Libye: au Conseil de sécurité, la Procureure de la CPI appelle tous les États concernés à coopérer avec la Cour pour que justice soit rendue
« La justice ne peut progresser davantage sans l’arrestation et la remise des suspects à la CPI » a conclu, ce matin, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), lors de sa présentation au Conseil de sécurité du dix-neuvième rapport de la Cour sur la situation en Libye. Pour Mme Fatou Bensouda il s’agit d’une responsabilité qui ne repose ni sur son Bureau ni sur la Cour, mais bien sur d’autres acteurs du système du Statut de Rome, à savoir les États.
Les membres du Conseil se sont inquiétés de l’absence d’exécution des mandats d’arrêts émis par la CPI et, de ce fait, de l’absence de justice pour les victimes d’atrocités de masse. La Libye s’est pourtant prévalue de la capacité de son système judiciaire national à poursuivre tous les accusés en vertu du Code pénal. Rendre la justice sur tout le territoire libyen est une responsabilité qui relève de la souveraineté libyenne et de la juridiction nationale, a insisté la délégation.
Outre les attaques intentionnelles contre la population et les infrastructures civiles, les détentions arbitraires et les mauvais traitements graves infligés aux migrants et réfugiés qui transitent par la Libye comme aux prisonniers détenus sans procédure régulière, ainsi que les disparitions forcées et l’incitation à la haine dans les médias traditionnels et sociaux, la Procureure a fait le point sur les demandes d’extradition de M. Saïf Al-Islam Qadhafi, le fils de Mouammar Qadhafi, et de MM. Al-Tuhamy Khaled et Mahmoud Al-Werfalli. En effet, comme l’a rappelé l’Afrique du Sud, à ce jour les mandats d’arrêts émis par la CPI contre ces trois suspects n’ont toujours pas pu être exécutés, alors même qu’il s’agit « des auteurs des crimes les plus graves en Libye », comme les a décrits le Royaume-Uni.
Les États-Unis ont jugé « honteux » que plusieurs des coupables les plus notoires des crimes contre le peuple libyen de la dernière décennie continuent de bénéficier de l’impunité. La justice pour les victimes d’atrocités de masse, a insisté la France à son tour, est l’un des éléments clefs du règlement du conflit libyen. C’est pourquoi le Conseil de sécurité a renvoyé la situation libyenne à la Cour dès 2011, a-t-elle rappelé.
Dans le cas de M. Saïf Al-Islam Qadhafi, la Chambre d’appel de la Cour a décidé à l’unanimité, le 9 mars 2020, que son affaire était recevable devant la CPI. Par conséquent, le mandat d’arrêt contre M. Qadhafi reste exécutoire et la Libye est toujours tenue de l’arrêter et de le remettre à la Cour, a précisé Mme Bensouda. La Procureure a également pointé du doigt l’Égypte, où résiderait M. Al-Tuhamy, pour ne pas l’avoir arrêté et extradé, ainsi que l’Armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar sous le commandement duquel se trouverait M. Al-Werfalli.
La Russie a réagi en faisant remarquer que, depuis neuf ans, la CPI ne semble gérer que ces trois affaires, notant aussi que ses rapports au fil des ans passent sous silence les bombardements et les dégâts provoqués par la Coalition internationale de même que les actes des combattants de Daech semblent échapper à son champ d’action. La délégation russe n’a pas hésité à dire qu’en Libye, la CPI perd de sa pertinence.
Un avis partagé en partie par la Libye qui a voulu savoir ce que la Cour attend pour juger les auteurs des violations multiples, y compris la soi-disant « Armée nationale » et le général Khalifa Haftar. Pour sa part, elle surveille de près « tous les abus et tous les crimes commis par le criminel de guerre Khalifa Haftar » depuis l’attaque de Tripoli et de sa périphérie le 4 avril 2019, ainsi que les nombreuses violations qu’il a commises dans d’autres villes du pays, notamment les enlèvements, les meurtres et les exécutions publiques. Le procureur militaire de la Libye a émis un mandat d’arrêt contre un certain nombre de criminels et de hors-la-loi, dont « le criminel de guerre Khalifa Haftar » et d’autres dirigeants sous ses ordres. De plus le Gouvernement libyen finalise son troisième rapport sur les violations des droits de l’homme qui sera bientôt partagé avec la CPI et le Conseil de sécurité.
Invoquant l’article 28 du Statut de Rome, la délégation libyenne s’est interrogée sur la différence entre, d’un côté, les actions diligentes de la Procureure pour poursuivre les crimes de M. Al-Werfalli, et, de l’autre, l’absence de poursuites pour « les graves crimes contre l’humanité et les violations des droits de l’homme de M. Haftar qui a ciblé et tué des milliers de personnes innocentes ». Elle a aussi demandé des explications quant aux pays et dirigeants étrangers qui appuient et financent ces violations graves.
La délégation libyenne attend donc de la Cour qu’elle travaille en coopération avec le Comité des sanctions du Conseil de sécurité et le Groupe d’experts afin que tous les coupables soient clairement et explicitement identifiés pour leur faire porter leurs responsabilités. La France a conclu que tout individu qui commet ou incite à de tels crimes doit être poursuivi, par la justice libyenne ou la CPI.
Cette séance a été l’occasion pour les membres du Conseil de redire qu’il ne doit pas y avoir de solution militaire au conflit en Libye et pour plaider en faveur du dialogue politique. Plusieurs ont appelé à reprendre des pourparlers sur les trois volets -politique, sécuritaire et économique- tels qu’avancés lors de la Conférence de Berlin, y voyant la meilleure chance pour la stabilité et la prospérité que mérite le peuple libyen.
En raison de la pandémie de COVID-19, la Procureure et les 15 membres du Conseil ont fait leurs déclarations par visioconférence.
La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.
Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), qui présentait le dix-neuvième rapport de la CPI sur la situation en Libye, a assuré que son équipe va de l’avant dans son travail judiciaire et ses enquêtes et qu’elle travaille sur des demandes de nouveaux mandats d’arrêts.
Faisant état de la poursuite, depuis son dernier rapport, des graves violences liées au conflit armé en Libye, en particulier à Tripoli et dans ses environs, la Procureure a regretté l’offensive sur Tripoli lancée il y a un peu plus d’un an par la milice basée à l’Est connue sous le nom d’Armée nationale libyenne, dirigée par le général Khalifa Haftar. Son Bureau continue de suivre attentivement les développements et de recueillir et analyser les informations sur les incidents survenus au cours de la récente période et pouvant constituer des crimes au regard du Statut de Rome. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ou contre des civils ne prenant pas directement part aux hostilités constitue un crime de guerre au sens du Statut de Rome, a rappelé la Procureure. De même, le Statut de Rome interdit de diriger intentionnellement des attaques contre des hôpitaux et d’autres bâtiments protégés par le droit international, tels que les lieux de culte et les écoles, lorsqu’ils ne sont pas des objectifs militaires, et lorsqu’il s’agit d’objectifs militaires, le principe de proportionnalité s’applique, a-t-elle encore rappelé.
Abordant ensuite la question de la détention arbitraire et de graves mauvais traitements infligés à des migrants et des réfugiés qui transitent par la Libye, Mme Bensouda a martelé qu’il s’agit d’un problème grave et persistant auquel le Bureau de la CPI continue de consacrer des ressources. La question de la détention arbitraire et des mauvais traitements graves infligés aux détenus affecte non seulement les migrants et les réfugiés, mais aussi des milliers d’autres personnes détenues dans les prisons et les centres de détention de Libye. Selon des chiffres récents, il est fréquent que des personnes soient détenues sans procédure régulière, sans fondement légal, ou privées de leurs droits procéduraux fondamentaux. Ces détenus courent un plus grand risque de subir des formes graves de mauvais traitements, notamment meurtre, torture, viol et autres formes de violence sexuelle, a indiqué la Procureure. Les informations obtenues par la CPI indiquent que de tels crimes ne sont que trop courants notamment dans les prisons d’Al-Kuweifiya et de Gernada situées dans l’est de la Libye et de Mitiga, à Tripoli.
Pour la CPI, des réformes sérieuses et urgentes dans de nombreuses prisons et centres de détention libyens semblent nécessaires pour prévenir de futurs délits, ainsi que des enquêtes sur les violations présumées du passé. Cette responsabilité incombe à la Libye, même si le Bureau de la Cour continue de suivre de près ces allégations.
Selon des rapports reçus par le Bureau de Mme Bensouda, il y aurait également un nombre croissant de cas de disparition forcée, commis en toute impunité. Le crime de disparition forcée inflige de graves souffrances à la famille de la personne disparue. Il peut également semer la terreur dans une société, a souligné la Procureure, en particulier lorsqu’elle est dirigée contre des membres éminents de la communauté, tels que des militants politiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes. Cela signifie que les voix dissidentes ne seront pas tolérées.
La CPI est également préoccupée par l’augmentation des discours de haine en Libye puisqu’un langage désobligeant et déshumanisant visant certains individus ou groupes de personnes est désormais omniprésent dans les médias traditionnels et sociaux. Cela approfondit les divisions au sein de la société et sème les germes de crimes contre ces groupes et individus ciblés au risque de voir des crimes d’atrocités massives, a mis en garde la Procureure. Rappelant qu’en vertu du Statut de Rome, une personne qui incite d’autres personnes à commettre des crimes en est également responsable, elle a appelé les dirigeants et autres personnalités à donner l’exemple et s’abstenir de toute incitation à la haine.
S’agissant du cas de M. Saïf Al-Islam Qadhafi, la deuxième phase de la procédure relative à la recevabilité de l’affaire est désormais close. Le 9 mars 2020, la Chambre d’appel a décidé à l’unanimité que l’affaire de M. Qadhafi était recevable devant la CPI. Par conséquent, le mandat d’arrêt contre M. Qadhafi reste exécutoire et la Libye est toujours tenue de l’arrêter et de le remettre à la Cour.
Dans son arrêt, la Chambre d’appel a conclu que la CPI ne pouvait juger une personne qui avait déjà été jugée par une juridiction nationale pour le même comportement que si la procédure devant l’autre cour était définitive. Or, la procédure interne en Libye contre M. Qadhafi n’est pas définitive étant donné qu’il a été condamné par contumace. Si M. Qadhafi se rend ou est arrêté, la loi libyenne prévoit qu’il doit être rejugé. En cas de condamnation à mort pour la deuxième fois, la révision par la Cour de cassation libyenne serait obligatoire. En outre, la loi d’amnistie libyenne, la loi n° 6 de 2015, ne s'applique pas à son cas. Aux yeux de la CPI, M. Qadhafi est un fugitif volontaire, échappant activement à la justice à la fois en Libye et devant la CPI.
En ce qui concerne les autres mandats d’arrêts contre MM. Al-Tuhamy Khaled et Mahmoud Al-Werfalli, la Procureure a expliqué que le premier, qui se trouverait en Égypte, n’est pas exécuté parce que l’Égypte ne l’a ni arrêté, ni remis à la Cour. De même, l’armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar n’a facilité ni l’arrestation, ni la remise de M. Al-Werfalli à la CPI, ni assuré une véritable enquête et des poursuites en Libye. M. Al-Werfalli serait placé sous le commandement du général Haftar, a précisé Mme Bensouda.
Le cours de la justice ne peut progresser davantage sans l’arrestation et la remise des suspects de la CPI, a-t-elle martelé, rappelant qu’il s’agit là d’une responsabilité qui ne repose ni sur son Bureau ni sur la Cour, mais sur d’autres acteurs du système du Statut de Rome, à savoir les États. Avant de conclure, elle a rappelé aux membres du Conseil leur responsabilité particulière de soutenir la Cour et d’encourager la coopération avec elle.
La Belgique a réitéré son ferme appui à la CPI, « une institution judiciaire indépendante et impartiale ». Elle s’est d’ailleurs dite gravement préoccupée par les menaces proférées contre le personnel de la Cour et leur famille. La CPI et son équipe peuvent compter sur nous pour continuer à défendre les principes et les valeurs du Statut de Rome et préserver l’intégrité de ce dernier, a souligné la Belgique. L’escalade de la violence en Libye, a-t-elle poursuivi, montre pourquoi la CPI est plus nécessaire que jamais pour établir les responsabilités pour les crimes les plus graves, au regard du droit international. La justice doit être rendue aux victimes et il est tout aussi nécessaire de prévenir d’autres violations du droit international humanitaire, a ajouté la Belgique. Les attaques contre les maisons, les écoles et les hôpitaux à Tripoli peuvent constituer des crimes de guerre, en vertu du Statut de Rome et elles doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites approfondies par les juridictions nationales ou la CPI, a souligné la Belgique.
Elle a salué les progrès enregistrés par le Bureau de la Procureure et a pris note des préparatifs pour le lancement d’autres mandats d’arrêts. La Belgique a dit apprécier l’attention qu’accorde la Procureure à certains crimes dont les discours de haine, compte tenu de leur impact potentiel le conflit armé et les crimes graves contre les catégories les plus vulnérables comme les enfants, les migrants et les réfugiés. Mais, a-t-elle rappelé, nous savons tous que la Cour ne peut être efficace sans la coopération de toutes les parties prenantes. C’est la raison pour laquelle le Conseil a décidé par sa résolution 1970 d’exhorter tous les États et organisations régionales et internationales concernées à coopérer pleinement avec la Cour et la Procureure, a rappelé la Belgique.
Pourtant, s’est-elle alarmée, le manque de coopération est « évident », comme en atteste la non-exécution des mandats d’arrêts par l’Égypte et l’Armée nationale de libération du général Haftar, sans compter le silence devant les demandes d’assistance de la Procureure. La Belgique a donc une nouvelle fois exhorté les autorités compétentes à faciliter l’arrestation immédiate des trois suspects et à les transférer à la CIP. Nous demandons aussi au Conseil de sécurité de suivre de près cette question et de prendre toutes les mesures qui s’avéreront nécessaires, a martelé la Belgique.
L’Allemagne a rappelé qu’en 2011, ce Conseil avait renvoyé la situation en Libye devant la CPI afin de garantir que les responsables des crimes les plus graves soient jugés, et souligné que, neuf ans plus tard, la situation en matière de sécurité et de droits de l’homme en Libye demeure extrêmement préoccupante. Appelant à ne pas laisser régner l’impunité, elle a déploré que les mandats d’arrêts délivrés par la Cour n’aient toujours pas été exécutés, y voyant « un affront aux victimes et à leurs proches », parce que l’impunité mine tout espoir de parvenir à une solution durable et pacifique à la crise en Libye, dont la justice est un élément essentiel.
L’Allemagne a encouragé dès lors la Procureure et la CPI à poursuivre les enquêtes concernant la Libye. Elle a exhorté les États Membres à exécuter les mandats d’arrêts en plaidant pour leur pleine coopération et assistance. En ce qui concerne le Conseil de sécurité, elle lui a demandé de veiller à ce que ses renvois soient suivis et mis en œuvre. Dans ce contexte, elle a salué l’annonce par la Procureure que son Bureau travaille sur la pertinence de nouveaux mandats d’arrêts.
L’Allemagne a salué l’engagement de la Libye en faveur de la justice et l’a encouragée à renforcer davantage sa coopération avec la Cour. Mais, a-t-elle précisé, tant que les autorités libyennes ne sont pas en mesure de poursuivre les crimes les plus graves en vertu du droit international, la CPI doit intervenir pour garantir que les coupables soient jugés.
Reprenant des chiffres récents selon lesquels depuis le début de l’offensive d’avril 2019, il y a eu plus de 350 civils tués, plus de 300 blessés et 140 000 déplacés en Libye, et que la MANUL a signalé 57 attaques contre des établissements de santé en 2019, causant la mort de 13 travailleurs de la santé, l’Allemagne a souligné que les attaques contre des civils constituent une violation du droit international humanitaire. La reddition de la justice pour tout crime relevant du Statut de Rome et le plein respect du droit international sont des conditions préalables à une paix durable en Libye, a-t-elle ajouté en soulignant, dès lors, le devoir de la communauté internationale de veiller à ce qu’il y ait des conséquences pour les auteurs de ces crimes au risque de les voir se répéter.
L’Allemagne a noté que les forces armées associées au général Haftar sont responsables de la grande majorité des attaques contre des civils -plus de 80%, selon un récent rapport de la MANUL. De plus, la grande majorité des attaques contre les établissements de santé relèvent de l’Armée nationale libyenne (ANL) qui démontre son mépris flagrant pour la vie civile, s’est offusquée la délégation en exigeant une réponse de la CPI et en saluant son travail à cet égard.
Après avoir réaffirmé son attachement inconditionnel au Statut de Rome et au travail de la CPI dans la lutte contre l’impunité, la Tunisie a regretté que près d’une décennie après que ce Conseil a renvoyé la situation en Libye à la CPI, les perspectives de justice et de paix durable soient toujours malheureusement hors de portée. La Tunisie s’est dite gravement préoccupée par le cycle endémique de violence, d’atrocités et d’impunité en Libye, qui cause des souffrances indicibles au « peuple libyen frère ». Elle a réitéré son appel à toutes les parties pour qu’elles respectent les principes fondamentaux du droit international humanitaire, comme ceux de distinction, de proportionnalité et de précaution, et pour qu’elles veillent constamment à protéger les personnes et les infrastructures civiles lors des opérations militaires. Pour la délégation, l’importance d’une période prolongée de calme conduisant à un cessez-le-feu permanent en Libye ne saurait être surestimée.
Les rédacteurs du Statut de Rome ont fait de la CPI une juridiction complémentaire, agissant en dernier ressort, a souligné la Tunisie qui a appuyé les efforts de la Procureure de la CPI pour encourager activement les poursuites menées par les institutions judiciaires libyennes. La Tunisie a salué l’attachement de la Libye à la justice et la coopération des autorités compétentes avec la CPI. Il est essentiel, a souligné la Tunisie, que la communauté internationale fournisse toute l’assistance et le soutien nécessaires pour rendre le système judiciaire libyen capable de mener des procédures authentiques, cohérentes et conformes aux normes les plus élevées et renforcer ainsi les principes de complémentarité avec la Cour. Dans ce contexte délicat, la priorité la plus urgente en Libye reste l’engagement des parties libyennes à un cessez-le-feu permanent pour créer des conditions favorables au processus politique et à la lutte contre la pandémie de COVID-19. La Tunisie a réitéré son appel à une solution politique globale et durable fondée sur un dialogue interlibyen, loin de toute ingérence étrangère et propre à préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Libye, et mettre fin au conflit et au chaos.
La Chine a réaffirmé qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit qui fait rage en Libye depuis de nombreuses années et fait des ravages dans le pays et ses voisins. La question de la Libye doit, selon la délégation, être résolue par un processus politique. La Chine a salué tous les efforts déployés en vue d’un cessez-le-feu durable et pour répondre à l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial, en particulier pendant cette période marquée par la pandémie de COVID-19 et par le ramadan. Elle a appelé toutes les parties au conflit à faire passer les intérêts du pays et du peuple libyen au premier plan et à conclure un cessez-le-feu permanent dès que possible. Dans les circonstances actuelles, le peuple libyen mérite un environnement pacifique pour lutter contre la pandémie de COVID-19, a souligné la délégation.
La Chine a soutenu un processus de règlement politique pris en main et dirigé par la Libye, encourageant l’ONU et les organisations régionales telles que l’Union africaine et la Ligue des États arabes à poursuivre leurs efforts de médiation et à créer des synergies. De plus, la Chine a appelé tous les États Membres à appliquer strictement l’embargo sur les armes. Tout en respectant l’indépendance, l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye, la communauté internationale devrait continuer, selon elle, à fournir une assistance à la Libye afin que le pays parvienne rapidement à la paix, à la stabilité et au développement. En ce qui concerne la Cour pénale internationale, la position de la Chine reste inchangée, a déclaré la délégation.
L’Afrique du Sud s’est dite préoccupée par la non-exécution des mandats d’arrêts émis par la CPI: c’est un obstacle majeur auquel la Procureure doit faire face. La coopération entre le Conseil et les États parties au Statut de Rome est importante pour accélérer les cas, a fait valoir la délégation en notant que cela permet d’envoyer un message au peuple libyen et au monde sur l’importance de la coopération internationale. L’Afrique du Sud a dit appuyer fermement le renforcement de la capacité des institutions nationales à enquêter et poursuivre les crimes les plus graves. Le progrès dans le processus de paix en Libye est essentiel pour lever les préoccupations quant à la nécessité de mettre en œuvre la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, a fait remarquer la délégation.
L’Afrique du Sud est préoccupée de la poursuite des combats en Libye, y compris le déplacement de populations, les attaques aveugles qui frappent les propriétés et les infrastructures civiles et qui font des morts et des blessés. Elle est aussi profondément inquiète de l’augmentation, durant la pandémie de COVID-19, du nombre des enlèvements et des disparitions forcées de journalistes, de militants de la société civile, d’avocats, de migrants et de fonctionnaires, du fait des groupes armés. L’Afrique du Sud s’est également préoccupée des informations faisant état de détentions arbitraires, de meurtres, de disparitions forcées, de tortures, d’abus et de violences sexuels, de demandes de rançon et d’extorsions ainsi que de cas de travail forcé des migrants. L’Afrique du Sud est en outre préoccupée par l’environnement et les défis que le peuple libyen et le bureau de la Procureure doivent affronter face à la pandémie de COVID-19. Elle a plaidé en faveur d’une approche pragmatique pour la finalisation rapide des enquêtes et des poursuites pour les crimes internationaux commis en Libye.
La République dominicaine a jugé « intolérable » qu’alors que les systèmes de santé du monde entier s’effondrent en raison de la pandémie de COVID-19, les hôpitaux en Libye continuent d’être frappés par des attaques aveugles. Pour la délégation, ces actions révèlent l’importance de renforcer la coopération entre les États et la CPI. Les criminels doivent savoir que leurs actes terribles auront des conséquences juridiques sur le plan international, a relevé la délégation en rappelant l’effet dissuasif de la CPI, « surtout en ce moment où le multilatéralisme est confronté à de graves défis ». La lutte contre l’impunité ne doit jamais s’arrêter, a ajouté la délégation.
La République dominicaine a applaudi en outre les efforts de la CPI dans le dossier d’appel de M. Qadhafi et a saisi cette occasion pour réitérer son appel à tous les États Membres à collaborer avec la CPI sur tous les mandats d’arrêts en attente. Les approches bilatérales des membres du Conseil de sécurité pour aller de l’avant sont essentielles, ainsi que la coopération avec les autorités libyennes, les États parties, d’autres États Membres de l’ONU et d’autres entités concernées pour aider le Bureau de la Procureure à s’acquitter de son mandat.
La délégation a déploré le fait que Mme Sergewa reste introuvable après son enlèvement par des hommes armés. Elle a fait part de sa déception devant le nombre croissant de personnes qui disparaissent: journalistes, militants de la société civile, avocats et représentants de l’État. Elle se félicite néanmoins des progrès réalisés dans les enquêtes sur les délits liés aux migrants. Les responsables des actes atroces contre les migrants en Libye et toutes les victimes de ces crimes terribles doivent être poursuivis et jugés, que ce soit par leur juridiction nationale ou par la CPI, a plaidé la délégation. Quelles que soient les affiliations idéologiques, le peuple libyen doit cesser de se battre et commencer à lutter ensemble contre son ennemi commun, la pandémie de COVID-19, a conclu la République dominicaine.
Les États-Unis ont jugé « honteux » que plusieurs des coupables les plus notoires de crimes contre le peuple libyen de la dernière décennie continuent de bénéficier de l’impunité. Citant les cas de Saïf Al-Islam Qadhafi, Mahmoud Al-Werfalli, Al-Tuhamy Mohamed Khaled et Abdullah Al-Senussi, les États-Unis ont estimé que ces personnes devraient être traduites en justice pour leurs crimes présumés. Ils ont appelé ceux qui abritent Saïf Al-Islam Qadhafi et Mahmoud Al-Werfalli à les livrer immédiatement aux autorités libyennes. Ils ont également demandé à ceux qui abritent Al-Tuhamy Mohamed Khaled, l’ancien chef de la célèbre Agence de sécurité intérieure de la Libye, de mettre fin à sa protection. « Nous surveillons l’état de l’affaire devant la Cour suprême de la Libye contre Abdullah Al-Senussi », a ajouté la délégation. Pour les États-Unis, les architectes des jours sombres de la Libye doivent être tenus pour responsables de leurs actes au nom de la justice pour les victimes et leurs familles. Cela enverrait un puissant message dissuasif à tout potentiel futur agresseur, y compris à ceux impliqués dans le conflit actuel, a souligné la délégation. « Le Gouvernement américain continue de recevoir des informations faisant état de violations des droits de l’homme en Libye aujourd’hui. » Ces rapports portent sur des homicides arbitraires, des disparitions forcées, des détentions illégales, la torture, la traite des êtres humains et la violence sexuelle, a détaillé la délégation.
Les milices libyennes et les forces de sécurité de tous côtés -ainsi que leurs soutiens internationaux- sont accusés d’avoir commis ces violations des droits de l’homme, a encore précisé la délégation. Profondément alarmés, les États-Unis continuent d’appeler à une désescalade et à un cessez-le-feu pour mettre fin à ces abus et permettre aux Libyens de faire face à la menace posée par la pandémie de COVID-19. L’instabilité politique et sécuritaire de la Libye a créé un environnement propice à la violation des droits de l’homme, a regretté la délégation. C’est pourquoi les États-Unis continuent de s’opposer à l’intervention militaire étrangère en Libye et de soutenir un retour rapide à un processus politique. Ils ont remercié la Représentante spéciale par intérim, Stephanie Williams, et son équipe pour leurs efforts en vue de trouver une solution politique négociée à la crise.
La délégation de Saint-Vincent-et-les Grenadines a indiqué que son pays a ratifié le Statut de Rome en 2002, fort de la conviction, inchangée jusqu’à ce jour, que la CPI a un rôle fondamental à jouer dans la quête collective pour la paix et la justice. « Alors que nous appuyons l’intégrité de la Cour et les principes du droit international, nous soulignons l’importance d’enquêter sur les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité pour mettre fin à l’impunité et rendre justice aux victimes », a-t-elle dit.
Qualifiant d’extrêmement préoccupante la situation en Libye, elle a exhorté les parties à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu et d’un dialogue interlibyen pour une résolution pacifique du conflit. Elle a condamné les attaques indiscriminées contre les civils et les infrastructures civiles et demandé la protection de la population civile dans le pays.
La délégation a souligné l’importance de la coopération et du principe de complémentarité pour un bon fonctionnement de la CPI et exhorté tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu du traité et à coopérer avec la Cour. Enfin, la délégation a encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome, la Cour demeurant le premier mécanisme permettant de dédommager les victimes d’atrocités de masse et leurs familles.
L’Indonésie a appelé à la cessation immédiate des hostilités en Libye, demandant que la voie du dialogue politique soit poursuivie, étant donné qu’il n’y aura jamais de solution militaire. La délégation a soutenu l’appel que la MANUL a lancé à toutes les parties pour qu’elles mettent immédiatement fin à toutes les opérations militaires et reprennent les pourparlers de la Commission militaire mixte 5 + 5 pendant le mois du ramadan. L’Indonésie a également appelé à l’extension des couloirs humanitaires, tout en se félicitant des efforts accrus du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a distribué des fournitures de secours à Tripoli.
La délégation s’est en outre dite préoccupée par le fait qu’au cours du premier trimestre de 2020, le nombre de victimes civiles ait augmenté de 45% par rapport au dernier trimestre de l’année dernière. Elle a noté qu’au cours de la même période, les attaques contre les écoles et les établissements de santé persistent et a précisé que ces attaques auront un impact considérable sur la faculté de la Libye à lutter contre la pandémie de COVID-19. L’Indonésie s’est dite déterminée à soutenir la justice en Libye dans le cadre des efforts plus larges visant à instaurer une paix durable. Elle a appelé au respect l’état de droit, demandant par ailleurs que les autorités judiciaires libyennes aient le pouvoir d’exercer leur pleine souveraineté. Pour l’Indonésie, le renvoi de la situation en Libye à la CPI ne devrait pas empêcher les autorités libyennes d’invoquer leur compétence pour enquêter sur les violations flagrantes des droits de l’homme et traduire les auteurs en justice. La communauté internationale doit faire preuve de prudence pour éviter plus de violence et plus de pertes en vies humaines, et compromettre ainsi la recherche de la paix.
La Fédération de Russie s’est dite préoccupée par le fait que la situation en Libye demeure tendue et que les efforts pour la stabiliser soient au point mort. Nous demeurons convaincus, a-t-elle dit, que la solution militaire n’est pas une bonne option. Il n’y a certes pas de sortie de crise « facile », après neuf ans de conflit, mais la voie à suivre, c’est le travail diplomatique « impartial », la coopération et le soutien pour aider les parties à s’engager dans des négociations. La Fédération de Russie a rappelé qu’il doit s’agir d’un dialogue mené par les Libyens eux-mêmes, sans ingérence extérieure. « C’est aux Libyens de déterminer l’avenir de leur pays », a-t-elle martelé. On ne saurait sous-estimer le rôle « central » de l’ONU, a ajouté la Fédération de Russie qui a demandé au Secrétaire général de nommer son nouveau représentant spécial dès que possible et à toutes les parties libyennes de cesser les hostilités pour ouvrir la voie à des approches conjointes contre la pandémie de COVID-19.
Que fait la CPI, s’est interrogée la Fédération de Russie, pour contribuer à la paix en Libye et traduire les coupables des violations du droit international en justice? La CPI, s’est-elle étonnée, ne gère que trois affaires depuis neuf ans. Une fois Mouammar Kadhafi évincé, il semble qu’elle ait perdu tout intérêt pour la question, se contentant de citer quelques fugitifs. Selon la Fédération de Russie, les rapports de la Procureure montrent que l’on détourne le regard de certaines parties au conflit armé et même qu’on les pardonne. Les rapports passent sous silence les bombardements et les dégâts provoqués par la coalition internationale. Même les combattants de Daech, dont le rôle destructeur a été reconnu par le Conseil, semblent échapper au champ d’action de la CPI. En Libye, la CPI perd en pertinence, a tranché la Fédération de Russie. La communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent donc se concentrer sur le rétablissement de la paix et lorsqu’elle sera fermement établie, il reviendra aux Libyens de décider eux-mêmes de la manière de rendre justice.
Le Viet Nam a estimé que les hostilités en cours ne feront qu’exacerber la souffrance du peuple libyen en particulier durant la pandémie de COVID-19. La délégation s’est dit préoccupée par le manque de progrès dans la solution politique pacifique en Libye. Elle a réitéré l’importance du dialogue et de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes. Le rôle de l’ONU, de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, des organisations régionales et des pays voisins continuera d’être crucial dans la promotion de la paix dans ce pays. À cet égard, le Viet Nam a souligné qu’en ce mois du ramadan, les parties libyennes devraient arrêter immédiatement les hostilités, respecter la trêve ainsi que le droit international humanitaire, arrêter de viser les populations et les infrastructures civiles, permettre l’accès humanitaire pour aider les nécessiteux, et combattre la COVID-19.
Les pourparlers sur les trois volets -politique, sécuritaire et économique- devraient reprendre dès que possible, a prôné la délégation. Toute recherche des activités de soutien devraient se poursuivre, y compris par des moyens à distance si nécessaire. Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye devrait être nommé rapidement pour aider efficacement ce processus, a encore suggéré le Viet Nam. La délégation a en outre réitéré que l’établissement des responsabilités pour les violations du droit international humanitaire et les actes criminels graves doit être fait conformément aux principes fondamentaux du droit international relatifs à l’indépendance et à la souveraineté de l’État.
Le Niger a exhorté tous les États, parties ou non parties au Statut de Rome, à coopérer pleinement avec la CPI pour lutter contre l’impunité. La délégation a relevé que ce n’est que dans un environnement sécuritaire stable qu’il y aura une coopération plus efficace entre la Libye et la CPI. Elle a déploré le fait que les mandats d’arrêts contre trois ressortissants libyens n’aient toujours pas été exécutés, en raison notamment du contexte de sécurité actuel. La délégation a invité les autorités libyennes, les États parties au Statut de Rome et les organisations régionales et internationales à se conformer à la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité en coopérant pleinement avec la CPI, afin de traduire en justice les auteurs présumés des crimes. Selon le Niger, la lutte contre l’impunité doit faire partie intégrante du processus de réconciliation nationale afin de créer les conditions d’une paix durable en Libye. La délégation a en outre demandé aux autorités libyennes compétentes et au Bureau du Procureur de continuer à mener des enquêtes pour établir les responsabilités et rendre justice aux migrants et réfugiés présents en Libye.
Le Niger a insisté sur le respect de l’embargo sur les armes en Libye, arguant que ces armes contribuent non seulement à prolonger le conflit mais alimentent également d’autres sources d’insécurité, comme c’est le cas au Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Il a demandé aux Nations Unies, et en particulier au Conseil de sécurité, à l’Union africaine et aux autres parties prenantes, de conjuguer leurs efforts pour mettre rapidement un terme aux affrontements pour que la paix puisse enfin être rétablie en Libye et au Sahel.
La délégation du Royaume-Uni a apporté son soutien aux efforts de la CPI dans la lutte contre l’impunité et la poursuite des auteurs des crimes les plus graves en Libye. Le travail de la Cour est d’une importance vitale, en particulier au regard des violations caractérisées du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Alors que les pays font tous face à la menace sans précédent de la COVID-19, il est particulièrement « révoltant », s’est emporté le Royaume-Uni, de voir des centres de santé, donc des infrastructures civiles, être délibérément pris pour cible. La délégation a jugé « inacceptable » le fait que les civils, les migrants et les réfugiés payent de leur vie. Les civils doivent être protégés en temps de conflit, et ceux qui les ciblent, y compris quand il s’agit de violence sexuelle et fondée sur le genre, doivent rendre compte de leurs actes, a-t-elle déclaré, en soulignant le rôle crucial de la CPI.
Le Royaume-Uni a appuyé l’appel de la Procureure pour que tous les États concernés, parties au Statut de Rome ou pas, coopèrent avec la Cour à l’arrestation des individus visés par un mandat d’arrêt. La délégation a déploré l’escalade de la violence à et autour de Tripoli, ajoutant que les bombardements et frappes aériennes pourraient constituer une violation du droit international humanitaire. Il est impératif que toutes les parties cessent les combats, a-t-elle martelé, en les exhortant à s’engager en faveur d’un dialogue constructif. Une solution politique inclusive, telle qu’avancée lors de la Conférence de Berlin, offre la meilleure chance pour la stabilité et la prospérité que le peuple libyen mérite. Le Royaume-Uni a souligné que le soutien à la justice pénale internationale a toujours une place centrale dans sa politique étrangère. « Nous continuerons d’apporter notre plein appui à la Procureure et à son équipe pour leurs enquêtes en Libye. »
La France a pleinement appuyé la CPI qui doit être capable de travailler avec indépendance et impartialité dans le cadre du Statut de Rome. La Procureure et son équipe doivent pouvoir exercer leurs prérogatives sans obstruction ni obstacle, a ajouté la France. La justice pour les victimes d’atrocités de masse, a-t-elle insisté, est l’un des éléments clefs du règlement du conflit libyen. C’est pourquoi le Conseil de sécurité a renvoyé la situation libyenne à la Cour dès 2011. La France a déploré les fréquentes violations du droit international humanitaire et du droit des réfugiés, les attaques contre les personnes et infrastructures civiles, la traite des personnes ou bien encore la violence sexuelle. Un individu qui commet ou incite à de tels crimes doit être poursuivi, soit par la justice libyenne, soit par la CPI, a-t-elle souligné. À ce titre, la France a salué l’approche rigoureuse adoptée par le Bureau de la Procureure, sur la base des principes de coopération et de complémentarité avec les tribunaux nationaux.
Elle s’est dite vivement préoccupée par les difficultés rencontrées dans l’exécution des mandats d’arrêts contre trois fugitifs. La pleine coopération de tous les acteurs est nécessaire, d’abord et avant tout de la part des parties libyennes, a insisté la France, ajoutant qu’elle continuera de coopérer avec la CPI. Elle a ensuite affirmé que seules une solution politique et la restauration de l’état de droit permettront de mettre un terme à la crise libyenne. Plaidant pour une fin immédiate et durable des hostilités, elle a salué le fait que l’Armée nationale libyenne ait proposé une trêve pour le mois du Ramadan. Les parties, a ajouté la France, devraient rejoindre le projet d’accord de cessez-le-feu agréé au sein du Comité 5+5, le 23 février dernier. Dans un tel contexte, la nomination d’un nouveau représentant spécial est essentielle, a conclu la France.
L’Estonie s’est inquiétée des 45% d’augmentation du nombre de victimes civiles, compte tenu de l’escalade de la violence au premier trimestre de cette année. Elle a condamné les bombardements et frappes aériennes aveugles qui tuent et blessent des civils. Elle a aussi dénoncé les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les cas de torture et les exécutions extrajudiciaires. L’Estonie s’est également dite préoccupée par les informations selon lesquelles des crimes auraient été commis contre les migrants et les réfugiés. Elle a rappelé que les attaques contre les personnes et les infrastructures civiles peuvent constituer un crime de guerre en vertu du Statut de Rome. L’Estonie s’est ensuite impatientée devant la non-exécution des mandats d’arrêts délivrés par la CPI contre trois fugitifs accusés pourtant de crimes graves, au regard du droit international. L’exécution des mandats d’arrêts, a-t-elle martelé, est nécessaire pour que justice soit rendue aux victimes.
L’Estonie s’est félicitée de l’assistance fournie au Bureau du Procureur par les États, les organisations internationales et régionales, les organisations de la société civile, les autorités libyennes et la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). S’appuyant sur la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, elle a exhorté tous les États, parties ou non parties au Statut de Rome, à coopérer pleinement avec la CPI afin de mettre fin à l’impunité, de rendre justice aux victimes et de montrer le respect dû à l’état de droit.
La Libye a fait valoir que rendre la justice sur tout le territoire libyen est une responsabilité qui relève de la souveraineté libyenne et de la juridiction nationale. Le système judiciaire national a la capacité de poursuivre tous les accusés en vertu du Code pénal libyen, a assuré la délégation en ajoutant que le pouvoir judiciaire libyen est déterminé à garantir un procès équitable et impartial à toutes les personnes recherchées, y compris les fugitifs et les hors-la-loi. La justice libyenne surveille tous les abus et tous les crimes commis par le criminel de guerre Khalifa Haftar depuis l’attaque de Tripoli et de sa périphérie le 4 avril 2019 en plus des nombreuses violations qu’il a commises dans d’autres villes du pays, y compris mais sans s’y limiter, les enlèvements, les meurtres et les exécutions publiques. La délégation a cité, notamment, ceux commis à Benghazi, dans l'est, et le massacre de Mourzouk, dans le sud, ainsi que le massacre des élèves de l’école militaire à Tripoli « et beaucoup d’autres encore ».
La délégation a poursuivi en indiquant que le procureur militaire de la Libye a émis un mandat d’arrêt contre un certain nombre de criminels et de hors-la-loi, y compris le criminel de guerre Khalifa Haftar et d’autres dirigeants sous ses ordres. Le Gouvernement, a ajouté la délégation, finalise son troisième rapport sur les violations des droits de l’homme qui sera bientôt partagé avec la CPI et le Conseil de sécurité. Ces abus et violations des droits de l’homme ont été condamnés par le Secrétaire général et de nombreux autres pays, a insisté la Libye « au moment où le monde entier est confronté à l’anxiété et la panique consécutives à la pandémie de COVID-19 qui s’ajoutent à d’autres tragédies dans différents secteurs de la vie du pays ». Concernant la situation des immigrants illégaux, la Libye a pris de nombreuses mesures pour les protéger en accélérant leur transfert à partir des zones de conflits. Elle travaille avec les agences des Nations Unies pour surveiller leurs conditions de vie et sanitaires. Dans la foulée, la délégation a rappelé l’attaque commise par Khalifa Haftar et ses milices contre le centre de détention de Tajura, en juillet 2019, qui avait entraîné la mort de 53 migrants et en avait blessé 130.
« Quelle est la prochaine étape? » s’est interrogée la Libye. « Qu’allons-nous faire après toutes ces constatations et preuves que la Procureure a énumérées aujourd’hui et dans les précédents rapports? Qu’attend la CPI pour tenir responsables tous les auteurs de ces violations y compris par la soi-disant « armée nationale? » « Qui sont ces auteurs? »
La Libye a invoqué l’article 28 du Statut de Rome pour poser la question de la différence entre les actions rapides de la Procureure contre Mahmoud Al-Warfalli pour ses crimes, et « les graves crimes contre l’humanité et les violations des droits de l’homme de Haftar qui a ciblé et tué des milliers de personnes innocentes ». Bon nombre de ses hommes ont publiquement revendiqué ces crimes, a ajouté la délégation libyenne. Citant encore l’article 7 du Statut de Rome, la Libye a voulu des réponses concernant les pays et dirigeants étrangers qui appuient et financent ces violations graves. « N’est-ce pas une responsabilité commune? Qu’en est-il de l’utilisation de mercenaires de plusieurs nationalités pour commettre ces violations, qui sont cités par leurs noms dans les rapports du Comité des sanctions du Conseil de sécurité? Qu’en est-il des pays qui financent et fournissent des armes, contribuant à ces violations des droits de l’homme? »
Pour la Libye, La CPI n’est pas une organisation de défense des droits de l’homme chargée d’énumérer les abus et les crimes. La CPI ayant le mandat d’enquêter et de poursuivre, la Libye compte que la Cour travaille en coopération avec le Comité des sanctions du Conseil de sécurité et le Groupe d’experts afin que les preuves et les conclusions soient cohérentes et que les accusés soient clairement et explicitement identifiés pour leur faire porter à tous leurs responsabilités.
La délégation a aussi rappelé que « l’agresseur poursuit ses attaques malgré sa fausse annonce d’une trêve humanitaire », faisant valoir que, immédiatement après cette annonce, il a délibérément pris pour cible des civils dans le centre de Tripoli et dans d’autres régions, comme il l’a fait par exemple dans la région de Zenata, tuant et blessant des dizaines de personnes, tout en ignorant les efforts et les initiatives comme les conférences de Moscou et de Berlin. « En outre, il a annoncé, il y a une semaine, son coup d’État contre l’accord politique et contre toutes les institutions publiques légitimes, et s’est proclamé le dirigeant militaire suprême et le tyran du pays. »
Après ces événements, a questionné la Libye, des membres du Conseil hésitent-ils encore à le considérer comme l’obstructionniste et un saboteur du processus de paix et des résolutions du Conseil? « Quelqu’un hésite-t-il encore à dénoncer et à accuser cet agresseur et criminel de guerre? Quand sera-t-il tenu responsable? Jusqu’à présent, nous n’entendons que des mots de condamnation comme si l’auteur était un fantôme! »
« Après plus d’un an, il est évident que l’aventure militaire de ce seigneur de guerre s’est soldée par un échec », a conclu la Libye. « Le monde assiste au début du nettoyage et de la guérison du pays de la véritable pandémie qui menace la paix et la stabilité en Libye et dans la région, grâce à l’Armée nationale libyenne, et la résilience du peuple libyen. »