Soixante-quinzième session,
60e séance plénière – matin
AG/12319

Assemblée générale: le Mécanisme international d’enquête en Syrie présente un rapport rejeté par plusieurs délégations, dont la syrienne

Le débat organisé en présentiel, ce matin, à l’Assemblée générale sur le « Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 » a tourné à la confrontation entre partisans de cet outil de lutte contre l’impunité et le camp de la délégation syrienne et ses alliés.  Aujourd’hui, l’Assemblée a aussi reconduit M. Achim Steiner à la tête du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour un nouveau mandat de quatre ans prenant effet le 17 juin 2021. 

Venue présenter son rapport, après l’annulation du débat, l’année dernière, en raison de la pandémie de COVID-19, la Cheffe du Mécanisme international a fait état de la poursuite des travaux de son équipe qui, malgré les bouleversements de la crise actuelle, a continué sa collecte à distance d’informations et d’éléments de preuves à partir d’un éventail de sources comprenant les États, les partenaires des Nations Unies, les organisations internationales, les ONG et les particuliers. 

En 2020, a indiqué Mme Catherine Marchi-Uhel, 130 collectes ont pu être réalisées, tandis qu’était améliorée l’efficacité du traitement numérique des éléments de preuve, avec des capacités de stockage allant jusqu’à 1,7 pétaoctet. Parallèlement, a-t-elle ajouté, le Mécanisme a reçu 112 demandes d’assistance de la part de 12 juridictions compétentes au sujet de 97 enquêtes distinctes.  

Alors que la « situation syrienne » dure maintenant depuis plus de 10 ans et se caractérise par un « mépris flagrant des principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire », la Cheffe du Mécanisme a salué la « créativité » dont font preuve certains États.  Elle s’est ainsi réjouie qu’à Coblence, en Allemagne, un tribunal ait établi que l’attaque systématique contre la population civile syrienne a commencé fin avril 2011 et que les actions de Damas contre l’opposition constituent des crimes contre l’humanité.  

De fait, a-t-elle souligné, la marche vers une « justice globale et impartiale » devrait pouvoir bénéficier des efforts de tous les acteurs impliqués, de la Cour pénale internationale (CPI) aux autres tribunaux internationaux, en passant par les juridictions nationales, les acteurs des Nations Unies, les organisations internationales et la société civile.  

« Nous ne pouvons pas changer le passé.  Nous pouvons, en revanche, agir aujourd’hui pour défendre et les droits et de la dignité du peuple syrien à l’avenir », a pour sa part soutenu le Président de l’Assemblée générale, avant de saluer l’approche du Mécanisme centrée sur les victimes et les survivants.  Face à l’immensité de la tâche, M. Volkan Bozkir a réclamé un financement adéquat pour ce dispositif créé en 2016 par la résolution 71/248. 

Se dissociant totalement de cette résolution « non consensuelle » et du « mécanisme illicite » qu’elle a créé, la République arabe syrienne a rappelé que son gouvernement n’a jamais demandé d’aide technique pour entamer des poursuites judiciaires.  Pour la délégation, l’ONU ne peut allouer des fonds au titre de son budget ordinaire à un mécanisme dont le mandat n’est pas déterminé par des critères conformes à la Charte et qui répond aux intérêts de « gouvernements hostiles » à la Syrie, lesquels font le jeu des organisations terroristes. 

Si les Nations Unies souhaitent fournir une aide à la République arabe syrienne pour renforcer ses institutions nationales, elles savent « à quelle porte frapper », a lancé la délégation, non sans dénoncer le « précédent grave » que représente à ses yeux ce Mécanisme.  Une position appuyée par la Fédération de Russie qui, à son tour, a mis en doute la légitimité de cette « structure », tout en pointant son « silence » sur les sources de ses « soi-disant preuves » ainsi que sur la procédure de collecte d’éléments qu’elle diffuse activement, nonobstant son devoir de confidentialité. 

Dans ces conditions, a martelé la Fédération de Russie nous considérons qu’il n’existe pas de possibilités de coopération et que toute preuve recueillie par ledit Mécanisme ne saurait être utilisée pour des procédures pénales nationales ou internationales. 

Soutenu par le Venezuela, Cuba ou encore le Nicaragua, cet argument a également été repris par la République islamique d’Iran, selon lequel le Mécanisme n’a pas lieu d’être mais va en outre au-delà de son mandat avec des conclusions dénuées de toute crédibilité.  Selon elle, le peu d’enthousiasme de ses partisans à créer un dispositif semblable pour le Yémen et la Palestine démontre les « deux poids, deux mesures » des résolutions de l’Assemblée générale. 

Face à ces tirs de barrage, l’Union  européenne, a salué les progrès accomplis par le  Mécanisme  et  s’est déclarée déterminée à ce que les crimes perpétrés au mépris du droit international n’entravent  pas les aspirations du peuple syrien à la justice et à la paix.   Fervente partisane d’une solution politique fondée sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, elle a réitéré l’importance de la lutte contre  la  « stratégie des disparitions » du « régime syrien », une terminologie qui lui a valu une motion d’ordre de la délégation syrienne.   

Sur la même ligne, les États-Unis ont répété leur soutien à ce Mécanisme « essentiel et approprié », tout en déplorant que, malgré  tous  les  éléments  de preuve convaincants, la Fédération  de  Russie continue d’appuyer le « régime d’Assad ».  Rejointe par l’Australie, la délégation américaine s’est alarmée à cet égard que l’on empêche le Conseil de sécurité d’agir pour protéger le peuple syrien. 

L’exercice du droit de veto, a confirmé le Mexique, n’a pas encore permis de renvoyer la situation syrienne devant la CPI.  Il a rappelé son appel à ce que cette prérogative réservée aux membres permanents du Conseil de sécurité ne puisse être utilisée en cas d’atrocités, une initiative qu’il promeut conjointement avec la France.  Cette dernière a souhaité que l’ensemble des acteurs onusiens, notamment la Commission d’enquête internationale et les équipes de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), continuent de coopérer avec le Mécanisme. 

DÉBAT SUR LE MÉCANISME INTERNATIONAL, IMPARTIAL ET INDÉPENDANT CHARGÉ DE FACILITER LES ENQUÊTES SUR LES VIOLATIONS LES PLUS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL COMMISES EN RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE DEPUIS MARS 2011 ET D’AIDER À JUGER LES PERSONNES QUI EN SONT RESPONSABLE (A/71/311) 

M. VOLKAN BOZKIR, Président de l’Assemblée générale, a dénoncé 10 années marquées par les actes les plus odieux: torture, disparitions forcées, violences sexuelles, attaques contre les civils et recours à l’arme chimique.  Il est revenu sur les témoignages des représentants de la société civile syrienne qui ont fait état d’horreurs et de souffrances, ici même dans cette salle de l’Assemblée générale.  Le 30 mars dernier, « nous avons été informés par le Secrétaire général de la situation désastreuse » qui règne actuellement en Syrie, a-t-il ajouté. 

S’étant lui-même rendu récemment dans la province turque de Hatay qui accueille 450 000 réfugiés syriens, le Président a dit avoir rencontré au centre d’hébergement temporaire de Boynuyoğun, des enfants syriens qui n’ont jamais connu de véritable foyer, ainsi que des femmes qui, malgré des années d’épreuve, sont déterminées à reconstruire leur vie.  Dans cette région-là plus durement touchée, qui borde le nord-ouest de la Syrie, il a dit avoir vu depuis le poste frontière de Bükülmez, la ville d’Atme Tent, où plus de 170 000 déplacés ont trouvé refuge.  C’est là, a-t-il avoué, que j’ai caressé l’espoir que ces Syriens, dont 100 000 enfants et jeunes, et 39 000 femmes, puissent bénéficier des livraisons humanitaires au centre de transbordement des Nations Unies à Reyhanlı. 

Il est « honteux », s’est impatienté le Président, qu’après 10 ans, nous soyons toujours en train de plaider pour un accès humanitaire.  Il a espéré que l’opération « essentielle » d’assistance humanitaire transfrontalière des Nations Unies, une bouée de sauvetage pour des millions de Syriens dans le nord-est, se poursuivra sans heurt.  S’adressant aux États Membres concernés, il leur a demandé de veiller à ce que ce mandat soit prolongé au-delà du mois de juillet.  En effet, a-t-il martelé: Le peuple syrien mérite mieux que cela.  Il mérite la paix.  Il mérite la liberté de vivre, la vie qu’il a choisie.  Il mérite la justice. 

Le Président a rappelé que le chemin du Mécanisme international, créé en 2016, par la résolution 71/248 de l’Assemblée générale, n’est pas facile.  Il l’a félicité pour avoir adopté une approche centrée sur les victimes et les survivants et de s’être doté d’une stratégie en matière de genre.  Nous ne pouvons, a-t-il dit, sous-estimer l’importance de l’engagement de la société civile.  Il a conclu en réclamant un financement adéquat du Mécanisme parce que « nous ne pouvons pas changer le passé.  Nous pouvons, en revanche, agir aujourd’hui pour défendre et les droits et de la dignité du peuple syrien à l’avenir ». 

Mme CATHERINE MARCHI-UHEL, Cheffe du Mécanisme international, a rappelé que l’année dernière, ce débat n’a pu avoir lieu en raison de la pandémie, laquelle a également obligé le Mécanisme à travailler à distance et à suspendre ses déplacements non essentiels.  Grâce à l’infrastructure informatique mise en place avant la pandémie de COVID-19, nous avons continué de nous concentrer sur la collecte à distance d’informations et d’éléments de preuves à partir du large éventail de sources que constituent les États, les partenaires des Nations Unies, les organisations internationales, les ONG, les particuliers et autres.  En 2020, a indiqué la Cheffe du Mécanisme, 130 collectes ont été réalisées, tandis qu’était améliorée l’efficacité du traitement numérique des éléments de preuve, avec des capacités de stockage allant jusqu’à 1,7 pétaoctet, ce qui équivaut à une tour « 10 fois plus élevée que la tour Eiffel ». 

Mme Marchi-Uhel a indiqué que, depuis la précédente séance d’information, il y a deux ans, son équipe a considérablement avancé dans son travail analytique.  Ce travail, a-t-elle précisé, comprend la finalisation des dossiers de preuves visant à établir les éléments de contexte nécessaires à la qualification de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Ces dossiers sont accessibles sur demande ou de manière proactive aux juridictions compétentes.  L’équipe a également poursuivi son analyse des documents relatifs aux allégations d’attaques illégales, y compris l’utilisation présumée d’armes chimiques.  Nous adoptons une approche flexible pour nous assurer que nos produits analytiques puissent être utilisés par un large éventail d’acteurs et facilement ajustés pour bénéficier à différents systèmes juridiques, a-t-elle relevé, ajoutant que, conformément à son principe fondateur d’impartialité, le Mécanisme s’engage à enquêter sur un « large éventail de catégories de crimes et d’auteurs présumés », indépendamment des affiliations des individus. 

Le Mécanisme, a rappelé sa Cheffe, a pour mandat de coopérer avec les juridictions compétentes qui respectent les normes des droits de l’homme et des procès équitables, et n’appliquent pas la peine de mort pour les infractions considérées.  À l’heure actuelle, il a reçu 112 demandes d’assistance de la part de 12 juridictions compétentes et ces demandes concernent 97 enquêtes distinctes, a indiqué Mme Marchi-Uhel.  En règle générale, à la réception d’une demande, le Mécanisme recherche dans son répertoire central les éléments « pertinents et réactifs ».  Le cas échéant, il partage des produits de travail analytiques déjà développés mais il peut aussi mener des enquêtes supplémentaires et développer des produits analytiques spécifiques. 

Selon la haute fonctionnaire, les États et de nombreux autres acteurs partagent du matériel avec le Mécanisme sur la base de sa structure institutionnelle existante.  Certains États ont aussi conclu des accords informels en échangeant des lettres, d’autres étant en train de réviser leur législation nationale pour permettre le partage.  De même, les partenaires des Nations Unies et les organisations internationales ont souvent des « sensibilités différentes » à prendre en compte, tandis que les ONG syriennes veulent s’assurer que leurs informations sont utilisées au mieux et que leur travail ajoute de la valeur sans exposer les personnes en danger.  Certains acteurs veulent rendre publique leur coopération avec nous mais d’autres préfèrent ne pas être mentionnés, a-t-elle expliqué, assurant respecter strictement cette confidentialité. 

En tant qu’acteur relativement nouveau, a encore noté Mme Marchi-Uhel, le Mécanisme est en mesure de mettre en œuvre les enseignements tirés d’autres processus d’établissement des responsabilités, en accordant une attention particulière aux problèmes insuffisamment abordés dans le passé.  Il a ainsi renforcé son engagement en faveur de l’égalité des sexes et de l’intégration d’une analyse sexospécifique dans ses travaux.  De même, il s’efforce d’accorder une attention particulière aux crimes contre les enfants et vise également à soutenir des objectifs plus larges de justice transitionnelle, par exemple en soutenant les efforts des organisations mandatées pour rechercher les personnes disparues.  Ces stratégies, a-t-elle souligné, sont guidées par l’engagement en faveur d’une approche centrée sur les victimes et les survivants, qui place la « quête de justice des communautés affectées » au cœur de son action. 

Outre l’impact négatif de la pandémie, les travaux du Mécanisme ont également été touchés par la situation de liquidités de l’ONU et l’imposition d’un plafond de dépenses, a par ailleurs déploré Mme Marchi-Uhel, avant d’émettre l’espoir qu’un moment viendra où la nécessité de rendre des comptes pour les crimes fondamentaux commis en Syrie ne fera plus l’objet de désaccords politiques et que le budget du Mécanisme pourra être approuvé par consensus.  

Alors que la « situation syrienne » dure maintenant depuis plus de 10 ans, la Cheffe du Mécanisme y a vu un nouveau « creux » pour le conflit moderne, compte tenu de l’utilisation d’armes chimiques et autres armes illégales, de techniques de guerre inhumaines et de pratiques visant la population civile, du recours systématique à la torture dans les centres de détention et de l’esclavage des minorités et d’autres civils par Daech.  « Un tel mépris flagrant des principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire et des normes relatives aux droits de l’homme continue de secouer profondément notre foi en l’humanité », a-t-elle dénoncé, estimant que les affiliations et alliances politiques ne devraient pas avoir d’importance en ce qui concerne la justice et la dignité humaine fondamentale. 

En outre, a ajouté la haut fonctionnaire, « l’impasse politique continue de nous obliger à faire preuve de créativité ».  Dans le but de faire rendre des comptes, les États ont largement recours à la compétence universelle et à d’autres formes de juridiction extraterritoriale.  Ils ont aussi accru les capacités de leurs unités chargées des crimes de guerre et renforcé leur coopération, notamment par des enquêtes conjointes.  Ces efforts, s’est-elle félicitée, ont commencé à aboutir à des jugements, comme récemment à Coblence, en Allemagne, où le tribunal a établi qu’une attaque systématique contre la population civile syrienne avait commencé fin avril 2011 et que les actions des autorités syriennes contre l’opposition depuis le printemps 2011 constituent des crimes contre l’humanité.  De plus, les États ont commencé à utiliser d’autres instruments juridiques, tels que la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.  Compte tenu de la gravité de la crise syrienne, ces engagements pourraient être perçus comme « une goutte d’eau dans l’océan », mais « chaque occasion de justice doit être saisie », a-t-elle plaidé, jugeant important de « continuer à faire pression ».

De fait, a souligné Mme Marchi-Uhel, nous devrions pouvoir bénéficier des efforts et des forces de tous les acteurs de la justice: la Cour pénale internationale (CPI), les autres tribunaux internationaux, les efforts régionaux, les juridictions nationales, les acteurs des Nations Unies, les organisations internationales et la société civile.  Quant aux États, a-t-elle martelé, ils devraient s’efforcer d’enquêter et de poursuivre les principaux crimes internationaux, parallèlement aux enquêtes et aux poursuites en matière de terrorisme, afin de garantir que justice soit rendue au nom d’innombrables victimes et survivants.  Concluant son exposé, elle s’est déclarée convaincue que « nous pouvons continuer à travailler ensemble pour faire pression en faveur d’une justice globale et impartiale ».  

M. BJÖRN OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), a salué les progrès accomplis par le Mécanisme et s’est dite déterminée à ce que les crimes perpétrés au mépris flagrant du droit international n’entravent pas les aspirations du peuple syrien en matière de justice et de paix.  Fervente soutien d’une solution politique fondée sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, l’UE, a dit le représentant, réitère l’importance de la lutte contre la « stratégie des disparitions » du « régime syrien » et de ses partisans. 

Il a appelé à des progrès sur le sort des détenus en Syrie.  Tous les responsables des crimes doivent être tenus responsables de leurs actes, a martelé le représentant, en saluant les efforts dans la collecte des éléments de preuve, notamment grâce à de nouvelles solutions technologiques permettant de les recueillir à distance.  Se félicitant de l’attention accordée aux violences sexuelles et fondées sur le genre ainsi qu’aux crimes sur la personne d’enfants, le représentant a voulu que les poursuites engagées, compte tenu de la gravité des crimes, soient renvoyées à la CPI. 

Des poursuites et des jugements définitifs ont été engagés contre des auteurs de ces crimes dans plusieurs pays de l’UE, comme les Pays-Bas, pour obliger la Syrie à rendre des comptes sur les violations de la Convention des Nations Unies contre la torture.  L’Union européenne, qui a adopté des sanctions ciblées contre certains dirigeants du « régime syrien », s’est associée, a rappelé le représentant, à l’appel à un cessez-le-feu permanent et global en Syrie.  Elle réitère son plein appui au Mécanisme international, impartial et indépendant sur la Syrie et à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). 

Cette année marque le triste anniversaire d’une décennie entière du conflit en Syrie, a déploré d’entrée M. JUKKA SALOVAARA (Finlande), au nom des pays nordiques.  Il a dépeint une décennie de combats, où des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie ou ont disparu.  Des milliers d’autres ont été soumis à la torture, au viol ou à d’autres formes de traitement cruel et dégradant.  Des millions de personnes ont fui et des villes et villages ont été réduits en ruines, avec des maisons, des écoles et même des hôpitaux détruits.  D’innombrables atrocités auraient été commises au cours de ce conflit prolongé, par toutes les parties.  Compte tenu de son statut, de ses capacités et de ses soutiens extérieurs, le « régime d’Assad » et ses alliés portent la responsabilité principale de bon nombre de ces violations flagrantes du droit international, a tranché le représentant.  

Cependant, a-t-il nuancé, les rapports d’experts ont démontré qu’il n’y a pas de « mains propres » en Syrie et que tous les acteurs doivent répondre de leurs actes.  Le Mécanisme international a justement pour mandat de recueillir des éléments de preuve sur les crimes commis, quels qu’en soient les auteurs.  Ces éléments de preuve sont essentiels au succès des procédures pénales car sans preuve, l’on ne peut établir les responsabilités.  La collecte, la préservation et le traitement de ces éléments est une tâche méticuleuse qui souligne l’importance « cruciale » du Mécanisme.  Les pays nordiques, a poursuivi le représentant, sont des partisans inflexibles d’un ordre international fondé sur des règles.  Ils restent fermes dans leur engagement à lutter contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves.  

Aucune paix durable et inclusive n’est possible si les responsables des atrocités dans les conflits ne sont pas tenus responsables de leurs actes.  Les victimes, les survivants et leurs familles ont droit à la justice et il faut donc regretter, a estimé le représentant, qu’aucune procédure judiciaire « crédible » n’ait été engagée en Syrie.  Il a en revanche salué les efforts en cours pour poursuivre ces crimes dans un certain nombre de pays, sur la base de la compétence universelle.  Il a réitéré son appel au Conseil de sécurité pour qu’il exerce son pouvoir en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et qu’il renvoie la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI). 

M. ELIE ALTARSHA (République arabe syrienne) a tout d’abord indiqué que sa participation à ce débat ne peut être interprétée comme une acceptation du mandat et du rapport du Mécanisme.  Refusant de reconnaître cette entité « soi-disant impartiale et indépendante », il s’est dissocié totalement de la résolution 71/248 « non consensuelle » de l’Assemblée générale qui l’a créée «  en violation de la Charte de l’ONU ».  Le représentant a ensuite demandé au Secrétaire général de “revoir par le menu” les documents et lettres que lui a envoyés la délégation syrienne au sujet de ce « mécanisme illicite ».  La dernière en date est la preuve “juridique et politique” des lacunes et des violations qui sous-tendent ce Mécanisme, a-t-il affirmé, ajoutant que le Gouvernement syrien n’a jamais demandé d’aide technique pour entamer des poursuites judiciaires.  Le Mécanisme, a estimé le représentant, ne peut être considéré comme un organe subsidiaire de l’Assemblée générale et le Secrétaire général n’aurait pas dû désigner un responsable et un secrétaire.  De même, a-t-il fait valoir, le Mécanisme ne peut avoir de personnalité juridique et ne peut passer des accords avec les États et autres entités.  

Dans ces conditions, le représentant a rejeté toute tentative de communiquer au Mécanisme des documents du Gouvernement syrien.  De plus, a-t-il soutenu, les Nations Unies ne peuvent allouer des fonds au titre du budget ordinaire à un mécanisme dont le mandat n’est pas déterminé par des critères conformes à la Charte de l’ONU.  Il a également demandé aux membres de ce Mécanisme de répondre aux éléments de preuve fournis par sa délégation, affirmant attendre encore leur réponse.  Ce Mécanisme répond décidément aux intérêts de gouvernements hostiles à la Syrie, qui entendent ainsi défendre leurs visées impérialistes.  Il fait aussi le jeu des organisations terroristes, tout en sapant la crédibilité des éléments de preuve.  

Pour le délégué syrien, la création d’une telle entité devrait se faire à la demande et avec le consentement de l’État concerné.  Il a rappelé à cet égard que la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité demande la création d’une équipe chargée de recueillir des éléments de preuve concernant des actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes de génocide commis par Daech sur le territoire iraquien.  L’adoption par consensus de cette résolution avait été précédée par de longues consultations avec le Gouvernement de l’Iraq, a-t-il souligné, avant de s’interroger sur ce « deux poids, deux mesures ».  En outre, a-t-il poursuivi, l’Assemblée générale a empiété sur le mandat du Conseil de sécurité en créant une entité quelle n’avait pas le pouvoir de créer.  Si les Nations Unies souhaitent fournir une aide à la République arabe syrienne pour renforcer ses institutions nationales, elle sait « à quelle porte frapper », a-t-il conclu, appelant les autres délégations à se dissocier de ce Mécanisme qui crée, selon lui, un « précédent grave ».  

La seule façon de sortir de la crise, a estimé M. STEFANO STEFANILE (Italie), c’est de progresser dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, en organisant des élections libres et équitables en Syrie.  Dans ce contexte, assurer la pleine responsabilité des crimes les plus graves commis pendant le conflit syrien constitue non seulement un impératif moral, mais aussi un moyen de dissuasion contre des violations futures.  Le représentant s’est félicité de la coopération croissante du Mécanisme avec les autorités nationales et a souligné que les poursuites menées au niveau national doivent être complétées par la saisine de la CPI.  Il a enfin jugé important que le Mécanisme puisse compter sur une dotation financière régulière et adéquate de l’ONU, afin de travailler efficacement.  

C’est confronté à des histoires interminables de crimes horribles et à l’absence de réponse tangible, notamment à la question de l’établissement des responsabilités, que l’Assemblée générale a décidé d’agir par sa résolution 71/248, a rappelé d’entrée M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie).  Aujourd’hui, le mandat et le fonctionnement du Mécanisme restent plus que jamais pertinents pour combler le fossé de l’impunité et garantir l’obligation de rendre des comptes.  En exigeant d’une juridiction bénéficiaire qu’elle respecte le droit et les normes internationales en matière de droits de l’homme, y compris le droit à un procès équitable, le Mécanisme contribue à renforcer l’état de droit.  

De fait, a poursuivi le représentant, les 93 demandes d’assistance reçues de 11 juridictions démontrent clairement la valeur du Mécanisme et le nombre de demandes traitées souligne sa contribution tangible.  En ce qui concerne l’utilisation des éléments de preuve recueillis par le Mécanisme, tous les motifs potentiels de compétence, y compris la compétence universelle, doivent être pris en compte par les autorités nationales. 

Afin de bénéficier du plein potentiel du Mécanisme, les États doivent l’aider à remplir son mandat et en la matière la coopération des entités du système des Nations Unies et d’autres organismes internationaux est de la plus haute importance. 

Comme toute organisation a besoin d’un financement prévisible, stable et durable, le représentant a soutenu l’inscription du Mécanisme dans le budget ordinaire des Nations Unies.  Les mécanismes efficaces d’établissement des responsabilités doivent servir d’avertissement à tous les auteurs potentiels de crimes graves et leur faire comprendre que leurs actes ne resteront pas impunis, a souligné le représentant. 

Mme MARITZA CHAN VALV (Costa Rica) a commencé par constater que, 10 ans après le début du conflit syrien, la violence se poursuit tout comme les disparitions et les détentions arbitraires, les attaques contre les civils et les infrastructures essentielles, l’occupation étrangère, les confiscations de biens, la crise des réfugiés et l’une des plus grandes crises humanitaires au monde.  Se poursuit également, a-t-elle dénoncé, l’impasse au Conseil de sécurité alors que la pandémie de COVID-19 aggrave une situation déjà précaire, dans laquelle le peuple syrien continue d’être victime de violations systémiques des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Cependant, a relevé la représentante, « quelque chose a changé depuis 2016 », année où l’Assemblée générale a créé le Mécanisme international.  

L’analyse de genre qu’il a adoptée, a-t-elle estimé, est essentielle pour faciliter une bonne justice.  Elle a tout de même regretté que le Mécanisme attende toujours d’avoir accès aux documents pertinents rassemblés par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  Elle a donc demandé à nouveau au Secrétaire général que ces documents soient transférés au plus tard à la fin de la session en cours.  À son tour, la représentante a appelé les États Membres à continuer de financer le Mécanisme par le biais du budget ordinaire de l’ONU et à rejeter de manière décisive toute tentative d’utiliser les négociations budgétaires pour affaiblir les mécanismes d’établissements des responsabilités.  Elle a d’autre part enjoint les membres permanents du Conseil de sécurité de « surmonter leur imposture politique » et de « rejeter toute menace de veto » concernant la situation en Syrie.  Le Conseil doit saisir la CPI de cette situation, a-t-elle martelé, avant de réclamer l’arrêt complet du transfert d’armes et de munitions vers la Syrie.  De tels transferts à l’une ou l’autre des parties au conflit « compromettent gravement toute possibilité de parvenir à une paix négociée ». 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé que les Syriens subissent « l’indicible », les « tortures » et « les entraves à l’aide humanitaire » depuis plus de 10 ans : « Voilà pourquoi nous avons besoin du Mécanisme et de la Commission d’enquête », a-t-elle dit, en disant voir des éléments de preuve « patents », « devant nos yeux ».  Qualifiant d’ « inébranlable » l’engagement de son pays en faveur de l’établissement des responsabilités, la représentante a assuré qu’il continuera de financer de manière adéquate ce Mécanisme essentiel et approprié ».  Les enquêtes structurelles, la collecte d’éléments de preuve et l’élaboration de dossiers constituant le fondement de la lutte contre l’impunité, elle s’est félicitée de l’accessibilité de ces informations.  Elle s’est aussi réjouie du travail de la justice allemande qui a condamné un ancien agent des renseignements du régime syrien.  

Saluant le fait que de telles procédures soient engagées en dehors de la Syrie, la représentante a dit: hélas, malgré tous les éléments de preuve convaincants, la Fédération de Russie continue à appuyer le « régime d’Assad  », alors que les conclusions de l’OIAC sont « claires ».  La représentante a d’ailleurs déploré une nouvelle attaque perpétrée par le « régime syrien » et a appuyé fermement les sanctions.  Elle s’est une nouvelle fois alarmée de ce que « certains membres du Conseil de sécurité » aient empêché le Conseil d’agir pour protéger le peuple syrien. 

M. FERIDUN SINIRLIOGLU (Turquie) a d’entrée de jeu rappelé la commémoration le mois dernier des 10 ans de guerre en Syrie.  Cela fait maintenant une décennie que les Syriens paient un lourd tribut dans leur quête de liberté et de dignité.  Ils ont subi des souffrances inimaginables et des pertes dues aux attaques brutales du « régime » : des centaines de milliers de personnes ont été tuées.  Beaucoup plus ont été gazées, bombardées, assiégées, enlevées, portées disparues, soumis à la torture, à la violence sexuelle, sans compter le recrutement d’enfants soldats.  Des millions de gens sont déplacés et réfugiés dont quatre millions en Turquie.  Si l’on tient compte des déplacés de l’autre côté de la frontière, la Turquie subvient aux besoins de neuf millions de Syriens, a affirmé le représentant.  

Tout au long du conflit, le recours aux armes chimiques a fait partie intégrante de la guerre implacable que « le régime » livre contre son propre peuple.  « L’audacité de ce régime » qui n’a pas hésité à recourir aux armes chimiques démontre les graves conséquences de l’impunité.  L’heure est venue, a-t-il estimé, de mobiliser la communauté internationale pour faire rendre des comptes « au régime ».  Le représentant s’est félicité de l’adoption « à une majorité écrasante » d’une décision aujourd’hui à la Conférence des États parties à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, « un pas en avant », la fin de l’impunité en Syrie.  

Soulignant l’obligation « juridique et morale » de protéger les civils syriens et de traduire en justice les auteurs de violations, le représentant s’est, en tant que coauteur de la résolution de l’Assemblée générale portant création du Mécanisme, félicité des avancées impressionnantes, en dépit des difficultés liées à la pandémie et à la crise de liquidité.  Il a dit compter sur une coopération étroite entre le Mécanisme et l’opposition « légitime » syrienne. 

Mme PASCALE BAERISWYL (Suisse) a félicité le Mécanisme pour son engagement sans faille et les progrès accomplis, malgré les défis liés à la pandémie.  Elle a rappelé que justice doit être rendue à tous les individus qui souffrent de la violation de leurs droits.  Le Mécanisme est un outil indispensable pour atteindre cet objectif et c’est la raison pour laquelle la Suisse a soutenu son établissement dès le début et continue à le soutenir pleinement, a déclaré Mme Baeriswyl.  Elle a indiqué que le Mécanisme contribue, et c’est là le cœur même du processus, à l’établissement des responsabilités.  « C’est uniquement à travers ce travail indispensable qu’une paix durable pourra être établie en Syrie ». 

La déléguée a jugé impérative la participation de la société civile dans les efforts en matière de justice pour la promotion de la paix.  En Syrie, ces organisations jouent un rôle crucial dans la documentation des crimes commis, du fait notamment que ni le Mécanisme ni la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme n’ont accès au territoire.  C’est pourquoi la Suisse et les Pays -Bas s’efforcent, par le biais du Processus de Lausanne, de faciliter la coopération et la transmission des informations entre le Mécanisme et les ONG syriennes, a déclaré la déléguée.  Elle a appelé les États Membres à collaborer étroitement avec le Mécanisme.  Les poursuites judiciaires ouvertes dans plusieurs États montrent la pertinence de son travail et du principe de la compétence universelle, à l’instar du récent jugement historique rendu à Coblence.  Pour qu’il puisse continuer son travail, il est essentiel d’assurer un financement durable du Mécanisme, a conclu la déléguée, en saluant son inscription au budget ordinaire de l’ONU. 

Selon M. GERT AUVAART (Estonie), la seule solution à la situation en Syrie est politique, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Saluant la condamnation au mois de février dernier en Allemagne, d’un responsable du régime syrien pour crimes contre l’humanité ainsi que les efforts des Pays-Bas et du Canada pour poursuivre les violations des droits de l’homme au titre de la Convention des Nations Unies contre la torture, le représentant a néanmoins profondément regretté que le Conseil n’ait pas agi efficacement pour mettre fin au conflit et établir les responsabilités.  Réitérant son appel à la saisine de la CPI, il a salué les efforts du Mécanisme pour cibler les auteurs de violence sexuelle et fondée sur le genre, et de crimes contre les enfants.  Il a aussi loué l’utilisation de nouvelles solutions technologiques pour recueillir des éléments de preuves à distance. 

M. GEORG SPARBER (Liechtenstein) a souligné la nécessité d’un engagement continu pour faire en sorte que les responsables des crimes commis dans le cadre du conflit syrien répondent de leurs actes.  Pour lui, le Mécanisme incarne le haut niveau de compétence professionnelle, d’expertise technique et de profondeur d'engagement à la mesure de la tâche.  En décembre 2016, a rappelé le représentant, le Liechtenstein a eu l'honneur de présenter le projet de résolution qui allait devenir la résolution (71/248) créant le Mécanisme, une innovation dans notre effort commun pour assurer l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus graves.  

La création du Mécanisme a été motivée à parts égales par l'horreur des atrocités commises quotidiennement en Syrie, par notre honte et notre frustration collectives face à l’inaction du Conseil de sécurité, et par notre ferme conviction que l'obligation de rendre des comptes était non seulement nécessaire, mais aussi possible, a insisté M. Sparber.  À l'époque, il s’agissait d'un effort pionnier, d'un voyage en terre inconnue.  Aujourd’hui, alors que le conflit syrien s'étend sur une décennie, nous nous souvenons de l'importance vitale du Mécanisme pour garantir à la fois la justice et une paix durable. 

Le Mécanisme s’est rapidement imposé comme un modèle de réussite en matière d’établissement des responsabilités et a obtenu des résultats concrets.  Il jouit d'un soutien politique solide et croissant, qui s'est exprimé notamment par la décision de cette Assemblée de garantir un financement à partir du budget ordinaire de l’ONU.  Mais malgré ses succès, le Mécanisme ne peut être qu’une réponse partielle à l’énorme défi que pose le conflit syrien en matière d’établissement des responsabilités.  Ce Mécanisme n'étant pas un tribunal, il reste un vide important à combler.  Il a espéré que les procédures pénales entamées dans certains pays dont l’Allemagne, ne sont que la première des réponses pour combler définitivement le fossé de l'impunité créée par la réticence du système judiciaire syrien à faire son travail et le fait que deux membres permanents du Conseil de sécurité aient bloqué la saisine de la CPI.  

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a indiqué qu’il existe une constante dans le drame qui se joue en Syrie comme dans d’autres conflits sanglants de par le monde : il ne pourra y avoir de paix durable sans justice pour les victimes.  C’est pourquoi le Mécanisme international joue un rôle crucial en ayant par exemple récemment contribué à une condamnation devant une juridiction nationale, en application du principe de la compétence universelle.  En raison de la gravité des crimes commis, la Belgique continuera par ailleurs à plaider pour que le Conseil de sécurité renvoie la situation en Syrie à la CPI.  Le représentant a rappelé que la mise en œuvre effective du mandat du Mécanisme repose sur la bonne coopération de l’ensemble des États Membres, de la société civile, ainsi que du système des Nations Unies et d’autres organisations internationales.  « En ce sens, il a encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à adopter un cadre de coopération avec le Mécanisme, comme son pays l’a fait en 2019 en mettant à jour sa législation.  

La Belgique, un des principaux contributeurs volontaires initiaux du Mécanisme avec environ une somme de 1,6 million de dollars, continuera à soutenir un financement adéquat à partir du budget ordinaire de l’ONU, a déclaré le délégué.  Il a souligné la bonne coopération entre le Mécanisme et la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme ou encore l’OIAC.  Nous espérons maintenant que le Mécanisme pourra aussi bientôt avoir accès aux pièces du Mécanisme d’enquête conjoint ONU-OIAC, a dit le représentant, avant de saluer l’élaboration de stratégies spécifiques concernant la violence sexuelle et fondée sur le genre ainsi que les crimes contre les enfants.  « Cette approche participe de la reconnaissance de toutes les victimes et contribuera utilement au processus visant une paix durable en Syrie. »

Mme MARIE CHATARDOVA (République tchèque) s’est à son tour félicitée de l’adoption par le Mécanisme de stratégies ciblées sur les crimes sexuels et fondés sur le genre, et sur les crimes contre les enfants.  Coauteure de la résolution portant création du Mécanisme, la République tchèque, a-t-elle rappelé, a contribué à son budget dès le départ afin de garantir la stabilité de son travail.  Elle appuie pleinement un financement prévisible, durable et impartial grâce au budget ordinaire.  Alors que le Mécanisme poursuit ses enquêtes, les violations du droit international perdurent en Syrie.  L’impunité, notamment quant au recours aux armes chimiques, est « tout simplement inacceptable », a-t-elle martelé.  Elle a donc appelé le Conseil de sécurité à agir et a souhaité que les auteurs de crimes fassent l’objet de poursuites par les juridictions nationales. 

M. NAM HYOK KIM (République populaire et démocratique de Corée (RPDC)) a estimé que le Mécanisme international constitue une violation flagrante des principes de la Charte des Nations Unies et des principes fondamentaux des relations internationales.  Les Nations Unies ne peuvent offrir leur assistance qu’à la demande de l’État concerné.  Le représentant a affirmé que la résolution portant création du Mécanisme a été élaborée sans consultation préalable avec la Syrie, alors qu’une telle décision relève d’ailleurs du Conseil de sécurité.  La mise en place du Mécanisme est un « exemple typique », a estimé le représentant, de la politisation et dues deux poids, deux mesures dans la question des droits de l’homme.  Rien ne saurait justifier que les activités d’un mécanisme « illégal », soient menées sous l’égide des Nations Unies.   

Il est temps, s’est impatienté le représentant, que le processus de paix en Syrie soit véritablement dirigé et contrôlé par les Syriens eux-mêmes, sans ingérence extérieure.  Il a exhorté l’ONU à préserver son impartialité, son objectivité et sa crédibilité, en tant que facilitateur du processus politique.  Il a soutenu le Gouvernement et le peuple syriens dans la défense de leur souveraineté nationale et de leurs droits « authentiques ». 

Mme  FIONA WEBSTER (Australie) s’est félicitée de la présentation du septième rapport du Mécanisme international, tout en affirmant ne pas se «  bercer d’illusions  » quant au poids de la responsabilité de la communauté internationale.  En effet, a-t-elle regretté, «  certains parmi nous » cherchent à discréditer le travail exceptionnel d’initiatives telles que ce mécanisme pour la Syrie.  Nous devons empêcher cela et défendre fermement les principes de responsabilité et de justice, a-t-elle martelé, souhaitant que l’impunité « ne gagne pas la partie ». 

Dans le même temps, a souligné la représentante, nous devons veiller à ce que la recherche de la justice ne se fasse pas aux dépens des victimes.  À cet égard, elle a salué l’adoption par le Mécanisme d’une approche centrée sur les victimes et les survivants.  De même, a-t-elle ajouté, l’Australie soutient fermement les efforts du Mécanisme pour insuffler une perspective sexospécifique dans ses enquêtes et mettre un accent accru sur les crimes commis contre les enfants.  «  Trop souvent, les plus vulnérables sont aussi les moins visibles  », a relevé la déléguée avant de réaffirmer l’appui de son pays au Mécanisme et à son «  travail essentiel  ».  «  Nous implorons tous ceux qui souhaitent vivre dans un monde régi par des principes de responsabilité et de justice à faire de même  », a-t-elle conclu. 

Mme  LAURA KATHOLNIG (Autriche) a salué les progrès réalisés par le Mécanisme au cours de la période considérée, compte tenu en particulier des restrictions auxquelles il est confronté en raison de la pandémie du COVID-19.  Son pays, a-t-elle dit, a fourni un soutien financier substantiel au Mécanisme avant son financement intégral par le budget ordinaire de l’Organisation.  La délégation a estimé que la coopération avec le Mécanisme, d’autres organisations internationales, les États et la société civile est essentielle.  À cet égard, l’Autriche, a-t-elle indiqué, a adopté une nouvelle législation l’an dernier, laquelle prévoit la coopération et l’assistance juridique entre le Mécanisme et ses autorités judiciaires. 

Encourageant les autres États à faire de même, la représentante a estimé que la communauté internationale doit faire davantage.  Elle a réitéré l’appel de son gouvernement au Conseil de sécurité pour qu’il renvoie la situation en Syrie à la CPI, « qui a été créée précisément pour ce type de situations ».  Étant donné que la CPI, en raison de ses capacités limitées, ne pourrait poursuivre qu’un petit nombre de responsables de haut niveau, nous pensons qu’un tribunal spécial devrait être créé pour garantir la poursuite de tous les auteurs des crimes les plus graves, a dit la représentante, et cela devrait aller de pair avec le renforcement des capacités de la justice nationale afin d’offrir des garanties de procédure équitable. 

Pour M.  XING JISHENG (Chine), la communauté internationale doit tirer les enseignements de cette crise et soutenir un processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens.  La Chine, a-t-il dit, appuie le rôle de bons offices des Nations Unies, conformément à la résolution 2254 et le processus d’Astana ainsi que le rôle joué par les pays de la région.  Nous avons toujours demandé, a répété le représentant, le respect du droit international humanitaire et ce, par toutes les parties.  La lutte contre l’impunité, a-t-il insisté, doit se mener dans le plein respect de la souveraineté du pays concerné.  Les efforts doivent également chercher à réaliser l’objectif global d’un règlement politique. 

Mme  NATALIA JIMENEZ ALE (Mexique) a noté que la création du Mécanisme est née d’une réponse de l’Assemblée générale à l’impossibilité du Conseil de sécurité de renvoyer la situation en Syrie à la CPI.  Elle a regretté que l’exercice du droit de veto n’ait pas encore permis de procéder de la sorte.  La représentante a réaffirmé à cet égard que « le veto n’est pas un privilège mais une grande responsabilité des membres permanents du Conseil de sécurité ».  Pour cette raison, a-t-elle dit, l’initiative que le Mexique promeut conjointement avec la France part du principe que le veto ne peut être utilisé quand il s’agit d’éviter ou de mettre un terme à la commission d’atrocités.  Elle a invité ceux qui ne font pas partie de cette initiative, qui compte déjà 105 États signataires, à se rallier à cet « appel contre l’inaction et l’impunité ». 

Pour la représentante, il est remarquable que, malgré tant d’adversités, le Mécanisme ait déjà reçu plus de 90 demandes d’assistance de différentes juridictions.  Cela démontre, selon elle, son engagement envers le peuple syrien et sa volonté de renforcer l’état de droit.  À ses yeux, la condamnation d’un ancien officier syrien devant le tribunal de Coblence, en Allemagne, et les procès en cours aux Pays-Bas et en France, pour n’en citer que quelques-uns, témoignent de cet engagement à combattre l’impunité.  Ces procédures pénales dans les juridictions nationales confirment la valeur du Mécanisme, dont le travail d’enquête est au cœur de la constitution de dossiers judiciaires, a-t-elle souligné, jugeant essentiel que les responsables de crimes commis contre les femmes, les filles, les garçons et les groupes vulnérables soient également tenus responsables. 

Appelant la communauté internationale à continuer d’appuyer le Mécanisme dans l’accomplissement de son mandat, avec la coopération des autorités locales et des organisations de la société civile, la représentante a tenu à réaffirmer en conclusion qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien.  Seule la voie politique, avec la lutte contre l’impunité comme fondement, peut permettre de trouver des solutions aux souffrances de millions de personnes. 

M.  YURI VITRENKO (Ukraine) a rappelé que son pays soutient le Mécanisme depuis sa création.  Le peuple syrien, a-t-il dit, souffre du soutien direct de « l’allié russe au régime au pouvoir ».  Garantir l’établissement des responsabilités est une obligation morale car l’impunité n’a pas lieu d’être quand des crimes aussi odieux sont perpétrés.  Rappelant qu’hier, dans cette même salle, était débattue la réforme du Conseil de sécurité, que le droit de veto y a été évoqué, l’Ukraine a accusé la Fédération de Russie d’abuser de ce pouvoir.  Nous sommes nous-mêmes victimes de « l’obsession russe » pour le droit de veto, a martelé le représentant.  « L’ impasse » du Conseil de sécurité doit pousser la communauté internationale à se montrer créative pour que les auteurs de crimes soient poursuivis, a conclu le représentant ukrainien. 

M. GIORGI MIKELADZE (Géorgie) a fait part de son extrême préoccupation face à la décennie de conflit en Syrie et aux souffrances du peuple syrien.  Plus de 11,5 millions de personnes ont fui, soit la moitié de la population syrienne.  De graves violations et abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire international persistent, aggravant le degré d’impunité à des « niveaux effrayants ».  Dans ce contexte, le Mécanisme international continue de démontrer « clairement » le rôle positif que nous pouvons jouer collectivement sur des questions où le Conseil de sécurité est bloqué.  Le représentant a tenu à réaffirmer le ferme soutien de son pays Mécanisme. 

M. CRAIG HAWKE (Nouvelle-Zélande) a réitéré son soutien au Mécanisme alors que la crise humanitaire en Syrie se poursuit à une échelle « impensable ».  Les victimes et les survivants des crimes commis dans ce pays depuis une décennie ont droit à la justice et à la responsabilité, ce qui est un précurseur important de toute paix durable.  La Nouvelle-Zélande est heureuse de constater, d’après le rapport du Mécanisme, que des progrès continuent d’être accomplis dans l’accomplissement de son mandat, malgré les défis posés par la pandémie de COVID-19 et la crise financière à laquelle l’ONU est confrontée.  M. Hawke a salué l’utilisation continue des nouvelles technologies, telles que l’examen automatisé des éléments de preuve, pour améliorer l’efficacité des travaux du Mécanisme.  Il a également appuyé l’élaboration de stratégies dédiées aux femmes, aux victimes et aux survivants et aux crimes contre les enfants, et encouragé le Mécanisme à intégrer la prise en compte de l’orientation sexuelle et des personnes handicapées dans ses travaux. 

M.  MARK ZELLENRATH (Pays-Bas) a déclaré que la communauté internationale ne peut fermer les yeux sur une décennie de graves violations des droits de l’homme en Syrie.  Il a estimé que le Mécanisme international est une entité « unique » de justice pénale internationale.  Mettant l’accent sur la collecte, la préservation et l’analyse des éléments de preuve « comme étapes indispensables de la lutte contre l’impunité », il a jugé crucial le travail du Mécanisme pour soutenir l’établissement des responsabilités aux niveaux national, régional et international.  Nous soutenons le Mécanisme depuis sa création, car nous croyons fermement qu’il ne peut y avoir de paix durable sans justice, a martelé le représentant, en précisant que l’établissement des responsabilités est une « priorité essentielle » de la politique étrangère néerlandaise, en matière de droits de l’homme.  Le représentant a indiqué que son pays et le Canada ont pris de nouvelles mesures pour tenir la Syrie responsable du non-respect de la Convention des Nations Unies contre la torture et de l’obligation de rendre justice aux victimes des violations les plus graves des droits de l’homme.  Le représentant a aussi salué les procédures en Allemagne, en France et en Suède, sur la base de la compétence universelle.  Il a enfin réitéré son appel à la saisine de la CPI. 

Garantir l’établissement des responsabilités des crimes commis en Syrie doit être une « priorité absolue » des Nations Unies, a estimé M. CHANAKA WICKREMASINGHE (Royaume-Uni).  Alors que la crise syrienne entame sa onzième année, nul doute que ce conflit est la pire crise du XXIe siècle, a-t-il ajouté, jugeant que les éléments de preuve collectés montrent que le « régime d’Assad » en porte la plus grande responsabilité.  Pour le représentant, le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie a fait la lumière sur les attaques atroces menées par « le régime » contre son propre peuple et sur son recours à des armes chimiques.  Condamnant dans les termes les plus forts ces actes épouvantables, il a souligné la contribution de son pays à ces efforts.  Le Royaume-Uni a ainsi versé plus de 13 000 livres sterling pour la collecte des éléments de preuve.  Le pays a en outre contribué à hauteur de 1,2  million de livres aux travaux d’enquête du Mécanisme international dont le dernier rapport montre les progrès accomplis.  Enfin, le représentant s’est félicité de ce que, dans le cadre de ses travaux, le Mécanisme ait adopté une approche fondée sur les femmes et les filles, ainsi que sur les victimes et les rescapés, et ce, afin d’aider les groupes les plus fragiles de la société syrienne. 

M. MOHAMMAD NAJAFABADI (République islamique d’Iran) a dénoncé à son tour le « soi-disant » Mécanisme international soutenu par des gouvernements qui exploitent les ressources nationales de la Syrie et aident des organisations terroristes à renverser le Gouvernement syrien.  Il faut traduire ces États en justice pour prévenir la répétition de telles politiques, a martelé le représentant, avant d’appeler à la levée immédiate des mesures coercitives unilatérales contre la Syrie et à la facilitation des efforts politiques par le biais du processus d’Astana.  Rappelant la position constante de son pays, fondée sur les principes des Nations Unies, il a rejeté toute initiative motivée politiquement et toute résolution sélective qui ne respecterait pas la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie.  

Ce Mécanisme a, hélas, été créé à l’issue d’un processus non transparent, sans coopération avec le Gouvernement syrien, a-t-il déploré.  En adoptant la résolution 71/248, l’Assemblée générale a violé les principes de la Charte de l’ONU, a renchéri le délégué, jugeant que, dès lors, le Mécanisme ne saurait être considéré comme un organe onusien.  De surcroît, a-t-il insisté, ses activités « ambiguës » ne peuvent être financées au titre du budget de l’Organisation.  

Depuis la création dudit Mécanisme, la Syrie n’a pas été consultée et son consentement préalable n’a pas été obtenu, a encore pointé le représentant, selon lequel cette structure va en outre au-delà de son mandat.  De ce fait, ses conclusions sont dépourvues de toute crédibilité et ne peuvent être utilisées dans des tribunaux nationaux ou internationaux.  L’absence de détermination des partisans de ce Mécanisme à créer un dispositif semblable pour le Yémen et la Palestine démontre, selon lui, les « deux poids, deux mesure » des résolutions de l’Assemblée générale.  C’est aussi l’illustration d’objectifs politiques étroits poursuivis sous le prétexte fallacieux de la défense des droits de la personne. Les partisans de ce Mécanisme, qui ne rapatrient pas leurs combattants présents en Syrie, sont hypocrites dans leurs arguments de lutte contre impunité, a-t-il encore dénoncé, réitérant en conclusion que le Mécanisme, tant qu’il bafouera la Charte de l’ONU et le droit international, ne pourra être considéré comme une source légitime de preuves et ne contribuera pas à l’instauration de la paix et de la sécurité.  

M. EVGENY SKACHKOV  (Fédération de Russie) a commencé par réaffirmer que son pays ne reconnaît pas le « soi-disant » Mécanisme, une structure créée sur la base d’une « décision illégitime » qui ne pourra jamais prouver sa légitimité.  Regrettant que l’Assemblée générale se voit forcée de consacrer du temps et des ressources à discuter d’un rapport « vide d’informations significatives », le représentant s’est également interrogé sur le principe de confidentialité du Mécanisme, puisque que, selon son rapport, il a commencé à diffuser activement des « produits analytiques et des dossiers de preuve ».  

Notant par ailleurs que cette « structure illégitime » a été transférée au budget ordinaire de l'ONU du fait de l’arrêt de la pratique de consensus à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, le représentant a souhaité savoir où est allée la contribution que son pays a versée intégralement à l’Organisation.  Il a également relevé que le Mécanisme emploie du personnel subordonné au Secrétaire général et qu’il bénéficie déjà de 50 postes financés sur le budget ordinaire.  « Où sont la transparence et la responsabilité des organes des Nations Unies? », a-t-il demandé. 

Le représentant a ensuite constaté que le document présenté ne contient même pas d'informations sur la façon dont le Mécanisme effectue son travail.  « Pour une raison inconnue », cette structure ne juge pas nécessaire de clarifier les actes illégaux ou suspects de certaines juridictions nationales.  Seuls les « pentaoctets » d’informations collectées sont signalés et leur volume continue d'augmenter à l'infini, en raison de l’interaction avec un large éventail de sujets.  « Bientôt les ordinateurs vont éclater », a-t-il ironisé, avant de dénoncer le « silence » du rapport sur les sources des «  soi-disant preuves » ainsi que sur la procédure de collecte et de sélection des éléments de preuve.  

Il est précisé qu’en 2020, le Mécanisme a conduit 130 activités de collecte.  Pourquoi l’Assemblée générale n’est-elle pas informée des territoires sur lesquels ces activités ont été menés, a-t-il encore demandé.  S’il s’agit du territoire de la République arabe syrienne, et si oui « sur quelle base juridique ont-elles eu lieu? »  Dans ces conditions, a-t-il conclu, nous considérons qu’il n’existe pas de possibilités de coopération avec ledit Mécanisme et que toute preuve recueillie par une telle « structure illégitime » ne saurait être utilisée pour des procédures pénales nationales ou internationales.  

M. ROBERT RAE  (Canada) a d’entrée de jeu tenu à répondre aux commentaires de la Fédération de Russie qui a prétendu que le Mécanisme divulgue des informations alors qu’il n’est qu’à l’étape de l’instruction?  « C’est complètement absurde », a tranché le représentant.  Gardons par ailleurs à l’esprit, a-t-il dit, que lorsque le Conseil de sécurité est paralysé, l’Assemblée générale est contrainte d’agir.  Personne n’a le droit de veto ici, a-t-il martelé.  Le Mécanisme, a-t-il ajouté, a le mérite mettre en garde les autres régimes et les groupes armés.  Le représentant a salué les progrès accomplis dans le cadre de la stratégie sur le genre et de la coopération avec la société civile.  En effet, a-t-il estimé, les initiatives de justice doivent être axées sur les victimes et il faut donc se féliciter de l’ouverture du Mécanisme aux initiatives non pénales d’établissement des responsabilités qui démontre l’attitude « conciliante » du Mécanisme. 

Le représentant s’est par ailleurs réjoui que le Mécanisme soit financé par le budget ordinaire de l’ONU, ce qui garantit un processus soutenu de façon durable.  Ce soutien est d’autant plus important que la paix dans la région est impossible sans l’établissement des responsabilités et sans la fin des injustices et de la violence que le peuple syrien a endurées pendant plus d’une décennie. 

M. JHON GUERRA SANSONETTI (Venezuela) a rappelé que son pays a voté contre la résolution à l'origine de la création du Mécanisme, car ce dernier « contredit et viole de façon flagrante la Charte des Nations Unies, ainsi que le droit international ».  Nous estimons, a une nouvelle fois expliqué le représentant, que l'Assemblée générale a été « forcée par une majorité circonstancielle » à usurper les prérogatives du Conseil de sécurité, seul à même d’enquêter et de sanctionner.  Ce faisant, le Mécanisme fait fi de la responsabilité première des États souverains d'enquêter sur les infractions commises sur leur territoire national.  Pour le représentant, les preuves « hypothétiques » recueillies par le Mécanisme n’ont « aucune validité » aux yeux de la Syrie, dont les institutions nationales sont pleinement capables d’enquêter sans faire ingérence extérieure.  Le Mécanisme cherche en fait à promouvoir les intérêts politiques d'une poignée de gouvernements. 

Nous condamnons donc, a poursuivi le représentant, toute tentative de le financer à partir du budget ordinaire.  Ce Mécanisme constitue un exemple flagrant de l’approche du deux poids, deux mesures favorisée par les « puissances occidentales ».  Pendant ce temps-là, le peuple palestinien ne pas fait l'objet de tels égards, a ironisé le représentant qui y a vu dans la création du Mécanisme tout sauf le souci d’apporter des solutions aux souffrances du peuple syrien.  Il a appelé à la fin des ingérences qui divisent et qui risquent d’hypothéquer toute tentative « objective » de faciliter le parcours de la Syrie vers la paix.  Il a insisté sur un processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens eux-mêmes, sans l’ingérence des puissances étrangères. 

Mme  DIARRA DIME-LABILLE (France) a commencé par rappeler que depuis sa création, la France apporte son plein soutien au Mécanisme international qui joue un rôle double: « celui de répertoire central d’informations et d’éléments de preuve sur les crimes commis depuis 2011 et celui de facilitateur de la justice, en appui aux enquêtes ».  Le Mécanisme a notamment avancé sur deux volets essentiels, a-t-elle noté: la mise à disposition aux juridictions des dossiers de preuves et les échanges avec de plus larges segments de la société civile syrienne.  Nous saluons la prise en compte systématique des questions liées au genre dans l’ensemble de ses travaux, a dit la France. 

Les défis sont nombreux pour le Mécanisme, dans le contexte sanitaire actuel, qui complique ses travaux, notamment la masse et la diversité des éléments de preuve à organiser avec un contexte budgétaire contraint.  La représentante s’est cependant félicitée de constater que, malgré le contexte sanitaire, le Mécanisme a progressé dans son mandat en développant des méthodes de travail à distance, et en répartissant stratégiquement ses ressources limitées.  Elle a promis que son pays continuera de se mobiliser en lien avec ses partenaires pour que le financement du Mécanisme soit maintenu dans le budget ordinaire de l’ONU, conformément aux recommandations passées du Secrétaire général. 

Mme  Dime-Labille a salué le courage des acteurs de la société civile syrienne, les invitant à poursuivre leur coopération avec le Mécanisme.  De même, les mécanismes onusiens, notamment la Commission d’enquête internationale indépendante, ainsi que les mécanismes de l’OIAC, comme l’Équipe d’investigation et d’identification, doivent continuer à coopérer avec le Mécanisme, dans le cadre de leur mandat respectif.  Elle a également invité tous les États concernés par la lutte contre l’impunité en Syrie à formaliser des accords de coopération avec l’équipe du Mécanisme, encourageant les juridictions compétentes à échanger les informations et à mutualiser les moyens.  «  Une telle coopération a permis la tenue d’un procès historique à Coblence et plus d’une quarantaine d’enquêtes sont actuellement en cours en France », s’est félicitée la représentante. 

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a cité le rôle clef joué par son pays aux côtés du Liechtenstein dans la mise en place du Mécanisme, considérant que l’établissement des responsabilités est essentiel pour garantir la paix en Syrie.  La collecte des éléments suit son cours, s’est félicitée la représentante.  Louant les avancées considérables obtenues par le Mécanisme, malgré la pandémie, elle a souligné qu’il importe de veiller à ce qu’il reçoive un financement suffisant et prévisible dans le cadre du budget ordinaire de l’Organisation, de manière à pouvoir renforcer sa crédibilité et son indépendance.  À l’avenir, le Qatar a dit qu’il continuera d’appuyer tous les efforts visant à mettre fin à la crise grâce à un processus politique objectif fondé sur la Déclaration de Genève et la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  La délégation a condamné toutes les violences à l’encontre des civils et toutes les violations flagrantes du droit international et du droit international humanitaire commises en Syrie. 

D’emblée, Mme  ROSA GUERRA TAMAYO (Cuba) a rappelé que son pays a voté contre la résolution établissant ce mécanisme.  Cuba ne «  soutient et ne soutiendra aucun mécanisme qui ignore délibérément  » les principes directeurs qui ont donné naissance à cette Organisation, tels que la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  L’adoption et la mise en œuvre d’un tel mécanisme est sans précédent dans l’histoire des Nations Unies et constitue un « outrage » aux normes et principes du droit international et une « pratique dangereuse ». 

Les Nations Unies, a poursuivi la représentante, ne peuvent adopter un document qui ignore clairement la responsabilité première d’un État souverain d’enquêter et de poursuivre tout crime qui aurait été commis sur son territoire, a-t- elle martelé. 

« L’illégalité » de ce mécanisme est évidente à plusieurs égards, a dit la déléguée.  Premièrement, son mandat n’a aucun fondement dans la Charte de l’Organisation.  Il excède les compétences et les fonctions conférées à l’Assemblée générale et attribue au Mécanisme un statut d’organe subsidiaire de l’Assemblée, conférant à lui et à son personnel une personnalité juridique, des immunités et des prérogatives « illégitimes ». 

En outre, comme le mandat n’est pas défini, les États Membres n’ont pu se prononcer en connaissance de cause lors de l’adoption de la résolution.  Nous voyons, s’est agacée la représentante, un mécanisme qui se voit attribuer des fonctions similaires à celles d’un tribunal.  Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est non seulement la mise à l’index « injuste » d’un État Membre souverain mais aussi la crédibilité de l’Organisation aux yeux de l’opinion publique.  L’ONU, s’est-elle expliquée, est perçue comme étant incapable de respecter sa propre Charte fondatrice. 

M. DENNYS MONTENEGRO (Nicaragua) a dénoncé le rapport du Mécanisme qu’il a jugé « propice à la sélectivité ».  Il a rappelé que son pays a voté contre ce « mécanisme controversé » qui vise un pays victime d’agression contre sa souveraineté.  Pour le représentant, les « préjugés » contenus dans le rapport du Mécanisme font fi des progrès réalisés par la République arabe syrienne, en matière de droits humains, et ce, dans des circonstances « pourtant exceptionnelles ».  Rejetant entièrement ce « soi-disant mécanisme », il a souhaité que les Nations Unies préservent leur crédibilité et continuent de faciliter le processus politique, sans se soumettre aux pratiques politiques de certains gouvernements.  Selon lui, le Gouvernement syrien a toute légitimité pour agir et combattre les ingérences extérieures.  Afin d’aborder la situation humanitaire syrienne de manière efficace, a-t-il ajouté, il convient d’adopter une approche sage et constructive, dénuée de mesures coercitives unilatérales.  Ce n’est qu’ainsi que nous ouvrirons la voie à un processus politique permettant de rétablir la stabilité, de reconstruire ce qui été détruit par le terrorisme et d’organiser le retour sûr et sans entrave des réfugiés et des déplacés, a conclu le délégué. 

M. ABDALLAH AL-MOUALLIMI (Arabie saoudite) a réitéré son soutien au Mécanisme, et plus généralement à l’établissement des responsabilités, à l'importance primordiale de la protection des civils dans les conflits armés, ainsi qu’à l'idée de transparence de la justice.  Le représentant s’est aussi dit gravement préoccupé par les conséquences de la pandémie sur le peuple syrien, les cas de COVID-19 dépassant de loin les chiffres officiels, et par la détérioration de la situation économique et sociale en Syrie.  Il a dit appuyer tous les efforts visant à mettre un terme à la tragédie syrienne.  Il a rappelé la contribution de son pays à une solution politique, dont l’organisation des deux conférences ayant abouti à l’établissement de la Commission chargée des négociations syriennes.  L'Arabie saoudite, a-t-il aussi rappelé, a dûment financé le Mécanisme, en versant une somme d’un million de dollars et en confirmant ainsi son engagement en faveur d’une solution politique.  Il a appelé les pays de la région à contribuer eux aussi au Mécanisme. 

Dans une motion d’ordre, le représentant de la Syrie a dénoncé la terminologie utilisée par l’Union européenne.  Nous sommes « la délégation de la République arabe syrienne auprès des Nations Unies », a-t-il souligné.  Si vous voulez soulever les préoccupations spécifiques d’un pays ou d’un groupe de pays vous êtes les bienvenus mais faites-le correctement avec la bonne terminologie. Vous parlez d’un État Membre, faites-le de façon professionnelle et avec diplomatie, dans le respect de l’égalité souveraine entre États.  Évitez d’utiliser des « termes inacceptables », a martelé le représentant.  

Droit de réponse

Le représentant de la République arabe syrienne a douté, une nouvelle fois, de l’objectivité et de l’impartialité du Mécanisme, estimant qu’il mène une enquête à charge.  Il a aussi critiqué le manque de professionnalisme de la Commission d’enquête.  Quant à l’OIAC, elle est « manipulée de l’intérieur ».  Le représentant a également répondu à la Turquie et lui a demandé qui a facilité le transfert de terroristes sur le territoire syrien.  Enfin, si les Européens continuent d’envoyer des armes chez Syrie, ils doivent savoir qu’ils risquent eux-mêmes de devenir un terreau fertile du terrorisme.  L’Europe travaille en l’occurrence « contre ses propres intérêts  », a prévenu le représentant .   

Le représentant de la Turquie a préféré de ne pas répondre aux propos de son homologue syrien.

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