatives de trouver « à la hâte » une solution au problème afghan, et a appelé à une approche équilibrée et réfléchie basée sur les leçons apprises. Répéter les erreurs de calcul passées coûtera beaucoup plus cher, a-t-elle averti. Deux jours avant le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre, la Fédération de Russie a par ailleurs signalé que l’activité terroriste risque de déborder d’Afghanistan et de mettre en danger la sécurité en Asie centrale, une préoccupation partagée par plusieurs États de la région, dont le Pakistan. Le Kazakhstan a annoncé de son côté qu’il avait accepté la demande de l’ONU de relocaliser le personnel de la MANUA à Almaty.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN - S/2021/75
Déclarations
Mme DEBORAH LYONS, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a déclaré qu’avec la chute de Kaboul le 15 août, la population de la ville et le peuple afghan ont été confrontés à une réalité nouvelle et, pour beaucoup, inquiétante. Elle a également estimé que les manifestations qui se sont déroulées dans tout le pays montrent que si les Taliban ont conquis le pouvoir, ils n’ont pas encore acquis la confiance de tout le peuple afghan. La nouvelle réalité est que la vie de millions d’Afghans dépendra de la façon dont les Taliban choisiront de gouverner, a-t-elle expliqué. Ceux qui espéraient et encourageaient l’ouverture seront déçus, a-t-elle avoué en évoquant la composition du gouvernement intérimaire. « Il n’y a pas de femmes dans la liste des noms annoncés », a-t-elle relevé, soulignant aussi qu’il n’y a pas de membres non Taliban, pas de personnalités du gouvernement précédent ou de dirigeants reconnus de groupes minoritaires. Il contient bon nombre des mêmes personnages qui faisaient partie de la direction des Taliban en 1996 et 2001. Et sur les 33 noms présentés, beaucoup figurent sur la Liste des sanctions des Nations Unies, y compris le Premier Ministre, les deux Vice-Premiers Ministres et le Ministre des affaires étrangères. « Vous devrez tous décider des mesures à prendre concernant la Liste des sanctions », a-t-elle indiqué au Conseil de sécurité.
La Représentante spéciale a signalé que la crise humanitaire préexistante, principalement dans les zones rurales, ne fait que s’aggraver. La résolution de cette crise ne peut pas attendre les décisions politiques concernant la levée des sanctions, a-t-elle martelé, notant que des millions d’Afghans ordinaires ont désespérément besoin d’aide. Il y a en outre des pays qui ont leurs propres sanctions qui s’appliquent à certains membres ou groupes qui font désormais partie de l’autorité de facto. Elle a dit attendre avec impatience la tenue le 13 septembre à Genève de la conférence de haut niveau sur la crise humanitaire dans le pays.
Mme Lyons a également attiré l’attention du Conseil de sécurité sur une autre crise imminente: celle des milliards d’avoirs et de fonds de donateurs qui ont été gelés par des membres de la communauté internationale afin qu’ils ne tombent pas entre les mains de l’administration de facto des Taliban. L’effet inévitable, cependant, sera un grave ralentissement économique qui pourrait plonger des millions de personnes dans la pauvreté et la faim, générer une vague massive de réfugiés afghans et faire reculer l’Afghanistan pour des générations, a-t-elle averti. Alors que la monnaie afghane s’effondrait, les prix du carburant et de la nourriture ont grimpé en flèche, a-t-elle expliqué. Dans le même temps, les banques privées n’ont plus d’argent à distribuer, ce qui signifie que même les Afghans possédant des actifs ne peuvent y accéder et les salaires ne peuvent être payés. L’Afghanistan est du reste fortement tributaire des importations et sera incapable de financer ses importations de nourriture et de médicaments, ainsi que de carburant, d’électricité et d’autres articles essentiels.
La responsable a plaidé pour qu’un moyen soit trouvé rapidement pour permette à l’argent d’affluer vers l’Afghanistan pour éviter un effondrement total de l’économie et de l’ordre social. Des garde-fous doivent également être trouvés pour s’assurer que cet argent est dépensé là où il doit l’être, et qu’il ne soit pas utilisé à mauvais escient par les autorités de facto. Elle a demandé que l’économie puisse être relancée pour quelques mois, afin de donner aux Taliban la chance de démontrer leur flexibilité et une réelle volonté de faire les choses différemment cette fois-ci, notamment en ce qui concerne les droits humains, le genre et la lutte contre le terrorisme.
Tout en faisant part de sa déception au sujet de la composition du « soi-disant cabinet intérimaire des Taliban », elle a tempéré en notant que la nouvelle réalité en Afghanistan est encore en train de se dessiner. À quelques exceptions près, les locaux des Nations Unies en Afghanistan ont été respectés. Nous sommes cependant de plus en plus préoccupés par le nombre croissant d’incidents de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de notre personnel national, a-t-elle dit, promettant de continuer à faire tout son possible pour soutenir le personnel et les protéger des dangers.
Elle s’est également inquiétée des allégations crédibles d’assassinats en représailles du personnel des forces armées et la détention de fonctionnaires qui travaillaient pour l’administration Ghani et des membres de leur famille.
Nous avons reçu des informations selon lesquelles des membres des Taliban effectuaient des perquisitions maison par maison et saisissaient des biens, en particulier à Kaboul, a-t-elle dit. Et tandis que les Taliban ont fourni de nombreuses assurances au sujet de la garantie des droits des femmes dans le cadre de l’Islam, de plus en plus d’informations indiquent que les Taliban ont interdit aux femmes d’apparaître dans les lieux publics sans chaperons masculins et ont empêché les femmes de travailler, a expliqué la Représentante spéciale. Les Taliban ont également limité l’accès des filles à l’éducation, ont démantelé les départements des affaires féminines dans tout l’Afghanistan et ont ciblé les ONG de femmes. En outre les Afghans qui manifestent contre le régime taliban sont la cible d’une violence croissante, caractérisée par des tirs autour des foules, des passages à tabac persistants, l’intimidation des médias et d’autres mesures répressives. Au lieu de cela, les Taliban devraient chercher à comprendre les griefs légitimes de ces nombreux Afghans qui craignent pour leur avenir, a-t-elle préconisé.
Malgré ces problèmes, nous pouvons peut-être encore façonner cette nouvelle réalité dans une direction plus positive, a-t-elle espéré. Lors de nos premiers engagements avec certains dirigeants taliban, nous avons reçu un message clair selon lequel ils ont besoin d’une assistance internationale, a-t-elle témoigné. Certains ont demandé de la patience et même des conseils alors qu’ils tentaient de passer d’une insurrection militaire à un gouvernement. Par ailleurs, de nombreux pays voisins s’inquiètent de la façon dont le régime taliban affectera leur propre sécurité, a indiqué Mme Lyons qui a cité, entre autres, l’effet d’un Daech élargi que les Taliban ne peuvent contenir, la perspective d’une vague de réfugiés, les conséquences de la quantité d’armes laissée en Afghanistan ou encore les répercussions de l’économie illégale et le flux de drogue en provenance d’Afghanistan. Mme Lyons a aussi insisté sur l’importance de la lutte contre le terrorisme, notant que des membres d’Al-Qaida restent en Afghanistan, « visiblement bien accueillis et abrités par les autorités talibanes de facto » et que Daech-Khorasan reste actif et pourrait se renforcer.
Elle a fait part de la détermination des Nations Unies à servir le peuple afghan et a souligné que cet engagement signifie de devoir dialoguer avec les Taliban sur les questions opérationnelles et de sécurité. Elle a ensuite exprimé son admiration pour le personnel des Nations Unies, national et international, qui se trouve actuellement en Afghanistan, confronté aux incertitudes quotidiennes. « Leur présence et leur persévérance sont la preuve de notre engagement à apporter notre soutien », a-t-elle indiqué. Au sujet du mandat de la MANUA qui doit être renouvelé dans une semaine environ, la Représentante spéciale a dit attendre les discussions en cours concernant le rôle de l’ONU en Afghanistan en cette période critique.
Le meilleur résultat, encore réalisable, selon elle, serait que les Taliban démontrent qu’ils cherchent à créer un Afghanistan où les gens ne vivent pas dans la peur, où ceux qui ont des talents sont invités à participer à la reconstruction de leur pays, et où garçons et filles, jeunes femmes et hommes, peuvent recevoir le type d’éducation qui permettra à ce développement de se poursuivre. Le moment est venu pour les Taliban de démontrer clairement au peuple afghan, à tout le peuple afghan, qu’ils sont attachés à chacun d’entre eux, à garantir leur sécurité, leurs libertés, leur santé, leur éducation et leur prospérité. De l’autre côté, il est clair que le peuple afghan aura encore besoin de ce Conseil et de la communauté internationale, a-t-elle conclu.
Mme WAZHMA FROGH, membre du Réseau afghan des femmes artisanes de la paix, a dit parler au Conseil de sécurité « le cœur brisé ». Elle a expliqué qu’il y a 20 ans, elle avait été inspirée par la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, qui s’adressait à des millions de femmes témoins de la guerre et soucieuses de bâtir la paix. Or, aujourd’hui, un nombre innombrable d’hommes, de femmes et d’enfants sont bloqués dans la vallée du Panshir après des semaines de bombardement, a-t-elle déploré. Cette semaine, le monde a vu des femmes et des hommes courageux d’Afghanistan descendre dans les rues de Kaboul et d’autres villes pour montrer leur angoisse face à la façon dont ils sont traités. Le droit de manifester leur est désormais retiré et l’accès à Internet est en train d’être limité. Pas plus tard qu’hier, a ajouté Mme Frogh, une jeune fonctionnaire du Ministère des affaires féminines, à présent inopérant, a dû brûler ses certificats de travail et d’éducation parce que les domiciles de militantes et d’employées du Gouvernement ont été perquisitionnés. Aujourd’hui, la meilleure chance de survie de cette jeune femme est de disparaître. Pourquoi? Parce que le monde ne nous a pas écoutés, nous les femmes, lorsque nous avons mis en garde contre l’absence de règlement politique et une prise de pouvoir militaire soudaine. Vous nous avez mis à l’écart lorsque nous avons demandé à nous asseoir aux tables de négociations en tant que bâtisseurs de la paix. Pourtant, a-t-elle relevé, notre travail a été la plus grande réalisation des 20 dernières années en Afghanistan.
Avec le Réseau afghan des femmes artisanes de la paix, qui comprend une centaine de membres dans 34 provinces de l’Afghanistan, Mme Frogh a dit avoir œuvré pour des programmes locaux de paix et de règlement des conflits pendant plus d’une décennie. Nous étions ceux qui prônaient des négociations de paix inclusives et significatives, a-t-elle relaté. Nous savions qu’un règlement politique avec la participation des Taliban serait nécessaire. Les femmes membres du Haut Conseil pour la paix de l’Afghanistan ont ainsi tendu la main aux communautés, aux mères des combattants sur le terrain et ont lancé le premier dialogue national. Nous avons travaillé à un cessez-le-feu et à un processus de paix national. Nous avons contacté les dirigeants locaux des Taliban et plaidé pour que les doléances de leurs jeunes et de leurs familles qui ont souffert soient également prises en compte. Nous voulions que les pourparlers de Doha aboutissent à un accord intérimaire et à un gouvernement de transition reflétant la vraie diversité de notre nation et conduisant à la participation démocratique. Mais, au bout du compte, nous avons été trahis par tous, y compris par les dirigeants du Gouvernement afghan.
Maintenant, a-t-elle poursuivi, les Taliban ont annoncé leur gouvernement intérimaire. Tous les membres sauf trois appartiennent à un seul groupe ethnique, ce qui signifie que seulement trois membres du cabinet représentent 60% de la population, soit 18 millions de personnes. De plus, a constaté la militante, « la vie des femmes a basculé depuis le 15 août ». Écartées de la gouvernance, elles ne peuvent plus aller travailler et les filles de plus de 12 ans ne vont plus à l’école. Dans ce contexte, a-t-elle indiqué, les femmes fonctionnaires ont reçu l’ordre de rester chez elles et des milliers de travailleuses des organisations non gouvernementales se cachent. Notre État moderne n’avait que 20 ans, mais nous avions 500 femmes juges et procureurs travaillant dans tout le pays. Nous avions 12 000 femmes dans la police et l’armée. Aujourd'hui, elles se cachent, craignant pour leur vie, a expliqué Mme Frogh. Face à tant de dégâts évitables et inutiles, elle a dit vouloir croire au pouvoir du Conseil de sécurité. Si nous n’agissons pas ensemble maintenant, de toute urgence, les répercussions se feront sentir dans toute la région et dans le monde, a-t-elle insisté avant d’inviter l’ONU et le Conseil de sécurité à agir dans quatre domaines.
Elle a tout d’abord souhaité que des femmes soient intégrées dans les équipes de médiation et que le Conseil facilite une rencontre entre une délégation de femmes afghanes et les Taliban. Elle a ensuite appelé la communauté internationale à accueillir et à accorder des visas aux milliers de femmes et d’hommes de la société civile qui risquent des représailles en Afghanistan. Par ailleurs, alors qu’une crise humanitaire se profile, elle a exhorté l’ONU à assurer la protection des travailleuses humanitaires et communautaires afghanes, compte tenu de l’idéologie sexiste du nouveau régime. Elles sont essentielles à la distribution et à l’acheminement de l’aide aux plus nécessiteux, a-t-elle souligné. Enfin, il importe que les Taliban démontrent leur engagement pour la paix à travers leurs actions, a plaidé Mme Frogh. Demandez-leur d’arrêter de battre les femmes dans la rue et de leur tirer dessus, a-t-elle lancé aux membres du Conseil, des larmes dans la voix. Demandez-leur d’arrêter de torturer les journalistes, d’arrêter de fouiller les maisons des gens et de les menacer. Demandez-leur d’assumer la responsabilité de protéger et de respecter tous les Afghans, quel que soit leur âge, leur sexe ou leur origine ethnique.
Mme MALALA YOUSAFZAI, Cofondatrice et Présidente du conseil d’administration du Fonds Malala pour le droit des filles à l’éducation, a tenu à rappeler à quoi ressemble la vie d’une fille vivant sous l’extrémisme et le terrorisme. « J’ai entendu des bombes, des coups de feu et des explosions. Mes frères et moi avons couru dans les bras de nos parents pour nous protéger. J’avais 10 ans. J’ai vu des banderoles à l’entrée des centres commerciaux annonçant que les femmes n’étaient pas autorisées à y pénétrer. J’ai vu des affiches sur les portes des écoles déclarant que les filles y étaient interdites. J’ai vu des femmes flagellées dans les rues. J’avais 11 ans. J’ai vu ma maison, un lieu de paix, devenir un lieu de peur en seulement trois ans. J’ai vu des milliers de personnes déplacées. J’ai vu des maisons et des écoles détruites. J’avais 12 ans. J’ai vu l’injustice et j’ai élevé la voix pour le droit de chaque fille d’aller à l’école. « J’ai vu un tireur arrêter mon autobus scolaire, appeler mon nom et tirer une balle sur moi. J’avais 15 ans. »
Maintenant, a ajouté Mme Yousafzai, j’ai 24 ans et je porte les cicatrices de six interventions chirurgicales pour réparer les blessures de cette seule balle. « C’est une histoire que de nombreuses filles afghanes pourraient partager si nous n’agissons pas », a-t-elle mis en garde.
Alors que les femmes afghanes revendiquent le droit de choisir leur propre avenir, à Kaboul, leurs protestations ont été accueillies par des gaz lacrymogènes, des crosses de fusil et des matraques métalliques, s’est désolée l’intervenante. Aujourd’hui, a-t-elle annoncé, je suis ici pour appeler le Conseil de sécurité à protéger les Afghanes et l’avenir de cette nation de quatre manières. Premièrement, a-t-elle dit, il faut envoyer un message clair et sans équivoque aux Taliban selon lequel une condition fondamentale de toute coopération avec eux est le respect du droit des filles à l’éducation, conformément aux traités et conventions internationaux. « Les déclarations ne suffisent pas. Le gouvernement taliban doit garantir et protéger les droits des femmes et des filles », a-t-elle tranché.
Deuxièmement, a poursuivi Mme Yousafzai: il faut s’appuyer sur la résolution 2593 du Conseil de sécurité en soutenant un mécanisme de surveillance solide pour suivre et surveiller les violations des droits humains en Afghanistan, avec un accent particulier sur l’éducation des filles. Troisièmement, il faut mettre en œuvre la résolution 2593 avec une hausse significative de l’aide humanitaire et du développement pour garantir que toutes les écoles puissent fonctionner en toute sécurité. À l’heure actuelle, a relevé l’intervenante, le peuple afghan est confronté à une crise politique, à une sécheresse de plusieurs mois et à la pandémie de COVID-19. Elle a appelé le Conseil à soutenir une aide supplémentaire aux pays voisins et contribuer à l’éducation des enfants réfugiés, pour ensuite exhorter les dirigeants à la conférence sur l’aide d’urgence de lundi à convenir d’un plan de financement généreux pour garantir que tous les enfants afghans puissent retourner à l’école dès que possible.
Enfin, la présence de l’ONU dans chaque région de l’Afghanistan est plus que jamais nécessaire. Pour ce faire, un mandat et des ressources renforcés pour la Mission d’assistance des Nations Unies et les autres agences onusiennes en Afghanistan sont essentiels. Un Conseil de sécurité uni —parlant d’une seule voix sur l’éducation des filles— peut contraindre les Taliban à de réelles concessions, a insisté Mme Yousafzai. C’est vital non seulement pour les femmes et les filles afghanes elles-mêmes, mais aussi pour la sécurité à long terme dans la région et dans notre monde.
M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la défense de l’Irlande, a exhorté les Taliban à faciliter l’accès sur et sans entraves des organisations humanitaires et de leur personnel, quel que soit leur sexe. Pour assurer cet accès, ainsi que le droit des Afghans et des ressortissants étrangers de quitter l’Afghanistan en toute sécurité, il est essentiel d’assurer l’ouverture et le fonctionnement de l’aéroport de Kaboul et des frontières terrestres. Le Ministre a également estimé que la communauté internationale doit continuer d’appuyer l’aide humanitaire et a indiqué que l’Irlande participera, le 13 septembre, à la réunion de haut niveau sur la situation humanitaire en Afghanistan.
Le Ministre a signalé que l’Afghanistan fait face à une crise de gouvernance, soulignant qu’un gouvernement qui ne met pas à profit la force, le talent et la diversité du peuple afghan –et qui n’autorise pas le droit de manifester pacifiquement, ni des médias libres et indépendants ne peut pas jeter les bases d’un Afghanistan pacifique et sûr. Une participation pleine, équitable et significative des femmes est une condition préalable à une paix durable et à une stabilité politique, a-t-il souligné pour ensuite exhorter le Conseil à accorder la priorité à la participation des femmes aux processus qui façonnent leur avenir. M. Coveney a aussi insisté sur le droit des femmes et des filles à l’éducation, à la santé et à la liberté de mouvement. Ces droits, a-t-il affirmé, ne sont pas réservés aux femmes et aux filles de certains pays ou de certaines traditions religieuses, mais appartiennent à l’ensemble de la population mondiale.
Notant que toute nouvelle administration doit respecter les obligations de l’Afghanistan en vertu du droit international, le Ministre irlandais a appelé le Conseil à envoyer un message sans équivoque: ceux qui violent les lois internationales et commettent des violations des droits de l’homme doivent être tenus pour responsables. M. Coveney a par ailleurs constaté que les évènements du 26 août rappellent que le terrorisme demeure un danger pour l’Afghanistan. Les Taliban, a-t-il dit, doivent rompre sans équivoque les liens avec toutes les organisations terroristes internationales ou continuer à faire face à des sanctions et à l’isolement. Il a par ailleurs estimé que le renouvèlement du mandat de la MANUA doit être l’occasion pour le Conseil de sécurité de se montrer uni.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a estimé que l’une des rares évolutions positives concernant l’Afghanistan a été l’appel urgent lancé pour répondre à la situation humanitaire de plus en plus précaire dans le pays. Parallèlement à la réunion ministérielle convoquée par le Secrétaire général lundi prochain, nous espérons que cela permettra une augmentation de l’aide au peuple afghan, a-t-il dit, tout en reconnaissant que les efforts d’assistance se heurtent encore à des obstacles, notamment dans la prestation de services de santé essentiels pour les femmes et les filles, particulièrement impactées par les changements des trois dernières semaines. Le délégué a donc réitéré son appel à toutes les parties à permettre un accès immédiat, sûr et sans entrave aux acteurs humanitaires, à commencer par les agences des Nations Unies.
Alors que septembre marque le début d’une nouvelle année scolaire pour les enfants de nombreux pays dont le sien, le représentant a souhaité que toutes les filles d’Afghanistan puissent poursuivre leur scolarité en toute sécurité et que leurs mères ainsi que toutes les autres femmes afghanes soient autorisées à continuer de se déplacer librement et à participer à l’emploi. À cet égard, il a indiqué que la coopération de l’Estonie avec les dirigeants afghans reposera sur leur volonté de défendre les réalisations positives des dernières décennies et à agir selon les normes du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme. Il a ainsi condamné le récent recours à la violence contre des manifestants pacifiques mais aussi des journalistes, pour qui l’Afghanistan continue d’être l’un des endroits les plus dangereux au monde où travailler.
Évoquant le gouvernement intérimaire annoncé par les Taliban, le délégué s’est dit déçu par son absence de diversité et par l’exclusion des femmes. Cela va à l’encontre des attentes de la communauté internationale, sape le droit à une participation pleine et égale à la prise de décision et alimente les inquiétudes quant à la poursuite de l’instabilité dans le pays, a-t-il déploré. À ses yeux, ces décisions ne correspondent pas non plus aux déclarations publiques antérieures faites par les Taliban. Or, une paix durable en Afghanistan ne peut être garantie que par un règlement politique inclusif, qui défende les protections constitutionnelles et les droits de tous les Afghans, en particulier les femmes, les enfants et les personnes appartenant à des minorités, a-t-il fait valoir avant d’exprimer ses remerciements au personnel de la MANUA pour ses efforts au profit du peuple afghan en cette période de crise.
Mme MONA JUUL (Norvège) a considéré qu’une paix durable en Afghanistan ne peut être obtenue que par un règlement politique inclusif, prenant note qu’un gouvernement intérimaire avait maintenant été annoncé à Kaboul. Mais la composition de ce gouvernement suscite de vives inquiétudes, a-t-elle observé, car, contrairement aux indications données par les Taliban, ce gouvernement n’est « ni inclusif, ni représentatif ». Un nouveau gouvernement doit avoir la participation pleine, égale et significative des femmes. En Afghanistan –comme partout ailleurs– il ne peut y avoir de compromis entre sécurité, stabilité et progrès; et les droits des femmes. Au contraire, l’égalité des genres et l’inclusion des femmes dans la vie publique, « c’est la sécurité, c’est la stabilité et c’est une voie de progrès », a plaidé Mme Juul.
La délégation a également souligné que le territoire afghan ne doit pas être utilisé pour menacer ou attaquer un pays; abriter ou entraîner des terroristes; ou planifier ou financer des actes terroristes. « Nous tiendrons le nouveau gouvernement responsable à cet égard », a-t-elle mis en garde. Prenant note des assurances données par les Taliban selon lesquelles les employés du gouvernement, militaires ou civils, ne subiront aucune rétribution et que les femmes et les filles auront accès au travail et à l’éducation, la Norvège a prévenu qu’elle suivrait de près comment cela se traduit en action. Elle a ensuite appelé toutes les parties à veiller à ce que les ressortissants afghans et étrangers qui souhaitent quitter le pays puissent le faire de manière sûre et ordonnée. Par ailleurs, a rappelé la représentante, les choix que nous ferons dans les prochains jours au sujet du mandat de la MANUA seront déterminants. « En tant que cotitulaire de la plume pour l’Afghanistan, nous encourageons nos collègues membres du Conseil à parvenir à un consensus sur ce mandat indispensable. »
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a affirmé que l’approche du Conseil sera façonnée par ce que feront maintenant les Taliban. La résolution 2593 (2021) définit les attentes minimales de ce Conseil, a-t-elle noté, avant d’appeler les Taliban à se distancer du terrorisme et à respecter les engagements qu’ils ont pris lors des pourparlers de Doha. Il est dans l’intérêt commun de tous les pays, a—t-elle insisté, que l’Afghanistan ne redevienne plus jamais un refuge pour Al-Qaida, Daech et d’autres groupes terroristes, et ne compromette pas la stabilité régionale. Elle a ensuite salué l’engagement des Taliban à permettre le passage en toute sécurité des ressortissants étrangers et des citoyens afghans munis de documents de voyage.
Le Royaume-Uni double son aide à l’Afghanistan à 286 millions de livres sterling cette année, a poursuivi la déléguée, avant d’inviter les Taliban à créer l’environnement sûr nécessaire pour fournir une aide humanitaire. Il faut notamment garantir un accès sans entrave aux travailleurs humanitaires et s’abstenir de toute ingérence dans le travail des agences des Nations Unies et des ONG. Elle a en outre insisté sur le besoin de protéger les droits humains et les acquis des deux dernières décennies, en particulier l’éducation des filles, l’emploi des femmes et les droits des minorités. Au vu de la composition du Gouvernement intérimaire annoncée le 7 septembre, elle a appelé les Taliban à poursuivre une politique inclusive.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a commencé par saluer le dévouement et le travail de la MANUA. Le 31 août, a-t-il observé, un nouveau chapitre s’est ouvert dans son travail avec l’Afghanistan, lequel a plus que jamais besoin de l’ONU. Le représentant a également applaudi le travail de plaidoyer de Malala Yousafzai, qui vient rappeler l’enjeu de la situation actuelle pour les femmes et les filles. Notant par ailleurs que, selon l’UNICEF, un million d’enfants afghans de moins de 5 ans pourraient bientôt souffrir de malnutrition aiguë, il a rappelé que les États-Unis sont le plus grand bailleur d’aide humanitaire en Afghanistan. Nous appuyons les acteurs humanitaires sur le terrain mais les besoins sont énormes, a-t-il dit, soulignant le rôle vital que joue l’ONU pour prêter assistance à la population, garantir une reddition de comptes en cas de violations des droits humains, protéger les enfants et les civils, et coordonner l’aide humanitaire.
À cet égard, le délégué s’est dit préoccupé pour la sécurité du personnel de la MANUA et sa capacité à protéger l’acheminement de l’aide. Appelant les Taliban à respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire et à respecter la neutralité de l’ONU et de son personnel, il a indiqué que les États-Unis réfléchissent aux voies et moyens de renforcer la protection des membres de la Mission. Il s’est par ailleurs élevé contre le fait que les femmes, en particulier les membres féminins du personnel onusien, ne puissent plus se rendre sur leur lieu de travail sans « chaperon masculin ». Tout le personnel de l’ONU doit pouvoir s’acquitter de son travail sans discrimination, a-t-il plaidé avant d’inviter le nouveau pouvoir à faciliter l’action des acteurs humanitaires et à respecter ses engagements, en particulier pour la protection des civils et le départ de ceux qui veulent quitter le pays. Ce faisant, les Taliban contribueront à la stabilité de la région, a ajouté le représentant, affirmant que son pays ne travaillera avec eux qu’à ces conditions, sans se contenter de leur faire confiance. « La légitimité se gagne », a-t-il conclu.
S’exprimant au nom des A3+1, à savoir le Kenya, la Tunisie, Saint-Vincent-et-les Grenadines et le Niger, M. NIANDOU AOUGI (Niger) a considéré que la priorité en Afghanistan devait être donnée à l’accès humanitaire, en prenant bonne note de l’intention exprimée par les Taliban de coopérer et de garantir la poursuite de cette aide. Il s’est félicité de la conférence humanitaire ministérielle de haut niveau sur l’Afghanistan qui se tiendra le 13 septembre à Genève, souhaitant qu’elle permette de mobiliser les ressources nécessaires pour aider le peuple afghan. Le groupe des A3+1 a ensuite regretté le manque d’inclusivité du gouvernement intérimaire annoncé par les Taliban. « Pour qu’une paix soit durable et la reconstruction postconflit soit réussie, la participation des femmes, des jeunes et des minorités ethniques est essentielle », a souligné M. Niandou. Les A3+1, a-t-il ajouté, encouragent les pays de la région à renforcer leur coopération afin de créer des conditions plus stables et favorables à un règlement pacifique en Afghanistan et à la sécurité régionale. En ce qui concerne le renouvellement du mandat de la MANUA, le groupe a annoncé qu’il reste engagé à soutenir la paix durable, le développement et les droits de l’homme en Afghanistan, et disposés à travailler de manière constructive dans les prochaines négociations.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que le 11 septembre, exactement 20 ans se seront écoulés depuis les événements tragiques qui ont coûté la vie à près de 3 000 innocents à New York et marqué le début de la présence américaine en Afghanistan. S’agissant de l’annonce par les Taliban, le 7 septembre, de la composition du gouvernement intérimaire, il a espéré que les structures de pouvoir qui se forment refléteront les intérêts de l’ensemble du peuple afghan, de toutes les forces ethno politiques, car, a-t-il souligné, c’est le seul moyen de parvenir à la paix. Selon le représentant, les événements qui se sont déroulés indiquent clairement que la société afghane n’accepte pas la gestion et le contrôle de l’extérieur sur son pays et les modalités de son développement. À ce stade, il ne vaut pas la peine de céder à la panique, a-t-il conseillé, pour ensuite espérer que dans les conditions actuelles, la présence de l’ONU en Afghanistan sera assurée, ainsi que la sécurité et son inviolabilité.
Pour M. Nebenzia, à ce stade, le plus important est de se concentrer sur les questions les plus urgentes liées principalement à la fourniture en temps voulu d’une aide humanitaire à tous ceux qui en ont le plus besoin. Il a constaté que les humanitaires ne rencontrent pas de problèmes sérieux pour apporter leur aide, et a dit espéré que les principaux donateurs apporteront, non pas en paroles, mais en actes, l’aide nécessaire à la reconstruction socioéconomique de l’Afghanistan. Il a indiqué que malgré des injections financières sans fin et une présence militaire étrangère depuis plus de 20 ans, les problèmes de pauvreté et de pénurie alimentaire en Afghanistan n’ont pas été résolus. Une nouvelle dégradation de la situation socioéconomique et humanitaire n’augure rien de bon et conduira inévitablement à la déstabilisation, a-t-il averti. Il a prédit une crise humanitaire plus importante, et par conséquent, une complication de la situation migratoire dans la région et dans le monde dans son ensemble. Il a également espéré que l’accès à tous les avoirs afghans gelés sera ouvert.
En outre, la présence continue de Daech-Khorasan dans le pays, dont l’activité terroriste risque de déborder d’Afghanistan et de mettre en danger la sécurité des États voisins en Asie centrale et au-delà, reste un sujet de préoccupation. N’oubliez pas que Daech ne vise pas à établir la paix et la stabilité en Afghanistan et poursuit toujours l’objectif ultime de construire un califat mondial, a rappelé le représentant. Le risque d’infiltration de militants dans la région, y compris sous couvert de réfugiés, ne peut qu’inquiéter les partenaires d’Asie centrale de la Fédération de Russie. Il a également relevé que l’Afghanistan continue d’être le plus grand fournisseur d’opiacés au monde, avant de souhaiter que les nouvelles autorités sauront résoudre les problèmes du terrorisme et de la drogue.
Quant à l’assistance directe au règlement de la crise afghane, le représentant a évoqué le rôle de la troïka élargie dont une réunion est prochainement prévue à Kaboul. Il a relevé que la situation en Afghanistan est maintenant discutée sur presque toutes les plateformes internationales, et que de nombreux États, y compris ceux qui sont éloignés de la région, tentent de trouver à la hâte une solution au problème afghan, en essayant des modèles standard et en imposant leurs propres recettes. Rappelant que de nombreuses erreurs ont été commises, pour lesquelles le peuple afghan a dû payer, il a appelé à une approche équilibrée et réfléchie basée sur les leçons apprises. Répéter les erreurs de calcul passées coûtera beaucoup plus cher, a-t-il averti.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a relevé que la sécurité du personnel onusien sur place doit demeurer une préoccupation constante. Aux Taliban, elle a demandé le départ sûr et sans entrave des Afghans et des ressortissants étrangers qui souhaitent quitter le pays. C’est le cœur de la résolution 2593 (2021) portée par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a-t-elle rappelé. Les Taliban ont pris des engagements concrets sur ce point dans leur déclaration du 27 août 2021 et il est impératif qu’ils les respectent, a-t-elle déclaré. Elle a indiqué que l’une des priorités est que celles et ceux qui souhaitent quitter l’Afghanistan puissent notamment le faire via l’aéroport de Kaboul dont l’accès doit être libre, sûr et sécurisé.
Il s’agit ensuite de garantir l’accès humanitaire sur l’ensemble du territoire afghan, alors que près de la moitié de la population afghane dépend à présent de l’aide humanitaire extérieure. Évoquant la réunion ministérielle du 13 septembre prochain à Genève, la représentante a souligné que l’aide n’est rien si elle ne parvient pas à tous ceux qui en ont le plus besoin, y compris les femmes et les filles. La protection des personnels humanitaires et médicaux doit être garantie, a-t-elle ajouté, notant que les Taliban ont pris des engagements et « nous ne contenterons pas de mots, nous attendons des actes concrets et des garanties ».
Mme Broadhurst a par ailleurs souligné que la protection des droits acquis par les Afghanes est une priorité absolue et la violation de ces droits ne restera pas impunie. Ainsi, les filles doivent pouvoir continuer à prendre le chemin de l’école et rêver à des postes de responsabilités. Leurs ainées doivent pouvoir continuer à travailler et à jouir sans entrave de leurs droits et libertés fondamentales.
En outre, l’Afghanistan ne doit pas redevenir un sanctuaire pour les groupes terroristes. La France, a-t-elle fait savoir, a exigé des Taliban qu’ils rompent tout lien direct ou indirect, y compris financier, avec les groupes terroristes, en particulier Al-Qaida. La déléguée a par ailleurs constaté que la composition du nouveau gouvernement intérimaire annoncé par les Taliban ne répond en rien à l’exigence d’ouverture.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a tout d’abord exprimé l’appréciation de son pays pour le travail qu’accomplit la MANUA. Ce travail est encore plus important aujourd’hui pour la protection et la promotion des droits humains, la promotion de l’égalité des sexes et la coordination humanitaire, a-t-il dit, ajoutant que les témoignages entendus aujourd’hui montrent clairement que le peuple afghan a plus que jamais besoin de l’appui des Nations Unies et de la communauté internationale.
Nous suivrons attentivement la réunion ministérielle de haut niveau du 13 septembre convoquée par le Secrétaire général pour évaluer la situation humanitaire en Afghanistan, a indiqué le délégué, jugeant essentiel que ceux qui gouvernent le pays garantissent les droits de la population civile et respectent leurs obligations internationales. De surcroît, a-t-il ajouté, le Mexique et l’Irlande, en tant que coprésidents du Groupe informel sur les femmes, la paix et la sécurité, demandent instamment que tout futur gouvernement de l’Afghanistan inclue la pleine et entière participation des femmes, ce qui n’est pas le cas de l’« administration intérimaire » présentée par les Taliban.
Conformément à la résolution 2593 (2021), le représentant a appelé le nouveau pouvoir à garantir l’accès à l’aide humanitaire de manière complète, sûre et inconditionnelle, ainsi que la sécurité de tous les travailleurs humanitaires. Il a également exhorté les Taliban à veiller à ce que tout Afghan ou étranger souhaitant quitter l’Afghanistan puisse le faire sans restriction. Il les a enjoints à respecter et protéger les droits humains de tous les Afghans, y compris les minorités, et à assurer la participation pleine, effective et significative des femmes dans tous les processus de prise de décision. Enfin, à la veille des commémorations des attentats du 11 septembre 2001, il a souhaité que l’Afghanistan ne redevienne pas une plateforme ou un refuge pour les terroristes.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a appelé toutes les parties concernées en Afghanistan à s’abstenir de recourir à la force et à respecter leurs obligations en vertu du droit international et de la résolution 2593 du Conseil de sécurité. La fourniture de services de base indispensables doit se poursuivre, a souligné le représentant, qui a attiré l’attention sur le sort des personnes les plus vulnérables. Il s’est dit préoccupé par les incidents sécuritaires concernant des personnels de l’ONU en Afghanistan au cours des derniers jours, comme relevé par le Secrétaire général dans son rapport. Alors que la crise humanitaire concerne 18 millions de personnes, soit la moitié de la population afghane, un accès immédiat, sûr, et sans entrave de l’accès humanitaire doit être ménagé pour avoir accès aux nécessiteux. La délégation a conclu en annonçant qu’elle participerait aux négociations en vue de renouveler le mandat de la MANUA.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a rappelé que la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité a souligné, entre autres, que le territoire afghan ne doit pas être utilisé pour menacer ou attaquer un pays, ni pour abriter ou entraîner des terroristes, ni pour planifier ou financer des actes terroristes. Comme en témoigne l’attentat terroriste déplorable à l’aéroport de Kaboul le mois dernier, le terrorisme continue de constituer une menace sérieuse pour l’Afghanistan. Il est donc important que les engagements pris à cet égard soient respectés. De même, la résolution 2593 a également pris note de la déclaration des Taliban selon laquelle les Afghans pourront voyager à l’étranger sans encombre. « Nous espérons que ces engagements seront également respectés, notamment en ce qui concerne le départ sûr, sécurisé et ordonné des Afghans et de tous les ressortissants étrangers », a souhaité le représentant.
Il a réitéré la nécessité de faire entendre la voix des Afghanes, de réaliser les aspirations des enfants afghans et de protéger les droits des minorités. De même, il a demandé que l’aide humanitaire soit fournie d’urgence et a souligné la nécessité de fournir un accès sans entrave aux Nations Unies et aux autres agences humanitaires. Nous appelons la communauté internationale à s’unir, au-dessus de tout intérêt partisan, pour se tenir aux côtés du peuple afghan dans son désir de paix, de stabilité et de sécurité dans le pays, a dit le représentant, qui a appelé tous les membres du Conseil à se concentrer sur le peuple afghan lorsqu’ils vont décider de l’avenir du mandat de la MANUA. M. Tirumurti a par ailleurs indiqué que l’Inde a contribué de manière significative au cours de la dernière décennie au développement de l’Afghanistan, notamment avec plus de 500 projets de développement dans chacune des 34 provinces de l’Afghanistan.
M. SHUANG GENG (Chine) a observé que le développement de l’Afghanistan a connu de nombreux défis ces 20 dernières années et que la division continue de régner dans le pays. Il a également constaté que les forces terroristes n’ont pas été éradiquées et qu’elles sont même plus audacieuses que jamais. Selon le représentant, les événements récents rappellent que les interventions militaires ne peuvent être synonymes de popularité. Ce que les pays impliqués dans ces interventions ont fait s’est soldé par un échec, a-t-il martelé, appelant ces pays à en tirer les conséquences et à régler les problèmes plutôt que de laisser l’Afghanistan et ses voisins s’en charger. Ces pays doivent honorer leurs engagements à l’égard du peuple afghan, a insisté le délégué, avant de saluer l’annonce par le nouveau pouvoir taliban d’un gouvernement provisoire. C’est une étape nécessaire après la période de guerre qui a précédé, elle doit servir à restaurer l’ordre socioéconomique, a-t-il plaidé. Il a ensuite invité les Taliban à unir les groupes ethniques, à construire une architecture politique à large base, à respecter les droits des femmes et des enfants, à combattre le terrorisme et à développer des relations amicales avec les autres pays.
Jugeant que l’Afghanistan est « à la croisée des chemins », le délégué a espéré que le nouveau pouvoir saura prendre les « bonnes décisions » et trouver la voie du développement. À ses yeux, la communauté internationale doit jouer un rôle constructif en respectant l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. Elle doit davantage dialoguer avec les autorités et se garder de tout préjugé, a-t-il professé, souhaitant que, de leur côté, les Taliban respectent leurs obligations et évitent que le pays redevienne un havre pour le terrorisme. Le représentant s’est félicité à cet égard de la réunion sur l’Afghanistan convoquée le 13 septembre à Genève par le Secrétaire général. Il a espéré qu’à cette occasion, la communauté internationale reverra à la hausse le niveau de son aide. Il a aussi estimé que l’une des plus grandes difficultés pour le pays réside dans le gel des avoirs des Taliban à l’étranger. Le représentant a par ailleurs attiré l’attention du Conseil sur la situation des pays voisins qui se trouvent en première ligne face à la menace terroriste et à l’exode de ressortissants afghans. La communauté internationale doit reconnaître leurs sacrifices et les appuyer dans leurs efforts, a-t-il dit. Enfin, après avoir annoncé l’envoi en Afghanistan de trois millions de doses de vaccins chinois, il a réitéré le soutien de la Chine à la MANUA, en l’encourageant à aider le pays à réussir une transition harmonieuse.
M. GHULAM M. ISACZAI (Afghanistan) a déclaré que la situation dans son pays continue de se détériorer. Depuis la dernière réunion du Conseil sur l’Afghanistan le 30 août, les Taliban continuent de commettre des violations des droits humain et d’éventuels crimes de guerre, aggravant la situation humanitaire. « Malgré le blocus total par les Taliban de la vallée du Panshir, nous avons des témoignages oculaires de leurs atrocités généralisées, perpétrées avec le soutien de combattants terroristes étrangers et de moyens de renseignement et militaires étrangers », a déclaré le représentant, qui a soutenu qu’ils avaient procédé à des exécutions ciblées, coupé les lignes de communication et imposé un blocus humanitaire qui empêche les vivres d’arriver dans la province. Il a réitéré son appel au déploiement de toute urgence d’une mission d’établissement des faits pour évaluer les violations des droits de l’homme au Panshir, ainsi qu’à Spin Boldak, au Malistan et dans d’autres provinces d’Afghanistan.
Les Taliban, a poursuivi M. Isaczai, ont également violemment réprimé des manifestations pacifiques à Kaboul, Herat, Mazar et dans d’autres villes d’Afghanistan. « J’appelle la communauté internationale à condamner la répression par les Taliban de ces manifestations pacifiques et à soutenir les femmes afghanes qui défendent leurs droits », a-t-il lancé. Hier, « leur soi-disant Ministère de l’intérieur » a interdit toutes les manifestations publiques qui n’avaient pas leur approbation préalable. Ils ont également interdit la musique, les sports féminins et empêché la plupart des travailleuses de reprendre le travail jusqu’à nouvel ordre, s’est indigné le représentant. Ces actions prouvent que les promesses antérieures des Taliban de permettre aux médias indépendants afghans de fonctionner librement et en toute sécurité, et de respecter les droits humains de tous les Afghans, y compris les femmes, ne sont que des « paroles creuses » destinées à leurrer la communauté internationale.
Les membres de ce Conseil ont dit à juste titre que vous ne jugeriez pas les Taliban sur leurs paroles mais sur leurs actes, a rappelé le représentant. « Ils ont maintenant agi et le Conseil ne peut rester silencieux dans sa réponse. Après beaucoup d’attente et d’appréhension, les Taliban ont annoncé leur soi-disant cabinet le 7 septembre, qui comprend uniquement des membres supérieurs des Taliban issus principalement d’un seul groupe ethnique », a-t-il constaté. Rappelant que le Conseil s’est à plusieurs reprises engagé à ne pas reconnaître un gouvernement d’exclusion ni à soutenir le rétablissement de l’Émirat islamique comme stipulé dans sa résolution 2513, il a déclaré que « le peuple afghan attend de vous que vous teniez cette promesse et que vous fassiez pression sur les Taliban pour qu’ils ouvrent la voie à un gouvernement inclusif que tous les segments de notre société puissent accepter et dont ils se sentent partie prenante ». Je vous demande donc de refuser toute reconnaissance de la prétendue administration annoncée des Taliban jusqu’à ce qu’ils forment un véritable gouvernement inclusif et tracent une ligne rouge fondamentale concernant le traitement des femmes et des filles par les Taliban, et le respect des droits de tous les Afghans, a affirmé le délégué.
Ce dernier a ensuite appelé le Conseil à utiliser tous ses outils diplomatiques, y compris la pleine mise en œuvre des sanctions multilatérales existantes, pour amener les Taliban à s’engager dans des pourparlers sincères et authentiques en vue d’un règlement global. Il devrait également réévaluer son approche visant à accorder des exemptions d’interdiction de voyager aux dirigeants Taliban figurant sur la Liste des sanctions de l’ONU après avoir échoué à résoudre le conflit par des moyens pacifiques. « Toute nouvelle extension de ce mécanisme serait utilisée à mauvais escient dans le but d’obtenir une reconnaissance internationale pour leur nouveau gouvernement non inclusif », a mis en garde le représentant afghan.
Alors que les Taliban célèbrent leur victoire en tirant en l’air dans les rues de Kaboul, une catastrophe humanitaire se déroule, s’est alarmé M. Isaczai. Une tempête parfaite se prépare – l’impact dévastateur de la deuxième grande sécheresse en Afghanistan en quatre ans se fait ressentir, un hiver froid et dangereux approche, la pandémie continue de se propager, l’économie est en train de s’effondrer et il n’y a pas de gouvernement à même de fournir les services les plus basiques, a-t-il encore averti La récolte 2021 devrait être inférieure à la moyenne, la prochaine soudure devrait être plus intense et plus longue et la malnutrition sévère touchera 50% des enfants afghans. Des milliers d’autres sont susceptibles d’être déplacés et de quitter le pays. Il a donc exhorté tous les membres du Conseil à s’engager à accroître leur financement au cours de la conférence humanitaire de haut niveau pour l’Afghanistan qui se déroulera le 13 septembre.
Notant en outre que la négociation du mandat de la MANUA intervient à un moment de défis extrêmes pour l’Afghanistan, il a demandé aux membres du Conseil de sécurité d’envisager un mandat complet et vigoureux et de donner à la MANUA les moyens de faire face à la crise humanitaire, de surveiller et de faire rapport sur les droits de l’homme sur le terrain.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a relevé que le Gouvernement intérimaire d’Afghanistan sait qu’il sera tenu pour responsable de toute violation des droits humains, et notamment des droits des femmes. Il a plaidé pour la tenue d’un dialogue constant avec les Taliban, arguant que ces derniers seront jugés non pas pour leurs paroles, mais pour leurs actes. Il a ensuite indiqué qu’au cours des dernières semaines, la Turquie et le Qatar ont fait des efforts pour veiller au bon fonctionnement de l’aéroport de Kaboul, afin de connecter les Afghans au monde. C’est aussi la voie la plus rapide et la plus sûre pour assurer le transfert de l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin, a-t-il dit.
Le représentant a relevé que des efforts mondiaux sont nécessaires de toute urgence pour répondre à la détérioration de la situation humanitaire en Afghanistan. La réunion ministérielle de haut niveau qui sera accueillie par le Secrétaire général de l’ONU la semaine prochaine offrira certainement une occasion importante de mobiliser la communauté internationale dans cette direction, a-t-il espéré. Nos efforts devraient également inclure les pays voisins qui accueillent déjà un grand nombre de réfugiés afghans et qui sont aux prises avec un impact socioéconomique conséquent, a plaidé M. Sinirliogl. Une paix et une stabilité durables exigent une réconciliation politique, a poursuivi le délégué, avant de rappeler qu’une demande immédiate du peuple afghan au Conseil de sécurité est la présence continue de l’ONU en Afghanistan dans tous les domaines.
M. MAGZHAN ILYASSOV (Kazakhstan) a appelé au rétablissement immédiat de la sécurité et de l’ordre civil et constitutionnel ainsi qu’à la tenue de pourparlers « urgents » pour résoudre la crise actuelle de l’autorité en Afghanistan. Il faut parvenir à un règlement pacifique par le biais d’un processus de réconciliation nationale dirigé et contrôlé par les Afghans. Toute solution durable au conflit ne peut être obtenue que par un règlement politique inclusif, juste, durable et réaliste qui respecte les droits humains, notamment pour les femmes, les enfants et les minorités, a-t-il insisté. Il a également appelé à garantir un accès immédiat, sûr et sans entrave à tous les acteurs humanitaires dans le pays.
Le représentant a par ailleurs indiqué qu’en raison des circonstances actuelles, l’ONU a demandé à relocaliser à Almaty, au Kazakhstan, le personnel de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Acceptée par les autorités kazakhes, cette mesure permettra de rationaliser le travail de l’ONU dans la région « en ces temps difficiles », a-t-il noté, ajoutant que le bâtiment des organisations à Almaty abrite déjà 18 agences des Nations Unies avec des mandats multi-pays, sous-régionaux et régionaux.
M. Ilyassov a aussi rappelé que son pays offre depuis plus de 10 ans des bourses à de jeunes Afghans pour qu’ils étudient dans les universités kazakhes. En collaboration avec l’Union européenne, le Kazakhstan travaille également à un projet d’autonomisation économique des femmes afghanes par le biais de l’enseignement secondaire et de la formation, a-t-il précisé, avant d’assurer que, dès que la situation en Afghanistan se stabilisera, des visas seront à nouveau délivrés aux étudiants afghans.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a déclaré que quatre décennies de guerre et de conflit en Afghanistan avaient tué plus d’un million d’Afghans, blessé, mutilé et traumatisé bien d’autres et dévasté une économie et un régime politique déjà fragiles. Outre le peuple afghan, a-t-il argué, c’est le Pakistan qui a été le plus durement touché par les conséquences du conflit en Afghanistan. Dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme », 80 000 Pakistanais ont été tués dans des attaques terroristes et des milliers d’autres blessés. Notre économie a subi des dommages estimés à plus de 150 milliards de dollars, a-t-il encore déploré. Alors même que le monde redoute un afflux de réfugiés afghans, le Pakistan continue d’accueillir plus de trois millions de réfugiés afghans avec le soutien « symbolique » de la communauté internationale, a rappelé le représentant, pour qui le rétablissement de la paix et de la stabilité en Afghanistan est un impératif. Aussi a-t-il émis l’espoir que le « gouvernement intérimaire » à Kaboul réussira à rétablir l’ordre public et un sentiment de sécurité dans le pays, de même que les services de base pour la population et permettra la distribution rapide de l’aide humanitaire internationale en coordination avec l’ONU et ses agences. Le Pakistan a jusqu’à présent aidé à évacuer d’Afghanistan plus de 12 000 personnes en provenance de 30 pays, y compris des personnels diplomatiques et d’organisations internationales. Et il continuera de jouer son rôle dans le règlement de la situation humanitaire en Afghanistan, a assuré M. Akram.
En coordination avec les agences de l’ONU, le Pakistan a établi un « pont aérien humanitaire » pour l’approvisionnement de l’Afghanistan en denrées alimentaires et articles médicaux essentiels, a annoncé le représentant. Hier, a-t-il dit, nous avons accueilli une réunion virtuelle des Ministres des affaires étrangères des voisins immédiats de l’Afghanistan –Chine, Iran, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan, à l’issue de laquelle une déclaration commune a été adoptée. Le Pakistan reste également membre de la troïka élargie sur l’Afghanistan qui comprend le Pakistan, la Chine, la Russie et les États-Unis, et a un rôle crucial à jouer pour l’avenir de ce pays. Pour la délégation, la menace posée par les groupes terroristes doit être traitée « de manière globale et coopérative ». Le Pakistan a subi des centaines d’attaques terroristes du TTP, avec le parrainage d’« agences de renseignement hostiles ». Plus d’une centaine d’attaques ont été lancées en 2020. Nous travaillerons avec les autorités de Kaboul pour mettre un terme au terrorisme du TTP. Un Afghanistan pacifique, avec le Pakistan, peut servir de pont entre l’Asie centrale et la mer d’Oman, offrant d’immenses possibilités économiques aux deux pays et à la région. Mais une approche « fragmentée et placée sous le signe de la concurrence gaspillera l’opportunité de promouvoir la paix, la sécurité et la prospérité en Afghanistan et dans toute la région », a prévenu M. Akram.
Pour M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) la situation en Afghanistan est le résultat direct de l’intervention des États-Unis et d’autres forces étrangères sur place et de leur retrait « irresponsable ». « Lorsqu’ils sont entrés en Afghanistan, ils ont apporté la catastrophe aux Afghans, et lorsqu’ils s’en sont retirés, ils ont laissé la catastrophe aux Afghans ». De 2001 et 2021, près de 165 000 Afghans ont été tués et le nombre d’enfants victimes directes du conflit est estimé à environ 33 000, a rappelé le représentant en exigeant que les crimes de guerre commis par les forces étrangères en Afghanistan ne restent pas impunis. Pour sa part, l’Iran est prêt à faciliter le transfert d’aide humanitaire vers l’Afghanistan via les ports maritimes, aéroports, chemins de fer, routes et postes frontaliers iraniens.
Pendant plus de quatre décennies, l’Iran a accueilli des millions de réfugiés afghans et après la récente crise, il y a eu un nouvel afflux massif, a rappelé le représentant en appelant la communauté internationale à assumer ses responsabilités. Aujourd’hui, la priorité doit être d’aider le peuple afghan à parvenir à une paix, une stabilité et une prospérité durables. Cela doit être facilité et fortement soutenu par la communauté internationale, en particulier les pays voisins. À cet égard, le représentant est revenu sur la tenue, hier, de la première réunion ministérielle des voisins de l’Afghanistan, et a annoncé que la prochaine se tiendra bientôt à Téhéran.
Appelant les dirigeants afghans à placer les intérêts de tous les Afghans au-dessus des intérêts de certains segments de la société, le représentant iranien a plaidé en faveur de pourparlers intra-afghans avec la participation active et égale des véritables représentants de tous les groupes ethniques, linguistiques et religieux dans le but de trouver une solution juste, pacifique et durable à la crise. Ces pourparlers doivent permettre de parvenir à la réconciliation nationale et de mettre en place un gouvernement véritablement inclusif et pleinement représentatif, issu d’élections libres et équitables, avec la pleine participation des femmes à la fois en tant qu’électrices et candidates. L’Iran a insisté en outre sur le fait que ce gouvernement doit lutter contre le terrorisme et le crime organisé pour garantir et protéger, « sur la base de véritables enseignements et principes islamiques », les droits humains de tous les Afghans, y compris des minorités ethniques, linguistiques et religieuses et des femmes. Un tel gouvernement bénéficiera du soutien de l’Iran, a assuré le représentant en insistant pour que le territoire afghan ne soit en aucun cas utilisé pour menacer ou attaquer un pays, pour abriter ou entraîner des terroristes, ou pour planifier ou financer des actes terroristes.