Deuxième Commission: la communauté internationale doit considérer le Programme 2030 comme son « objectif lune »
Cette soixante-seizième session sera « unique », a d’emblée prévenu la Présidente de la Deuxième Commission (questions économiques et financières), Mme Vanessa Frazier, à l’ouverture du débat général. Unique, parce que pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, la Deuxième Commission est guidée par un Bureau exclusivement féminin. Unique, car bien que la pandémie influence encore cette année les travaux de la Commission sur la forme et le fond, des vaccins efficaces existent désormais, et la communauté internationale, à la croisée des chemins, doit agir vite et de concert.
La distribution de ces vaccins, très inégale, entrave le relèvement des économies et la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a relevé M. Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales. Si de nombreux pays en développement et émergents voient le bout du tunnel, d’autres pays, plus pauvres, n’ont pas cette chance, et des « inégalités flagrantes » pèsent sur la reprise économique. Près de 40% de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin mais à peine 2% de la population des pays pauvres a été vaccinée, s’est désolé M. Liu. La faute à des droits de propriété intellectuelle « trop larges » et « trop forts », a affirmé la professeure Mariana Mazzucato, invitée de ce débat général, professeure à l’University College London (UCL). Son mécontentement a été partagé par la plupart des groupes de pays qui se sont exprimés ce matin, tels que le Groupe des 77 et la Chine ou celui des pays les moins avancés (PMA).
Le thème choisi cette année pour le débat général, « Crise, résilience et reprise - Accélérer les progrès vers le Programme 2030 », traduit une forte attente des pays membres et des populations. Des populations qui veulent que les Nations Unies « fournissent des recommandations concrètes », « renforcent la solidarité internationale », et « déterminent le cours des politiques », a énuméré Mme Frazier, afin d’émerger enfin de la crise et d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD). « Nous devons leur donner des raisons d’espérer », a martelé la Présidente de la Commission.
L’économiste Mariana Mazzucato n’a pas mâché ses mots. Selon elle, « de manière évidente, rien ne marche » pour l’instant dans la réalisation des ODD, alors que la communauté internationale devrait agir « avec la même urgence qu’en cas de guerre ». Lors d’un échange avec les membres de la Deuxième Commission, elle les a sommés de changer de trajectoire économique, sanitaire et environnementale. Le capitalisme doit « se transformer » et se tourner tout entier vers le Programme 2030. « Des aides vont encore à des entreprises utilisant des énergies fossiles », s’est-elle étonnée, alors que chaque centime des plans de relance et des prêts accordés par les banques publiques devrait, selon elle, être conditionné à la transition écologique de l’industrie ou de l’entreprise qui en bénéficie. Les banques publiques qui distribuent de l’argent sans exiger de gages en termes de transition vers le développement durable font « partie du problème », a-t-elle dénoncé.
L’économiste a donc recommandé « une approche complètement nouvelle », réclamant un « New Deal vert » et un « nouveau contrat social ». Elle a comparé l’effort à fournir avec celui produit lors de la conquête spatiale américaine des années 1960. « Nous n’aurions jamais marché sur la Lune sans les politiques qui vont avec », a-t-elle formulé.
Consciente des capacités de travail diminuées de la Commission du fait des restrictions sanitaires, la Présidente Frazier n’en a pas moins tracé ses grands axes de travail: l’examen des principaux impacts de la pandémie sur l’économie mondial; l’éradication de la pauvreté; la sécurité alimentaire; la situation des groupes de pays en situation particulières; le développement durable; et, enfin, la question de l’accélération de la mise en œuvre des engagements pris par les États Membres pour limiter l’impact des catastrophes naturelles, malgré la pandémie.
Concernant l’adaptation aux changements climatiques, le groupe des PMA a plaidé pour que la moitié du financement de l’adaptation aux chocs bénéficie aux pays vulnérables, tels que les PMA et les petits États insulaires en développement (PEID). La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a indiqué qu’un « indice de vulnérabilité multidimensionnelle » permettrait de mieux rendre compte des vulnérabilités et des difficultés particulières de certains pays en termes de développement, une question qui importe beaucoup aux pays à revenu intermédiaire, a relevé le Sous-Secrétaire général Elliott Harris, du Département des affaires économiques et sociales (DESA).
La séance de l’après-midi, tenue virtuellement, fut consacrée notamment au thème des Technologies de l’information et de la communication (TIC). Y ont été évoqués les opportunités et les défis posés par la révolution numérique rendue plus rapide encore par la pandémie, ainsi que l’ont constaté notamment le groupe des pays en développement sans littoral et le Mexique. La gouvernance numérique, la règlementation de l’exploitation des données, l’infobésité ont été évoquées. Le « fossé numérique », entre les pays et au sein des pays, en a inquiété plus d’un, mais aussi l’appétit vorace du secteur en matière d’énergie, désormais comparable au secteur aérien, ainsi que les énormes problèmes de traitement des déchets produits par l’industrie numérique.
Les délégations ont également traité le sujet « mondialisation et interdépendance », l’occasion de demander que la mondialisation devienne plus inclusive, équitable et durable. M. Ernesto Ottone, de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a pour sa part fait valoir que la Culture peut être un secteur productif, un facteur de relance économique ainsi qu’un moteur du développement.
La Deuxième Commission poursuivra son débat général en réunion plénière demain matin, à 10 heures, dans la salle de l’Assemblée générale.
Discours liminaires
La Présidente de la Deuxième Commission, Mme VANESSA FRAZIER, de Malte, a prévenu que cette soixante-seizième session serait unique, alors que de nombreuses régions du monde émergent lentement d’une pandémie mondiale sans précédent, n’ayant épargné aucun continent, aucun pays, aucune communauté. Au cours des prochaines semaines, la Commission cherchera les moyens d’assurer une reprise mondiale tout en accélérant la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable (ODD).
Reprenant le thème choisi cette année pour le débat général, « Crise, résilience et reprise - Accélérer les progrès vers le Programme 2030 », Mme Frazier a jugé que ce thème était clair pour les membres réunis ce jour et pour les milliards de personnes qu’ils représentent, dont un trop grand nombre a souffert des impacts de la pandémie. « Elles attendent de nous davantage que de simplement débattre. Elles veulent que les Nations Unies fournissent des recommandations concrètes et renforcent la solidarité internationale » et « que nous déterminions le cours des politiques », afin que tous les pays émergent de la crise et atteignent les objectifs de développement durable, a rappelé la Présidente. « Nous devons leur donner des raisons d'espérer. »
Encourageant à formuler des « recommandations fortes » pour permettre des vaccinations accessibles et abordables partout dans le monde, Mme Frazier a espéré que la Commission ferait la lumière sur les dimensions multiples des impacts de la COVID, et des réponses politiques à adopter.
La Présidente a tout d’abord recommandé d’examiner les principaux impacts de la pandémie sur l’économie mondiale. « Nous devons apporter un nouvel éclairage sur l’approche des politiques macroéconomiques, des politiques financières, des politiques commerciales et de la gestion de la dette », a-t-elle détaillé. Le nouveau secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sera entendu plus tard dans la semaine à ce sujet et sur les résultats de la Conférence CNUCED XV récemment organisée à la Barbade.
Deuxièmement, la Commission examinera les questions « cruciales et transversales » de l’éradication de la pauvreté et de la sécurité alimentaire. « Des millions de personnes ont été frappées par la pauvreté à la suite de la pandémie, et la faim est de nouveau en hausse », a-t-elle déploré, citant les conclusions du dernier Sommet mondial des systèmes alimentaires, qui s’est tenu il y a quelques semaines à peine.
Troisièmement, comme toujours, la Commission débattra de la situation de groupes de pays en situation particulière.
Quatrièmement, la Commission abordera un grand nombre d’aspects liés au développement durable: « il est important de relier nos travaux aux grands processus en cours ailleurs, notamment la COP26 sur les changements climatiques et la COP15 sur la diversité biologique », a relevé Mme Frazier.
Cinquième et dernier point, a rappelé la Présidente: les catastrophes naturelles, liées aux changements climatiques ou à d’autres facteurs, se produisent sur tous les continents. Elles affectent de plus en plus la vie quotidienne de milliards de personnes dans le monde. « Nous devrons convenir des modalités de l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Cadre de Sendai en 2023 », a-t-elle annoncé. Dans l’ensemble, la Commission devra se pencher sur les engagements pris par les États Membres lors de diverses conférences et sommets des Nations Unies, et déterminer « comment accélérer leur mise en œuvre malgré la pandémie ».
Une pandémie qui a également eu un impact sur les méthodes de travail de la Commission. Il a en effet été décidé que toutes les résolutions seraient traitées de la même manière et que nous ne mettrions à jour que trois ou quatre paragraphes. « Je dois avouer que j’avais de plus grandes ambitions pour la session de cette année, mais le Bureau et moi-même sommes conscients des limites » de ce qu’il est possible de réaliser dans les conditions actuelles, a concédé Mme Frazier. Quoi qu’il en soit, la Présidente a souhaité montrer que la Deuxième Commission était au fait des nouveaux développements, et qu’elle avait des orientations pertinentes à fournir en de tels temps de crise.
Envisageant des recommandations politiques « innovantes » et « ambitieuses » pour chaque question au programme, Mme Frazier a appelé les membres à être « créatifs », « flexibles » et à travailler dans un esprit de consensus. La Présidente s’est enfin dite fière que, pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, la Deuxième Commission soit guidée par un Bureau exclusivement féminin. « Nous ferons de notre mieux pour être à la hauteur de l’événement », a-t-elle promis.
Intervenant pour une déclaration liminaire en visioconférence suivie d’un débat interactif avec les délégations, Mme MARIANA MAZZUCATO, professeure et directrice fondatrice de l’Institute for Innovation and Public Purpose de University College London (UCL), a d’emblée constaté que « de manière évidente, rien ne marche », notamment pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Elle a invité la communauté internationale à renouveler complètement son approche et à tirer les leçons de la pandémie. S’agissant par exemple de la pénurie de vaccins, les droits de propriété intellectuelle sont trop larges et trop forts, ce qui pèse sur l’innovation collective, a-t-elle noté. Trop de personnes dans le monde n’ont pas accès aux droits fondamentaux, les systèmes de santé sont faibles et cela n’a fait qu’empirer la crise, a continué l’économiste. Selon elle, une partie du problème se trouve dans la comptabilité, qui ne tient pas compte par exemple de la solidarité et des soins dans le calcul de la croissance.
Quant à la crise climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rappelé cet été l’urgence de la résoudre: il ne reste que huit ans, a noté la professeure. Or, des aides vont encore à des entreprises utilisant des énergies fossiles, a déploré Mme Mazzucato, pour qui chaque centime des plans de relance et des prêts à accorder doit dépendre de la transformation du point de vue écologique de chaque industrie ou chaque entreprise.
Regrettant que les objectifs de développement durable en restent précisément au stade d’objectifs, Mme Mazzucato a demandé d’arrêter de mettre des emplâtres sur des jambes de bois, autrement dit de cesser de chercher des solutions à court terme. Il faut prendre à bras le corps les risques et les difficultés sur la base d’un partenariat public-privé solide avec un objectif commun, a-t-elle asséné. Pour étayer son propos, l’économiste a fait un parallèle: « Nous n’aurions jamais marché sur la Lune sans les politiques qui vont avec. » La NASA a reconçu ses marchés et est passée de contrats en régie à des contrats à prix fixe, a-t-elle précisé, invitant à envisager des objectifs aussi concrets.
L’économiste a estimé que le secteur public peut avoir des objectifs très ambitieux mais qu’il ne peut pas se permettre de ne pas se réorganiser en fonction. Selon elle, il ne faut pas envisager seulement un Pacte vert mais un New Deal, un nouveau contrat social. Par exemple, il ne sert à rien d’avoir un vaccin s’il ne peut pas être livré.
Elle s’est dit convaincue que la manière dont nous pratiquons le capitalisme doit être davantage axée vers des objectifs, comme le Programme de développement durable à l’horizon 2030, ce qui implique que tous les secteurs investissent et se transforment. Pour atteindre les ODD, il faut procéder avec la même urgence qu’en cas de guerre: pourquoi n’avoir pas tiré des enseignements que l’on pourrait appliquer aux problèmes sociaux qui impliquent le même degré d’urgence? a-t-elle demandé à l’assistance. « Nous manquons clairement de préparation, comme nous l’avons vu avec la pandémie et avec les changements climatiques », a conclu Mme Mazzucato, invitant à placer un contrat social au cœur des travaux de la Deuxième Commission.
Discussion interactive
À une question du représentant de la Slovénie sur les limites du modèle capitaliste et la nécessité de le transformer, Mme Mazzucato a répondu que 3,000 Milliards de dollars sont dépensés chaque année pour racheter des actions et accroître des dividendes, selon un modèle se fondant sur la maximalisation de la valeur. Elle a noté que les outils de mesures manquent pour mesurer la qualité d’un partenariat public-privé, par exemple.
Appelant à un « New Deal vert » et à un « nouveau contrat social », paraphrasant l’activiste suédoise Greta Thunberg, elle a comparé le défi de cette transformation à celui d’envoyer l’Homme sur la Lune. Elle a appelé l’ONU à se « décloisonner », à faire preuve d’« ambition », à « changer de discours économique » pour « éviter les écueils du capitalisme ».
À une question de la représentante de la République Dominicaine, qui demandait à quoi devrait ressembler la communauté internationale pour « viser la Lune », Mme Mazzucato a cité le CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, et appelé à ce que les sciences sociales disposent du même type d’institution de pointe.
Elle a appelé à utiliser « notre intelligence collective » et à réfléchir à la manière dont sont délivrés les brevets; à investir dans le secteur recherche et développement, à octroyer des salaires décents, et à rompre le consensus de Washington « en le restructurant au service du développement durable », qu’il s’agisse de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Union européenne (UE) ou des partenariats public-privé.
Mme Mazzucato a aussi répondu à une question de la délégation du Brésil au sujet du secteur agricole et de la participation accrue aux chaînes d’approvisionnement mondiales des pays en développement: étant donné les économies d’échelle et du commerce international, quelles approches les pays en développement pourraient-ils adopter pour produire davantage de biens agricoles et industriels et le faire mieux, afin de ne pas être confrontés aux mêmes défis rencontrés durant la pandémie?
Mme Mazzucato a estimé qu’il fallait que les pays se transforment et que les banques publiques deviennent des « outils de transformation », en incorporant les conditions du changement. Elle a remarqué que dans de nombreux pays en développement mais aussi dans d’autres, en Italie par exemple, la banque publique fait partie du problème, car elle distribue de l’argent sans contrepartie, sans demander de transformation. « La part de profit du PIB mondial est à son maximum. Il faut qu’une partie de ce PIB soit transformée en investissements », a ajouté Mme Mazzucato.
Débat général
M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, intervenant par visioconférence depuis la Chine où il participe à la Conférence mondiale sur les transports durables, a indiqué que nombre de pays en développement et émergeant voient le bout du tunnel alors que les plus pauvres n’ont pas accès aux vaccins. Ces inégalités flagrantes d’accès aux vaccins ont un impact sur la reprise économique mondiale, a-t-il noté. Alors que près de 40% de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin, à peine 2% de la population des pays pauvres a été vacciné.
La croissance mondiale devrait être de 4% environ en 2022, mais les chiffres ne reflètent pas les disparités entre pays riches et pauvres, a fait remarquer M. Liu. De même, M. Liu a observé que la pandémie a renforcé les disparités entre les genres.
Avant la pandémie, les progrès vers les objectifs de développement durable (ODD) étaient déjà insuffisants, et maintenant les prévisions sont encore plus sombres, a-t-il constaté, en mettant l’accent sur l’importance cruciale de la solidarité internationale au moment où l’on s’attèle à la relance de l’économie mondiale. Selon le Secrétaire général adjoint, « les ODD doivent être notre boussole pour la relance et la reconstruction après la crise ».
S’adressant aux délégués de la Deuxième Commission, il leur a dit que leur travail sera essentiel afin de fournir des orientations pour lutter contre la pauvreté qui est un objectif transversal. L’allocation de 650 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) répond au besoin urgent de liquidités des pays en développement, a-t-il salué. De même, l’initiative du G20 sur le moratoire de la dette a été étendue à décembre 2021, mais le rééchelonnement de la dette en 2022 pourrait rendre non soutenable le service de la dette. M. Guterres a demandé une coopération forte contre l’évasion fiscale et le blanchiment, a-t-il aussi rappelé. Il a également souhaité que les travaux de la Commission soient menés de manière intégrée, en faisant le lien entre plusieurs domaines connexes. Par exemple, les liens entre les changements climatiques et la biodiversité doivent être exploités, de même que les nombreuses conférences internationales à venir, dont la COP26 sur le climat de Glasgow en novembre et la Conférence sur les océans de 2022.
M. Liu a en outre appelé à se concentrer sur les pays en situation particulière, y compris les pays les moins avancés (PMA) qui auront besoin de plusieurs années pour retrouver leur produit intérieur brut (PIB) de 2019. La Conférence sur les PMA de janvier prochain sera l’occasion de discuter de leurs problèmes spécifiques, a-t-il noté. Il a également attiré l’attention sur les problèmes des pays en développement sans littoral (PDSL), des petits États insulaires en développement (PEID) et des pays à revenu intermédiaire. Il a appelé à la finalisation par l’ONU de l’index multidimensionnel de pauvreté afin de pourvoir établir la réelle situation de ces différents groupes de pays. Pour le Secrétaire général adjoint, il faut des solutions novatrices qui pourraient avoir un impact sur l’ensemble du champ de mise en œuvre des ODD. L’ONU ne peut se laisser paralyser par la pandémie alors que les appels à l’aide sont lancés partout à travers le monde, a—t-il conclu.
M. BOUBACAR DIALLO (Guinée), au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), a d’abord reproché au Secrétariat de l’Union européenne, en qualité d’observateur, de parler au nom de son groupe. « C’est un précédent dangereux qui sape les pratiques de l’ONU. » Le délégué a aussi souligné l’importance du consensus et désapprouvé toute décision unilatérale de la part du Bureau de la Deuxième Commission.
Le G77 est convaincu que le travail de la Deuxième Commission permettra d’établir des normes solides pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et notamment l’objectif d’éliminer la pauvreté, a dit le représentant, en soulignant le caractère crucial des principes de « ne laisser personne de côté » et de « responsabilité commune, mais différenciée ». Il a aussi déploré la mise en lumière par la pandémie des inégalités et de la fragilité des systèmes. Il a appelé à des politiques permettant d’accélérer les transformations afin de parvenir au développement durable.
Le représentant a pris note des conclusions du dernier sommet sur les systèmes alimentaires, ainsi que de l’initiative de convoquer, le 28 septembre, un débat de haut niveau sur la préservation de l’emploi. Abordant la question de la relève post-COVID, il y a vu l’occasion de réaliser les objectifs de développement durable pour le Groupe. Il a réaffirmé, à cet égard, que l’aide au développement est un outil essentiel, et a invité les pays donateurs à honorer leurs engagements. Après avoir appelé à reconnaître la nature multidimensionnelle de la pauvreté, il a dit que le G77 réclame un accès sûr, large et bon marché au vaccin, afin de garantir le relèvement économique.
Pour que la croissance économique contribue à la réduction de la pauvreté, le Groupe des 77 et la Chine a besoin d’investissements dans le secteur agricole, la santé et l’éducation, a poursuivi le délégué. Il a aussi plaidé pour un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et équitable, sous l’égide de l’OMC.
Au sujet de la coopération Sud-Sud, il a insisté sur son caractère complémentaire de la coopération Nord-Sud, qui ne peut pas s’y substituer. Il a aussi précisé que la coopération Sud-Sud doit être fixée par les pays du sud eux-mêmes, en respectant les souverainetés nationales et les principes de non-ingérence.
Au nom des États membres de l’Union européenne (UE), M. SILVIO GONZATO a déploré les résultats de plus en plus catastrophiques relatifs aux changements climatiques, appelant à « cesser de faire la guerre à la nature » et à adopter un « plan de paix ». Le pacte vert de l’UE cherche à relancer notre rapport avec la planète et à faire du continent européen le premier en neutralité carbone, a-t-il fait valoir, précisant que l’UE s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 50% d’ici à 2030. La croissance va de pair avec la santé de la planète, a-t-il insisté, vantant les mérites des systèmes alimentaires solides. L’UE a aussi doublé son financement pour la biodiversité, en particulier au profit des pays les plus vulnérables, a-t-il ajouté.
Le représentant n’a pas douté que les conférences internationales à venir, notamment la COP26 à Glasgow, joueront un rôle essentiel pour la défense de la planète et de la biodiversité. Après la pandémie, il faudra reconstruire en mieux et en plus vert, a dit le représentant. « C’est aussi l’occasion de travailler à un monde plus juste, plus résilient, plus équitable. »
Estimant que la fourniture de vaccins bon marché doit être accessible à tous, l’UE a promis 2 milliards de vaccins et est le principal contributeur du Mécanisme COVAX de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Par ailleurs, a dit le représentant, renforcer les systèmes de santé et parvenir à la couverture sanitaire universelle est le meilleur moyen de faire face à une nouvelle pandémie.
Enfin, a-t-il conclu, l’UE demeure engagée à renforcer les partenariats et les moyens de mise en œuvre afin de parvenir à la réalisation du Programme 2030. Quant aux nouvelles technologies, elles doivent être centrées sur la population, a-t-il précisé.
M. MITCHELL FIFIELD (Australie), s’exprimant au nom du Groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a appelé à tirer les leçons de la COVID-19 et a recommandé de chercher à renforcer les systèmes de santé et de construire une réponse collective aux futures pandémies grâce à une stratégie favorisant une seule approche sanitaire. Une partie essentielle de cette réponse consistera à soutenir un accès équitable à des vaccins sûrs et efficaces, a-t-il estimé. Il a aussi appelé à répondre de toute urgence au défi mondial des changements climatiques, au moment où le monde fait la transition vers une économie mondiale neutre en carbone. En plus, a-t-il préconisé, nous devons être parfaitement conscients des besoins particuliers et différenciés des pays en situation particulière, notamment les PEID et les PMA.
Pour une communauté mondiale stable et prospère, M. Fifield a prôné l’égalité des sexes, arguant que lorsque les femmes et les filles sont à l’abri de la violence, économiquement sûres et représentées de manière significative à tous les niveaux de prise de décision, les familles, les communautés et les économies en bénéficient. Les efforts de rétablissement post-COVID-19 tenant compte du genre sont essentiels pour regagner le terrain perdu et nous emmener plus loin, a—t-il estimé.
En tant que délégués de la Deuxième Commission, nous avons le devoir de protéger et de garantir la réalisation du Programme 2030, du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, a plaidé le représentant. Chercher à poursuivre, réorienter ou annuler ces accords sapera l’objet et l’esprit de cette Commission à un moment où la communauté internationale a le plus besoin de nous, a-t-il averti. Dans cette perspective, il a recommandé d’améliorer les méthodes de travail de la Commission et de prendre des mesures pratiques pour adapter son travail aux réalités et aux défis d’aujourd’hui.
Pour le représentant, la revitalisation de la Deuxième Commission ne peut et ne doit pas se faire uniquement par l’ajout de nouveaux points de l’ordre du jour et de nouvelles résolutions. Cela doit également concerner la mise à jour et la restructuration de l’ordre du jour, en s’éloignant de l’accumulation historique des sujets de débat. Il a rappelé que lors d’une réunion de la Deuxième Commission sur la revitalisation, en février, le CANZ avait invité les membres à restructurer l’ordre du jour de la Commission sur la base de la pertinence avec le Programme 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba, lesquels forment la feuille de route du développement mondial.
M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala), au nom du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), a appelé à plus que jamais mettre en pratique le multilatéralisme, du fait des ravages de la COVID-19 et de la vulnérabilité croissante face aux changements climatiques. Plaidant pour un accès équitable aux vaccins et aux autres technologies sanitaires, il a appelé à un nouveau modèle, basé sur la résilience et l’inclusion sociale, pour avancer sur un chemin de développement durable menant vers la réalisation du Programme 2030.
La coopération et les ressources ne doivent pas se substituer aux moyens de réalisation du Programme 2030, en particulier la lutte contre la pauvreté, a-t-il ajouté.
Le porte-parole du SICA a réaffirmé l’engagement de celui-ci contre l’insécurité alimentaire, qui demeure chronique dans le monde entier, en particulier en Amérique centrale, et appelé les partenaires à financer davantage ce combat. L’orateur a aussi plaidé pour un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et équitable.
Rappelant ensuite que les effets et phénomènes météorologies extrêmes touchent d’abord les populations les plus vulnérables, il a cité les recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a pointé sa région comme une des plus vulnérables du globe. Le représentant du SICA a de nouveau appelé à mettre en œuvre le Cadre de Sendai et rappelé les responsabilités historiques des pays développés dans les émissions de gaz à effet de serre. Il a appelé ces pays à assumer leurs responsabilités en garantissant aux pays en développement les ressources financières adéquates, ainsi que les mécanismes de financements adéquats, afin que ces derniers soient accessibles aux pays qui en ont le plus besoin.
Cet accès au financement diminue à mesure que les pays changent de catégories, ce que le SICA déplore, a dit le représentant. Il a expliqué que les pays à revenu intermédiaire font face à des défis spécifiques et que pour pérenniser leurs acquis, il faudrait adapter les financements et élaborer des politiques « échelonnées » et « progressives ».
L’orateur a enfin appelé à sauvegarder le secteur touristique, dont les pays du SICA dépendent beaucoup, et appelé les États Membres à soutenir un projet de résolution présenté par le SICA cette année, « Tourisme durable et développement durable en Amérique Centrale ».
Au nom du Groupe des pays les moins avancés (PMA), M. CLEMENT AMAMAI DIMA NAMANGALE (Malawi), a rappelé que la période allant de 2021 à début 2022 est importante pour les PMA, car ils élaborent une stratégie et identifient leurs priorités et leurs engagements clefs en matière de développement, qui déboucheront sur un nouveau programme d’action. Le thème de cette session est donc tout à fait approprié et adapté au contexte dans lequel ils se trouvent. Après deux années pour le moins mouvementées et dont les conséquences continuent de se faire sentir, les pays en développement et les PMA en particulier sont très affectés, ce qui souligne une nouvelle fois la nécessité d’agir de manière décisive et résolue si le monde veut atteindre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030, a plaidé le représentant.
Face à la crise sanitaire et économique, le risque est de voir un groupe de pays se remettre des conséquences de la pandémie tandis que d’autres, comme les PMA, vont s’enfoncer davantage dans un cycle de pauvreté, de dette insoutenable et d’austérité, a relevé le représentant; ce qui serait synonyme d’une nouvelle décennie perdue pour le développement durable. Si le Groupe apprécie les efforts du Fonds monétaire international (FMI), du groupe de la Banque mondiale et des partenaires de développement en réponse à la crise économique, il a souligné que la pandémie a mis en évidence et exacerbé les lacunes et les vulnérabilités des filets de sécurité financiers mondiaux, ce qui montre l’urgence de les renforcer et de les rendre plus équitables. En effet, alors que les PMA travaillent à un nouveau programme d’action, le financement en est l’un des principaux ressorts.
En venant au sujet des changements climatiques, le représentant a souligné que les mots ne suffisent pas et qu’une action décisive est plus que jamais nécessaire. Les PMA restent engagés à zéro émission nette de gaz à effet de serre mais l’adaptation est un élément clef de l’action pour le climat, a-t-il fait remarquer. Aussi a-t-il plaidé pour un financement de l’adaptation destiné pour moitié aux pays vulnérables tels que les PMA et les PEID.
Abordant les nouvelles technologies qui portent la quatrième révolution industrielle, le représentant a fait observer que la réalité est que les inégalités demeurent en raison de la fracture numérique, et qu’elles se sont mêmes creusées depuis la pandémie. Pourtant, la technologie a le potentiel de stimuler le changement et les PMA sont favorables à des politiques et à des actions pour l’innovation.
En ce qui concerne la réponse à la pandémie, la délégation n’a pas manqué de rappeler que, fin août 2021, 60% de la population des pays à haut revenu avaient reçu au moins une dose de vaccin, contre seulement 1% dans les PMA. Aussi, et plus que jamais, la coopération et le multilatéralisme sont essentiels pour garantir la vaccination et la sécurité de tous, ainsi que pour la reprise économique sur toute la planète. Retrouver la voie du développement durable implique d’importants investissements dans tous les secteurs et à tous les niveaux ainsi que l’accès des pays vulnérables à des financements abordables, comme des subventions et des options à très long terme.
M. MAGZHAN ILYASSOV (Kazakhstan), s’exprimant au nom des pays en développement sans littoral, a relevé que la crise actuelle a particulièrement limité l’espace financier et fiscal déjà restreint dans les pays en développement sans littoral et conduit à l’arrêt brutal des progrès dans presque tous les domaines prioritaires du Programme d’action de Vienne en faveur de ces pays pour la décennie 2014-2024, mais également du Programme 2030. Il a noté que ces pays ont été durement touchés par les restrictions de mouvements transfrontaliers pour contenir la propagation du virus, ce qui a sérieusement réduit le commerce et la circulation des biens essentiels. Le PIB de ces pays a diminué et les investissements étrangers directs (IED) se sont contractés, de 31 à 15 milliards de dollars en 2020, soit le niveau le plus bas depuis 2007. Ainsi, sans soutien international et une aide financière, les pays en développement sans littoral risquent d’être laissés pour compte, comme cela a été d’ailleurs le cas lors de la réunion de haut niveau sur l’architecture de la dette internationale, a regretté le représentant. Pourtant, a-t-il fait remarquer, dans un nombre important de ces pays, le service de la dette extérieure est un obstacle majeur à leur essor.
En 2019, lors de l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne, on avait constaté qu’il restait encore beaucoup à faire pour atteindre ces objectifs d’ici à 2024, a rappelé le délégué. Il a aussi fait remarquer que pendant la pandémie, ces pays, qui dépendent des pays voisins pour accéder aux marchés internationaux, ont vu leur part déjà minuscule au commerce mondial se rétrécir davantage. Il a rappelé que la tragédie de la COVID-19 se déroule simultanément avec d’autres crises mondiales telles que les changements climatiques, la désertification, la perte de biodiversité, l’insécurité alimentaire et hydrique, la dégradation de l’environnement et les conflits, qui exacerbent les vulnérabilités et les inégalités existant dans les pays en développement sans littoral.
Pour favoriser l’essor de ces pays dans le cadre de la reprise post-pandémie, le délégué a proposé un soutien international pour faciliter et accroître tous les moyens de mise en œuvre, notamment l’augmentation des ressources intérieures, l’allégement de la dette, l’aide publique au développement (APD), le commerce, le secteur privé, la coopération Sud-Sud et triangulaire, le transfert de technologie et les investissements étrangers directs (IED), tout comme le renforcement des capacités. M. Ilyassov a aussi préconisé un soutien pour favoriser les transports, le secteur énergétique et la connectivité qui sont cruciaux pour l’intégration de ces pays dans les marchés mondiaux. Il a ensuite appelé à l’augmentation des exportations de ces pays grâce à une coopération régionale et internationale renforcée. Ces pays ont également besoin d’un soutien accru pour faire face à la crise des changements climatiques, et enfin, une innovation technologique rapide est essentielle pour parvenir à une structure économique transformatrice, lutter contre la COVID-19 et promouvoir la mise en œuvre accélérée du Programme d’action de Vienne.
Il y a quelques jours, lors de la vingtième Réunion des Ministres des affaires étrangères des pays en développement sans littoral, une Déclaration ministérielle a été adoptée dans laquelle ils ont appelé au renforcement des efforts internationaux pour la réalisation du Programme d’action de Vienne, a signalé le représentant. À l’approche de 2024, les ministres ont également souhaité que les préparatifs à la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral soient lancés.
Mme NOOR QAMAR SULAIMAN, (Brunei Darussalam), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a reconnu que la vaccination demeure une priorité absolue et qu’une « stimulation fiscale et monétaire » est nécessaire pour renforcer l’économie, tout en veillant à surveiller les risques pour le système financier, afin de garantir la stabilité et de préserver la reprise économique. De son côté, l’ASEAN développe une initiative stratégique et holistique, l’« ASIAN SHIELD », visant à synchroniser les réponses de l’Association aux urgences et aux catastrophes, et à mieux s’y préparer à l’avenir.
La représentante a aussi présenté le cadre global de redressement de l’ASEAN (ACRF) et son plan de mise en œuvre, qui ont été élaborés pour servir de stratégie consolidée. Celle-ci permettra à l’ASEAN de sortir « plus résiliente et plus forte » de la pandémie. Réitérant son appel en faveur d’une collaboration accrue et d’un partage d’expériences en matière de recherche, de développement, de production et de distribution de vaccins, la représentante de l’ASEAN a plaidé pour un accès équitable aux vaccins. Elle les a souhaités disponibles, abordables pour tous, sous la forme d’un bien public mondial.
Mme Sulaiman a reconnu que la période de relèvement est propice à l’élaboration et à la mise en pratique de politiques promouvant un développement inclusif et durable, tout en tirant parti des possibilités offertes par la révolution numérique. Le numérique a en effet permis la création de nouveaux modèles commerciaux, notamment pour les petites et moyennes entreprises, a-t-elle relevé. La représentante a aussi souligné l’importance de l’économie circulaire dans la mise en place d’une économie résiliente, d’une utilisation efficace des ressources et d’une croissance durable dans la région. Elle a ensuite mis l’accent sur l’importance de plus en plus grande de l’économie bleue, notant que les océans et les mers sont des moteurs essentiels de la croissance économique et de l’innovation.
Enfin, concernant la collaboration avec l’ONU, elle a indiqué que l’ASEAN a collaboré avec la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) afin de promouvoir les complémentarités entre la « Vision 2025 » de l’ASEAN et le Programme 2030. À cet égard, l’ASEAN a mis en place une « Initiative sur les complémentarités », via sa « Feuille de route sur les complémentarités (2021 - 2025) », afin de mettre en œuvre le développement durable dans toutes ses dimensions.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a mis l’accent sur les conséquences multidimensionnelles de la pandémie, qui touche en particulier les petits États insulaires en développement (PIED): la pandémie a exacerbé les inégalités et les vulnérabilités préexistantes, notamment pour ce qui concerne la dette. De nombreux pays de la CARICOM dépendant du tourisme ont connu une profonde récession en raison des mesures de restriction sanitaire, a-t-elle expliqué. Pour créer un monde plus résilient, la représentante a plaidé pour des approches plus transformatrices, dans le cadre des Orientations de Samoa et en tenant compte du Programme d’action d’Addis-Abeba.
Les pays les plus vulnérables auront besoin de financements adaptés, entre autres pour rattraper les progrès perdus, a plaidé la représentante. À ce sujet, elle s’est félicitée de la nouvelle émission de droits de tirage spéciaux (DTS) par le FMI, estimant que l’allocation aux pays en développement doit être la priorité. Les pays insulaires en développement sont un cas particulier et la pandémie n’est que l’un des nombreux défis auxquels ils font face, a fait observer la représentante. Ils sont en effet exclus de certains financements concessionnels et appellent depuis longtemps à des mesures nouvelles qui ne soient pas restreintes au seul niveau de revenu national. Un indice de vulnérabilité multidimensionnelle permettrait par exemple de mieux rendre compte de leur vulnérabilité et de leurs difficultés particulières en termes de développement.
S’agissant de la question des changements climatiques, elle a insisté sur le besoin de faire preuve d’ambition durant la COP26, notant qu’il existe encore des écarts par rapport aux engagements pris en vertu de l’Accord de Paris. Enfin, elle a estimé que, dans le cadre de la pandémie, le système de développement de l’ONU doit être guidé par une approche multidimensionnelle et s’attacher aux besoins spécifiques des pays.
En sa qualité de président de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda) a souligné la difficulté des petits États insulaires en développement (PEID) d’envisager la reprise après la pandémie alors que la gestion de la crise de la COVID-19 reste encore le souci principal de ces îles. Il a expliqué que leur capacité à se relever est entravée par les défis des changements climatiques, dont la multiplication des tempêtes et phénomènes climatiques et l’élévation du niveau de la mer, qui se traduisent par une insécurité alimentaire croissante, le coût élevé de l’énergie et le déplacement de populations. Face à ce constat, il a demandé combien de temps les petits États insulaires devront encore souffrir avant que la communauté internationale ne décide de s’attaquer à ces vulnérabilités? Le président de l’AOSIS a jugé indispensable que les grands émetteurs de CO2 remplissent leurs obligations en vertu de l’Accord de Paris et trouvent des solutions durables lors de la COP26 à Glasgow.
M. Webson a estimé que la Deuxième Commission devait non seulement s’employer à couvrir les questions pertinentes du Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais aussi s’attaquer aux défis émergents et spécifiques des pays en développement. Il a estimé qu’il sera impossible de réaliser les objectifs de développement durable à l’horizon 2030 (ODD) sans s’attaquer aux défis très spécifiques qui entravent la croissance des pays en développement.
Par ailleurs, il a dit que la pandémie de COVID-19 a affecté la capacité des petits États insulaires à réaliser le Programme 2030 et les Orientations de Samoa. Il a assuré que malgré les contraintes liées à la pandémie, l’AOSIS exploitera toutes les opportunités et tous les espaces possibles pour traiter les questions hautement prioritaires pour les PEID. Il s’est inquiété des difficultés économiques des îles frappées par le confinement et la chute des activités touristiques qui se traduisent par l’augmentation du chômage et de la pauvreté et une remise en cause des gains réalisés dans la mise en œuvre des ODD et des Orientations de Samoa. Il a exhorté le système de l’ONU et les partenaires de développement à se tenir prêts à répondre aux besoins spécifiques des PEID par le biais de nouveaux mécanismes.
M. Webson a jugé indispensable en particulier que les PEID aient accès à de nouvelles opportunités de financement pour construire des infrastructures en phase avec les demandes mondiales rapides et croissantes s’ils ne veulent pas être laissés pour compte. En outre, le Président de l’AOSIS s’est dit convaincu que l’imposition de mesures coercitives unilatérales contre des pays en développement n’a pas sa place dans un monde qui vise à réaliser les ODD et les Orientations de Samoa. C’est pourquoi, il a exhorté la communauté internationale à adopter des mesures urgentes et efficaces pour éliminer l’utilisation de mesures économiques coercitives unilatérales. À l’aune de la cinquième Conférence des Pays les moins avancés (PMA), le Président de l’AOSIS a aussi appelé à des critères plus souples de sortie de cette catégorie de PMA. Enfin, il a souligné l’importance d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel, y voyant un outil précieux pour faciliter une meilleure compréhension des vulnérabilités des PEID et de leurs besoins.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a d’abord réagi aux explications de la Présidente au sujet du choix de permettre que l’Union européenne (UE) parle avec les Groupes de pays. Il a expliqué que la question n’aurait pas été posée si la déclaration avait été lue par un État membre de l’Union européenne et non, comme ce fut le cas, par la Délégation observatrice de l’UE.
M. Agyeman a ensuite demandé de capitaliser sur les discussions, recommandations et engagements pris lors des événements de haut niveau qui ont eu lieu pendant la semaine de haut niveau du débat général de l’Assemblée générale. Au cours de ces événements, de nombreux dirigeants africains avaient exprimé les priorités de l’Afrique, ainsi que des efforts pour parvenir à la prospérité et au développement durable malgré la crise actuelle. Dans le contexte de la pandémie, le Groupe des États d’Afrique a souligné la nécessité de supprimer les barrières à l’exportation pour fournir aux pays des produits thérapeutiques et de diagnostic et assurer un accès total aux vaccins contre la COVID-19. Le Groupe a insisté sur la nécessité de faire de ces vaccins un bien public mondial. De même, au milieu de la crise mondiale actuelle, et alors que nous reconnaissons la nécessité de solutions mondiales aux défis mondiaux actuels, il a jugé nécessaire d’élaborer des solutions aux niveaux local et régional qui soient adaptées aux contextes spécifiques.
Alors que nous cherchons à trouver les solutions financières adéquates pour assurer une reprise durable et résiliente après la pandémie de la COVID-19, et alors qu’elle est la moins contributrice aux changements climatiques, l’Afrique reste touchée de manière disproportionnée par ses effets dévastateurs, a rappelé le délégué. En effet, a expliqué M. Agyeman, les impacts des changements climatiques sont une réalité en Afrique, en particulier dans la région du Sahel. Et ces impacts constituent une menace existentielle pour de nombreux pays africains, y compris les PEID de la région. Le Groupe a donc réitéré son appel à une transformation pour mettre en œuvre l’Accord de Paris et se concentrer sur les besoins des pays en développement et des PMA d’Afrique, notamment.
Selon le représentant, le financement du développement reste au cœur des priorités et préoccupations du Groupe. Il a plaidé pour un plan de relance économique efficace qui intègre l’allégement de la dette et les paiements différés. Il a notamment insisté sur la renonciation à tous les paiements d’intérêts sur la dette bilatérale et multilatérale, et l’éventuelle extension des dérogations à moyen terme, afin de fournir un espace budgétaire immédiat et des liquidités aux gouvernements d’Afrique. Il a aussi demandé la réallocation des droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays qui en ont le plus grand besoin. Le Groupe des États d’Afrique a enfin appelé ses partenaires au développement à respecter leurs engagements liés au transfert de technologie et au financement, en particulier l’APD et le financement climatique. Il a aussi réitéré l’importance de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire en tant que canaux de coopération au développement.
M. TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigeria) a déclaré qu’il n’existait pas de solutions faciles pour le travail de la Commission, mais que cette dernière devait être transparente, s’engager à des actions et des investissements à long terme, et développer une coopération internationale plus efficace. Il a misé sur un système commercial universel, fondé sur des règles, ouvert, non discriminatoire et équitable, qui joue un rôle essentiel pour stimuler la croissance économique et le développement. Un commerce juste et équitable est nécessaire pour favoriser un relèvement post-COVID, renforcer la résilience aux chocs futurs et poursuivre des stratégies de développement transformatrices afin d’atteindre les objectifs de développement durable à l’échelle mondiale, a-t-il plaidé.
Notant que la lutte contre les flux financiers illicites, de même que les efforts en vue de la restitution des avoirs acquis de manière illicite pouvaient fournir des ressources immédiates pour financer le développement à l’ère de la COVID-19 et au-delà, le délégué nigérian a invité la communauté internationale à veiller à ce que les acquis du développement ne soient pas érodés par la corruption. En cela, le représentant a salué le rapport du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030. Il a d’ailleurs demandé que les États Membres fassent preuve de volonté politique pour soutenir les recommandations du panel en faveur de réformes systémiques.
RÉUNION VIRTUELLE SUR LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE A/76/64
Déclarations liminaires
M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique, a donné un aperçu du rapport (A/76/375) du Secrétaire général sur la coopération pour le développement des pays à revenu intermédiaire. Malgré les programmes réalisés en matière de développement économique et en matière sociale, ces pays sont confrontés à de nombreuses difficultés en raison de la pandémie et il n’y a eu qu’une reprise partielle au cours des derniers mois, a-t-il rappelé. Il a mentionné notamment la hausse du chômage et des inégalités. Beaucoup de pays à revenu intermédiaire sont aujourd’hui confrontés au piège de leur catégorie et les PEID sont particulièrement vulnérables aux variations climatiques extrêmes, a-t-il souligné.
Le Sous-Secrétaire général a attiré l’attention sur les graves difficultés qu’ont connues les systèmes de santé publics durant la pandémie, notant que l’accès limité au vaccin rend les perspectives d’avenir incertaines. En outre, comme ces pays avaient déjà des difficultés budgétaires et un niveau d’endettement élevé, ils ne sont pas en mesure de fournir les ressources nécessaires au relèvement, a-t-il déploré. Il a jugé intéressant l’indice multidimensionnel de vulnérabilité mentionné par ces pays. Le rapport revient d’ailleurs sur l’élaboration d’un indice de ce type qui permettrait de recenser les priorités pour faire face à ces difficultés.
M. Harris a ajouté que beaucoup de ces pays dépendent de la commercialisation d’un produit ou deux et que les termes des échanges ne sont pas favorables. La dette est insoutenable en raison de la pandémie, les pays à revenu intermédiaire n’ayant pas accès aux mécanismes d’allègement de la dette, a-t-il ajouté. Le Département des affaires économiques et sociales (DESA) réfléchit d’ailleurs à l’assouplissement des critères mais il faudrait, pour ce faire, modifier l’architecture financière internationale.
M. ERNESTO OTTONE, de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a présenté le dernier rapport de l’UNESCO sur la Culture au service du développement. Il s’est réjoui de la contribution de la Culture au développement économique et social et de l’accroissement des investissements dans la Culture par les pays. L’UNESCO veut accroître ses efforts pour adapter le secteur de la Culture au nouvel environnement numérique, a-t-il déclaré. Il a fait valoir que la Culture peut être un secteur productif, un facteur de relance économique ainsi qu’un moteur du développement.
Le représentant de l’Équateur a demandé à M. Ottone comment, alors que la Culture en elle-même n’est pas un ODD, diffuser le concept de Culture au sein de tous les objectifs de développement durable (ODD)?
La Culture est en lien avec l’éducation, les politiques urbaines, les changements climatiques, lui a répondu M. Ottone. La Culture ratisse plus large, et couvre de nombreux domaines qui ont trait au développement durable. Le rôle de l’UNESCO est justement d’aider, de guider les États Membres en ce sens, a-t-il expliqué. « C’est pourquoi l’UNESCO voudrait qu’au sein de chaque ODD figure un point sur la Culture. » La Culture permet de lutter contre les inégalités, contre le racisme et contre énormément de choses ayant trait aux ODD, a assuré M. Ottone.
Mme SHAMIKA SIRIMANNE, du Secrétariat de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a présenté le rapport du Secrétaire général sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre et le suivi des conclusions du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) aux niveaux national et international. Ce document, qui comporte des informations provenant de 29 organisations internationales et d’autres parties prenantes, est le fruit d’une « collaboration massive », a-t-elle salué. Elle a souligné que la pandémie de COVID-19 avait fait de 2020 l’année la plus difficile pour la mise en œuvre de la vision du Sommet mondial et avait rendu le rôle des technologies de l’information et de la communication (TIC) plus prédominant que jamais auparavant en termes de développement durable. Elle a relevé, dans ce contexte, que leur utilisation est devenue la norme dans l’enseignement, le travail à distance et la télémédecine, et que le pourcentage du commerce électronique dans le commerce mondial a grimpé de 14 à 17%. D’autre part, les mégadonnées et l’intelligence artificielle ont amélioré les interventions médicales et l’invention rapide de vaccins, a-t-elle fait remarquer.
D’un autre côté, la pandémie à mis à nu le fossé numérique, la moitié du monde n’ayant toujours pas accès à Internet et les deux-tiers des enfants en âge de scolarisation n’ayant aucune connectivité à la maison. En outre, l’écart perdure entre hommes et femmes. Mme Sirimanne a également indiqué que la CNUCED avait publié son rapport phare sur l’économie numérique pour 2021, qui prévient que faute d’une approche mondiale de la gouvernance des données, l’écart numérique existant sera aggravé par un « fossé des données ». Les flux de données alimentant l’économie numérique seront fortement contrôlés par les méga-plateformes numériques, a-t-elle expliqué.
Déclarations
M. BOUBACAR DIALLO (Guinée), parlant au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), a regretté que, bien que plus de la moitié de la population mondiale soit aujourd’hui « en ligne », il existe des lacunes dans certains pays et des fossés, entre les pays, mais également au sein d’un même pays, entre les zones urbaines et rurales, et entre les différentes catégories de population. Les bandes passantes sont parfois limitées dans certaines zones rurales, et les compétences numériques aussi, a-t-il noté, regrettant que des millions de personnes restent ainsi exclues de la société de l’information. Ainsi, l’accès aux nouvelles technologies représente un véritable défi pour les pays en développement, a rappelé M. Diallo. Pour y faire face, il faut, selon lui, une approche multidimensionnelle, qui nécessite notamment de renforcer les capacités des populations.
M. Diallo a appelé à davantage d’engagement des pays développés et de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pour combler la fracture numérique avec les pays en développement. Il a aussi invité le système des Nations Unies, avec les institutions financières internationales, à élaborer des indicateurs afin de mesurer les progrès dans ce domaine.
M. MAGZHAN ILYASSOV (Kazakhstan), au nom du groupe des pays en développement sans littoral, a exposé des problèmes importants de fracture numérique au sein de son groupe, avec notamment une augmentation de 4% du tarif des abonnements téléphonique en moyenne chez les pays en développement sans littoral, qui souffrent de leur enclavement. Le nombre de femmes ayant accès à Internet est lui aussi très faible, qui plus est en zone rurale, et la COVID-19 a accentué cette différence, alors que ces outils permettaient justement de compenser l’éloignement social. Il faut donc des mesures pour faciliter l’accès des populations à Internet, a plaidé l’orateur.
Le groupe s’est félicité de la séance consacrée aux autoroutes de l’information de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) sur le thème de la réduction des risques de catastrophes. Le groupe souligne qu’il est nécessaire de faire des études semblables pour d’autres groupes, comme celui des pays en développement sans littoral.
Les pays en développement sans littoral demeurent marginalisés dans leur tentative de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a rappelé l’orateur qui a réclamé une plus grande mobilisation pour soutenir leurs efforts d’exportation de biens manufacturés. Le groupe a enfin demandé aux banques de développement de soutenir les pays sans littoral dans leurs efforts de numérisation. Le secteur privé jouant un rôle clef dans ce domaine, M. Ilyassov a demandé une collaboration accrue entre les agences internationales et le secteur privé.
Au nom du Groupe de pays de même sensibilité pour la promotion des pays à revenu intermédiaire, M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) s’est félicité de la tenue d’une rencontre de haut niveau, les 17 juin et 2 juillet 2021, pour faire le bilan des progrès réalisés depuis la première réunion sur les pays à revenu intermédiaire en 2018, afin de partager les expériences nationales, les meilleures pratiques et les actions prioritaires pour les soutenir. Il en est ressorti la nécessité de revoir la perspective du financement pour le développement. L’éligibilité au financement concessionnel par les institutions multilatérales devrait ainsi être élargie aux pays à revenu intermédiaire, a-t-il expliqué, afin de les aider à faire face à leurs vulnérabilités face aux catastrophes climatiques et aux crises humanitaires.
Les pays à revenu intermédiaire représentent 75% de la population mondiale mais seulement un tiers du PIB mondial, a cité le représentant pour donner un aperçu de la situation. Il a indiqué que ces pays ont des structures sociale et économique fragmentées, qu’ils connaissent des inégalités persistantes sur le plan économique et entre hommes et femmes, que leurs systèmes de santé et d’éducation sont inadaptés, et qu’ils manquent d’infrastructure numérique. Il a aussi relevé que ces pays subissent des blocages économiques comme la dépendance aux matières premières, aux importations de nourriture et aux médicaments essentiels. Ces pays, a-t-il encore regretté, souffrent de la prédominance de secteurs à faible productivité, du fardeau de la dette extérieure et d’une marge de manœuvre budgétaire limitée.
Le Groupe s’est inquiété également que la pandémie ait poussé des dizaines de millions de personnes dans la pauvreté, dont 82% se trouvent dans les pays à revenu intermédiaire, pays où les vaccins sont distribués de manière lente et inégale comme dans les pays à faible revenu. Il a salué la recommandation du Secrétaire général de considérer des mesures multidimensionnelles de la pauvreté et du développement, afin d’évaluer de manière plus efficace les besoins et les difficultés spécifiques, en soulignant que l’accès aux technologies modernes est essentiel pour augmenter la productivité, diversifier la production, parvenir à une croissance plus rapide, réduire la pauvreté et renforcer la résilience aux chocs externes.
À cet égard, il s’est félicité de l’élaboration d’un indice de la vulnérabilité multidimensionnelle qui pourrait permettre de modifier les critères d’éligibilité aux financements concessionnels dont la plupart des pays à revenu intermédiaire sont exclus. Il a invité le système des Nations Unies, en consultation avec les institutions financières internationales, à élaborer des mesures transparentes du progrès en matière de développement durable qui aillent au-delà du revenu par habitant.
M. SYED MOHD HASRIN AIDID (Malaisie), qui s’exprimait au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est(ASEAN), a réaffirmé l’engagement de l’ASEAN pour créer une communauté compétitive, innovante et dynamique, ce qui passe par des technologies et un développement vert, ainsi qu’une évolution de la technologie numérique. L’ASEAN s’est déclarée convaincue que les technologies de l’information et des communications (TIC) peuvent être un catalyseur, un amplificateur et un accélérateur dans les efforts de reprise en temps de COVID-19. Le cadre de redressement global de l’ASEAN et son plan de mise en œuvre ont identifié cinq grandes stratégies pour que la région sorte plus résiliente et plus forte de la pandémie de COVID-19. L’un d’eux est l’accélération de la transformation numérique inclusive pour stimuler l’économie, améliorer la société post COVID-19 et atteindre une résilience à long terme, a expliqué le délégué malaysien.
Enfin, l’ASEAN, consciente de la nature transfrontalière et transversale de la cybersécurité, considère le renforcement de la coopération dans ce domaine comme fondamental, en particulier compte tenu de la récente augmentation des attaques et des menaces mondiales en matière de cybersécurité.
La représentante de la Chine a expliqué que son pays combine l’innovation et la volonté de coopération pour garantir la protection de l’environnement et des écosystèmes. La Chine continuera de partager son expérience dans le domaine de la recherche et du développement pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a assuré la déléguée. Elle a expliqué que les technologies de l’information et des communications (TIC), comme l’intelligence artificielle et les métadonnées, sont exploitées par la Chine afin de lutter contre la maladie et accélérer la recherche de vaccins. La Chine a d’ailleurs décidé de faire de son vaccin contre la COVID-19 un bien public, et de garantir sa distribution dans le monde entier, a fait valoir la représentante.
La représentante de l’Inde a fait remarquer que beaucoup reste à faire pour se relever de la pandémie. Depuis le début de celle-ci, la représentante a expliqué que l’Inde a mis en place des mesures en faveur des pauvres et qu’elle a utilisé les technologies de l’information et des communications (TIC) pour livrer de la nourriture à des millions de foyers, favoriser l’inclusion et l’émancipation des femmes ou encore faciliter le traçage des contacts pour lutter contre la COVID-19. Un système numérique dynamique permet de renforcer la productivité mais les TIC posent des risques, notamment pour la vie privée, a-t-elle tempéré.
Les objectifs de développement durable ont pour principe de ne laisser personne pour compte, a rappelé la déléguée en assurant que l’Inde veut veiller à ce que le développement soit inclusif, y compris en réduisant la fracture numérique. La pandémie a exacerbé les inégalités économiques, a-t-elle aussi souligné, en regrettant que cela ait une incidence sur la capacité de certains pays à atteindre les objectifs. Elle a demandé de reconnaître que certains défis doivent être relevés ensemble, comme l’a démontré la pandémie. Pour sa part, l’Inde s’est efforcée de fournir une assistance à 115 pays et a partagé sa production de vaccins, a-t-elle fait valoir.
Le représentant de l’Équateur a estimé que les technologies de l’information et des communications (TIC) sont fondamentales pour parvenir au développement durable. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence leur nécessité mais aussi le fossé qui sépare les habitants des différents pays en matière d’accès, a souligné le représentant, alertant sur l’urgence qu’il y a à réduire ces inégalités.
Pour ce qui est des défis spécifiques aux pays à revenu intermédiaire, le système des Nations Unies doit engager une action pour fournir un appui plus efficace et plus coordonné à ces pays, a plaidé le représentant. Il a aussi plaidé pour des indicateurs multidimensionnels qui aillent au-delà du seul PIB, notamment dans l’accès au financement du développement.
Quant à la culture, c’est un facteur important d’inclusion sociale et une source d’emplois, a concédé le délégué, en relevant que la pandémie avait mis en lumière la vulnérabilité de ce secteur, qui est essentiel également pour le bien-être des populations. Le représentant s’est dit favorable à un soutien financier au secteur dans toutes les mesures de relance après la pandémie.
Mme NURUL FITRAH (Singapour) a fait remarquer que la pandémie avait accéléré les tendances mondiales d’ores et déjà existantes, la numérisation plus particulièrement. Dès lors, ceux qui étaient en mesure de le faire ont adopté le travail et l’apprentissage à distance. Cette transformation rapide vers le numérique à la fois pose de nouveaux défis et offre des opportunités, a-t-elle noté: ceux qui sont en mesure de bénéficier de ces opportunités ont amélioré la croissance, pendant que de nombreux autres ne peuvent s’atteler à l’utilisation des technologies et solutions numériques. Le rapport du Secrétaire général vient donc à point nommé, selon elle, car il tire la sonnette d’alarme sur les six grandes disparités.
Mme Fitrah s’est alarmée qu’au XXIe siècle, la moitié de la population mondiale ne dispose toujours pas d’un accès à Internet. En conséquence, elle a plaidé pour que la transformation numérique devienne une réalité, ce qui requiert de rechercher, ensemble, des solutions durables. L’ONU fournit pour cela une plateforme inclusive pour que les États Membres œuvrent de concert dans un cadre mondial cohérent qui jetterait les fondements de principes communs. La représentante a ensuite recommandé de renforcer l’infrastructure numérique et l’investissement dans la connectivité, ajoutant que les accords sur l’économie numérique signés par Singapour avec plusieurs partenaires avaient facilité les flux du commerce numérique et des données transfrontières, qui sont essentiels pour les liens entre entreprises dans le « nouveau normal ». Elle a donc annoncé que Singapour continuera à appuyer la feuille de route du Secrétaire général pour la coopération numérique et sa proposition de Global Digital Compact.
Le représentant du Mexique a reconnu que la pandémie de COVID-19 a accéléré le changement technologique. Sans les technologies de l’information et des communications (TIC), il n’aurait pas été possible de développer un vaccin contre le COVID-19 en peu de temps, même si le manque d’accès équitable à ce vaccin reste une préoccupation, a pointé l’orateur. Notant que le progrès technologique ouvre de nouvelles voies aux multiples avantages, il a regretté que peu de gens ait la perspective d’en profiter, car 57% de la population mondiale n’a même pas accès à Internet. D’autant que l’adaptation technologique se caractérise aussi par des inégalités de genre, a-t-il ajouté. Le Mexique a d’ailleurs plaidé en faveur d’une plus grande inclusion des femmes et des filles dans des secteurs critiques tels que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.
Pour le Mexique, un moyen important d’atténuer les effets négatifs des nouvelles technologies et d’accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) consiste à générer des « stratégies et des politiques appropriées », avec des « cadres réglementaires éthiques et inclusifs ». Ces stratégies, politiques et cadres doivent aborder des questions telles que le droit à la vie privée, la « cyberintimidation », la liberté d’expression, la désinformation, le racisme, la xénophobie, les discours de haine, la cybercriminalité, le commerce électronique, la cybersécurité ainsi que l’autonomisation en ligne des femmes et des filles, a énuméré le représentant. Les mêmes droits que ceux dont jouissent les personnes hors ligne doivent également être protégés en ligne, a insisté le délégué mexicain.
Le représentant d’El Salvador a attiré l’attention sur la situation des pays à économie intermédiaire comme le sien. Il a encouragé à la mise en place de nouveaux indicateurs d’évaluation de la pauvreté qui prenne en considération ces pays. Les technologies de l’information et des communications (TIC) sont fondamentales, car elles aident à adopter de meilleures pratiques, des pratiques optimales, et contribuent à l’élimination de la dette, a fait remarquer le représentant. Il a lancé un appel en vue de l’intensification des mesures de mise en place de technologies favorisant la connectivité. El Salvador a utilisé les TIC pour garantir l’accès à l’éducation, notamment par l’octroi d’ordinateurs portables aux enseignants et aux élèves, a-t-il fait valoir. Il a aussi indiqué que son pays facilite l’accès aux équipements pour les groupes vulnérables.
La représentante du Maroc a reconnu, au nom du Groupe des pays d’Afrique, le potentiel des technologies de l’information et des communications (TIC) pour parvenir au Programme 2030 mais s’est inquiétée du creusement de la fracture numérique entre pays développés et en développement, qui n’a fait que s’aggraver avec la pandémie. Elle a précisé que 28% seulement de la population africaine a accès à Internet. Les besoins sont particulièrement importants à cet égard, l’accès d’ici à 2030 exigeant 230 millions de dollars, a-t-elle prévenu. Le Groupe africain sollicite dès lors un soutien politique et financier pour garantir cet accès et favoriser l’acquisition des produits numériques par les utilisateurs. La représentante du Groupe a appelé à une approche axée sur l’accès aux équipements et aux produits.
Toutes les entraves seraient lourdes pour l’éducation, a-t-elle aussi mis en garde. Pourtant, malgré les difficultés liées à la fracture numérique, les possibilités sont nombreuses pour que l’Afrique, grâce à l’Accord de libre échange sur le continent, puisse utiliser les applications fonctionnelles, notamment dans le domaine commercial. Les entrepreneurs pourront ainsi tirer pleinement partie des possibilités offertes par les TIC sur le marché. Au sujet de la pandémie de COVID-19, la représentante a repris l’expression de l’OMS – « épidémie de la désinformation »- et appuyé la proposition de renforcer la coopération et les partenariats pour que les outils numériques aident à sortir de la pandémie.
M. MAHDI HAJIMOHAMED (République islamique d’Iran) a estimé que les thèmes du débat de cet après-midi revêtent une grande importance en raison de la situation internationale actuelle, le multilatéralisme étant en effet affaibli par « les décisions unilatérales et les mesures irresponsables prises par certains pays ». Il a mis l’accent sur l’énorme potentiel des technologies de l’information et des communications (TIC) pour l’élimination de la pauvreté, l’adaptation aux changements climatiques et l’accélération des progrès dans les domaines de l’éducation et de la santé, entre autres. Les TIC ont en outre aidé à limiter l’impact de la pandémie de COVID-19, bien que les répercussions économiques aient été graves et l’ampleur de l’atténuation inégale.
Reprenant des données figurant dans le rapport du Secrétaire général, le représentant a rappelé qu’on estime que l’économie mondiale aurait chuté de 4% en 2020, aggravant ainsi les inégalités et les défis pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Il a relevé que les personnes qui ne sont pas connectées sont désavantagées par rapport à celles qui le sont, tout en regrettant que le rapport n’explique pas les raisons de l’inégalité existante dans l’accès aux TIC. L’un des principaux facteurs, selon lui, réside dans l’approche unilatérale adoptée par certains pays et par leur recours aux mesures coercitives unilatérales et aux sanctions illégales contre des nations indépendantes, dont l’Iran. Il a appelé la communauté internationale à fermement rejeter ces actes illégaux et à s’employer à leur totale élimination, compte tenu du fait que l’humanité repose chaque fois plus sur les TIC pour la continuité du commerce ainsi que pour l’emploi, l’éducation, les soins de santé et d’autres services vitaux. Le représentant a conclu en demandant des efforts multilatéraux pour mieux orienter le sens de la mondialisation de façon à ce qu’elle devienne plus inclusive, équitable et durable.
Le représentant de l’Arabie saoudite a relevé qu’avec la pandémie, le numérique est un mode que nous vivons en temps réel. Ainsi, pour le délégué de l’Arabie saoudite, la transformation numérique est devenue nécessaire. Ce pays a ainsi accordé une grande importance au secteur numérique et a développé une infrastructure robuste, a déclaré son représentant. Il s’est félicité que cela ait débouché sur une stratégie nationale pour aller dans le sens d’un système digital robuste. Le représentant de l’Arabie saoudite a également souligné qu’un avenir numérique plus inclusif est nécessaire si l’on veut combler le fossé numérique et aider les pays en développement à réaliser leur développement numérique. Enfin, il a réitéré l’importance de la coopération dans le domaine du numérique.
La représentante du Kenya a exprimé sa préoccupation face aux inégalités croissantes, notant que 3,6 milliards de personnes n’ont pas accès à Internet. Une fracture numérique qui a pour conséquence une fracture dans le développement économique. « Nous demandons à toutes les parties de prendre des mesures pour que les avantages des technologies de l’information et des communications (TIC) soient accessibles à tous afin d’exploiter le potentiel du continent africain. » La représentante a noté que la pandémie avait montré l’importance des TIC pour renforcer la résilience contre le virus, en fournissant des plateformes pour l’éducation par exemple.
Evoquant la stratégie nationale du Kenya pour développer les TIC, elle a souligné que le pays prône un accès à Internet pour tous, en favorisant l’installation de la fibre optique. Nous devons renforcer les compétences de la population pour l’utilisation des TIC, a-t-elle ajouté avant de souligner l’importance de garantir une bonne gestion du cyberespace. La représentante a expliqué que le Kenya avait créé un environnement propice à l’innovation, étant devenu un centre régional numérique et technologique. Saluant des progrès évidents, elle a annoncé vouloir continuer à numériser la société et l’économie kenyanes sur le principe de l’équité. Il est clair que l’accès aux TIC est la condition préalable pour la pleine participation à la société, a-t-elle conclu, appelant à ne laisser personne de côté.
Pour le représentant de Cuba, la pandémie a mis en évidence la nécessité d’une solidarité internationale, d’une coopération et d’un véritable multilatéralisme. Après avoir rappelé le rôle central des Nations Unies, il a condamné toutes les mesures coercitives unilatérales qui nuisent aux intérêts nationaux et au multilatéralisme.
Le Programme 2030 suppose le respect des différents points de vue, a continué le représentant, soulignant qu’il faut prendre en considération les particularités de chaque pays. En effet, le fossé qui sépare le Nord du Sud ne cesse de s’approfondir et il est difficile de sortir de chaque catégorie dans laquelle les pays se trouvent. Un nouvel ordre économique international basé sur l’équité et la coopération entre tous les États est fondamental, a-t-il insisté. Il a dès lors regretté que les inégalités actuelles ne permettent pas aux pays en développement d’être souverains et de parvenir à un développement durable digne de ce nom. Pour sa part, et malgré le blocus économique injuste et renforcé auquel il est soumis, Cuba a atteint des jalons en matière économique grâce à la coopération de pays frères.
Mme OUINIBANI KONATE (Burkina Faso) a indiqué que son pays compte saisir les nouvelles possibilités offertes par les technologies de l’information et des communications (TIC) pour faire de l’économie numérique un atout de la transformation structurelle des bases productives de son économie. Pour ce faire, il s’est doté de deux stratégies: la Stratégie nationale de développement de l’économie numérique et la Stratégie nationale de cybersécurité. La première s’articule autour de cinq programmes centrés sur la gouvernance de la stratégie nationale de développement de l’économie numérique; l’environnement de la confiance numérique; les infrastructures de large bande; la transformation numérique de l’administration publique, des secteurs économiques et de la société burkinabé; et le capital humain, l’innovation et l’expertise numérique.
Quant à la Stratégie nationale de cybersécurité (SNCS) 2020–2024, elle ambitionne de garantir un cyberespace sûr qui contribue d’une manière efficace aux objectifs de transformation numérique du Burkina Faso, a poursuivi la représentante. Ses principales orientations sont de: faire de la lutte contre la cybercriminalité et du renforcement des capacités de cybersécurité une priorité; renforcer la coordination entre les différents acteurs du cyberespace et avec les homologues internationaux; respecter les droits fondamentaux des personnes; mettre en œuvre des mesures appropriées et proportionnées aux menaces; mobiliser, fédérer et engager les différents acteurs privés du cyberespace et de la société civile autour des actions prévues dans la SNCS en vue de lutter contre la cybercriminalité. Mme Knoté a toutefois prévenu qu’à l’entame de la décennie d’action, les sources traditionnelles de financement ne suffiront pas pour répondre aux vastes chantiers du développement durable, ce qui incite le Burkina Faso à optimiser la mobilisation des ressources en exploitant l’ensemble des ressources disponibles, notamment celles émanant des autres instruments innovants, faiblement exploités, comme le financement participatif, les contributions volontaires, les ressources de la diaspora, ainsi que les financements verts et climatiques.
La représentante du Népal a relevé une grande asymétrie dans le partage des avantages de la mondialisation. Poursuivant, elle a déclaré que les technologies de l’information et de la communication (TIC) doivent être au cœur des stratégies de développement. En effet, elles se sont déjà révélées utiles dans le cadre de la pandémie, par exemple dans la réalisation du suivi sanitaire ou encore dans le cadre de l’emploi et de l’éducation à distance, a illustré la représentante népalaise. Mais il y a encore beaucoup à faire, a annoncé la représentante, qui a appelé à un soutien de la part des partenaires au développement.