La Sixième Commission termine les travaux de fond de sa session de 2021 en adoptant sans vote 16 projets de texte
Au terme de sa soixante-seizième session, entamée le 4 octobre, et marquée tout de même par les circonstances « extrêmement difficiles » imposées par la pandémie de COVID-19, comme l’a reconnu sa Présidente, Mme Alya Ahmed Saif Al-Thani, la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a adopté ce matin, sans vote et dans l’esprit de consensus qui prévaut en son sein, 15 projets de résolution et un projet de décision.
Au cours de 29 séances, la Commission aura examiné 22 questions substantielles et adopté un total de 19 projets de résolution et 9 projets de décision.
Une note dissonante est venue du Mexique, qui a été l’une des rares délégations à prendre la parole ce matin. Le représentant mexicain a en effet invité la Commission à se pencher sur la valeur ajoutée qu’il y a à privilégier à tout prix une méthode de travail comme celle du consensus. Il ne faut pas l’utiliser comme « prétexte pour ne pas agir », a-t-il critiqué.
Après plus de six semaines de débats, et comme il est de coutume, la Commission va transmettre à l’Assemblée générale une série de textes portant sur des questions aussi variées que les crimes contre l’humanité, la protection des personnes en cas de catastrophe, le principe de compétence universelle ou bien encore les mesures visant à éliminer le terrorisme international.
Dans le projet de résolution intitulé « Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies » (A/C.6/76/L.12) présenté par le Pakistan, l’Assemblée générale prierait « instamment » le Secrétaire général de veiller à ce que sa politique de tolérance zéro à l’égard des comportements criminels tels que l’exploitation et les atteintes sexuelles, la fraude et la corruption soit « pleinement appliquée, de manière cohérente et concertée ».
La Commission a ensuite adopté un projet de résolution sur le « rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur les travaux de sa cinquante-quatrième session » (A/C.6/76/L.10), présenté par l’Autriche.
Dans un autre texte consacré au « Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international » (A/C.6/76/L.21), introduit par le Ghana, l’Assemblée générale demanderait notamment aux États Membres de verser des contributions volontaires pour financer la Médiathèque de droit international des Nations Unies et permettre l’organisation des cours régionaux de droit international.
La Commission a ensuite adopté les projets de résolution relatifs au rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa soixante-douzième session (A/C.6/76/L.16), à la protection de l’atmosphère (A/C.6/76/L.15) et à l’application à titre provisoire des traités (A/C.6/76/L.13). Ces trois projets ont été présentés par le Pérou, la Grèce et la Colombie, respectivement. Prenant note du rapport de la CDI, l’Assemblée déciderait que la CDI tiendra sa prochaine session à Genève du 18 avril au 3 juin et du 4 juillet au 5 août 2022.
C’est le projet de résolution intitulée « Crimes contre l’humanité » (A/C.6/76/L.17), introduit par Singapour, qui a donné lieu aux échanges les plus nourris. Par ce texte, l’Assemblée prendrait note du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité présenté par la CDI et relèverait la recommandation de cette dernière d’élaborer une convention sur ledit projet. À l’instar du Mexique, la Slovénie, au nom de l’Union européenne, a regretté le manque de progrès de la Commission, alors qu’il y a une « lacune » sur cette question en droit international. Les délégations du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Israël ont également exprimé leur déception. Le délégué du Mexique a annoncé qu’il se dissociait du consensus sur ce texte.
La Commission a ensuite adopté un projet de résolution sur le « rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation » (A/C.6/76/L.7), suivi d’un projet de résolution consacré au « quarantième anniversaire de l’adoption de la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux » (A/C.6/76/L.8).
S’agissant de « l’état de droit aux niveaux national et international » (A/C.6/76/L.9), l’Assemblée réaffirmerait qu’il est impératif de faire respecter et de promouvoir l’état de droit au niveau international conformément aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies.
Par le projet de résolution intitulé « Portée et application du principe de compétence universelle » (A/C.6/76/L.14), présenté par Maurice, l’Assemblée générale, ayant à l’esprit la diversité des points de vue exprimés par les États, notamment « les préoccupations formulées concernant l’application abusive ou impropre du principe de compétence universelle », déciderait que la Sixième Commission continuerait d’examiner ce point et inscrirait cette question à l’ordre du jour provisoire de sa prochaine session.
La Commission a ensuite adopté le projet de résolution intitulé « Protection des personnes en cas de catastrophe » (A/C.6/76/L.20), présenté et tel qu’oralement amendé par l’Indonésie qui a souligné l’importance de ce travail pour la communauté internationale dans son ensemble. S’agissant du projet de résolution intitulé « Renforcement et promotion du régime conventionnel international » (A/C.6/76/L.19), introduit par le Brésil, la Colombie a souligné l’importance de promouvoir le multilinguisme et évoqué la possibilité de se servir de traductions faites à titre gracieux dans l’une des six langues officielles de l’ONU en vue de l’enregistrement des traités.
Par un projet de résolution sur les « mesures visant à éliminer le terrorisme international » (A/C.6/76/L.11), présenté par le Canada, l’Assemblée générale déciderait de recommander à la Sixième Commission de créer, à sa prochaine session, un groupe de travail chargé d’achever l’élaboration du projet de convention générale sur le terrorisme international.
Enfin, la Commission a adopté le projet de résolution relatif au « rapport du Comité des relations avec le pays hôte » (A/C.6/76/L.6).
S’agissant du point de l’ordre du jour portant sur l’administration de la justice à l’ONU, la Commission a autorisé sa Présidente à transmettre une lettre au Président de l’Assemblée générale. Cette lettre soulignerait l’indépendance du pouvoir judiciaire au sein de l’ONU, a précisé la Croatie.
En dernier lieu, la Commission a adopté le projet de décision intitulé « Revitalisation des travaux de l’Assemblée générale » (A/C.6/76/L.22) qui contient son programme de travail provisoire pour sa soixante-dix-septième session, qui se tiendra du 3 octobre au 18 novembre 2022.
DÉCISIONS CONCERNANT LES PROJETS DE RÉSOLUTION
Explications de position
Crimes contre l’humanité (A/C.6/76/L.17)
Le Mexique a regretté que pour la troisième année consécutive, la Sixième Commission adopte un projet de résolution qui se borne à prendre note du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité présenté par la Commission du droit international (CDI) et à inscrire cette question à l’ordre du jour de sa prochaine session. C’est « inacceptable » selon lui. Jugeant que cela contribue à paralyser une fois de plus l’examen des documents issus de la CDI, il a dénoncé « un nouveau cycle d’inaction ». Il a souligné qu'il ne pourrait pas appuyer une simple actualisation technique de la résolution. L’objectif était plutôt d’établir un processus de délibérations avec une feuille de route précise sur la voie d’une convention, or le texte présenté à la procédure d’approbation tacite de la Commission ne répond pas à ces aspirations. Le Mexique a donc décidé de se dissocier du projet de résolution L.17. Par ailleurs, a-t-il réitéré, il y a lieu également de se pencher sur la valeur ajoutée qu'il y a à privilégier à tout prix une méthode de travail comme celle du consensus. Il ne faut pas l’utiliser comme « prétexte pour ne pas agir ».
La Slovénie, au nom de l’Union européenne et d’un groupe de pays, a dénoncé l’absence d’une convention relative aux crimes contre l’humanité. Il y a une lacune que la communauté internationale doit combler sans tarder, a-t-elle dit, en regrettant l’échec de la Commission à parvenir à des progrès sur cette question. « Ne nous trompons pas, personne ne sort gagnant de cette situation parce que nous perdons du temps. » Elle a indiqué que ce manque de progrès a un coût réel, qui est celui de la « souffrance humaine ». L’opposition à la création d’une plateforme dédiée pour discuter des questions de fond relatives au projet d’articles de la CDI est incompréhensible. Elle a regretté de ne pas avoir pu mener un dialogue constructif, alors que « le monde nous regarde ». « Nous ne sommes pas à la hauteur de nos responsabilités », a conclu la délégation.
Le Royaume-Uni a souligné l’importance de cette question et espéré des progrès dans un avenir proche. « Nous avons été très proches d’un accord », a-t-il relevé, en ajoutant que la vaste majorité des États a essayé de parvenir à un consensus.
Les États-Unis ont rappelé que, 75 ans après le procès de Nuremberg, il n’existe pas de traité multilatéral consacré à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité. L’absence d’un tel traité sur les crimes contre l’humanité ayant laissé un vide dans le cadre juridique international, il y a vraiment lieu de « remédier à cette situation ». La délégation a donc espéré pouvoir avancer l’an prochain.
Israël s’est dit conscient des opinions extrêmement divergentes entre les États Membres, aussi bien en ce qui concerne le fond du projet d’articles que la forme que ceux-ci prendraient à l’avenir. La délégation a espéré qu’au cours de la prochaine session, la Sixième Commission parviendra enfin à un consensus et à créer une plateforme appropriée où les textes pourront être débattus véritablement, sans préjuger de la forme qu’ils prendront. Elle a encore regretté que les discussions de cette session n’aient pu aboutir.
L’état de droit aux niveaux national et international (A/C.6/76/L.9)
La République arabe syrienne a tenu à se dissocier de la mention faite, dans le rapport du Secrétaire général sur l’état de droit, du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.
Renforcement et promotion du régime conventionnel international (A/C.6/76/L.19)
La Colombie, au nom du Groupe des Amis de la langue espagnole au sein des Nations Unies, a souligné l’importance de promouvoir le multilinguisme. Elle a rappelé que l’Espagne a fait une proposition permettant d’améliorer les délais d’enregistrement des traités, en ouvrant la possibilité de se servir de traductions faites à titre gracieux dans l’une des six langues officielles de l’ONU. Le multilinguisme ne doit pas être vu comme une source de coûts supplémentaires mais comme une composante essentielle des activités onusiennes et le reflet de la diversité humaine, a conclu la délégation.