SC/14243

Conseil de sécurité: multiplication des appels à la fin de l’ingérence étrangère, à la reprise du processus politique et à un cessez-le-feu durable en Libye

Pendant que le monde entier fermait ses frontières et se confinait à cause de la COVID-19, bateaux, avions, camions chargés de mercenaires et d’armes se déversaient dans les villes libyennes, a dénoncé aujourd’hui le Ministre allemand des affaires étrangères.  M. Heiko Maas, dont le pays préside le Conseil de sécurité ce mois-ci, a jugé qu’il est temps de mettre fin à « cette absurdité cynique ».

Relayé par toutes les délégations, le Ministre a appelé à la fin de l’ingérence étrangère: « plus d’avions, plus de tanks, plus de camions ou de cargos chargés d’armes, et plus de mensonges ».  Il a prévenu qu’il compte utiliser tous les instruments à disposition, y compris des sanctions ciblées, pour éviter que la Libye ne devienne le théâtre d’une guerre étrangère.  « Le temps n’est pas de notre côté », a prévenu le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, au cours de cette réunion sur la situation en Libye durant laquelle ont défilé en tout 33 intervenants dont plusieurs ministres.

Le Secrétaire général a plaidé pour une reprise du processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, sous les auspices des Nations Unies, et pour un cessez-le-feu négocié, deux demandes qu’il a faites dans ses conversations téléphoniques avec le Premier Ministre Fayez-al-Serraj et le maréchal Khalifa Haftar.  Le Secrétaire général a reconnu que la nomination d’un nouveau représentant spécial faciliterait grandement les efforts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et a dit compter sur le Conseil de sécurité pour accélérer ce processus.

Le conflit libyen, s’est-il alarmé, est entré dans une nouvelle phase avec un niveau d’ingérence étrangère sans précédent.  Le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale continue d’être mis à rude épreuve, ce qui, s’est inquiété le Ministre des affaires étrangères du Niger, M. Kalla Ankoura, alimente les tensions entre les parties belligérantes et compromet gravement les efforts de la communauté internationale en faveur d’un retour à un processus politique porté par les libyens eux-mêmes. 

On ne le dira jamais assez, la Libye n’a pas besoin d’armes; elle n’a pas besoin de mercenaires; elle n’a pas non plus besoin d’être le théâtre de l’expression de la volonté de puissance de certains acteurs internationaux, a martelé le Ministre.  Les accords « passés dans les coulisses » par des acteurs étrangers « afin de se ménager des sphères d’influence » doivent cesser, a repris le Ministre allemand des affaires étrangères.  Nous devons plutôt nous unir derrière la MANUL et les efforts de paix de l’ONU pour aider les Libyens à trouver une solution politique, à instaurer une paix durable et à préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Libye, a estimé M. Maas.

En dépit de l’escalade des tensions, d’un déficit budgétaire « historique » de plus de 50% du PIB, des abus des droits de l’homme dont la découverte de charniers à Tarhouna, certaines délégations dont les États-Unis ont, comme le Secrétaire général de l’ONU, entrevu une « fenêtre d’opportunité à ne pas rater » puisque le processus lancé à Berlin en janvier s’est poursuivi tout au long des six derniers mois et que les pourparlers dans le cadre de la Commission militaire conjointe 5+5 ont repris.  La Chine et le Royaume-Uni se sont montrés plus prudents, soulignant que les participants à la Conférence de Berlin n’ont pas tous donné suite à l’engagement pris de pleinement respecter l’embargo sur les armes imposé par l’ONU et de s’abstenir de toute activité risquant d’exacerber le conflit. 

Même si les résultats de la Conférence de Berlin ont été appuyés par la résolution 2510 du Conseil de sécurité, leur mise en œuvre a échoué à cause du « péché originel » de ce texte qui n’était pas inclusif et qui n’a pas obtenu l’assentiment de toutes les parties libyennes, a tranché la Fédération de Russie.  Quant aux accusations d’ingérence militaire proférées par les États-Unis, la Fédération de Russie a répondu qu’il n’y a pas « un seul militaire russe impliqué dans l’action armée en Libye ».  Aucune donnée crédible ne saurait justifier ces accusations, mais nous savons tous que le personnel militaire d’autres pays, « y compris ceux qui nous accusent », sont présents sur le sol libyen, à l’Est et à l’Ouest.  Mais cela ne dérange pas ceux qui, pour des raisons géopolitiques, cherchent à créer une fausse vision selon laquelle Moscou interférerait dans la confrontation armée libyenne interne et prendrait ouvertement parti pour l’une des parties, s’est énervée la Fédération de Russie.

Tous les hauts faits de ce « criminel de guerre », s’est emportée, à son tour, la Libye, en parlant du maréchal Haftar, sont bien documentés et pourtant, certains continuent de le considérer comme un partenaire de la paix.  Un prétendu partenaire, s’est indignée la Libye, qui est épaulé par un réseau international de mercenaires soudanais, tchadiens et syriens et du groupe Wagner.  La Libye a profité du débat pour annoncer « l’échec de l’envahisseur » qui, « comme promis », n’est jamais entré à Tripoli.  En revanche, elle a fait valoir le « droit souverain et légitime » de son Gouvernement d’entente nationale de se choisir une coalition et rejeté catégoriquement, dans ce cas, le qualificatif « d’ingérence étrangère ».  Tenant à parler en dernier pour pouvoir, a-t-elle dit, répliquer avec la plus grande précision, elle a, dans une très longue intervention, souligné que l’ingérence étrangère, c’est, entre autres, quand l’Égypte menace d’intervenir militairement sur le sol libyen et quand les Émirats arabes unis, « ni un pays voisin, ni un pays de la région, ni un pays méditerranéen », se mêlent de la situation en Libye, en complotant avec Khalifa Haftar.  Les deux pays ont répondu aux propos de la Libye.

Distanciation sociale oblige, c’est chacun dans sa mission que les 15 membres du Conseil font leur déclaration et dialoguent avec leurs invités, grâce à un système de visioconférence, spécialement conçu pour eux.  Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Algérie, République démocratique du Congo, Tchad, Égypte, Grèce, Italie, Libye, Maroc, Pays-Bas, Soudan, Suisse, Turquie, Émirats arabes unis et Qatar, sans oublier l’Union africaine, l’Union européenne et de la Ligue des États arabes. 

La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a espéré d’emblée que cette réunion, qui intervient six mois après la Conférence internationale de Berlin sur la Libye, offre l’occasion de se réengager en faveur des principes convenus dans la ville allemande et inscrits dans la résolution 2510 du Conseil de sécurité.  « Le temps n’est pas de notre côté », a-t-il mis en garde, expliquant que le conflit libyen est entré dans une nouvelle phase avec un niveau d’ingérence étrangère sans précédent, se traduisant par la livraison d’équipements sophistiqués et la présence d’un nombre croissant de mercenaires. 

Faisant le point sur l’évolution de la situation depuis le 19 mai, le Secrétaire général a indiqué que l’Armée nationale libyenne (ANL) s’est retirée des lignes de front à Tripoli et que le Gouvernement d’entente nationale a repris la base aérienne d’Al-Wutiya, Tarhouna et Bani Walid.  De plus, les unités de ce dernier, avec un soutien extérieur important, ont poursuivi leur progression vers l’Est, se trouvant désormais à 25 kilomètres à l’ouest de Syrte, après deux tentatives de prendre le contrôle de la ville.  Même si la situation sur les lignes de front est plutôt calme depuis le 10 juin, le Secrétaire général s’est dit très préoccupé par une accumulation alarmante d’armes et de troupes autour de la ville et le niveau élevé d’une ingérence étrangère directe, ce qui est contraire à l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies, aux résolutions du Conseil de sécurité et aux engagements pris par les États à Berlin.  M. Guterres a rappelé l’attaque du 5 juillet menée par des forces aériennes non identifiées sur la base aérienne d’Al-Wutiya.  Dans ce sombre tableau, toutes les occasions de surmonter l’impasse politique doivent être saisies, a-t-il encouragé, en rappelant les efforts de désescalade de la MANUL, notamment la création d’une éventuelle zone démilitarisée.

L’évolution de la situation dans l’est de la Libye tend vers un soutien renouvelé à une solution politique, a estimé le Secrétaire général, en attirant l’attention sur l’initiative prise par le Président de la Chambre des représentants le 23 mai et la Déclaration du Caire du 6 juin.  Le Gouvernement d’entente nationale a également appelé à des élections nationales.  Cependant, a souligné le Secrétaire général, ces ouvertures sont fragiles puisque que la position des parties continue d’être déterminée par les développements militaires et le soutien de bailleurs de fonds extérieurs.

Les développements récents sur le terrain ont abouti à l’accord des deux parties de reconvoquer la Commission militaire conjointe 5+5 pour poursuivre les discussions sur le projet d’accord de cessez-le-feu déposé par la MANUL à Genève en février, a dit le Secrétaire général.  Au cours de ce troisième cycle de pourparlers -qui a repris en juin-, le Représentant spécial par intérim a convoqué deux réunions virtuelles avec chaque délégation, qui ont reconfirmé les points clefs d’un éventuel consensus.  Les discussions actuelles portent sur les domaines de convergence, dont le départ des mercenaires étrangers; la coopération entre les institutions militaires et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme; le désarmement et la démobilisation des groupes armés dans toute la Libye; et les modalités d’un éventuel mécanisme de cessez-le-feu qui refléterait la nouvelle réalité sur le terrain.  L’ONU continuera de travailler avec les parties pour parvenir à un cessez-le-feu et reprendre un processus politique, a assuré le Secrétaire général.

Il a indiqué que dans ses conversations téléphoniques avec le Premier Ministre Serraj et le maréchal Haftar, il a lancé un appel pressant pour qu’ils s’engagent en faveur d’un cessez-le-feu efficace et fassent rapidement avancer le processus politique.  Le Secrétaire général a ajouté que l’ONU, l’Union africaine et la Ligue des États arabes, ainsi que d’autres acteurs et organisations régionaux clefs et l’Union européenne, continueront de travailler en étroite collaboration pour aider le peuple libyen à consolider son économie, sa sécurité et avenir politique. 

En ce qui concerne le processus de Berlin, trois réunions du Comité international de suivi ont eu lieu cette année, à savoir les 2 avril, 13 mai et 22 juin.  La prochaine réunion est prévue pour ce mois-ci et les groupes de travail politique, sécuritaire et économique sont tous opérationnels, contribuant aux efforts de la MANUL pour faciliter un dialogue dirigé et contrôlé par les Libyens. 

Après les dernières opérations militaires dans le sud de Tripoli et de Tarhouna, près de 30 000 personnes ont été contraintes de fuir, portant le nombre des déplacés à plus de 400 000.  Entre le 1er avril et le 30 juin, la MANUL a recensé au moins 356 victimes civiles, dont 102 morts et 254 blessés.  Il s’agit d’une augmentation de 172% par rapport au premier trimestre de 2020, a indiqué le Secrétaire général, alors que depuis le début de l’année, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recensé au moins 21 attaques contre des installations médicales, des ambulances et du personnel médical. 

Après que le Gouvernement d’entente nationale a repris le contrôle de Tarhouna, de nombreux charniers ont été découverts, a confirmé le Secrétaire général qui s’est dit choqué.  Il a rappelé une fois de plus à toutes les parties au conflit leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Il a salué la décision du Conseil des droits de l’homme de créer une mission internationale d’établissement des faits en Libye pour enquêter sur les violations commises depuis début 2016 et promouvoir l’établissement des responsabilités.  Il a également noté que la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé qu’elle n’hésiterait pas à enquêter sur d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité.  Le 19 juin, les Nations Unies ont répondu à la demande écrite du Premier Ministre Serraj de soutenir l’enquête sur les charniers.  L’ONU est prête à donner son avis sur la conduite des enquêtes, la sécurisation des charniers et les mécanismes nationaux d’aide aux victimes, a indiqué le Secrétaire général.

Abordant également la situation des migrants et demandeurs d’asile en Libye, il a regretté qu’ils continuent d’être régulièrement soumis à des détentions arbitraires, à la torture, à des violences sexuelles, à des enlèvements contre rançon, au travail forcé et à des meurtres.  Il s’est dit profondément préoccupé par les risques encourus par les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile qui tentent de traverser la Méditerranée.  En 2020, plus de 5 000 réfugiés et migrants ont été interceptés ou secourus en mer et renvoyés en Libye.  De nombreuses personnes interceptées ont été arrêtées, et environ 2 100 migrants et réfugiés sont restés dans des centres de détention, souvent dans des circonstances épouvantables.  Le Secrétaire général a demandé aux autorités d’intensifier leurs efforts pour trouver une solution à cette situation.  La pandémie de COVID-19 est également une source de préoccupation croissante, a-t-il alerté, puisque le nombre de cas confirmés a été multiplié par sept au mois de juin, avec 1 046 cas confirmés et 32 décès.  Compte tenu de la pénurie de kits de dépistage, M. Guterres s’est dit convaincu que l’ampleur réelle de la pandémie est beaucoup plus élevée.  Il a vivement encouragé les autorités libyennes à approuver un plan national global de préparation et d’intervention pour garantir une approche cohérente et coordonnée de la lutte contre la pandémie.

Alors qu’il y a toujours des tensions dans le centre de la Libye, les Nations Unies ont continué de collaborer avec les parties pour éviter que le conflit ne se propage dans la région du croissant pétrolier, dont le pays tire 60% de ses ressources pétrolières.  Le blocus actuel a déjà coûté plus de 6 milliards de dollars en pertes de revenus, a rappelé le Secrétaire général, endommagé les infrastructures pétrolières et créé les conditions d’un déficit budgétaire « historique » de plus de 50% du PIB libyen.  Avec le soutien des États Membres, la MANUL a entrepris une médiation visant à lever le blocus pétrolier, en place depuis janvier 2020, afin de protéger cette zone d’une importance vitale du spectre du conflit armé et d’atténuer les difficultés économiques du pays.

Il y a deux jours, le Groupe de travail économique comprenant les participants à la Conférence de Berlin a tenu une réunion virtuelle avec le Président de la « National Oil Corporation » et a publié une déclaration commune de soutien à la reprise de la production pétrolière.  La « National Oil Corporation » a déclaré aujourd’hui son intention de lever le « cas de force majeure » sur le port oriental d’El Sider pour permettre à un pétrolier de décharger.  Elle a en outre lancé un appel pour que tous les groupes partent des installations pétrolières.  M. Guterres s’est dit convaincu que le Conseil continuera d’appuyer les efforts visant à lever le blocus pétrolier au profit du peuple libyen.

Afin d’améliorer l’allocation transparente des abondantes ressources du pays, la MANUL a travaillé sans relâche pour réaliser un audit international des deux succursales de la Banque centrale de Libye.  Malheureusement, cet audit n’a pas pu progresser comme attendu à cause de l’obstruction de plusieurs responsables nationaux clefs, a regretté le Secrétaire général, alors même que les autorités judiciaires libyennes avaient jugé l’audit légal en juin de cette année.  Par conséquent, il a demandé au Conseil de sécurité de tout faire pour que cet audit essentiel puisse commencer dès que possible.

Le Secrétaire général a reconnu que la nomination d’un nouveau représentant spécial facilitera grandement les efforts de la Mission et il a dit compter sur le Conseil de sécurité pour accélérer ce processus.  Il a promis que la tragédie du 10 août à Bengazi, où trois membres libyens du personnel de l’ONU ont été tués et deux autres, blessés, ne découragera pas l’ONU de s’acquitter de son mandat d’apporter paix, stabilité et prospérité à la Libye et à son peuple.

M. HEIKO MAAS, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a indiqué que depuis la Conférence de Berlin sur la Libye, six mois se sont écoulés, au cours desquels la COVID-19 a bouleversé le monde.  Alors que le monde entier fermait ses frontières et se confinait, bateaux, avions, camions avec mercenaires et armes se déversaient dans les villes libyennes, a-t-il déclaré.  « Il est temps de mettre un terme à cette absurdité cynique. »  C’est la raison pour laquelle nous vous avons tous invités aujourd’hui, ainsi que les participants à la Conférence de Berlin, afin de discuter et d’agréer des prochaines étapes, a expliqué le Ministre.  Premièrement, il a appelé à la fin de l’ingérence étrangère, principal facteur du conflit libyen.  « Cela veut dire: plus d’avions, plus de tanks, plus de camions ou de cargos chargés d’armes, et plus de mensonges. »  M. Maas a indiqué qu’il compte utiliser tous les instruments à disposition, y compris des sanctions ciblées, pour s’assurer que la Libye ne soit pas le théâtre d’une guerre étrangère.

Deuxièmement, le Ministre a demandé la fin des « accords passés dans les coulisses » par des acteurs étrangers afin de se ménager des sphères d’influence.  « Nous devons plutôt nous unir derrière la MANUL et les efforts de paix de l’ONU pour aider les Libyens à trouver une solution politique, à instaurer une paix durable et à préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Libye. »

Troisièmement, M. Maas a noté la fragilité de l’accalmie sur les champs de bataille libyens et voulu que cette accalmie se traduise maintenant par un cessez-le-feu négocié, dans le cadre des pourparlers onusiens 5+5.  Le Ministre a exhorté les parties belligérantes à œuvrer à la réussite des négociations sans conditions préalables et dans les plus brefs délais.  Une première étape importante, a-t-il estimé, pourrait être une solution démilitarisée pour Syrte et Joufra.  « Nous appelons les parties en Libye et chacun d’entre vous à vous rallier à cette idée. »  Le Ministre a enfin demandé que le Secrétariat présente des options possibles à cette fin.

Au moment où nous parlons, le conflit armé en Libye se poursuit sans relâche, ouvrant la porte à un terrorisme effréné, à la prolifération des armes et aux sorties massives des réfugiés, a constaté le Ministre des affaires étrangères de la Chine, M. Wang Yi.  Alors que la Conférence internationale de Berlin en janvier dernier a réaffirmé le consensus de la communauté internationale, la mise en œuvre se heurte à des revers et à des problèmes, a-t-il regretté.  Il est impératif que la communauté internationale s’efforce de traduire le consensus en actes, a souhaité le Ministre.  Il a mis l’accent sur le rôle de premier plan du Conseil de sécurité, estimant qu’un cessez-le-feu global et la cessation de la violence devraient être « notre priorité immédiate ».  La Chine a appelé toutes les parties en Libye à répondre à l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial, à cesser immédiatement les hostilités et à lancer les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 pour désamorcer le conflit et instaurer un cessez-le-feu durable.  Elle a également appelé les autres pays à respecter à la lettre les résolutions du Conseil de sécurité, et à ne pas s’impliquer dans le conflit armé ni à se mêler des affaires intérieures de la Libye, mais aussi à appliquer strictement l’embargo sur les armes.

Pour le Ministre, la seule voie à suivre est celle d’un règlement politique comme le souligne également la résolution 2510 du Conseil de sécurité.  C’est en ce sens qu’il a appelé les parties en Libye à reprendre le dialogue et à poursuivre en parallèle les négociations politiques, économiques et militaires.  Le principe d’un processus dirigé et contrôlé par les Libyens doit être respecté par tous, a exigé la Chine, pour laquelle le rôle des Nations Unies doit être soutenu en tant que principal canal de médiation.  Par ailleurs, les organisations régionales telles que la Ligue des États arabes et l’Union africaine disposent de ressources « uniques » pour faciliter une solution politique.  Elles devraient être encouragées à jouer un rôle important, a estimé le Ministre.

Il a mis en garde contre les retombées de la crise libyenne et demandé la communauté internationale de rejeter le terrorisme dans toutes ses manifestations.  Il est impératif, a-t-il insisté, de lutter contre les mouvements transfrontières des terroristes étrangers, de combattre les organisations terroristes et les individus répertoriés par le Conseil de sécurité et d’empêcher la Libye de devenir un foyer du terrorisme.  Même s’il a dit « comprendre la pression que subissent certains pays » en raison de l’afflux des réfugiés, le Ministre a estimé que la seule solution, c’est la fin de la crise libyenne et le début de la reconstruction.  Le Ministre a conclu en revenant sur le respect des buts et principes de la Charte des Nations Unies.  La tourmente, qui dure depuis une décennie en Libye, nous enseigne, a-t-il affirmé, que les tentatives de changement de régime ne provoquent que des turbulences et que les interventions militaires, que des problèmes sans fin.  Notre position demeure inchangée, a martelé le Ministre: respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Libye et soutien à un règlement politique sous les auspices de l’ONU.

Le Ministre des affaires étrangères du Niger, M. KALLA ANKOURA, a regretté que six mois après la Conférence de Berlin sur la Libye, la situation sur le terrain se soit dégradée au lieu de s’améliorer, compte tenu des engagements pris par les différents participants à cette conférence.  Le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale continue d’être mis à rude épreuve par les ingérences extérieures qui alimentent les tensions entre les parties belligérantes et compromettent gravement les efforts de la communauté internationale en faveur d’un retour à un processus politique porté par les libyens eux-mêmes, a-t-il noté.  « Ces ingérences, dont on sait, aujourd’hui, qu’elles s’accompagnent de transferts massifs d’armes de guerre et de mercenaires, constituent une violation flagrante des résolutions 1970 (2011) et 2292 (2016) du Conseil de Sécurité. »

Le Ministre a rappelé que les cinq États du G5-Sahel souffrent depuis près de 10 ans d’une instabilité croissante, qui vient en partie de la situation déplorable dont souffre la Libye.  À cet égard, la situation du Mali, où la MINUSMA intervient dans un contexte délicat, illustre avec une vive acuité, les problèmes posés par la situation de la Libye, pays voisin et frère, a-t-il déclaré en appelant tous les participants au processus de Berlin à honorer leurs engagements, à s’abstenir d’interférer dans les affaires intérieures de la Libye et à donner une chance à la création des conditions d’un cessez-le-feu général, à même de permettre l’acheminement d’une aide humanitaire cruciale dans le contexte de la pandémie de COVID-19. 

« On ne le dira jamais assez, la Libye n’a pas besoin d’armes; elle n’a pas besoin de mercenaires; elle n’a pas non plus besoin d’être le théâtre de l’expression de la volonté de puissance de certains acteurs internationaux », a clamé le Ministre.  Elle a aujourd’hui besoin de réconciliation, de paix et de prospérité, a-t-il fait valoir, expliquant qu’elle peut compter, à cet égard, sur les immenses potentialités dont regorge son sous-sol. 

M. Ankoura a réitéré l’importance du rôle que doivent continuer de jouer le Conseil de Sécurité, l’Union africaine, la Ligue des États arabes, l’Union européenne et tous les autres acteurs concernés, pour stopper la dérive actuelle et aider la Libye à redevenir un pays de paix, de stabilité et de prospérité.  Le Ministre a également rappelé l’urgence de la nomination d’un représentant spécial du Secrétaire général qui, en fédérant l’ensemble des initiatives, pourra relancer la dynamique de paix et de réconciliation.  Il appartient désormais au Conseil d’agir en vue de remplir cette vacance qui n’a que trop durée, a-t-il réclamé. 

Le Ministre nigérien a dit soutenir, par ailleurs, les travaux du Comité spécial de haut niveau mis en place par l’Union africaine sur la Libye et exprimé le souhait de voir la Conférence de réconciliation interlibyenne être organisée très prochainement, sous l’égide de l’Union africaine.  À cet égard, le Ministre a estimé qu’aucune solution politique à la crise libyenne ne pourra être trouvée sans la participation pleine et entière « de toutes les filles et de tous les fils de la Libye », sans exclure quiconque.

La paix définitive et durable ne peut s’accommoder des graves violations des droits de l’homme dont sont victimes les populations libyennes, en majorité des femmes et des enfants, a-t-il poursuivi.  En cette période de pandémie de COVID-19, rien ne peut expliquer à ses yeux les attaques contre les hôpitaux, et les autres infrastructures civiles qui constituent des violations flagrantes du droit international humanitaire et qui s’apparentent à des crimes de guerre.  Dans un tel contexte, une attention particulière doit être accordée à la situation des migrants africains se trouvant dans des camps de détention, a-t-il demandé, rappelant qu’ils sont souvent utilisés comme des combattants ou des boucliers humains par les différents groupes armés en Libye. 

Le Ministre a ensuite félicité l’Union européenne pour avoir mis en place l’opération IRINI, avec l’espoir que cette opération continue à limiter le flux d’armes en Libye, y compris par les frontières terrestres, en travaillant en étroite collaboration avec les Libyens eux-mêmes, les pays voisins et l’Union africaine, en vue de garantir le respect de l’embargo sur les armes, la lutte contre le crime organisé, le trafic des migrants et l’exportation illégale du pétrole libyen.  Il a également demandé aux membres du Quartet sur la Libye de travailler avec le Comité international de suivi chargé de la mise en œuvre des engagements pris à Berlin.  La pérennisation des décisions de Berlin passe en effet par leur mise en œuvre, a-t-il conclu. 

Pour le Ministre des affaires étrangères de la Tunisie, M. NOUREDDINE ERRAY, l’escalade militaire et le blocage du processus politique représentent une menace directe et sérieuse pour la paix et la sécurité dans la région et le monde ainsi qu’un problème majeur qui exige des efforts concertés et combinés et des initiatives réalisables et viables, pour parvenir à une solution durable sous les auspices des Nations Unies et conformément aux cadres régionaux et internationaux convenus.  Le Ministre a réitéré sa position de principe à savoir qu’il faut trouver une solution politique intralibyenne conformément à la légalité internationale et sur la base des mécanismes de dialogue mentionnés dans l’Accord politique. 

Rappelant le rôle positif et impartial de la Tunisie dans les relations avec ses voisins et leur histoire commune, le Ministre a réitéré son soutien à tout dialogue intralibyen et s’est félicité, dans ce contexte, des progrès réalisés dans la mise en œuvre des résultats de la Conférence de Berlin et des étapes franchies dans les négociations au sein du comité militaire 5+5.  Le Ministre a espéré que le processus politique pourra bientôt reprendre avec la participation de toutes les parties libyennes.  Après avoir salué le rôle important de la MANUL, le Ministre a renouvelé son appel à la nomination d’un nouveau représentant spécial du Secrétaire général.  Consciente des graves retombées de la crise sur la situation humanitaire et sociale du peuple libyen, il a appelé toutes les parties à garantir la sécurité des civils, en particulier des femmes et des enfants.  La situation des migrants et des réfugiés doit également recevoir l’attention voulue, a-t-il ajouté.

Dans le contexte de la COVID-19, le Ministre a rappelé que son Président, M. Kais Saied, a été parmi les premiers dirigeants à avoir appelé très tôt à une trêve humanitaire et à une nouvelle vision basée sur les valeurs de solidarité et de coopération.  Il s’est félicité de l’adoption de la résolution 2532 le 1er juillet dernier, un texte porté par son pays et la France.  Décriant les divergences, différends et méfiance qui continuent de diviser les parties, le Ministre s’est dit confiant dans la capacité du peuple libyen de surmonter cette crise.  Il a plaidé pour un dialogue pacifique et inclusif, dans le cadre des pistes de Berlin, et sur la base de l’Accord politique libyen et des résolutions internationales.

Mme NALEDI PANDOR, Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, s’est inquiétée du renforcement, ces 14 derniers mois, de la présence militaire, intensifiée par une ingérence étrangère et des répercussions sur la vie quotidienne des Libyens.  Elle a exhorté les parties au conflit à s’accorder d’urgence sur l’établissement immédiat d’un cessez-le-feu.  L’ensemble des parties libyennes doit également s’engager en faveur d’un dialogue politique constructif, a-t-elle recommandé.  Elle a salué la décision de l’Union africaine (UA) de convoquer, en fin d’année et si la COVID-19 le permet, une conférence sur la réconciliation interlibyenne.  Elle a jugé essentiel de renforcer la synergie des efforts de l’UA et de l’ONU afin de mettre un terme au conflit libyen.

Une solution militaire au conflit doit être évitée à tout prix, a enchaîné Mme Pandor.  Elle s’est inquiétée du fait que plusieurs des engagements pris lors de la Conférence de Berlin, il y a six mois, n’aient pas été respectés ou mis en œuvre.  Elle a notamment relevé que les violations de l’embargo sur les armes persistent et que les armes et les combattants étrangers sont de plus en plus nombreux en Libye.  Elle a appelé le Conseil à veiller à la pleine mise en œuvre de l’embargo sur les armes afin de créer les conditions nécessaires à un cessez-le-feu permanent.

M. JAMES CLEVERLY, Ministre d’État du Royaume-Uni chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique, a rappelé qu’il y a six mois, les participants à la Conférence de Berlin sur la Libye, tous représentés au Conseil aujourd’hui, se sont engagés sans équivoque à pleinement respecter et mettre en œuvre l’embargo sur les armes imposé par l’ONU, et ont appelé tous les acteurs à s’abstenir de toute activité risquant d’exacerber le conflit, y compris le financement de capacités militaires et le recrutement de mercenaires.  Malheureusement, six mois plus tard, il est évident que certains de ces mêmes pays ont continué à armer et à fournir leurs mandataires en violation flagrante de l’embargo sur les armes, s’est-il indigné avant de condamner ce « mépris » tant des engagements pris à Berlin que des résolutions du Conseil et de leurs obligations en droit international.

Profondément préoccupé par le conflit en cours, qui est alimenté par des ingérences internationales, selon le Ministre, et par le coût inacceptable en termes de droits de l’homme, le tout au moment même où l’épidémie de coronavirus s’aggrave, il a déploré que l’OMS ait classé la Libye au premier rang mondial, devant l’Afghanistan et la Syrie, en nombre d’attaques contre des établissements de santé et du personnel de janvier à mai 2020.  Également choqué par la découverte de charniers à Tarhouna, le Royaume-Uni a demandé aux autorités libyennes de sécuriser ces sites jusqu’à ce qu’une enquête appropriée puisse être menée.  Le climat d’impunité persistant en Libye doit être combattu, a exigé le Ministre expliquant que c’est dans cet esprit que son pays a coparrainé la résolution adoptée lors de la quarante-troisième session du Conseil des droits de l’homme créant une mission internationale indépendante d’établissement des faits pour enquêter sur les violations des droits de l’homme et d’autres abus en Libye.  Il a appelé toutes les parties à autoriser la Mission à accéder à tout le territoire libyen.

Sur le plan économique, l’audit indépendant des deux succursales de la banque centrale est une étape essentielle vers une meilleure transparence et la réunification, a estimé M. Cleverly.  Il a encouragé toutes les parties à coopérer pleinement à ce processus avant de condamner sans équivoque le blocus des installations pétrolières et de saluer les efforts menés par l’ONU pour y mettre fin.  La « National Oil Corporation » de la Libye devrait être autorisée à opérer sans entrave au profit de tous les Libyens, a-t-il demandé.  La délégation est d’autant plus inquiète qu’il y a des informations selon lesquelles le groupe Wagner et d’autres mercenaires étrangers auraient pénétré dans les champs pétroliers libyens.  Les activités du groupe Wagner exacerbent le conflit, de même que tout soutien militaire externe - y compris la fourniture de mercenaires et d’armes et le déploiement d’avions de combat, a souligné le Ministre pour lequel ces « soutiens étrangers » n’ont mené à rien.  En effet, a-t-il fait valoir, malgré les développements rapides sur le terrain, il est plus clair que jamais qu’il ne peut y avoir de solution militaire.

« Seul un processus politique pourra parvenir à un règlement durable et inclusif du conflit libyen et il existe en ce moment une fenêtre d’opportunité pour faire de réels progrès et changer la trajectoire troublée de la Libye. »  En effet, a salué le Ministre, les parties se sont réengagées dans les pourparlers militaires 5+5 dirigés par l’ONU, rappelant que son pays copréside le Groupe de travail sur la sécurité.  Cela est particulièrement important maintenant étant donné le risque élevé d’une nouvelle escalade autour de la ville de Syrte.  Il a d’ailleurs pleinement appuyé les efforts de la MANUL pour désamorcer la situation à Syrte.  En conclusion le Ministre a estimé qu’au lieu de mettre l’accent sur des objectifs maximalistes et des lignes rouges, les parties devraient s’engager de manière constructive dans les pourparlers militaires pour convenir d’un cessez-le-feu viable.

La France a indiqué qu’il y a deux priorités en Libye.  « Premièrement, il est plus urgent que jamais que les ingérences étrangères dans le conflit libyen cessent. »  La France a estimé que les risques d’une escalade régionale et d’une « syrianisation » de la Libye sont bien réels.  Elle s’est dite préoccupée par le renforcement militaire continu des parties.  Les ingérences étrangères en Libye doivent cesser et l’embargo sur les armes, établi par ce Conseil, doit être respecté, a martelé la France.  Elle a réitéré son soutien à l’opération EUNAVFORMED-IRINI de l’Union européenne.  Cette opération, à laquelle nous participons, a dit la France, vise à prévenir, de manière impartiale, toutes les violations de l’embargo, quels qu’en soit les bénéficiaires.  L’Union européenne assure la mise en œuvre de l’embargo dans le cadre du mandat du Conseil, a souligné la France.  « Dans ce contexte, il est important d’éviter tout incident comme celui qui s’est récemment produit à la suite de manœuvres dangereuses de la marine turque. »  La France s’est dite extrêmement préoccupée par les violations répétées de l’embargo, en contradiction avec les engagements pris lors de la Conférence de Berlin et en violation de la résolution 2510 (2020), qui s’applique à tous, y compris la Turquie et la Fédération de Russie.

« Deuxièmement, la cessation des hostilités est essentielle pour créer les conditions nécessaires pour une reprise effective du dialogue politique intralibyen. »  La France a jugé urgent de consolider l’actuel gel en trêve robuste et de progresser sur la voie d’un cessez-le-feu durable et crédible dans le cadre du comité militaire 5+5 sous les auspices de l’ONU.  Un tel accord doit notamment prévoir le retrait des forces étrangères de tout ou partie du pays, des mercenaires et des équipements militaires acheminés en violation des résolutions du Conseil, le désarmement des milices et un mécanisme de surveillance des Nations Unies.  Ce sont là les messages que la France a fait parvenir aux acteurs libyens, a-t-elle réitéré.  Elle a appelé lesdits acteurs à adopter une position de négociation équilibrée au sein du comité militaire 5+5, alors que certains, « à la fois en Libye et à l’extérieur, sont tentés de poursuivre l’offensive ».  Tous les efforts visant à promouvoir une solution politique, y compris l’initiative égyptienne annoncée le 6 juin, doivent être encouragés.  La France a demandé que toute initiative en vue d’un accord de cessez-le-feu et d’un règlement négocié soit pleinement inclusive et respecte les principes de la Conférence de Berlin qui demeure le seul cadre international viable.

La France a aussi insisté sur l’importance de progresser en vue de créer un mécanisme crédible de surveillance du partage des revenus du pétrole afin qu’ils bénéficient à la population libyenne, non aux milices.  Elle a appelé le Secrétaire général à nommer un nouveau représentant spécial dès que possible, jugeant qu’il est temps pour les membres de ce Conseil d’agir de manière constructive.  « Le vide laissé par le départ de M. Ghassan Salamé il y a près de cinq mois ne peut qu’alimenter une dynamique périlleuse. »  La France n’a pas choisi un camp plutôt qu’un autre en Libye et a toujours dit qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, a conclu la délégation.

Les États-Unis ont constaté d’emblée les changements « spectaculaires ».  Sur le plan militaire, les combats ont entraîné des gains territoriaux pour un côté et « malheureusement » un afflux continu de combattants étrangers, d’armes et de matériel dans les deux camps, alors que sur le plan sanitaire, la Libye lutte pour contenir un nombre croissant de cas de COVID-19.  Ce qui n’a pas changé, a ont affirmé les États-Unis, c’est notre politique à l’égard de la Libye, à savoir, une ferme opposition à toute intervention militaire étrangère, l’appel à un cessez-le-feu immédiat dans le cadre des pourparlers militaires 5+5, sous les auspices des Nations Unies, et le strict respect de l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies à tous les États Membres, « y compris les membres de ce Conseil ». 

Les parties libyennes, ont poursuivi les États-Unis, doivent participer de bonne foi aux négociations sur le cessez-le-feu, car au bout du compte, c’est à elles de résoudre cette crise, avec l’aide de l’ONU et le soutien de la communauté internationale, dans le cadre du processus de Berlin.  Tous les acteurs étrangers doivent respecter les engagements pris à Berlin et suspendre immédiatement leurs opérations militaires et le déploiement de matériel et de combattants étrangers.  Ils doivent laisser les autorités locales riposter à la pandémie de COVID-19.  « Permettez-moi d’être clair, ont martelé les États-Unis: les mercenaires étrangers ou les forces par procuration n’ont pas leur place en Libye.  Les mandataires du Gouvernement russe qui combattent aux côtés de l’ANL, non plus. »

Constatant que la situation à Syrte et à Joufra demeure très préoccupante, les États-Unis ont mis en garde contre la tendance à sous-estimer l’importance de ces lieux pour le contrôle du croissant pétrolier.  Nous surveillons de près, ont-ils affirmé, le mouvement des mercenaires du groupe Wagner et de leurs combattants étrangers du Soudan vers les installations pétrolières du Sud.  Pour parvenir à un règlement pacifique, il est évident, ont expliqué les États-Unis, qu’il faut laisser la « National Oil Corporation » reprendre immédiatement ses opérations.  D’ailleurs, a remarqué la délégation, il est stipulé dans la résolution 2510 du Conseil, comme dans les résolutions antérieures, que « les ressources pétrolières de la Libye doivent profiter à tous les Libyens et rester sous le contrôle exclusif » de la compagnie nationale.

L’Administration Trump, ont ajouté les États-Unis, se félicite de la création d’une mission internationale d’établissement des faits pour enquêter sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  La culture de l’impunité perdure depuis bien trop longtemps, comme en atteste la découverte « horrible » d’au moins huit charniers dans des endroits évacués par l’ANL.  Les États-Unis ont conclu en jugeant important que la MANUL soit adaptée à ses objectifs.  Les événements récents offrent une nouvelle chance, « certes limitée », à l’ONU de contribuer à la conclusion d’un cessez-le-feu durable.  « Ne ratons pas cette occasion » et reconnaissons que la réforme de la MANUL permettrait de tirer parti des changements sur le champ de bataille, de parvenir à un règlement politique permanent dirigé et contrôlé par les Libyens et de renforcer les engagements pris par les dirigeants du monde à Berlin au début de cette année.

Saint-Vincent-et-les Grenadines a jugé « déchirant » que la Libye continue d’être en proie à l’instabilité et l’insécurité.  La crise a échappé à tout contrôle, comme le montre la récente escalade dans les violences, a dit la mission.  « La Libye est clairement au bord du précipice. »  La délégation a exhorté les parties belligérantes à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu permanent et appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour régler la crise, sous peine de voir la Libye sombrer dans un « abîme de désolation », avec de graves répercussions en Afrique et en Europe.  La délégation a réaffirmé son appui à la MANUL et appelé les parties à respecter l’embargo sur les armes, les résolutions pertinentes et le droit international humanitaire.  L’ingérence étrangère pour promouvoir des intérêts à courte vue sape les initiatives et efforts constructifs, a martelé la délégation qui a exhorté les acteurs à s’abstenir de toute action susceptible de saper les négociations actuelles.  Elle a aussi souligné la nécessité de respecter la souveraineté du pays et a salué la création par le Conseil des droits de l’homme d’une mission d’établissement des faits pour enquêter sur les atrocités commises et assurer l’établissement des responsabilités.

Pour l’Estonie, une paix durable en Libye ne peut passer que par un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens.  Elle s’est félicitée de l’engagement renouvelé des deux parties dans le troisième cycle de pourparlers de la Commission militaire conjointe 5+5, même s’il est clair que des progrès supplémentaires sont nécessaires.  Les combats doivent cesser, a exigé la délégation avant de saluer les initiatives proposées ici aujourd’hui qui visent à apaiser les tensions et à créer un espace pour une solution négociée.  La Conférence de Berlin en janvier a été un jalon important dans le rapprochement de la communauté internationale autour des efforts visant à trouver une solution au conflit libyen, a-t-elle estimé ajoutant qu’il est louable que ce processus se soit poursuivi malgré les restrictions et que tous les groupes de travail mènent actuellement activement leurs discussions.  Le processus international dirigé et facilité par l’ONU doit rester au cœur des efforts internationaux.

La réalité en Libye reste sombre, a regretté l’Estonie dénonçant l’ingérence étrangère laquelle est une violation flagrante du régime des sanctions établi par ce Conseil.  Le flux continu d’armes, d’agents militaires privés, d’avions de chasse, de drones et autres matériels doit cesser, a-t-elle exigé en soulignant l’efficacité de l’opération IRINI de l’Union européenne dans ce contexte.  Choquée et consternée par la découverte des charniers de Tarhouna, l’Estonie a demandé une enquête approfondie et a exigé qu’il soit mis fin aux violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Les auteurs de ces crimes doivent être traduits en justice, a-t-elle martelé, également préoccupée par la situation humanitaire.  La propagation de la COVID-19, les mines terrestres et autres engins explosifs sont également une source majeure de préoccupation, a avoué l’Estonie.  Elle a à son tour espéré la nomination rapide d’un nouveau représentant spécial du Secrétaire général.

La Belgique a condamné la tactique de guerre dans laquelle les parties au conflit en Libye semblent être coincées avec l’appui croissant d’acteurs étrangers.  Elle a appelé à la cessation immédiate des actes militaires, soulignant que le dialogue demeure la seule solution durable à la crise.  Elle a exhorté le Gouvernement et le général Haftar à interagir davantage avec la MANUL dans le cadre de la Commission militaire conjointe 5+5.  Précisant s’adresser directement aux États qui appuient les acteurs libyens, la délégation les a appelés à mettre un terme à leur impact négatif et à user de leur influence pour encourager les parties à poursuivre le dialogue.  Plus important encore, a-t-elle ajouté, « vos paroles doivent être accompagnées d’actions concrètes qui démontrent votre engagement en faveur d’une solution politique ».  La délégation a également indiqué « à certains États participant à la réunion » qu’aucune excuse ne peut justifier le manque de respect de l’embargo sur les armes.

La Belgique a par ailleurs salué la mise en place, par le Conseil des droits de l’homme, d’une mission d’établissement des faits sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises par les parties au conflit.  Ce faisant, un pas important a été réalisé pour faire cesser l’impunité lorsque des crimes terribles sont commis en Libye, s’est-elle félicitée.  La délégation s’est par ailleurs préoccupée du blocus qui continue d’être imposé à la production de pétrole, soulignant les conséquences « désastreuses » que cela entraîne sur l’économie du pays et la population.  Elle a appelé à respecter la nature civile des infrastructures pétrolières et à encourager à un dialogue approfondi sur le partage des revenus de cette industrie.

L’Indonésie a fait part de son appui au processus de Berlin et a appelé l’ensemble de la communauté internationale à fournir un appui « honnête et sincère » au peuple libyen.  « L’ingérence étrangère doit cesser! » s’est exclamé son représentant.  La délégation a appelé à centrer les efforts sur le sauvetage des vies, décriant la récente découverte de charniers.  Elle a également appelé les parties à respecter l’appel à un cessez-le-feu mondial et leur a demandé d’accorder l’espace nécessaire à l’aide humanitaire.  Elle a aussi appelé à encourager les efforts déployés par les pays voisins, l’Union africaine et la Ligue des États arabes, notant leur pertinence.

Pour la Fédération de Russie, l’escalade actuelle en Libye empêche d’atteindre un véritable cessez-le-feu.  Alors que le Gouvernement d’entente nationale, qui, avec l’aide d’un soutien externe intensif, a réussi à repousser l’Armée nationale libyenne, ne démontre pas sa volonté d’engager des pourparlers, la Russie a dit avoir des informations selon lesquelles Tripoli prévoie de lancer une offensive sur la ville portuaire de Syrte et la base aérienne de Joufra, « ce qui ne facilitera pas la situation ».  La cause principale de la situation désastreuse actuelle en Libye est pourtant bien connue, a estimé la délégation, « bien que certains de nos collègues soient plus à l’aise de l’oublier et de l’ignorer ».  La situation désastreuse d’aujourd’hui est le résultat direct de l’intervention militaire de l’OTAN en 2011 qui a enfreint la résolution pertinente du Conseil de sécurité, a-t-elle tranché, ajoutant que les initiatives de paix de l’Union africaine ont été ignorées à cette époque, et que l’État libyen a été de facto démantelé et son système de gouvernance détruit.  Les forces armées et les forces de l’ordre ont été dissoutes, les relations interrégionales et intercommunautaires déséquilibrées et une nouvelle vague de violence a fait plus de victimes, en premier lieu parmi les civils, et continue de détruire les infrastructures socioéconomiques, a rappelé la Russie.

La communauté internationale, malgré tous les efforts qu’elle a déployés, n’a pas pu amener les parties adverses à la table des négociations.  La Conférence de Berlin sur la Libye a suscité un optimisme prudent mais alors que ses résultats ont été appuyés par la résolution 2510 du Conseil de sécurité, leur mise en œuvre a échoué.  La cause en est, selon elle, « le péché originel » de la résolution qui n’était pas inclusive et n’a pas obtenu le soutien de toutes les parties libyennes.  Le 6 juin de cette année, le Président égyptien, M. Sissi, a proclamé la Déclaration du Caire, qui a été soutenue par un certain nombre d’États, dont la Russie, a rappelé la délégation.  Cette déclaration prévoit une nouvelle « fenêtre d’opportunité », a expliqué la Russie qui est d’avis que dans la situation critique actuelle, tous les États qui ont une influence sur les parties libyennes adverses devraient faire tout leur possible pour assurer la cessation des hostilités et la relance de négociations constructives.  Pour sa part, elle va poursuivre ses contacts avec les pays intéressés par la stabilisation en Libye et chercher à convaincre les protagonistes libyens d’arrêter « d’espérer une solution militaire » et de s’engager à la place dans un processus politique significatif.  C’est l’approche que la Russie a préconisée lors de ses récents contacts avec des représentants de l’Ouest et de l’Est libyens, a affirmé la délégation pour laquelle il n’existe pas d’alternative au règlement politique sous les auspices de l’ONU.

« Aujourd’hui, nous avons de nouveau entendu des accusations, contre notre pays, d’ingérence militaire dans les affaires libyennes. »  Or, a affirmé la délégation, la Russie a déclaré à maintes reprises qu’il n’y a pas un seul militaire russe impliqué dans l’action armée en Libye et qu’il n’existe pas de données crédibles pour justifier ces accusations, alors qu’il est bien connu que le personnel militaire d’autres pays, « y compris des pays qui nous accusent », sont présents sur le sol libyen, à l’Est et à l’Ouest.  « Mais cela ne dérange pas ceux qui, pour des raisons géopolitiques, cherchent à créer une fausse vision selon laquelle Moscou interférerait dans la confrontation armée libyenne interne et prendrait ouvertement parti pour l’une des parties », a ironisé la délégation.  Elle a également reproché à certains responsables de l’ONU, « censés être neutres et impartiaux », d’être impliqués dans de telles insinuations, exprimant sa surprise d’apprendre que l’actuelle Chef par intérim de la MANUL, Mme Williams, aurait diffusé ces allégations.  C’est inadmissible pour un haut fonctionnaire de l’ONU, a-t-elle conclu en appelant le Secrétaire général à rapidement nommer son nouveau représentant spécial pour la Libye.

La République dominicaine s’est félicitée de la création d’une mission d’établissement des faits et a formulé le vœu que les experts désignés mèneront leur travail de manière indépendante et impartiale.  Elle a salué tous les récents efforts nationaux et internationaux visant à instaurer la paix et la stabilité en Libye, en particulier la troisième réunion du Comité international de suivi ou encore le Groupe de travail sur les droits de l’homme, sans oublier la reprise des travaux de la Commission militaire 5+5.  La République dominicaine a exhorté toutes les parties à travailler sans relâche pour parvenir à un accord de cessez-le-feu formel, total et permanent, sous les auspices de l’ONU.

Elle a invité les membres de ce Conseil à hiérarchiser les priorités et à soutenir un règlement durable et pacifique, préservant la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Libye.  S’agissant de l’embargo sur les armes, la délégation a déploré les violations constantes qui s’ajoutent à l’ingérence persistante des acteurs extérieurs.  Face à ce constat, la République dominicaine a réaffirmé la nécessité pour tous les États Membres de l’ONU de respecter strictement leur engagement à cesser toutes les formes d’intervention militaire étrangère et de renoncer à toute activité déstabilisatrice qui aggraverait le conflit.

Le Viet Nam a appelé les parties concernées à immédiatement mettre un terme aux combats et à reprendre les pourparlers de paix.  Il a également engagé les participants à la Conférence de Berlin à n’épargner aucun effort pour appuyer le processus de paix.  La délégation a aussi exhorté les parties pertinentes en Libye à cesser de cibler les civils et les infrastructures civiles, et à assurer la sécurité des agents sanitaires ainsi qu’un accès humanitaire sans entrave afin de combattre avec efficacité la COVID-19.  Elle a appelé au respect des résolutions du Conseil de sécurité sur la Libye, notamment celles portant sur l’embargo sur les armes et les ingérences étrangères, engageant surtout à la mise en œuvre de la résolution 2510.

M. JOSEP BORRELL FONTELLES, Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-Président de la Commission européenne, a noté que cette réunion du Conseil de sécurité rassemble tous les pays qui ont la capacité, s’ils sont réellement engagés, de contribuer à une transition politique en Libye.  Nous avons tous pris des engagements forts lors de la Conférence de Berlin en janvier et il est temps maintenant de traduire nos paroles en actes concrets, a ajouté le Haut-Représentant. Il a appelé les États à travailler collectivement, sous une direction forte de l’ONU, pour mettre véritablement en œuvre les conclusions de Berlin, « que tout le monde a acceptées ».  M. Borrell Fontelles a estimé que la polarisation, qui a fait de la Libye un théâtre de « guerre par procuration », doit cesser.  Il a dit que les actions en faveur de l'une ou l'autre partie libyenne alimentent le conflit et que certaines constituent même des « provocations claires ». 

Le Haut-Représentant a appelé les États à revenir à leurs engagements de Berlin, en commençant par l’application de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU, qui continue malheureusement d’être violé de toutes parts et tous les jours, en toute impunité.  Nous avons besoin, a-t-il dit, d’un effort collectif pour favoriser le retour des parties libyennes à la table des négociations, à commencer par les pourparlers militaires 5+5, sous les auspices de l’ONU, pour parvenir à un accord sur un cessez-le-feu durable.  Le Haut-Représentant a appuyé l'idée de démilitariser le conflit autour de Syrte et Joufra.

Après avoir rappelé que l’Union européenne fait sa part, M. Borrell Fontelles a dit avoir promu l’engagement fort de l'UE en faveur du processus de Berlin.  C'est pourquoi, a-t-il expliqué, nous avons lancé l’opération IRINI, dont les tâches essentielles sont de mettre en œuvre l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies, arrêter le flux d'armes vers la Libye et prévenir la contrebande de pétrole.  L’UE, a-t-il dit, fait régulièrement rapport au Groupe d'experts des Nations Unies.  Parce que le contrôle des flux d’armes vers la Libye nécessite une action qui aille au-delà du domaine maritime, M. Borrell Fontelles a invité le Conseil de sécurité à élargir le mandat de la MANUL.  Il a aussi jugé nécessaire de trouver une solution durable à l'exploitation des ressources pétrolières, « qui est un problème clef du conflit ».  Travaillons ensemble, a-t-il encouragé, pour mettre fin à toutes les interférences qui alimentent le conflit et soutenir un processus inclusif, dirigé et contrôlé par les Libyens, menant à une solution politique.

En sa qualité de Président du Comité international de suivi et de Coprésident du Groupe de travail politique du processus de Berlin, le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, M. AHMED ABOUL GHEIT, s’est dit pleinement attaché à la mise en œuvre des conclusions de la Conférence, et ce, dans leur intégralité.  Conscient de la complexité du conflit et des problèmes qui ont été exacerbés par les interventions militaires extérieures « incessantes », le mépris constant de l'embargo sur les armes et le déploiement ininterrompu de mercenaires étrangers, M. Aboul Gheit a dénoncé l’ingérence « illimitée » des mandataires dans l'un des États membres de la Ligue arabe, la jugeant « inacceptable ».  Notre position est « ferme et claire », a-t-il tonné, en réitérant son appel à la cessation immédiate des hostilités et au retrait de toutes les forces étrangères.

Le processus de Berlin, a-t-il souligné, a été essentiellement conçu pour faire respecter ces engagements.  La dynamique « pernicieuse » des violations systématiques des conclusions du processus et des résolutions Conseil de sécurité, doit changer si nous voulons avoir une chance de ramener la Libye sur la voie d'un règlement politique.  La feuille de route est claire, a dit le Secrétaire général, en renvoyant à la résolution 2510 (2020) du Conseil de sécurité et à la Déclaration du Caire.  La priorité immédiate doit être de désamorcer la situation, en particulier autour de Syrte, et il faut pour cela continuer de faire pression sur les protagonistes pour qu'ils s'engagent dans les négociations 5+5 et parviennent à un accord de cessez-le-feu permanent, sous la supervision de l'ONU.  Il faut, a ajouté le Secrétaire général, aider les parties à relancer un processus politique inclusif pour mettre fin à la transition.  M. Aboul Gheit a également reconnu l’urgence de reprendre la production du pétrole, au profit de tous les Libyens, et avec des dispositions sur une répartition équitable et transparente des revenus.

Toutes ces pistes doivent rester entièrement dirigées et contrôlées par les Libyens, sous les auspices de la MANUL, et avec le plein appui de la communauté internationale.  Elles ne peuvent réussir que dans un environnement débarrassé de toute forme d’intervention étrangère et de la menace des milices et groupes armés illégaux.  La Ligue des États arabes, a promis le Secrétaire général, continuera d’accompagner les parties libyennes dans la poursuite de ces trois volets sécuritaire, politique et économique, de manière à sauvegarder la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et l’unité nationale du pays.  Nous sommes totalement opposés, a-t-il martelé, à toute tentative de faire de la Libye un nouveau théâtre d'aventurisme militaire par procuration ou de délimiter son territoire en zones d’influence étrangère.  L’objectif ultime de la communauté internationale doit permettre au peuple libyen d'établir des institutions nationales permanentes, unifiées et légitimes, par le biais d'élections libres, équitables et crédibles.  Cela ne peut se faire que dans un cadre juridique et constitutionnel convenu, et dans un environnement politique et sécuritaire propice, a conclu M. Aboul Gheit.

M. LUIGI DI MAIO, Ministre des affaires étrangères de l’Italie, a indiqué s’être rendu à Tripoli, il y a quelques semaines, pour livrer un message de retenue et de modération au Président Serraj.  Un message identique doit être transmis au général Haftar en raison du renforcement de la présence militaire dans l’est, a-t-il estimé.  Il a fait part de son appui à une solution politique inclusive, contrôlée par les Libyens et fermement ancrée dans le processus de Berlin.

Le Ministre a ensuite appelé à la cessation de toutes les ingérences étrangères qui violent l’embargo sur les armes et a évoqué le lancement, par l’Union européenne, de l’opération IRINI.  Il a estimé que la MANUL doit se tenir prête à appuyer un accord de cessez-le-feu dans le cadre du processus de Berlin qui passe notamment par la définition d’une « zone démilitarisée » afin d’atténuer les tensions et de réduire la présence militaire.

M. Di Maio a ensuite exhorté à reprendre immédiatement le dialogue politique afin de déboucher sur une solution politique entièrement contrôlée par les Libyens.  Il importe également de réactiver promptement la production de pétrole, a ajouté le Ministre, qui s’est dit prêt à appuyer une solution libyenne pour la distribution équitable et transparente des ressources.  Il a aussi exhorté au respect des engagements pris lors de la Conférence de Berlin.

M. SAMEH SHOUKRY, Ministre des affaires étrangères de l’Égypte, a dit que cette crise libyenne qui dure depuis presque 10 ans constitue une menace à la paix et à la stabilité de toute la région.  Il a réaffirmé la volonté exprimée par l’Égypte, de Skhirat à Berlin, de participer activement au processus politique, notamment en facilitant les contacts et les négociations entre les parties libyennes.  Malheureusement, le Ministre a regretté que de vastes pans de la Libye occidentale soient devenus des points d’ancrage de l’extrémisme et du terrorisme.  Ces « forces du mal », a-t-il dit, ont souvent cherché à étendre leur « ombre noire » sur l’Égypte, en s’infiltrant dans par les frontières occidentales.  M. Sameh Shoukry a rappelé que lorsqu’il s’est adressé au Conseil de sécurité la dernière fois sur la situation en Libye, c’était quelque temps après un crime terrible dans lequel 21 Égyptiens qui travaillaient dans la ville de Syrte ont été impitoyablement massacrés par Daech, au début de 2015.  C’est cet acte de barbarie qui a poussé le Conseil à adopter la résolution 2214, exhortant les États membres à combattre par tous les moyens et conformément à la Charte des Nations Unies, les menaces à la paix et à la sécurité internationales causées par des actes terroristes.

Le Ministre s’est dit consterné de voir que les combattants de Daech refont surface en Libye, dans certaines villes de l’ouest, en particulier à Sebratha.  Cette situation, a-t-il dit, est aggravée par le déploiement, « par un acteur régional », de combattants extrémistes provenant de Syrie.  Il s’agit d'une menace « très grave » pour la sécurité des Libyens, les États voisins et d’ailleurs les deux rives de la Méditerranée.  Le Ministre a estimé que ces menaces constituent un danger « clair et réel » pour l’Égypte.  Mon pays, a-t-il promis, ne tolérera pas des menaces de cette nature, aidées, encouragées et activement soutenues par une intervention étrangère.  

Le soutien à l’extrémisme doit cesser, a martelé le Ministre, qui a souligné qu’il incombe aux États membres de tarir les sources d’aide et d’assistance des acteurs régionaux.  La position de principe de l’Égypte se fonde sur le soutien à une solution politique, telle que le dit la Déclaration du Caire du 6 juin dernier, a souligné le Ministre.  Pour parvenir à la stabilité en Libye, il faut un gouvernement « indépendant » approuvé par toutes les parties libyennes et la Chambre des représentants.  Il faut aussi désarmer les milices, lutter contre le terrorisme, unifier l’armée et garantir une répartition équitable des richesses.  Le 20 juin 2020, le Président Abd El Fattah Al-Sissi, a réaffirmé l’appel de l’Égypte à un cessez-le-feu inconditionnel et immédiat en Libye, et à la reprise du processus politique avec toutes les parties libyennes légitimes. 

M. SABRI BOUKADOUM, Ministre des affaires étrangères de l’Algérie, a signalé que la crise libyenne se fait durement ressentir non seulement sur la population de la Libye, mais aussi sur les pays voisins, dont le sien.  Il a souligné que leur sécurité dépend de la paix, de la sécurité et de l’intégrité territoriale de la Libye.  « La Libye fait partie de nous et nous ne laisserons pas cette partie de nous souffrir, ni sombrer dans les eaux tumultueuses agitées par l'homme », a-t-il déclaré.

Le Ministre a ensuite indiqué que l’approche algérienne, « massivement acceptée par tous les Libyens », est basée sur un cessez-le-feu immédiat, la désescalade dans tous les domaines, notamment en matière d'énergie et de répartition des sources de richesse et, enfin, le rassemblement des représentants de la Libye autour de la table de négociations.

M. Boukadoum a souligné qu’il n’existe pas de solution au conflit autre que politique et que celle-ci ne pourra pas voir le jour si les acteurs étrangers continuent de s’ingérer en Libye, notamment en violant l’embargo sur les armes.  Il a appuyé les conclusions de la Conférence de Berlin et a dit espérer que le Secrétaire général aura enfin son mot à dire dans la désignation d’un représentant spécial.  Le Ministre a également appelé à ne pas perdre de vue les efforts déployés par l’UA et le projet de tenue d’une conférence interlibyenne pour aider l’ensemble des Libyens à décider de l’avenir qui sera le leur.

Le Ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, M. ANWAR MOHAMMED GARGASH, a fait valoir la position « cohérente et claire » de son pays sur la crise libyenne, à savoir qu’une solution politique est la seule option viable.  Il a réitéré son appel à un accord de cessez-le-feu immédiat et complet et à la reprise du dialogue politique dirigé par la Libye, sous les auspices de l’ONU.  Le cessez-le-feu est devenu une priorité urgente, selon lui, pour permettre une réponse efficace à la pandémie de COVID-19 et prévenir davantage de souffrances pour la population civile.

Constatant que de nombreux pays représentés à cette réunion du Conseil ont également participé à la Conférence de Berlin au début de cette année, les Émirats arabes unis ont dit avoir exhorté, depuis lors, les parties prenantes au conflit libyen à soutenir la MANUL dans la mise en œuvre du document contenant ses conclusions.  Ils ont également participé activement et de bonne foi aux réunions du Comité international de suivi sur la Libye, en plus des groupes de travail sur la politique économique, la sécurité, les droits de l'homme et les droits de l’homme, a salué le Ministre.

Cependant, six mois après la conférence, les Émirats arabes unis ont dit regretter la détérioration de la situation sécuritaire dans le pays.  Le Ministre a attribué cette spirale descendante à la poursuite de l’ingérence régionale étrangère dans les affaires intérieures de la Libye.  Il y a maintenant environ 10 000 mercenaires syriens opérant en Libye, a-t-il affirmé, soit deux fois plus qu’il y a six mois.  La présence croissante de mercenaires et de combattants étrangers attise le conflit et sape notre objectif commun d’une solution politique pacifique pour la Libye, a estimé le Ministre, qui a dit également être préoccupé par les graves menaces à la paix et à la stabilité régionales qui résultent de cette ingérence étrangère.  À ce sujet, les Émirats arabes unis se sont donc fait écho de la résolution 8523 de la Ligue des États arabes du 23 juin 2020, et en particulier du rejet de toute intervention étrangère en Libye.  Cette résolution, en outre, salue tous les efforts des pays voisins visant à reprendre le processus politique en Libye, sous les auspices des Nations Unies, a rappelé le Ministre.  À cet égard, les Émirats arabes unis se sont félicités du rôle joué par l’Égypte dans l’initiative du Caire pour soutenir la mise en œuvre des conclusions de Berlin.  Dès lors, le Ministre a réitéré l’appel à tous les signataires pour qu’ils respectent pleinement les engagements pris à Berlin et à tous les États Membres de l’ONU pour qu’ils soutiennent les conclusions de Berlin et les efforts de la MANUL en vue de désamorcer la situation et rétablir la confiance entre les parties prenantes concernées en Libye.  Avant de conclure le Ministre a demandé que la nomination d’un nouveau Représentant spécial soit une priorité.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Turquie, M. SEDAT ÖNAL, a rappelé que cela fait maintenant plus d’un an que « Haftar » a lancé son agression contre le Gouvernement d’entente nationale, à savoir le Gouvernement légitime de la Libye qui a été approuvé par le Conseil de sécurité.  Dès le départ, a précisé le Vice-Ministre, la position de la Turquie a été « claire et nette »: il n’y a pas de solution militaire au conflit.  La Turquie, a-t-il affirmé, a constamment soutenu et contribué aux efforts internationaux, que ce soit à Rome, Skhirat, Paris, Moscou ou Berlin, afin de revitaliser un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, sous les auspices de l’ONU.  Pour le Vice-Ministre, un processus politique viable et authentique ne pourra être mis en place en l’absence d’un cessez-le-feu durable.

Malgré les dispositions « explicites » de la résolution 2259 du Conseil de sécurité, de nombreux acteurs se sont engagés avec les « entités parallèles » en Libye, a constaté le Vice-Ministre, ajoutant que cette attitude a servi à « Haftar » de « permis d’agresser » le Gouvernement légitime, de revenir sur l’Accord politique et même de proclamer sa propre dictature militaire.  Placer l’agresseur sur un pied d’égalité avec le Gouvernement légitime reconnu par l’ONU est « fallacieux et contre-productif », a tranché le Vice-Ministre.  Fournir un soutien politique et militaire « effronté » à ce « chef de guerre » est incompatible avec le droit international et les résolutions pertinentes de l’ONU.  Cela nuit à la paix et à la stabilité en Libye et au-delà.  Le Vice-Ministre a rejeté l’attitude de certains pays qui cherchent à blâmer la Turquie, tout en travaillant à contre-courant du processus politique dirigé par l’ONU.  C’est « hypocrite et inacceptable ». 

Toute initiative unilatérale proposée sans l’accord du Gouvernement légitime serait malheureuse, a souligné le Ministre pour lequel le cadre de Berlin offre le cadre nécessaire aux pourparlers intra-libyens, sous les auspices de l’ONU.  Le Vice-Ministre a ainsi dénoncé l’opération européenne IRINI, lancée sans consulter le Gouvernement d’entente nationale.  Dans un environnement où « Haftar » acquiert toutes les armes et le soutien dont il a besoin, par voies terrestre et aérienne, l’opération européenne ne sanctionne pratiquement que le Gouvernement légitime, s’est indigné le Vice-Ministre.  Les affirmations de la France sur la nature de l’incident entre « nos navires » ne sont tout simplement pas étayées, a tenu à préciser le Vice-Ministre.  Pour nous, a-t-il dit, c’est une « obligation internationale » de soutenir le Gouvernement d’entente nationale et grâce à l’assistance technique et à la formation que nous lui avons fournies, à sa demande, il a maintenu un équilibre sur le terrain et a pu éviter une crise humanitaire plus grave.  Après la découverte des charniers à Tarhouna, nous nous félicitons, a dit le Vice-Ministre, de la décision de la Procureure de la CPI de déployer une mission d’enquête sur le terrain et de la décision du Conseil des droits de l’homme de créer une mission d’établissement des faits.

Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Qatar, CHEIKH MOHAMMED BIN ABDULRAHMAN BIN JASSIM AL-THANI, a rappelé que pendant plus d’un an, la capitale libyenne, Tripoli, a été le théâtre d’attaques de milices illégales, qui ont visé des civils innocents et le Gouvernement légitime internationalement reconnu.  Ils ont commis de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, y compris des attaques contre des établissements de santé, même au milieu de la pandémie de COVID-19, lorsqu'une frappe de missile a visé un hôpital équipé pour traiter les patients atteints de coronavirus à Tripoli, a précisé le Ministre.  En outre, les mines terrestres placées par ces milices ont fait des dizaines de victimes, sans parler des exécutions extrajudiciaires systématiques qui se poursuivent.  La communauté internationale vient également de découvrir des charniers dans les zones contrôlées par les milices illégales.  Le Vice-Premier Ministre a condamné ces pratiques dangereuses et illégales et mis en garde contre le soutien à une certaine partie au conflit contre une autre.

Il est devenu clair que le seul moyen de résoudre la crise libyenne est de soutenir le Gouvernement d'entente nationale, a-t-il estimé, et de s'engager à mettre en œuvre l’Accord de Skhirat, les résolutions du Conseil de sécurité et les résultats de la Conférence de Berlin.  L’Accord de Skhirat a été approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a reconnu le Gouvernement d’entente nationale comme le seul pouvoir exécutif légitime en Libye, a rappelé le Vice-Premier Ministre.  Malheureusement, certains pays ont approuvé cet Accord pour mieux le bafouer, en soutenant les factions opposées et en leur donner la capacité de s’opposer au Gouvernement.

Si la communauté internationale veut vraiment résoudre cette situation, toute solution politique doit comprendre un mécanisme international clair et efficace pour prévenir les violations.  Non seulement la communauté internationale doit tenir certaines factions responsables de la situation actuelle en Libye, a poursuivi le Vice-Premier Ministre, mais elle doit aussi demander des comptes aux pays qui leurs donnent les moyens, en violation du droit international.  Il a souligné la nécessité de reprendre les négociations et le dialogue national et d'achever la période de transition.  Il a soutenu toute solution respectueuse de la souveraineté et de l’unité de la Libye, et qui réalise les aspirations du peuple libyen et mène à l’édification de l’État que les Libyens recherchent et méritent, loin des intérêts étroits, des ambitions personnelles, des programmes malveillants et des ingérences extérieures illégales.

La République du Congo, qui s’exprimait en sa qualité de Présidente de la Comité spécial de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, a souligné le rôle crucial que l’Afrique peut jouer dans le règlement de la crise libyenne, rappelant que la Libye est un pays africain et un État membre de l’Union africaine.  La délégation en a profité pour remercier le Secrétaire général de l’ONU pour son étroite collaboration avec l’UA et l’a appelé à rapidement nommer son nouveau représentant spécial pour la Libye.  Constatant que le pays s’est transformée en « guerre par procuration » entre pouvoirs régionaux et internationaux et en « sanctuaire » pour des groupes terroristes et des mercenaires, la République du Congo a appelé à un cessez-le-feu immédiat, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19; au strict respect de l’embargo sur les armes; à la reprise des pourparlers politiques avec une base plus large de représentants; à la relance du processus du Caire et à la tenue d’un forum pour la réconciliation, sous les auspices de l’UA, à Addis-Abeba, qui pourra ensuite se pencher sur la feuille de route pour des élections.  Mais pour que ces défis puissent être relevés, il faut pouvoir compter sur l’unité du Conseil de sécurité et la fin de l’ingérence étrangère, a fait valoir la délégation.

La Suisse s’est dite profondément préoccupée par la détérioration de la situation en Libye, et a appelé toutes les parties au conflit armé à respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances.  La Suisse a aussi interpelé tous ceux qui portent la responsabilité de respecter et de protéger les droits de l’homme.  Elle a soutenu la mise en place d’une mission d’établissement des faits indépendante, internationale et impartiale, considérant que les enquêtes sur les violations des droits de l’homme sont essentielles pour établir les responsabilités.  Pour que le Groupe de travail du processus de Berlin puisse remplir son mandat avec succès, il a besoin non seulement du soutien total des Libyens, mais aussi de la communauté internationale, et en particulier de cet éminent Conseil, a insisté la Suisse avant de mettre l’accent sur « trois enjeux qui appellent une action immédiate ».  Elle a cité la cessation des hostilités et a appuyé l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu mondial et salué l’adoption de la résolution 2532 du Conseil de sécurité.

La Suisse a ensuite estimé que la MANUL a besoin d’un mandat solide pour surveiller et signaler les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire sur le terrain, et assurer un suivi étroit du processus de Berlin, avec les ressources nécessaires.  Enfin la Suisse a insisté sur des efforts de paix qui incluent les parties prenantes libyennes, y compris la société civile, pour garantir le caractère inclusif du processus de Berlin et l’ancrer dans la réalité du terrain.  Coprésidente d’un groupe de travail du processus, la Suisse a promis de travailler à des progrès tangibles, en particulier sur les aspects humanitaires essentiels.  S’agissant de la création d’une zone démilitarisée autour de Syrte et Joufra, la Suisse en a reconnu l’utilité.  En attendant, elle a appelé tous les pays à exercer leur influence sur les parties afin de convenir de toute urgence d’un cessez-le feu.

Six mois après la Conférence de Berlin, les Pays-Bas ont salué les efforts déployés par la MANUL pour maintenir l’élan créé en janvier, en dépit de l’impact de la pandémie de COVID-19.  Le mépris constant de l’embargo sur les armes et la multiplication des interférences étrangères ont conduit la Libye à un point d’escalade régionale, mettant tout le peuple libyen en danger, a constaté la délégation.  Elle a prévenu que ces développements risquent de mettre en danger à la fois l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Libye, ce qui va à l’encontre de ce que l’ONU et le Conseil de sécurité défendent.  Par conséquent, les Pays-Bas ont appelé tous les membres à se réimpliquer dans l’application des conclusions de Berlin et à aller dans le sens de la désescalade, en particulier à court terme autour des villes de Syrte et Joufra.  Ils ont appuyé l’idée proposée par le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne de démilitariser cette zone et d’y créer une zone tampon.  La délégation s’est ensuite félicitée de la reprise des pourparlers militaires 5+5 et a espéré qu’ils déboucheront sur un cessez-le-feu durable et à l’abandon du jeu à somme nulle.  Les Pays-Bas se sont également dits encouragés par les diverses initiatives politiques pour des pourparlers intralibyens à Genève sous les auspices de la MANUL.

Avec la Suisse, ils se dits heureux d’avoir rejoint le Comité international de suivi sur la Libye en tant que Coprésident du Groupe de travail sur le droit international humanitaire et les droits de l’homme.  Ils se sont dits d’avis qu’il faut activement lutter contre les horreurs du conflit, comme les « horribles fosses communes découvertes autour de Tarhouna ».  Il faut que les auteurs soient poursuivis en justice, a exigé la délégation pour laquelle l’obligation d’établir les responsabilités est essentielle pour briser le cercle vicieux de la violence fondée sur la vengeance et l’impunité.  Dans ce contexte, les Pays-Bas ont salué la création de la mission d’établissement des faits et du travail de la CPI.  Ils ont appelé toutes les parties, nationales et internationales, à apporter le soutien nécessaire à leurs activités.  La délégation a réitéré son soutien à la MANUL et appelé toutes les parties en Libye à s’engager dans un dialogue politique sérieux.  Toute solution doit être dirigée et contrôlée par les Libyens.

M. NIKOLAOS DENDIAS, Ministre des affaires étrangères de la Grèce, a rappelé que le processus de Berlin demeure le point d’ancrage des efforts de la communauté internationale pour une solution politique en Libye.  Le respect des principes de la Conférence de Berlin doit nous guider vers un cessez-le-feu crédible et durable et un retour des parties à la table des négociations, a déclaré le Ministre.  Il a réclamé le strict respect de l’embargo sur les armes et la cessation des hostilités par toutes les parties.  Toute solution en Libye devra être trouvée sans ingérence étrangère.  Le Ministre a mentionné la contribution de l’Union européenne au respect de l’embargo sur les armes par le biais de l’opération IRINI et encouragé toute initiative visant à une reprise du dialogue intralibyen, y compris l’initiative égyptienne du 6 juin.  Le Ministre a indiqué que l’acheminement d’armes et de mercenaires bafoue le droit international, de même que la conclusion d’accords illicites, qui violent le droit de la mer et les droits souverains de parties tiers.  Il a déclaré que son pays voit de l’intérêt dans une Libye stable et prospère et mentionné sa récente visite à Tobrouk, au cours de laquelle il a souligné la nécessité d’une solution politique.  Il est temps pour ceux qui usent de la Libye comme d’un champ de bataille par procuration de respecter les résolutions de ce Conseil et des recommandations de la Conférence de Berlin.  Il temps pour les Libyens de parvenir à une solution négociée, a conclu M. Dendias.

M. NASSER BOURITA, Ministre des affaires étrangères du Maroc, a souhaité livrer « un message d’inquiétude et de déception » s’agissant de la Libye.  Le Ministre s’est dit inquiet de l’aggravation des situations politique, militaire, économique et humanitaire, alors que tout le monde est occupé à relever les défis de la pandémie.  Il s’est dit déçu de la volonté politique insuffisante de la communauté internationale.  Cette réunion, a-t-il dit, doit être l’occasion de renouveler et de reconfirmer le consensus.  La Libye, a-t-il prévenu, ne saurait être considérée comme une entreprise diplomatique « lucrative », un « fonds de commerce diplomatique » ou encore une « arène pour la concurrence extérieure », où certaines puissances étrangères sont engagées dans une « guerre par procuration », imposant des difficultés supplémentaires aux frères libyens.

L’ingérence étrangère, a souligné le Ministre, n’aide en aucune façon les parties libyennes à dépasser leurs intérêts étroits et à relever le défi de forger ensemble un avenir meilleur.  Il a appelé à la mobilisation et dans ce contexte, a rappelé que son pays est profondément convaincu qu’une solution durable à la crise libyenne passe par une solution politique et en aucun cas militaire.  La solution doit venir des Libyens eux-mêmes, garantir l’unité, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de la Libye et à rester à l’abri des influences et programmes étrangers, y compris l’ingérence militaire. 

Reconnaissant que l’Accord politique, signé à Skhirat au Maroc, le 17 décembre 2015, « n’est peut-être pas l’affaire parfaite », le Ministre a suggéré que ses dispositions soient ajustées et mises à jour, à la lumière des développements sur le terrain.  Il a précisé que la Libye n’est pas seulement un voisin du Maroc, mais aussi un « pays frère » avec lequel « nous partageons une histoire commune, des liens communs, des intérêts communs et un destin commun ».  Pour nous, a conclu le Ministre, la Libye n’est pas seulement une question diplomatique.  Elle est aussi une situation de laquelle dépendent notre stabilité et notre sécurité.

Mme ACHTA SALEH DAMANE, Secrétaire d’État aux affaires étrangères du Tchad, s’est inquiétée de la dangereuse escalade militaire en Libye et a appelé le Conseil de Sécurité à prendre ses responsabilités pour faire respecter l’embargo sur les armes et mettre un terme aux ingérences extérieures ainsi qu’au recours à des mercenaires et combattants étrangers.  Elle a appelé toutes les parties prenantes libyennes à cesser immédiatement les hostilités et à s’engager dans la négociation d’un cessez-le-feu durable en vue d’un processus de dialogue inclusif devant conduire à une véritable réconciliation nationale.  La solution à la crise libyenne est de nature politique, et non militaire, a-t-elle martelé.  Et cette solution doit être le résultat d’une entente entre les Libyens eux-mêmes, le rôle de la communauté internationale étant de les aider à y parvenir.

Elle a souligné que la meilleure plateforme pouvant permettre aux libyens de se parler est le forum inclusif du dialogue interlibyen dont l’organisation est confiée à l’Union africaine.  Elle a jugé urgent que les différents acteurs se mettent d’accord sur une feuille de route largement consensuelle, mettant l’accent sur la réconciliation nationale, l’unité du pays et la restauration de l’autorité de l’État.  Cette feuille de route, a-t-elle ajouté, doit également intégrer le désarmement et l’intégration des milices dans les institutions de l’État ou dans la vie sociale, le démantèlement des mercenaires et des groupes terroristes présents en Libye, ainsi que le retrait des combattants étrangers.

Le Soudan s’est dit convaincu que tous les États voisins de la Libye devraient s’engager dans tout arrangement international ou régional visant à mettre fin aux combats en Libye et à sauver les Libyens du fléau de la guerre, de la destruction et des ingérences extérieures « inutiles ».  Les États voisins ont non seulement un intérêt vital pour une Libye pacifique qui vit en paix avec elle-même et en paix avec ses voisins, mais également un rôle fondamental à jouer pour apporter cette paix.  Le Soudan a prévenu qu’aucune solution militaire ne mettra jamais fin au conflit en Libye.  La situation est politique et ne peut être résolue que par la négociation et le dialogue entre les parties par des moyens pacifiques, a insisté la délégation. 

Tout en ayant pris connaissance de informations faisant état de l’implication d’individus et d’acteurs non étatiques soudanais dans le conflit en Libye, le Soudan a indiqué que son Gouvernement a catégoriquement nié toute participation de ses troupes auprès des belligérants.  Nous avons proposé à plusieurs reprises de former des forces militaires conjointes avec la Libye pour protéger nos frontières de tout passage illégal, que ce soient des combattants, des passeurs ou des groupes du crime organisé.  Le Soudan a indiqué que son armée a, la semaine dernière, arrêté 122 ressortissants soudanais qui tentaient de franchir illégalement les frontières avec la Libye, vraisemblablement pour y combattre ou traverser la Méditerranée vers l’Europe.  La délégation a réaffirmé son soutien au Gouvernement d’entente nationale et sa volonté de respecter la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Libye.

La Libye a commencé par « annoncer officiellement l’échec de l’aventure menée par l’agresseur » qu’il a nommé le « Jihad et la conquête ouverte ».  La promesse faite précédemment que l’envahisseur n’entrera jamais à Tripoli a été tenue grâce à l’Armée nationale et à « ses vaillantes forces armées », s’est félicité le pays en saluant le triomphe de l’opération « Burkan Alghadab », qui représente la victoire sur la militarisation de l’État de ceux qui demandent un État civil et démocratique.  La résilience de Tripoli est un symbole de résilience contre tous les complots de contre-révolutions et ceux qui les soutiennent, non seulement en Libye mais dans toute la région, a affirmé la délégation.

Comme elle le dit depuis 2011, la Libye dit avoir été témoin de tentatives de plusieurs États d’étendre leur contrôle sur le pays, de piller ses richesses et de déchirer son tissu national et social.  « Ces États ont profité de la situation pour créer le chaos et régler des comptes sur le territoire libyen. »  Selon la Libye, ces États ont profité d’opportunistes pour réaliser leurs programmes en supprimant le rêve d’une transformation démocratique à laquelle aspirent les Libyens.  Expliquant intervenir en dernier pour pouvoir réagir aux déclarations des autres délégations, elle s’est demandé pourquoi on parle maintenant d’un règlement politique et d’un dialogue.  S’adressant aux intervenants précédents, elle leur a demandé: « Où étiez-vous il y a plus d’un an lorsque des bombes tombaient sur des innocents et que des milliers de civils, dont des enfants et des femmes, ont été tués?  Où étiez-vous lorsque nos infrastructures civiles ont été bombardées et que des centaines de milliers de personnes ont été déplacées?  Toutes ces violations et crimes de guerre se sont produits sous vos yeux!  Qu’avez-vous fait pour les arrêter?  Et qu’avons-nous gagné de cette aventure sanglante lancée par un rebelle obsédé par le pouvoir? »

Les appels à la raison, à la sagesse et au dialogue d’aujourd’hui sont ceux des États qui soutenaient et continuent de soutenir l’agresseur en secret, s’est indignée la délégation, en relevant aussi que ces États ont délibérément perturbé le chemin du dialogue avec l’ONU et les efforts de son ancien Envoyé spécial, Ghassan Salamé.  D’ailleurs, a rappelé la Libye, dans une interview récente, M. Salamé, « qui est maintenant libéré des restrictions de la bureaucratie onusienne », aurait exprimé sa « colère » et « l’hypocrisie » de certains États: « J’ai été poignardé dans le dos par la majorité des membres du Conseil de sécurité de l’ONU.  Je n’avais plus de rôle et, le jour où Haftar a lancé son attaque sur Tripoli, il a obtenu le soutien de la plupart d’entre eux, tandis que nous étions critiqués en Libye parce que nous ne l’avons pas arrêté.  Certains grands États ont non seulement soutenu Haftar, mais ils se sont entendus délibérément pour s’opposer à la tenue de la Conférence nationale à Ghadamès. »

Forte de ce constat, la Libye s’est indignée d’entendre aujourd’hui encore certains dire qu’il n’y a pas de solution militaire en Libye.  « Quelles autres preuves de crimes et de violations par l’agresseur et ses partisans attendez-vous? »  La délégation a voulu savoir si tous ces éléments sont documentés dans « vos rapports et ceux de la CPI » et demandé des explications sur les charniers récemment révélés dans la ville de Tarhuna.  Elle a rappelé que jusqu’à 220 victimes ont été retrouvées jusqu’à présent parmi ceux qui ont été enterrés vivants.  « Qu’en est-il des explosifs et des mines plantés dans les maisons de citoyens au sud de Tripoli, qui ont fait à ce jour 80 morts innocents, et dont la Mission des Nations Unies a témoigné? »  « Ce n’était rien d’autre qu’un acte lâche commis par les milices de Haftar et ses mercenaires, nous rappelant les atrocités des terroristes de l’État islamique à Syrte, et pourtant certains considèrent toujours ce criminel de guerre comme un partenaire pour la paix », a tranché la délégation avant de remercier la CPI et le Conseil des droits de l’homme d’avoir accepté sa demande d’enquêter sur ces violations pour arriver à traduire les coupables en justice.

« Quelles autres preuves attendez-vous pour voir qu’il existe une formation internationale de mercenaires -qu’ils soient affiliés au groupe russe Wagner ou qu’ils soient soudanais, tchadiens ou syriens- qui travaillent sous le commandement du criminel de guerre et de ses agents? », a poursuivi la délégation.  Les Libyens et le monde entier les ont vus fuir leurs positions situées au sud de Tripoli à la télévision, a fait remarquer la délégation en rappelant aussi que ces mercenaires ont été rapidement évacués de l’aéroport de Bani Walid, après avoir réalisé que leur défaite était inévitable.  Aujourd’hui, on les retrouve en plein jour stationnés à l’est et occupant des gisements de pétrole et des ports, a-t-elle affirmé.  Par conséquent, la Libye a réitéré sa demande aux États concernés de retirer leurs citoyens de son territoire et de punir les responsables, y compris ceux qui les financent, faute de quoi ils deviennent complices de ces violations et crimes, sachant que le Conseil de sécurité devrait imposer des sanctions immédiates à ces entités et individus.  À cet égard, la Libye a remercié le Gouvernement soudanais d’avoir arrêté, il y a quelques jours, plus de 120 mercenaires qui tentaient d’infiltrer ses frontières.  Répondant à la Fédération de Russie, elle a dit que même si elle n’a pas de militaires russes en Libye, le groupe Wagner recrute des combattants étrangers, y compris des citoyens russes, et la Libye lui demande d’agir pour les retirer.

La Libye s’est également interrogée sur les raisons de la présence dans des forums internationaux de certains États qui n’ont aucun lien avec la Libye.  Par exemple, pourquoi les Émirats arabes unis (EAU) ont-ils été impliqués dans les discussions sur l’avenir de la Libye? a demandé la délégation.  « Est-ce un pays voisin ou un pays méditerranéen?  Est-ce un membre du Conseil de sécurité? »  « Si les EAU n’interfèrent pas dans nos affaires comme ils le prétendent, pourquoi se précipitent-ils pour prendre place à chaque réunion et pourquoi accueillent-ils les criminels de guerre et leur donnent-ils le podium pour tenir des conférences de presse pour inciter à la guerre et pourquoi leur fournissent-ils des fonds et des armes? »  La Libye constitue-t-elle une menace pour la sécurité nationale des Émirats arabes unis, a-t-elle demandé avant d’exiger que les EAU ne soient plus impliqués dans ses dialogues politiques.  À cet égard, la Libye a demandé aux Nations Unies et à la communauté internationale de limiter les futurs pourparlers libyens aux États Membres concernés: les pays voisins, les pays méditerranéens et les membres du Conseil de sécurité.  Sinon, a-t-elle mise en garde, nous exigerons l’ajout d’autres pays importants pour assurer un bon équilibre pour discuter de la question libyenne.

Suite aux remarques relatives aux ingérences étrangères, la Libye a tenu à préciser que le choix de ses coalitions, la signature d’accords de sécurité et militaires ou autres avec tout pays, est un droit souverain et légitime, et ne s’appelle pas « intervention étrangère ».  L’intervention et la violation de la souveraineté sont les pratiques de certains États qui transgressent un gouvernement légitime et soutiennent des coups d’État et des hors-la-loi avec de l’argent, des armes et un soutien politique, a-t-elle expliqué.  Si ces accords sont illégaux, alors tous les accords qu’elle a signés « avec vos pays », qu’ils soient sécuritaires, économiques ou pétroliers, sont également illégaux, en a-t-elle conclu.

Les résolutions du Conseil de sécurité sur la situation en Libye appellent tous les États à soutenir le Gouvernement d’accord national pour étendre son contrôle sur l’ensemble du territoire libyen, a rappelé la délégation en rappelant aussi que le respect de l’embargo sur les armes relève de la responsabilité d’acteurs externes qui cherchent à saper le Gouvernement légitime et soutiennent les tentatives de coup d’État.

En guise de conclusion, la Libye a fait valoir un certain nombre de points à commencer par le fait que tout le monde est conscient du problème de la propagation des armes, des milices et des groupes armés en Libye.  Toutefois, pour la Libye, la seule solution est de mettre fin à la division du pays, d’arriver à la stabilité, d’impliquer ses jeunes et d’activer les programmes de DDR et de RSS. La solution consiste en outre à améliorer la situation économique et sociale.  Les jeunes libyens ont été victimes d’un conflit et de la détérioration de la situation au fil des ans, et il ne faut pas « tous les mettre dans le même panier ».

La Libye a dit croire en l’importance de parvenir à une solution politique globale entre tous les Libyens, une solution qui mène à la construction d’institutions constitutionnelles afin de sortir le pays de sa crise actuelle.  Cependant, cela ne doit pas impliquer les parties qui ont commis des violations et des crimes pour s’emparer du pouvoir et militariser l’État, a -t-elle exigé.  Toutes les initiatives politiques présentées doivent être dirigées et contrôlées par les Libyens et placées sous les auspices des Nations Unies en coordination avec l’Union africaine.  La Libye a clairement indiqué qu’elle rejette toutes les initiatives unilatérales qui n’incluent pas toutes les parties libyennes, leur reprochant d’être « conçues sur mesure pour certaines personnes et présentées par des États partiaux qui soutiennent les rebelles ».

Enfin elle a demandé à la présidence du Conseil de sécurité de tenir, ce mois-ci, une séance spéciale et urgente pour le Comité des sanctions, en présence de tous les États mentionnés dans les rapports du Groupe d’experts sur la Libye et accusés d’avoir violé l’embargo sur les armes. 

Les Émirats arabes unis ont répondu à l’intervention de la Libye, en regrettant qu’elle ait mis à mal la nature constructive de cette réunion.  Ils ont dit avoir toujours recherché une solution politique durable à la crise libyenne et continué de soutenir les efforts de l’ONU en ce sens.  La délégation a souligné que cette solution doit venir des Libyens, « de tous les Libyens et pas seulement de quelques-uns ».  Pourquoi nous nous intéressons tant à la recherche d’une solution au conflit libyen?  Parce que, ont répondu les Émirats arabes unis, elle est dans l’intérêt des pays voisins et de la communauté internationale tout entière.

Réagissant également aux propos de la Libye, l’Égypte a regretté que ce pays ait opté pour la voie de l’escalade plutôt que celle du dialogue.  Elle a catégoriquement rejeté toutes les « accusations injustifiées » de la Libye et a préféré mettre l’accent sur les efforts qu’elle déploie depuis quatre ans pour permettre un retour à la stabilité en Libye.

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