Après un des débats « les plus vivants » de cette session, l’Assemblée adopte une décision sur la poursuite des négociations relatives à la réforme du Conseil de sécurité
Après un des débats « les plus vivants » de cette session, le 16 juin dernier*, l’Assemblée générale a enfin adopté par consensus la décision orale de son Président sur la poursuite, à la prochaine session et en plénière informelle, des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité, « en tirant parti » des réunions de cette session-ci, du document intitulé « Éléments de convergence et de divergence » préparé par les Coprésidentes, et des positions et des propositions des États Membres, contenues dans le « Document-cadre » de 2015.
Le 16 juin, l’Assemblée avait entendu plus de 35 délégations sur les amendements du Brésil, qui au nom du G4 –Allemagne, Brésil, Inde, Japon- voulait ajouter une mention de l’engagement pris les chefs d’État et de gouvernement, dans la Déclaration sur le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, « de donner un nouveau souffle » aux discussions sur la réforme du Conseil de sécurité. Cette réforme porte sur les catégories de membres; la représentation géographique; la relation avec l’Assemblée générale; la taille et les méthodes de travail; et la question du droit de veto, dans le but de rendre le Conseil « plus représentatif, plus démocratique, plus efficace et plus transparent ».
Sur l’engagement des chefs d’État et de gouvernement, le Brésil a été entendu. C’est ce qu’a confirmé, dans son amendement oral, la Coprésidente des négociations intergouvernementales et représentante du Qatar, Mme Alya Ahmed bin Saif Al-Thani. En revanche, la mention de la « Déclaration » elle-même et l’idée, défendues par le Brésil, que l’Assemblée ne se contente pas de « tirer parti » des « Éléments de convergence et de divergence » mais « y fonde » carrément les négociations, ne figurent pas dans la version finale de la décision orale.
L’amendement du Brésil, a jugé la France, était « acceptable et conforme » aux objectifs et aspirations que nous souhaitons atteindre dans le cadre des discussions sur la réforme du Conseil de sécurité. Membre d’« Unis pour le consensus », le Pakistan s’est élevé contre les revendications « iniques » de certains États qui ont voulu exercer « des pressions inutiles ». Il a espéré voir, avec le consensus d’aujourd’hui, le dernier exemple de « la tactique des pressions ».
Surprise que des pays comme le Pakistan et la Chine jugent « controversée » voire « agressive » l’idée du G4 de mettre en avant les « Éléments », l’Allemagne a répété: il nous faut « un texte unique et consolidé » sur lequel négocier. Le consensus, c’est bien mais ce n’est pas un objectif en soi, a-t-elle martelé, en dénonçant aussi la non prise en compte, critiquée par de nombreuses délégations, de l’amendement du Groupe des États d’Afrique consistant à ajouter, dans les « Éléments », aux côtés du consensus d’Ezulwini, la Déclaration de Syrte, pour refléter fidèlement la Position comme africaine sur la réforme du Conseil de sécurité.
Revenant sur les discussions du 16 juin, « un des débats les plus vivants » de cette session, le Président de l’Assemblée générale a dit être conscient de la difficulté de dégager un consensus. Certains, a-t-il dit, se sont étonnés de « mon silence » face aux vives critiques qui m’ont été adressées personnellement, contrairement à la tradition diplomatique. Je m’appelle Volkan, a dit M. Bozkir, c’est à dire « volcan », et dans le monde, il y en a de deux sortes: l’Etna, en éruption permanente mais sans conséquence, et « le plus dangereux », le Vésuve, qui reste silencieux.
Nous nous sommes montrés virulents, s’est par exemple expliquée l’Allemagne, parce que nous étions saisis d’une décision orale élaborée sans consultations avec tous les États Membres, sans une mention de l’engagement des chefs d’État et de gouvernement au soixante-quinzième anniversaire de l’ONU et sans la prise en compte des propositions d’amendement aux « Éléments ». Le débat a mis à jour « la nature obscure » des négociations intergouvernementales, a-t-elle tranché, jugeant bon de les mener désormais en public car nous travaillons pour les gens qui veulent une ONU opérationnelle et reflétant la réalité actuelle. Or, la dernière réforme du Conseil de sécurité a été effectuée dans les années 60, a fait observer l’Allemagne.
Toujours aujourd’hui, l’Assemblée générale a décidé par consensus de reporter la quatrième session de la « Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».** La session, prévue préalablement du 16 au 27 août 2021, est désormais reportée « à une date aussi rapprochée que possible en 2022, préférablement durant le premier semestre de l’année ».
Enfin, l’Assemblée a adopté toujours par consensus la résolution sur la coopération entre l’ONU et le Forum des îles du Pacifique,*** présentée par les Tuvalu, en vertu de laquelle elle encourage le Secrétaire général et les dirigeants du Forum à tenir leur prochaine réunion en septembre 2021, en marge du débat général. L’Assemblée se dit consciente des graves conséquences de la pandémie de COVID-19 pour le développement durable des petits États insulaires en développement, y compris les répercussions profondes et durables de la contraction sans précédent de leurs économies. Elle note avec préoccupation que l’encours de la dette extérieure de ces États a augmenté de 70% depuis 2009, alors que leur capacité de se prémunir contre les chocs exogènes continue de se détériorer.
L’Indonésie s’est dissociée du cinquième alinéa du préambule, réitérant les réserves exprimées lors du quarante-neuvième Forum des Îles du Pacifique. Leur Parlement ayant voté pour leur retrait du Forum, les Îles Marshall ont souligné qu’elles ne sont tenues par aucune des dispositions de la résolution.
L’Assemblée a prévu une autre séance publique demain mercredi 23 juin à partir de 10 heures pour examiner la question de l’embargo imposé à Cuba par les États-Unis.
*AG/12338
**A/75/L.96
***A/75/L.98
QUESTION DE LA REPRÉSENTATION ÉQUITABLE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ ET DE L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE SES MEMBRES ET AUTRES QUESTIONS CONNEXES AYANT TRAIT AU CONSEIL DE SÉCURITÉ - PROJETS DE DÉCISION ORALE ET D’AMENDEMENT ORAL
Le Président de l’Assemblée générale a repris les propos de la lettre qu’il a adressée aux États Membres, le 17 juin dernier. Il a reconnu que dans la « Déclaration faite à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU », les États Membres se sont engagés à « donner un nouveau souffle aux discussions sur la réforme du Conseil de sécurité ». Pour donner suite à cet engagement, a souligné M. Volkan Bozkir, j’ai tout fait pour assurer les conditions nécessaires à un bon fonctionnement des négociations intergouvernementales, malgré les restrictions liées à la pandémie de COVID-19. J’ai donc annoncé, a dit le Président, la nomination des Coprésidentes dès le 30 octobre 2020, donc bien à l’avance par rapport aux sessions précédentes et ce, pour fournir aux États Membres l’occasion de commencer les consultations à temps.
J’ai aussi, a-t-il poursuivi, encouragé les délégations à explorer la possibilité de commencer les négociations intergouvernementales au début de cette année et à accroître le nombre des réunions. Mon objectif, s’est expliqué le Président, était de donner à ces négociations suffisamment de temps et compenser ainsi la réduction du nombre des réunions à la soixante-quatorzième session, en raison de la COVID-19. Les Coprésidentes, Mme Wronecka et Al-Thani, ont parfaitement dirigé le processus cette année et présenté leurs « Éléments de convergence et de divergence », qui ont été distribués aux États Membres, le 12 mai dernier.
Mon Bureau et moi-même, a souligné le Président, avons maintenu le contact avec toutes les délégations et tous les groupes, cette année. Après un autre cycle intensif de consultations avec tous les groupes principaux, une décision sur la reconduction des négociations intergouvernementales a été distribuée le 11 juin 2021. Étant donné qu’il s’agit d’une reconduction « technique », la décision et sa soumission sont conformes à ce qui a été fait lors des sessions précédentes.
Tous les représentants et observateurs permanents ont été conviés à la plénière de l’Assemblée générale, le 16 juin dernier. Deux groupes de pays ont soumis des amendements et plus de 35 délégations ont pris la parole dans ce qui était l’un des débats « les plus vivants » de cette session. Après avoir soigneusement écouté toutes les délégations, il m’est apparu, a avoué le Président, que les États Membres avaient besoin de plus de temps pour se mettre d’accord. J’ai donc suspendu l’examen de la question jusqu’à aujourd’hui. L’Assemblée générale est, a conclu le Président, le seul organe habilité à prendre une décision sur cette question. Celles sur les reconductions ont toujours été adoptées par consensus, a rappelé le Président.
Explications de position sur la décision orale du Président de l’Assemblée générale sur les négociations intergouvernementales relatives à la réforme du Conseil de sécurité
Au nom du G4 –Allemagne, Brésil, Inde, Japon, le Brésil a soutenu l’amendement de la Coprésidente des négociations intergouvernementales et salué le rapprochement des points de vue « au moins sur un point ». Commentant les débats du 16 juin dernier, il a souligné que « l’essence » des Nations Unies est la capacité d’exprimer « librement » sa position, un degré de liberté qu’il a dit ne pas voir dans les négociations intergouvernementales. Une reconduction « technique », a-t-il poursuivi, aurait envoyé un mauvais signal, indiquant que rien de « substantiel » ne se fait dans ces négociations. En présentant nos amendements, s’est expliqué le Brésil, nous ne cherchions ni à gagner ni à perdre mais à lancer une réflexion de fond sur l’avenir de nos travaux relatifs à la réforme du Conseil de sécurité.
Au nom du Groupe L.69, Saint-Vincent-et-les Grenadines a répété que la mention de la « Déclaration du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU » méritait d’être retenue dans la décision. Il a salué « la souplesse » du G4 et réitéré comme le Brésil, son appui à la Position commune africaine telle que contenue dans le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte, sur laquelle la Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique, a insisté. Au nom du Groupe des États arabes, le Koweït a tenu à saluer le consensus qui se dessine sur la décision orale du Président. Au nom d’« Unis pour le consensus », l’Italie a dit sa détermination à résoudre « ensemble » les questions complexes. La Turquie a applaudi les efforts pour la recherche du consensus. Les progrès enregistrés ces derniers jours montrent que « les convergences » existent, s’est-elle réjouie. Le Maroc a salué à son tour ces progrès et souligné l’importance de la position africaine commune. Tout en appuyant l’amendement de la Coprésidente, l’Inde a souligné que le but des négociations intergouvernementales n’est pas de discuter mais « d’obtenir des résultats », au risque d’en faire « un écran de fumée ». Au nom des pays nordiques, le Danemark a estimé, pour sa part, que l’amendement de la Coprésidente est de nature à favoriser « les convergences ».
L’Algérie a appelé à des efforts « collectifs », toujours préoccupée par l’omission de la Déclaration de Syrte aux côtés du consensus d’Ezulwini dans les « Éléments » des Coprésidentes. Il est heureux que les propositions de certains groupes de pays n’aient pas fait l’objet d’un vote, s’est félicité le Pakistan. Le consensus obtenu aujourd’hui, a-t-il estimé, devrait rétablir la réputation « ternie » de l’Assemblée générale. Il a dénoncé les revendications « iniques » de certains États qui ont voulu exercer « des pressions inutiles ». La réforme du Conseil de sécurité doit se faire par consensus et consciente de l’importance de ce consensus, l’Assemblée a décrété la majorité des deux tiers pour toute décision sur cette réforme. Nous espérons, a tonné le Pakistan, que nous venons de voir le dernier exemple de « la tactique des pressions ».
À son tour, la Fédération de Russie a regretté que le Président de l’Assemblée ait dû convoquer une autre séance publique sur une question qu’il était possible de régler la semaine dernière. Mais, a-t-elle reconnu, il était « indispensable » de préserver le consensus pour ne pas faire échouer le processus de négociations intergouvernementales. Ce qui est en jeu, a-t-elle dit, c’est préserver les acquis de cette session mais aussi l’ensemble des progrès réalisés par le passé. La Fédération de Russie a tenu à saluer le Président de l’Assemblée générale pour sa direction « parfaite » du processus. Seul, a souligné le Venezuela, un dialogue inclusif transparent et fondé sur la participation de tous permettra une démarche holistique de nature à dégager un consensus sur la réforme du Conseil de sécurité. Nous devons, a-t-il ajouté, exploiter toute la « créativité » du multilatéralisme. « Il est sage et constructif », a estimé, à son tour, le Royaume-Uni, d’adhérer à l’amendement de la représentante du Qatar. Il a tout de même dit « comprendre » l’impatience de certaines délégations devant « la lenteur » des négociations intergouvernementales.
Certes, a poursuivi la République populaire démocratique de Corée, mais les « Éléments de convergence et de divergence » des Coprésidentes ne saurait constituer « la base » des négociations intergouvernementales. Évitons, s’est-elle impatientée, les délais « artificiels » qui pourraient compliquer le processus. Nous saluons, a dit la Chine, une décision orale qui est en tous points conforme à la pratique de l’Assemblée générale. Vouloir la bloquer avec des amendements, comme certains le 16 juin dernier, n’est pas constructif. Elle a donc salué l’amendement de la Coprésidente qui a le mérite de maintenir « l’unité » et de préserver le consensus. « C’est la sagesse qui l’a emporté aujourd’hui », s’est réjouie l’Égypte, soulignant que le processus des négociations intergouvernementales n’a pas été créé pour compliquer les choses mais pour parvenir au consensus le plus large possible. Ce processus, a acquiescé l’Équateur, doit être préservé. Il a appelé les négociateurs à se montrer « constructifs ». Si le consensus est important, s’est impatienté le Nigéria, il ne doit pas être « le seul objectif ». Un consensus n’a aucun sens sans un « mouvement de fond ».
Dépassons, s’est impatienté à son tour Sri Lanka, la rhétorique et la sémantique. Nous sommes là pour obtenir des résultats tangibles. Montrons-nous souples et magnanimes. Il faut avant tout préserver le consensus, a ont dit les Tonga et l’Indonésie, avant que la République centrafricaine ne regrette que les « Éléments » ne reflètent pas la position du Groupe des États d’Afrique qui s’appuie sur la Déclaration de Syrte et le consensus d’Ezulwini. Il est temps, a renchéri l’Afrique du Sud, de passer à un texte de négociation. Elle a rejeté l’idée selon laquelle l’Union africaine refuse de telles négociations. L’objectif du continent africain, a-t-elle dit, est d’être représenté équitablement au Conseil, fustigeant le retard pris. Nous n’appartenons à aucun groupe, a souligné la Malaisie, en s’enorgueillissant d’une approche « pragmatique et objective ». Nous voulons un processus transparent et accepté par tous les États Membres, bénéficiant d’un « nouveau souffle ». La France a dûment salué la solution consensuelle, tout en insistant sur le fait que la proposition du G4 était « acceptable et conforme » aux objectifs et aspirations que nous souhaitons atteindre dans le cadre des discussions sur la réforme du conseil de sécurité. Nous poursuivrons nos efforts pour participer « de manière constructive » à ce processus important et appelons toutes les délégations à faire preuve du même esprit de flexibilité dans le cadre des négociations que nous espérons fructueuses lors de la prochaine soixante-seizième session de l’Assemblée générale, a conclu la France.
Le débat d’aujourd’hui n’aurait pas dû avoir lieu, a estimé l’Allemagne, devant une décision consensuelle. Elle a rappelé que le 16 juin, elle s’est montrée virulente parce qu’exaspérée par une décision qui a été présentée sans consultations de tous les États Membres, sans une mention de l’engagement des chefs d’État et de gouvernement à instiller un nouveau souffle aux discussions sur la réforme du Conseil de sécurité et sans la prise en compte des propositions d’amendement aux « Éléments de convergence et de divergence » des deux Coprésidentes. Le débat a mis à jour « la nature obscure » des négociations intergouvernementales. Il serait bon, a dit l’Allemagne, de mener ces négociations en public car ce que nous faisons, nous le faisons pour les gens qui veulent une ONU opérationnelle et reflétant la réalité actuelle. Or, la dernière réforme du Conseil de sécurité a été effectuée dans les années 60, a fait observer l’Allemagne.
Elle s’est donc dite surprise que des pays comme le Pakistan et la Chine jugent « controversée » voire « agressive » l’idée du G4 de mettre en avant les « Éléments ». Nous regrettons en effet, a avoué l’Allemagne, le peu de progrès « substantiels » dans les négociations. Il nous faut, a-t-elle martelé, « un texte unique et consolidé » sur lequel négocier. Elle a aussi appuyé l’amendement du Groupe des États d’Afrique consistant à ajouter, dans les « Éléments », aux côtés du consensus d’Ezulwini, la Déclaration de Syrte, « car nous soutenons fermement la Position commune africaine ». Nous voulons, a tonné l’Allemagne, que tout le monde dise honnêtement s’il soutient ou pas cette décision, parce que nous aussi, comme le Pakistan, nous espérons voir le dernier exemple de la « tactique des pressions ». Le consensus, c’est bien mais ce n’est pas un objectif en soi, a aussi martelé l’Allemagne. L’objectif c’est la réforme du Conseil de sécurité et on ne saurait empêcher un vote et encore moins sur des amendements.