8810e séance – après-midi
CS/14568

Bosnie-Herzégovine: la nomination du nouveau Haut-Représentant divise les membres du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité, réuni cet après-midi à la demande de la Fédération de Russie et en présence de la Ministre des affaires  étrangères de la Bosnie-Herzégovine, a affiché sa division au sujet de la nomination du nouveau Haut-Représentant des Nations Unies pour la Bosnie-Herzégovine.  

En effet, alors que  M. Valentin Inzko  a  démissionné après 12 années de service, le  Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix a désigné, le 27 mai dernier, M. Christian Schmidt (Allemagne) pour le remplacer.  Le représentant de la  Fédération de Russie a contesté la procédure de désignation  qui, de son avis, aurait dû être entérinée par le Conseil de sécurité, tandis que d’autres membres du Conseil  l’ont trouvé tout à fait légale.   « Aucune règle juridique ne prévoit que le Conseil se prononce pour approuver cette nomination », a par exemple argué le délégué du Royaume-Uni.  

Le Responsable de la Division Europe et Asie centrale au Département des opérations de paix a rappelé que l’ONU n’est pas membre du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix et n’a donc pas pris part au processus de nomination.  De plus, M. Hervé Lecoq a souligné que l’ONU n’était signataire ni de l’Accord de paix de Dayton ni de son annexe 10. 

Cette nomination s’est faite dans le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a confirmé la Ministre bosnienne, Mme Bisera Turkovic, qui était présente dans la salle du Conseil de sécurité.   Une présence remise en cause en fin de séance par le délégué russe qui a estimé qu’elle parlait à titre personnel, puisqu’une lettre du Présidium de la Bosnie-Herzégovine note que les propos de la Ministre  Turkovic  ne reflètent pas ceux de toutes les parties de son pays.  Mme Turkovic s’est défendue en faisant valoir que « la Ministre des affaires  étrangères  n’a  pas besoin du  consentement  d’un membre du  Présidium  pour s’exprimer ».  

Initiatrice de la réunion, la Fédération de Russie a vivement contesté la procédure de nomination, expliquant que « depuis toujours les Haut-Représentants pour la Bosnie-Herzégovine ont été nommés par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix au terme d’une procédure transparente  et en consultation avec les parties bosniennes ».    Une désignation  qui est ensuite validée par une résolution du Conseil de sécurité.  Dans le cas de M. Schmidt, ni les membres du Conseil de mise en œuvre de la paix, dont la Fédération de Russie  fait partie, ni les parties bosniennes, et encore moins le Conseil de sécurité n’ont été consultés.   L’approbation du Conseil de sécurité est une pratique de longue date qui doit être préservée, a corroboré la Chine. 

« Pourquoi a-t-on  cherché à  dissimuler  la lettre qui  nomme M. Schmidt aux membres du Conseil de sécurité? », a en outre demandé la Fédération de Russie.  Le Président du Conseil de sécurité  a  expliqué  que cette lettre avait été adressée au Secrétaire général et que c’était à celui-ci de le faire.  Lorsqu’il a tardé, le Président du Conseil l’a fait de manière officieuse, a-t-il expliqué en assurant qu’il n’y avait aucune « mauvaise intention » dans cette démarche.  Il n’en demeure pas moins que pour la Fédération de Russie, ce « soi-disant  haut-représentant Schmidt  n’aura pas l’autorité requise  dans le cadre du processus en Bosnie-Herzégovine ». 

Personne n’essaye de contourner le Conseil, a assuré le représentant des États-Unis en expliquant que « c’est au Comité directeur qu’il revient de nommer le Haut-Représentant, pas  au  Conseil de sécurité ».  Or, a noté la délégation américaine, tous les membres du Comité directeur ont accepté la nomination, à l’exception de la Fédération de Russie.  L’unanimité n’étant pas requise, la procédure a été correcte, a ajouté le Royaume-Uni.  La France a confirmé que les procédures de nomination ont été respectées et que la prise de fonction de M. Schmidt aura bien lieu le 1er août. 

La délégation de Saint-Vincent-et-les Grenadines a estimé qu’il aurait toutefois été prudent de consulter le Conseil de sécurité sur la question de cette nomination, étant donné le rôle de cet organe pour la stabilité en Bosnie-Herzégovine.  De même, le Niger a tenu à souligner « la pertinence de la pratique établie par le Conseil de sécurité en la matière,  laquelle consiste à entériner cette nomination par une résolution ».  Cette approche de compromis a également été partagée par le Kenya qui a appelé les membres du Conseil de sécurité à œuvrer de manière consensuelle sur cette question. 

Par ailleurs, M. Lecoq a relevé que bien qu’il y ait eu des progrès dans certains domaines, la situation générale en Bosnie-Herzégovine reste préoccupante en ce qui concerne la consolidation de la paix et la réconciliation.  Surtout lorsqu’on voit des pratiques qui, loin d’effacer les cicatrices du passé, contribuent à la polarisation et entravent les perspectives de prospérité et de stabilité, non seulement pour la Bosnie-Herzégovine, mais aussi pour la région.  Il a évoqué des cas persistants de récits révisionnistes, de rhétorique de division, de négation du génocide et des crimes de guerre, de glorification de criminels de guerre condamnés et de discours de haine.  Confirmant ce diagnostic, la Chef de la diplomatie bosnienne a avoué que le système politique de la Bosnie-Herzégovine n’a pas encore été « immunisé ».  S’il continue sur la pente des dernières années, « nous risquons une résurgence de la maladie, et tous les efforts auront alors été vains », a-t-elle averti.     

Conscientes de cette situation à risque dans le pays, plusieurs délégations ont appelé à la promotion du processus politique et de la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton.    Les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine doivent prendre les mesures nécessaires pour mener à bien le programme « 5 plus 2 », a aussi plaidé l’Irlande, rappelant que c’est de la mise en œuvre de ce programme que dépend la fermeture du Bureau du Haut-Représentant. 

En rappel, c’est après l’aboutissement de l’Accord de paix de Dayton en 1995, que le Conseil de mise en œuvre de la paix a été mis sur pied à Londres.  Il comprend 55 pays et agences qui soutiennent le processus de paix de différentes manières, en apportant une aide financière, en fournissant des troupes ou en menant directement des opérations en Bosnie-Herzégovine.  La Conférence de Londres sur la mise en œuvre de la paix a également établi un Comité directeur pour travailler sous la présidence du Haut-Représentant en tant qu’organe exécutif du Conseil de mise en œuvre de la paix.  Les membres du Comité directeur sont le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la Fédération de Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, la présidence de l’Union européenne, la Commission européenne et l’Organisation de la conférence islamique (OCI) représentée par la Turquie.  

LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Déclarations

M. HERVÉ LECOQ, Responsable de la Division Europe et Asie centrale au Département des opérations de paix, a relevé que bien qu’il y ait eu des progrès dans certains domaines, la situation générale en Bosnie-Herzégovine reste préoccupante en ce qui concerne la consolidation de la paix et la réconciliation.  Surtout que l’on voit des pratiques qui, loin d’effacer les cicatrices du passé, contribuent à la polarisation et entravent les perspectives de prospérité et de stabilité, non seulement pour la Bosnie-Herzégovine, mais aussi pour la région.  Il s’agit notamment, a dit M. Lecoq, de cas persistants de récits révisionnistes, de rhétorique de division, de négation du génocide et des crimes de guerre, de glorification de criminels de guerre condamnés et de discours de haine.  Il a rappelé qu’au cours de sa visite de 10 jours en Bosnie-Herzégovine au début du mois, la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Mme Wairimu Nderitu, s’est déclarée préoccupée par cette tendance et a appelé à un engagement accru en faveur de l’instauration de la confiance et de la réconciliation.  Elle a également souligné le rôle important de tous ceux qui occupent des postes de direction pour rassembler les gens, favoriser la compréhension et la confiance mutuelles et œuvrer à la réconciliation. 

M. Lecoq a dit que les Nations Unies continueront de soutenir la réponse de la Bosnie-Herzégovine à la COVID-19, ainsi que son redressement socioéconomique.  De même, la mise en œuvre des objectifs de développement durable continue de guider le travail des Nations Unies sur le terrain, en soutien aux autorités et au peuple de Bosnie-Herzégovine.  En ce qui concerne le nouveau cadre quinquennal de coopération pour le développement durable des Nations Unies, signé en mai 2021, les Nations Unies se sont engagées à aider le Gouvernement et tous les habitants de Bosnie-Herzégovine à vivre plus longtemps, en meilleure santé, plus prospères et plus en sécurité.  Et l’ONU entend continuer de travailler en étroite collaboration avec ses partenaires, notamment l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Union européenne (UE).  Au cours des dernières années, de nombreuses personnes –y compris des jeunes– ont quitté la Bosnie-Herzégovine pour chercher un avenir meilleur ailleurs, a souligné M. Lecoq.  Il a rappelé que les jeunes ont un rôle important à jouer pour façonner l’avenir de la Bosnie-Herzégovine.  

En ce qui concerne les récents développements au sein du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix à Sarajevo, liés à la nomination du nouveau Haut-Représentant, M. Lecoq a rappelé que l’ONU n’est pas membre dudit Comité directeur et n’a donc pas participé au processus.  « Permettez-moi également d’ajouter, par souci de clarté, que l’ONU n’était signataire ni de l’Accord de paix de Dayton ni de son annexe 10 », a-t-il ajouté.  Il a assuré que l’ONU reste déterminée à soutenir la Bosnie-Herzégovine dans son chemin vers une paix et un développement durables et se réjouit de poursuivre son travail avec toutes les parties prenantes en Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’avec les partenaires régionaux et internationaux. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que cette réunion a été convoquée à l’initiative de la Fédération de Russie qui conteste la désignation de M. Christian Schmidt au poste de Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine.  La Fédération de Russie a contesté la procédure de cette nomination et a catégoriquement refusé cette désignation, a-t-il expliqué.  Depuis toujours les haut-représentants pour la Bosnie-Herzégovine ont été nommés par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix au terme d’une procédure transparente et en consultation avec les parties bosniennes.  « Rappelant que la désignation a ensuite été validée par une résolution du Conseil de sécurité, le délégué a fait remarquer que, dans le cas de M. Schmidt, ni les membres du Conseil de mise en œuvre de la paix, dont la Fédération de Russie fait partie, ni les parties bosniennes, ni le Conseil de sécurité n’ont été consultés. 

« Le nom de M. Schmidt venait de nulle part et le Comité directeur a décidé de le nommer sans consulter ses membres du Conseil et les parties bosniennes », a martelé le représentant en reprochant à certains collègues du Conseil de sécurité d’avoir fait des manœuvres qui n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu.  À cet égard, il a cité une lettre du 3 juin 2021 adressé au Secrétaire général par le Haut-Représentant sortant, qui n’aurait pas été distribuée aux membres du Conseil de sécurité jusqu’à ce que la Fédération de Russie insiste pour que ce soit fait. 

La Fédération de Russie a réaffirmé vouloir tout faire pour respecter l’Accord de Dayton de 1995, un accord qui est signé par les pays parties et les garants.  Cet Accord reste le pilier qui permet de maintenir la paix en Bosnie-Herzégovine, a estimé le représentant, et les membres du Conseil de sécurité doivent tout faire pour que les progrès des 25 dernières années ne soient pas annihilés. 

La position de la Fédération de Russie sur la désignation du Haut-Représentant est bien connue, a-t-il poursuivi en insistant sur le fait que c’est au peuple de la Bosnie-Herzégovine de décider de son avenir et à personne d’autre.  Dans la situation actuelle, la Fédération de Russie a dit voir quelque chose d’inquiétant se dessiner.  « Pourquoi a-t-on cherché à dissimuler cette lettre  et à nommer M. Schmidt sans l’assentiment du Conseil de sécurité et des parties bosniennes? »  Cela ne fera que semer le chaos et réduire à néant ce qui a été accompli jusque-là, a mis en garde le représentant de la Fédération de Russie. 

Répondant à cette intervention, le Président du Conseil de sécurité a expliqué que cette lettre a été adressée au Secrétaire général, et n’a donc pas été distribuée au Conseil de sécurité.  C’était au Secrétaire général de le faire, a-t-il soutenu, mais lorsqu’il a tardé à le faire, le Président du Conseil de sécurité a décidé de faire circuler cette lettre aux membres du Conseil à titre officieux.  Il a assuré qu’il n’y avait aucune mauvaise intention dans cette démarche. 

Mme SHERAZ GASRI (France) a estimé que les réunions semestrielles du Conseil de sécurité sur la situation en Bosnie-Herzégovine démontrent que même si ce pays a accompli des progrès dans sa stabilisation depuis 25 ans, il reste singulièrement fragile.  « Des dynamiques préoccupantes sont à l’œuvre. »  Les tensions communautaires restent exacerbées et certains dirigeants appellent à la sécession, remettant ainsi en cause l’intégrité territoriale du pays, ce qui est contraire à l’Accord de Dayton/Paris, a relevé la représentante.  Cet Accord, dont la France est « Témoin », a créé la fonction de haut-représentant pour faciliter la mise en œuvre du volet civil de l’accord, a-t-elle rappelé tout en précisant que ce haut-représentant n’a pas vocation à perdurer au-delà de ce qui est nécessaire.  L’objectif, défini par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix en 2008, est la fermeture de son bureau, ce qui sera le signe d’une normalisation du fonctionnement du pays.  Mais cette fermeture ne sera bénéfique pour la Bosnie-Herzégovine que si elle respecte les conditions et objectifs, également fixés en 2008 dans l’agenda dit « 5 plus 2 », a précisé la représentante en rappelant au passage que le Conseil de sécurité a régulièrement endossé cet agenda.  Or, force est de constater que toutes ces conditions ne sont pas remplies aujourd’hui, a relevé Mme  Gasri, comme le confirment les rapports réguliers du Haut Représentant au Conseil de sécurité.  Elle en a conclu que la situation politique en Bosnie-Herzégovine reste trop fragile pour que le bureau du Haut-Représentant puisse être fermé.  

Douze ans après la nomination de M. Valentin  Inzko à ce poste, celui-ci a souhaité quitter ses fonctions, a rappelé la déléguée qui l’a remercié pour son engagement sans relâche au service de la Bosnie-Herzégovine.  Le 27 mai, le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix a décidé de nommer à sa succession M. Christian Schmidt, a-t-elle dit en assurant que les procédures de nomination ont été respectées et en précisant que la prise de fonctions de M. Schmidt aura lieu le 1er août.  La France veut continuer à travailler avec ses partenaires, la Bosnie-Herzégovine en premier lieu, les signataires et l’ensemble des témoins de l’Accord de Dayton/Paris, les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix et les partenaires régionaux, en soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du pays et à son développement économique et social, sur la voie de l’intégration européenne, a assuré Mme  Gasri. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a rappelé que le Bureau joue un rôle crucial pour la stabilisation du pays et précisé que sa fermeture dépend de l’achèvement du programme « 5 plus 2 ».  La Fédération de Russie avait approuvé ce programme mais, désormais, elle veut fermer le Bureau en usant d’arguments spécieux, a dit le délégué. Il a aussi jugé que le refus opposé par la Russie à la nomination de M. Schmidt n’a aucune base juridique.  Tous les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix ont accepté sa nomination, à l’exception de la Russie, a déclaré le délégué, en précisant que l’unanimité n’est pas requise.  Le Conseil n’est pas tenu de se prononcer sur la nomination de M. Schmidt qui a le soutien du Comité.  « La question est close. »  Le délégué a estimé qu’il n’y a pas d’avenir autre que celui tracé par les Accords de Dayton, ajoutant qu’une révision des frontières n’est pas à l’ordre du jour.  Personne n’essaye de contourner le Conseil mais c’est au Comité directeur qu’il revient de nommer le Haut-Représentant, pas au Conseil, a conclu le délégué. 

M. ALI CHERIF (Tunisie) s’est félicité de l’évolution positive de la situation en Bosnie-Herzégovine et a renouvelé son soutien à tous les efforts visant à promouvoir la stabilité et consolider la paix dans ce pays.  Le représentant a cependant appelé tous les partis politiques du pays à éviter les discours négatifs et les appels à la division qui alimentent les tendances ethniques et menacent le processus de consolidation de la paix.  Il a par ailleurs réitéré son appui aux efforts menés par le Bureau du Haut-Représentant, conformément à l’Accord de paix de Dayton, aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et aux efforts de la mission militaire de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine. 

Dans ce contexte, il a pris note de la désignation de M. Christian Schmidt comme nouveau Haut-Représentant à compter du 1er août prochain et a encouragé toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations afin de garantir la pleine autonomie de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre du programme « 5 plus 2 » se rapportant à la fermeture du Bureau du Haut-Représentant et à la fin de la supervision internationale. 

M. ISIS AZALEA MARIA GONSALVES (Saint-Vincent-et –les Grenadines) a commencé par exprimer la gratitude de sa délégation au Haut-Représentant sortant pour son travail et sa contribution à la sécurité et à la stabilité de la Bosnie-Herzégovine ainsi qu’à la promotion du processus politique et de la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton.  Cet Accord reste, selon lui, un pilier fondamental de la paix et de la stabilité, y compris la création d’un environnement propice au retour volontaire et à l’intégration des réfugiés dans les communautés.  Tout en prenant note de la récente décision de nommer M. Christian Schmidt en tant que nouveau Haut-Représentant, la délégation a également pris note des difficultés que le Bureau a rencontrées dans l’accomplissement de son mandat et a espéré qu’il sera possible de créer un climat propice pour que toutes les parties travaillent ensemble et surmontent leurs problèmes. 

Appelant à ne pas sous-estimer le rôle important que les membres du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC SB) ont joué et continueront de jouer en termes de soutien international à l’Accord de paix de Dayton, le représentant a aussi appelé à reconnaître la valeur des travaux du Conseil de sécurité pour la stabilité et la sécurité à long terme du peuple de Bosnie-Herzégovine.  La délégation a donc encouragé les membres du PIC à travailler dans un esprit de collaboration et de coordination mutuelles et à engager un dialogue constructif avec toutes les parties.  Passant au Conseil de sécurité, le représentant a souhaité pouvoir compter sur le consensus dans la prise de décision.  Étant donné le rôle du Conseil pour la stabilité en Bosnie-Herzégovine, il aurait été prudent de le consulter sur la question de la récente nomination, a-t-il estimé.  Dans le même temps, il s’est dit pleinement conscient que l’absence de consensus ne doit pas faire dérailler les progrès et que les exigences juridiques pour la nomination du nouveau Haut-Représentant ont été remplies.  Le délégué a donc espéré que toutes les parties pourront surmonter les divergences entourant cette récente nomination et travailler ensemble. 

M. MOUSSA MAMAN SANI (Niger) a indiqué fonder l’espoir que M. Schmidt, le nouveau Haut-Représentant, œuvrera de concert avec les différentes parties dans l’optique de promouvoir la paix et stabilité durables ainsi que de parvenir à la réalisation du programme « 5 plus 2 ».  Il a estimé que la période post-électorale constitue une opportunité pour mener les réformes constitutionnelles et électorales nécessaires en vue, non seulement de l’effectivité de l’état de droit, mais aussi de la transparence et l’ouverture du système électoral.  Le représentant a en outre exhorté les différents niveaux d’autorité à davantage de coopération et de coordination pour faire progresser les programmes de vaccination contre la COVID-19 et les mesures de renforcement du système de santé. 

Par ailleurs, M. Maman Sani a appelé toutes les parties à faire montre d’un engagement politique constructif en faveur de la finalisation de la formation du Gouvernement et des nominations à tous les niveaux d’autorité, ce qui permettrait d’anticiper une éventuelle paralysie institutionnelle.  Il les a également invités à œuvrer pour un climat sociopolitique favorable au retour volontaire des personnes rapatriées et à leur intégration dans leurs communautés.  Il a terminé en apportant le soutien du Niger à la nomination de M. Christian Schmidt en qualité de Haut-Représentant en Bosnie Herzégovine.  Cependant, il est opportun de faire remarquer la pertinence de la pratique établie par le Conseil de sécurité en la matière, laquelle consiste à entériner cette nomination par une résolution du Conseil. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a souligné l’importance du travail du Bureau du Haut Représentant pour ce qui est des aspects civils de l’Accord de paix de Dayton.  Se fondant sur les informations partagées lors de la dernière session du Conseil sur la situation en Bosnie-Herzégovine, il a noté que les progrès concernant la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » ont été limités. L’avancement de ce programme est pourtant fondamental et constitue une exigence à la fois pour le projet d’intégration européenne et pour la fermeture éventuelle du Bureau du Haut-Représentant, a-t-il fait valoir.  Avant de conclure, le représentant a insisté sur le fait que le dialogue est le seul moyen de résoudre les différends et a réitéré la volonté du Mexique de continuer à travailler pour une Bosnie-Herzégovine pacifique. 

M. SHUANG GENG (Chine) a rappelé que le Conseil approuve le choix du Haut-Représentant.  Cette pratique de longue date doit être préservée, a déclaré le représentant.  Il a souligné la nécessité de prendre en compte les vues de toutes les parties bosniennes sur cette nomination et souhaité une solution viable sur ce point.  La demande de la fermeture du Bureau du Haut-Représentant doit être prise en compte sérieusement, a dit le délégué, en ajoutant que la situation dans le pays a changé depuis la création dudit Bureau.  M. Geng a dit respecter le choix de la population bosnienne quant à l’avenir de son pays et espéré qu’il n’y aura pas d’ingérence extérieure. 

M. JIM KELLY (Irlande) a commencé par réaffirmer le soutien de son pays au Bureau du Haut-Représentant, estimant que le rôle de ce dernier demeure essentiel pour construire un avenir stable et prospère en Bosnie-Herzégovine.  Cette stabilité est importante dans le processus de réforme requis pour l’adhésion à l’Union européenne, a-t-il rappelé, avant de se féliciter de la récente décision du comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix de nommer M. Christian Schmidt en tant que nouveau Haut-Représentant. 

Le représentant a ensuite noté, sur la base du rapport du Secrétaire général, que mis à part la « tendance encourageante » dans le district de Brcko, les autorités n’ont fait « aucun progrès » dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » dont l’achèvement est une condition préalable à la fermeture du Bureau du Haut-Représentant.  Il a également relevé que, dans sa résolution 2549 (2020), le Conseil de sécurité a réitéré ses appels aux autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine à prendre les mesures nécessaires pour mener à bien le programme « 5 plus 2 ».  Les exigences auxquelles les autorités bosniennes doivent satisfaire pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant, à savoir les « objectifs 5 plus 2 », ont été approuvées par le comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, a ajouté M. Kelly. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a appuyé le Haut-Représentant et jugé important qu’il puisse continuer son travail.  La fermeture de son Bureau dépend de l’achèvement du programme « 5 plus 2 », a dit la déléguée, en demandant des réformes continues pour la stabilisation du pays.  Elle a encouragé les autorités bosniennes à faire respecter l’état de droit et appuyé l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine.  Nous croyons comprendre que la nomination du Haut-Représentant revient au Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, a conclu la déléguée de la Norvège. 

M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a mis en garde contre les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur la Bosnie-Herzégovine, en regrettant que cela a contribué à exacerber les tensions.  La Bosnie-Herzégovine doit redoubler d’effort pour stabiliser la situation politique, promouvoir son économie et dépasser les difficultés restantes, a souhaité le représentant.  Pour cela, a-t-il poursuivi, il est important que toutes les parties optent pour le dialogue, alors que la communauté internationale doit continuer à appuyer la Bosnie-Herzégovine en tenant compte de ses aspirations.  Le représentant a souligné que la mise en œuvre des traités internationaux est impérative et a salué les accords régionaux conclu dans ce contexte, tout en appelant à la médiation face à cette situation complexe.  Les Accords de paix de Dayton et la pratique établie doivent en constituer la base, a exigé le représentant avant d’espérer que les parties concernées arriveront à régler leurs différends. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a une nouvelle fois appelé à un dialogue constructif entre toutes les communautés de Bosnie-Herzégovine.  Il a encouragé les parties bosniennes à s’efforcer de concilier leur positions divergentes grâce aux compromis et à la réconciliation, l’objectif étant de reconstruire le pays et de consolider la paix.  Le délégué a ensuite engagé les parties et la communauté internationale à progresser dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 ».  Ce faisant, a-t-il ajouté, les parties doivent faire montre de modération et s’abstenir de tout propos incendiaire et de toute provocation.  En conclusion, il a appelé les parties à mettre en œuvre tous les aspects de l’Accord de paix de Dayton et les membres du Conseil de sécurité à œuvrer de concert et de manière consensuelle sur la question du Bureau du Haut-Représentant.  

Mme FARREY (Royaume-Uni) a estimé que les conditions pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant ne sont pas satisfaites.  L’absence d’un haut-représentant ne ferait qu’encourager une plus grande instabilité, ralentir le train des réformes et entraver la mise en œuvre des Accords de Dayton.  M. Schmidt a été désigné par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, a poursuivi la déléguée, en ajoutant que l’unanimité n’est pas la règle en son sein. La procédure qui a été suivie a été correcte, a-t-elle dit, ajoutant que l’aval du Conseil de sécurité n’est pas nécessaire.  « Aucune règle juridique ne prévoit que le Conseil se prononce pour approuver cette nomination ».  M. Schmidt prendra ses fonctions comme prévu, que le Conseil s’en félicite ou non, a-t-elle affirmé. 

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a estimé que l’Accord de paix de Dayton demeure important pour l’instauration d’une paix et d’une stabilité durables en Bosnie-Herzégovine.  Il a dit qu’il incombe au Bureau du Haut-Représentant, en tant que mécanisme institutionnel international ad hoc, de continuer à travailler avec toutes les parties de manière objective pour instaurer la confiance afin de surmonter tous les obstacles.  « La mise en œuvre rapide du programme ‘5 plus 2’ doit rester la priorité absolue. » 

L’Inde a déploré que le fait que la nomination du nouveau Haut-Représentant ait mis en évidence des divergences entre les entités constitutives de la confédération.  De l’avis de la délégation, la Bosnie-Herzégovine a parcouru un long chemin dans la construction d’un pays multiethnique, multilingue, multiculturel et multireligieux.  Les problèmes auxquels le pays est confronté sont normaux dans la construction d’une nation habitée par des personnes de confessions, d’ethnies et de langues différentes, a estimé le délégué, avant d’espérer que les parties bosniennes poursuivront leur engagement dans un esprit de compromis et de maturité pour régler toutes les questions en suspens. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a dit soutenir fermement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, affirmant être certaine que son avenir est lié à la voie euro-atlantique.  Bien que le pays ait progressé dans plusieurs domaines en 25 ans, il est malheureusement aujourd’hui divisé par des tensions politiques.  La Respublika Srpska doit cesser de prôner la sécession et s’abstenir de toute action ou politique susceptible de déstabiliser le pays, a déclaré le représentant.  Selon lui, il est grand temps de mettre de côté les divergences et de se concentrer sur la réduction des tensions politiques et la promotion de la réconciliation. 

Le délégué a rappelé que le Conseil de sécurité a exprimé à plusieurs reprises son soutien au programme « 5+2 » dans les débats sur la Bosnie-Herzégovine.  Étant donné que des réformes urgentes sont nécessaires et que la rhétorique nationaliste et conflictuelle monte dans le pays, il est clair que les conditions énoncées en 2008 dans le programme « 5+2 » pour la fermeture du Bureau du Haut-Représentant n’ont pas encore été remplies, a-t-il estimé.  Cela a également été confirmé par les rapports réguliers du Haut-Représentant au Secrétaire général.  Le maintien du poste de Haut-Représentant est donc essentiel aux efforts pour la paix et la stabilité dans le pays jusqu’à ce que les conditions du programme « 5+2 » soient remplies, a insisté le délégué, avant de remercier le Haut-Représentant, M. Valetnin Inzko, pour son engagement et ses efforts pour aider la Bosnie-Herzégovine depuis tant d’années.  En ce qui concerne son remplaçant, M. Christian Schmidt, de l’Allemagne, qui a été nommé par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix le 27 mai 2021, avec une prise de fonctions prévue pour le 1er août, l’Estonie a estimé qu’il n’est pas nécessaire que le Conseil de sécurité prenne des mesures pour confirmer sa désignation.  Selon la délégation, la décision de nommer un nouveau haut-représentant appartient au Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, et ces règles de nomination doivent être respectées. 

Mme BISERA TURKOVIC, Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, a dit attendre « avec impatience » le jour où l’on pourra fermer le Bureau du Haut-Représentant.  « Malheureusement, ce jour n’est pas encore arrivé », a-t-elle estimé, rappelant que le programme « 5 plus 2 » convenu en 2008 avait déterminé les conditions à remplir pour ce faire.  Si des progrès ont été enregistrés dans sa mise en œuvre, il y a encore beaucoup à faire avant d’envisager la fermeture du Bureau du Haut-Représentant, a constaté la Ministre en soulignant l’importance de ce dernier dans l’application de l’Accord de paix de Dayton.  Si le processus de transfert des responsabilités aux autorités élues est un objectif important, il ne pourra se faire que lorsque toutes les conditions préalables auront été remplies, a-t-elle insisté, avant de relever que la situation politique de son pays a été marquée ces six derniers mois par des déclarations et des agissements « déplorables » de la part de certains acteurs nationaux.  Cela montre, selon elle, que le Bureau du Haut-Représentant a encore « du pain sur la planche ». 

Rappelant que le vingt-cinquième anniversaire de la signature de l’Accord-cadre est intervenu l’an dernier, la Ministre s’est souvenue que son pays était alors « plein d’espoir ».  Aujourd’hui, alors qu’il nous faut renforcer les institutions étatiques, conformément à la Constitution, certains politiques ont estimé qu’il était judicieux de critiquer le travail du Haut-Représentant, a-t-elle regretté.  Nous devrions au contraire mettre l’accent sur la mise en place d’une administration capable de répondre aux besoins des Bosniens et de relever les défis à venir, a souligné Mme Turkovic.  

Évoquant ensuite la désignation, le 27 mai, du nouveau Haut-Représentant par le Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, la Ministre a noté qu’elle s’était faite dans le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Elle a invité tous les membres du Conseil de mise en œuvre de la paix à continuer d’apporter leur soutien au travail du Haut-Représentant.  Pour Mme Turkovic, le Bureau et le Haut-Représentant lui-même doivent continuer à œuvrer aux côtés du peuple et des institutions de Bosnie-Herzégovine pour que le pays puisse « avancer sur la voie de la prospérité, de la démocratie et de l’intégration euro-atlantique ».  En guise de conclusion, la Chef de la diplomatie bosnienne a utilisé une image médicale: selon elle, le système politique de la Bosnie-Herzégovine n’a pas été encore « immunisé » et s’il continue sur la pente des dernières années, « nous risquons une résurgence de la maladie; tous les efforts auront alors été vains ». 

Reprenant la parole, la Fédération de Russie a demandé à la Ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine si sa déclaration reflétait la position de l’ensemble des entités du pays et si elle avait consulté le Présidium du pays au préalable.  Il dit avoir reçu une lettre du Président du Présidium affirmant que Mme Turkovic n’avait pas l’autorité de parler devant le Conseil de sécurité parce que les déclarations doivent être le fruit d’une consultation.  Le représentant russe a également suggéré que la position de Mme Turkovic reflète un point de vue personnel et non pas celui de la Bosnie-Herzégovine.  Remarquant par ailleurs que plusieurs déclarations ont été faites concernant les règles juridiques régissant la désignation du Haut-Représentant, il a affirmé que les manœuvre auxquelles on assiste ici sont les mêmes que sur d’autres dossiers.  Ce « soi-disant haut-représentant Schmidt n’aura pas l’autorité requise dans le cadre d’un tel processus », a-t-il tranché. 

À son tour, la Ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine a demandé au représentant russe si le Ministre russe des affaires étrangères, M. Sergei Lavrov, l’avait autorisé à poser cette question, estimant ne pas avoir à répondre à une question qui pourrait refléter le point de vue personnel du délégué.  Elle a affirmé que tout ce qu’elle a dit au Conseil de sécurité repose sur des documents de politique étrangère adoptés en Bosnie-Herzégovine.  Beaucoup d’efforts sont déployés pour que la Bosnie-Herzégovine ne soit pas fonctionnelle, a-t-elle fustigé tout en estimant que les trois peuples de son pays ne peuvent qu’appuyer ses propos. 

Réagissant à cette intervention, le représentant de la Fédération de Russie lui a assuré avoir posé cette question au nom du Gouvernement russe de manière officielle.  Souhaitez-vous voir une lettre du Ministre Lavrov ?  En revanche, a-t-il rebondit, il existe bien une lettre du Présidium de la Bosnie-Herzégovine qui affirme que les propos de la Ministre Turkovic ne reflètent pas ceux de toutes les entités de son pays. 

Suite à cela, la Ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine a indiqué qu’elle n’avait besoin que de l’approbation de la majorité des trois membres du Présidium pour pouvoir faire une déclaration au nom de la Bosnie-Herzégovine et que si certains souhaitent imposer des limites, ils doivent avoir l’assentiment de tous.  Je ne pense pas que cette discussion soit fructueuse, a-t-elle ajouté. 

Le Président du Conseil de sécurité a alors estimé que c’est à la Bosnie-Herzégovine et non pas au Conseil de sécurité de déterminer les pouvoirs conférés à Mme Turkovic, suite à quoi la Fédération de Russie a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas faire perdurer la discussion. 

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