8803e séance – après-midi
CS/14559

Conseil de sécurité: le Secrétaire général appelle au renouvellement du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en Syrie

Le Secrétaire général de l’ONU, mais aussi le représentant du Bureau de la coordination des affaires humanitaires et de secours d’urgence (OCHA) et la majorité des membres du Conseil de sécurité, ont appelé, cet après-midi, au renouvellement du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en Syrie, dont le mandat expire dans un peu plus de deux semaines. 

Les orateurs ont rappelé que 13,4 millions de Syriens ont besoin d’une aide humanitaire et averti de conséquences catastrophiques si ledit mécanisme n’était pas renouvelé.  L’aide au travers des lignes de front ne peut se substituer à l’aide transfrontalière, a déclaré le Chef de l’ONU, alors que le délégué de la Fédération de Russie a, lui, insisté sur l’importance d’acheminer cette aide au travers des lignes de front.

D’emblée, le Secrétaire général a déclaré que la situation humanitaire en Syrie n’a jamais été aussi mauvaise, en rappelant que, dans le nord-ouest, 70% des Syriens ont besoin d’une aide.  M. António Guterres a donc plaidé pour un élargissement de l’accès humanitaire, qu’il s’agisse de l’aide transfrontalière ou de l’aide au travers des lignes de front, tout en demandant un consensus du Conseil sur le renouvellement de l’aide transfrontalière, sous peine de conséquences catastrophiques pour les Syriens.  « Il faut mobiliser tous les canaux à notre disposition », a-t-il dit.

Une position pleinement partagée par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires par intérim, M. Ramesh Rajasingham, qui a averti de lourdes conséquences, en cas de non-renouvellement, pour les 3,4 millions de personnes qui ont un besoin vital dans le nord-ouest.  Il a indiqué qu’un groupe de 42 ONG a mis en garde la semaine dernière contre un tel scénario en ajoutant que les ONG auraient alors la capacité de répondre aux besoins de 300 000 personnes seulement, en laissant plus d’un million sans aide alimentaire. 

Il n’y a tout simplement pas de substitut à l’opération transfrontalière, a insisté le Coordonnateur des secours d’urgence qui a fait observer que même s’ils étaient déployés régulièrement, les convois au travers des lignes de front ne pourraient reproduire la taille et la portée des opérations transfrontalières.

À l’instar de Mme Sherine Ibrahim, qui dirige les opérations dans le nord-ouest syrien pour l’organisation CARE, M. Rajasingham a dit que « l’opération transfrontalière des Nations Unies reste l’une des opérations d’aide les plus scrutées et surveillées au monde ».  Nous savons où notre aide va et nous la contrôlons de bout en bout, a-t-il assuré, tandis que Mme Ibrahim a affirmé que les procédures de contrôle et les principes humanitaires de base sont respectés, afin qu’il n’y ait pas de détournement de l’aide.  Elle a précisé que son organisation travaille avec des partenaires en Syrie qui ont les capacités nécessaires pour réceptionner et livrer l’aide.

Même son de cloche du côté de la déléguée des États-Unis, qui a indiqué s’être rendue au point de passage de Bab el-Haoua pour s’assurer du fonctionnement dudit mécanisme.  « J’ai vu toutes les vérifications qui sont apportées aux livraisons humanitaires », a-t-elle dit, en estimant, elle aussi, que l’aide au travers des lignes de front n’est pas suffisante.  Elle a insisté sur les peurs des Syriens de voir fermer ce point de passage, véritable « planche de salut ».  Une peur justifiée puisqu’il ne reste plus qu’un seul point de passage sur les quatre qui avaient été autorisés par le Conseil, a-t-elle déclaré.

À l’instar de la France, du Royaume-Uni, de la Turquie ou bien encore de l’Estonie, les États-Unis ont donc demandé le renouvellement du point de passage de Bab el-Haoua et la réautorisation des points de Bab el-Salam et de Yaroubiyé.  « Tout autre résultat équivaudrait à une abdication de nos responsabilités à l’égard des 13,4 millions de Syriens qui ont besoin d’une aide », a tranché la déléguée du Royaume-Uni.  Son homologue de l’Irlande, porte-plume sur ce dossier avec la Norvège, a indiqué qu’elle compte faire circuler un texte renouvelant et étendant cette aide en réponse aux besoins humanitaires grandissants en Syrie.

Le délégué de la Fédération de Russie a, lui, ironisé sur les thèses alarmistes de nombre de ses collègues au sein du Conseil.  Les pays occidentaux apparaissent comme des « forces du bien » dans la confrontation verbale sur l’avenir du mécanisme, tandis que la Russie et la Syrie incarnent évidemment le mal, a-t-il déclaré.  Il a rappelé que son pays avait donné son accord lors de l’adoption de la résolution 2165 (2014), qui ouvrait quatre points de passage transfrontaliers, ce qui pourtant violait la souveraineté de la Syrie.  « Mais cela pour une seule raison: la Syrie était morcelée par le terrorisme. » 

Depuis, grâce au soutien des forces militaires russes, Damas a pu repousser les combattants et libérer près de 90% de son territoire et ne ménage pas ses efforts pour normaliser les conditions de vie de ses populations, a-t-il dit.  Au vu de ces conditions, le délégué, appuyé par la Syrie et l’Iran, a estimé que le mécanisme est un anachronisme et « cela depuis longtemps ».  Le représentant s’est enfin étonné des déclarations de certains intervenants, dont M. Rajasingham, qui jugent que l’aide au travers des lignes de front ne peut remplacer l’aide transfrontalière.  C’est étonnant, a-t-il dit, en se demandant si ce mécanisme transfrontalier serait « illimité » dans le temps.

Pour sa part, le délégué syrien a dénoncé l’insistance des pays occidentaux à prétendre que l’extension et le renforcement du « soi-disant » mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière est la garantie d’améliorer la situation humanitaire en Syrie.  « Cette démarche ne vise qu’à justifier les crimes d’occupation, d’agression et de terrorisme, dont le terrorisme économique représenté par les sanctions. »  Il a rejeté ce « mécanisme politisé », qui était une mesure temporaire exceptionnelle, en ajoutant que les raisons et circonstances qui ont motivé son adoption n’existent plus aujourd’hui.

Le délégué de la Chine a, lui, invité le Conseil de sécurité à proposer des exigences spécifiques pour augmenter l’aide humanitaire en Syrie, tout en levant immédiatement les sanctions unilatérales pour aider la Syrie à rétablir l’ordre économique.  « La situation humanitaire en Syrie ne s’améliorera pas fondamentalement tant que les sanctions ne seront pas levées », a-t-il déclaré, appuyé notamment par la déléguée de Saint-Vincent-et-les Grenadines.  L’instrumentalisation des sanctions pour masquer la responsabilité du régime syrien ne trompe personne, leur a rétorqué le représentant de la France.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2021/583)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que la situation humanitaire en Syrie n’a jamais été aussi mauvaise, en rappelant que 13,4 millions de personnes ont besoin d’une aide et que 12,4 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans le pays.  Les emplois ont disparu, les prix se sont envolés et les denrées sont rares a-t-il dit, en mentionnant également le défi de la pandémie auquel la Syrie doit faire face.  Le Secrétaire général a aussi indiqué que la crise économique est aggravée par la sécheresse, le niveau des eaux de l’Euphrate étant à son plus bas.  Si le cessez-le-feu est globalement respecté, il est néanmoins souvent violé, a expliqué M. Guterres.  Il a rappelé que l’opération humanitaire de l’ONU en Syrie est la plus importante au monde, avant de regretter qu’une fraction seulement des sommes nécessaires à son financement ait été versée.  L’appel le plus récent pour la Syrie cherche à lever 4,2 milliards de dollars, mais seulement 636 millions ont été reçus à ce jour. 

Dans le nord-ouest, qui connaît la situation humanitaire la plus grave, 70% des Syriens sont dans le besoin et 2,7 millions de personnes sont déplacées.  Le Secrétaire général a plaidé pour une augmentation du soutien humanitaire onusien et pour un élargissement de l’accès humanitaire, qu’il s’agisse de l’aide transfrontalière et de l’aide au travers des lignes de front.  Il a indiqué que l’ONU est en pourparlers avec la Turquie et les groupes armés dans la région et confié son espoir que les opérations au travers des lignes de front pourront bientôt commencer.  Mais cette dernière aide ne peut se substituer à l’aide transfrontalière, a-t-il ajouté. 

Le Secrétaire général a détaillé les opérations humanitaires colossales menées par l’ONU dans le nord-ouest, plus de 1000 camions franchissant la frontière chaque mois.  Il a assuré que la livraison de cette aide est scrupuleusement surveillée afin d’éviter tout détournement.  Il a demandé un consensus du Conseil pour permettre la poursuite pendant un an de ces opérations d’aide transfrontalière, sous peine de conséquences catastrophiques pour les Syriens.  « Il faut mobiliser tous les canaux à notre disposition ».  Enfin, le Secrétaire général a plaidé pour une solution politique en Syrie, estimant que l’heure est venue de mettre un terme au « cauchemar » syrien. 

M. RAMESH RAJASINGHAM, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence par intérim a indiqué que le taux de transmission de la COVID-19 en Syrie est élevé et dépasse probablement les chiffres officiels.  Le système de santé déjà faible est débordé.  Il a fait savoir qu’au mois de mai, des vaccins ont été livrés au travers des lignes de front dans le nord-est et de manière transfrontalière dans le nord-ouest.  « Au 20 juin, plus de 97 000 personnes ont reçu leur première dose dans les zones gouvernementales et dans le nord-est et quelque 26 000 personnes ont reçu au moins une dose dans le nord-ouest », a-t-il dit.  Il a appelé à ne pas sous-estimer la portée de la pandémie avant de prévenir que les livraisons du Mécanisme COVAX ne permettront de couvrir que 20% de la population. 

Mettant l’accent sur l’impact de la crise économique, le représentant d’OCHA a indiqué que les prix restent à des niveaux record et les biens et services se raréfient.  Il a dit que le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a observé que les conditions de vie désespérées ont conduit de nombreuses familles à marier leurs filles à un très jeune âge et que les vulnérabilités des enfants, en particulier des filles, augmentent de façon exponentielle dans des conditions aussi difficiles.  Quatre-vingt-deux pour cent des ménages interrogés ont déclaré que les médicaments étaient inabordables et les traitements essentiels sont hors de portée pour beaucoup, en particulier dans le nord-est de la Syrie. 

Pour ce qui est des graves pénuries d’eau, en particulier dans le nord-est, le Chef d’OCHA a noté que le déficit hydrique du bassin de l’Euphrate est le pire de mémoire.  « Les barrages de Tichrine et Tabqa cesseront de fonctionner si les niveaux d’eau baissent », a-t-il prévenu avant de noter que 5,5 millions de personnes sont confrontées à un accès réduit à l’eau potable et que trois millions de personnes, ainsi que des hôpitaux et d’autres infrastructures vitales, pourraient perdre l’accès à l’électricité.  Le Coordonnateur des secours d’urgence par intérim a exhorté toutes les parties concernées à trouver une solution qui tienne compte des besoins de tous dans la région qui dépendent de l’eau de l’Euphrate et de ses affluents. 

En ce qui concerne la protection des civils, M. Rajasingham a noté qu’en avril et mai, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a vérifié qu’au moins 150 civils avaient été tués et 154 autres blessés, lors de 186 incidents pendant les hostilités.  « Les femmes et les enfants représentaient une proportion importante de ces victimes », a-t-il précisé avant de s’inquiéter d’une augmentation alarmante des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie le mois dernier, entraînant le déplacement de 11 000 civils.  Il a jugé choquant l’attaque qui a gravement endommagé l’hôpital Chifa soutenu par l’ONU à Afrin le 12 juin et qui a fait 19 morts, dont trois enfants, et 40 blessés, dont un enfant handicapé.  Il a précisé que cet hôpital fournissait 15 000 services médicaux chaque mois, dont 250 chirurgies spécialisées avant l’attaque qui l’a rendu inopérant. 

Enfin pour ce qui est de l’accès humanitaire, il a noté que l’autorisation du Conseil de sécurité pour l’opération transfrontalière de l’ONU en Syrie expire le 10 juillet, dans 17 jours seulement.  Cette opération reste l’une des opérations d’aide les plus scrutées et surveillées au monde, a-t-il rappelé avant de prévenir que l’absence de prolongation de son autorisation aura de lourdes conséquences.  Elle perturbera l’aide vitale apportée à 3,4 millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest, dont des millions sont parmi les plus vulnérables de Syrie. 

Le Chef de l’OCHA a indiqué qu’un groupe de 42 ONG a mis en garde la semaine dernière contre un tel scénario en ajoutant que les ONG estiment qu’elles n’auraient la capacité de répondre aux besoins que de 300 000 personnes, laissant plus d’un million sans aide alimentaire.  Alors que 90% de la population dans le besoin dépend de l’aide pour survivre, il a alerté du risque d’une « situation véritablement catastrophique » et a souligné qu’il n’y a tout simplement pas de substitut à l’opération transfrontalière. 

Il a indiqué qu’une opération au travers des lignes de front permettrait de compléter « la bouée de sauvetage transfrontalière », mais qu’elle ne pourrait en aucun cas la remplacer.  Même s’ils étaient déployés régulièrement, les convois au travers les lignes de front ne pourraient reproduire la taille et la portée des opérations transfrontalières, a-t-il expliqué. 

Mme SHERINE IBRAHIM, Directrice de pays pour la Turquie de CARE, a indiqué qu’elle dirige les opérations de l’ONG dans le nord-ouest de la Syrie, par-delà les frontières avec la Turquie.  Elle a décrit une situation humanitaire catastrophique, où 90% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, tandis que le prix des denrées alimentaires de base a été multiplié par 29.  Dans ces conditions, comment envisager l’avenir lorsque le panier alimentaire du PAM sur lequel on dépend pour nourrir sa famille risque de ne plus se matérialiser ?  Telle sera la réalité impensable qu’affronteront un million de personnes dans le nord-ouest de la Syrie au mois de septembre si l’ONU n’est pas autorisée à poursuivre ses opérations transfrontalières. 

Elle a indiqué que les besoins sur le terrain sont plus élevés que jamais et continueront d’augmenter compte tenu de la crise financière au Liban, de la nouvelle vague d’infections de COVID-19 dans le nord de la Syrie, de la détérioration de la situation alimentaire et de l’imminente crise de l’eau dans le nord-est.  Selon elle, l’étendue de la crise exige le renouvèlement de l’autorisation de l’aide transfrontalière vers les nord-ouest via les points de passage de Bab el-Haoua et Bab el-Salam pendant au moins 12 mois.  Elle a également appelé au rétablissement du point de passage de Yaroubiyé vers le nord-est où les besoins ont augmenté de 38% depuis sa fermeture il y a un an. L’opération transfrontalière de l’ONU est sans doute l’opération humanitaire la plus complexe au monde et rien ne peut remplacer ses capacités, a-t-elle souligné.

Selon Mme Ibrahim, les opérations par-delà les lignes de front ne peuvent pas être envisagées comme une alternative.  Aucun convoi n’a franchi les lignes de front pour desservir le nord-ouest où 2,5 millions de personnes ont besoin d’aide et dans le nord-est, ces opérations s’avèrent inadéquates, avec environ 70% de la population connaissant des niveaux de besoins « graves » ou « catastrophiques ». Et même si les convois par-delà les lignes de front étaient déployés régulièrement vers le nord-ouest, ils ne pourraient pas reproduire la taille et la portée des opérations transfrontalières.  « Il n’y a tout simplement pas d’alternative » a-t-elle martelé, relevant l’urgence, pour le Conseil de sécurité, d’élargir l’accès humanitaire compte tenu de la forte augmentation de la COVID-19 dans le nord de la Syrie et afin de s’assurer que la campagne de vaccination contre la COVID-19 qui débute dans le nord-ouest ne sera pas stoppée. 

Mme Ibrahim a ensuite attiré l’attention sur la situation des femmes syriennes.  Elle a expliqué que contrairement aux hommes, ces dernières ont du mal à trouver du travail et une rémunération équitable.  Trop souvent, elles ont recours à des mécanismes d’adaptation désespérés pour survivre: elles retirent leurs enfants de l’école pour les envoyer travailler, achètent des articles essentiels à crédit, sautent des repas et marient leurs filles pour avoir une bouche de moins à nourrir.  La malnutrition maternelle touche un tiers des mères syriennes, la santé mentale des femmes pâti et les adolescentes sont contraintes bien trop tôt à entrer dans l’âge adulte et à devenir mère.  Confrontées à de multiples enjeux de protection, les femmes sont les véritables victimes oubliées de cette crise, a-t-elle dit. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), au nom des délégations porte-plumes sur le dossier humanitaire syrien, Irlande et Norvège, a indiqué que son pays va œuvrer d’ici les deux prochaines semaines au renouvellement du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière.  « Laissez-moi être claire, après 10 ans de conflit et de besoins humanitaires grandissants depuis 2011, un accès transfrontalier est plus nécessaire que jamais. »  En fait, la situation s’est aggravée depuis juillet dernier, a-t-elle dit, en rappelant que l’insécurité alimentaire a augmenté de 50%.  « Nous devons user de tous les canaux à notre disposition, des modalités transfrontalières et au travers des lignes de front. »  Elle a déclaré que son seul souci en tant que délégation porte-plume est de répondre aux besoins humanitaires et d’alléger les souffrances des Syriens.

La représentante a relevé que si l’aide au travers des lignes de front a augmenté dans le nord-est depuis la fermeture du point de passage de Yaroubiyé, elle n’est pas encore suffisante.  À ses yeux, tout échec à renouveler l’aide transfrontalière reviendrait à stopper la livraison d’une aide vitale pour des millions de personnes dans le besoin et à augmenter les souffrances des civils dans le nord-ouest syrien jusqu’à un niveau sans précédent en une décennie de conflit.  Elle a ajouté que la livraison des vaccins contre la COVID-19 serait aussi entravée.  « Pour le dire simplement, un échec causerait une catastrophe humanitaire dans le nord-ouest syrien. »  Elle a précisé que le mécanisme d’aide transfrontalière est l’un des plus surveillés au monde, ce qui permet d’assurer la nature humanitaire des livraisons, avant d’insister sur la responsabilité des membres du Conseil de veiller à ce que tous les canaux permettant de fournir une aide vitale aux personnes dans le besoin en Syrie soient mis en place et maintenus disponibles. 

M. TAREK LADEB (Tunisie)a déclaré qu’il était essentiel d’augmenter l’aide médicale et humanitaire aux Syriens épuisés par une décennie de violence, de terrorisme et maintenant confrontés à une pandémie.  Préoccupé par la détérioration des conditions de vie, marquée par les pénuries de nourriture et de carburant et la diminution des approvisionnements en eau et en électricité, le représentant de la Tunisie a appelé au respect du cessez-le-feu avant d’exhorter toutes les parties à se conformer au droit international humanitaire.  Il a jugé indispensable et tout aussi important de lutter contre les groupes terroristes, qui ont été particulièrement actifs.  Le délégué a appelé à davantage d’aide humanitaire et médicale.  Il a exprimé l’espoir d’une solution consensuelle qui facilitera l’acheminement de l’aide transfrontalière, insistant sur sa fourniture également par le biais d’une opération au travers des lignes de front en donnant la priorité aux besoins humanitaires des personnes confrontées à la COVID-19. 

M. MICHAEL KIBOINO (Kenya) a déclaré qu’à l’approche de l’expiration du point de passage de Bab el-Haoua, le besoin urgent de parvenir à un consensus pour garantir que l’aide continue d’atteindre des millions de ressortissants syriens dans le besoin ne peut être surestimé.  Il a également estimé que dans le contexte actuel, les mécanismes transfrontaliers et au travers des lignes de front devraient coexister et même se compléter en vue de garantir la poursuite de l’aide humanitaire, y compris la fourniture de vaccins contre la COVID-19, dans le nord-ouest et le nord-est de la Syrie.  Il a ensuite encouragé le Gouvernement syrien à continuer d’intensifier les livraisons par-delà les lignes de front, en particulier dans le nord-ouest de la Syrie. 

Le représentant s’est par ailleurs inquiété de l’augmentation de l’insécurité dans l’ensemble de la Syrie, ainsi que de la baisse du niveau des eaux de l’Euphrate et dans la station d’eau d’Alouk.  Si elle perdure, cette situation risque d’aggraver l’insécurité alimentaire, les pénuries d’eau potable, et les coupures d’électricité, a-t-il mis en garde.  Il a par ailleurs appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales, pointant leur impact délétère sur l’économie syrienne. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que les besoins humanitaires et médicaux ont augmenté de 20% dans le pays depuis l’an dernier et de 38% dans le nord-est, avant d’exhorter toutes les parties, en particulier le « régime syrien », à garantir un plein accès humanitaire.  « Le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière est plus que jamais indispensable, tant au nord-ouest qu’au nord-est. »  Il a déclaré que l’aide transfrontalière depuis Damas est loin de répondre aux besoins et ne pourra en aucun cas se substituer à l’aide transfrontalière, comme le démontre le rapport du Secrétaire général.  « Seule la moitié des autorisations demandées par l’ONU est accordée par le régime. »  Le mécanisme transfrontalier sera nécessaire aussi longtemps que l’aide humanitaire ne parviendra pas à toutes les populations dans le besoin sur l’ensemble du territoire syrien, sur la base de l’évaluation objective des besoins, a tranché le délégué. 

Il a accusé le « régime » de politiser l’aide, de prendre la population syrienne en otage et d’interférer avec le travail des humanitaires.  Un renouvellement du mécanisme transfrontalier, pour 12  mois au minimum, est donc fondamental comme le demande le Secrétaire général, les agences onusiennes et les acteurs humanitaires, a déclaré le représentant.  Il a appelé l’ensemble des membres du Conseil à faire preuve d’unité, de responsabilité et à prendre des décisions sur la base de considérations purement humanitaires.  « Nous avons un devoir moral: celui de sauver des vies, de contrer le risque de famine et de faciliter les campagnes de vaccination contre la COVID-19. »  Cela nous oblige à autoriser le recours à trois points de passage: Bab el-Haoua et Bab el-Salem au nord-ouest et Yaroubiyé au nord-est, a-t-il expliqué.  Enfin, le représentant a déclaré que l’instrumentalisation des sanctions pour masquer la responsabilité du « régime » ne trompe personne. 

Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a dénoncé les conséquences négatives des sanctions pour la conduite des opérations humanitaires et le relèvement économique de la Syrie.  Elle a donc appelé à la levée des sanctions pour le bien du peuple syrien.  Elle a estimé que la grave crise humanitaire en Syrie exige la préservation et le renforcement de l’aide transfrontalière mais aussi une augmentation de l’aide au travers des lignes de front.  Tout échec dans la reconduite du mécanisme d’aide transfrontalière reviendra à priver d’une aide vitale des millions de personnes mais aussi à interrompre la distribution de vaccins contre la COVID-19, a déclaré la déléguée. « Il est crucial de ne pas politiser l’aide humanitaire. »  Elle a ensuite qualifié de préoccupante l’aggravation de la situation humanitaire dans les camps de déplacés, en particulier à Hol.  Il n’y a pas de solution militaire à la crise en Syrie, a conclu la déléguée, en réclamant un processus dirigé et contrôlé par les Syriens conformément à la résolution 2254 (2015) 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a indiqué que le Conseil est confronté à un choix vital et doit dire au peuple syrien qu’il ne l’oublie pas.  Elle a indiqué s’être rendue au point de passage de Bab el-Haoua, il y a trois semaines, pour voir comment le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière fonctionne.  Des millions de Syriens voient dans ce point de passage une planche de salut, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que des milliers d’enfants seraient privés de nourriture si ce point devait fermer, tandis que la fourniture de vaccins contre la COVID-19 serait interrompue.  Les Syriens que j’ai rencontrés sont terrifiés que ce point soit supprimé et leur peur n’est pas sans fondement, a-t-elle dit.  Elle a rappelé qu’il ne reste plus en effet qu’un seul point de passage sur les quatre qui avaient été autorisés par le Conseil.  Un renouvellement du mécanisme de moins de 12 mois serait une entrave de plus, a-t-elle déclaré, en insistant sur la rigueur de ce mécanisme.  « J’ai vu toutes les vérifications apportées aux livraisons humanitaires. »  L’aide au travers des lignes de front n’est pas suffisante, a déclaré la déléguée, alertant que des Syriens vont mourir si le mécanisme n’est pas renouvelé.  « Tout le monde le sait. »  La déléguée a donc demandé le renouvellement du point de passage de Bab el-Haoua et la réautorisation des points de Bab el-Salam et de Yaroubiyé.  « Nous devons le faire maintenant. »

M. PRAKASH GUPTA (Inde) a rappelé que plus de 11 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire en Syrie.  La pandémie et les conséquences négatives des sanctions ont exacerbé encore la gravité de la situation, a-t-il dit, en appelant à une révision desdites sanctions.  Alors que le Conseil se penchera sur le renouvellement de l’aide transfrontalière dans deux semaines, le délégué a demandé des mesures concrètes pour remédier aux obstacles qui entravent la fourniture, à la fois, de l’aide transfrontalière et de l’aide au travers des lignes de front.  Il a salué l’acheminement de vaccins contre la COVID-19 en Syrie par le biais du Mécanisme COVAX.  Enfin, le délégué de l’Inde a noté que certains pays en Europe et au Moyen-Orient ont commencé à rétablir leur présence diplomatique en Syrie.  «  Nous saluons le rétablissement de canaux officiels de communication. » 

M. PHAM HAI ANH (Viet Nam) s’est dit gravement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire en Syrie, ainsi que par le niveau élevé de transmission de la COVID-19 et l’insécurité hydrique liée à l’Euphrate dans le nord-est.  Face à la persistance de la crise humanitaire, il a appelé au maintien d’un accès humanitaire sûr, sans entrave et durable.

Il s’est félicité de constater que les opérations de l’OMS n’ont rencontré aucun problème opérationnel majeur dans le nord-est du pays en avril et mai. Cependant, étant donné la forte demande en fournitures médicales, il est nécessaire d’améliorer la coordination entre les parties ainsi que de simplifier les procédures pour faciliter davantage les expéditions dans cette zone.

Le représentant a ensuite constaté que la situation dans le nord-ouest demeure désastreuse et que la poursuite de l’aide humanitaire par le biais de consultations appropriées avec les parties concernées est essentielle.  Pour cette raison, il est important que le Conseil parvienne à un consensus pour trouver une solution à cette question.  Dans l’intervalle, il a appelé au dialogue entre les parties pour parvenir à un accord sur les modalités de livraison au travers les lignes de front vers le nord-ouest. 

M. ABDOU ABARRY (Niger) a déploré la détérioration de la situation humanitaire en Syrie depuis l’an passé.  La chute vertigineuse de la valeur de la livre syrienne, du fait de l’embargo et autres mesures coercitives unilatérales, sont venues aggraver le quotidien des Syriens, déjà fragilisés par une décennie de conflit, a fait valoir le délégué.  Dans ce contexte, il a appelé à l’allègement ou à la suspension des sanctions économiques unilatérales qui peuvent, par ailleurs, saper la capacité de la Syrie à faire face à la pandémie de COVID-19. 

Au vu des exposés détaillés et factuels, il est clair, pour lui, que l’aide humanitaire fournie en Syrie est fortement en deçà des besoins réels des populations affectées.  C’est pourquoi il a défendu une amélioration substantielle du mécanisme d’acheminement de cette aide sur toute l’étendue du territoire syrien.  Il a également souhaité voit l’OCHA refléter, dans son évaluation de la situation humanitaire, l’impact direct et/ou indirect des sanctions unilatérales contre la Syrie.

Par ailleurs, le délégué a noté avec préoccupation la hausse du taux de contamination de COVID-19 en Syrie, notamment dans le nord-ouest et le nord-est.  L’affaiblissement des infrastructures sanitaires et l’insécurité persistante rendent difficile la prise en charge et le déploiement efficace de la vaccination contre le virus à travers le pays, a-t-il remarqué.  Il est à son avis important d’écouter les appels des organisations humanitaires travaillant sur le terrain, qui plaident en faveur de l’accroissement de l’assistance humanitaire aux millions de Syriens dans le dénuement et la détresse. 

Pour finir, le représentant a soutenu la continuation du mécanisme d’acheminement de l’aide à travers les points de passage aux frontières et entre les lignes de contact.  Sa délégation reste disposée à soutenir toute formule ou modalité permettant d’accélérer la livraison de l’aide humanitaire, y compris les fournitures et équipements médicaux dont le système de santé syrien a tant besoin pour la prise en charge de la pandémie de COVID-19.

M. ZHANG JUN (Chine) a relevé que la dégradation des conditions économiques, l’augmentation de l’insécurité alimentaire, la transmission rapide de la COVID-19 et les pénuries croissantes de pétrole ont eu un impact négatif sur la production agricole et les opérations de secours humanitaire en Syrie.  Il a estimé qu’un effort mondial conjoint est nécessaire pour que cette situation s’améliore.  Il a dit que le Gouvernement syrien doit jouer un rôle de premier plan dans cet effort en augmentant l’aide humanitaire transversale.  Après avoir salué l’importance des soins médicaux fournis en avril par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alors qu’elle opérait depuis la Syrie, le représentant a vu cette livraison comme la preuve de l’efficacité de l’aide humanitaire transversale.  Il a invité le Conseil de sécurité à proposer des exigences spécifiques pour augmenter ce type d’aide, tout en levant immédiatement les sanctions unilatérales pour aider la Syrie à rétablir l’ordre économique.  Il a fustigé les restrictions et autres mesures illégales qui entravent le fonctionnement des infrastructures civiles syriennes en retenant les équipements nécessaires comme les générateurs électriques.  « La situation humanitaire en Syrie ne s’améliorera pas fondamentalement tant que les sanctions ne seront pas levées », a conclu le représentant de la Chine. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que les besoins humanitaires doivent être au cœur des délibérations du Conseil sur le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière, en rappelant que 13,4 millions de personnes ont besoin d’une aide en Syrie, « soit plus que toute la population de Londres ou de Moscou ».  Elle a indiqué que, plus tôt dans la semaine, 27 ONG opérant en Syrie ont écrit au Conseil pour demander une expansion de l’aide transfrontalière.  Elle a ensuite souligné les conséquences qui pourraient découler d’un non-renouvellement dudit mécanisme, dont la cessation du programme onusien de vaccination et de la distribution de nourriture à près de 1,4 million de personnes chaque mois.  La déléguée a rappelé la fermeture du point de passage de Yaroubiyé, dans le nord-est, et souligné l’augmentation de 38% des besoins dans cette zone depuis janvier 2020.  La fermeture du point de passage de Bab el-Salam, dans le nord-ouest, a également eu des conséquences considérables, a-t-elle souligné.  Enfin, prônant une approche basée uniquement sur les besoins humanitaires, la déléguée a demandé le renouvellement du point de passage de Bab el-Haoua et la réautorisation des points de Bab el-Salam et de Yaroubiyé.  « Tout autre résultat équivaudrait à une abdication de nos responsabilités à l’égard des 13,4 millions de Syriens qui ont besoin d’une aide. »

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a regretté que les infrastructures civiles continuent d’être ciblées en Syrie malgré les appels du Conseil.  Le représentant s’est joint à d’autres délégations pour condamner l’attaque du 12 juin contre un hôpital de la ville d’Afrin.  S’agissant de l’aide humanitaire transfrontalière, il a souligné qu’il est non seulement nécessaire de maintenir l’accès humanitaire actuel pour les 3,4 millions de personnes se trouvant dans le nord-est qui ont besoin d’une telle aide, mais aussi de rationaliser davantage les opérations d’aide pour réduire les pénuries et les souffrances.  Il a estimé que le poste frontière de Bab el-Haoua est essentiel pour la livraison de nourriture, de soins médicaux et d’autres fournitures indispensables aux personnes vivant dans cette région.  Il a prévenu que toute interruption aggravera la malnutrition chronique existante chez les enfants et perturbera le programme de vaccination contre la COVID-19 récemment lancé.  Par ailleurs, le représentant du Mexique a noté qu’il n’a pas été possible de remplacer l’assistance reçue via le terminal de Yaroubiyé depuis sa fermeture en janvier 2020.  C’est pourquoi, il a formé le vœu que le Conseil puisse explorer sans parti pris toutes les options en vue de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire au peuple syrien.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a ironisé sur les thèses alarmistes que présentent nombre des membres du Conseil qui dépeignent la situation humanitaire en Syrie comme un tableau noir et blanc.  Les pays occidentaux y apparaissent comme les « forces du bien » dans la confrontation verbale sur l’avenir du mécanisme d’aide transfrontalière, exprimant sans cesse leur inquiétude pour les habitants d’Edleb, en particulier les enfants.  Quant à l’incarnation du mal ce sont « évidemment » la Syrie et la Russie, indifférentes à la souffrance de ces malheureux et prêtes à couper la dernière artère par laquelle leur arrivent des marchandises essentielles à leur survie.

Mais est-ce vraiment la réalité? a-t-il lancé.  Il a rappelé qu’en 2014, la Russie avait appuyé l’adoption de la résolution 2165 du Conseil de sécurité appelant à l’ouverture de quatre points de passage à la frontière avec la Syrie pour l’acheminement de l’aide humanitaire de l’ONU.  Cela violait pourtant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Syrie, mais la Russie l’a fait pour une seule raison: la Syrie était en train d’être morcelée par les terroristes. 

Depuis, et grâce au soutien des forces militaires russes, Damas est parvenu à libérer près de 90% de son territoire et ne ménage pas ses efforts pour normaliser les conditions vie de ses populations.  Dans ce contexte, le mécanisme transfrontalier est un anachronisme et cela depuis longtemps.  Et pourtant, dans l’esprit de nos partenaires occidentaux, le temps s’est littéralement arrêté, et ils s'efforcent d'ignorer que l’aide humanitaire peut être acheminée depuis l’intérieur de la Syrie. 

L'an dernier, avec l’adoption de la résolution 2533 du Conseil de sécurité, la Russie a donné son accord au maintien du mécanisme transfrontalier jusqu'au 10 juillet, en insistant sur l’importance de mettre en place des livraisons durables vers Edleb à travers les lignes de front.  La Russie avait alors souligné que l’avenir du mécanisme transfrontalier dépendrait de l’ampleur du recours aux acheminements depuis la Syrie.  Mais même le convoi autorisé par Damas en avril, l’an dernier, par le biais de l’ONU, du CICR et du Croissant-Rouge arabe syrien, n’a pas pu bouger.  Et pourtant, a-t-il encore ironisé, aucun de vous n’a levé le petit doigt. 

Selon le représentant, il y avait assez de temps et de possibilités, l’an dernier pour mettre en place une modalité d’approvisionnement d’Edleb tant par le point de passage de Bab el-Haoua que depuis l’intérieur de la Syrie.  Là encore, il n’y a pas eu une seule tentative, a-t-il déploré.  On a juste essayé de nous faire comprendre depuis que le mécanisme transfrontalier devrait être prolongé.

M. Nebenzia s’est ensuite étonné d’entendre le représentant de l’OCHA dire que les livraisons au travers des lignes de front pouvaient compléter et non pas remplacer le mécanisme transfrontalier.  Il a également fait part de son étonnement d’entendre le Secrétaire général dire que les livraisons au travers des lignes de front ne pourront jamais égaler le volume des opérations transfrontalières.  Il a signalé que pour compenser la fermeture de Yaroubiyé, l’assistance vers le nord-est a été augmentée, un point reconnu par les agents des Nations Unies eux-mêmes.  On ne parle pas non plus du fait que les canaux des Nations Unies sont utilisés pour des stratagèmes douteux par des terroristes retranchés à Edleb où, a-t-il ajouté, l’Organisation ne sait pas comment distribuer de manière fiable ces marchandises.  Il a dénoncé la « manipulation standard des faits », soulignant qu’Edleb a longtemps été un refuge pour les terroristes.  À ses yeux, le système de livraison au travers des lignes de front est le seul moyen légitime de fournir de l’aide.

Le délégué a ensuite demandé au Coordonnateur des secours d’urgence par intérim des précisions sur l’aide au travers des lignes de front et les problèmes rencontrés.  Il a également voulu savoir comment CARE garantit que l’aide atteint son destinataire final, avant de réclamer des précisions sur la « soi-disant » déclaration d’engagement de respect du droit international humanitaire, signée par les groupes armés.

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a indiqué que, malgré l’accalmie, la guerre est loin d’être finie en Syrie, tandis que des défis graves, tels que la pandémie de COVID-19, ont exacerbé la situation humanitaire.  À cette aune, le Conseil doit s’acquitter de ses responsabilités et appuyer les Syriens, en particulier les plus vulnérables, a-t-il dit, en demandant un accès humanitaire sans entrave.  Il a estimé qu’une expansion de l’aide transfrontalière en juillet est la seule option responsable pour répondre aux besoins humanitaires considérables.  Il a donc appelé à une nouvelle autorisation pour un an du point de passage de Bab el-Haoua et à la réouverture pour la même durée des points de Bab el-Salam à Edleb et de Yaroubié dans le nord-est.  Tout en reconnaissant l’importance de l’aide au travers des lignes de front, il a indiqué que les livraisons d’une telle aide demeurent sporadiques et limitées.  « Aucun accord n’a été trouvé sur le terrain entre les organisations humanitaires et les parties pour l’acheminement d’une aide si nécessaire à Edleb au travers des lignes de front. »  Enfin, le délégué a indiqué que les mesures restrictives décidées par l’Union européenne n’entravent pas l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie. 

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a fustigé les délégations qui, selon lui, essaient d’exploiter le Conseil de sécurité pour politiser le travail humanitaire dans son pays afin de détourner les discussions de leur sujet principal et prolonger la crise humanitaire en Syrie.  Il a dénoncé l’insistance des pays occidentaux à prétendre que l’extension et le renforcement du « soi-disant mécanisme d’acheminement de l'aide transfrontalière » est la garantie d’améliorer la situation humanitaire en Syrie.  Cette démarche ne vise qu’à justifier les crimes d’occupation, d’agression et de terrorisme, dont le terrorisme économique incarné par des mesures coercitives unilatérales, a-t-il affirmé.  Il a rejeté ce « mécanisme politisé », qui était une mesure temporaire exceptionnelle, estimant que les raisons et circonstances qui ont motivé son adoption n’existent plus aujourd’hui. 

Il a indiqué que la mise en œuvre du mécanisme contribue à la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie et sert les intérêts de l’occupation turque et des groupes terroristes qui lui sont fidèles, dont Hay’at Tahrir el-Cham.  En effet, la majeure partie de l’aide humanitaire se retrouve entre les mains des terroristes qui contrôlent le passage de Bab el-Haoua.  Pendant ce temps, le régime turc continue d’occuper des territoires dans le nord et le nord-ouest, où il prive plus d’un million de citoyens d’eau en coupant des sources d'approvisionnement critiques.  Il a appelé le Conseil à intervenir immédiatement pour mettre fin aux crimes commis par le régime turc - notamment en veillant à ce que la station d’eau d’Alouk ne soit pas utilisée à des fins politiques.

Poursuivant, le représentant a aussi rejeté les allégations selon lesquelles l'extension du mécanisme transfrontalier contribuerait à rendre les vaccins contre la COVID-19 plus accessibles, affirmant que seul un pourcentage très minime de vaccins est acheminé par les points de passage.  En outre, des milices séparatistes du nord-est de la Syrie, « agents des forces américaines », ont récemment entravé la campagne de vaccination contre la COVID-19 menée par les équipes du Ministère de la santé dans la province de Deïr el-Zor.  Elles ont également empêché les équipes mobiles de vaccination d'entrer dans les camps de la province de Hassaké.

Pour le délégué syrien, l’amélioration de la situation humanitaire en Syrie nécessite que l’on soutienne les efforts du Gouvernement syrien pour lutter contre le terrorisme et éliminer la menace posée par l’État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) et le Front el-Nosra, et leurs entités associées.  Il a appelé à mettre fin à la présence militaire étrangère illégale des forces américaines et turques sur le territoire syrien, décriant leurs pratiques agressives et leur pillage des ressources et richesses nationales.  Il a aussi appelé à la levée immédiate des mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien et à cesser de politiser le travail humanitaire. 

M. Sabbagh a jugé indispensable de soutenir les efforts des institutions étatiques syriennes pour soulager les souffrances et fournir un soutien et des services aux Syriens pendant la crise, notamment en appuyant les objectifs de développement et en réhabilitant les structures endommagées pour faciliter le retour sûr, digne et volontaire des personnes déplacées et des réfugiés.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a condamné les sanctions imposées à la Syrie et qui ne font que prolonger les souffrances des populations, retarder le retour des réfugiés et des personnes déplacées et entraver les efforts de reconstruction.  Elle a estimé que la levée complète des sanctions unilatérales doit être un élément substantiel de toute discussion sur l’aspect humanitaire du conflit syrien.  

La représentante a ensuite souligné que si la fourniture d’une aide humanitaire à la Syrie est essentielle, celle-ci doit toutefois être fondée sur les principes du plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale de la Syrie, ce qui a été réaffirmé par le Conseil dans toutes ses résolutions.  Compte tenu de ces principes directeurs, elle a estimé que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière a été une mesure temporaire exceptionnelle imposée par certaines circonstances qui n’existent plus.  Par conséquent, l’aide aux personnes dans le besoin doit dorénavant être acheminée en coopération et en coordination avec le Gouvernement syrien et à partir des territoires syriens.  Cela permet, entre autres, de garantir que les aides ne sont pas détournées vers des groupes terroristes.  

À ses yeux, la pleine coopération du Gouvernement syrien avec les Nations Unies et de nombreuses organisations humanitaires actives dans la livraison d’aide transversale en Syrie prouve qu’il s’agit d’une méthode fiable et conforme au droit international.  La déléguée a ensuite appelé à la dépolitisation du dossier humanitaire de la Syrie au sein du Conseil. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a alerté que l’échec à renouveler le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en Syrie aurait des effets dévastateurs.  « N’oublions pas les conditions qui avaient amené le Conseil à autoriser des opérations humanitaires transfrontalières en 2014 », a-t-il insisté, rappelant que le « régime Assad » tuait son propre peuple et s’en prenait délibérément à des infrastructures humanitaires critiques.  Par conséquent, le Conseil a créé ce Mécanisme afin de garantir un accès humanitaire en toute sécurité et dans la durée à des personnes dont le seul espoir de survie est l’aide fournie par l’ONU.

Le représentant a ensuite dénoncé la récente attaque contre l’hôpital Chifa menée, a-t-il affirmé, par les terroristes des Unités de protection du peuple kurde et appelé au Conseil de demander des comptes aux auteurs.  S’agissant de la baisse du niveau des eaux de l’Euphrate, le délégué a indiqué que la Turquie subit les conséquences des changements climatiques sur ses ressources hydriques.  Malgré cela, elle remplit ses obligations contractuelles, a-t-il affirmé, avant d’appeler l’ONU à aider les pays en aval à faire face au défi hydrique en leur fournissant un appui en matière de gestion de l’eau.  Soulignant ensuite qu’aucun pays n’égale la capacité des Nations Unies à surveiller l’acheminement de l’aide humanitaire, il a fait observer que, sans le mécanisme transfrontalier, les opérations humanitaires en Syrie seraient moins transparentes, responsables et efficaces.  Il a par ailleurs indiqué qu’il ne répondrait pas aux « accusations fallacieuses » du représentant syrien qu’il ne considère pas comme son « homologue légitime. »

Reprenant la parole, le Coordonnateur des secours d’urgence par intérim a indiqué que les convois sont contrôlés de bout en bout et que l’aide est acheminée là où les besoins sont les plus grands.  Il a précisé que 1,8 million de personnes ont besoin d’une aide dans le nord-est syrien, avant de noter l’explosion des besoins depuis la fermeture du point de passage de Yaroubiyé.  Nous savons où notre aide va et nous la contrôlons de bout en bout, a-t-il assuré.  Répondant à une question du délégué russe sur l’aide au travers des lignes de front à Edleb, il a déclaré que l’OCHA a besoin de l’accord de toutes les parties pour mener ses opérations.  L’aide au travers des lignes de front n’est pas suffisante pour remplacer l’aide transfrontalière, a-t-il répété.

À son tour, la Directrice de pays pour la Turquie de CARE a assuré du sérieux des contrôles sur l’aide humanitaire livrée et fait part du soutien de ses partenaires locaux, qui sont les meilleurs garants de l’acheminement de ladite aide.  Les procédures de contrôle et les principes humanitaires de base sont respectés, afin qu’il n’y ait pas de détournement, a-t-elle déclaré.  Elle a précisé que son organisation n’est pas présente en Syrie et qu’elle opère depuis la Turquie.  Je ne peux comparer les deux types d’aide, a-t-elle dit, en insistant sur l’importance de points de passage frontaliers.  Elle a indiqué que CARE travaille avec des partenaires en Syrie qui ont les capacités nécessaires pour réceptionner et livrer l’aide qui leur est acheminée.  Ces partenaires ont les capacités pour absorber les financements substantiels que nous leur envoyons, a-t-elle ajouté.

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