En cours au Siège de l'ONU

Soixante-quinzième session,
71e séance plénière – après-midi
AG/12328

L’Assemblée générale adopte le plan et les modalités des activités futures du Comité spécial d’experts chargé d’élaborer une convention contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles 

C’est tout à la fin de la séance publique que l’Assemblée générale a adopté à l’unanimité telle qu’amendée trois fois, à l’issue d’un vote, sa résolution sur le plan et les modalités des activités futures du Comité spécial d’experts chargé d’élaborer une convention contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins criminelles.*  L’adoption tardive s’explique par les multiples commentaires qui ont été faits sur les trois amendements.

Dans la résolution, l’Assemblée générale se félicite de l’élection des membres du Comité spécial le 10 mai 2021 et décide que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) continuera d’en assurer le secrétariat.  Le Comité spécial tiendra au moins six sessions, chacune d’une durée de 10 jours, à compter de janvier 2022, et conclura ses travaux de manière à présenter un projet de convention à la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.

L’Assemblée décide d’inviter aux sessions de fond du comité spécial, selon qu’il conviendra, en tant qu’observateurs, des représentantes et représentants des organisations intergouvernementales mondiales et régionales compétentes, y compris des représentantes et représentants d’organismes, d’institutions spécialisées et de fonds des Nations Unies, ainsi que des représentantes et représentants de commissions techniques du Conseil économique et social.  Elle réaffirme que les représentantes et représentants d’ONG dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) peuvent s’inscrire auprès du secrétariat pour participer aux sessions du Comité spécial.

Avant d’être contredite, la Fédération de Russie a présenté la résolution comme « un compromis finement ciselé », le résultat d’un accord conclu au sein du Comité spécial, préparé par le Président du Comité avec le concours des délégations américaine et russe, au nom d’un groupe de pays.  Après ce processus « de plusieurs mois » à Vienne, la résolution a recueilli, à l’état de projet, le soutien d’une majorité « écrasante » des délégations, a affirmé la Fédération de Russie, appelant les États-Unis, qui ont activement participé à la recherche de cet « équilibre » et l’Union européenne à la soutenir.  La Fédération de Russie a insisté sur « l’aspiration au consensus », « indispensable » pour élaborer un instrument juridiquement contraignant et a donc regretté les amendements présentés aujourd’hui. 

Coauteur de l’amendement** visant à étoffer le paragraphe 5 qui dit « aucun effort ne devant être épargné pour adopter par consensus les décisions de fond », le Brésil a expliqué sa démarche par le manque de transparence qui a présidé aux négociations.  C’est pour éviter tout blocage dans les travaux du Comité spécial que nous proposons « que toutes les décisions sur des questions de fond, qui ne feront pas l’objet d’un consensus, seront prises à la majorité des deux tiers des représentantes et représentants présents et votants, préalablement à quoi la présidence, sur décision du Bureau, informera le Comité spécial qu’aucun effort n’a été épargné pour parvenir à un accord par consensus ».

Haïti, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a proposé un amendement***, selon lequel les six sessions du Comité spécial se tiendront alternativement à Vienne et à New York, étant donné que certains États n’ont pas de représentants dans la capitale autrichienne.  Coauteur du dernier amendement****, le Royaume-Uni a critiqué le paragraphe 9 du projet de résolution qui peut permettre à n’importe quel État et pas seulement aux membres du Comité spécial, d’empêcher la participation des membres de la société civile. 

Au lieu de dire « prie la présidence, en consultation avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, d’établir une liste d’autres organisations ayant des connaissances spécialisées dans le domaine de la cybercriminalité qui pourraient assister aux sessions du Comité spécial en tant qu’observateurs, et de soumettre cette liste aux États Membres pour examen selon la procédure d’approbation tacite », il faut dire, a estimé le Royaume-Uni , « prie la présidence d’établir une liste de représentants d’autres ONG concernées et d’organisations de la société civile, d’établissements universitaires et du secteur privé intéressés qui pourraient participer au Comité spécial, de soumettre cette liste aux États Membres pour examen selon la procédure d’approbation tacite* et de la porter à l’attention du Comité spécial afin qu’il puisse se prononcer ». 

Après qu’Haïti, au nom de la CARICOM, a retiré sa motion d’ordre visant à modifier l’ordre de la mise aux voix des amendements, contré en cela par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Portugal, au nom de l’Union européenne, et le Canada.  Le Portugal a repris la parole pour exprimer son opposition à la résolution, « un texte qui n’est pas le résultat d’un processus consensuel et qui n’a pas satisfait aux exigences du multilatéralisme » et encore moins à celles de l’Union européenne.  Le Portugal a dit craindre pour l’esprit qui présidera aux travaux du Comité spécial et a décrié « une approche de simplification du consensus », porteuse de divisions.  En conséquence, il a appuyé l’amendement du Brésil, « préférable pour éviter les blocages ». 

La majorité des deux tiers équivaut de toutes façons à donner un droit de blocage à un groupe de pays, a rétorqué la Fédération de Russie.  Nous avons calqué le mode de prise de décision du Comité spécial sur le règlement intérieur de l’Assemblée générale, a-t-elle affirmé, rappelant tout de même que l’amendement brésilien est soutenu aujourd’hui par ceux-là même qui s’opposaient à la création du Comité spécial.  Quant à l’amendement du Royaume-Uni, la Fédération de Russie s’est étonnée qu’il envisage la possibilité d’un vote sur la participation des ONG alors qu’il prétendait privilégier le consensus.  En revanche, l’amendement d’Haïti, a-t-elle estimé, mérite notre soutien parce que c’est un retour à la première mouture du projet de résolution. 

Les Pays-Bas ont fait observer que si toutes les voix avaient été entendues, nous n’aurions pas autant d’amendements.  Ils ont donc soutenu l’amendement du Brésil.  Faisant de même, l’Autriche a argué du manque de transparence, d’inclusivité et de consensus pendant les négociations sur la résolution.  Le Royaume-Uni s’est tout simplement dit surpris que la Fédération de Russie parle d’un processus ouvert.  Le texte de la résolution, a-t-il tranché, n’est pas le fruit des négociations du Comité spécial mais de celles des délégations américaine et russe.  Au lieu de donner une chance à des négociations multilatérales, la Fédération de Russie nous force à voter sur des modalités qui ne devraient entrer en vigueur qu’en 2022.  À son tour, le Chili s’est dit favorable à l’amendement du Brésil qui permettra « un exercice équilibré ».   

L’Australie s’est en effet dite consternée par « la rapidité » avec laquelle la résolution a été présentée, ne laissant pas assez de temps aux États Membres pour réagir.  Elle a vu là « un manque de respect » qui ne lui laisse d’autre choix que de soutenir les amendements britannique et brésilien.  Effectivement, ont confirmé les États-Unis, la résolution est présentée alors même que les négociations devaient se poursuivre.  Dans ces conditions, ont-ils avoué, nous nous sommes retirés de la liste des coauteurs parce que nous militons pour des processus équilibrés et pour le consensus, et certainement pas pour un texte soumis à l’Assemblée générale, 48 heures seulement après avoir été distribué aux États Membres.  

L’amendement du Brésil est le bienvenu parce que c’est « une disposition standard » pour l’élaboration des traités et celui du Royaume-Uni met l’accent qu’il faut sur la participation des ONG et du monde universitaire aux délibérations du Comité spécial, ont ajouté les États-Unis.  Tenant à ce que les travaux du Comité spécial se tiennent exclusivement à Vienne, là où ce type de questions est généralement débattu par les Nations Unies, la Suisse, également au nom du Liechtenstein, a estimé, à son tour, que la proposition du Brésil est « le meilleur compromis, même si tous les efforts doivent être faits pour parvenir au consensus ».  La majorité des deux tiers, a renchéri Israël, va permettre de régler rapidement les questions controversées. 

Cette proposition, a commenté à son tour la Roumanie, sauvegardera « l’espace » nécessaire pour les négociations au sein du Comité spécial.  Oui, a acquiescé la Colombie, indignée d’être « pressée » de prendre une décision sans que sa position n’ait été prise en compte lors des négociations sur la résolution.  Les États n’ayant pas été tous entendus, il serait en effet difficile, a jugé le Canada, d’avoir confiance dans un processus d’élaboration d’une convention régie par la majorité simple.  On peut en effet s’étonner que la résolution ait été présentée sans « un véritable » processus de négociations, a admis, à son tour, le Costa Rica.  Si le consensus n’est pas possible, la majorité des deux tiers doit prévaloir.  On ne peut pas accepter le texte de la Fédération de Russie sans les amendements, a souligné Norvège, avant que le Guatemala ne mette tout son poids derrière l’amendement du Brésil.

Le Venezuela a en revanche apporté son plein appui à la résolution.  C’est une solution de compromis qui reflète le consensus général, a renchéri la Chine.  Ce n’est pas le fruit de consultations de quelques jours, mais d’un véritable débat entre pays et groupes de pays, a-t-elle affirmé.  C’est un texte, a-t-elle ajouté, obtenu de « haute lutte ».  Or, a-t-elle dénoncé, les amendements brésilien et britannique rompent « l’équilibre » de la résolution qui, même sur la question de la participation des ONG, permet « une certaine ouverture ».  Cette position a été défendue par la République arabe syrienne.  Elle a dit voir dans la résolution « une base réaliste pour aller de l’avant et trouver un accord pour contrer la cybercriminalité ».  Elle a rejeté l’amendement brésilien, au nom du respect dû au règlement intérieur de l’Assemblée générale.  Les amendements brésilien et britannique n’ont pas de raison d’être, a tranché le Nicaragua, avant que Cuba ne soutienne particulièrement celui d’Haïti. 

Il faut croire que Kiribati, qui suggérait l’adoption de tous les amendements pour mettre tout le monde d’accord, a été entendu.  L’amendement du Brésil a été adopté, par 88 voix contre 42 et 32 abstentions, celui d’Haïti, sans vote, et celui du Royaume-Uni par 82 voix contre 33 et 43 abstentions.  

La Fédération de Russie s’est félicitée de l’adoption de la résolution, y voyant un « pas important » vers l’objectif commun d’une convention internationale sur la lutte contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles.  Elle a toutefois regretté que le règlement intérieur de l’Assemblée générale ait été soumis à une « révision » avec la possibilité de prendre les décisions par la majorité des deux tiers, ce qui, selon elle, va compliquer considérablement le processus.  Les États, a conclu la Malaisie, doivent travailler au consensus pour parvenir à l’élaboration d’une convention internationale.  Le processus doit avoir un « cadre fort » et dans ce contexte, la majorité des deux tiers est une nécessité.  Avec une norme aussi élevée, les délibérations seront de qualité, a-t-elle pronostiqué.

L’Assemblée générale tiendra, mercredi 2 juin à partir de 10 heures, une réunion extraordinaire pour le renforcement de la coopération internationale dans la lutte contre la corruption.

*A/75/L.87/Rev.1

**A/75/L.90

***A/75/L.91

****A/75/L.92

 

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