Le Conseil de sécurité appelé à atténuer l’impact des régimes de sanctions et des mesures antiterroristes sur l’espace humanitaire
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l’ONG Action contre la faim ont appelé, ce matin, le Conseil de sécurité à veiller à ce que les régimes de sanctions et les mesures antiterroristes ne portent pas atteinte à l’espace et à l’action humanitaires, dans un contexte marqué par une forte augmentation du nombre de personnes dans le besoin du fait de l’impact des changements climatiques, de la pandémie de COVID-19 ou encore du creusement des inégalités. Cette année, a indiqué la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, nous avons pour ambition de fournir une aide à 160 millions de personnes, « un chiffre record ».
La réunion était consacrée à la préservation de l’espace humanitaire dans le contexte des conflits armés, un concept que le Directeur général du CICR a voulu expliquer très simplement: Ce n’est pas un concept abstrait mais quelque chose de tangible -une prison, un hôpital, un réseau hydrique ou un camp- ancré dans le droit international humanitaire. On peut diverger sur le sens du concept, mais quand il n’y a pas d’espace humanitaire, « ce n’est pas beau ». C’est un manque criant de protection et d’assistance pour ceux qui en ont le plus besoin. Ce sont des travailleurs humanitaires en danger de mort.
Les tactiques employées pour entraver l’action humanitaire, ont été dûment dénoncées par la Vice-Secrétaire générale de l’ONU. Elle a décrié les restrictions aux mouvements, les longues procédures douanières, ou encore les retards aux points de contrôle. À ces maux, le Directeur général du CICR en a ajouté l’impact des régimes de sanctions et des mesures antiterroristes qui peuvent par exemple amoindrir la faculté de son Comité à visiter des personnes détenues par des groupes frappés par les sanctions, à récupérer les dépouilles, à former les groupes armés au droit international humanitaire ou encore à faciliter les échanges mutuels de prisonniers.
Pour en atténuer l’impact, il a milité pour l’inclusion dans les régimes de sanctions de mesures « concrètes et pratiques » pour faciliter le travail humanitaire impartial, comme cela a été le cas pour la Somalie. Les efforts antiterroristes, a ajouté la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, doivent inclure des dispositions claires pour veiller à ce que les humanitaires ne soient pas punis pour avoir fait leur travail. Pour les sanctions comme les mesures de lutte contre le terrorisme, il faut des « dérogations humanitaires », a renchéri la Directrice déléguée au plaidoyer d’Action contre la faim, prévenant que l’exigence de certains donateurs de voir les bénéficiaires de l’aide humanitaire se soumettre à un contrôle est « une ligne rouge » à ne pas dépasser, au risque de compromettre la capacité des humanitaires de travailler de manière impartiale.
Il semble, a contré la Fédération de Russie, que le « beau slogan » d’espace humanitaire ait pour objectif de conférer une sorte d’« immunité » aux acteurs humanitaires. Elle a jugé tout simplement inacceptable que des organisations médicales et humanitaires aident directement ou indirectement les terroristes. Il est tout aussi inacceptable, a estimé le Ministre français des affaires étrangères, d’envoyer en prison des acteurs humanitaires pour avoir soigné des individus au motif que, par ces soins, ils aideraient des combattants.
Le Ministre français, dont le pays préside le Conseil de sécurité ce mois-ci a aussi appelé à sanctionner plus fréquemment les auteurs et les commanditaires d’attaques contre les personnels humanitaire et médical lesquels doivent pouvoir être visés par les régimes de sanctions, comme le Conseil l’a fait pour celui imposé en République démocratique du Congo (RDC). Un autre problème a été soulevé, celui de la politisation de l’aide humanitaire. Le Ministre indien des affaires étrangères a estimé que cette aide ne saurait être utilisée comme un moyen de rogner sur l’intégrité territoriale des États. Nous avons vu trop souvent, a-t-il affirmé, l’aide humanitaire liée aux mesures coercitives imposées par des acteurs extérieurs pour parvenir aux résultats qu'ils souhaitent.
Pour être efficace, a professé le Niger, l’action humanitaire doit être frappée du sceau d’impartialité, d’indépendance et de neutralité, sans lequel il perd la confiance des parties au conflit. Il a également conseillé de promouvoir la complémentarité entre les acteurs de la protection et les travailleurs humanitaires, surtout au Sahel, où la présence de multiples acteurs militaires, avec des mandats pas forcément harmonisés, peut parfois entraver la réponse humanitaire. Le Kenya a, pour sa part, attiré l’attention sur le fardeau des pays d’accueil des réfugiés et appelé à une nouvelle « infrastructure mondiale de partage des responsabilités » qui aille au-delà des ressources financières.
PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ. PRÉSERVER L’ESPACE HUMANITAIRE S/2021/618
Déclarations
Intervenant au nom du Secrétaire général, Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a passé en revue plusieurs situations humanitaires dans le monde, s’alarmant notamment de l’impact des attaques brutales en Afghanistan, où le nombre de victimes civils du conflit a augmenté de 29% cette année. Elle s’est aussi inquiétée de la situation au Yémen où cinq civils sont tués ou blessés chaque jour et 20 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire. Les écoles et les hôpitaux, qui devraient être des havres de paix ne sont pas épargnés, a-t-elle dénoncé évoquant l’attaque contre l’hôpital Chifa en Syrie, qui a fait 19 morts parmi les civils le mois dernier. Face à l’étendue des besoins, l’ONU veut fournir une aide à 160 millions de personne, « un chiffre record ».
Mme Mohammed a exhorté le Conseil de sécurité à prendre des actions fortes pour appuyer les acteurs humanitaires, s’alarmant du meurtre de 12 travailleurs humanitaires au Tigré depuis le début du conflit. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a-t-elle par ailleurs fait savoir, a recensé 568 cas affectant la fourniture d’aide médicale dans 14 zones de conflit en 2021, provoquant de nombreuses victimes. Un seul convoi a pu pénétrer dans le Tigré depuis le mois dernier; en Afghanistan les acteurs humanitaires sont harcelés, et 350 épisodes des restrictions imposées aux humanitaires ont été recensés au Yémen.
La Vice-Secrétaire générale a dénoncé les tactiques employées pour entraver l’action humanitaire, citant notamment les restrictions imposées aux déplacements des humanitaires, les longues procédures douanières, ou encore les retards aux points de contrôle. Les États doivent aussi veiller à ce que leurs mesures de lutte contre le terrorisme ne sapent pas les efforts humanitaires. Mme Mohammed s’est également inquiétée des pressions croissantes que subissent les organisations qui négocient avec les groupes armés non étatiques, notant qu’il s’agit là d’un élément essentiel d’une action humanitaire impartiale.
La meilleure façon de protéger l’espace humanitaire est de mettre un terme à la violence et aux conflits, a-t-elle souligné, et l’ONU intervient dans le monde entier pour participer à des négociations difficiles à cette fin. Elle a également signalé que l’assistance humanitaire n’a jamais atteint autant de personnes dans le monde, mais que les besoins dépassent « notre capacité ». Le Conseil de sécurité, a-t-elle souligné, a la responsabilité de tout mettre en œuvre pour garantir le respect du droit international humanitaire et assurer la sécurité du personnel humanitaire.
La Vice-Secrétaire générale a ensuite cité plusieurs domaines d’action pour préserver l’espace humanitaire, à commencer par la formation des forces militaires nationales, l’exercice de pressions diplomatiques et l’imposition de sanctions. Elle a également appelé à établir des lignes claires entre les opérations humanitaires et les objectifs politiques. Le respect des principes humanitaires de neutralité et d’indépendance est essentiel pour assurer la confiance des groupes armés non étatiques.
Tous les gouvernements, a-t-elle insisté, doivent protéger la capacité des humanitaires à dialoguer avec toutes les parties au conflit, y compris les groupes armés non étatiques, ce qui les rend les plus à même de pouvoir négocier des trêves. En outre, les mesures antiterroristes doivent inclure des dispositions claires pour préserver l’espace humanitaire et veiller à ce que les humanitaires ne soient pas punis pour avoir fait leur travail.
La Vice-Secrétaire générale a aussi exhorté le Conseil de sécurité à veiller à la fin immédiate des attaques contre les écoles et les hôpitaux et à condamner leur utilisation à des fins militaires. Elle a appelé à soutenir l’initiative « Les soins de santé en danger » du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge visant à mettre un terme aux attaques contre le personnel et les installations médicales, et les patients. Enfin, Mme Mohammed a fait part de l’intention du Secrétaire général de charger le prochain Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de désigner un conseiller spécial sur la préservation de l’espace et de l’accès humanitaire. La communauté internationale, a-t-elle insisté, doit accorder un soutien sans faille aux acteurs humanitaires.
M. ROBERT MARDINI, Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déclaré que l’espace humanitaire n’est pas un concept abstrait mais quelque chose de tangible -une prison, un hôpital, un réseau hydrique ou un camp- ancré dans le droit international humanitaire. S’il existe des perspectives différentes sur ce que constitue un espace humanitaire, il ne fait guère de doute sur ce qui se passe lorsqu’il n’y en a pas et « ce n’est pas beau ». C’est un manque criant de protection et d’assistance pour ceux qui en ont le plus besoin. Ce sont des travailleurs humanitaires en danger de mort. Beaucoup d’entre eux sont traumatisés, portés disparus, mutilés ou tués. Les espaces humanitaires doivent être protégés, sans exception, a souligné le Directeur général.
M. Mardini s’est inquiété de la politisation et de la manipulation de l’aide humanitaire ce qui a pour effet, a-t-il dit, de mettre les organisations humanitaires sous pression et de tenir les populations civiles en otage. Il s’est également dit préoccupé par le recours aux escortes armées, notant que lorsque des États insistent sur ces escortes pour assurer la sûreté et la sécurité des acteurs humanitaires, « le résultat est souvent exactement le contraire ».
Le Directeur général a jugé essentiel que les organisations humanitaires neutres et impartiales soient autorisées à procéder à des évaluations indépendantes des besoins et à l’acheminement de l'aide. L'accès ne doit pas être illégalement refusé ou retiré, notamment lorsque les besoins fondamentaux des personnes ne sont pas satisfaits, a-t-il insisté avant de signaler que les divisions au sein de ce Conseil, notamment au sujet de l’accès humanitaires, ne font qu’aggraver les souffrances de ceux qui sont en première ligne.
L’impact délétère des sanctions et des mesures antiterroristes sur l’aide humanitaire est une autre source de préoccupation, a-t-il poursuivi. De telles mesures entravent la faculté du CICR à visiter des personnes détenues par des groupes désignés, récupérer les dépouilles, former les groupes armés au droit international humanitaire ou encore faciliter les échanges mutuels de prisonniers. Bien qu’il soit difficile de mesurer l’impact précis de ces mesures, il ne fait aucun doute que des personnes souffrent alors que le droit international humanitaire devrait les protéger. Il a en outre constaté une nette tendance des États et des donateurs à transférer les risques associés aux opérations menées dans des environnements fragiles ou des théâtres de conflit aux acteurs humanitaires et locaux. « Cela est tout simplement insoutenable et inadmissible », a-t-il dénoncé.
Face à ces préoccupations, M. Mardini a appelé les États à veiller à ce que les organisations humanitaires soient en mesure de maintenir une proximité physique avec les populations touchées et un engagement soutenu avec les parties au conflit. Il les aussi exhortés à renouveler le consensus autour des principes clefs du droit international humanitaire et à assurer leur respect et leur mise en œuvre. Cela signifie que tous les mots prononcés ici à New York doivent être traduits dans la réalité là où ils comptent vraiment: aux points de contrôle et sur les lignes de front dans le monde entier.
À cette fin, le Directeur général du CICR a engagé les membres du Conseil à trouver des moyens innovants d’inciter à un meilleur comportement de leurs propres forces armées mais aussi de leurs alliés, partenaires et mandataires. Il faut aussi, a-t-il enchaîné, examiner et atténuer l'impact humanitaire des mesures de lutte contre le terrorisme, en mettant en place des dérogations bien conçues et permanentes. Les futures résolutions doivent exiger explicitement des États qu’ils adoptent des mesures concrètes et pratiques pour faciliter le travail des organisations humanitaires impartiales. Des protections similaires doivent aussi être prévues dans les régimes de sanctions, comme cela a été le cas pour la Somalie.
Mme LUCILE GROSJEAN, Directrice déléguée au plaidoyer, d’Action contre la Faim, s’est inquiétée de l’impact sans précédent des changements climatiques, des inégalités et de la pandémie de COVID-19, sur les besoins humanitaires, en situation de conflit. Pendant ce temps, l'espace humanitaire se rétrécit en raison d’un mépris croissant pour le droit international humanitaire, a-t-elle estimé, en regrettant que le Conseil n'ait jusqu'à présent pas été en mesure de stopper cette tendance. Elle a prévenu que les divergences entre les membres du Conseil de sécurité menacent des vies et empêchent l’aide humanitaire. Elle a attiré l’attention sur des situations qui ont vu peu de progrès alors qu’elles sont inscrites depuis des années à l'ordre du jour du Conseil.
Nous avons besoin d’une condamnation rapide suivie d’une action ambitieuse lorsque l’espace humanitaire est ignoré, a-t-elle insisté. Sur le terrain, les victimes des conflits sont souvent convaincues que l'ONU ignore ses propres résolutions. La Directrice a également souligné l’impact négatif des mesures antiterroristes et des régimes de sanctions sur la liberté de mouvement du personnel humanitaire. L’exigence de certains donateurs de voir les bénéficiaires de l’aide humanitaire se soumettre à un contrôle est « une ligne rouge » à ne pas dépasser, au risque de compromettre la capacité des humanitaires de travailler de manière impartiale.
Mettant l’accent sur l’interminable et tragique liste des attaques contre les travailleurs humanitaires, elle a cité le chiffre de 191 acteurs humanitaires tués, blessés ou kidnappés depuis début 2021. Face à ce constat, elle a exhorté le Conseil à agir et mettre un terme à cette spirale meurtrière et veiller à ce que ses décisions ne réduisent plus l'espace humanitaire. Elle a aussi demandé que les sanctions et les mesures antiterroristes puissent inclure des « dérogations humanitaires », et que les crimes contre les travailleurs humanitaires soient dénoncés collectivement. Soulignant que les violations du droit international humanitaire ne peuvent être ignorées et que la lutte contre l’impunité doit être une priorité du Conseil, elle s’est félicitée de l’intention du Secrétaire général de nommer un conseiller spécial pour la protection et le renforcement de l’espace humanitaire. Elle a promis que les organisations humanitaires travailleront avec ce conseiller spécial pour inverser les « tendances sinistres ».
M. JEAN-YVES LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a insisté sur la responsabilité d’agir et d’abord pour faire connaître et faire respecter le droit international humanitaire. Il a insisté sur le « rôle majeur » que doit jouer le Conseil de sécurité et appelé les États à prolonger le travail de formation de leurs forces armées et de leurs partenaires. À cet égard, le Ministre a attiré l’attention sur le Plan de formation au droit international humanitaire dont vient de se doter la France.
Il a aussi appelé à se mobiliser pour que les acteurs humanitaires impartiaux ne soient pas traduits en justice ou sanctionnés, du seul fait d’avoir conduit des actions humanitaires, conformes au droit international humanitaire et aux principes humanitaires. Il n’est pas acceptable qu’ils soient envoyés en prison pour avoir soigné des individus au motif que, par ces soins, ils aideraient des combattants.
De même, a poursuivi M. Le Drian, le financement des opérations humanitaires conformes au droit international ne doit pas être mis en péril par des pratiques de « surconformité » des banques, qui peuvent aboutir dans les faits à priver les acteurs humanitaires de la possibilité même d’agir. En France, a-t-il fait savoir, un canal de communication direct a été mis en place entre les banques et les ONG, afin de construire un dialogue de confiance. Un circulaire, qui encourage les Parquets à prendre en compte la spécificité des missions des acteurs humanitaires dans l’application des législations pénales antiterroristes, a également été préparée.
Le Ministre a aussi appelé à protéger les travailleurs humanitaires et à lutter de façon déterminée contre l’impunité des crimes et attaques perpétrés à leur encontre. Nous devons donc impérativement sanctionner plus fréquemment les auteurs et les commanditaires d’attaques contre les personnels humanitaire et médical. Cela suppose que les régimes de sanctions permettent de les viser. Le Conseil vient d’introduire ce critère dans le régime lié à la RDC; il doit en faire autant pour d’autres régimes, a estimé le Ministre. M. Le Drian a voulu que l’on garde à l’esprit la voie de la justice pénale internationale, dès lors que des crimes commis contre des travailleurs humanitaires relèvent de la compétence matérielle de la Cour pénale internationale. « Il s’agirait d’un signal fort. »
M. MARCELO EBRARD CASAUBON, Ministre des affaires étrangères du Mexique, a rappelé que la protection de ceux qui ne participent pas aux hostilités est l’objectif principal du droit international humanitaire (DIH). Face à la multiplication des attaques contre le personnel humanitaire et les infrastructures civiles, tels que les écoles, les hôpitaux ou les stations d’eau, le Ministre a souligné qu’il incombe principalement aux juridictions nationales de traiter de ces situations. Néanmoins, il a invité le Conseil à examiner celles situations qui doivent être renvoyées à la Cour pénale internationale (CPI), comme le prévoit le Statut de Rome.
Le Ministre a souligné la nécessité de mesurer l’impact négatif sur l’action humanitaire des sanctions et des mesures antiterroristes. Il est clair, a-t-il dit, les sanctions affectent directement les opérations humanitaires, comme l’interdiction d’importer tel ou tel bien. Le Ministre a néanmoins reconnu que des sanctions approuvées par le Conseil de sécurité contre les individus qui attaquent le personnel médical ou humanitaire peuvent être dissuasives. Il a particulièrement salué la résolution 2582 sur la République démocratique du Congo (RDC).
En outre, le Ministre a mis l’accent sur le concept « d’espace humanitaire », en soulignant la pertinence de l’Appel à l’action lancé par la France et l’Allemagne en 2019, après l’initiative de la Suisse, de l’Allemagne et de son pays. Le Mexique, a dit le Ministre, invite ceux qui ne l’ont pas encore fait à se joindre à cette initiative. Il a d’ailleurs précisé qu’au Mexique une Commission interministérielle, créée en 2009, étudie et révise en permanence la législation nationale pour la mettre en conformité avec les développements du droit international humanitaire. Le Ministre a souligné l’engagement de son pays à continuer de promouvoir la protection de l’espace humanitaire en tant qu’élément central pour garantir la sécurité internationale, la réalisation d’une paix durable et la promotion d’une aide humanitaire qui ne soit pas l’otage de considérations politiques.
Nous sommes, a prévenu Mme RAYCHELLE OMAMO (Kenya), à un point critique que nous avons déjà peut-être dépassé. Les crises humanitaires s’aggravent et durent beaucoup plus longtemps. Les pays d’accueil des réfugiés risquent des problèmes sécuritaires et des coûts environnementaux intenables et dangereux pour leur stabilité et les donateurs sont bien loin des ressources nécessaires. La représentante a d’abord appelé toutes les parties aux conflits à respecter leurs obligations humanitaires. Elle a ensuite souligné le caractère « temporaire » des interventions humanitaires, contrairement à leur « quasi-permanence » que l’on observe aujourd’hui. Le Conseil, a-t-elle estimé, doit travailler beaucoup plus sérieusement à sa collaboration avec les organisations régionales, comme l’Union africaine, pour mettre fin plus rapidement aux conflits. Cette collaboration doit s’élargir aux mandats des opérations de paix et aux sanctions pour leur imprimer un caractère réaliste, réalisable et réactif aux contextes politiques spécifiques.
Après avoir une nouvelle fois attiré l’attention sur le fardeau des pays d’accueil des réfugiés, la représentante a appelé à une nouvelle « infrastructure mondiale de partage des responsabilités ». Parlant au nom d’un pays qui abrite des réfugiés depuis plusieurs décennies, elle a insisté sur le fait que ce partage doit aller au-delà des ressources financières. Elle a aussi jugé essentiel que les acteurs humanitaires trouvent les moyens de travailler plus efficacement avec les agences chargées de la sécurité, et en particulier de la lutte contre le terrorisme. Ces acteurs, a-t-elle insisté, pourraient être plus novateurs et plus ambitieux pour renforcer leur chaîne d’approvisionnement et éviter que leurs processus soient exploités par les terroristes. Face aux crises humanitaires et autres, la représentante a prôné la bonne gouvernance. Elle a dit attendre avec intérêt de voir l’ONU lancer une conversation sur un nouveau paradigme pour des États résilients.
M. OTHMAN JERANDI, Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens de l’extérieur de la Tunisie, a relevé que 235 millions de personnes dans 56 pays ont besoin d’une aide d’urgence en 2021, comparé à 168 millions en 2020. Cette augmentation est en partie due à la COVID-19 et aux changements climatiques, mais aussi aux tensions entre les pays. Il s’est inquiété de la prise pour cible et des contraintes imposées aux humanitaires, insistant sur l’importance de l’établissement des responsabilités. Il a exhorté à veiller à la protection du personnel humanitaire et médical conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, mais aussi à promouvoir la réconciliation. Il faut, a-t-il insisté, soutenir l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu mondial et intensifier les efforts pour mettre un terme aux conflits en Afrique notamment, ainsi qu’au conflit israélo-palestinien.
Le Ministre a également appelé au respect des principes de neutralité et d’indépendance humanitaire pour permettre notamment aux organisations humanitaires de négocier avec les acteurs non étatiques. Il a aussi engagé les organisations humanitaires à veiller à une meilleure complémentarité et coordination entre elles. Dans le cadre de la migration irrégulière, a-t-il indiqué, des interférences entravent l’action humanitaire et provoquent différents défis pour les États de transit. Il a appelé à plus de solidarité et de coordination pour aider les humanitaires à remplir pleinement leur rôle.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que les travailleurs humanitaires sont les « super-héros » du monde, risquant leur vie pour sauver celle des autres et soulager les souffrances. « Le monde leur doit de la gratitude mais au lieu de cela, ils sont attaqués, kidnappés voire tués. La représentante a attiré l’attention sur les récents incidents en Afghanistan et dans la région du Tigré en Éthiopie, et a appelé les États Membres et toutes les parties au conflit à se conformer au droit international humanitaire et à protéger l’indépendance et la neutralité des organisations humanitaires.
S’appuyant sur des cas particuliers, elle a déclaré que le « régime » du Président syrien a multiplié les conditions à l’acheminement de l’aide humanitaire. Au Venezuela, où une personne sur trois vit dans l’insécurité alimentaire, et le « régime Maduro » n’a autorisé que récemment les livraisons du Programme alimentaire mondial (PAM). Dans la région du Tigré en Éthiopie, la réponse aux besoins essentiels est tout simplement refusée, a-t-elle encore dit, avant de se faire l’écho de l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu humanitaire mondial. Un tel cessez-le-feu, a-t-elle conclu, n’entamerait en rien la faculté des États de poursuivre leurs opérations légitimes de lutte contre le terrorisme.
M. HARSH VARDHAN SHRINGLA, Ministre des affaires étrangères de l’Inde, a affirmé que les principes du droit humanitaire se sont ancrés dans son pays avant même l’évolution de la jurisprudence moderne. L’Inde a suivi la voie du « Dharma » ou de la « juste conduite » et offert un refuge aux peuples persécutés pendant des siècles. Le « Dharma », a expliqué le Ministre, est fondé sur les normes du conflit armé de l’Inde ancienne et une importance capitale est accordée à la distinction entre combattants et non-combattants. Dans un « Dharma-yuddha » ou « une juste guerre », les civils ne sont pas attaqués. Ils sont protégés. Le Ministre a donc condamné le meurtre du journaliste indien, Danish Sidiqui, à Kandahar en Afghanistan. L’aide humanitaire, a-t-il poursuivi, doit être distribuée de manière impartiale, conformément à la résolution 46/182 de l’Assemblée générale et aux autres résolutions pertinentes. L’Inde, a souligné le Ministre, est attachée aux principes d’humanité, de neutralité et d’indépendance dans toutes les situations humanitaires.
Nous sommes aussi attachés, a dit le Ministre, aux principes de la Charte dont la souveraineté, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des États, lesquels doivent demeurer la base de toutes les actions humanitaires. En l’occurrence, le Conseil doit éviter la politisation du travail et des acteurs humanitaires. L’aide ne saurait être utilisée comme un moyen de rogner sur l’intégrité territoriale des États. Nous avons vu trop souvent, a affirmé le Ministre, l’aide humanitaire liée aux mesures coercitives imposées par des acteurs extérieurs pour imposer leurs résultats. Non seulement cela est contre-productif mais cela risque aussi de rétrécir l’espace nécessaire à l’action humanitaire.
Établir les responsabilités pour des violations graves du droit international humanitaire demeure l’un des défis les plus graves, a encore dit le Ministre. Nous devrions, a-t-il estimé, aider les autorités nationales à renforcer leurs cadres juridiques pour qu’ils puissent enquêter et poursuivre les responsables. Les sanctions contre les auteurs de violations sont un outil dont dispose le Conseil mais elles doivent jouir de l’appui international et régional pour ne pas détériorer encore davantage les crises humanitaires. Le représentant a pris l’exemple de la Syrie à propos de laquelle le Secrétaire général et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires ont alerté sur l’impact dévastateur des sanctions sur la situation humanitaire.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a dénoncé les attaques contre les travailleurs et les installations humanitaires, évoquant notamment la situation au Tigré où les parties au conflit entravent l’acheminement de l’aide. Elle a appelé l’ensemble des parties à lever les obstacles et dénoncé des situations similaires au Yémen, en Afghanistan et au Soudan du Sud. La représentante s’est félicitée de l’adoption de la résolution 2585 (2021) facilitant la poursuite de l’acheminement d’une aide vitale en Syrie. Les membres du Conseil de sécurité doivent à présent travailler ensemble pour mettre en œuvre les résolutions qui visent à établir les responsabilités pour les violations du droit international. La représentante a appelé à un recours plus systématique aux sanctions, tout en veillant à ce qu’elles n’entravent pas l’acheminement de l’aide humanitaire.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a insisté sur la dangerosité des environnements dans lesquels évoluent les acteurs humanitaires, comme en témoigne la Syrie. Outre les restrictions bureaucratiques et administratives aux mouvements de ces acteurs, certains États utilisent désormais la COVID-19 comme prétexte. Le représentant a déploré cette impunité pour les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Nous avons l’obligation, a-t-il dit, d’établir les responsabilités et d’enquêter sur tous les crimes de guerre, y compris ceux commis contre les travailleurs humanitaires et la fourniture de l’aide. Il est « inacceptable » que dans certains cas, certains violateurs soient « récompensés » par des postes au gouvernement ou plus généralement dans le secteur public. Nous devons faire attention aux signaux que ce type de « promotions » envoie, a prévenu le représentant.
Quand un État refuse d’enquêter, on doit, a-t-il martelé, faire appel à la Cour pénale internationale devant laquelle le Conseil de sécurité a un droit de saisine. Pour assurer l’établissement des responsabilités, nous devons, a poursuivi le représentant, nous montrer proactifs dans la formation de nos forces armées au droit international humanitaire. Le représentant a conclu en appelant à la pleine mise en œuvre des résolutions 2286 et 2417, arguant que les acteurs humanitaires doivent avoir du pouvoir et qu’il faut les soutenir. La résolution 2417, a-t-il rappelé, nous donne la possibilité d’envisager des sanctions ciblées qui sont « nécessaires » pour tenir les individus et les entités responsables de leurs obstructions à la fourniture de l’aide humanitaire.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a dénoncé l’augmentation des menaces à l’encontre des acteurs humanitaires et a fermement condamné les actes de violence qu’ils subissent. Pour assurer leur sûreté et sécurité, il a appelé au plein respect du droit international humanitaire par toutes les parties à un conflit, y compris les groupes armés étatiques et non étatiques. Il faut également protéger les infrastructures essentielles à la livraison de l’aide ainsi que les systèmes de production alimentaire. Les auteurs d’attaques contre le personnel humanitaire doivent être traduits en justice. Le représentant a aussi appelé au respect du principe de souveraineté et de non-ingérence, notant qu’un dialogue entre les organisations humanitaires et l’État hôte aiderait à mieux comprendre le contexte social et culturel et à gérer les risques. Il a par ailleurs appelé à redoubler d’efforts pour renforcer les capacités locales, réduire les besoins humanitaires et répondre aux causes sous-jacentes des conflits armés. La prévention des conflits et la consolidation de la paix sont d’une importance primordiale, a-t-il ajouté.
En tant que membre du Conseil de sécurité, a souligné, M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) nous avons la responsabilité « unique » de maintenir la paix et la sécurité internationales et dans ce contexte, de promouvoir et d’assurer le respect du droit international humanitaire qui sert à protéger l’espace humanitaire. Trop souvent, a dit à son tour le représentant, ce droit est violé, comme on le voit en Syrie, en Afghanistan et ailleurs. L’Irlande, a-t-il dit, ne cesse d’appeler à l’établissement des responsabilités pour ces violations ainsi que celles des droits de l’homme. Le représentant a appelé à une enquête indépendante sur le meurtre des trois membres du personnel de Médecins sans frontières (MSF) au Tigré. L’histoire nous apprend, a-t-il dit, que lorsque l’on n’établit pas les responsabilités, la culture de l’impunité se propage, affectant en particulier les femmes et les filles. Quand ce Conseil est informé de violations graves, il doit chercher à en identifier les coupables, a martelé le représentant qui a fermement appuyé l’Appel à l’action.
Il s’est aussi attardé sur les acteurs humanitaires qui travaillent dans leur propre pays. Bien plus que leurs collègues internationaux, ils sont aux fortes pressions de leurs autorités, de leurs communautés et de leurs forces de sécurité. Ces problèmes doivent être pris en compte lorsque l’on planifie la sécurité de tout le personnel, a estimé le représentant. Il a conclu sur l’impact des mesures antiterroristes qui peuvent limiter, criminaliser et empêcher les acteurs humanitaires de fournir de l’aide dans les zones contrôlées par des individus ou des entités frappés de sanctions, y compris des organisations terroristes. Le représentant a estimé aussi que les organismes de l’ONU chargés de la lutte contre le terrorisme devraient travailler plus systématiquement avec les acteurs humanitaires. Il a appelé le Conseil à prévoir des dérogations dans ses régimes de sanctions pour ne pas entraver le travail humanitaire.
M. ABDOU ABARRY (Niger) a estimé qu’à tout juste un mois de la célébration de la journée mondiale de l’aide humanitaire le 19 aout prochain, il est grand temps que tous les États renouvellent leur engagement en faveur de la protection de ces héros que sont les acteurs humanitaires et qui se sont encore distingués dans la terrible combat contre la pandémie de COVID-19. Dans la région du Sahel, a-t-il fait observer, les groupes terroristes et autres criminels s’attaquent aussi hélas, aux acteurs humanitaires. Ces dernières années ont vu malheureusement, une augmentation dans le nombre d’attaques majeures contre les travailleurs humanitaires, a constaté le représentant. Ces attaques, conjuguées avec la nature changeante et les conflits de types nouveaux, doivent obliger les États à réévaluer leur rôle et à réfléchir à de nouvelles façons d’assurer la protection, la sûreté et la sécurité des travailleurs humanitaires, et celles du personnel médical.
En l’occurrence, le représentant a jugé « crucial » de dépolitiser le débat autour de l’espace humanitaire, même si comme l’a dit un auteur célèbre « l’humanitaire c’est la continuation de la politique par d’autres moyens ». L’aide humanitaire ne doit pas servir d’instrument pour atteindre des objectifs de politiques étrangères, tout comme elle ne peut être délibérément politisée par certains acteurs humanitaires, en réponse aux difficultés auxquelles ils sont confrontés sur le terrain. Pour être efficace l’action humanitaire doit être frappée du sceau d’impartialité, d’indépendance et de neutralité, sans lequel il perd la confiance des parties au conflit.
Si les États doivent respecter le droit humanitaire international, ils doivent aussi élever la question de la protection du personnel humanitaire au niveau de politique nationale. Il a encouragé les acteurs humanitaires à collaborer avec les différents acteurs sécuritaires. Il faut en effet, a estimé le représentant, promouvoir la complémentarité entre les acteurs de la protection et les travailleurs humanitaires, surtout au Sahel, où la présence de multiples acteurs militaires, avec des mandats pas forcément harmonisés, peut parfois entraver la réponse humanitaire. Concluant sur la question « très controversée » de l’impact des sanctions unilatérales, sur l’aide humanitaire, il a plaidé pour que les activités exclusivement humanitaires, menées par des organisations impartiales, et conformément au droit international humanitaire soient exclues du champ d’application de ces sanctions.
M. BING DAI (Chine) a appelé la communauté internationale à pratiquer un véritable multilatéralisme et à assurer la sécurité des travailleurs humanitaires, alors que la COVID-19, l’insécurité alimentaire, les défis économiques et la politisation croissante des opérations humanitaires ont compromis l’efficacité des actions. Le représentant a exhorté toutes les parties à adhérer au droit international humanitaire. Après avoir rappelé qu’il incombe aux gouvernements d’assumer la responsabilité principale de protéger l’espace humanitaire, il a souligné le rôle de l’ONU et des partenaires internationaux dans le renforcement des capacités.
L’aide humanitaire doit s’appliquer conformément aux principes de neutralité et d’objectivité, et « ne doit pas devenir un » outil de rivalité ou de « manipulation politique », a insisté le représentant, avant de se faire l’avocat des opérations humanitaires « respectueuses » des lois, des coutumes et des normes sociales locales. Il a en outre appelé à la levée immédiate de toutes les sanctions unilatérales parce qu’elles empêchent l’accès aux fournitures nécessaires et déstabilisent l’ordre économique des États ciblés. Soulignant que les attaques contre les travailleurs humanitaires et les infrastructures essentielles sont une conséquence regrettable des conflits armés, le représentant a dit la nécessité de s’attaquer aux causes profondes des conflits et a exhorté les pays à se doter d’une vision à long terme qui mette l’accent sur la réduction de la pauvreté et le développement durable.
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) s’est inquiétée de l’augmentation du nombre d’attaques contre les travailleurs et les installations humanitaires depuis le début de la pandémie de COVID-19. L’augmentation du nombre de personnes dans le besoin est également préoccupante, de même que la détérioration de l’environnement humanitaire. Elle a appelé à améliorer la sûreté des travailleurs humanitaires et à préserver l’accès humanitaire. Invoquer l’obligation morale et juridique ne suffit pas pour garantir le respect du droit international humanitaire. Il n’y a pas d’approche à taille unique et il faut mettre en place des dispositifs pragmatiques et adaptés au contexte, a-t-elle insisté. Les principes, les protocoles et les règles de base doivent être établis dans un processus collectif de prise de décision.
La représentante a également estimé que la législation antiterroriste doit éviter d’ériger en infraction les mesures prises par les humanitaires, et que les régimes de sanction établis par le Conseil de sécurité doivent se garder de restreindre la faculté à secourir les populations. Une évaluation plus systématique de l’impact des mesures antiterroristes sur l’action humanitaire s’impose et il convient d’en tenir compte pendant la création ou le renouvèlement des régimes de sanction. Mme King a aussi réclamé des ressources suffisantes pour protéger l’espace humanitaire. Les organisations doivent avoir un accès aux financements pour l’analyse des contextes, les négociations ou encore les équipements de communication. Les donateurs doivent pour leur part veiller à ce que les accords de financement comprennent des dispositifs pour assurer une évaluation continue et adéquate des risques.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a souligné la situation de plusieurs pays, victimes de conflit, accusés « à tort » de vouloir délibérément bloquer l’accès humanitaire. Le représentant a tenu à rappeler que les activités humanitaires doivent être menées en conformité avec les principes directeurs consacrés dans la résolution 46/182 de l’Assemblée générale. Il a insisté sur le fait que le consentement de l’État hôte constitue la base de la sécurité, de la neutralité et de l’impartialité de l’action humanitaire. Dans ce contexte, il s’est interrogé sur la pertinence du concept d’« espace humanitaire », en estimant que ce « beau slogan » a pour objectif de conférer une sorte d’« immunité » aux acteurs humanitaires qui empiètent sur la souveraineté des États, en contradiction avec la résolution 46/182.
Le représentant russe a aussi souligné la nécessité de faire en sorte que les opérations humanitaires ne soient pas utilisées pour empêcher les États d’honorer leurs obligations liées à la lutte contre le terrorisme. Il est « inacceptable » que des organisations médicales et humanitaires aident directement ou indirectement les terroristes, en compromettant les efforts antiterroristes internationaux, a martelé le représentant, en rappelant que la résolution 2462 du Conseil de sécurité souligne que les activités humanitaires doivent être menées de manière impartiale et dans le respect du droit international humanitaire.
Le représentant a également fustigé la tendance du Conseil de sécurité à renvoyer des situations à la Cour pénale internationale (CPI) ou à créer des tribunaux spéciaux. Cette pratique, a-t-il estimé, ouvre la voie aux abus, surtout lorsque l’on voit des États poursuivre des suspects dans des États tiers, sur la base d’une prétendue « compétence universelle ». Nous pensons que le premier rôle dans la lutte contre l’impunité doit être laissé aux systèmes judiciaires des États dans lesquels les violations présumées ont été commises, a insisté le représentant. Un des meilleurs moyens d’éviter les crises humanitaires, a-t-il conclu, est de renoncer à la pratique « vicieuse » des sanctions et des blocus. Il a dénoncé le recours accru aux sanctions unilatérales à motivation politique, « une nouvelle réalité et une nouvelle forme d’atteinte à la souveraineté des États et d’ingérence dans leurs affaires intérieures ».
Mme MONA JUUL (Norvège) a fait observer que si le Conseil de sécurité a maintenu en vie le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie, les acteurs humanitaires doivent tout de même négocier tous les jours leur accès avec les communautés locales et les autorités. L’accord des communautés est certes crucial mais il ne suffit pas à garantir la sécurité des acteurs humanitaires. Ces acteurs, a martelé la représentante, doivent pouvoir parler directement avec les parties aux conflits, y compris les groupes armés non étatiques. Il faut donc que les donateurs et les directeurs de l’action humanitaire aient un niveau élevé d’accès diplomatique et coordonnent leur actions avec les organisations sur le terrain.
Quant aux attaques contre ces organisations et leurs personnels, la représentante a appuyé le système de surveillance de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le projet sur les Centres de données relatives au conflit et à l’humanitaire. De telles données, a-t-elle souligné, permettront d’élaborer de meilleures réponses, de mieux coopérer et de partager les pratiques exemplaires. Donnant l’exemple de son pays, elle a prié tous les États d’explorer les mesures nationales et internationales propres à renforcer le respect du droit international humanitaire et la protection des civils, y compris les travailleurs humanitaires. Elle a insisté à son tour sur l’établissement des responsabilités, appelant à des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces, sans oublier les mécanismes de justice pénale « crédibles » aux niveaux national et international. Elle a conclu, en notant les observations de la communauté humanitaire sur l’impact des mesures antiterroristes et des sanctions sur l’aide. Les cadres juridiques, a-t-elle dit, doivent comprendre les garanties et les dérogations nécessaires.