Conseil de sécurité: vifs échanges entre le Kenya et la Somalie à l’occasion de la présentation de la Présidente du Comité des sanctions
Le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, après l’intervention de la Présidente du Comité des sanctions concernant la Somalie, de vifs échanges entre le représentant de la Somalie et son homologue du Kenya, le premier dénonçant les attaques meurtrières perpétrées par le Kenya contre son pays. « Un incendiaire ne peut pas se transformer en pompier », a-t-il dit, en brandissant les photos de victimes de ces attaques. Le représentant kényan a rejeté ces « accusations fallacieuses » et assuré de l’engagement de son pays en faveur du processus de paix en Somalie.
La séance du Conseil s’est ouverte sur la présentation, de nature technique, de la Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé en application de la résolution 751 (1992) concernant la Somalie, Mme Géraldine Byrne Nason, de l’Irlande. Celle-ci a tout d’abord détaillé les activités du Comité entre le 26 février et le 14 juin 2021, en indiquant que le Comité a inscrit sur sa liste des sanctions trois individus assumant différentes fonctions au sein des Chabab. « Une Liste actualisée peut être un outil important d’appui aux efforts du Gouvernement fédéral de la Somalie contre les Chabab », a-t-elle déclaré.
La Présidente a précisé que, le 14 mai, le Comité a reçu l’évaluation actualisée de mi-mandat du groupe d’experts, qui a été discutée lors d’une réunion le 4 juin. Elle a indiqué que les éléments clefs de ladite évaluation sont la menace continue posée par les Chabab; les violations du droit international humanitaire; les enquêtes en cours s’agissant des ressources financières; la gestion des armes et des munitions par le Gouvernement fédéral de Somalie et les interdictions d’exportations du charbon depuis la Somalie.
Mme Byrne Nason a noté que les procédures de gestion efficace des armes et des munitions mises en place par les autorités sont essentielles pour empêcher que des équipements militaires fournis au Gouvernement fédéral somalien ne tombent entre les mains des Chabab. En ce qui concerne les demandes d’exemptions à l’embargo et les notifications, le Comité a reçu quatre notifications de la part de la Somalie et une de la part d’un État fournisseur, a conclu la Présidente.
Après avoir rappelé que le régime de sanctions dont son pays fait l’objet est le plus ancien encore en vigueur, le délégué de la Somalie a soumis à l’attention immédiate du Conseil les « attaques » par les Forces armées kenyanes dont la Somalie a été l’objet, notamment à l’encontre des civils et des propriétés, particulièrement entre mars et août 2019. Le 2 mars 2019, les Forces armées kényanes ont fait usage d’armes interdites par les conventions internationales, a-t-il accusé, ajoutant que cela a été par la suite confirmé par un rapport d’un groupe d’experts sur la Somalie.
Plus récemment, le 3 juin 2021, des avions de combat kényans ont mené des raids en territoire somalien et se sont attaqués à une famille qui dormait. Une mère de famille est morte et ses cinq enfants ont été blessés, dont trois enfants de 8, 9 et 11 ans, a ajouté l’orateur, en montrant aux membres du Conseil des photos de chaque enfant. L’attitude des Forces armées kényanes équivaut à des crimes de guerre, a affirmé le délégué somalien, qui a réclamé une enquête immédiate de la part de la Cour pénale internationale sur ces faits, ainsi qu’une « position ferme du Conseil ».
Mon pays ne saurait tolérer de telles attaques à ses frontières, commises par des forces chargées de maintenir la paix et la sécurité en Somalie, a asséné le délégué somalien. Ces actes remettent en question le rôle du Kenya en tant que contributeur de soldats de la paix, ainsi que le mandat même de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), a-t-il poursuivi. La destruction systématique de propriétés et d’infrastructures fait-elle partie des prérogatives d’une opération de maintien de la paix? a-t-il fait mine de demander, avant d’exhorter le Kenya à cesser ses « opérations de destruction ».
« Le Kenya est attaché à une politique de bon voisinage et à une Somalie stable et pacifique, au sein d’une région protégée des attaques des Chabab qui sont notre ennemi commun », a réagi le délégué du Kenya, en admettant qu’il ne comptait pas prendre la parole en début de séance. Le délégué a rappelé que la Somalie avait, plus tôt dans l’année, rompu ses relations diplomatiques avec le Kenya avant de les rétablir par la suite. Il a enfin formé le vœu que le processus de paix se poursuive en vue de la restauration de la paix et de la sécurité en Somalie.