Soixante-seizième session,
20e & 21e séances plénières - matin & après-midi
AG/J/3647

La Sixième Commission entend la Présidente de la CIJ et débat des exceptions à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État

« Palette de couleurs plus restreinte », « multiples marathons » pour l’un, « sprints furieux » pour l’autre. C’est en ces termes imagés que la Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ) a détaillé, devant la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, les similitudes et différences dans les rôles de juge international et de conseiller juridique auprès d’un ministère des affaires étrangères.  La Commission a poursuivi ensuite son examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) en débattant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et de ses exceptions, aspect sur lequel les discussions sont, selon l’Allemagne, « houleuses ».  Ce sujet est examiné conjointement avec le l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.

Dans son intervention, la Présidente de la CIJ, Mme Joan Donoghue, a rappelé qu’elle était Conseillère juridique au Département d’État des États-Unis avant d’être élue membre de la Cour en 2010.  Au titre des ressemblances, elle a insisté sur la nature généraliste des deux fonctions puisque le juge et le conseiller traitent de tout l’éventail des sujets en droit international.  Tous deux doivent aussi avoir à l’esprit les conséquences de leur position sur un point de droit.  Le conseiller s’enquiert ainsi de ses effets pour la « réputation globale » de l’État tandis que le juge est animé par le souci d’une jurisprudence constante.

La Présidente a ensuite pointé les différences entre les deux rôles, en rappelant que le conseiller a un client, l’État.  « Pour le juge, il n’y a pas de ministère servant de capitaine de navire, le juge est son propre capitaine. »  Une autre différence est à chercher dans le rythme de travail, puisque celui d’un conseiller équivaut à une série de « sprints furieux », tandis que le juge court de « multiples marathons en même temps ».  Enfin, Mme Donoghue a mentionné l’espace stratégique plus réduit qui est celui du juge.  « Il peint avec une palette de couleurs plus restreinte que celle du conseiller. » 

Abordant le chapitre VI du rapport de la CDI, les délégations n’ont pas ménagé leurs critiques contre le texte des projets d’article sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  « Il y a de graves lacunes dans les bases conceptuelles de ce projet d’articles », a déclaré le délégué des Pays-Bas, en se disant notamment contre le projet d’article 7.

Au cœur de nombreuses interventions, cet article dispose que l’immunité de juridiction pénale étrangère ne s’applique pas pour les crimes de droit international suivants: crime de génocide; crimes contre l’humanité; crimes de guerre; crime d’apartheid; torture et disparitions forcées.  Si le délégué de la Slovaquie a marqué la « prudence » de son pays devant cette liste, de nombreuses délégations ont, à l’instar de l’Égypte, fait part de leurs « fortes réserves ».

« Cet article ne représente pas l’état actuel du droit international et devrait être supprimé », a affirmé la déléguée d’Israël, appuyée par les États-Unis.  La délégation américaine a ainsi invité la CDI à travailler par consensus sur ce sujet difficile, étant donné les questions sérieuses qu’il implique et « l’importance de la pratique des États dans ce domaine sensible ».  Pareillement, le délégué de la Chine a demandé le réexamen de cet article « très controversé ».

La délégation de l’Iran a exprimé sa « déception » devant le libellé de cet article.  L’immunité des représentants de l’État, qui découle de l’immunité des États, dure pendant leur mandat, a rappelé le délégué iranien.  Il a aussi estimé que les autres fonctionnaires, comme les anciens fonctionnaires, bénéficient d’une immunité qui dure pour toujours mais ne s’applique qu’aux actes accomplis à titre officiel.

« La privation ou la limitation de l’immunité d’un représentant de l’État par un autre État ne peut se faire que sur la base de la Charte des Nations Unies ou sur la base d’un refus volontaire de l’État », a appuyé le délégué du Bélarus.  Ce dernier a regretté les poursuites pénales « abusives » lancées par des États contre les représentants d’États étrangers, faisant fi de la volonté souveraine de ces derniers, ce qui crée « des tensions ». 

Le délégué de l’Allemagne a fait entendre un autre son de cloche, en citant un arrêt de la Cour fédérale de justice allemande en date du 28 janvier 2021 concernant un lieutenant des forces armées afghanes.  « En substance, la Cour a décidé que selon le droit international coutumier, cette immunité n’empêche pas la compétence de l’État du for pour des crimes de guerre si ces actes ont été commis à l’étranger par un représentant de l’État à un rang de subordonné dans l’exercice de ses fonctions. »  En écho aux propos de son homologue allemand, la déléguée de l’Estonie a souhaité que le crime d’agression figure aussi dans la liste.  Enfin, la Suisse a espéré que la CDI sera rapidement en mesure de clarifier les points encore en suspens et d’adopter en première lecture les projets d’article.

La Sixième Commission poursuivra ses travaux lundi 1er novembre, à 10 heures.

Intervention de la Présidente de la Cour internationale de Justice

Mme JOAN DONOGHUE, Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ), s’est félicitée de pouvoir s’exprimer en personne à la Sixième Commission, son prédécesseur ayant dû s’exprimer à distance l’année dernière. « Jusqu’à mon élection à la Cour en 2010, j’étais l’une d’entre vous, j’étais conseillère juridique au Département d’État des États-Unis », a-t-elle dit. 

Mme Donoghue a fait un exposé sur les liens entre juge international et conseiller juridique au sein d’un ministère des affaires étrangères, en rappelant d’abord que le cœur de ces deux fonctions est le droit international public.  « En tant que conseiller, vous interprétez les traités et identifiez le droit coutumier, soit les mêmes outils à disposition du juge », a-t-elle souligné.  Le juge et le conseiller n’ont pas la latitude de choisir leurs sujets.  « En tant que conseiller, vous arrivez au bureau en vous attendant à travailler sur l’immunité diplomatique, mais vous devez répondre à une question urgente sur le droit des traités, puis sur le droit de la mer. »  La Présidente a mentionné l’éventail des sujets qu’elle a eus à traiter pendant ses onze années à la Cour, attestant de la nature généraliste de la fonction de juge.  

La Présidente a ensuite insisté sur l’importance de la notion de « précédent » en droit tant pour le juge international que pour le conseiller.  En prodiguant ses conseils, le conseiller doit ainsi considérer les positions prises par son État sur un sujet donné, tout en mesurant les implications potentielles de sa position.  « Vous devez non seulement informer les décideurs politiques de la licéité d’une décision, mais aussi les informer de l’incidence que cette décision aura pour la réputation globale de votre État en tant que partie à un traité fiable. » La CIJ attache la plus grande importance à une jurisprudence constante, a poursuivi Mme Donoghue.  « Il revient ainsi à la Cour de réfléchir soigneusement à la manière dont elle construit ses raisonnements juridiques. »  

Elle a estimé que dans chaque affaire le juge doit faire un choix, entre une interprétation juridique large ou bien restreinte.  Il en va de même pour le conseiller, a-t-elle dit, en prenant la question de l’immunité d’un représentant d’un autre État.  Si vous déterminez qu’il y a immunité dans une affaire précise, vous devez voir si votre gouvernement peut baser sa décision sur les circonstances particulières de l’affaire ou plutôt sur une interprétation élargie de l’immunité, a-t-elle expliqué.  Ce choix se pose à la Cour, puisque certains juges souhaiteront livrer une analyse globale de l’immunité tandis que d’autres préfèreront se concentrer sur les circonstances de l’espèce.  Elle a rappelé que les juges élus apportent différentes perspectives dans le processus délibératif de la Cour, avant de rappeler qu’ils ont la possibilité de faire figurer leur opinion qui est alors jointe à l’arrêt.  

La Présidente a ensuite pointé les différences entre les deux rôles.  D’abord, le conseiller a un client : « l’État ».  Cela veut dire que l’objectif du conseiller est de faire en sorte que son client puisse poursuivre ses objectifs, conformément au droit tel qu’interprété par le conseiller.  « Pour le juge, il n’y a pas de ministère servant de capitaine de navire, le juge est son propre capitaine. »  Le juge ne doit pas décider sur la base de son opinion vis-à-vis des États parties à un différend ou des relations que ces États peuvent avoir avec l’État dont il a la nationalité.  Le juge doit livrer son interprétation du droit en dépassant ses inclinations naturelles, a-t-elle poursuivi.  « C’est en donnant libre expression à une grande variété de perspectives lors de délibérations franches, confidentielles et détaillées que la CIJ opère alors comme une véritable cour mondiale. »  Une autre différence est à chercher dans le rythme de travail.  Le travail d’un conseiller équivaut à une série de « sprints furieux », tandis que la CIJ court de multiples marathons en même temps.  L’échéancier du travail de la Cour se mesure en semaines, non en heures.  Enfin, elle a mentionné l’espace stratégique plus réduit dans lequel opère le juge par rapport au conseiller.  « Le juge peint avec une palette de couleurs plus restreinte que celle du conseiller », a-t-elle dit, en indiquant que le rôle du juge est limité par rapport à celui du conseiller.  En conclusion, Mme Donoghue a dit attendre avec intérêt les questions des délégations, en se disant certaine qu’elles n’auront pas trait aux affaires pendantes devant la CIJ. 

Dialogue avec la Présidente de la CIJ

Le représentant de l’Égypte, qui a rappelé que les juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) exercent une influence sur le droit international et les relations internationales, a demandé si ces juges sont bien conscients de ce phénomène lorsqu’ils sont sur le point de prononcer un jugement ?  Son homologue de l’Autriche a noté que la Présidente a évoqué son parcours en common law.  Estimant la différence entre common law et droit civil exagérée, il a souhaité savoir, d’après l’expérience de la Présidente de la CIJ au sein de cette cour, si elle a pu constater une divergence importante entre les deux approches ?  Enfin, soulignant qu’il y a souvent des interrogations sur la cohérence de l’interprétation à la CIJ et dans d’autres cours internationales, et la CIJ étant celle qui a le plus d’autorité, le représentant de la France a souhaité connaître le sentiment de la Présidente sur la possibilité d’assurer et de renforcer la cohérence des approches des différentes juridictions. 

La Présidente de la CIJ, a répondu au représentant égyptien que les juges sont bien conscients de cette situation et de leur impact sur les relations internationales car les parties le leur rappellent constamment.  Elle a précisé que les juges de la CIJ ne considèrent pas qu’ils cherchent à influencer les relations internationales.  « Ce n’est pas leur rôle », a-t-elle déclaré. 

Sur les différences entre common law et droit civil, Mme Donoghue a estimé qu’il y a en fait une véritable différence sur la façon dont fonctionne la CIJ car les traditions juridiques de ses juges sont différentes.  Elles se font ressentir, et la Présidente a cité pour exemple des différences sur le type de preuve, les processus d’enquêtes, le type de questions posées aux témoins, le fait d’avoir ses propres experts ou des experts externes.  « Tout cela varie énormément », a-t-elle témoigné.  

Concernant la relation entre les diverses cours et leurs jugements, la perspective de la Présidente de la CIJ est quelque peu différente de celle généralement entendue, a expliqué Mme Donoghue , pour qui le droit international est fondamentalement décentralisé.  « Nous sommes une cour mondiale mais nos jugements ne sont pas contraignants pour qui que ce soit d’autre que les parties », a-t-elle précisé, avant d’indiquer qu’un tel dialogue a lieu lorsqu’un juge cherche dans une étude approfondie à savoir ce qui est dit dans les autres cours.  Toutes ces institutions suivent ce que les autres cours disent avec estime et respect, a conclu la Présidente de la CIJ.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DOUZIÈME SESSION - A/76/10

Examen des chapitres VI (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État) et IX (Élévation du niveau de la mer au regard du droit international)

Déclarations (suite)

M. KENNETH WONG (Singapour) a, en ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, souligné l’importance de préserver ce principe pour la stabilité des relations internationales.  Il a salué l’effort de la Commission du droit international (CDI) en vue de parvenir à l’équilibre entre l’application de la compétence de l’État du for et les garanties procédurales découlant de cette immunité.  Le délégué a demandé une clarification de l’article 9, paragraphe 1, qui dispose : « Avant que les autorités compétentes de l’État du for n’engagent des poursuites pénales ou ne prennent des mesures coercitives visant un représentant d’un autre État, l’État du for notifie cette circonstance à l’État du représentant. »  Il a souhaité que le projet d’articles indique clairement que l’obligation pour l’État du for d’examiner sans délai la question de l’immunité visée à l’article 8 survient quand il a pris connaissance qu’un représentant d’un autre État peut être visé par l’exercice de sa juridiction pénale.  Il a aussi estimé que le projet ne doit pas limiter les moyens de règlement pacifique des différends dans ce domaine.  M. Wong a dit partager l’observation de la CDI selon laquelle la question de l’immunité devant les tribunaux pénaux internationaux ne ressort pas de ce sujet. 

S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Wok a appelé à un examen plus approfondi des questions soulevées par ce chapitre, en raison de la diversité des opinions.  Il a mentionné l’une de ces questions, à savoir si et de quelle manière la pratique des États est pertinente pour le droit international coutumier sur le droit de la mer ou pour l’interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Il a enfin souligné l’importance du principe d’équité s’agissant des conséquences de l’élévation du niveau de la mer pour les besoins des petits États insulaires en développement. 

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a salué les progrès accomplis par la Commission du droit international (CDI) dans l’adoption provisoire de six projets d’articles.  Nous observons que l’objectif semble avoir été de trouver un équilibre entre les intérêts de l’État du for qui recherche l’information et l’État du fonctionnaire, a relevé M. Kanu.  Il est revenu sur les développements « significatifs » concernant les garanties procédurales, en relation avec l’immunité des représentants de l’État.  L’accent est mis sur leur traitement, comme il convient.  Il a noté avec intérêt la décision sur l’adoption du projet d’article 8 qui prévoit que les dispositions et les garanties procédurales seront applicables à « toute procédure pénale contre un agent d’un État étranger, actuel ou ancien ».  La délégation a également appelé la Commission à trouver la voie à suivre sur le sujet, en surmontant les opinions de ses membres sur le projet d’article 7 et en examinant la question de l’inviolabilité et les définitions en suspens dans le projet d’article 2.  

Passant à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Kanu a renouvelé son appel à l’inclusion et à la pleine représentation des diverses sources de contributions juridiques reflétant la communauté du droit international contemporain.  Sur la question de la délimitation des frontières maritimes, importante pour les États côtiers, y compris africains, il a annoncé qu’il étudiera davantage la présentation du coprésident, le professeur Yacouba Cisse, de la Côte d’Ivoire à ce sujet.  Il a attiré l’attention sur l’opinion du coprésident selon laquelle « l’application des principes du droit international public dans le contexte africain pourrait favoriser les lignes de base fixes ou les frontières maritimes permanentes ».  Le délégué a pris note des opinions divergentes sur le besoin de stabilité et de sécurité et sur la nécessité de préserver l’équilibre des droits et obligations entre les États côtiers et autres États.  À cet égard, a-t-il noté, le groupe de travail a examiné la suggestion incitant à comprendre « la stabilité juridique » comme « la nécessité de préserver les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes », ce sur quoi il a encore demandé des précisions.  L’élévation du niveau de la mer est un sujet urgent, qui pose un immense défi pour trouver des solutions aux questions juridiques et techniques qu’il soulève.  Concernant le futur programme de travail, la Sierra Leone attend avec intérêt que le Groupe d’étude se penche sur les questions liées au statut d’État et à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.  

M. NASER ASIABI POURIMANI (République islamique d’Iran) a exprimé sa déception quant à la manière dont le projet d’article 7 sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État a été provisoirement rédigé.  Il a maintenu que le projet d’article 7 est sans préjudice en ce qui concerne l’immunité ratione personae.  L’immunité des représentants de l’État, qui découle de l’immunité des États, dure pendant leur mandat, a-t-il rappelé, ajoutant que les autres fonctionnaires, y compris les anciens fonctionnaires, bénéficient d’une immunité qui dure pour toujours mais ne s’applique qu’aux actes accomplis à titre officiel.  Par ailleurs, M. Pourimani a noté que les clauses finales, y compris une clause de règlement des différends, n’ont de sens que si le produit final a vocation à être un traité.  Bien que la Commission n’ait pas encore décidé du produit final du sujet, il semble que le moment ne soit pas assez venu pour inclure une telle clause dans le projet, a-t-il estimé.  Par ailleurs, le délégué a déclaré que le fait qu’une personne puisse être poursuivie par un tribunal international ne peut affecter l’immunité de la même personne devant les instances d’un État étranger, cette immunité émanant du principe de l’égalité souveraine des États, tandis que les poursuites devant un tribunal international découlent du consentement des États à la juridiction dudit tribunal.  Concernant la renonciation à l’immunité, le délégué a exprimé son désaccord avec le paragraphe 4 du projet d’article 11, déclarant que l’État du fonctionnaire concerné a le pouvoir exclusif d’invoquer et de lever l’immunité de ses fonctionnaires. 

Passant au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Pourimani a relevé un manque de pratiques étatiques suffisantes en la matière et suggéré à la Commission du droit international (CDI) d’être prudente dans ses études.  Citant le paragraphe 8 de l’article 60 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, il a été d’avis que « les îles artificielles, les installations et les structures ne possèdent pas le statut d’îles ».  Ainsi, pour le délégué iranien, toute discussion sur la relation entre les îles artificielles et le changement des zones maritimes lié à l’élévation du niveau de la mer est « hors de propos ». 

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangères des représentants de l’État, M. FRANÇOIS ALABRUNE (France) a relevé qu’il n’existe pas de consensus au sein de la Commission du droit international (CDI) sur l’apport d’une clause « sans préjudice » à la délimitation du champ d’application des projets d’articles.  Selon lui, il est essentiel qu’une telle clause n’introduise de doute ni sur les compétences et l’autonomie des juridictions pénales internationales, ni sur une possible hiérarchisation entre les règles de ces juridictions et celles proposées dans le cadre du travail de la CDI.  S’agissant du projet d’article 17 relatif à l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends, qui a suscité des discussions, le délégué a jugé essentiel d’en clarifier l’objet, selon que ce mécanisme constitue une procédure de règlement pouvant naître de l’application et de l’interprétation d’une future convention ou qu’il s’agisse d’un mécanisme de nature procédurale permettant de contourner les blocages pouvant découler de la mise en œuvre du droit international des immunités.  Selon lui, cette seconde hypothèse soulève des interrogations au regard du libre exercice par les États de leur compétence pénale.  En venant au projet d’article 9 qui prévoit une obligation de notification de l’État du représentant par l’État du for, présentée comme une garantie procédurale, M. Alabrune a, au contraire, estimé que cette disposition pourrait représenter une contrainte importante dans l’exercice par l’État du for de sa compétence pénale.  L’absence de notification en la matière n’a jusqu’à présent jamais empêché l’État du représentant d’exercer ses prérogatives, a-t-il fait observer. 

En tant qu’État disposant de vastes espaces côtiers et maritimes, la France est particulièrement intéressée par la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Ayant pris note de la création d’un groupe d’étude coprésidé de manière tournante par cinq membres de la CDI, M. Alabrune a regretté que ses débats ne soient pas publics, estimant que « cela nuit à la transparence ».  Il a jugé positifs les premiers travaux de la Commission sur le volet concernant le droit de la mer car ils rappellent le cadre incontournable de la Convention de Montego Bay.  Le délégué a fait valoir que la CDI devrait s’inspirer de ses principes clefs de stabilité, de sécurité, de certitude et de prévisibilité lorsqu’elle aborde des problématiques liées aux conséquences de l’élévation du niveau des mers.  Il a également recommandé d’attacher une importance particulière à la cohérence des travaux sur ce sujet.  L’élévation du niveau de la mer soulève en effet de nombreuses questions dans divers domaines du droit international public, tels que le droit de la mer, les droits de l’homme ou le droit à l’environnement, et la Commission a fait le choix d’étudier successivement ces différentes questions. 

S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) est revenu sur la nécessité d’aborder le sujet « avec précaution », le travail de la Commission du droit international (CDI) « ne consistant pas à codifier un nouveau droit ».  Il a en outre émis de fortes réserves quant au projet de l’article 7 ayant trait aux crimes de droit international, à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas.  Concernant l’article 8 ante portant sur l’application de la quatrième partie, l’Égypte avait souhaité établir le distinguo entre ratione materiae et ratione personae, ce qui ne figure pourtant pas dans le libellé actuel.  S’agissant de l’article 8 portant sur l’examen de la question de l’immunité par l’État du for, M. Abdelaziz a estimé que le paragraphe 2, appelant les autorités à se pencher sur l’immunité « avant » d’envisager des poursuites pénales, devrait être étoffé afin de lever toute ambiguïté; par exemple, en mentionnant qu’il s’agit de décider, et pas seulement d’examiner l’immunité.  Le délégué a aussi enjoint la CDI de se pencher de nouveau sur l’article 9 ayant trait à la notification à l’État du représentant.  L’Égypte imagine que la notification évoquée dans l’article doit être envoyée « après » l’examen de l’immunité, « afin d’éviter tout malentendu ».  Concernant l’article 10 sur l’invocation de l’immunité, le délégué a jugé important de souligner que le libellé reflète bien que, par défaut, le représentant étranger jouit de l’immunité.

Enfin, le sujet ayant trait à des sensibilités politiques, il a appelé la CDI à ne pas trop dépendre de sources ne jouissant pas d’un consensus international.

M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a rappelé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est une règle coutumière du droit international, qui reflète directement les principes de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.  Ainsi, a indiqué le représentant, la privation ou la limitation de l’immunité d’un représentant de l’État par un autre État ne peut se faire que sur la base de la Charte des Nations Unies ou sur la base d’un refus volontaire de l’État.  Il a regretté une utilisation « abusive » des États qui lancent des poursuites pénales contre des représentants d’États étrangers contre la volonté souveraine de ces derniers, créant des tensions.

Sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a jugé le thème pertinent pour le droit de la mer.  Reconnaissant que la disparition complète ou la perte de territoire d’un État revêt un intérêt théorique et pratique, il a toutefois estimé que de tels cas sont peu susceptibles de se produire dans un avenir proche.  Par ailleurs, il a rappelé que le mandat du Groupe d’étude consiste seulement à établir une liste de questions juridiques.  « L’objectif n’est pas d’élaborer un ensemble d’articles. »  

Sur la question relative à l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État, Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) s’est félicitée du projet d’article 8 sur la question de l’immunité par l’État du for, qui préserve un équilibre important entre les différents systèmes et traditions juridiques des États.  Au sujet du projet d’article 17, elle a souligné que, conformément à la Charte des Nations Unies, et en particulier aux principes relatifs au règlement pacifique des différends internationaux, les États Membres sont totalement libres de choisir la modalité de règlement.  Ceci signifie qu’aucun État ne peut être contraint de soumettre ses différends avec d’autres États à une instance de règlement qu’il n’a pas choisie.  Elle a donc recommandé de clarifier les commentaires relatifs au projet d’article à cette fin.  

El Salvador considère que le sujet relatif à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international reflète les besoins de la société internationale contemporaine.  La déléguée a souligné que l’élévation du niveau de la mer doit avant tout être abordée et reconnue par la Commission du droit international (CDI) comme un « fait scientifiquement démontré », dont les implications juridiques ne se limitent pas au droit de la mer, mais s’étendent également à de nombreux domaines du droit international, à savoir le droit international de l’environnement et le droit international des droits de l’homme.  Les sources du droit international qui doivent être mises en avant doivent avant tout s’inscrire dans le respect des normes pertinentes du droit international général, comme le principe de bonne foi ou la pratique établie par les États, a-t-elle insisté. 

M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) a souhaité l’élaboration d’un traité sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, avant d’indiquer que l’approche de la Commission du droit international (CDI) sur le sujet n’est pas « de bon augure ».  « Il y a de graves lacunes dans les bases conceptuelles du projet d’articles » , le délégué a critiqué le manque de clarté entre obligations premières et obligations secondaires à la charge des États dans ce domaine.  Une immunité s’applique ou ne s’applique pas et son invocation n’est pas nécessaire à une telle application, a-t-il dit.  L’État du représentant ne peut en outre être obligé d’apporter des informations sur l’immunité.  Le délégué a estimé que l’obligation d’invoquer par écrit l’immunité visée par le projet d’articles n’est pas prévue par le droit international coutumier.  Il a demandé une correction de l’article 11 sur la renonciation à l’immunité, en ajoutant qu’une telle renonciation peut être abrogée en cas de changement radical de circonstances.  Enfin, il s’est dit opposé à une liste de crimes internationaux justifiant une exception à ladite immunité comme le prévoit le chapitre 7.  

L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international est un sujet crucial, a poursuivi le délégué.  Il a souligné le caractère essentiel de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, avant de souhaiter que certains aspects du sujet à l’étude soient davantage développés, notamment le rôle des cartes maritimes déposées aux fins d’enregistrement des zones maritimes. 

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a appelé les États Membres à collaborer pour éviter toute approche « fragmentée » sur les implications juridiques de l’élévation du niveau de la mer et de la modification des lignes de base en ce qui concerne la délimitation des espaces maritimes.  La déléguée a souhaité des études et une analyse plus complètes de la question. 

M. KAPUCU (Turquie) est revenu sur les projets d’article relatifs à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Il a plus particulièrement proposé d’inclure l’expression « avec l’assentiment du représentant de l’État » au premier paragraphe du projet d’article 11 sur la renonciation à l’immunité et d’en supprimer le cinquième paragraphe.  Concernant le projet d’article 17, le représentant de la Turquie a exprimé ses doutes.  Pour lui, la question de la suspension devrait être étudiée au cas par cas. 

Passant à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué s’est félicité du travail effectué par les coprésidents.  « Les changements climatiques sont aujourd’hui un défi mondial qui ne connaît aucune frontière. »  Si l’augmentation des émissions des gaz à effet de serre se confirme, la hausse du niveau des mers pourrait atteindre un mètre à la fin du siècle, a-t-il averti.  Le délégué considère donc qu’une collaboration étroite entre les pays est nécessaire, tout comme un appui à la résilience pour les pays concernés.  Rappelant que cette élévation du niveau de la mer aura de graves conséquences humanitaires et sociales et pourrait poser des problèmes juridiques, notamment sur la délimitation des zones maritimes, il a réitéré l’appui de la Turquie au Groupe d’étude de la Commission du droit international (CDI).  Enfin, son pays a présenté la candidature de Mme Nilüfer Oral, coprésidente du Groupe d’étude et l’une des sept femmes ayant siégé à la Commission, à un nouveau mandat au sein de la CDI.  

M. STEFANO ZANINI (Italie) a abordé la question de la relation entre l’immunité des représentants de l’État et la compétence des tribunaux pénaux internationaux, indiquant apprécier la clause de non préjudice proposée dans le projet d’article 18, qui garantit la « spécificité » des régimes juridiques établissant des tribunaux pénaux internationaux.  Il a également annoncé que l’Italie partage l’avis du Rapporteur spécial selon lequel les mécanismes de règlement des différends sont particulièrement liés aux instruments conventionnels.  S’agissant de la clause de règlement des différends prévue au projet d’article 17, M. Zanini a jugé nécessaire de compléter les dispositions relatives à l’échange d’informations et à la consultation par une clause de règlement des différends a posteriori plus traditionnelle.  Il recommanderait aussi une rédaction plus standardisée du paragraphe 2 (« peut » en ce qui concerne le délai de réflexion devrait être remplacé par « doit »; et « peut suggérer à l’autre partie que le litige soit renvoyé » devrait être remplacé par « peut renvoyer »).  Il a également indiqué que l’Italie souscrit à l’insertion du paragraphe 3, qui est conforme à la nécessité d’éviter l’aggravation des différends et de préserver les droits des parties, et recommandé au Comité de rédaction d’ajouter un qualificatif indiquant que l’obligation de suspension pour l’État du for est subordonnée à la constatation de la compétence prima facie par le tribunal international.  Enfin, le délégué a déclaré que l’Italie souscrit à la décision du Rapporteur spécial et de la Commission de ne proposer aucune disposition sur les bonnes pratiques recommandées. 

M. Zanini a par ailleurs réaffirmé que l’élévation du niveau de la mer est un problème majeur.  Il a indiqué que l’Italie a pris note des limitations établies dans le Programme de 2018 et en particulier de l’affirmation qu’il n’est pas proposé de modifier le droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.  Le délégué a souligné l’importance de la stabilité et de la sécurité juridiques en ce qui concerne les lignes de base et la délimitation maritime.  Il a également affirmé que tout principe de permanence des lignes de base, qui ont été établies et déposées conformément au droit international, doit se référer uniquement à l’élévation du niveau de la mer induite par les changements climatiques et non à d’autres circonstances. 

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. XU CHI (Chine) a estimé que le type de clause figurant à l’article 17 ne peut être intégré que dans des traités juridiquement contraignants, car une telle disposition risquerait de créer des difficultés pour les pays dans la pratique.  Le délégué a ensuite demandé à la Commission du droit international (CDI) de se pencher sur la question de savoir si le projet d’article 18 est nécessaire, puisque cela ne concerne pas les tribunaux internationaux.  S’agissant de l’article 7 qui évoque l’immunité ratione materiae, il a noté qu’il était très controversé et a demandé de le réexaminer. 

À propos de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a fait observer, au sujet des procédures de travail, que le Groupe d’étude devrait tenir compte des observations faites par les délégations pour garantir sa crédibilité et sa représentativité.  Pour la Chine, il est approprié de se pencher sur d’autres sources du droit à ce sujet, mais sans trop mettre l’accent sur les pratiques régionales, qui risqueraient de fragmenter les normes juridiques.  Le délégué a estimé que le Groupe d’étude devrait se cantonner strictement à son mandat et rester « vigilant sur ses sources ». 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis) s’est dit déterminé à travailler avec d’autres pays pour promouvoir l’objectif commun de protéger de manière appropriée les zones maritimes.  Il a encouragé le Groupe d’étude à adopter une approche « prudente » dans l’examen des arguments juridiques, les questions à l’étude étant complexes.  Les efforts du Groupe d’étude pour trouver une solution seraient desservis par des théories juridiques « ne bénéficiant pas d’un large soutien ».  À cet égard, il devrait être clair sur les distinctions entre lex lata et lex ferenda, a pointé le délégué.  

S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Simcock a réitéré les préoccupations des États-Unis exprimées les années précédentes, y compris, en particulier, leur désaccord avec le fait que le projet d’article 7 soit soutenu par la pratique cohérente des États et par l’opinio juris.  Les États-Unis ont considéré que ledit projet ne « reflétait pas le droit international coutumier ».  La Commission du droit international (CDI) devrait travailler par consensus sur ce sujet difficile, étant donné les questions sérieuses qu’il implique et « l’importance de la pratique des États dans ce domaine sensible », a poursuivi le délégué.  Pour exemple, les rapports précédents sur les aspects procéduraux de l’immunité reflétaient d’importants défis méthodologiques.  Il y a généralement « très peu de visibilité » dans les enquêtes criminelles ne débouchant pas sur des poursuites par les autorités nationales -soit en raison de l’immunité, soit pour d’autres raisons- et la jurisprudence dans ce domaine est extrêmement rare, a poursuivi M. Simcock.  Les rapports détaillent donc des propositions sans le bénéfice d’une pratique étatique significative.  Plusieurs dispositions ont été adoptées en tant que projets d’articles, malgré les préoccupations des États-Unis.  Ces dispositions ne devraient pas être considérées comme une modification du droit international existant, mais, au mieux, comme « des propositions pour le développement du droit », selon le délégué, qui a instamment demandé que le commentaire reflète « cette réalité ».  Enfin, M. Simcock s’est dit déçu de la décision de la Rapporteuse spéciale de traiter des immunités des représentants de l’État devant les tribunaux pénaux internationaux: « cela dépassait clairement le mandat du projet de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, comme la Rapporteuse spéciale l’a elle-même reconnu avant d’aborder la question ». 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Meital Nir-Tal (Israël) a affirmé que les travaux de la Commission du droit international (CDI) et du Groupe d’étude ne devraient pas servir à saper l’équilibre délicat atteint par les accords existants sur les frontières maritimes, qui contribuent de manière significative à une coopération positive, ainsi qu’à la stabilité régionale et internationale, tant au sens politique qu’au sens juridique.  

Sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a réitéré les préoccupations de son pays concernant plusieurs projets d’article.  Elle a ainsi estimé que le projet d’article 7, qui propose des exceptions à l’immunité ratione materiae, ne représente pas l’état actuel du droit international, et devrait être supprimé.  Elle a également demandé à la Commission de reconsidérer sa position sur les projets d’article 3 et 4 qui précisent que seules trois personnes - le chef de l’État, le chef du Gouvernement et le Ministre des affaires étrangères - jouissent de l’immunité ratione personae, alors qu’en vertu du droit international coutumier la catégorie des hauts fonctionnaires de l’État qui bénéficient de cette immunité est plus large.  Concernant le projet d’article 10, Mme Nir-Tal a rejeté l’hypothèse selon laquelle ce n’est que si l’État du représentant officiel invoque l’immunité que la question de l’immunité devrait être examinée par l’État du for, puisque, a-t-elle expliqué, il existe une présomption d’immunité pour les représentants d’États étrangers.  Par ailleurs, la déléguée a estimé que le futur projet d’article sur la détermination de l’immunité devrait affirmer que celle-ci appartient aux autorités compétentes de l’État du for, qui ne sont pas nécessairement ses tribunaux.  En effet, a-t-elle estimé, les déterminations spécifiques concernant l’immunité des fonctionnaires étrangers devraient être examinées par le plus haut niveau des décideurs de l’État du for, et seulement après consultation avec l’État du fonctionnaire, puisque la décision d’ouvrir ou non une enquête pénale comporte le risque de violer l’immunité du fonctionnaire, avec toutes les implications qui pourraient en découler sur la stabilité des relations internationales.  Enfin, sur le projet d’article 18 relatif à la question des tribunaux pénaux internationaux, la déléguée a estimé qu’il est redondant et devrait donc être supprimé.  Elle s’est dite préoccupée par le fait que le Rapporteur spécial se réfère à l’arrêt Al-Bashir de la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) lorsqu’il présente le texte du projet d’article 18, rappelant que cet arrêt comprend plusieurs propositions controversées avec lesquelles son pays est en désaccord.  Israël estime que les décisions concernant l’existence ou l’absence d’immunité devant les tribunaux internationaux devraient être décidées conformément à l’instrument juridique spécifique en vertu duquel chaque tribunal opère; les traités ne peuvent créer aucune obligation juridique pour un État tiers non partie sans son consentement explicite. 

M. MATTHEW EDBROOKE (Liechtenstein) a rappelé que l’élévation du niveau de la mer constitue une grave menace pour la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes dans la grande majorité des États Membres.  Assurant la Commission du droit international (CDI) du soutien continu de son pays, il a appuyé en particulier la décision d’inclure des sous-thèmes sur la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer et sur le statut d’État, qui montrent l’importance d’une approche centrée sur la personne et les droits de l’homme.  Le délégué a souligné la nouveauté des implications de l’élévation du niveau de la mer pour la compréhension du statut d’État.  Des contestations ont surgi par le passé dans des situations de perte de contrôle sur le territoire d’un État ou sur la population résidant sur un tel territoire, a rappelé le délégué.  Évoquant le dernier rapport inquiétant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), M. Edbrooke a estimé que les peuples les plus immédiatement touchés devraient pouvoir s’appuyer sur « la présomption que le droit international continuera à défendre leur droit à l’autodétermination ».  Pour lui, toute discussion sur le statut d’État dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer devrait noter qu’il existe dans la pratique une forte présomption de persistance de l’État.  Une telle présomption devrait également s’appliquer à une situation d’inondation totale ou partielle du territoire d’un État ou d’un pays, ou de relocalisation de sa population.  

Mme VAZ PATIO (Portugal) a rappelé que les tribunaux pénaux internationaux sont essentiels dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves de portée internationale, soulignant son accord avec le Rapporteur spécial sur le fait qu’il ne semble pas raisonnable que la Commission ignore l’existence de tribunaux pénaux internationaux lorsqu’elle examine l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Ainsi, a-t-elle estimé, le projet d’article 18 semble atteindre trois objectifs importants: mettre en évidence l’indépendance des régimes applicables à l’immunité devant les juridictions pénales nationales et vis-à-vis des juridictions pénales internationales; sauvegarder l’application des cadres juridiques applicables au fonctionnement de ces régime; et présenter un texte applicable à tous les États, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Par ailleurs, la déléguée a dit qu’elle jugerait utile une clause de règlement des différends, quelle que soit la nature du résultat final des travaux de la Commission du droit international (CDI) sur ce sujet.  Pour elle, le projet d’article 17 est un bon point de départ.  Cependant, le Portugal réserve sa position pour la première lecture, a indiqué sa représentante. 

Sur la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Patio a rappelé qu’environ 10 % de la population mondiale vit dans des zones côtières situées à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qu’environ 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres des côtes.  Selon elle, le premier document de réflexion fournit une excellente contribution à l’examen des effets juridiques possibles de l’élévation du niveau de la mer sur le statut de certaines zones maritimes et les droits au titre du droit de la mer, notamment dans le cadre de la Convention des Nations Unies de 1982.  En conclusion, le Portugal suivra avec intérêt les travaux du Groupe d’étude, notamment sur les sous-thèmes du statut de l’État et de la protection des personnes affectées par l’élévation du niveau de la mer.  

Mme ALINA OROSAN (Roumanie) a salué la décision de la Rapporteuse spéciale d’aborder la question de la relation entre l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et l’obligation de coopérer avec les tribunaux pénaux internationaux.  De manière générale, la déléguée a trouvé que l’approche des textes proposés est correcte, conforme à la pratique pertinente en la matière.  Elle a estimé que le libellé de l’article 8 ante constitue une tentative équitable d’assurer l’applicabilité de toutes les garanties procédurales à toutes les circonstances dans lesquelles un représentant de l’État pourrait être confronté à l’exercice de la juridiction pénale par un État étranger.  S’agissant de l’article 8 sur l’examen de la question de l’immunité par l’État du for, elle a été d’avis que la question doit être traitée immédiatement lorsque la connaissance de son incidence dans le cadre d’une procédure pénale a lieu.  Elle a également partagé le point de vue selon lequel l’examen de la question de l’immunité doit être traité in limine litis, et en tout état de cause avant que toute mesure susceptible d’affecter l’immunité du représentant de l’État ne soit prise.  Enfin, la déléguée a exprimé son accord avec le projet d’article 11 sur la renonciation à l’immunité. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Orosan s’est dite satisfaite des travaux entrepris jusqu’à présent au sein de la Commission du droit international (CDI).  Rappelant que l’élévation du niveau de la mer a de multiples implications pour le droit international, notamment sur les lignes de base à partir desquelles les zones maritimes sont déterminées, elle a jugé que le document de réflexion fournit une base solide et documentée pour une analyse plus approfondie.  Pour la déléguée, il s’agit d’une première étape importante dans l’accomplissement de la tâche difficile à laquelle le Groupe d’étude s’est engagé, à savoir entreprendre un exercice de cartographie des questions juridiques soulevées par l’élévation du niveau de la mer et ses problèmes interdépendants. 

S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. BANDERA GALINDO (Brésil) a dit son accord avec l’approche de la Commission du droit international (CDI) consistant à circonscrire le champ d’application de ce sujet aux tribunaux nationaux sans préjudice de la compétence des tribunaux internationaux.  Le principe d’immunité est important pour que les représentants de l’État puissent s’acquitter de leurs fonctions, a-t-il dit, tout en soulignant la nécessité de lutter contre l’impunité.  Il a appelé à la poursuite des discussions en ce qui concerne le projet d’article 17 sur le règlement des différends.  « À ce stade, il n’est pas évident qu’une clause de règlement des différends serait utile au travail de la CDI. » 

En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a déclaré que ce phénomène fait peser une menace existentielle sur certains États.  Toute solution aux questions complexes soulevées par ce sujet devra être conforme à la Convention des Nations sur le droit de la mer, a-t-il conclu. 

Sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Mme ARIANNA CARRAL CASTELO (Cuba) a demandé de maintenir la cohérence des travaux de la Commission du droit international (CDI) par rapport aux travaux déjà réalisés ou encore à l’étude, et qui lui sont liés, tels que les crimes contre l’humanité et les normes impératives du droit international.  Concernant l’aspect procédural du sujet, elle a souligné l’importance de maintenir un équilibre entre les principes essentiels, tels que le respect de l’égalité souveraine des États, la nécessité de lutter contre l’impunité lorsque des crimes de droit international sont commis, et la protection des agents de l’État contre l’exercice « politiquement motivé ou fallacieux » de la compétence pénale.  « Il sera essentiel de tenir compte de la législation nationale », a-t-elle insisté, car c’est elle qui détermine le bénéficiaire et la portée de l’immunité.  Cuba considère essentiel de maintenir le principe selon lequel toute tentative d’exercer une juridiction sur un citoyen étranger jouissant d’une immunité doit être notifiée à l’avance.  L’obligation de notification doit être considérée comme la première garantie pour un État afin de sauvegarder ses intérêts.  

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. PETER KLANDUCH (Slovaquie), a dit partager l’opinion selon laquelle l’État du for doit examiner au plus tôt la question de l’immunité d’un individu.  Il a souhaité un éclaircissement du libellé de l’article 8 sur les mesures coercitives prises contre un représentant de l’État.  Le délégué a estimé que la compétence pénale internationale est hors du champ d’application de ce sujet puisqu’une telle compétence découle toujours d’un traité spécifique plutôt que du droit international général.  L’article 17 est redondant avec l’obligation générale des États d’un règlement pacifique de leurs différends, a-t-il aussi estimé.  Quant à l’article 7 sur les crimes internationaux emportant des exceptions à ladite immunité, le représentant a indiqué que son pays reste prudent. 

S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Klanduch a déclaré que tout travail sur le sujet devra consacrer la nature universelle de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Enfin, le délégué a mentionné le « besoin vital » de préserver l’intégrité de ladite Convention, notamment les principes prévus par elle, y compris l’équilibre des droits et obligations entre les États côtiers et les autres États. 

Concernant la question de l’immunité des représentants de l’État, M. TARO KAWASE (Japon) a dit qu’il aurait souhaité voir la Commission analyser en profondeur les pratiques des États, lorsqu’elle a rédigé des articles prévoyant l’obligation de l’État du for.  Il s’est par ailleurs félicité que la Commission ait abordé, dans son rapport, la nécessité d’analyser la relation entre l’inviolabilité et l’immunité des fonctionnaires, comme le Japon l’avait mentionné à la précédente session de la Sixième Commission.  Quant aux divergences de points de vue entre les membres de la Commission concernant les crimes pour lesquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas, le représentant japonais a espéré que cette question sera résolue et que la Commission fournira aux États Membres une explication convaincante concernant le projet d’article 7. 

Sur la question de l’élévation du niveau de la mer en relation avec le droit international, M. Kawase a rappelé que l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques peut mettre en péril les moyens de subsistance et le bien-être des peuples, en particulier dans les pays insulaires, et saper la pleine réalisation d’un avenir pacifique, sûr et durable pour leur région.  Pour cela, il a dit attendre du Groupe d’étude qu’il approfondisse en priorité les discussions sur les sujets identifiés.  Il a également souligné l’importance d’établir des zones maritimes conformément aux dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Enfin, M. Kawase a attiré l’attention sur l’importance d’aborder les questions de l’élévation du niveau de la mer dans le contexte du droit de la mer, compte tenu de l’équilibre délicat des droits et des obligations prévus dans ladite Convention. 

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a marqué son accord avec la décision prise par la Commission d’exclure du cadre du projet les questions liées à l’immunité devant les tribunaux pénaux internationaux, rappelant que la justice interne des États et la justice pénale internationale sont deux sphères distinctes.  Elle a ensuite estimé que l’immunité de juridiction pénale au-delà des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères ne doit concerner que les actes perpétrés à titre officiel.  L’objectif des articles n’est pas de promouvoir l’impunité pour les agents de l’État, mais d’éviter les actes d’abus ou de persécution de la part d’autres pays, a rappelé la déléguée mexicaine.  Aussi, Mme Jiménez Alegría a jugé que les projets d’articles adoptés jusqu’à présent par la Commission du droit international (CDI) représentent un point de départ important pour poursuivre cette discussion. 

Mme Jiménez Alegría a trouvé très judicieux que la Commission ait décidé d’étudier les implications sur le plan du droit international de l’élévation du niveau de la mer, un phénomène étroitement lié aux réchauffements climatiques.  Outre les mesures d’atténuation des changements climatiques, il est nécessaire de réfléchir aux retombées de ce phénomène sur les droits et obligations des États, a-t-elle rappelé, citant entre autres les conséquences du déplacement des lignes de base et le déplacement des zones maritimes, qui peuvent avoir des conséquences sur les droits souverains et économiques des États dans différents domaines.  En conclusion, la représentante du Mexique a appelé tous les États, notamment les pays en développement, à soumettre leurs observations en temps voulu et de façon appropriée à la CDI.  Cela permettra de s’assurer que cette étude ne reflète pas exclusivement la vision du « nord global », mais intègre plutôt les besoins et les préoccupations de l’ensemble de la communauté internationale, a-t-elle souligné. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. DEVILLAINE GOMEZ (Chili) a jugé essentiel de protéger les personnes concernées par le phénomène et d’anticiper dans ce domaine.  Le droit de la mer, codifié par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, est réexaminé par la Commission du droit international (CDI) à la lumière de l’élévation du niveau de la mer.  Dans ce contexte, le délégué a estimé que les normes établies par le droit international existant devaient être respectées, notamment les articles 31 et 32 sur l’interprétation des traités de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Le Chili appelle à poursuivre les travaux dans ce domaine. 

Mme NATHALIE SCHNEIDER RITTENER (Suisse) a salué le travail remarquable de la Commission du droit international (CDI) au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  « Ce travail contribue à garantir un équilibre entre, d’une part, la lutte contre l’impunité et, d’autre part, le principe de l’égalité souveraine des États. »  Elle a rappelé que le projet d’article 9 prévoit que l’État du for doit informer l’État du représentant avant d’engager des poursuites pénales ou de prendre des mesures coercitives à l’égard de son représentant.  « L’objectif de cette disposition est de permettre à l’État du représentant de sauvegarder ses intérêts en invoquant ou en renonçant à l’immunité de son représentant. »  Elle a estimé qu’une telle notification préalable peut avoir des effets indésirables sur l’exercice de sa juridiction pénale par l’État du for.  La déléguée a donc invité la Commission à préciser ces effets indésirables et à évaluer si une notification « au plus tôt », comme celle prévue à l’article 42 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, permettrait de les réduire. 

La représentante de la Suisse s’est félicitée de l’introduction d’une clause sans préjudice à l’article 18 concernant le lien entre l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et les juridictions pénales internationales.  « Nous saluons la reconnaissance des règles spécifiques régissant le fonctionnement des juridictions pénales internationales et ainsi des obligations étatiques qui en découlent. »  Elle a toutefois appuyé une formulation faisant référence aux « juridictions pénales internationalisées » plutôt qu’aux juridictions internationales afin d’inclure également les tribunaux hybrides.  Enfin, elle a espéré que la Commission sera rapidement en mesure de clarifier les points encore en suspens et d’adopter en première lecture le projet d’articles.

Mme RITA SILEK (Hongrie) a souligné l’importance de trouver un équilibre entre l’égalité souveraine des États et l’intérêt de la communauté internationale à prévenir et à punir les crimes les plus graves au regard du droit international.  Le principe fondamental de la souveraineté en droit international signifie que les tribunaux d’un État ne sont pas compétents pour connaître des actes d’un autre État, a-t-elle rappelé, avant de se féliciter en conséquence du projet d’article 10, qui énonce les exigences procédurales pour l’invocation de l’immunité.  La déléguée a également appuyé le projet d’article 17, qui vise à créer un système efficace de règlement des différends et donnerait aux États un instrument utile pour protéger leurs droits et intérêts respectifs.  Se référant au projet d’article 11, la déléguée hongroise a estimé que la renonciation à l’immunité est un droit et non une obligation de l’État du représentant.  Par conséquent, elle s’est félicitée de l’adoption du paragraphe 5, qui stipule que la renonciation est irrévocable. 

Concernant la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Silek a rappelé qu’elle dépend dans une large mesure de nos choix politiques.  Elle a accueilli favorablement le premier document de réflexion du Groupe d’étude de la CDI sur les effets de l’élévation du niveau de la mer sur le droit de la mer, et exprimé son soutien à l’élaboration d’un deuxième document axé sur le statut de l’État et la protection des personnes. 

S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. EICK (Allemagne) a indiqué que son pays souscrit aux Principes de Nuremberg, qui postulent, dans leur essence, que la qualité de chef d’État ou de représentant n’absout pas un individu de sa responsabilité en droit international s’il a commis un crime en vertu de ce droit.  Dans le même temps, les immunités, y compris celles des représentants de l’État, sont la pierre de touche de relations interétatiques pacifiques.  À cette aune, et compte tenu de la difficulté à parvenir à un équilibre entre ces deux considérations, le délégué a exhorté la Commission du droit international (CDI) à faire clairement la distinction entre sa détermination de la « loi telle qu’elle est » (lex lata) et le développement progressif du droit international.  La plus grande transparence sur cette question serait d’un grand intérêt pour le projet d’articles et faciliterait sa large acceptation, a-t-il estimé, ajoutant que tout changement substantiel du droit dans ce domaine proposé par la CDI devra être entériné par les États au moyen d’un traité. 

Le représentant a ainsi invité la Commission à examiner rigoureusement la pratique des États dans cette phase de finalisation du projet.  Il a également mentionné les « discussions houleuses » sur l’article 7 relatif aux crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas.  Il a cité un arrêt de la Cour fédérale de justice d’Allemagne en date du 28 janvier 2021 concernant un lieutenant des Forces armées afghanes.  « En substance, la Cour a décidé que selon le droit international coutumier, cette immunité n’empêche pas la compétence pénale de l’État du for pour des crimes de guerre si ces actes ont été commis à l’étranger par un représentant de l’État à un rang de subordonné dans l’exercice de ses fonctions. »  Selon cet arrêt, l’immunité ratione materiae ne s’applique pas non plus pour les crimes contre l’humanité, le génocide et le crime d’agression qui sont punissables selon la loi allemande.  Cette décision de la plus haute juridiction allemande sur ce sujet constitue une pratique importante de l’État allemand, a déclaré le délégué.

Passant au sujet de l’élévation du niveau de la mer, le délégué a dit attendre avec intérêt le second rapport du groupe d’études sur la question urgente de la protection des personnes touchées par cette élévation.  La Convention relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 ne s’appliquent en effet pas aux « réfugiés climatiques ».  Il a donc jugé utile de clarifier les possibles droits humains découlant de l’obligation de non refoulement des États, en prenant en compte l’avis du Comité des droits de l’homme dans l’affaire visant la Nouvelle-Zélande s’agissant de l’expulsion d’un ressortissant de Kiribati. 

Mme QUYEN THI HONG NGUYEN (Viet Nam) a insisté sur la tendance à l’élévation du niveau de la mer, qui menace de causer d’énormes problèmes socioéconomiques, de détruire des infrastructures essentielles, de réduire l’étendue des terres arables, de déplacer des populations et de provoquer ou d’aggraver des crises humanitaires.  L’étude des implications juridiques de l’élévation du niveau de la mer aidera donc à mieux comprendre les multiples conséquences de ce phénomène et à garantir les droits et intérêts des pays affectés et de la communauté internationale dans son ensemble, a salué Mme Nguyen.  L’approche en ce sens devrait veiller à la stabilité et à la sécurité des relations internationales, y compris la sécurité juridique, sans qu’il soit nécessaire d’amender la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a ajouté la déléguée. 

La représentante a rappelé que le Viet Nam est l’un des pays les plus durement touchés par les changements climatiques et le danger de l’élévation du niveau de la mer, ce sujet étant donc l’une de ses premières priorités.  Elle a encouragé le Groupe de travail de la Commission du droit international (CDI) à explorer davantage la pratique des États, dont celle des petits États insulaires en développement du Pacifique. 

À propos de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. MAREK ZUKAL (République tchèque) a noté dans le projet d’article 18 la disposition relative à la juridiction des tribunaux internationaux qui, selon lui, n’implique aucun précédent et ne peut créer de nouvelles obligations ou exemptions en termes d’immunité pour les États, qui ne sont pas liés par ces instruments.  À son avis, cette disposition peut donc être incluse dans le projet comme une autre clause « sans préjudice ».  S’agissant du projet d’article 17, le délégué a réitéré qu’il ne soutient pas la suggestion d’y inclure un mécanisme de règlement des différends entre l’État du représentant et l’État du for, qui ne serait pertinent que si les articles devaient servir de base à un traité.  À son avis, toute disposition relative au règlement des différends ne devrait servir que d’orientation non contraignante.  Notant que les deux types d’immunité, ratione personae et ratione materiae, existent en droit international, M. Zukal a estimé que les autorités nationales compétentes impliquées dans des procédures criminelles devraient prendre en considération toute immunité applicable sur la base des preuves disponibles.  En outre, la question de l’immunité doit être examinée dès le début d’une procédure, dès que les autorités de l’État du for savent que l’immunité d’un représentant de l’État peut être concernée.  En référence aux projets d’article 9, 10 et 12, le délégué a dit qu’il n’était pas convaincu que la Commission du droit international (CDI) ait pris suffisamment en compte la pratique des États, y compris les lois nationales sur la procédure criminelle et les différents traités applicables pour la coopération internationale et l’entraide judiciaire. 

Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Zukal a jugé impératif que le travail du Groupe d’étude de la CDI se conforme strictement au régime juridique du droit de la mer, en particulier à la Convention de 1982, et qu’il tienne compte de la pratique du plus grand nombre possible d’États côtiers. 

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants, Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a souligné la nécessité d’une approche « systémique », qui rationalise et améliore le débat.  Le thème de l’immunité des agents de l’État exige un examen « minutieux », « approfondi », tenant compte de la pratique de l’État, de la jurisprudence et des tendances du droit international.  Il touche aux principes de la souveraineté des États, et devrait être abordé dans le contexte de la lutte contre l’impunité, de la garantie de l’application du principe de responsabilité pour rendre justice aux victimes, en particulier pour les crimes concernant la communauté internationale dans son ensemble, a précisé la déléguée.  La Slovénie est convaincue que de nouveaux efforts de la Commission du droit international (CDI) sur ce sujet pourraient contribuer au développement progressif et à la codification du droit international.  Mme Langerholc a jugé nécessaire de sauvegarder l’indépendance des régimes applicables à l’immunité et de préserver les normes spéciales relatives au fonctionnement des tribunaux pénaux internationaux.  S’agissant du règlement des différends et de la nécessité d’avoir des outils pertinents, elle s’est dite plus circonspecte quant à la création d’un organe spécialisé qui ne serait selon elle « ni pratique, ni utile ».  

Sur la question relative à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. CRAIG JOHN HAWKE (Nouvelle-Zélande) a exprimé son accord avec l’article 7 sur le fait que l’immunité ratione materiae des représentants d’État ne s’applique pas dans le cadre des juridictions pénales étrangères lorsqu’il s’agit des crimes les plus graves au regard du droit international.  Notant que les États et les membres de la Commission du droit international (CDI) ont exprimé différents points de vue, il a considéré que cette question méritait davantage de réflexion.  Le délégué a salué la reconnaissance de la différence entre les juridictions pénales étrangères et les tribunaux pénaux internationaux et a estimé qu’une clause « sans préjudice » devrait aider à garantir que les projets d’article ne sapent pas les avancées en matière de droit pénal international.  À propos de l’obligation de l’État du for de respecter les immunités, que l’État du représentant ait invoqué formellement une immunité ou non, il a estimé que le partage d’informations envisagé dans le projet d’article 12 aidera à déterminer si l’immunité s’applique ou pas.  Il a dit attendre que la Commission considère un autre projet d’article sur la « détermination de l’immunité » au cours des prochaines sessions. 

En venant au sujet relatif à l’’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Hawke a réitéré qu’il est important que les questions de l’élévation du niveau de la mer et des zones maritimes continuent d’être discutées entre les États, parallèlement au travail de la CDI.  Même s’il ne s’est pas dit persuadé que la Commission doit continuer à élaborer des projets d’article sur les retombées juridiques.  Les effets de l’élévation du niveau de la mer sur les zones maritimes sont une question prioritaire pour la Nouvelle-Zélande et ses partenaires du Pacifique.  Les zones maritimes et leurs ressources sont essentielles pour les économies des pays du Pacifique, leurs identités et leurs modes de vie, a poursuivi le délégué.  La CDI ayant encouragé les États à présenter des exemples de pratiques nationales pour étayer son analyse, le Forum des îles du Pacifique a apporté une importante contribution en début d’année sous la forme d’une Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée au changement climatique.  Ladite déclaration considère la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comme le cadre juridique définitif pour toutes les activités maritimes, a précisé le délégué.  

Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a fait remarquer que la relation entre l’immunité conditionnelle des représentant de l’État et l’immunité légitime des représentants de l’armée n’avait peut-être pas été assez étudiée.  La question de la poursuite judiciaire des représentants de l’armée lors de crimes commis sur le territoire d’un autre État relève du droit humanitaire.  Quand on se penche sur le concept, a poursuivi le délégué, les experts considèrent que si les lois de la guerre s’appliquaient aux individus comme aux États, les violations commises donneraient lieu à la responsabilité de l’État.  « Impunité » et « immunité » sont deux choses différentes, a-t-il mis en garde.  Ces termes ne devraient pas être confondus car ils sont incompatibles.  Des obstacles à la punition apparaissent lors des procédures, pour toute une série de raisons. « Il semble que ce débat n’aura pas de fin », a anaysé le délégué. 

Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Mme MERJE MÄGI (Estonie) a rappelé que ce sujet fait partie du programme de travail de la Commission du droit international (CDI) depuis 2007.  Elle a mentionné les préoccupations qui entourent l’article 18 en rappelant que tout différend entre deux États s’agissant de l’application de l’immunité doit être tranché par des moyens traditionnels.  La déléguée a rejeté l’idée de créer un nouveau mécanisme à cette fin.  Elle s’est dite satisfaite que le lien entre cette immunité et les tribunaux pénaux internationaux ait été examiné.  Elle a souhaité que le crime d’agression figure dans la liste des crimes visée à l’article 7 pour lesquels l’immunité ne s’applique pas. 

En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a déclaré que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer doit rester le cadre de référence.  Le Groupe d’étude a trouvé selon elle les moyens d’interpréter ce texte d’une manière favorable à la stabilité des relations interétatiques.  Les délimitations des zones maritimes doivent être stables et définitives pour une coexistence pacifique des États, a conclu la déléguée.

Abordant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande), a réaffirmé le point de vue de son pays selon lequel les dispositions procédurales et les garanties sont pertinentes pour le texte des projets d’article dans son ensemble et s’est félicité que cette position soit reflétée dans l’article 8 ante.  En ce qui concerne l’article 10, le représentant a été d’avis que l’invocation de l’immunité n’est pas une condition préalable à son application.  Concernant les projets d’articles qui restent à examiner, il a considéré qu’un mécanisme de règlement des différends pourrait potentiellement faire partie des garanties visant à protéger la stabilité des relations internationales et à éviter les poursuites politiques et abusives. 

Le délégué a prédit que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international soulèvera de profonds défis pour de nombreux États, en particulier les États de faible altitude et les petits États insulaires, et que tous, au sein de la communauté internationale, doivent travailler ensemble pour relever ces défis.  Il a par ailleurs apprécié que la Commission du droit international (CDI) prolonge, jusqu’au 30 juin 2022, sa demande d’informations sur la pratique et les lois pertinentes des États.  L’Irlande est en train de compiler ces informations qu’elle soumettra sous peu à la Commission. 

L’élévation du niveau de la mer n’est pas une préoccupation théorique lointaine, a lancé Mme LAUZA ALI (Maldives), c’est quelque chose que nous vivons aujourd’hui.  Les pays côtiers de basse altitude et les petits États insulaires, comme les Maldives, sont particulièrement vulnérables à l’élévation du niveau de la mer et sont menacés non seulement de perdre du territoire, mais aussi des moyens de subsistance et des infrastructures essentielles, a-t-elle fait remarquer.  Pour Mme Ali, cette question demande non seulement des efforts d’adaptation et des mesures de réduction des risques de catastrophe mais également des solutions juridiques internationales qui puissent apporter la nécessaire stabilité aux États touchés. 

En 1989, les Maldives ont accueilli la première Conférence des petits États sur l’élévation du niveau de la mer, qui a débouché sur la Déclaration de Malé sur le réchauffement planétaire et l’élévation du niveau de la mer ainsi que sur la création de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS).  Les Maldives ont mis en œuvre des mesures d’adaptation, mais elles sont coûteuses et ne constituent pas une solution durable au problème, a fait observer la déléguée. 

Mme Ali a jugé essentiel que la Commission du droit international (CDI) continue d’examiner les pratiques des États les plus touchés, en interprétant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ce qui est nécessaire pour appuyer les objectifs de stabilité, sécurité, certitude et prévisibilité.  Lorsque cela est possible, les États devraient fournir à la CDI des exemples de pratiques concernant les lignes de base et les droits maritimes qui y sont liés, a suggéré la déléguée.  

M. HOWE (Royaume Uni) a apprécié que la Commission du droit international (CDI) s’empare « de façon mesurée » de la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Prenant note des progrès réalisés, il s’est également félicité de l’invitation faite aux États d’envoyer des commentaires.  Après avoir appelé à respecter les différents systèmes juridiques nationaux, le délégué a réservé sa position sur les dispositions en cours de préparation, en attendant de pouvoir lire une série complète de projets d’article.  Il a également souligné qu’il est important que la CDI indique clairement quels projets d’article relèvent ou non du droit international coutumier. 

Jugeant que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international est une question fondamentale, il a encore dit attendre avec intérêt la suite des travaux de la CDI sur le statut d’État et la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.

Mme JANE J. CHIGIYAL (États fédérés de Micronésie) a concentré son intervention sur le thème de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Elle a tout d’abord appuyé la suggestion formulée au sein du Groupe d’étude de traiter l’élévation du niveau de la mer comme un « fait scientifiquement prouvé », soulignant que cette élévation du niveau de la mer est principalement d’origine anthropique.  « Lorsque nous parlons de l’importance de la stabilité juridique, de la sécurité, de la certitude et de la prévisibilité en relation avec les éléments du droit de la mer, nous entendons la nécessité de maintenir des zones maritimes sans réduction, ainsi que les droits qui en découlent, indépendamment de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques. »  La déléguée a demandé à en savoir plus sur la référence à un continuum de possibilités entre une approche « ambulatoire » et une approche basée sur la permanence, comme suggéré par certains membres du Groupe d’étude.  Elle a précisé que ces possibilités « intermédiaires » devraient respecter la notion fondamentale du droit international existant selon laquelle les droits qui découlent des zones maritimes initialement établies par un État côtier ne doivent jamais être diminués uniquement sur la base de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.  Enfin, la déléguée de la Micronésie a appuyé l’intention du Groupe d’étude d’examiner les sources de droit international pertinentes au-delà de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, y compris les principes généraux et les règles du droit international. 

M. LUTFI SHEIKH GHAZALI (Malaisie) a bien compris que les questions abordées dans les projets d’article provisoirement adoptés par la Commission du droit international (CDI) lors de sa soixante-douzième session étaient essentielles et méritaient une grande attention dans la détermination et l’application de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Il a noté les progrès des discussions sur ce sujet, en particulier avec l’adoption des projets d’article 1 à 12 par la Commission.  Une fois l’ensemble des projets d’article finalisé, la Malaisie estime que tous les États Membres devraient être autorisés à les commenter.  M. Ghazali a évoqué le projet d’article 17, soulignant qu’il faudrait accepter que la suspension d’une procédure nationale, en attendant le règlement d’un différend international sur cette question, soit respectueuse de l’État du fonctionnaire.  Concernant le paragraphe 2, la Malaisie convient avec le Rapporteur spécial qu’il serait utile de fixer un délai, pour éviter tout retard dans le processus de règlement des différends.  Quoi qu’il en soit, compte tenu des sensibilités et des caractéristiques de la question de l’immunité, et afin d’avoir une perspective plus claire sur le délai le plus approprié pour ce projet d’article, le délégué de la Malaisie a proposé que le Rapporteur spécial mène une étude approfondie sur les avantages et les inconvénients possibles d’un délai de 6 mois, et d’un délai de 12 mois pour une délibération ultérieure. 

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