Éthiopie: le Secrétaire général alerte le Conseil de sécurité d’une situation liée au Tigré de plus en plus inquiétante
Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a déclaré aujourd’hui au Conseil de sécurité que la situation en Éthiopie inquiète de plus en plus le continent africain et la communauté internationale dans son ensemble. La confrontation militaire, qui a débuté il y a une dizaine de mois dans la région septentrionale du Tigré, est en train de s’étendre et d’augmenter le niveau des souffrances humaines, avec de graves implications politiques, économiques et humanitaires pour l’Éthiopie et l’ensemble de la région.
M. Guterres a appelé toutes les parties à reconnaître une vérité simple: il n’y a pas de solution militaire. Il a réitéré son appel à l’action sur trois fronts: cesser immédiatement les hostilités; assurer partout un accès humanitaire sans restriction et rétablir pleinement les services publics; et créer les conditions nécessaires pour l’amorce d’un dialogue politique dirigé par l’Éthiopie afin de trouver une solution à cette crise. Ces étapes sont essentielles pour deux raisons, a expliqué M. Guterres: l’unité de l’Éthiopie et la stabilité de la région sont en jeu.
Il n’a pas non plus manqué de chiffrer le coût humain de la guerre « qui augmente chaque jour »: au moins 400 000 personnes vivent dans des conditions de famine, 100 000 enfants sont confrontés à une malnutrition aiguë, 300 000 personnes ont été déplacées dans les régions d’Afar et d’Amhara.
« Je suis également profondément préoccupé par les horribles violences sexuelles », a avoué le Secrétaire général. Qui plus est, le conflit fait payer un lourd tribut économique, illustrant une fois de plus la folie absolue de la guerre comme en atteste la perte de plus d’un milliard de dollars des coffres du pays. La dette s’accumule, l’accès au crédit se tarit et l’inflation augmente, a énuméré le Chef de l’ONU qui a aussi pointé du doigt la disparition des denrées alimentaires.
C’est pour toutes ces raisons que le Secrétaire général a appelé les parties à mettre fin immédiatement aux hostilités, sans conditions préalables, et à saisir cette opportunité pour négocier un cessez-le-feu durable en demandant aux forces étrangères de quitter le pays et en prévoyant un accès humanitaire sans restriction et le rétablissement des services publics au Tigré.
Réitérant tous l’appel au cessez-le-feu du Secrétaire général, les membres du Conseil ont unanimement soutenu le dialogue politique national inclusif proposé par M. Guterres afin de s’attaquer aux racines du conflit et de veiller à ce que les voix éthiopiennes dictent la voie vers la paix.
Le Kenya, qui parlait aussi au nom de trois autres pays (Niger, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Tunisie), les A3+1, a plaidé pour une médiation dans un cadre dirigé par l’Éthiopie et soutenu par l’architecture de paix et de sécurité disponible, en particulier l’Union africaine. La Chine s’y est montrée favorable en soutenant d’abord les efforts de l’Éthiopie pour préserver son unité et en disant que « ce problème africain doit être réglé par les Africains ». Mais il faut le faire dans le cadre de la Constitution éthiopienne, a ajouté l’Inde.
La Fédération de Russie a dit qu’elle miserait plutôt sur une diplomatie bilatérale « plus discrète », dans laquelle elle est prête à jouer son rôle.
La question des abus et des violations des droits humains, y compris les droits sexuels et ceux des enfants, a également fait réagir les membres du Conseil à l’instar du Royaume-Uni qui a exigé que toutes les parties respectent ces droits fondamentaux. Nombre de délégations ont soutenu l’enquête conjointe du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et de la Commission éthiopienne des droits de la personne. Pour la France, les frappes contre des civils, les exécutions extrajudiciaires, les expulsions forcées de populations, les violences sexuelles, motivées par l’origine ethnique ou l’affiliation politique supposée des personnes, ne sauraient rester impunies.
Préoccupé par les informations faisant état de détentions arbitraires et de disparitions forcées de Tigréens à Addis-Abeba, l’Estonie a appelé les autorités éthiopiennes à enquêter sur ces pratiques potentiellement illégales et discriminatoires.
Concernant l’assistance humanitaire, elle doit être traitée de la manière la plus urgente, a insisté le Viet Nam. M. Guterres a informé que l’ONU et ses partenaires humanitaires se sont mobilisés pour apporter à plus de cinq millions de personnes des vivres ou d’autres produits de première nécessité, mais il a déploré que la capacité d’intervention soit gravement limitée par l’insécurité, les retards et toute une série de restrictions imposées au travail des organisations humanitaires. Or ces organisations ont besoin quotidiennement d’environ 100 camions d’aide et de fournitures.
Tous les membres du Conseil ont voulu, ainsi que le Secrétaire général, un accès sans restriction de l’aide et des travailleurs humanitaires. L’aide doit respecter la souveraineté de l’Éthiopie, a rappelé la Chine alors que la Fédération de Russie a réclamé la dépolitisation de l’assistance.
Après les déclarations des membres du Conseil, le représentant de l’Éthiopie a rejeté la faute sur le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) qui a refusé de déposer les armes alors qu’un cessez-le-feu humanitaire unilatéral a été décrété le 28 juin, suivi du retrait des Forces de défense nationale de la région du Tigré. Nous voyons, a-t-il ajouté, une coordination claire entre ces éléments internes et des acteurs extérieurs qui ont lancé une offensive multidimensionnelle pour entraver le droit de l’Éthiopie d’utiliser ses ressources naturelles. Si, a prévenu le représentant, le FPLT ne revient pas au respect des lois du pays, le Gouvernement éthiopien actionnera tous les moyens disponibles pour maintenir l’ordre. Il a fustigé une ingérence étrangère « indue » et encouragé tous les acteurs « bien intentionnés » à travailler avec son pays.
LA SITUATION EN ÉTHIOPIE
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que la situation en Éthiopie est une question qui inquiète de plus en plus le continent africain et la communauté internationale dans son ensemble. La confrontation militaire, qui a débuté il y a une dizaine de mois dans la région septentrionale du Tigré, s’étend et le niveau des souffrances humaines augmente avec de graves implications politiques, économiques et humanitaires pour l’Éthiopie et l’ensemble de la région. Toutes les parties doivent reconnaître une vérité simple: il n’y a pas de solution militaire, a insisté le Secrétaire général, rappelant son appel à l’action sur trois fronts.
Premièrement, a-t-il réitéré, toutes les parties doivent cesser immédiatement les hostilités, assurer un accès humanitaire sans restriction et rétablir pleinement les services publics, et créer les conditions nécessaires au début d’un dialogue politique dirigé par l’Éthiopie afin de trouver une solution à cette crise. Ces étapes sont essentielles pour deux raisons, a expliqué M. Guterres, arguant que l’unité de l’Éthiopie et la stabilité de la région sont en jeu.
Les lignes de front militaires du Tigré ont maintenant atteint les régions d’Amhara et d’Afar. Le cessez-le-feu unilatéral décrété par le Gouvernement éthiopien le 28 juin et le retrait des Forces éthiopiennes de défense nationale de Mekele n’ont pas conduit à un cessez-le-feu global, a déploré le Secrétaire général. La région du Tigré reste en grande partie sous un blocus humanitaire de facto et coupée des services publics essentiels tels que l’électricité et les communications. Les forces tigréennes ont depuis étendu leur présence dans les régions voisines d’Amhara et d’Afar où les combats se sont intensifiés, a-t-il alerté.
D’autres acteurs en Éthiopie ont lancé une mobilisation de masse et activé des groupes armés régionaux, a aussi constaté le Secrétaire général, dénonçant les discours de haine et la discrimination ethnique qui déchirent le tissu social du pays. L’ensemble de la région est déjà témoin de l’impact politique, économique et social du conflit au-delà des frontières de l’Éthiopie, a prévenu M. Guterres.
Deuxièmement, a-t-il dit, le prix humain de cette guerre augmente de jour en jour. Une catastrophe humanitaire se déroule sous nos yeux car plus de deux millions de personnes ont fui et des millions d’autres ont un besoin immédiat d’une aide humanitaire vitale, notamment de nourriture, d’eau, d’abris et de soins de santé. Au moins 400 000 personnes vivent dans des conditions de famine. Le mois dernier, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a averti que 100 000 enfants sont confrontés à une malnutrition aiguë sévère potentiellement mortelle au cours des 12 prochains mois.
« Je suis également profondément préoccupé par les informations faisant état d’horribles violences sexuelles et sexistes », a avoué M. Guterres qui a condamné ces actes atroces ainsi que les graves violations des droits de l’homme à l’encontre de civils commises par toutes les parties au conflit. Soulignant l’obligation de rendre des comptes, le Secrétaire général a mis l’accent sur l’enquête conjointe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme.
L’ONU et ses partenaires humanitaires se sont mobilisés pour apporter à plus de cinq millions de personnes des vivres ou d’autres produits de première nécessité, a fait savoir M. Guterres, déplorant que la capacité d’intervention soit gravement limitée par l’insécurité, les retards et toute une série de restrictions imposées au travail des organisations humanitaires. Les organisations humanitaires ont besoin d’environ 100 camions d’aide et de fournitures chaque jour. Or aujourd’hui, ils n’en ont que 10. Les travailleurs humanitaires sont harcelés et même tués, s’est indigné le Secrétaire général qui a constaté que le conflit dans les régions d’Afar et d’Amhara aurait déplacé 300 000 autres personnes.
Le conflit fait payer un lourd tribut économique, illustrant une fois de plus la folie absolue de la guerre comme en atteste la perte de plus d’un milliard de dollars des coffres du pays. La dette s’accumule. L’accès au crédit se tarit.
L’inflation augmente. Les produits alimentaires disparaissent, a-t-il énuméré. Dans le même temps, l’Éthiopie souffre de la cinquième plus forte incidence de la COVID-19 sur le continent.
« Pour toutes ces raisons », a confié le Secrétaire général, « je réitère mon appel solennel: toutes les parties doivent immédiatement mettre fin aux hostilités sans conditions préalables et saisir cette occasion pour négocier un cessez-le-feu durable. Les forces étrangères doivent quitter le pays. L’accès humanitaire sans restriction à toutes les zones dans le besoin doit être garanti et les travailleurs humanitaires doivent être respectés. Les services publics doivent être rétablis ».
M. Guterres a appelé à un dialogue politique national inclusif afin de s’attaquer aux causes du conflit et de veiller à ce que les voix éthiopiennes dictent la voie vers la paix. Il a dit être en contact étroit avec le Premier Ministre éthiopien et avoir reçu une lettre du Président de la région du Tigré. L’ONU est prête à collaborer avec l’Union africaine et d’autres partenaires pour soutenir un tel dialogue, a indiqué un Secrétaire général « triste » de voir de nombreux jeunes Éthiopiens être instrumentalisés et mobilisés dans la guerre, « victimes ultimes de ce conflit inutile ».
Face à l’escalade de la situation au Tigré, et à la propagation de la crise dans la région, Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a souligné, à son tour, qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit. Les partenaires régionaux, et en particulier l’Union africaine, ont un rôle crucial à jouer dans la recherche d’une solution politique, a-t-elle dit. Aujourd'hui, tous les membres du Conseil ont la possibilité de soutenir l’appel du Secrétaire général, en envoyant trois messages clairs et unis, a –t-elle ajouté. Compte tenu du spectre « choquant » de la famine, Mme Byrne Nason a martelé qu’il n’y a absolument pas de temps à perdre. L’heure n’est plus à la réflexion mais à l’action. Elle a appelé de nouveau les autorités éthiopiennes et tous les autres acteurs à faciliter immédiatement l’accès humanitaire et à rétablir les services publics au Tigré. La population mérite au minimum l’accès à la nourriture, aux soins de santé et à l’éducation. C’est leur dignité et leurs droits de l’homme qui sont en jeu.
La représentante a aussi appelé les forces tigréennes à mettre immédiatement fin à leur offensive militaire et à se retirer des régions d’Amhara et d’Afar. Elle a également lancé un appel au retrait des forces étrangères. Horrifiée par la violence sexuelle et les atrocités, la représentante a exigé que les responsables de ces violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme rendent des comptes à la justice, arguant que la lutte contre l’impunité est essentielle pour prévenir de futures violations. Elle a dit attendre les conclusions du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme.
M. ANDRE LIPAND (Estonie) a dit être profondément préoccupé par l’escalade du conflit au Tigré, laquelle aggrave une situation humanitaire déjà désastreuse et menace de plus en plus la stabilité plus large de la région. Les rapports faisant état d’un nombre croissant de victimes civiles, en particulier parmi les enfants, sont alarmants et il est essentiel que toutes les parties adhèrent au droit international humanitaire et fassent tout leur possible pour protéger les civils. Soulignant, à son tour, qu’il ne peut y avoir de solution militaire à ce conflit, il a appelé les parties à cesser les hostilités immédiatement et à entamer des négociations en vue d’un cessez-le-feu permanent.
M. Lipand a appelé les forces du Tigré à arrêter leur offensive, en particulier dans les régions voisines d’Amhara et d’Afar, et le Gouvernement éthiopien, à obtenir le retrait immédiat des troupes érythréennes du Tigré, à garantir un accès humanitaire sans entrave à la région, à rétablir les services sociaux de base et à faciliter le travail des organisations humanitaires. Le représentant a réitéré l’importance de l’enquête conjointe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme. Les responsables des violations doivent répondre de leurs actes. Également préoccupé par les informations faisant état de détentions arbitraires et de disparitions forcées de Tigréens à Addis-Abeba, il a appelé les autorités éthiopiennes à enquêter sur ces pratiques potentiellement illégales et discriminatoires.
Pour Mme NATAHLIE BROADHURST ESTIVAL (France), la priorité et la responsabilité du Conseil de sécurité sont de mettre un terme à ce conflit et de préserver l’unité de l’Éthiopie. L’ensemble des forces en présence doivent prendre leurs responsabilités. Appeler à la cessation des hostilités, à l’accès humanitaire ou au dialogue n’implique aucune partialité, a souligné la représentante. Comme le conflit ne se résoudra pas par les armes, elle exhorté l’ensemble des parties à convenir d’un cessez-le-feu, les forces érythréennes à se retirer du territoire éthiopien et les forces tigréennes, à réintégrer les frontières régionales du Tigré. Un compromis doit enfin être trouvé avec les forces amharas sur le différend frontalier entre les deux régions, dans le cadre de la Constitution.
La représentante a prévenu que les frappes contre des civils, les exécutions extrajudiciaires, les expulsions forcées de populations, les violences sexuelles, motivées par l’origine ethnique ou l’affiliation politique supposée des personnes, ne sauraient rester impunies. Elle a réitéré son soutien à l’enquête conjointe, avant d’ajouter que la conclusion d’un cessez-le-feu est indispensable pour faire face à l’urgence humanitaire et de rappeler le Gouvernement éthiopien à ses engagements dont la protection des acteurs humanitaires. La représentante a conclu en estimant que le lancement rapide d’un dialogue national inclusif est essentiel. Les représentants tigréens doivent démontrer leur ouverture au dialogue. Appelant aussi les pays de la région à résoudre leurs différends par un dialogue sincère, s’agissant en particulier du triangle d’El Fashaga et du barrage de la Renaissance, la représentante a exhorté les parties à s’abstenir de toute action qui attiserait les tensions et à répondre de manière constructive aux efforts de médiation de l’Union africaine.
Pour Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège), mettre fin à la situation humanitaire catastrophique dans le Tigré exige, premièrement, que les autorités fédérales éthiopiennes et tous les autres acteurs garantissent un accès rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire à la région. Deuxièmement, elles doivent, selon elle, faciliter le travail des organisations humanitaires et de leur personnel et, troisièmement, respecter le droit international humanitaire et assurer la sécurité des travailleurs humanitaires. Or, les assurances répétées des autorités éthiopiennes quant au respect de leurs obligations humanitaires ne se sont pas concrétisées par un accès sans entrave au Tigré, a dénoncé la représentante indiquant que cette région est placée sous un « blocus hermétique ». Mme Heimerback s’est dite préoccupée par les allégations de graves violations des droits de l’homme et d’abus dans le Tigré et dans d’autres zones touchées par le conflit, y compris à l’encontre des enfants.
La destruction systématique d’infrastructures vitales et de centres de santé est tout aussi inacceptable, a-t-elle poursuivi. Elle a demandé des enquêtes sur les atrocités, les violations et les abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Elle a appelé à poursuivre en justice les responsables de ces violations, y voyant un élément essentiel de la prévention et de la dissuasion. La Norvège, a poursuivi la représentante, continuera de veiller à ce que la lutte contre l’impunité reste une priorité du Conseil. Elle a exhorté tous les acteurs du conflit à mettre immédiatement fin à la violence et à engager un dialogue. L’Érythrée doit se retirer complètement du territoire éthiopien, les forces tigréennes doivent mettre fin à leur expansion dans les régions voisines, et les forces fédérales et les milices amharas doivent se retirer du Tigré occidental, a exigé la représentante soulignant qu’il est essentiel que les États de la région, l’IGAD et l’Union africaine pèsent de tout leur poids pour mettre fin aux hostilités au Tigré et en Éthiopie.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a appelé toutes les parties à mettre fin aux hostilités en Éthiopie et à permettre un accès humanitaire sûr et sans entrave. La multiplication des combats dans les zones voisines ne fait que pérenniser le conflit, a regretté le représentant, avant d’exiger que les troupes érythréennes se retirent complètement de l’Éthiopie. Toutes les parties doivent respecter le droit international et les droits de l’homme, et, à cet égard, le représentant a dit soutenir l’enquête conjointe du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et de la Commission éthiopienne des droits de la personne. Les responsables des atrocités commises doivent répondre de leurs actes, a-t-il dit, avant d’appeler à une solution politique inclusive pour que l’Éthiopie se remette sur une voie positive. Il est clair que ce conflit ne se résoudra pas par les armes et que l’ensemble des parties doivent agir pour mettre fin à ce drame, a conclu le représentant.
M. RICHARD MILLS, JR. (États-Unis) a reproché au Gouvernement éthiopien de ne pas avoir répondu positivement aux propositions de négociation et d’avoir même publiquement appelé à la mobilisation des milices. Pendant ce temps-là, le FPLT a élargi sa propre campagne militaire aux régions d’Afar et d’Amhara, provoquant la fuite de centaines de milliers de civils. Aujourd’hui, le Forces de défense érythréennes sont revenues dans le Tigré et les informations indiquent que les alliances militaires entre les groupes armés dans d’autres régions risquent de déclencher une guerre plus large en Éthiopie. Le représentant a appelé le Gouvernement éthiopien et le FPLT, ainsi que les milices régionales associées, à mettre fin aux combats maintenant, à autoriser l’accès humanitaire et à avancer vers un cessez-le-feu négocié sans conditions préalables.
Contrairement à ses engagements publics, a encore accusé le représentant, le Gouvernement éthiopien et les autorités régionales continuent de limiter l’accès humanitaire dans le Tigré. Malgré une légère augmentation du nombre des convois et des vols, seulement 7% des fournitures humanitaires nécessaires ont pu y entrer, le mois dernier. « Alors soyons clairs: cette pénurie n’est pas due à un manque de nourriture. Elle est due aux restrictions du Gouvernement éthiopien », s’est indigné le représentant, voyant dans ces obstacles une violation du droit international et potentiellement un crime de guerre. Les négociations sur un cessez-le-feu et les discussions politiques sur la voie à suivre doivent commencer immédiatement, s’est-il impatienté, exhortant le Conseil de sécurité à montrer son unité. Le représentant a fait sien l’appel du Secrétaire général.
Mme TRA PHUONG NGUYEN (Viet Nam) a estimé que la situation humanitaire au Tigré doit être traitée de la manière la plus urgente et a appelé toutes les parties à cesser immédiatement les hostilités pour garantir un accès humanitaire sans restriction et le rétablissement des services publics, créant ainsi des conditions favorables au démarrage d’un dialogue politique. La violence, les meurtres contre les civils, y compris les femmes, les enfants et les travailleurs humanitaires, et la destruction d’infrastructures indispensables doivent être condamnés et empêchés. La représentante a estimé que le conflit a des racines politiques, historiques et ethniques « complexes » mais les autorités éthiopiennes et toutes les autres parties concernées doivent accorder la plus haute priorité aux intérêts de leur peuple, conformément aux principes de base consacrés par le droit international et la Charte des Nations Unies. Les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des États et de règlement pacifique des différends doivent également être constamment respectés, a conclu le représentant.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit suivre de près l’évolution de la situation politique et militaire en Éthiopie, regrettant l’échec du Gouvernement éthiopien à faire respecter le cessez-le-feu mais le saluant pour ses efforts tangibles visant à remédier à la grave situation humanitaire. La solution, a souligné la représentante, se trouve dans la dépolitisation de l’aide humanitaire, conformément à la résolution 46/182 de l’Assemblée générale. Elle a dit soutenir les efforts du Secrétaire général en faveur d’un dialogue politique entre les parties éthiopiennes, sans ingérence étrangère. Les élections générales de juin, a-t-elle argué, ont prouvé de façon convaincante que les autorités fédérales éthiopiennes sont en mesure d’unir leur peuple éthiopien. La représentante s’est donc dite consciente qu’elles réussiront à remettre le pays sur la « bonne voie » avec le soutien de l’Union africaine et d’autres pays de la région. Toute tentative d’exercer des pressions sur le Gouvernement élu d’Éthiopie mènera à une détérioration de la situation, a-t-elle averti, préférant miser sur une diplomatie bilatérale plus discrète dans laquelle la Fédération de Russie est prête à jouer son rôle.
Constatant que la situation en Éthiopie est difficile, M. DAI BING (Chine) a espéré que toutes les parties parviendront à régler le conflit par un dialogue inclusif. Il a salué les efforts du Gouvernement éthiopien pour améliorer la situation dans le Tigré et les régions voisines et demandé à ce dernier de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. La communauté internationale, a-t-il dit, doit renforcer son aide dans le plein respect de la souveraineté de l’Éthiopie. Il a dit fermement soutenir les efforts de l’Éthiopie pour préserver son unité et obtenir la cessation des hostilités. « Ce problème africain doit être réglé par les Africains », a-t-il dit, avant de saluer la désignation du Haut Représentant de l’Union africaine pour la Corne de l’Afrique. Il a conclu en dénonçant les sanctions unilatérales contre l’Éthiopie qui ne vont pas dans le sens du règlement de conflit. L’Éthiopie est tout à fait capable de résoudre cette crise, a martelé le représentant.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a jugé préoccupantes les informations selon lesquelles les combats se sont étendus aux régions d’Afar et d’Amhara, impliquant d’autres acteurs, tant au niveau national que régional. La représentante a appelé toutes les parties au conflit à un cessez-le-feu immédiat, tout en préconisant également le retrait de toutes les forces non éthiopiennes du Tigré et des milices extérieures aux États fédérés voisins. Elle a appelé les autorités éthiopiennes à garantir la protection de leurs citoyens, quelle que soit leur origine ethnique et leur affiliation politique. Elle a souhaité que les plaintes concernant la violence sexuelle et sexiste contre les femmes et les filles, ainsi que les violations graves contre les enfants fassent l’objet d’enquêtes et que les coupables soient traduits en justice. Il est également essentiel que tous les acteurs coopèrent à l’enquête conjointe en cours du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, a-t-elle plaidé, avant d’insister sur la nécessité de rétablir les services essentiels et d’assurer un accès humanitaire sans entrave.
Au nom du Kenya, du Niger, de la Tunisie et de Saint-Vincent-et-les Grenadines (A3+1), M. MARTIN KIMANI (Kenya) a plaidé pour une médiation dans le cadre d’un processus dirigé par l’Éthiopie et soutenu par l’architecture de paix et de sécurité disponible, en particulier celle de l’Union africaine. Il s’est inquiété de la perception croissante selon laquelle l’identité ethnique est la base du conflit. C’est d’autant plus dangereux compte tenu du risque d’amalgame entre opposition politique et confrontation ethnique. Avouant qu’il n’est pas facile de passer de la confrontation violente à la table de négociation, le représentant a insisté sur l’implication de l’Union africaine et exhorté tous les dirigeants de la région, et l’ensemble de la communauté internationale, à prêter main forte à l’ancien Président du Nigéria, M. Olusegun Obasanjo, désigné Haut Représentant de l’Union africaine pour la région de la Corne de l’Afrique. Il a dit attendre un processus de paix qui promeuve les droits de l’homme, qui préserve la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Éthiopie et qui soit véritablement inclusif.
Le représentant a donc exhorté le Gouvernement éthiopien à lever tous les obstacles juridiques, administratifs et sécuritaires au dialogue politique. Aux acteurs armés du Tigré, il a demandé de se retirer des régions voisines et d’arrêter de rallier d’autres acteurs armés. Le FPLT ne doit laisser planer aucun doute sur son attachement à l’indépendance politique et l’intégrité territoriale de l’Éthiopie, « que tous les membres de l’Union africaine sont obligés de défendre », a martelé le représentant.
Il a réclamé de tous les dirigeants éthiopiens, des annonces immédiates à tous les citoyens et à toutes les milices et unités armées, sur le fait que prendre pour cible les civils, et en particulier les femmes, est « inacceptable » et doit cesser immédiatement. Il a aussi souligné à quel point les mouvements militaires au Tigré, à Afar et à Amhara compromettent l’accès sans entrave à l’aide humanitaire. Les parties doivent annoncer leur volonté d’arrêter les hostilités et de s’engager dans un cessez-le-feu, a encore martelé le représentant. La paix n’étant pas possible avec un mouvement politique qualifié de groupe terroriste, il a demandé au Parlement éthiopien de se préparer à supprimer ce qualificatif pour permettre les négociations.
Quant au Gouvernement fédéral, il doit prouver de manière tangible à la population du Tigré qu’elle fait partie intégrante de l’Éthiopie, en reprenant la fourniture des services sociaux de base. Aux membres du Conseil de sécurité et à la communauté internationale, le représentant a demandé d’appeler le Gouvernement érythréen à retirer ses forces de l’Éthiopie et à assumer un rôle dans la consolidation de la paix. Il a préconisé la prudence dans le recours à toute mesure coercitive unilatérale qui risquerait de provoquer l’effondrement économique de l’Éthiopie et d’aggraver la crise humanitaire.
M. T. S. TIMURURTI (Inde) a pris note des efforts du Gouvernement éthiopien pour faire face à la situation, estimant que l’accès humanitaire s’est progressivement amélioré, avec davantage de convois atteignant les zones concernées. La communication et la coordination entre les autorités éthiopiennes et les organismes humanitaires se sont considérablement améliorées ces dernières semaines, a aussi constaté le représentant. L’Éthiopie, a-t-il dit, a besoin de tout l’appui qu’elle peut obtenir de la communauté internationale. Il a demandé au Conseil de traiter la question « avec sensibilité et sérieux » et aux organisations humanitaires, de prendre des mesures pour éviter le détournement de l’aide.
Le représentant a dûment dénoncé les atrocités commises par des groupes armés contre des civils, y compris des enfants. Les responsables doivent être poursuivis, a-t-il martelé, avant de rappeler que le cessez-le-feu unilatéral annoncé par le Gouvernement éthiopien le 28 juin dernier a été « une étape importante » pour améliorer la situation humanitaire. Regrettant par conséquent l’agression et la belligérance d’une partie et l’extension des combats au-delà de la région du Tigré, le représentant a prévenu que cette évolution risque de déstabiliser l’ensemble de la région de la Corne de l’Afrique. Il a donc voulu que cette réunion du Conseil renforce les efforts en vue d’un cessez-le-feu, « nécessité de l’heure ». La recherche de la solution au conflit doit être dirigée par les Éthiopiens eux-mêmes, dans le cadre de leur Constitution, a conclu le représentant.
M. TAYE ATSKE-SELASSIE AMDE (Éthiopie) a dit apprécier l’appel du Secrétaire général. La situation actuelle, a-t-il expliqué, ne s’est pas produite du jour au lendemain. Elle était en préparation bien avant que le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) ne déclenche une attaque contre le commandement nord des forces de défense éthiopiennes, le 4 novembre dernier. La genèse du conflit remonte à au moins trois décennies car depuis 1991, le FPLT maintient un contrôle hégémonique sur la vie politique, sécuritaire et économique du peuple éthiopien, avant d’être délogé du pouvoir politique en 2018, inaugurant une période de transition prometteuse. Lorsqu’il a perdu le pouvoir, le FPLT s’est replié sur le Tigré, « prenant notre peuple du Tigré en otage ».
Au cours des neuf derniers mois, alors que le Gouvernement éthiopien cherchait à faire respecter l’ordre constitutionnel, le FPLT a refusé de déposer les armes alors qu’un cessez-le-feu humanitaire unilatéral a été décrété le 28 juin, suivi du retrait des Forces de défense nationale de la région du Tigré. Or, l’engagement du Gouvernement en faveur de la paix n’a pas été pris en compte par le FPLT qui a qualifié le cessez-le-feu de « blague » et pendant ce temps-là, les membres de la communauté internationale toléraient, permettaient et autorisaient le FPLT à poursuivre sa voie destructrice.
Le représentant a accusé le Front de bloquer l’aide humanitaire et de s’engager dans des fronts entre acteurs internes et externes déterminés à déstabiliser l’Éthiopie. Nous voyons une coordination claire entre ces éléments internes et des acteurs extérieurs qui ont lancé une offensive multidimensionnelle pour entraver le droit de l’Éthiopie d’utiliser ses ressources naturelles. En ce qui concerne l’assistance humanitaire, le représentant a affirmé que son gouvernement continuera de s’acquitter de ses obligations. Nous nous engageons à réduire le nombre de points de contrôle et à accélérer le passage au scanner des convois humanitaires, a-t-il dit. La reprise des services publics, a-t-il poursuivi, requiert la paix et l’état de droit au Tigré. Ces services essentiels ne peuvent pas être reconnectés alors que le FPLT, qui a tué 33 membres du personnel d’entretien des infrastructures, pillé l’aide et confisqué des convois humanitaires, continue de persister sur la voie destructrice de la guerre.
Le représentant s’est dit surpris par tous ceux qui font pression sur son gouvernement mais tolèrent la violence et le chaos provoqués par le FPLT. La communauté internationale doit plutôt demander à ce dernier, a-t-il énuméré, d’arrêter ses opérations criminelles, de déposer les armes, de se conformer aux lois du pays et de se désolidariser « de manière irréfutable » des parrains et affiliés internes et externes. La communauté internationale, doit retirer « son soutien réel ou perçu ». Si, a prévenu le représentant, le FPLT ne respecte pas les lois du pays, le Gouvernement éthiopien actionnera tous les moyens pour maintenir l’ordre.
Il a critiqué « la mentalité de sauveur » de ceux qui cherchent à saper le droit souverain des États de défendre leur sécurité et le bien-être de leur peuple. Nous n’avons jamais délégué le façonnement de notre avenir, a souligné le représentant, fustigeant une ingérence étrangère « indue » et rejetée par tous les Éthiopiens. Par conséquent, nous appelons tous les acteurs concernés et « bien intentionnés » à travailler avec nous, a conclu le représentant.