En cours au Siège de l'ONU

Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4318

La Troisième Commission se penche sur les droits des femmes dans un contexte d’inégalité de genre exacerbé par la COVID-19 et les situations d’urgence

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué, aujourd’hui, avec la Directrice exécutive adjointe d’ONU-Femmes et trois titulaires de mandats spéciaux sur le thème de la promotion des femmes, l’occasion pour les intervenantes d’attirer l’attention des délégations sur la nette détérioration de la condition féminine durant la pandémie de COVID-19 et de se soucier du sort des femmes et des filles vivant en situation d’urgence, notamment en Afghanistan, où les droits acquis ces dernières années sont menacés d’inversion. 

En charge de l’appui normatif, de la coordination du système des Nations Unies et des résultats des programmes d’ONU-Femmes, Mme Asa Regner a d’emblée souligné que les femmes et les filles continuent d’être les plus affectées par les crises engendrées par la pandémie.  Présentant à la Commission différents rapports du Secrétaire général en lien avec les droits des femmes, elle a mis l’accent sur l’exploitation  abusive que subissent les travailleuses  migrantes, illustration des inégalités de genre aujourd’hui exacerbées  par la crise de la COVID-19. 

La présentation d’un rapport sur l’amélioration  du  sort des femmes et des jeunes filles en milieu rural a également permis à la Directrice exécutive adjointe d’ONU-Femmes de rappeler qu’en raison des effets socioéconomiques de la pandémie, la pauvreté  mondiale a augmenté en 2020 pour la première fois depuis 1998.  Quelque 96 millions de personnes sont ainsi retombées dans la pauvreté extrême, parmi lesquelles 46 millions de femmes et de jeunes filles.  

S’agissant de la situation des femmes en Afghanistan, autre sujet de préoccupation s’il en est, Mme Regner a indiqué qu’ONU-Femmes souhaite maintenir une présence dans le pays « car des  risques de violations des droits des femmes et des filles subsistent ».  Un document de travail a déjà  été  partagé  avec les nouveaux dirigeants, a-t-elle précisé, avant d’assurer que « la  voix  des femmes afghanes sera entendue dans cette situation particulièrement difficile ». 

Au titre des procédures spéciales, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a, elle, fait le point sur deux nouvelles initiatives de son mandat, à savoir l’observatoire des féminicides et  la  Plateforme des mécanismes d’experts indépendants sur l’élimination de la discrimination et de la violence à l’égard des femmes.  Elle a également détaillé les thématiques sur lesquelles elle compte axer ses efforts ces prochaines années, citant en particulier l’étude de la violence psychologique à l’égard des femmes. Les données disponibles montrent en effet qu’entre 12 et 58% des femmes déclarent avoir subi ce type de violence dans le cadre de relations intimes au cours des 12 derniers mois, une réalité là encore aggravée par la pandémie. 

Mme Reem Alsalem prévoit par ailleurs d’examiner plus avant la violence sexiste dans le contexte de l’atténuation  des  risque s et de la  réponse  aux catastrophes liées aux changements climatiques, lesquelles « accroissent les vulnérabilités  et les inégalités  de genre préexistantes ».  Les travaux de son mandat porteront aussi sur la violence à l’encontre des femmes et des filles  autochtones, qui font l’objet d’attaques « de plus en plus violentes », le plus souvent liées aux industries extractives. 

La Présidente du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes s’est elle aussi préoccupée du sort des femmes et filles autochtones, souvent exclues de la prise de décision dans les processus locaux, nationaux et internationaux, ainsi que dans leurs propres communautés, alors même qu’elles sont des acteurs importants du développement durable de leurs peuples.    C’est pourquoi, a souligné Mme Gladys Acosta Vargas, le Comité appelle les États à reconnaître qu’une gouvernance inclusive et représentative est « une condition essentielle à la réalisation des objectifs de développement durable », en particulier l’objectif 5  relatif à l’égalité des sexes. 

Pour ce qui est de la question du leadership des femmes et de leur pleine participation à la vie politique, Mme Acosta Vargas a fait observer que, selon les chiffres de l’Union interparlementaire (UIP), les femmes ne représentent encore qu’un quart des parlementaires dans le monde, un peu plus d’un cinquième des portefeuilles ministériels et respectivement 5,9 et 6,7% des chefs d’État et de gouvernement.  Pourtant, a-t-elle relevé, « les dirigeantes ont maintenu les taux de prévalence de la COVID-19 à un niveau plus bas et ont mis leur pays en bonne voie pour se rétablir ».  

Constatant à son tour que la violence sexiste à l’égard des femmes s’est amplifiée durant la pandémie, la Présidente du Comité a dit craindre une « érosion » du système multilatéral de protection contre cette menace.  Elle a regretté en particulier le « discours régressif » qui consiste à remettre en cause la légitimité de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, appelée Convention d’Istanbul.  Elle a en revanche qualifié de « réussite » le Forum Génération Égalité, Sommet international sur les droits des femmes coorganisé par la France et le Mexique. 

Dernière experte à dialoguer avec la Commission, la Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles s’est concentrée sur l’épineuse question de la santé sexuelle et reproductive.  Selon les estimations, a pointé Mme Melissa Upreti, on recense chaque jour 860  décès  maternels dans le monde, tandis que 25 millions d’avortements sont pratiqués dans de  mauvaises  conditions  tous les ans, provoquant environ 47 000 décès.   De plus, quelque 200  millions  de femmes ne  peuvent  recourir à des  moyens  de contraception  modernes  et plusieurs millions de femmes et de filles  n’ont pas les  moyens  de  gérer  leurs  cycles  menstruels  de manière sûre et digne.  

Ces chiffres, a-t-elle noté, révèlent une crise complexe, « normalisée par une discrimination structurelle profondément ancrée et une violence sexiste omniprésente ».  Et, selon elle, cette situation ne fait qu’empirer lorsque qu’une crise s’accompagne d’une défaillance des systèmes de santé, d’un détournement des ressources des services de santé reproductive ou de l’imposition de nouvelles restrictions. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 6 octobre, à partir de 10 heures. 

PROMOTION DES FEMMES

Mme ASA REGNER, Directrice exécutive adjointe chargée de l’appui normatif, de la coordination du système des Nations Unies et des résultats des programmes d’ONU Femmes, a déclaré que les femmes et les filles continuent d’être les plus affectées par les crises déclenchées par la pandémie de COVID-19.  Elle s’est également souciée du sort des femmes et des filles dans les situations d’urgence, en Afghanistan notamment, soulignant que ces questions doivent être au cœur des efforts pour construire un avenir plus respectueux du genre. 

Elle a ensuite présenté un rapport du Secrétaire général consacré aux mesures prises et progrès réalisés dans le cadre du suivi et de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée Générale (A/76/185).  Elle a précisé que ce document fournit une évaluation quantitative et qualitative des progrès réalisés et des lacunes à combler, et donne également un aperçu de la contribution d’ONU-Femmes  à l’intégration de la dimension genre dans les processus intergouvernementaux. 

Passant au rapport relatif à l’amélioration de la situation des femmes dans les organismes des Nations Unies (A/76/115) elle a indiqué que la représentation des femmes aux postes à responsabilité a augmenté, passant de 44% en 2017 à 45% en 2019.  Pour la première fois, la parité a presque été atteinte au niveau des sièges, où les femmes représentent 49,5% de l’ensemble du personnel, s’est-elle félicitée.  Toutefois, a-t-elle reconnu, les progrès réalisés au sein de l’ONU ont été déséquilibrés, les femmes étant surreprésentées aux postes de début de carrière.  En outre, la crise actuelle liée à la COVID-19 a provoqué de nouvelles difficultés et nui à l’action menée en faveur de la parité.  Le rapport note aussi que l’égalité entre les sexes ne porte pas uniquement sur les chiffres mais également sur la « transformation de notre culture organisationnelle ».  Elle a en outre souligné la contribution du réseau de 400 points focaux à l’amélioration de la parité. 

Mme Régner a également présenté un rapport consacré à la violence à l’égard des travailleuses migrantes (A/76/245) précisant qu’au niveau mondial, les femmes représente 44% des 150 millions des travailleurs migrants.  En outre, le montant cumulé des fonds envoyé par les travailleuses migrantes à leurs proches représente la moitié de l’ensemble des envois de fonds dans le monde.  Le rapport souligne que l’exploitation abusive de ces travailleuses est ancrée dans des inégalités de genre persistantes, exacerbées par la crise de COVID-19, et que ces dernières sont très présentes dans des secteurs propices à la violence, notamment le travail domestique ou le secteur informel.  Pour remédier à ce problème, le rapport recommande notamment d’accélérer la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en mettant l’accent sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes migrantes et en favorisant leur autonomisation. 

L’amélioration du sort des femmes et des jeunes filles dans le milieu rural était le thème du quatrième rapport (A/76/241) présenté par Mme Regner.  Elle a indiqué que ce document note qu’en raison de la pandémie, la pauvreté  mondiale a augmenté en 2020.  Pour la toute première fois depuis 1998, 96 millions de personnes sont retombées dans la pauvreté extrême, notamment 46 millions de femmes et de jeunes filles. 

Dialogue interactif 

Dans un premier temps, l’Union européenne a souhaité savoir quelles seront les prochaines étapes du Forum Génération Égalité en termes de suivi et comment les États Membres intéressés peuvent s’y joindre.  La délégation a ensuite voulu connaître l’évaluation de Mme Regner sur la situation en Afghanistan, où les gains réalisés en matière de condition féminine risquent d’être effacés.  Que fait ONU-Femmes pour remédier à ce problème ?  Que pourrait faire la communauté internationale à cet égard ? 

L’Argentine a noté que la pandémie a engendré une recrudescence de la violence à l’égard des femmes et des filles, ce qui, selon elle, met la question de la redevabilité au premier plan.  La COVID-19 a en effet exacerbé le gouffre d’inégalités entre les femmes et les hommes, a renchéri la Thaïlande qui a salué la riposte de genre mise en place par ONU-Femmes en collaboration avec le PNUD, sur la base des expériences des pays.  Par ailleurs, comment parvenir à l’égalité femmes-hommes en milieu rural, conformément à la stratégie d’ONU-Femmes ? 

À ce sujet, l’Algérie a précisé qu’une stratégie nationale vise à permettre aux femmes rurales de s’autonomiser et de créer leur propre richesse, tandis que la République islamique d’Iran a indiqué que, dans le cadre de sa réponse à la COVID-19, elle s’est employée à garantir la résilience des femmes rurales en leur fournissant différentes aides, précisant que les femmes sont à l’origine de 40% de la production agricole du pays et de 75% de son artisanat.  Dans le cadre de la reconstruction post-COVID-19, a demandé la Chine, quel rôle ONU-Femmes entend jouer pour aider les pays en développement à traiter la question de la pauvreté des femmes rurales?  

Et comment entendez-vous traiter la discrimination systémique des femmes et promouvoir leur inclusion, ont voulu savoir les États-Unis qui ont également mis l’accent sur la nécessité d’intégrer la lutte contre les violences sexistes et les besoins des personnes LGBTI dans les plans de relance.  Pour sa part, le Bélarus s’est déclaré préoccupé par l’utilisation de « concepts non soutenus au niveau international », notamment l’accès à l’éducation sexuelle intégrale. 

S’exprimant au nom de l’Association des États de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), les Philippines ont évoqué le lancement cette année d’un programme sur cinq ans associant l’ASEAN, ONU-Femmes et le Canada pour renforcer le leadership et la participation des femmes dans la prévention des conflits, le règlement et le relèvement en Asie du Sud-Est.  Le Japon a ensuite souhaité savoir comment promouvoir les questions de genres dans le fonctionnement des Nations Unies. 

Les Maldives ont constaté que la « pandémie de l’ombre » est toujours bien présente, les confinements ayant entraîné une augmentation des violences à l’égard des femmes et des filles, notamment les domestiques.  Il faut donc agir rapidement pour s’assurer que la reprise prend en considération les questions liées au genre, notamment en ce qui concerne les effets des changements climatiques, a plaidé la délégation. 

Quel est votre avis sur les conséquences des mesures coercitives unilatérales sur le développement des femmes rurales, a demandé à son tour la République arabe syrienne qui a par ailleurs souligné qu’un grand nombre de femmes syriennes sont devenues chefs de famille  par nécessité en raison des répercussions négatives de la guerre contre le terrorisme. 

Le Myanmar a indiqué qu’après le coup d’État militaire de février, on a recensé de nombreuses attaques contre les femmes au quotidien  et beaucoup d’entre elles continuent d’être victimes de la répression militaire, notamment les défenseuses des droits humains.  Dans ce contexte, quelles mesures la communauté internationale entend-elle prendre pour remédier aux atrocités commises par le régime militaire contre les femmes du Myanmar? a demandé la délégation.  Et comment les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales comptent-ils agir ? 

Répondant à ces questions et commentaires, la Directrice exécutive adjointe chargée de l’appui normatif, de la coordination du système des Nations Unies et des résultats des programmes d’ONU-Femmes a salué le succès du Forum Génération Égalité, ainsi que la mobilisation de 40 milliards de dollars sur cinq ans.  « Maintenant, il faut mettre en place un cadre de redevabilité très robuste et nous y travaillons avec nos partenaires », a-t-elle indiqué en réponse à l’Union européenne.  En ce qui concerne l’Afghanistan, elle a indiqué qu’ONU-Femmes souhaite maintenir une présence sur le territoire car des risques de violations du droit des femmes et des filles subsistent.  Un document de travail a déjà été partagé avec le pays, a-t-elle précisé, avant d’assurer que « la voix des femmes afghanes sera entendues dans cette situation particulièrement difficile ». 

S’agissant des droits sexuels et reproductifs, elle a annoncé la création d’une alliance en matière de soins afin d’aider les États Membres à « éliminer le fardeau des soins non rémunérés pour les femmes » et appuyer le partage des bonnes pratiques.  Elle a également annoncé la mise en place, l’an prochain, d’un nouveau plan stratégique qui mettra l’accent sur les secteurs à faibles revenus et les zones rurales dans le contexte de la pandémie de COVID-19. 

À l’occasion de sa première intervention devant la Troisième Commission, Mme GLADYS ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, a souhaité se concentrer sur plusieurs questions traitées par le Comité ces 12 derniers mois, à commencer par le leadership des femmes et leur pleine participation à la prise de décision et à la vie politique.  Elle a rappelé que, selon les chiffres de l’Union interparlementaire (UIP), les femmes ne représentent qu’un quart des parlementaires dans le monde, un peu plus d’un cinquième des portefeuilles ministériels et respectivement 5,9 et 6,7% des chefs d’État et de gouvernement. Pourtant, comme l’a relevé en mars le Secrétaire général, les dirigeantes ont maintenu les taux de prévalence de la COVID-19 à un niveau plus bas et ont mis leur pays en bonne voie pour se rétablir.  Le Comité appelle donc les États à reconnaître qu’une gouvernance inclusive et représentative est « une condition essentielle à la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier l’objectif 5 », a souligné Mme Acosta Vargas.  Dans ce cadre, a-t-elle noté, une gouvernance inclusive et représentative signifie que les groupes de femmes défavorisés et marginalisés ont le droit de participer efficacement à la prise de décision et à la vie politique.  Or, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a constaté que les femmes autochtones sont souvent exclues de la prise de décision dans les processus locaux, nationaux et internationaux, ainsi que dans leurs propres communautés, alors même qu’elles sont des acteurs importants dans la réalisation du développement durable de leurs peuples. 

La Présidente du Comité a ensuite abordé la question de la violence sexiste à l’égard des femmes, que la pandémie a exacerbée.  Elle s’est déclarée préoccupé par le risque d’érosion du système multilatéral de protection contre cette violence, regrettant en particulier le « discours régressif » qui consiste à remettre en cause la légitimité de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).  Elle a rappelé qu’en juillet, le Comité a dit craindre que le retrait d’un État Membre de la Convention d’Istanbul au milieu de la pandémie de COVID-19 n’aggrave l’écart de protection des femmes et des filles à une époque où la violence sexiste est en hausse.  Selon elle, la pandémie a également détourné l’attention du monde de la violence sexuelle dans les conflits. C’est pourquoi, a-t-elle indiqué, le Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’enfant entendent exprimer leur inquiétude dans une déclaration commune qui sera publiée ce mois-ci avant le débat public du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.  De même, le Comité a adopté le 5 novembre 2020 sa Recommandation générale n°38 sur la traite des femmes et des filles dans le contexte de la migration mondiale, exhortant les gouvernements à décourager la demande de traite sous toutes ses formes et à s’attaquer aux causes profondes qui poussent les femmes et les filles dans des situations vulnérables. 

Mme Acosta Vargas a expliqué que, tout au long de cette crise, le Comité a continué à mener ses activités mandatées en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et du Protocole facultatif s’y rapportant.  Depuis juin 2020, a-t-elle précisé, le Comité a organisé quatre sessions en ligne pour éviter une lacune de protection pour les femmes et les filles à travers le monde.  En février dernier, il a examiné le neuvième rapport périodique du Danemark lors de son premier dialogue en ligne et a adopté des observations finales portant sur des questions telles que le leadership des femmes dans les efforts de relèvement post-COVID-19, l’impact des changements climatiques sur les femmes autochtones du Groenland et la hausse des violences fondées sur le genre.  Au cours de l’année écoulée, a poursuivi la Présidente, le Comité a également évalué les rapports de suivi de 24 États parties et a adopté 18 listes de problèmes concernant les rapports périodiques reçus ainsi que 9 listes de problèmes dans le cadre de la procédure simplifiée de présentation de rapports.  En outre, le Comité a donné suite à 7 plaintes individuelles et publié plusieurs déclarations conjointes avec d’autres Comités, dont une avec le Comité des droits de l’enfant appelant les dirigeants en Afghanistan à respecter et à protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles dans le pays. 

En raison de la pandémie, le Comité a dû adapter ses méthodes de travail aux réalités en ligne à titre exceptionnel.  Cependant, outre les difficultés liées à l’utilisation de la plateforme en ligne, la suspension des séances en personne a créé un nouvel arriéré de 62 rapports d’États parties en attente d’examen, a déploré Mme Acosta Vargas, ajoutant que la réduction de cet arriéré nécessitera des ressources humaines et financières supplémentaires.  Malheureusement, a-t-elle indiqué, le budget ordinaire adopté par l’Assemblée générale pour 2021 n’a pas corrigé le manque de ressources en personnel des organes conventionnels des droits de l’homme.  Elle a donc formé le vœu que le budget 2022 « comblera ce manque », le Secrétaire général ayant lui-même appelé à l’élaboration d’une stratégie de financement pour assurer la stabilité financière du système des organes conventionnels des droits de l’homme.  « C’est un besoin urgent », a-t-elle insisté. 

Dialogue interactif 

Le coup d’envoi à ce dialogue interactif a été donné par le Chili qui a souligné l’importance de s’attaquer aux causes structurelles de l’inégalité de genre et de concevoir des programmes de riposte à la COVID-19 intégrant l’inclusion des femmes. 

Quelles actions prioritaires mettre en œuvre pour atténuer les impacts de la crise de la COVID-19 sur l’égalité femmes-hommes, a ensuite demandé l’Union européenne qui a également réclamé une mise à jour des travaux concernant un projet de recommandation générale sur les droits de femmes et des filles autochtones.  De son côté, la France, qui a déclaré porter une « diplomatie féministe et ambitieuse », a voulu savoir comment le Comité entend soutenir la mise en œuvre des engagements pris à l’occasion du Forum Génération Égalité. 

Quels changements la pandémie a-t-elle entraîné dans les méthodes de travail du Comité et quelles mesures devraient être adoptées pour contribuer à son efficacité ? s’est pour sa part enquis le Mexique.  Le Japon s’est félicité du savoir-faire du Comité pour lutter contre les discriminations visant les femmes. Il a toutefois jugé préoccupant que la situation continue de se détériorer alors que la pandémie progresse.  À cet égard, les États parties ont-ils coopéré avec le Comité comme il se doit ?  Également préoccupée par les répercussions négatives de la COVID-19 pour de développement des femmes et des filles, la Malaisie a souhaité savoir quelles sont les mesures prises par le Comité pour y répondre. 

À son tour, l’Algérie a demandé des précisions au sujet de l’évaluation du Comité sur les partenariats concernant les femmes au niveau régional et international, tandis que la République arabe syrienne a souhaité connaître l’avis de la Présidente du Comité sur les mesures coercitives unilatérales imposées à son encontre, soulignant que celles-ci ont des conséquences préjudiciables sur les femmes syriennes. 

Et que peut faire le Comité pour aider les femmes afghanes qui risquent de tout perdre, a interrogé à son tour le Liban qui a relevé que ces dernières n’ont plus la possibilité de jouir de leurs droits fondamentaux.  On ne peut tolérer un recul des progrès réalisés en termes d’éducation des filles et de participation des femmes à la vie publique en Afghanistan, a renchéri le Royaume-Uni

De nombreuses délégations ont également profité de ce dialogue pour mettre en avant certaines des mesures prises à l’échelon national, à l’instar de l’Inde qui a fait état d’un programme de collaboration avec les forces de police et d’un système de dénonciation des cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.  Le pays a également multiplié les centres d’accueil et de réhabilitation des victimes de violences sexistes. 

Le Bahreïn a indiqué qu’un décret royal a obligé les entités nationales à consentir des efforts pour aider les femmes à répondre aux impacts de la crise de la COVID-19; le Viet Nam a fait savoir que 48% des travailleurs et 28% des dirigeants du pays sont des femmes, tandis que la Thaïlande a précisé que la législation de 2019 sur l’autonomisation des femmes offre la possibilité de prendre un congé maternité allant jusqu’à 90 jours.  En matière de protection, un amendement au code pénal prévoit de lourdes peines en cas d’agression sexuelles, les victimes bénéficiant en outre d’une aide sanitaire et juridique, a ajouté la délégation. 

Le lancement d’un plan stratégique de lutte contre les violences à l’égard des femmes et la formation des forces de police spécialisées pour y faire face ont été mis en avant par l’Éthiopie.  L’Ukraine a pour sa part cité la préparation d’un deuxième plan national pour répondre aux violences sexuelles en temps de conflit armé, ainsi que les efforts déployés face au problème des femmes déplacées, originaires de Crimée et de l’est du pays.  De son côté, la Chine a expliqué accorder une grande importance à l’amélioration du développement des femmes, notamment en matière d’emploi et dans la sphère familiale.  

La République populaire démocratique de Corée est également intervenue pour expliquer avoir pris des mesures dans tous les aspects de la vie sociale pour défendre les droits des femmes et garantir leur participation.  La délégation a par ailleurs estimé que le Japon « déforme l’histoire ».  Lors de son règne colonial, le Japon a forcé des femmes coréennes à se prostituer pour l’armée impériale, a-t-elle accusé, insistant sur « l’importance de réparations ».  Le Japon a alors repris la parole pour décrier les « accusations infondées » de la RPDC.  Nous abordons ces questions avec humilité et dans le respect des droits humains, a-t-il affirmé, jugeant essentiel d’adopter une attitude de respect mutuel pour régler cette question. 

En réponse aux questions et commentaires des délégations, la Présidente du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, s’est tout d’abord félicitée de la ratification par le Chili du Protocole facultatif à la Convention, qui compte désormais 114 États parties, ainsi que des appels à la ratification universelle de la Convention d’Istanbul.  Elle a souligné que la pandémie de COVID-19 a modifié les méthodes de travail du Comité et l’a obligé à se concentrer sur certains aspects clefs.  Parmi eux, elle a cité la priorité donnée à la participation politique des femmes en ce qui concerne la direction des pays et l’édification d’un système de justice paritaire.  Elle a par ailleurs déclaré partager les préoccupations liées aux incidences des embargos, qui ont des effets négatifs sur la vie des femmes et des filles.  À cet égard, elle a indiqué que son Comité est prêt à faire de la situation des filles sa priorité post-COVID-19. 

Répondant aux interrogations exprimées sur la situation des femmes en Afghanistan, elle a précisé que son Comité a adressé un courrier aux nouveaux dirigeants en leur rappelant les engagements internationaux contractés par leur pays.  Jugeant que tout doit être fait pour préserver les acquis obtenus ces dernières années par les femmes afghanes, elle a formé le vœu que les nouvelles autorités respecteront les obligations découlant de la Convention.  Elle a ensuite salué le fait que la violence sexiste ait baissé au Bahreïn et au Viet Nam, alors qu’elle a progressé ailleurs durant la pandémie.  

Mme Acosta Vargas a ajouté que le Comité réfléchit actuellement aux priorités de sortie de crise.  Il collabore aussi avec les États parties pour que leurs rapports soient précis et mettent l’accent sur les effets de pandémie sans oublier des éléments importants tels que la place des femmes dans l’économie et la situation des familles.  L’aide aux victimes doit être une priorité, a-t-elle souligné.  Enfin, après avoir qualifié de « réussite » le Forum Génération Égalité organisé par la France et le Mexique, elle a souhaité que la voix des ONG soit davantage entendue sur ces questions et assuré que la pandémie ne fera pas reculer le Comité en matière de défense des droits des femmes et des filles. 

Mme REEM ALSALEM, Rapporteuse spéciale sur laviolencecontre les femmes, sescauses et ses conséquences, a fait le point sur les deux nouvelles initiatives du mandat, à savoir l’observatoire des féminicides et la Plateforme des mécanismes d’experts indépendants sur l’élimination de la discrimination et la violence à l’égard des femmes.  Elle a expliqué que cette plateforme vise à promouvoir la coopération entre sept mécanismes d’experts et à améliorer la mise en œuvre des cadres juridiques et politiques internationaux relatifs à la violence contre les femmes.  Une première réunion de la Plateforme est prévue le 8 octobre afin de définir un programme de travail collectif pour l’avenir. 

Mme Alsalem a ensuite fait le point sur la mise en œuvre de l’initiative concernant les observatoires de féminicide.  Elle a rappelé que cette initiative avait commencé par un appel, en 2015, à tous les États Membres, les engageant à mettre en place un observatoire du féminicide, qui serait chargé de collecter et de publier le 25 novembre, date de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le nombre de féminicides de l’année, ventilé par âge et par sexe des auteurs, et en spécifiant le lien entre l’auteur et la victime.  Elle a noté que de nombreux pays ont progressé dans la création de leurs propres observatoires de féminicide, tout en partageant des exemples et des bonnes pratiques. 

Cependant, a-t-elle tempéré, la collecte et la diffusion de données n’est pas une fin en soi, mais un outil puissant pour évaluer le niveau de violence sexiste à l’égard des femmes et améliorer la législation et les réponses politiques à toutes les formes de violence à leur encontre.  Elle a également noté que si de nombreux progrès ont été réalisés dans la mise en place d’observatoires de la violence à l’égard des femmes et du féminicide, ces progrès sont, toutefois, inégaux.  Par exemple, dans certains pays, des ressources importantes ont été consacrées à la mise en place d’observatoires du féminicide, alors que dans d’autres, aucune.  En outre, les données collectées ne sont souvent pas comparables ou ne comprennent pas d’informations sur la relation entre la victime et l’auteur du crime.  Et certains pays ne recueillent que des données que sur la violence entre partenaires intimes, alors qu’une approche globale devrait inclure tous les types de féminicides, a-t-elle recommandé. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite détaillé les thématiques sur lesquelles elle compte axer ses efforts au cours des trois prochaines années.  Elle a tout d’abord cité l’examen de la violence contre les femmes et les filles autochtones, notant que les attaques à leur encontre sont de plus en plus violente et souvent liées aux industries extractives.  Cette réalité qui doit être mieux comprise et documentée, a-t-elle estimé. 

Un autre thème est la violence sexiste dans le contexte de l’atténuation des risques et de la réponse aux catastrophes liées aux changements climatiques.  Elle a indiqué que les changements climatiques accroissent les vulnérabilités et les inégalités de genre préexistantes, ce qui peut rendre les femmes particulièrement vulnérables à la violence sexiste.  Si « nous voulons lutter efficacement contre cette crise », il faut donner aux femmes et aux filles les moyens de participer sur un pied d’égalité à la recherche de solutions, y compris aux activités des militants du climat, et de les protéger contre le harcèlement et la violence, a-t-elle estimé. 

Mme Alsalem souhaite aussi étudier la violence psychologique à l’égard des femmes.  Ce type de violence, a-t-elle indiqué est omniprésent et pourtant insuffisamment compris.  Les données disponibles montrent qu’entre 12 et 58% des femmes ont déclaré avoir subi des violences psychologiques dans le cadre de relations intimes au cours des 12 derniers mois.  Une réalité exacerbée, selon elle, par la pandémie de COVID-19.  De même, le vécu psychologique des victimes de la violence fondée sur le genre est également insuffisamment reconnu dans les processus de justice transitionnelle ainsi que dans la conception des réparations et des recours pour les victimes. 

La Rapporteuse spéciale a également indiqué qu’elle compte examiner de plus près la relation entre l’apatridie, le genre et la violence sexiste, ainsi que l’intersection entre la violence sexiste à l’égard des femmes, l’orientation sexuelle et l’identité et l’expression de genre.  Pour de nombreuses femmes et filles, le fait de vivre en dehors des normes patriarcales liées à l’hétéronormativité et aux normes de genre, les expose à un risque accru de violence sexiste, a-t-elle relevé. Pourtant, la violence à laquelle sont confrontées les lesbiennes, les femmes bisexuelles et transgenres et les autres personnes non conformes au genre n’est pas prise aussi au sérieux qu’elle devrait l’être, ce qui exige, a-t-elle estimé, une réponse plus affirmée de la part des États Membres et des autres acteurs, conformément à leurs obligations internationales en matière de droits de la personne. 

Dialogue interactif

À l’issue de cette intervention, la Fédération de Russie a souligné que le concept de féminicide n’existe que dans une région et affirmé ne pas voir la nécessité de créer des mécanismes bureaucratiques supplémentaires, plaidant pour une utilisation efficace des outils existants.  Quant à la plateforme promue et créée par la Rapporteuse, elle demeure une initiative privée, a ajouté la délégation, jugeant « inappropriée » de demander aux États Membres d’y contribuer.  Elle a également exhorté la Rapporteuse à revenir à l’expression plus générale de « violence à l’égard des femmes » au lieu de l’expression « violence fondée sur le genre ».  

Se disant disposée à prêter main forte pour le suivi des recommandations formulées, l’Union européenne a voulu bénéficier de conseils concrets sur les prochaines mesures à prendre, en gardant à l’esprit les tendances inquiétantes en matière de féminicides lors de la comparaison des données recueillies avant et pendant la pandémie de COVID-19. 

La République arabe syrienne a attiré l’attention sur les efforts déployés par son gouvernement pour réduire les souffrances endurées par les femmes syriennes aux mains des groupes djihadistes depuis le début de la guerre terroriste contre leur pays.  Violées, battues, défigurées ces femmes ont parfois dû fuir leur pays pour protéger leur vie et dignité, a-t-elle décrié. 

Quel poids allouer aux actions de sensibilisation destinées aux auteurs de violences non meurtrières, afin de leur permettre de mieux maitriser leur comportement? s’est interrogé le Luxembourg.  Comment veiller à ce que les données collectées soient standardisées et comparables, et comment identifier les différentes formes de violence sexistes, a demandé à son tour Israël.  Le Mexique a souhaité connaître les bonnes pratiques recueillies concernant la collecte de données désagrégées sur la lutte contre la violence sexiste dans les contextes de conflits armés. 

Pourriez-vous développer votre recommandation concernant la comparaison des données sur les féminicides recueillies avant et pendant la pandémie de Covid19? a questionné la Slovénie, appuyée par le Royaume-Uni.  Le Canada tout comme le Liechtenstein ont pour leur part voulu connaître les meilleures pratiques en termes de collecte de données sur les féminicides. 

Comment veiller à ce que les femmes aient accès à la justice dans des contextes humanitaires, s’est enquis à son tour le Pakistan, tandis que le Maroc a voulu connaître les obstacles rencontrés dans le cadre du fonctionnement de l’observatoire des féminicides. 

Les outils mis en place lors de l’urgence sanitaire, en particulier l’augmentation des investissements pour le soutien des centres antiviolences et la création d’une ligne téléphonique et d’une application dédiées à la lutte contre la violence, se sont avérés efficaces et font désormais partie intégrante de notre stratégie nationale contre la violence, a indiqué pour sa part l’Italie

Les Pays-Bas ont voulu savoir si la Représentante spéciale avait été confrontée à des difficultés au cours de son enquête en raison du fait que bien que la Convention d’Istanbul recommande que la police et les travailleurs sociaux désignent une victime et un auteur lorsqu’ils enregistrent des cas de violence, afin d’établir s’il s’agit d’un cas de violence domestique et/ou entre partenaires intimes, certains pays estiment que c’est au système judiciaire d’en faire la détermination.  Au nom d’un Groupe de pays, l’Estonie s’est interrogée sur les étapes à suivre pour parvenir à une meilleure législation pour lutter contre la violence domestique. 

Au-delà des traités, que fait concrètement la communauté internationale pour lutter contre ce phénomène, s’est interrogée pour sa part Malte, tandis que l’Inde a dit militer pour que la voix des femmes soit davantage entendue.  Cuba a souhaité sensibiliser sur la situation consécutive au blocus unilatéral qui l’empêche de mobiliser les ressources nécessaires pour aider les victimes, tandis que la Géorgie a regretté qu’en raison de l’occupation par la Russie des régions d’Abkhazie et de Tskhinvali, son gouvernement a été privé de la possibilité de mettre en œuvre les mesures de lutte contre la violence faite aux femmes. 

Préoccupé par la persistance des crimes d’honneur dans de nombreuses régions du monde, le Liban a souhaité savoir s’il existe des chiffres fiables pour mesurer la tendance de ce phénomène.  Quels sont les mécanismes qu’il conviendrait de mettre en place afin de déterminer la place du féminicide dans la cartographie des violences basées sur le genre, a demandé à son tour le Burkina Faso.  Et que peut faire la communauté internationale lorsqu’un pays refuse de mener des enquêtes sur le sort des disparues, a voulu savoir l’Azerbaïdjan

L’Australie a salué la bonne utilisation de données pour aider les politiques à mettre en œuvre des législations; la Suisse s’est préoccupée de la prévalence de la violence basée sur le genre et Haïti a voulu s’enquérir des initiatives et actions préconisées par la Rapporteuse afin de lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes, de même que les États-Unis qui ont fait part de la volonté de l’Administration Biden à mettre fin à la violence sexiste où qu’elle se trouve.  La Chine a elle aussi assuré de sa détermination à œuvrer pour la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.  L’Algérie est également intervenue. 

Répondant aux commentaires et questions des délégations, la Rapporteuse spéciale sur laviolencecontre les femmes, sescauses et ses conséquences a d’emblée estimé que la terminologie ne doit pas être un obstacle à la lutte contre ce problème.  Le féminicide est le meurtre des femmes en raison de leur genre, et certains pays utilisent le terme « meurtre des femmes en raison de leur genre ». L’essentiel, a-t-elle ajouté, est que « nous parlons du même phénomène ».  Elle a ensuite souligné que la Plateforme des mécanismes d’experts indépendants sur l’élimination de la discrimination et la violence à l’égard des femmes est une plateforme volontaire, financée par la Convention d’Istanbul, où les mécanismes indépendants peuvent ajouter une plus-value aux efforts en cours pour lutter contre le féminicide. 

S’agissant de la question: « que peut-on faire de plus? » en ce qui concerne les initiatives concrètes pour lutter contre ce phénomène, la Rapporteuse spéciale a renvoyé à l’initiative de l’ONUDC et d’ONU-Femmes pour la création d’un cadre statistique sur les meurtres de femmes en raison de leur genre. 

Elle a par ailleurs fait observer que parmi les catégories mentionnées dans le rapport, l’une d’entre elles indique qu’il faut tenir compte du contexte, y voyant un « point de départ » pour répondre aux crimes d’honneur mentionnés par la délégation du Liban.  Elle a également recommandé d’intégrer les données sur le féminicide à la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes, y compris dans le contexte humanitaire, ainsi qu’au sein des systèmes de données nationaux existants.  Quant à la question de confidentialité soulevée par les Pays-Bas, elle a reconnu l’importance d’aborder cette question « qui reste un défi », tout en protégeant les victimes. 

La pandémie de COVID-19 a rendu très complexe la collecte des données.  Et pour l’heure, « nous n’avons pas reçu beaucoup de réponses », a-t-elle regretté. Elle a insisté sur la nécessité de se pencher sur des données recueillies dans le contexte de la COVID-19, afin d’avoir un aperçu sur ce qui peut se passer en cas de crise de cette ampleur.  

La couverture de ce dialogue a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique. 

Mme MELISSA UPRETI, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, a indiqué que cette année, le rapport du Groupe est axé sur la santé sexuelle et reproductive.  Selon les estimations, a-t-elle indiqué, on recense chaque jour 860 décès maternels.  Vingt-cinq millions d’avortements sont pratiqués dans de mauvaises conditions chaque année, provoquant environ 47 000 décès.  Plus de 200 millions de femmes ne peuvent pas utiliser des moyens de contraception modernes et des millions de femmes et de filles n’ont pas les moyens de gérer leur cycle menstruel de manière sûre et digne. 

Selon Mme Upreti, ces chiffres brossent le tableau d’une crise complexe qui a été normalisée par une discrimination structurelle profondément ancrée et une violence sexiste omniprésente.  Et cette situation ne fait qu’empirer lorsque qu’une crise est accompagnée par une défaillance des systèmes de santé, le détournement des ressources des services de santé reproductive ou encore l’imposition de nouvelles restrictions.  Une telle situation peut être particulièrement grave pour les femmes et les filles qui sont déjà confrontées à des formes multiples et croisées de discrimination, notamment les personnes handicapées, les résidentes des zones rurales, les femmes, les filles et les adolescentes migrantes, réfugiées ou déplacées, ainsi que celles qui vivent dans la pauvreté. 

Elle a indiqué que le rapport met notamment l’accent sur les femmes et les filles qui vivent dans un « état persistent de crise », en raison d’une histoire d’oppression, de discrimination, de violence systémique et de mépris pour leur culture, spiritualité et traditions.  Il s’agit, a-t-elle précisé, des femmes et des filles autochtones, d’ascendance africaine ou roms. 

La Président du Groupe de travail a exhorté à un changement radical dans l’approche prônée habituellement par les gouvernements pour comprendre et gérer les crises, notant que si l’accent est étroitement placé sur un événement soudain ou une série d’événements en tant qu’éléments déterminants d’une crise, l’impact de la crise sur le genre risque de ne pas être compris et traité. 

Toute réponse apportée à une crise doit être sensible au genre et intersectionnelle.  Elle doit reconnaître le traumatisme caché et les conséquences à vie et intergénérationnelles, associées au non-respect des droits des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive.  Cette réponse doit également tenir compte des inégalités et des disparités préexistantes qui sont souvent exacerbées dans le contexte d’une crise, a-t-elle indiqué. 

Le Groupe exhorte les États Membres à prioriser le droit à la santé sexuelle et reproductive; éliminer les lois, politiques et pratiques discriminatoires; et à renforcer le suivi et la responsabilisation pour la violation du droit à la santé sexuelle et reproductive.  De même il les engage à assurer la participation des femmes et des filles aux processus décisionnels tout en promouvant la responsabilisation des hommes; et à repousser les idéologies conservatrices et antidroits humains. 

Dialogue interactif

Dans un premier temps, la Fédération Russie s’est dite étonnée du thème retenu, le considérant comme « non reconnu à l’international ».  La délégation a appelé à dissocier le droit des femmes de celui des jeunes filles, ces dernières étant sous la tutelle de leurs parents et représentants légaux.  Elle s’est également opposée au remplacement du terme « sexe » par « genre », pour ensuite fustiger la présentation d’un rapport qui, a-t-elle affirmé, essaie de réinterpréter les obligations des gouvernements. 

L’Inde, qui a rappelé avoir légalisé l’avortement, a passé en revue les efforts déployés à l’échelon national et dont ont pu bénéficier plus de 28 millions de femmes enceintes grâce à des programmes holistiques basée sur une meilleure nutrition et des soins prénataux.  Le Royaume-Uni, a indiqué avoir mis en place des mesures pour éduquer les jeunes filles, autonomiser les jeunes femmes et mettre fin à la violence envers ces dernières.  Et le Sri Lanka, a fait savoir qu’une récente loi électorale impose que 50% des listes parlementaires soient constituées de femmes.  Une loi antiharcèlement à l’encontre des femmes sur les lieux de travail est également appliquée dans tout le pays. 

L’Union européenne a estimé que l’accès aux services de soins de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’à une information et éducation de qualité est « essentiel à tout moment, en particulier dans les situations de crise », s’alarmant du fait que des millions de femmes meurent ou souffrent de problèmes de santé irréversibles à la suite de complications pendant la grossesse, de mauvaises conditions d’accouchements, ou d’avortements effectués dans des conditions dangereuses. 

Comment éliminer les discriminations à l’égard des femmes et des filles de manière ciblée dans le contexte de la reprise post-COVID, a demandé la Chine.  Et  comment veiller à ce que les filles puissent retourner sur les bancs de l’école et continuer de recevoir une bonne éducation ?  Le Maroc a pour sa part souhaité connaître les bonnes pratiques pour favoriser la participation des hommes, notamment des dirigeants religieux et communautaires pour promouvoir le droit des femmes à la santé reproductive. 

À son tour, le Guatemala, s’est inquiété de l’inégalité des répercussions de la COVID-19 sur les femmes, ces dernières étant plus durement touchées par le chômage, la pauvreté, et différentes formes de violence.  Préoccupé par le manque d’accès à l’éducation et à l’information dans sa région, il a invité la communauté internationale à créer des mesures de promotion du droit à la santé sexuelle et reproductive. 

Suite à ces questions et commentaires, la Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles a souligné que les droits sexuels et reproductifs sont reconnus par les législations internationales.  « Ces lois doivent tenir compte de la réalité des femmes et des filles », a-t-elle ajouté.  Sur la question de l’atténuation de la violence, elle a déclaré vouloir éliminer toute institution faisant la promotion de la discrimination ou de la violence.  Elle a insisté sur l’importance de la préparation « avant-crise », et de la nécessité de garantir l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, tout en estimant que les difficultés liées à l’accès à ces services « ne doivent pas être perçues comme une tragédie ».  Á ses yeux, les failles sont liées à l’absence de volonté politique en faveur de la promotion de ces droits. Elle a également insisté sur l’obligation qu’ont les donateurs et partenaires de respecter et de promouvoir les droits de femmes.  Toute violence à l’égard des femmes, mais également envers les défenseuses des droits des femmes, doit être dénoncée par la communauté internationale, a-t-elle souligné. 

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