Le Conseil de sécurité rejette un projet de résolution fixant au 31 juillet 2022 la fermeture du Bureau du Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine
Le Conseil a rejeté, cet après-midi, un projet de résolution présenté par la Chine et la Fédération de Russie qui fixait au 31 juillet 2022 la fermeture du Bureau du Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine. Le texte a recueilli 2 voix pour et 13 abstentions.
Le 27 mai dernier, le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix a nommé M. Christian Schmidt, de l’Allemagne, au poste de Haut-Représentant pour succéder à M. Valentin Inzko, démissionnaire après 12 années de service. Le 29 juin, la Chine et la Fédération de Russie étaient les seuls à contester la procédure de nomination qui, de leur avis, aurait dû être entérinée par le Conseil.
Aujourd’hui, la Fédération de Russie a, une nouvelle fois, critiqué un processus qui « contourne les prérogatives » du Conseil et qui s’apparente à une « forme de tutelle déstabilisatrice » de nature à nuire au processus de paix. Elle a prévenu des conséquences « dangereuses » d’une telle situation aux relents de « colonialisme ». C’est « tout simplement intolérable », a renchéri la Chine, en ajoutant que les différentes parties bosniennes ont une perception différente de l’utilité du Bureau du Haut-Représentant. « Il est temps de se réadapter à la situation et aux réalités de terrain, dans le respect de la souveraineté et de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine », a asséné la Chine.
Les États-Unis, la France, l’Irlande ou encore le Royaume-Uni ont défendu le caractère « légitime » de la nomination de M. Schmidt, arguant que rien dans l’Accord de Dayton ne dispose que le Conseil de sécurité doit entériner cette nomination. Le Royaume-Uni a justifié son abstention par la nécessité de s’opposer à toutes les tentatives de restreindre les prérogatives du Haut-Représentant.
Aux termes du projet de résolution, le Conseil aurait décidé que les pouvoirs du Haut-Représentant décrits dans les conclusions de la Conférence de mise en œuvre de la paix en 1997 « ne sont plus nécessaires », au vu des progrès accomplis par les parties bosniaques. Il aurait maintenu le Bureau jusqu’au 31 juillet 2022, « après quoi il fermera ». Avec d’autres, l’Irlande a rappelé que le rapport le plus récent du Secrétaire général note qu’aucun progrès n’a été accompli dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » dont la finalisation est une condition préalable à la fermeture du Bureau. M. Christian Schmidt doit prendre ses fonctions le 1er août prochain.
Explications de vote
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que la nomination de M. Christian Schmidt au poste de Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre d’un processus qui « contourne les prérogatives » du Conseil de sécurité s’apparente à une « forme de tutelle déstabilisatrice » de nature à nuire au processus de paix. Les conséquences de cette nomination peuvent être « dangereuses », a averti le représentant, soulignant que l’Accord de Dayton et la pratique établie témoigne du rôle « prédominant » du Conseil dans une telle nomination puisqu’il est impliqué en Bosnie-Herzégovine en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Avec la Chine, nous avons donc décidé, a poursuivi le représentant, de présenter un projet de résolution pour surmonter les obstacles juridiques et nous appelons les membres du Conseil à faire preuve de sagesse et à mettre un terme à une situation qui n’est qu’une « forme de colonialisme ».
À son tour, M. SHUANG GENG (Chine) a estimé que la procédure utilisée pour nommer M. Christian Schmidt remet en cause l’autorité du Conseil de sécurité et la légitimité même du Bureau du Haut-Représentant. Chercher à imposer une nomination, en contournant le Conseil est « tout simplement intolérable » a insisté le représentant. Il a d’ailleurs affirmé qu’à ce jour, les différentes parties bosniennes ont une perception différente de l’utilité ou de la pertinence dudit du Bureau. Il est temps, a conclu le représentant, de se réadapter à la situation et aux réalités de terrain, dans le respect de la souveraineté et de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
Reprenant la parole après le vote, le représentant de la Fédération de Russie a déploré le rejet du projet de résolution et jugé « illégitime et dangereux » le contournement du Conseil dans la nomination du Haut-Représentant. Pour nous, a-t-il martelé, « le poste demeure vacant » et la nomination de M. Schmidt n’ a aucune base juridique. Il a mis en garde les membres du Conseil contre toute autre nomination « illégitime ».
À son tour, son homologue de la Chine a exprimé ses regrets devant le rejet du texte. Ce candidat, a-t-il dit, n’a pas reçu le soutien du Conseil et n’a donc pas de légitimité. Dans le contexte actuel, a-t-il ajouté, le mandat du Haut-Représentant est « devenu anachronique ».
M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a expliqué que son abstention par le fait qu’il faut se féliciter de la décision du Comité directeur de nommer M. Christian Schmidt, au poste de Haut-Représentant. Le soutien du Conseil à une telle décision n’est pas juridiquement nécessaire, a-t-il estimé, avant de critiquer un projet de résolution qui aurait limité les pouvoirs du Haut-Représentant et imposé un délai pour la fermeture de son Bureau, « ce que nous ne pouvons accepter ». M. Flynn a enfin rappelé que le rapport le plus récent du Secrétaire général note qu’aucun progrès n’a été accompli dans la mise en œuvre de l’Agenda 5+2 dont la finalisation est une condition préalable à la fermeture dudit Bureau.
M. RICHARD M. MILLS, JR.(États-Unis) a accusé la Fédération de Russie et la Chine de vouloir mettre à jour les divisions du Conseil, à l’aide d’un projet de résolution qui affaiblit l’Accord de Dayton. Cet Accord, a-t-il souligné, prévoit que le Haut-Représentant soit nommé par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix. Tous les pays réunis ici étaient d’accord sur la nomination de M. Schmidt sauf la Fédération de Russie, a révélé le représentant. Or, aucune règle juridique ne dispose que le Conseil de sécurité doit approuver une telle nomination. Il a aussi rappelé que la fermeture du Bureau du Haut-Représentant dépend de l’achèvement du programme « 5 plus 2 », ce qui n’est pas encore le cas, compte tenu des tensions en Bosnie-Herzégovine.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a déclaré que le projet de résolution ne répondait pas aux attentes des membres du Conseil de sécurité et qu’il n’aurait résolu aucun problème. Le fait que 13 membres du Conseil aient décidé de s’abstenir montre que l’initiative n’a pas été menée de manière constructive, a estimé le représentant, avant d’insister sur le fait que l’avenir de la Bosnie-Herzégovine se trouve sur la voie euro-atlantique.
Mme MEENA ASIYA SYED (Norvège) a expliqué son abstention, en arguant qu’il ne revient pas au Conseil de sécurité de poser des conditions à la nomination du Haut-Représentant ni de décider de la fermeture de son Bureau. Cette fermeture ne peut être envisagée qu’à l’aune de la mise en œuvre complète du programme « 5 plus 2 », a-t-elle martelé à son tour.
Mme FARREY (Royaume-Uni) a justifié son abstention par la nécessité d’appuyer le Bureau du Haut-Représentant et de s’opposer à toutes les tentatives de restreindre les prérogatives de ce haut fonctionnaire. Elle a qualifié de « parfaitement légitime » la décision du Comité directeur de nommer M. Schmidt, ajoutant, à son tour, que la fermeture du Bureau ne peut être envisagée tant que tous les critères du programme « 5 plus 2 » ne seront pas remplis.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a souligné la persistance des divisions en Bosnie-Herzégovine et exhorté la communauté internationale à œuvrer au bien-être du peuple bosnien. L’application de l’Accord de Dayton, a-t-il ajouté, doit se faire dans l’intérêt de l’indépendance et de la souveraineté du pays et les membres du Conseil doivent éviter d’afficher leurs divisions sur cette question, a dit le représentant qui a souligné son attachement au consensus.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a salué la nomination de M. Schmidt, arguant à son tour que la fermeture du Bureau du Haut-Représentant aurait été prématuré.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a aussi souligné qu’il ne revient pas au Conseil de sécurité de poser des conditions à la nomination du Haut-Représentant ni d’ailleurs de décider de la fermeture de son Bureau. Elle a estimé que, malgré les progrès enregistrés par la Bosnie-Herzégovine ces 25 dernières années, la situation demeure fragile. Face aux dynamiques très préoccupantes, dont les tensions communautaires et certains appels à la sécession qui remettent en cause l’intégrité territoriale du pays et sont contraires à l’Accord de Dayton/Paris, la représentante s’est dite convaincue que les institutions post-conflits demeurent plus que jamais nécessaires, notamment le Bureau du Haut-Représentant.
L’objectif, défini en 2008, a-t-elle rappelé, est que le Bureau fermera quand les conditions fixées par le programme « 5 plus 2 » seront remplies. Jugeant que la procédure a été respectée, elle a annoncé que M. Schmidt prendra ses fonctions le 1er août prochain. Nous sommes disposés à travailler avec les membres du Conseil à une résolution qui se féliciterait de cette nomination, a conclu la représentante, en voyant dans un tel texte « un signal politique bienvenu mais pas juridiquement requis ».