Soixante-seizième session
5e & 8e séances – matin & après-midi
AG/12365

Dans une déclaration politique, l’Assemblée générale réaffirme son engagement à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban

À l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, l’Assemblée générale a réaffirmé aujourd’hui, que l’ensemble des documents adoptés dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et de son suivi « offrent aux Nations Unies un dispositif général et détaillé sur lequel fonder solidement la lutte » contre ces fléaux.  Les États Membres ont également réaffirmé leur « engagement à les mettre en œuvre pleinement et effectivement ».

Intitulée « Unis contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », la déclaration politique, qui a été adoptée sans vote lors d’une réunion commémorative de haut niveau, réaffirme notamment que les fléaux cités « vont à l’encontre des buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, et que l’égalité et la non-discrimination sont des principes fondamentaux du droit international ».

Le texte « reconnaît et regrette profondément » les souffrances provoquées du fait de l’esclavage, de la traite des esclaves, de la traite transatlantique des esclaves, du colonialisme, de l’apartheid, des génocides et des tragédies passées.  Il se félicite des progrès réalisés depuis 2001, saluant en particulier la récente création de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine, mais note que le racisme et l’intolérance persistent partout.  Il constate en outre avec une profonde inquiétude la montée de la discrimination, de la stigmatisation et des discours de haine.

À l’ouverture de cette réunion de haut niveau, le Président de l’Assemblée générale, M. Abdulla Shahid, a estimé que, si les objectifs de Durban n’avaient toujours pas été atteints, cela ne signifiait pas l’échec de la Déclaration mais plutôt que « nous n’en avons pas fait assez pour nous attaquer à l’omniprésence du racisme ».

À l’heure de la pandémie de COVID-19, la déclaration politique note en outre « avec préoccupation » que celle-ci a « creusé de manière disproportionnée les inégalités qui existaient déjà dans nos sociétés ».  Elle regrette que, dans ce contexte, les personnes appartenant à des minorités raciales et ethniques ou à d’autres groupes, « notamment les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique, en particulier les femmes et les filles », aient été victimes de violence raciste, de menaces de violence, de discrimination et de stigmatisation.

Dans son allocution, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, avait dénoncé le fait que, dans certains groupes marginalisés, les taux de mortalité étaient trois fois plus élevés que la moyenne, ajoutant que la pandémie fournissait « la preuve accablante que nous sommes bien loin d’avoir corrigé les erreurs du passé ».  Au nom du Groupe des États d’Afrique et de la Communauté des Caraïbes, le Président de la République démocratique du Congo a quant à lui rappelé que les PMA et les PEID n’avaient encore eu accès qu’à une faible quantité de vaccins.

Au-delà de la pandémie, M. Guterres a appelé à prendre acte ensemble des « crimes d’un passé qui, résonnant jusqu’à ce jour, continue de hanter notre présent ».  Pour « inverser les conséquences de générations d’exclusion et de discrimination », il a demandé que des mesures soient prises, « notamment par le biais de cadres de justice réparatrice ».  

Le thème de la réunion commémorative étant « Réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d’ascendance africaine », la notion de justice réparatrice a été largement évoquée dans les discours, en particulier par les représentants des pays africains et caribéens, mais aussi par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet.  Celle-ci a estimé que les réparations devraient avoir une large assise et inclure des mesures visant à la restitution, la réhabilitation et la satisfaction, ainsi qu’à des garanties de non-répétition.

Dans l’unique explication de vote présentée après l’adoption de la déclaration politique, la représentante de la Jamaïque, qui a parlé de « l’impératif social majeur d’une justice réparatrice », a précisé que la Déclaration et le Programme d’action de Durban prenaient déjà note des excuses présentées, des remords et regrets exprimés et des réparations versées par certains États, tout en incitant les autres à suivre leur exemple.

Comme les pays africains et de la CARICOM, Mme Bachelet a toutefois ajouté que les réparations ne sauraient être uniquement symboliques et exigeraient un capital politique, humain et financier.  En effet, a-t-elle fait observer, les économies de certains pays ont bénéficié de l’esclavage et de l’exploitation, alors que, comme l’a rappelé le Président de l’Afrique du Sud, « des millions de descendants d’Africains qui ont été vendus en esclavage restent piégés dans des vies de sous-développement, de désavantages, de discrimination et de pauvreté ».

L’atmosphère consensuelle de la réunion a été quelque peu troublée par la déclaration d’une représentante de la société civile, Mme Barryl Biekman, qui a dénoncé « l’affaiblissement et la diffamation dont a été la cible la Déclaration au cours des 20 dernières années et qui se sont maintenant intensifiés à l’extrême ».  Elle a notamment déploré qu’aucun haut responsable de l’ONU ne se soit élevé contre « la désinformation et la fausse propagande » qui a précédé l’anniversaire de la Déclaration, provoquant l’absence d’un certain nombre de pays à cette commémoration.  

Lors de l’une des deux tables rondes organisées dans le cadre de l’événement, le Ministre des affaires étrangères du Guatemala a « profondément regretté » que les discours de la Conférence de Durban n’aient « pas reflété correctement l’antisémitisme et par extension l’Holocauste, le crime le plus grave commis du fait de sentiments racistes dans l’histoire de l’humanité ».  Il y a vu un « aspect inachevé » de la Déclaration de Durban, au moment où de graves manifestations d’antisémitisme ont lieu dans le monde.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE POUR LA CÉLÉBRATION DU VINGTIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ADOPTION DE LA DÉCLARATION ET DU PROGRAMME D’ACTION DE DURBAN

Thème: réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d’ascendance africaine

Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban - Décision sur le projet de résolution A/76/L.2

Déclarations d’ouverture

M. ABDULLA SHAHID (Maldives), Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale, a rappelé que lorsque la Déclaration et le Programme d’action de Durban ont été adoptés en 2001, l’accent a été mis sur la lutte contre la discrimination raciale et l’intolérance.  Malheureusement, deux décennies plus tard, cet objectif n’a toujours pas été atteint, a-t-il déploré.  Mais il ne s’agit pas de dire que la Déclaration et le Programme d’action de Durban ont échoué, mais plutôt de reconnaître que « nous n’en avons pas fait assez » pour nous attaquer à l’omniprésence du racisme, de la discrimination raciale, de l’intolérance et de la xénophobie.  Pour M. Shahid, s’attaquer au racisme et à toutes ses formes est une responsabilité morale pour la justice.  « Le racisme engendre la violence, le déplacement et l’inégalité.  Il vit parce que nous le permettons.  Il pénètre la société parce que nous ne reconnaissons pas la diversité », a indiqué le Président de l’Assemblée générale.

Dès lors, a-t-il estimé, le thème « réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d’ascendance africaine » vient à point nommé pour nous rappeler que, dans nos efforts pour nous protéger de la pandémie, il est nécessaire de reconnaître le passé et de s’attaquer au racisme qui sévit dans nos sociétés.  C’est d’ailleurs dans cette optique que sa présidence de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale comprendra « cinq lueurs d’espoir », dont l’une sera spécifiquement axée sur les droits humains et la lutte contre le racisme sous toutes ses formes.

M. Shahid a ensuite relevé que la pandémie mondiale a exacerbé les conditions sous-jacentes et exposé les lignes de faille.  « Il en va de même pour le racisme. »  En effet, a-t-il martelé, nous avons vu, et voyons encore, les personnes marginalisées et vulnérables prendre encore plus de retard.  Beaucoup se sont vu refuser l’égalité d’accès à la santé, à l’éducation et à la sécurité.  Ces faiblesses structurelles préexistantes constituaient déjà un désastre avant la COVID-19, et la pandémie n’a fait qu’aggraver la division et l’injustice.

Il a appelé à reconnaître ces lacunes et rechercher l’égalité raciale.  Il faut également exclure la division et renforcer la capacité d’adaptation de ceux qui ont été laissés pour compte.  Pour que leurs droits puissent se refléter de manière significative et se traduire par des politiques réalisables, ils doivent faire partie de la conversation, a insisté le Président pour qui le moment est venu de tourner la page sur le racisme et l’intolérance.

M. Shahid a également insisté sur l’importance de la reconnaissance du passé, que ce soit dans le cadre d’une apologie formelle ou par d’autres moyens, notant que « l’on ne peut pas surmonter ce qui n’est pas reconnu ».  Il a ensuite encouragé la communauté internationale, les individus, les dirigeants et les parties prenantes à s’engager dans un dialogue approfondi et honnête pour aborder cette question globale.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que la Déclaration originale de Durban se plaçait dans la voie tracée par la Déclaration universelle des droits de l’homme puis la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et qu’elle visait à faire du XXIe siècle un siècle de droits humains et à éradiquer le racisme sous toutes ses formes et manifestations odieuses.  Le vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action offre une occasion importante de réfléchir à notre position et à la direction à prendre.

Or, a constaté M. Guterres, le racisme et la discrimination raciale imprègnent encore les institutions, les structures sociales et la vie quotidienne de chaque société.  Le racisme structurel comme l’injustice systématique continuent de priver de leurs droits humains fondamentaux de multiples personnes qui restent confrontées à la haine, à la stigmatisation, à la discrimination et à la violence.  La xénophobie, la misogynie, les complots haineux, la suprématie blanche et les idéologies néo-nazies se répandent, amplifiés dans les chambres d’écho de la haine.  Et le racisme est souvent le « catalyseur cruel » des violations flagrantes des droits humains comme de leurs transgressions rampantes.

Le Secrétaire général a également jugé indéniables les liens entre le racisme et l’inégalité entre les sexes.  Il a dénoncé une montée inquiétante de l’antisémitisme, « signe avant-coureur à travers l’histoire de la discrimination contre les autres ».  Il a appelé à condamner « sans hésitation ni réserve » le racisme, le sectarisme croissant dont sont victimes les musulmans, les mauvais traitements infligés aux chrétiens minoritaires et d’autres formes d’intolérance.

M. Guterres a toutefois vu se profiler à l’horizon « une lueur d’espoir » grâce à l’apparition d’un mouvement pour la justice et l’égalité raciales « d’une force, d’une portée et d’un impact sans précédent », souvent mené par les femmes et les jeunes.  Il a en outre rappelé les actions menées par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme, ainsi que la création récente par l’Assemblée générale de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine.  Et il a demandé à chaque État Membre de prendre des mesures concrètes pour soutenir ces différentes démarches aux niveaux national et mondial.

Appelant à prendre acte ensemble des « crimes d’un passé qui, résonnant jusqu’à ce jour, continue de hanter notre présent », le Secrétaire général a demandé que soient « inversées les conséquences de générations d’exclusion et de discrimination, notamment par le biais de cadres de justice réparatrice ».

La pandémie de COVID-19 est la preuve accablante que nous sommes bien loin d’avoir corrigé les erreurs du passé, a fait observer M. Guterres, qui a rappelé que, dans certains groupes marginalisés, les taux de mortalité étaient trois fois plus élevés que la moyenne, alors que les femmes issues de groupes minoritaires subissaient une hausse de la violence de genre, étaient plus nombreuses à perdre leur emploi et l’accès à l’éducation et restaient les laissées-pour-compte des mesures de relance budgétaire.

La Déclaration et le Programme d’action de Durban visaient à briser le cercle vicieux dans lequel la discrimination conduit à la privation et la pauvreté aggrave la discrimination, a rappelé le Secrétaire général.

M. Guterres a appelé à reconnaître la diversité comme une richesse et a invité chacun à corriger les déséquilibres de pouvoir enracinés dans la domination coloniale, l’esclavage et l’exploitation qui continuent de ternir notre présent.  Il faut s’unir autour de notre humanité commune, a-t-il insisté.  « Personne ne naît raciste.  Les gens doivent apprendre à haïr », a poursuivi le Secrétaire général en citant Nelson Mandela, qui ajoutait que si les hommes peuvent apprendre à haïr, « on peut leur apprendre à aimer, car l’amour vient plus naturellement au cœur humain que son contraire ».

Dans un message vidéo préenregistré, Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que 20 ans après Durban, les inégalités et les souffrances que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée génèrent, continuent de freiner toutes nos sociétés et de nuire au développement durable et à la cohésion sociale.  Elle a jugé essentiel de dépasser les controverses du passé et de s’unir pour combattre le racisme et les discriminations qui y sont liées.  D’ores et déjà, les mesures prises ont jeté les bases solides d’un véritable changement, s’est-elle réjouie, citant notamment la proclamation de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, la création d’un nouveau mécanisme d’experts pour faire progresser la justice raciale dans l’application des lois et la mise en place de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine.  Elle a également indiqué qu’en juillet, elle avait présenté un programme en quatre points intitulé « Vers un changement transformateur en faveur de la justice et de l’égalité raciales », qui définit les éléments constitutifs d’un progrès tangible et durable.

Alors que des millions de personnes continuent de porter le fardeau des formes passées et contemporaines du racisme et de l’exclusion, Mme Bachelet a jugé important de s’attaquer à leurs conséquences durables, notamment par des formes appropriées de réparations.  Celles-ci, a-t-elle détaillé, doivent avoir une large assise et inclure des mesures visant à la restitution, à la réhabilitation, à la satisfaction et à des garanties de non-répétition.  Il peut aussi s’agir de reconnaissance et d’excuses officielles, de commémoration et de réformes institutionnelles et éducatives.

Ces efforts, a-t-elle poursuivi, doivent cependant aller au-delà du symbolisme et nécessitent un capital politique, humain et financier.  Elle a estimé que ces coûts doivent être considérés en tenant compte de l’enrichissement qu’ont connu de nombreuses économies grâce à l’esclavage et à l’exploitation.  La reconnaissance de cette réalité devrait encourager une véritable réflexion sur des réparations substantielles, a-t-elle ajouté.

Mme Bachelet a également appelé à renforcer et améliorer la coopération internationale pour accroître l’égalité des chances en matière de commerce, de croissance économique et de développement durable.  Il est aussi essentiel, à ses yeux, de promouvoir l’égalité non seulement au sein des pays, mais aussi entre eux pour renforcer la durabilité sociale, économique et environnementale.  Elle a encouragé à un plus grand engagement international sur ces questions de justice réparatrice.  Pour s’attaquer efficacement à la discrimination raciale et à l’inégalité dont sont victimes les personnes d’ascendance africaine, il faut en outre adopter une approche globale avec des stratégies concrètes et des objectifs réalisables et assortis de délais, a-t-elle insisté.

La Haute-Commissaire a également appelé à tenir compte des manifestations multiples et intersectionnelles de la discrimination raciale et intégrer cette reconnaissance dans les lois et les politiques visant à traiter et réparer l’inégalité et le racisme, notamment en intégrant une perspective de genre.

Le programme de lutte contre la discrimination nous concerne et nous appartient tous, sans distinction de race, de couleur, d’ascendance, d’origine ethnique ou nationale, d’affiliation, de religion ou de conviction, a-t-elle insisté.  Elle a appelé à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les objectifs définis à Durban, pour ensuite saluer le courage et la résilience des organisations de la société civile qui luttent contre le racisme.  La mobilisation militante d’aujourd’hui apporte une promesse supplémentaire que la justice raciale peut être réalisée, s’est-elle félicitée.

M. MATAMELA CYRIL RAMAPHOSA, Président de l’Afrique du Sud, dans une déclaration enregistrée, a déclaré que l’esclavage a été l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité et un crime d’une barbarie sans précédent, notant que son héritage persiste dans les Amériques, les Caraïbes, l’Europe, le Moyen-Orient et en Afrique même.  « Des millions de descendants d’Africains qui ont été vendus en esclavage restent piégés dans des vies de sous-développement, de désavantages, de discrimination et de pauvreté », a-t-il ajouté.

Il a appelé l’ONU à mettre la question des réparations pour les victimes de la traite des esclaves à son ordre du jour et a dit soutenir l’adoption de mesures spéciales, « y compris des programmes d’action positive et une aide financière ciblée », en guise de restitution aux communautés dont les ancêtres ont été vendus comme esclaves.  L’Afrique du Sud soutient en outre une représentation croissante des personnes d’ascendance africaine dans les institutions mondiales et aux postes de direction.

Alors que nous nous efforçons de corriger les torts du passé, nous devons combattre le racisme, le sexisme et le chauvinisme national du présent, a ensuite fait observer le Président sud-africain.  Parlant du racisme dirigé « contre les minorités ethniques, les migrants, les réfugiés, la communauté LGBTQI+ et d’autres groupes marginalisés », il a estimé qu’il avait conduit « au déni d’opportunité, à la discrimination institutionnalisée et à la violence ».

Rappelant que la Conférence de Durban avait donné naissance à un programme de lutte contre la discrimination apportant « un nouvel espoir et un changement dans la vie de millions de personnes », M. Ramaphosa a comparé l’unité faite dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 à celle qui doit aboutir au réengagement et à la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Faisant appel à l’énergie et à la bonne volonté de chacun, le Président a conclu en appelant chacun à laisser « l’humanisme être notre guide et la solidarité être notre force la plus forte ».

M. FÉLIX-ANTOINE TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République démocratique du Congo (RDC), au nom du Groupe des États d’Afrique et de la Communauté des Caraïbes, s’est inquiété de la résurgence alarmante de la discrimination raciale à travers le monde, notant que la pandémie de COVID-19 a encore exacerbé cette pratique.  Il a notamment décrié le fait que les PMA et les PEID n’ont accès qu’à une quantité minimale de vaccins contre la COVID-19.  « Des efforts réels sont nécessaires pour garantir la réalisation des buts et objectifs de la Déclaration et du Programme d’action de Durban », a-t-il estimé.

Il s’est dit « toutefois satisfait » des États Membres qui ont mis en œuvre, depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, des mesures législatives et administratives progressistes pour lutter efficacement contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.  Il a notamment félicité, « ceux qui apprécient et respectent le savoir et la contribution des personnes d’ascendance africaine dans leurs sociétés », pour ensuite saluer la création de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine le 2 août 2021, « démonstration de la coopération et de l’engagement des États Membres dans le processus de guérison pour les personnes d’ascendance africaine ».  Il a précisé que cette entité servira aussi bien de mécanisme consultatif que de plateforme pour améliorer la sécurité, la qualité de vie et les moyens de subsistances des personnes d’ascendance africaine.

Poursuivant, M. Tshisekedi Tshilombo a appelé les gouvernements à renforcer la protection contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée en veillant à ce que toutes les personnes aient accès à des recours efficaces et adéquats et jouissent du droit de demander aux tribunaux nationaux compétents des réparations pour tout dommage résultant d’une telle discrimination.  Selon lui, les réparations pour l’esclavage et le colonialisme devraient non seulement comprendre la responsabilité pour les torts historiques, mais aussi l’éradication des « cicatrices » de l’inégalité raciale, de la subordination et de la discrimination qui ont été construites sous l’esclavage, l’apartheid et le colonialisme, ainsi que la remise de dette.

« Tant que subsisteront les séquelles de l’esclavage et du colonialisme, notamment la pauvreté, l’accès inéquitable à l’éducation, au logement et à la justice, l’appel à la justice réparatrice restera une priorité des plus critiques pour les personnes d’ascendance africaine », a-t-il souligné.

M. ABDALLAH Y. AL-MOUALLIMI (Arabie saoudite) qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Asie-Pacifique, a estimé que la déclaration politique qui sera adoptée aujourd’hui reflète les préoccupations communes des États Membres dans le domaine de la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie ainsi que l’intolérance qui y est associée.  Il y a aussi vu le reflet d’un engagement ferme de la communauté internationale à lutter contre ce fléau.  Le texte reconnaît que le racisme est une source de préoccupation internationale et que son éradication requiert des efforts intensifs, a-t-il indiqué.  Le représentant a ensuite déploré que malgré les efforts déployés par la communauté internationale ces 20 dernières années, de nombreuses personnes continuent de souffrir encore du racisme, entre autres.

Aujourd’hui, a-t-il enchaîné, nous sommes rassemblés pour nous rappeler les objectifs de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, revitaliser nos objectifs et nos efforts, réaffirmer l’importance des droits de la personne et accorder une valeur ajoutée aux efforts déployés par la société civile.  Il a également appelé à éviter que le monde en développement ne soit laissé pour compte.

M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES, (Équateur), au nom du Groupe de l’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a déclaré que les États membres de cette région avaient activement participé aux travaux visant à promouvoir les buts et objectifs de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Le GRULAC reconnaît les progrès accomplis mais aussi qu’il reste encore beaucoup à faire, en particulier dans l’intérêt des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine.  À cet égard, une coopération internationale renforcée est nécessaire, a-t-il estimé.

Le représentant a condamné dans les termes les plus énergiques la résurgence actuelle du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée dans de nombreuses régions du monde.  Il y a vu de graves obstacles à la pleine jouissance de tous les droits humains, et un déni de cette vérité évidente que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.  À ses yeux, le dialogue interculturel, la tolérance, l’éducation et le respect de la diversité sont des approches utiles pour lutter contre ces fléaux.

De nombreux pays de la région sont constitués de populations multiethniques, multiculturelles et multilingues, a rappelé le représentant, qui a ajouté que cette diversité faisait leur force.  C’est en encourageant la pleine participation et la contribution de tous nos peuples que le développement durable sera réalisé, a-t-il ajouté.  Et c’est également en luttant contre la montée de la discrimination, des discours de haine, de la stigmatisation, du racisme et de la xénophobie liés à la pandémie de COVID-19 qu’on pourra lutter contre celle-ci.  Le délégué s’est ensuite déclaré convaincu que le processus de Durban peut aboutir à l’éradication de toutes les formes de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.

Mme BARRYL A. BIEKMAN, Coordonnatrice du Groupe chargé du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et des personnes d’ascendance africaine de TIYE International, a déclaré que sa participation, il y a 20 ans, à l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban fut l’un des plus grands événements de sa vie.  Les personnes d’ascendance africaine sont sans doute celles qui apprécient le plus la Déclaration, car notre épreuve a été reconnue en tant que premier groupe de victimes de la traite des esclaves transatlantiques et l’esclavage a été reconnu comme un crime contre l’humanité.

« La vérité est dotée du pouvoir inhérent d’apporter les changements escomptés », a-t-elle affirmé, soulignant que la lutte contre les formes multiples de racisme ne réussira que si nous tenons nos promesses.  Il s’agit, a-t-elle souligné, de défendre et de promouvoir la pleine mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, le document universel le plus fort des programmes des Nations Unies pour réaliser les droits de toutes les victimes du racisme dans une perspective intersectionnelle, notamment en tenant compte de l’afrophobie, la discrimination raciale, et la justice réparatrice et climatique.

Elle a vivement regretté les campagnes négatives visant à discréditer et sous-estimer la Déclaration et le Programme d’action de Durban qui, a-t-elle insisté, ne proclament en aucun cas le racisme, en particulier l’antisémitisme.  Cet affaiblissement structurel de la Déclaration est un coup dur pour tous ceux qui ont fait campagne pour la tenue de la troisième Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.  Sans la Déclaration et le Programme d’action de Durban, nous ne serions pas aussi près que nous le sommes aujourd’hui de disposer, au sein de l’ONU, d’une plateforme mondiale positionnée pour reconnaître les droits non réalisés des Africains et des personnes d’ascendance africaine.

Nous ne pouvons pas rester silencieux face à l’affaiblissement et la diffamation dont a été la cible la Déclaration au cours des 20 dernières années et qui se sont maintenant intensifiés à l’extrême, a lancé l’intervenante.  Mme Biekman a notamment fustigé le fait qu’aucun haut responsable de l’ONU ne se soit prononcé contre la désinformation et la « fausse propagande » qui a précédé l’anniversaire de la Déclaration, provoquant l’absence de différents pays à cette commémoration.  Combien de vies auraient pu être sauvées si les résolutions de l’Assemblée générale sur le programme de communication de la Déclaration avaient été mises en œuvre et que les populations du monde avaient connaissance de son contenu?

L’intervenante a également insisté sur l’importance que revêt l’octroi de réparations.  Il s’agit tout simplement du paiement d’une dette due pour des crimes contre l’humanité qui ont été commis et se sont poursuivis sous différentes formes jusqu’au XXIe siècle.  « Ils nous ont volés.  Ils nous ont vendus.  Ils nous doivent des réparations maintenant! » s’est-elle exclamée.

Mme CATHERINE LABIRAN, fondatrice du Praxis Project et représentante de la jeunesse, a déclaré que ce serait un tort d’affirmer que « nous ne sommes pas épuisés de parler du racisme », notant que cette question n’est pas nouvelle.  « Cet épuisement est ancestral.  Or, j’aimerais tant parler de nos vies, de notre esprit, de toutes les parties de nos vies qui sont négligées lorsque l’on ne parle de nous qu’en tant que Noirs. »  Elle a souligné que le fait de sauver quelqu’un change non seulement une vie mais également une famille et une communauté entière, pour ensuite saluer les actions de l’an dernier et la réponse de la diaspora.  Aucun gouvernement, ni entreprise ne peut prendre à son compte la révolution que nous voyons, a-t-elle affirmé. 

Elle a appelé à penser aux parents et aux grands-parents contraints de rééduquer leurs enfants et petits-enfants en raison de la désinformation qui est propagée dans les écoles et pour éviter qu’ils ne se retrouvent en prison.  « Il faut insister qu’être noir c’est être beau », a-t-elle déclaré.  Elle a également affirmé que la libération ne pourra pas être possible sans la liberté des femmes noires transgenres « qui font avancer leur identité sexuelle et la culture noire ».  

Mme Labiran a ensuite salué les personnes qui mettent en œuvre des réseaux d’aide dans le contexte de la pandémie qui a frappé de plein fouet les communautés noires et latinos.  Il faut bien comprendre comment ces réseaux d’aide mutuelle fonctionnent et permettent aux communautés de se renforcer en dépit des mesures de distanciation sociale, a-t-elle estimé. 

L’intervenante a également attiré l’attention sur le rôle de la créativité qui « nous a permis de penser au racisme au-delà de l’expérience propre ».  « Nous sommes des individus, mais également une collectivité », a-t-elle rappelé avant de saluer le travail des thérapeutes noirs qui gomment le stress du racisme et d’appeler à ne pas perdre de vue tout ce qui est fait pour contrer le racisme et ses conséquences.  Mme Labiran a également appelé à cesser de considérer que les conversations sur les réparations sont exagérées, insistant sur l’importance de la reddition de comptes et la prise de conscience.

Table ronde 1: « Réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d’ascendance africaine – Où en sommes-nous 20 ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban? »

Présidée par la Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, la table ronde a vu se succéder une trentaine d’orateurs, dont neuf chefs d’État, la plupart de ces derniers s’exprimant dans des messages vidéo préenregistrés.

Tous ont rappelé l’actualité de la Déclaration de Durban, à l’exemple du Secrétaire d’État aux affaires étrangères du Portugal, cofacilitateur de la réunion de haut niveau.  Ils ont demandé, à l’image de la Ministre des affaires étrangères du Lesotho, sa pleine mise en œuvre.  Ils ont dénoncé les méfaits du colonialisme et les atrocités de l’esclavage, mais aussi les formes persistantes de discrimination raciale, en mettant l’accent sur les personnes d’ascendance africaine, à l’instar du Ministre des affaires étrangères de l’Algérie qui a insisté sur les effets néfastes de la colonisation en Afrique.

La pandémie de COVID-19 n’est pas restée en dehors du sujet.  Le Président du Zimbabwe a ainsi estimé que le nationalisme vaccinal affiché par certains pays dans le contexte de la lutte contre la pandémie était sous-tendu par des aspects racistes.  La question des vaccins a pour le moins mis en évidence des discriminations, a ajouté la Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie.  Le Président de Cuba a, pour sa part, mentionné les exclusions et les inégalités structurelles de l’ordre économique capitaliste.  Plus généralement, le Président de la Guinée équatoriale ou encore la Ministre des affaires étrangères du Mozambique ont appelé à faire tomber toutes les barrières qui se dressent devant les minorités dans l’accès aux vaccins contre la COVID-19.

L’héritage de la violence coloniale, de l’injustice et des inégalités économiques fondées sur le racisme perdure et pollue l’ordre politique actuel, a également estimé le Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui a rappelé que la Communauté des Caraïbes (CARICOM) s’était faite la championne d’une justice réparatrice, qu’il a présentée comme un impératif moral indiscutable qui s’adresse à l’ensemble des anciennes puissances coloniales.  La Première Ministre de la Barbade a réclamé la tenue d’une réunion avec les anciennes puissances coloniales européennes pour négocier un programme d’annulation de la dette et des transferts de capitaux afin d’apporter aux peuples de la région « un semblant de justice qui n’a que trop tardé ».  Elle a en outre suggéré une coordination Union africaine-CARICOM pour s’entendre sur les types de réparation à mettre en place.  Dans le même sens, le Président du Guyana a exigé des « excuses complètes et inconditionnelles » des responsables et a demandé la tenue d’un sommet international destiné à mettre en place une justice réparatrice pour les victimes de la traite transatlantique des esclaves.

Les droits déniés dans le passé devaient être rétablis, a renchéri le Président du Malawi, pour qui les injustices commises à l’encontre des personnes d’ascendance africaine constituent « un crime trop grand pour être puni ».  Il a donc réclamé un mélange de pardon et de réparations, ces dernières, a-t-il précisé, devant aller au-delà d’une compensation financière et inclure la reconnaissance des injustices commises, des formes de restitution et de réhabilitation, des excuses, des réformes institutionnelles et l’assurance que de telles injustices ne seront pas répétées.

Outre les réparations pour les victimes, le Président des Seychelles a demandé des réformes institutionnelles, estimant qu’elles s’imposent pour réparer des siècles d’exploitation et de discrimination.  Nous avons les outils pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban, a-t-il ajouté.  Toutefois, les réformes institutionnelles à elles seules ne suffisent pas, a ajouté le Président du Kenya, qui a appelé à faire davantage.  Il a aussi, comme d’autres intervenants telle la Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, son homologue du Sénégal ou la Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Angola, présenté certaines mesures prises sur le plan national pour lutter contre la discrimination raciale et promouvoir la réconciliation et la bonne entente entre communautés.  Pour le Conseiller d’État de la Chine, tous les États doivent perfectionner leur cadre de lutte contre le racisme et renforcer un dialogue « respectueux et sans arrogance » entre les différentes cultures afin d’en finir avec le cercle vicieux par lequel le racisme et l’injustice sociale se renforcent mutuellement.  La Vice-Présidente du Costa Rica a surtout appelé à accélérer le mouvement et à passer des discours aux faits en prenant les mesures économiques nécessaires et en adoptant des politiques publiques concrètes et des mesures locales, nationales et internationales.  Le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie a surtout mis en avant le soutien de son pays aux pays africains et à l’application de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

Plusieurs intervenants ont également rappelé que les engagements de Durban avaient été réitérés à différentes occasions, en particulier en Afrique par l’Union africaine, qui a étendu en 2011 l’appel de Durban à de nouvelles formes de racisme.  Toutefois, a fait observer le Ministre des affaires étrangères de Maurice, les Nations Unies restent le point central des efforts de lutte contre le racisme.  C’est pourquoi il s’est félicité de la création, le mois dernier, de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine, dont il a souhaité la rapide mise en pratique.  Tout en appelant les États Membres à démontrer leur leadership et leurs engagements contre toutes les formes de discrimination par l’adoption de lois et l’octroi d’une aide économique et financière ciblée, le Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud a réclamé une revitalisation des institutions multilatérales.  Le Président des Comores a ainsi appelé à un renforcement du rôle du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  De son côté, la Vice-Première Ministre de la Namibie a demandé l’adoption d’une déclaration contraignante des Nations Unies sur la promotion et le plein respect des personnes d’ascendance africaine.

Plusieurs orateurs ont fait observer que le racisme et l’intolérance faisaient florès dans les situations d’instabilité.  Pourtant, a rappelé le Président des Maldives, notre avenir commun dépend de l’acceptation de ceux qui sont différents et notre force repose sur l’unité dans la diversité.  La diversité est une richesse, a également rappelé le Ministre des affaires étrangères de l’Égypte.  En ce sens, le Président de Cuba a, pour sa part, mis en avant le métissage de ses concitoyens, qui forment « un seul peuple afro-latino, caraïbe et métis », constituant un « tronc unique, vigoureux, doté d’une identité propre, ouvert au monde ».  Le représentant du Brésil a également mis l’accent sur la diversité ethnique de son pays.

Certains ont rappelé les risques que les technologies numériques font peser en facilitant la propagation des discours de haine et la propagande raciste, à l’exemple du Premier Ministre des Fidji, qui a insisté sur la responsabilité des grandes plateformes numériques.  Ce dernier a également expliqué que son pays finançait la dénonciation des discours de haine sur ces plateformes, en particulier pour ceux qui sont postés dans des langues vernaculaires, lesquelles échappent souvent à la surveillance exercée directement par les entreprises.  Le représentant de l’Inde s’est lui aussi inquiété des méfaits de la désinformation.

Si la plupart des intervenants ont parlé des populations africaines ou d’ascendance africaine, certains ont décrit la situation difficile d’autres groupes ethniques.  Le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh a ainsi mentionné les exactions commises contre les Rohingya du Myanmar.  Le Ministre de la culture du Pérou a rappelé que c’est la population d’origine autochtone qui, avec 30%, constituait la part la plus importante de la population du pays, ce qui ne l’empêche pas de se trouver largement en situation d’exclusion.  Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Syrie a dénoncé la « désinformation raciste » dont auraient été victimes son pays et sa population.  Le Ministre des affaires étrangères de l’État de Palestine a quant à lui dénoncé le racisme dont est victime son peuple, ainsi que le boycott par certains États de la Conférence de Durban comme de la présente réunion.

Enfin, le Ministre des affaires étrangères du Guatemala a « profondément regretté » que les discours de la Conférence de Durban n’aient pas reflété correctement l’antisémitisme et par extension l’holocauste « le crime le plus grave commis du fait de sentiments racistes dans l’histoire de l’humanité ».  Il existe dans le monde de graves manifestations d’antisémitisme qui méritent notre attention, a-t-il fait observer, en estimant qu’il y avait là un « aspect inachevé » de la Déclaration de Durban.

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a pour sa part attiré l’attention sur le sort des femmes et des filles victimes de racisme, notamment dans le contexte de la pandémie de COVID-19, et a appelé à lutter contre les pratiques néfastes.  Elle s’est également inquiétée du manque de données ventilées.

La Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée est également intervenue, de même que la Directrice exécutive du Congressional Black Caucus Institute.

Table-ronde 2: « Réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d'ascendance africaine - Comment appréhender le passé pour mieux aller de l’avant? »

C’est sous le mot d’ordre de la mobilisation pour l’espoir contenu dans un message vidéo du Président de l’Assemblée générale que la seconde table ronde, présidée par le Ministre des affaires étrangères du Gabon, a entamé ses travaux.  Cette plateforme a permis aux nombreux orateurs, comprenant des représentants des États Membres et un large éventail de parties prenantes, de mettre en lumière les succès et les défis rencontrés dans la lutte contre ce phénomène récurrent et qui est loin d’avoir disparu comme l’a souligné le Ministre d’État des affaires étrangères et de la coopération régionale de l’Ouganda, qui a déploré l’absence de progrès en matière des droits humains, notamment pour les minorités.  Après avoir dressé un état des lieux mitigé depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, les intervenants ont discuté de la manière dont le traitement de la discrimination raciale passée et l’octroi de réparations pourraient contribuer à faire avancer la lutte contre le racisme.

« Nous ne pouvons pas changer le passé mais sommes aptes à forger l’avenir », a reconnu la Belgique.  Alors, abordons ce passé aussi douloureux soit-il pour les uns et honteux pour les autres pour aller de l’avant, a estimé le Ministre des affaires extérieures du Cameroun, soutenu par le Ministre de la coopération et du développent du Burundi qui a appelé à une mobilisation collective pour octroyer une réparation aux victimes.  À ce stade, l’ONU doit jouer son rôle de chef de file, a plaidé pour sa part la Ministre des affaires étrangères et du commerce international de la Jamaïque.  Il s’agit d’une obligation morale pour Haïti qui a saisi cette occasion pour dénoncer les atrocités commises à la frontière américano-mexicaine.  

La Vice-Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a, elle aussi, plaidé pour un programme transformateur incluant les réparations, regrettant l’absence aujourd’hui de plusieurs États qui devraient « être ici et s’excuser ».  Il faut donner justice aux victimes pour bâtir des sociétés basées sur la coexistence et l’harmonie, a souligné le Ministre d’État aux affaires étrangères du Qatar.

Si tous sont d’avis que l’« on ne peut surmonter ce qui n’est pas reconnu », de nombreux intervenants se sont interrogés sur le meilleur moyen d’aborder le passé pour aller de l'avant.  Les clefs de la réparation passent par l’acceptation des méfaits du passé et la garantie qu’un tel état de souffrance humaine ne se reproduira plus à l’avenir, a estimé le Népal appuyé par le Sri Lanka.  Le Niger a, pour sa part, insisté sur l’importance de de la coopération et du partenariat.

Le Vice-Chancelier de la University of the West Indies a proposé des pistes de réflexion, insistant notamment sur l’impératif de déraciner le legs de la colonisation et d’appuyer la légalité et la justice pour tous.  Il a également demandé à l’ONU de poursuivre ses efforts pour créer un contexte permettant à l’humanité de s’élever et s’épanouir aux plans éthiques et du développement.

La situation des peuples autochtones a par ailleurs été abordée par de nombreux États d’Amérique Latine, à l’instar du Ministre des affaires étrangères du Nicaragua qui a indiqué que son pays leur avait restitué des titres de propriétés équivalant à 38 000 kilomètres carrés.  Ces populations ont enrichi nos valeurs et c’est un devoir de premier ordre de leur rendre justice, a renchéri le Venezuela.

Pour pouvoir être considéré comme des égaux, il est essentiel de reconnaître et respecter la culture des peuples autochtones, a insisté à son tour le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bolivie, pour qui l’édification de sociétés plus justes ne peut intervenir que si l’on reconnaît cette souffrance passée.  Le multilatéralisme doit être la base de l’édification d’un avenir meilleur, a souligné la Vice-Ministre des affaires étrangères d’El Salvador, tandis que l’Argentine a partagé certaines des initiatives à l’avant-garde menées dans son pays.

Au cours de cette discussion, plusieurs délégations se sont inquiétées de la recrudescence des formes contemporaines de racisme dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à l’instar de l’Érythrée qui a dénoncé la diffusion de discours de haine en ligne, notant que leur propagation s’était aggravée durant la pandémie.  Le Ministre des affaires étrangères des Philippines a regretté que dans de nombreux pays, les migrants d’ascendances asiatiques ont souffert de disparités dans l’accès aux services économiques et sanitaires, y compris aux vaccins, le responsable philippin y soupçonnant même, « une volonté inavouée - peut-être dans l’espoir que le virus fasse le travail à leur place » pour se « débarrasser de cette population » Selon les estimations de la Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, l’octroi de réparations aurait permis de réduire de 30% l’impact de la pandémie sur certains groupes marginalisés.   

Beaucoup d’intervenants ont également fait part de leur préoccupation face à l’intolérance religieuse, une source de conflit, a admis le Ministre des affaires étrangères de la République islamique d’Iran.  Tançant l’islamophobie, ce dernier a appelé à recenser les principaux obstacles qui empêchent de venir à bout de ce fléau.  Il a également regretté que le monde soit le théâtre de nouvelles discriminations raciales, évoquant le cas de George Floyd, tombé sous la violence policière aux États-Unis.  Le Ministre des affaires étrangères du Pakistan a pour sa part encouragé la création d’une alliance mondiale contre la montée et la propagation des formes contemporaines de racisme, notamment provenant de groupes islamophobes, antisémites et autres groupes nationalistes et racistes violents.

Tout comme l’Irlande et le Japon, la Belgique a rejeté en des termes les plus vigoureux l’antisémitisme, l’occasion également pour le Chili de rappeler les millions de victimes de l'Holocauste et de souligner que de tels événements, qui horrifient l'ensemble de l'humanité, ne doivent pas se reproduire. De son côté, la Malaisie a décrié les graves injustices commises sur les populations palestiniennes par l’occupant israélien.  Le Saint-Siège s’est quant à lui inquiété de la « pratique insidieuse » de l’eugénisme qui se cache souvent derrière les techniques de procréation artificielle et les côtés sombres des diagnostics prénataux.

La Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine est à la peine, a constaté le Conseil latino-américain de sciences sociales (CLACSO) qui a refusé de les poser « uniquement en victime, car nous sommes aussi la solution alternative ».  « L’histoire nous montre qu’il nous a fallu tout le XIXe siècle pour déraciner l’esclavage verbal du monde moderne, tout le XXe siècle pour traduire les promesses de l’émancipation en droits civils et en droits humains.  Et maintenant, ce XXIe siècle culmine dans cette lutte pour la justice », a par ailleurs déclaré le Vice-Chancelier de la University of the West Indies à qui est revenu le mot de la fin.

Segment de clôture

Dans un premier temps, Mme NALEDI PANDOR, Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, et M. PACÔME MOUBELET BOUBEYA, Ministre des affaires étrangères du Gabon, ont présenté un résumé des tables rondes qu’ils ont respectivement présidées.

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, intervenant au nom de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a déclaré que la route vers un monde exempt de racisme est longue et ardue et pour ensuite appeler à la pleine mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  À cette fin, une coopération et une participation renforcées des gouvernements, des autorités locales, des associations de victimes, de la société civile et des institutions nationales des droits humains, entre autres, sont cruciales.

Elle a mis en exergue la nécessité de poursuivre un dialogue constructif sur les réparations, les jugeant essentielles pour transformer les relations de discrimination et d’iniquité et créer un avenir de dignité, d’égalité et de non-discrimination pour tous.  Elle a également appelé à examiner de plus près l’impact du racisme systémique sur des groupes spécifiques, notamment les Africains et les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones, les Asiatiques et les peuples d’origine asiatique.  Il est également impératif de prêter attention aux formes de discrimination croisées et fondées sur l’identité de genre ou encore la religion, a-t-elle ajouté.  Mme Kehris a de même exhorté à examiner les structures de pouvoir et les pratiques institutionnelles existantes et à supprimer les lois, règles et pratiques discriminatoires.  Elle a également parlé des systèmes de justice pénale, soulignant que « le racisme pénètre tous les domaines de la société, y compris la santé, l’éducation, l’emploi, le logement, la sécurité sociale et alimentaire ».

Estimant que la pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’urgence de respecter les engagements de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, la Sous-Secrétaire générale a souhaité que la couverture maladie universelle et les régimes de protection sociale soient étendus à tous et que tous les groupes marginalisés aient un accès égal aux nouvelles technologies de l’information et des communications.  Tout obstacle, à cet égard, pourrait accroître la portée et l’ampleur de la discrimination raciale, a-t-elle averti.  Elle a ensuite insisté sur l’importance d’être à l’écoute des victimes afin d’assurer le respect, la protection et la jouissance de leurs droits.

Le Président de l’Assemblée générale, M. ABDULLA SHAHID, a conclu la célébration du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban en indiquant que les points de vue et les recommandations soulevés aujourd’hui devraient servir de guide pour la construction d’une société inclusive et égalitaire, essentielle pour réaliser l’Agenda 2030.

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