En cours au Siège de l'ONU

Soixante-seizième session,
20e séance plénière – matin
AG/12374

Assemblée générale: le Président du Mécanisme résiduel des Tribunaux pénaux internationaux fait état d’« avancées spectaculaires »

Le juge Carmel Agius a parlé, aujourd’hui, à l’Assemblée générale des « avancées spectaculaires » qu’a pu enregistrer, cette année, le Mécanisme résiduel des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR).  Le Président du Mécanisme a toutefois continué de dénoncer le manque de coopération persistant de certains, dont la Serbie.  

Malgré de nombreuses difficultés, le Président s’est enorgueilli de l’arrêt dans l’affaire Mladić le 8 juin, du jugement dans le cadre du nouveau procès de Jovica Stanišić et Franko Simatović le 30 juin, et du jugement dans l’affaire d’outrage mettant en cause notamment Anselme Nzabonimpa le 25 juin.  Le juge a également rappelé que la procédure dans l’affaire Stanišić et Simatović est passée au stade de l’appel, et que dans l’affaire concernant Félicien Kabuga, les préparatifs dans le cadre de la mise en état ont bien avancé.  Il a prévenu que l’état de santé de l’accusé pourrait avoir une incidence sur l’ouverture du procès.  Ni sa situation sanitaire ni sa situation médicale, a tranché la République-Unie de Tanzanie, ne suffisent à justifier son maintien à La Haye.  Arusha, a-t-elle fait valoir, dispose d’un centre de détention pleinement équipé et capable de prendre en charge M. Kabuga, « qui était en fuite depuis plus de 20 ans ». 

Avec la République-Unie de Tanzanie, toutes les délégations se sont félicitées des « avancées spectaculaires » du Mécanisme, à l’exception de la Fédération de Russie.  Parlant d’un organisme judiciaire « qui a hérité des défaillances du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie », cette dernière a rejeté l’idée d’un jugement « historique » dans les affaires Jovica Stanišić et Franko Simatović.  Pour nous, a avoué la Fédération de Russie, ce jugement sape la crédibilité du Mécanisme et prouve sa « partialité ».  Quand elle est « politisée », a-t-elle tranché, la justice transitionnelle ne contribue en rien à la stabilisation.  

Malheureusement, a encore indiqué le Président du Mécanisme, les progrès dans l’affaire d’outrage concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta n’ont pas été aussi prometteurs.  Il a rappelé avoir signalé au Conseil de sécurité que la Serbie avait manqué à ses obligations internationales de procéder à l’arrestation des accusés et d’assurer leur transfèrement au Mécanisme.  C’est la troisième fois que le manquement de la Serbie était signalé au Conseil, après ses plus de six ans d’inaction, a tonné M. Carmel Agius.   

« Notre coopération est fructueuse et reconnue », a rétorqué la Serbie qui a dit ne pas comprendre pourquoi le Mécanisme resterait saisi de l’affaire d’outrage Jojic-Radeta, alors que son pouvoir judiciaire est prêt à la juger, sous supervision et dans le respect des principes du procès équitable.  La Serbie a jugé « sans fondement » la position du juge Agius selon laquelle, dans les circonstances actuelles, seul un procès mené par le Mécanisme peut « améliorer la justice dans la région de l’ex-Yougoslavie ».  Il faut espérer, a commenté la Fédération de Russie, que maintenant qu’il arrive au dernier stade de ses travaux, le Mécanisme ne cherchera pas à rester en vie, en invoquant des affaires d’outrage « artificielles ». 

Précisément, à propos des affaires renvoyées aux juridictions nationales, le Président du Mécanisme a salué les progrès dans les affaires Jean Uwinkindi et Bernard Munyagishari dont se sont saisies les autorités rwandaises.  Pour ce qui est du problème, toujours non réglé, de la réinstallation des neuf personnes acquittées ou libérées, se trouvant en résidence sécurisée à Arusha, il a dit attendre une évolution positive au cours des prochains mois, ce qui n’a pas empêché la République-Unie de Tanzanie d’insister sur la « lourde » responsabilité que constitue cette situation et d’exhorter les États à trouver une solution durable à ce problème « qui perdure depuis 17 ans ».  Pourquoi, s’est impatienté, à son tour, le Rwanda, ces neuf Rwandais, acquittés et libres de revenir au Rwanda et ou d’aller ailleurs, doivent-ils rester à la charge de la division d’Arusha et de la communauté internationale?    

Les États-Unis ont profité du débat pour rappeler leur prime de 5 millions de dollars à quiconque apportera des informations conduisant à l’arrestation des fugitifs rwandais qui doivent encore répondre de leurs actes devant la justice.  Le Zimbabwe a promis sa pleine coopération, après que le Rwanda a prévenu: refuser de coopérer et d’exécuter les mandats d’arrêt du Mécanisme, c’est soutenir activement les fugitifs qui peuvent ainsi se soustraire à la justice.  

L’Assemblée générale a prévu une autre séance publique lundi 25 octobre à partir de 10 heures pour se prononcer sur un projet de résolution relatif à l’espace comme moteur du développement durable.  

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (A/76/248) 

Présentant son neuvième rapport annuel (A/76/248), M. CARMEL AGIUS, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR), a rappelé que l’objectif ultime de la justice pénale internationale est de susciter une certaine forme d’espoir chez les victimes, les survivants et leurs proches.  Mais, a—t-il ajouter, il s’agit aussi de donner l’espoir que l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus odieux aura un effet dissuasif.  Le juge a salué, malgré la pandémie de COVID-19, les nombreux progrès réalisés dans la mise en œuvre du mandat « unique » du Mécanisme, dont le respect des obligations à l’égard des accusés, des condamnés, des victimes et des témoins, et de la communauté internationale, dans son ensemble.

Je ne dirais pas que la tâche a été facile, loin de là, a reconnu M. Agius, évoquant le décès du juge Gustave Gberdao Kam, « un éminent juriste et homme de principes qui a servi l’ONU, l’Union africaine et son pays, le Burkina Faso, de façon exemplaire ».  Mais en dépit des nombreuses difficultés, le Mécanisme a réalisé une avancée spectaculaire: deux jugements et un arrêt majeurs ont été prononcés pendant la première moitié de l’année, sans porter atteinte aux droits des accusés ou à la santé et la sécurité des personnes qui ont pris part aux procédures.

Il s’agit, a précisé le juge, de l’arrêt dans l’affaire Mladić le 8 juin, le jugement dans le cadre du nouveau procès de Jovica Stanišić et Franko Simatović le 30 juin et le jugement dans l’affaire d’outrage mettant en cause notamment Anselme Nzabonimpa le 25 juin.  Le juge a également rappelé que la procédure dans l’affaire Stanišić et Simatović est passée au stade de l’appel, cinq juges ayant été nommés.  Par ailleurs, dans l’affaire concernant Félicien Kabuga, les préparatifs dans le cadre de la mise en état ont bien avancé, a relevé M. Agius, soulignant cependant que l’état de santé de l’accusé pourrait avoir une incidence sur l’ouverture du procès.

Malheureusement, les progrès dans l’affaire d’outrage concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta n’ont pas été aussi prometteurs que dans d’autres affaires portées devant le Mécanisme, a regretté M. Agius.  Il a rappelé avoir signalé au Conseil de sécurité que la Serbie avait manqué à ses obligations internationales de procéder à l’arrestation des accusés et d’assurer leur transfèrement au Mécanisme.  C’est la troisième fois que le manquement de la Serbie était signalé au Conseil, après ses plus de six ans d’inaction.  M. Agius a donc appelé la Serbie à se conformer aux décisions du Mécanisme et aux obligations internationales qui lui incombent.

Nous continuons de jouer un rôle actif dans le contrôle de l’exécution des peines prononcées par le TPIR et le TPIY, a ensuite fait remarquer M. Agius, rappelant que si l’exécution des peines au quotidien s’effectue principalement sous le régime du droit interne des États en charge, elle est toutefois soumise au contrôle du Mécanisme.  Cela signifie que les personnes condamnées peuvent adresser directement au mécanisme des plaintes concernant les conditions de détention, ce qu’elles font du reste.  En outre, afin de veiller à une égalité de traitement, les demandes de grâce, de commutation de peine ou de libération anticipée qu’elles présentent sont tranchées conformément au cadre juridique du Mécanisme.

Évoquant la vulnérabilité particulière de la population carcérale pendant la pandémie de COVID-19, M. Agius a souligné avoir continué à surveiller de près la situation « de nos condamnés », y compris en demandant aux États de communiquer des informations actualisées.  De plus, a-t-il ajouté, « j’ai continué de désigner les États dans lesquels les condamnés doivent purger leur peine ».  Le Mécanisme a été en mesure de transférer deux personnes dans les pays où elles purgeront leur peine et travaille sans relâche pour identifier les États qui conviendraient le mieux pour se charger de l’exécution de la peine de deux autres condamnés actuellement détenus à la Haye.

Quant aux affaires renvoyées devant les autorités nationales, le juge a salué les progrès, en précisant que deux arrêts ont été rendus dans des affaires renvoyées devant les autorités rwandaises, à savoir l’affaire Jean Uwinkindi et l’affaire Bernard Munyagishari.  Pour ce qui du problème, toujours non réglé, de la réinstallation des neuf personnes acquittées ou libérées, se trouvant toujours en résidence sécurisée à Arusha, le juge a assuré attendre une évolution positive au cours des prochains mois. 

Le mois dernier, le Mécanisme a tenu sa toute première « plénière virtuelle » des juges, a ensuite souligné le juge qui a salué « un véritable exploit » sur le plan logistique, étant donné que les 25 juges se trouvaient dans 21 pays différents.  La plénière a été l’occasion d’accueillir la juge Fatimata Sanou Touré, du Burkina Faso, nommée par le Secrétaire général le 12 août 2021.

Nous sommes conscients du fait qu’il est toujours possible d’apporter des améliorations dans l’accomplissement de notre mandat, a reconnu le juge, prévenant que les fonds dont le Mécanisme dispose sont limité.  Il s’est félicité de l’évaluation que vient de lancer le Bureau des services de contrôle interne.  Pour conclure, le juge a rappelé que le Secrétaire général vient de rappeler que les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international restent intemporels et universels.  Ils constituent les fondements « indispensables » à l’avènement d’un monde plus pacifique et plus juste.  Le rôle que joue le Mécanisme pour renforcer ces fondements est « pour moi une source d’inspiration », a confié le Juge.  Mais nous ne pouvons pas y parvenir seuls, a-t-il souligné, sollicitant le ferme soutien de tous les États Membres.

Déclarations

Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), Mme BEATRICE MAILLE (Canada) a réitéré son soutien « inébranlable » au travail important qu’accomplit le Mécanisme résiduel qui a contribué pour beaucoup à mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves, malgré les complications dues à la pandémie de COVID-19.

Dix ans après l’arrestation de Ratko Mladić, le Mécanisme a été en mesure de rendre une décision finale dans le procès d’appel de l’un des criminels de guerre les plus notoires de l’histoire moderne, a rappelé la représentante, en soulignant que ce jugement « historique » témoigne du rôle déterminant que joue le Mécanisme pour veiller à ce que les responsables de crimes atroces répondent de leurs actes.  Elle a également souligné l’importance de protéger l’intégrité des procédures et de faire en sorte que tout obstacle aux témoignages ou tout autre outrage à la cour soit sanctionné comme il se doit.

Le Mécanisme ne peut remplir son mandat sans le soutien, la coopération proactive et la mobilisation de tous les États Membres, a rappelé la représentante.  Elle a donc salué le fait que la Serbie vienne de se prononcer en faveur d’une plus grande coopération régionale dans la poursuite des criminels de guerre.  Nous exhortons aussi les États concernés à renforcer leur coopération pour obtenir l’arrestation et le transfèrement des six fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a conclu la représentante.

Mme SIMONA POPAN, délégation de l’Union européenne, s’est réjouie des trois grandes décisions prises par le Mécanisme cette année.  Si ces jugements n’apaisent pas le chagrin, nous espérons qu’ils apporteront au moins un semblant de réconfort aux victimes et à leurs familles, a-t-elle dit.  Elle a rappelé l’obligation des États de coopérer avec le Mécanisme, tout échec ne faisant qu’entraver une administration efficace de la justice.  Elle a souligné la notification du Président du Mécanisme au Conseil de sécurité en ce qui concerne les affaires Jojić et Radeta.

Il est crucial, a martelé la représentante, que les fugitifs recherchés par le Mécanisme soient présentés à la justice car la mort de responsables présumés d’atrocités ne saurait être considérée comme une justice rendue aux victimes.  Les États concernés doivent apporter des éléments de preuve « substantiels » lorsqu’ils font état de la mort d’un responsable présumé.  Enfin, la déléguée a dénoncé la négation du génocide, la glorification de criminels de guerre et les tentatives de réécrire l’histoire.  L’Union européenne, a-t-elle dit, continue de travailler avec le Mécanisme pour sensibiliser les jeunes générations et les communautés affectées à ces enjeux.

M. KENNEDY GODFREY GASTORN (République-Unie de Tanzanie) a appelé les États à contribuer à la recherche, la localisation et l’arrestation de tous les fugitifs mis en accusation par l’ancien TPIR.  Il a ensuite estimé que ni la situation sanitaire de Félicien Kabuga, ni sa situation médicale ne suffisent à justifier son maintien à La Haye.  Arusha, a-t-il rappelé, dispose d’un centre de détention pleinement équipé et capable de prendre en charge M. Kabuga, qui était en fuite depuis plus de 20 ans.  Sa présence à La Haye, s’est impatienté le représentant, était censée être temporaire, et il est temps que le Mécanisme veille à son transfèrement immédiat à Arusha afin qu’il puisse y être jugé. 

Le représentant a fait observer qu’il y a, à ce jour, neuf personnes acquittées ou remises en liberté qui continuent toujours leur réinstallation.  C’est une « lourde » responsabilité pour le Mécanisme et la République-Unie de Tanzanie, a-t-il rappelé, exhortant les États à trouver une solution durable à ce problème qui perdure depuis 17 ans.  Concluant sur le budget du Mécanisme il a promis que la République-Unie de Tanzanie examinera avec soin la question à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et fera tout pour que soient satisfaits les besoins de la division d’Arusha. 

M. FRANCIS WINSTON CHANGARA (Zimbabwe) a indiqué que son pays a pris des mesures concrètes et positives pour la localisation du fugitif Protais Mpiranya, dont la mise en place d’une équipe spéciale pour aider l’équipe d’enquête du Bureau du Procureur du Mécanisme.  En 2019, le Procureur a tenu des réunions avec les deux Vice-Présidents zimbabwéens qui lui ont exprimé la volonté politique d’enquêter, d’appréhender et de transférer M. Mpiranya ou tout autre fugitif recherché par le Mécanisme.  Le Bureau du Procureur est revenu au Zimbabwe en juillet et septembre 2021, et devrait effectuer une autre visite au mois de novembre.  Comme d’habitude, a affirmé le représentant, nous offrirons l’assistance nécessaire au Procureur.  Comme toujours, nous sommes prêts à recevoir l’équipe d’enquête, conformément à nos obligations internationales et au mandat du Mécanisme, a-t-il insisté.

Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda) a jugé essentielle la coopération des États avec le Mécanisme afin que ce dernier puisse satisfaire les attentes placées en lui.  Tous les responsables d’atrocités doivent être traduits en justice et, en conséquence, tous les fugitifs, arrêtés.  La principale difficulté dans l’appréhension desdits fugitifs, a martelé la représentante, c’est le manque de coopération de certains États.  Elle a rappelé que son pays a transmis plus de 1 000 actes d’accusation à des pays dans le monde entier en vue de l’appréhension ou du transfèrement des suspects mais « rares sont les pays qui y ont donné suite ».  Refuser de coopérer, c’est soutenir activement les fugitifs qui peuvent ainsi se soustraire à la justice.

La représentante a aussi soulevé la question, toujours non réglée, de la réinstallation des personnes acquittées.  Elle a affirmé que les neuf Rwandais acquittés sont libres de revenir au Rwanda et d’y vivre, mais ils ont aussi le droit de vivre dans un autre pays et de demander l’asile.  Nous ne comprenons pas, s’est impatientée la représentante, pourquoi ces neuf individus, qui sont libres, doivent rester à la charge de la division d’Arusha et de la communauté internationale.  Elle a conclu, en dénonçant la négation du génocide et en rappelant l’Assemblée générale à son « devoir moral » de dénoncer la négation ou la minimisation du génocide commis contre les Tutsis.

M. SIM FARAR (États-Unis) a rappelé que son pays offre 5 millions de dollars à quiconque apportera des informations conduisant à l’arrestation des fugitifs rwandais qui doivent répondre de leurs actes devant la justice.  Nous exhortons, a martelé le représentant, tous les États à coopérer avec le Mécanisme.  Il s’est d’ailleurs dit inquiet du manque de coopération de la Serbie, s’agissant de l’exécution des mandats d’arrêt.  Il est important d’assurer la primauté du droit et la Serbie a pour obligation juridique de coopérer avec le Mécanisme.  Tant que certains continueront de nier les génocides commis, ils compromettront la prévention de tels crimes, a conclu le représentant.

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) a rappelé, à son tour, les trois grandes décisions prises par le Mécanisme cette année, se réjouissant que ce dernier continue de montrer que l’impunité ne l’emportera pas.  Il a exprimé « la fierté » de son pays de soutenir le Mécanisme, en ayant accepté que Radovan Karadžić purge sa peine d’emprisonnement à perpétuité dans une prison britannique.  Le délégué a dénoncé l’insuffisance de la coopération judiciaire dans les Balkans occidentaux, en qualifiant de « sérieux » le renvoi de la Serbie devant le Conseil de sécurité pour la troisième fois, en raison de son « incapacité » d’arrêter et de transférer Petar Jojić et Vjerica Radeta.  Il a aussi dénoncé la glorification en cours de criminels de guerre qui sape les efforts de réconciliation.  M. Hollis n’a pas oublié d’exprimer son « admiration » devant le travail abattu par le Mécanisme, ces 12 derniers mois, malgré les contraintes.

Mme SANDRA PEJIC-GLYMPH (Serbie) a souligné le caractère « positif » de la coopération de son pays avec le Mécanisme résiduel, prouvant l’attachement à honorer les obligations internationales.  « Notre coopération avec le Mécanisme est fructueuse et reconnue », a insisté la représentante.  S’agissant des demandes d’extradition ou des nouvelles enquêtes sur des individus condamnés par le TPIY ou le Mécanisme lui-même, la représentante a conseillé à ce dernier de ne pas se livrer à une violation de la règle non bis in idem et rejuger des condamnés, en particulier dans le territoire du Kosovo et Metohija, sous l’administration provisoire des Nations Unies.

Quant aux conditions de la libération anticipée de certains condamnés, « lesquelles ont beaucoup changé ces dernières années », la représentante a estimé que la pratique actuelle du Mécanisme est contraire à ce qui se faisait auparavant mais aussi au cadre juridique de ces 20 dernières années.  Elle a en effet insisté sur le principe selon lequel tous les condamnés qui sont dans une situation similaire doivent être traités de la même façon.  Ce principe, a-t-elle affirmé, fondait les décisions de tous les anciens Présidents du TPIY ou du Mécanisme.  Nous ne voyons donc pas pourquoi le Président actuel a modifié les conditions de la libération anticipée, a martelé la représentante. 

Poursuivant sur l’affaire d’outrage Jojic-Radeta, elle a rappelé qu’en vertu de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité, le premier objectif du Mécanisme est de terminer son travail rapidement et de transférer les affaires aux juridictions nationales.  Quand un tribunal national est prêt à se saisir d’une affaire criminelle, sous la supervision du Mécanisme et dans le respect des principes du procès équitable, nous ne voyons pas pourquoi le Mécanisme devrait rester saisi.  L’objectif de la résolution 1966 est de limiter la compétence du Mécanisme au strict nécessaire pour que les autres affaires puissent être renvoyées aux juridictions nationales, a encore martelé la représentante.

Elle a jugé « sans fondement » la position du juge Agius selon laquelle, dans les circonstances actuelles, seul un procès mené par le Mécanisme peut « améliorer la justice dans la région de l’ex-Yougoslavie ».  La Serbie, a souligné la représentante, prend très au sérieux son obligation de coopérer avec le Mécanisme et a exprimé sa disposition à juger l’affaire Jojic-Radeta, sans oublier de présenter toutes les garanties nécessaires.  En outre, a encore plaidé la représentante, la Serbie reconnaît et accepte « totalement » l’obligation du Mécanisme de surveiller les procès menés par les juridictions nationales, avec l’aide des organisations régionales et internationales.

Le Mécanisme ne cesse de se vanter sur la manière dont il a réussi à poursuivre son travail pendant la pandémie, s’est étonné M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie).  Ce n’est pourtant pas le seul organe qui a dû s’adapter à la réalité imposée par la pandémie de COVID-19, a-t-il fait observer.  Le Mécanisme, a-t-il estimé, n’était pas particulièrement efficace avant la pandémie, comme en atteste la « lenteur » de ses travaux.  Aujourd’hui, s’est encore étonné le représentant, il impute cette « lenteur » à la pandémie, alors que la principale cause, c’est l’absence de planification judiciaire.  Le Mécanisme, a-t-il rappelé, a succédé au (TPIY) qui avait perdu beaucoup de sa crédibilité, en refusant d’enquêter sur les crimes commis par l’OTAN en ex-Yougoslavie et en présentant les Serbes comme les seuls responsables de la guerre.  Or, nous voyons aujourd’hui que le Mécanisme a hérité des « défaillances » du TPIY.

Nous ne sommes pas d’accord, a poursuivi le représentant, avec l’idée qu’un jugement « historique » a été prononcé dans les affaires Jovica Stanišić et Franko Simatović.  Pour nous, a-t-il avoué, ce jugement sape la crédibilité du Mécanisme et prouve sa « partialité ».  Nous ferons tout notre possible, a prévenu le représentant, pour que le Conseil ne se livre plus à de telles « expérimentations ».  La justice transitionnelle, quand elle est politisée, ne contribue en aucun cas à la stabilisation.  Il a conclu en espérant que, maintenant qu’il arrive au dernier stade de ses travaux, le Mécanisme ne cherchera à rester en vie en invoquant des affaires d’outrage « artificielles ».

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a insisté sur le caractère « essentiel » de la coopération et lancé un appel à tous les États pour qu’ils collaborent au mieux avec le Mécanisme pour localiser, arrêter et transférer les fugitifs.  La reconstruction du tissu social n’est possible que si l’impunité ne règne plus, a souligné le représentant.  Il a jugé encore plus préoccupant que certains continuent de nier les crimes qui ont été commis.  Nous ne pouvons pas faiblir, a-t-il pressé, car il est de notre « devoir moral » d’assurer l’établissement des responsabilités, au nom des victimes.

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