ECOSOC: 128 États Membres adhèrent à l’« appel à l’action » contre la COVID-19, officiellement lancé à la fin du segment humanitaire virtuel
« L’appel à l’action pour soutenir la réponse humanitaire dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 » vient réaffirmer le soutien moral, politique et financier des États Membres aux efforts humanitaires, a indiqué le Président du segment humanitaire 2020 du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Omar Hilale (Maroc), à la clôture des débats qui se sont tenus du 9 au 11 juin dans un format entièrement virtuel, au moment où la pandémie de la COVID-19, qui a déjà causé plus de 400 000 morts, touche plus de sept millions de personnes dans le monde.
Il faut tenir compte des besoins inhérents à la pandémie sans oublier les principaux facteurs de souffrance dans le monde, a souhaité le Secrétaire général à l’ouverture des travaux, citant à ce titre les inégalités persistantes, les changements climatiques et les conflits prolongés, avant de réitérer son appel à un cessez-le-feu mondial immédiat et d’exhorter les États Membres et les autres donateurs à financer d’urgence le Plan de réponse humanitaire global COVID-19 et à maintenir le financement des opérations humanitaires existantes.
Le thème du débat consacré aux affaires humanitaires cette année était le suivant: « Renforcer l’aide humanitaire dans le contexte du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies: favoriser les solutions centrées sur l’être humain, améliorer l’efficacité, respecter le droit international humanitaire et promouvoir les principes humanitaires ». En plus de trois tables rondes de haut niveau, le segment a compté huit événements parallèles. Il a été précédé de la réunion informelle annuelle de l’ECOSOC, le 8 juin, sur la transition de la phase de secours à celle de développement, avec notamment le cas du Sahel central.
Depuis 1998, le segment humanitaire est une plateforme essentielle pour discuter du renforcement de la coordination et de l’efficacité de l’assistance humanitaire des Nations Unies. Ce forum unique rassemble les États Membres des Nations Unies, les organismes des Nations Unies, les partenaires humanitaires et de développement, le secteur privé et les communautés touchées afin de débattre de la meilleure façon de faire face aux problèmes humanitaires les plus récents et urgents.
Face au défi majeur que représente la pandémie de la COVID-19, 128 États Membres ont fait part, à la clôture des travaux, de leur adhésion à l’appel à l’action lancé par le Président du segment qui est également Vice-Président de l’ECOSOC. Dans cet appel présenté par M. Hilale, les États Membres s’engagent à agir face à la pandémie de COVID-19, « dans l’urgence et avec détermination, afin de répondre aux besoins humanitaires et prévenir et atténuer les effets humanitaires dévastateurs de cette pandémie ». Ils entendent se réengager à cette fin à travers « la solidarité internationale, la coopération, l’unité et l’humanité ».
Cet appel demande un renforcement de la coopération et de la collaboration à tous les niveaux pour contenir, contrôler et atténuer la pandémie de COVID-19. Pour ce faire, des actions « concrètes et pratiques » sont envisagées et il est précisé que « le financement doit être rapide et flexible » pour permettre une réponse rapide et efficace. En même temps, ces financements ne doivent pas remplacer ou détourner des ressources de la réponse aux besoins humanitaires sans rapport avec la COVID-19. « Aucun de nous ne sera en sécurité tant que nous ne serons pas tous en sécurité », dit le texte.
L’appel invite en outre les États Membres à travailler en étroite collaboration avec l’ONU et à faciliter la fourniture d’aide humanitaire transfrontière, car, sans un tel accès, l’aide risque de ne pas parvenir à ceux qui en ont besoin. Il plaide aussi pour une réponse humanitaire sensible au genre et adaptée aux besoins spécifiques des personnes handicapées et des plus âgées. Le document exhorte également à tenir compte des appels pertinents du Secrétaire général relatifs à la COVID-19, y compris son appel à un cessez-le-feu mondial afin de se focaliser sur la riposte à la pandémie. Enfin, à l’approche du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, il est relevé que cette pandémie aura servi à démontrer que la coopération internationale et le rôle des Nations Unies sont plus importants que jamais.
Le Président du segment humanitaire a invité les États qui ne l’ont pas encore fait à se joindre à l’appel qu’il entend transmettre dans les jours à venir au Président de l’Assemblée générale et au Secrétaire générale de l’ONU.
Ouverture des travaux
« La pandémie de COVID-19 a le potentiel d’être catastrophique dans certains des endroits les plus pauvres et les plus fragiles du monde », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, à l’ouverture du segment humanitaire. « Depuis le début de l’épidémie, nous avons vu l’importance de la réponse humanitaire multilatérale qui n’a jamais été aussi vitale », a-t-il relevé. Notant que même avant la COVID-19, le monde faisait face à des niveaux de souffrance humanitaire sans précédent, il a souligné que le virus menace d’augmenter la faim et la pauvreté, et d’inverser des décennies de gains de développement.
En plaidant pour la solidarité avec ceux qui sont le moins en mesure de se protéger contre le virus, le Secrétaire général a exhorté les États Membres et les autres donateurs à financer d’urgence le Plan de réponse humanitaire global COVID-19 et à maintenir le financement des opérations humanitaires existantes. Il a appelé à agir maintenant pour sauver des vies et prévenir les souffrances futures. Il faut un financement rapide et flexible, et qui inclut un soutien aux organisations non gouvernementales locales, nationales et internationales. De même, le personnel humanitaire doit être désigné comme travailleur essentiel afin de pouvoir aider rapidement ceux qui en ont besoin. Le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit relatif aux droits de l’homme et le droit des réfugiés, doit constituer le fondement de notre réponse, a ajouté le Secrétaire général, arguant que lorsque les droits de l’homme sont au centre, nous obtenons de meilleurs résultats.
En outre, M. Guterres a estimé particulièrement important que l’action humanitaire réponde aux besoins et aux priorités spécifiques des femmes et des filles et permette leur leadership dans la riposte à la pandémie. « Nous devons également nous concentrer sur les besoins des enfants qui ont été durement touchés par les effets plus larges de la COVID-19, avec la fermeture des écoles, la suspension des programmes de vaccination et l’augmentation des problèmes de protection. » Dans le même temps, le Secrétaire général a demandé de ne pas ignorer les principaux facteurs de souffrance dans le monde, notamment les inégalités persistantes, les changements climatiques et les conflits prolongés. Il a aussi saisi cette occasion pour réitérer son appel à un cessez-le-feu mondial immédiat.
Dans son rapport sur le « Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies », (A/75/75–E/2020/48) qu’il prépare chaque année dans le cadre du segment humanitaire, le Secrétaire général note qu’en 2019, l’action humanitaire a fait face à une augmentation rapide de besoins humanitaires, dus en grande partie aux conflits, au mépris du droit international humanitaire et aux catastrophes, ces différents facteurs ayant été exacerbés par la crise climatique.
Fin 2019, 145,7 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire, soit environ 20 millions de plus que prévu initialement. Plus de 70 millions de personnes ont été déplacées de force par la guerre, la violence et les persécutions, dont quelque 45,7 millions de personnes à l’intérieur de leur pays. Les catastrophes naturelles ont fait 24,9 millions de déplacés. De nombreux pays ont connu à la fois une situation de conflit et des déplacements causés par des catastrophes, ce qui a aggravé la vulnérabilité des populations et eu des répercussions sur l’égalité des genres.
De même, l’insécurité alimentaire a continué d’augmenter. On compte 135 millions de personnes exposées à la faim aiguë dans le monde en raison des conflits, du climat et des mauvaises récoltes dues à une sécheresse chronique et un régime météorologique de plus en plus imprévisible. L’épidémie de coronavirus qui a éclaté durant les derniers jours de 2019 a eu de graves conséquences pour les personnes les plus vulnérables en 2020.
En ce qui concerne le financement, le rapport parle d’un record de 17,4 milliards de dollars en 2019, qui a permis aux organismes des Nations Unies et à leurs partenaires humanitaires d’aider plus de 61 millions de personnes, dans 22 pays. Toutefois, malgré la générosité des donateurs, il manquait plus de 12 milliards de dollars, soit 41% du financement nécessaire. Pour 2020, les organismes des Nations Unies et les organisations humanitaires ont chiffré à 28,8 milliards de dollars –un montant record- le financement nécessaire pour prêter assistance à 109 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire.
En effet, à l’heure actuelle, une personne sur 45 dans le monde est dans une situation de crise humanitaire. Il faut faire en sorte que cette personne ne soit pas laissée de côté dans la réalisation des objectifs de développement durable, souligne le rapport. Pour ce faire, il faut notamment appuyer le programme de prévention du Secrétaire général et la décennie d’action en faveur du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le rapport contient également un ensemble de recommandations pour l’amélioration de l’action humanitaire.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. MARK LOWCOCK, a décrit, dans son discours d’ouverture, l’incidence de la COVID-19 sur les besoins humanitaires et comment les opérations humanitaires évoluent pour s’y adapter. La pandémie de COVID-19, qui a maintenant atteint pratiquement tous les pays du monde, a bouleversé les systèmes de santé, paralysé les économies et les sociétés, a-t-il noté en prévenant que la pandémie risque de faire perdre des années de gains de développement durement gagnés.
Avant son déclenchement, le système humanitaire se préparait déjà à des niveaux sans précédent de besoins cette année, à cause de la prolongation des conflits, des effets des changements climatiques et de la combinaison d’un ralentissement économique mondial et d’une augmentation de l’endettement. « Même avant la pandémie, nous étions confrontés aux niveaux de déplacement les plus élevés depuis la Seconde Guerre mondiale, nous faisions face à de graves problèmes de protection -en particulier pour les femmes et les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées- et nous faisions face à une insécurité alimentaire en forte augmentation, aux flambées de maladies, et à la pire infestation de criquets observée de notre temps. »
La COVID-19 aggrave désormais ces menaces humanitaires, a déploré M. Lowcock avant d’ajouter que, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), les principales mesures du développement humain devraient diminuer cette année pour la première fois depuis 1990. Combiné aux taux de non-scolarisation et à la chute du revenu par habitant, cela pourrait signifier la plus grande marche-arrière dans le développement humain jamais enregistrée, a affirmé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires. Cela est confirmé par des prévisions de la Banque mondiale selon laquelle la pandémie pourrait faire tomber jusqu’à 60 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, tandis que le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoit qu’elle pourrait pousser 130 millions de personnes au bord de la famine - presque le double du chiffre de l’année dernière. Le spectre de la faim de masse et des famines multiples se profile.
Nous savons que les blocus et les quarantaines sont essentiels pour supprimer la COVID-19, a reconnu M. Lowcock avant de faire remarquer qu’ils peuvent piéger les femmes avec des partenaires violents. Ces dernières semaines, le nombre de signalements de cas de violence domestique a considérablement augmenté dans de nombreux pays du monde. Dans certains pays, le nombre de femmes appelant des services de soutien a doublé. De plus, les fermetures d’écoles ont laissé des millions d’enfants sans source fiable de nourriture et de protection.
Passant aux zones de conflit, M. Lowcock a déploré que les bombardements de villes et villages aient entravé l’accès des populations aux services de base, notamment l’eau courante ou les soins de santé, les laissant sans protection face au virus. Jusqu’à présent, plus de 115 gouvernements et organisations régionales, 200 groupes de la société civile et 16 groupes armés non étatiques ont publiquement approuvé l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu mondial immédiat, a témoigné M. Lowcock qui a déploré que même au milieu des flambées de COVID-19, les combats et les troubles continuent, mettant des millions de civils en danger.
Face à l’augmentation rapide des besoins humanitaires, la capacité des travailleurs humanitaires à y répondre est limitée, a-t-il aussi regretté en s’inquiétant des vols annulés, des frontières fermées, des mesures de quarantaine, des couvre-feux et des routes d’approvisionnement interrompues.
Malgré ces défis, le système humanitaire innove et s’adapte, a poursuivi M. Lowcock: « Nous trouvons des moyens de rester et de porter secours, malgré les contraintes d’accès. » Il a cité à cet égard le système mondial de ponts aériens mis en place par le PAM dans le cadre du plan de riposte humanitaire à la COVID-19. De leur côté, les organisations humanitaires changent leur façon de travailler sur le terrain pour assurer la sécurité de leurs personnels. Elles pratiquent par exemple la distanciation sociale et, dans la mesure du possible, utilisent davantage l’argent liquide au lieu de l’aide en nature. Les approches anticipatives basées sur les prévisions et l’analyse des données constituent un élément clef des plans de réponse innovants.
Les innovations technologiques sont aussi au cœur des réponses des humanitaires. L’analyse des données, la cartographie géospatiale et l’analyse épidémiologique aident par exemple à évaluer les besoins, à identifier les zones à haut risque, à suivre les cas et à localiser les contacts. L’application WhatsApp, les médias sociaux et les drones sont utilisés pour diffuser des messages de sécurité et sensibiliser les populations. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) utilise des « chatbots » pour lutter contre la désinformation. La chaîne de blocs aide à fournir de l’aide via une identification numérique sans contact. De même, les organisations d’aide nationales et locales se sont mobilisées pour protéger les personnes et les communautés notamment en produisant des équipements de protection, en fournissant une aide en espèces et en sensibilisant les populations.
Le coût de la protection des 10% les plus vulnérables de la population des pays les plus pauvres du monde est d’environ 90 milliards de dollars, a affirmé M. Lowcock qui a rappelé que ce montant équivaut à seulement 1% du plan de relance mondial que les pays les plus riches du monde ont mis en place pour sauver l’économie mondiale. La majeure partie de cet argent pourrait provenir d’institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), a-t-il noté en suggérant que ces institutions changent leurs conditions pour l’argent destiné aux plus vulnérables, en réduisant les taux d’intérêt et en acceptant un allégement de la dette à grande échelle par exemple. Il a également appelé à des investissements, notamment pour soutenir l’élargissement des systèmes de santé et de protection sociale, car la plupart des personnes dans le monde ne sont pas couvertes par une assurance ou l’assistance sociale.
Ce qui ne peut pas être fait par le biais des institutions internationales doit l’être par une aide humanitaire accrue, a encore préconisé M. Lowcock en plaidant pour ceux dont la survie en dépend. Il a rappelé que le Plan de réponse humanitaire global COVID-19 est le principal instrument de collecte de fonds de la communauté internationale pour répondre aux conséquences humanitaires du virus dans les pays les moins avancés et ceux à revenu intermédiaire. En plus de l’OMS et d’autres agences humanitaires des Nations Unies, les ONG et les consortiums d’ONG ont contribué à façonner le Plan. Ils sont des partenaires clefs dans sa réalisation et peuvent accéder à des financements par son intermédiaire, a-t-il rappelé. Le Plan nécessite 6,7 milliards de dollars pour couvrir la période allant jusqu’en décembre et, jusqu’à présent, 1,2 milliard de dollars seulement ont pu être mobilisés, soit 17,4% du total attendu.
Entre-temps, nous devons faire tout notre possible pour nous assurer de soutenir et de financer pleinement les opérations humanitaires existantes, a plaidé le Coordonnateur des secours d’urgence qui a insisté sur le fait que détourner des ressources dédiées à des causes humanitaires pour financer la riposte à la COVID-19 serait contre-productif et causerait des morts plus nombreuses et plus rapides. Il a donc invité les donateurs à continuer de fournir un financement flexible qui permette une prise de décision rapide et agile dans la mesure du possible. Selon M. Lowcock, cette pandémie ne ressemble à rien de ce qui existait avant, ce qui justifie des mesures extraordinaires dans le cadre d’une riposte proportionnée à l’ampleur du problème. « Nous gagnerons cette bataille ensemble, ou pas du tout. »
La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), Mme HENRIETTA FORE, a pour sa part présenté l’impact de la pandémie sur les enfants. Elle a affirmé qu’en quelques mois à peine, la COVID-19 et les efforts déployés pour contenir sa propagation ont mis à nu les inégalités, vulnérabilités et faiblesses existantes dans les systèmes nationaux, à cause de décennies de sous-investissement dans les systèmes nécessaires pour assurer l’avenir des enfants. Si le paysage a changé avec la pandémie, les besoins des enfants n’ont pas changé, a-t-elle relevé: ils ont encore besoin de vaccinations, besoin d’un siège dans une salle de classe, ou encore besoin d’eau, d’assainissement, d’hygiène et de nutrition. Ils doivent toujours être remis en liberté, protégés de la violence et protégés de la COVID-19.
La pandémie a considérablement restreint la capacité de l’UNICEF à répondre à ces besoins, a regretté Mme Fore qui a déploré une nouvelle épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC). Elle a ajouté que 60 pays ont suspendu leurs campagnes de vaccination parce qu’ils concentrent leurs efforts sur la lutte contre la COVID-19. En conséquence, on assiste déjà à de nouvelles flambées de rougeole et de choléra, et la situation risque de s’aggraver du fait de la riposte à la COVID-19. Au Nigéria, le nombre d’enfants qui meurent chaque jour de causes évitables pourrait augmenter de 950 au cours des six prochains mois, car les services de routine comme les vaccinations ont été interrompus. Au Yémen, les contraintes d’accès font que les enfants manquent de vaccins pour prévenir des maladies comme le choléra et la rougeole. Au Bangladesh, on note depuis janvier une baisse spectaculaire de l’accès des enfants aux vaccinations, aux soins prénataux et au traitement de la malnutrition.
Dans le même temps, la violence contre les femmes et les enfants a considérablement augmenté. Au Liban, par exemple, le nombre d’appels sur un numéro vert dédié à la violence domestique a augmenté de 110% au mois de mars, en comparaison avec la même période l’an dernier. Certains pays signalent que les abris contre la violence domestique ont atteint leur capacité maximale, tandis que d’autres ont été adaptés et dédiés désormais à des soins médicaux.
Mme Fore a aussi évoqué les menaces que subit dans certains cas le personnel de l’UNICEF. En République centrafricaine, par exemple, on a recensé des dizaines de cas de menaces et de violences liées à la COVID-19 contre le personnel humanitaire, une situation aggravée par de fausses informations dans les médias au sujet d’étrangers propageant le virus. Des rapports font état de violences à l’encontre de professionnels de la santé qui ont répondu à la COVID-19 dans tous les pays, en majorité des femmes. Dans certains cas, ce sont les forces de sécurité qui ont recours à la violence pour imposer le confinement. La Directrice exécutive de l’UNICEF a déploré que l’imbrication de tous ces problèmes empêchent de servir les enfants les plus vulnérables du monde.
Elle a également plaidé pour le renforcement des systèmes de santé. Non seulement pour faire face à la COVID-19 et aux pandémies futures, mais aussi pour assurer la prestation continue de services de soins de santé primaire essentiels comme les vaccinations. Elle a aussi recommandé de renforcer le soutien onusien aux groupes locaux et aux bénévoles. Mme Fore a ensuite appelé à une collaboration accrue avec les donateurs pour réfléchir à la qualité du financement. « Nous avons besoin de souplesse pour agir rapidement et efficacement là où les besoins sont les plus grands », a-t-elle plaidé, regrettant que trop souvent, les conditions imposées par les donateurs limitent les chances de fournir une assistance impartiale.
La cérémonie d’ouverture a également permis au Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Qu Dongyu, à la Présidente d’Oxfam, Mme Abby Maxman, et au Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. Peter Maurer, de présenter leurs vues et leurs recommandations sur la question.
« Faire face à la complexité croissante des problèmes de santé dans les contextes humanitaires »
Lors de cette première table ronde virtuelle, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a relevé que sur les sept millions de cas de COVID-19 recensés à travers le monde au 8 juin, on en compte 1,3 million en Amérique latine et dans les Caraïbes et plus de 190 000 en Afrique, y compris dans des pays où les populations font face aux conflits et aux déplacements, tels que le Burkina Faso, le Soudan, le Mali, la République centrafricaine, le Cameroun, le Niger ainsi que la RDC qui lutte toujours contre Ebola. Les cas augmentent rapidement ailleurs, notamment en Afghanistan, en Colombie, au Nigéria, au Pakistan, aux Philippines et en Ukraine. Au Yémen, les gens meurent seuls chez eux ou dans des abris, car le système de santé est paralysé.
Les endroits les plus fragiles de la planète devraient connaître le pic de la maladie au cours des trois à six prochains mois, a évalué M. Lowcock en expliquant que les habitants de ces pays souffriront non seulement des effets directs du virus, mais aussi des perturbations des services de santé vitaux. L’UNICEF prévient que la pandémie pourrait cette année conduire au décès quotidien de 6 000 enfants supplémentaires pour des causes évitables. Le Coordonnateur des secours d’urgence a prédit l’augmentation des cas de rougeole, de choléra et d’autres maladies, du fait de la suspension des vaccinations, de la perturbation des chaînes d’approvisionnement médical et de la pression qui pèse sur les systèmes de santé. Les femmes et les enfants étant particulièrement vulnérables, on pourrait voir inverser des années de réduction des taux de mortalité infantile à cause de la COVID-19.
Les agences humanitaires font tout leur possible pour suivre les opérations en cours et pour les adapter à la nouvelle réalité, a assuré M. Lowcock en citant quelques exemples. En Afghanistan, au Bangladesh, à Djibouti et au Soudan, les partenaires fournissent des rations alimentaires plus importantes à des intervalles moins fréquents et prépositionnent des fournitures plus près des camps. Au Niger, les partenaires collaborent pour fournir une assistance sur tous les fronts à la fois -santé, alimentation, nutrition et protection- afin de réduire les risques de contamination. En Ukraine, l’aide est fournie de porte à porte dans la mesure du possible, y compris la livraison de médicaments sur ordonnance. Et partout dans le monde, les agences d’aide utilisent de plus en plus l’aide en espèces à défaut de fournitures, afin de limiter les contacts humains.
Après cette présentation de M. Lowcock, la table ronde a donné la parole à la Ministre néerlandaise du commerce extérieur et de la coopération au développement, Mme Sigrid Kaag; au Sous-Directeur des réponses d’urgence à l’OMS, le docteur Ibrahima Socé-Fall; au Directeur exécutif adjoint du PAM, M. Amir Abdulla; au Secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, M. Jagan Chapagain; au Président international de Médecins sans frontières, le docteur Christos Christou; au docteur Raji Tajudeen, du Centre africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC-Afrique); et à la Directrice du Réseau sud-soudanais des femmes handicapées, Mme Atim Caroline Ogwang.
L’ECOSOC a aussi tenu un événement parallèle de haut niveau placé sous le thème « Combattre et prévenir la violence sexuelle et sexiste dans les crises humanitaires ». Cet événement a eu lieu alors que sont commémorés le vingt-cinquième anniversaire du Programme d’action de Beijing et le vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.
« Améliorer l’efficacité de l’action humanitaire grâce aux nouvelles technologies et à l’innovation: possibilités et défis »
Dans son mot d’ouverture à cette deuxième table ronde de haut niveau, le Sous-Secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires et Coordonnateur adjoint des secours d’urgence, M. RAMESH RAJASINGHAM, a souligné que l’une des expressions qui, au cours des derniers mois, a le plus envahi le discours public -dans tous les pays, dans toutes les langues et dans tous les groupes d’âge- est l’appel à « aplanir la courbe ». Il est encourageant, selon lui, de voir que le langage de la prise de décisions basée sur les données dans la plupart des pays anime désormais les conversations publiques sur la manière dont le monde doit répondre à cet énorme défi de la COVID-19.
M. Rajasingham a salué les évolutions technologiques et l’innovation qui font qu’aujourd’hui, les humanitaires utilisent l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et l’analyse prédictive pour analyser et prendre des décisions plus rapidement et plus efficacement sur la manière de réagir à une crise. Il a ensuite évoqué certaines des innovations que le secteur humanitaire utilise à travers le monde, comme la biométrie et la fourniture d’identités numériques aux personnes ayant besoin d’aide; la technologie de la chaîne de blocs pour le suivi de la chaîne d’approvisionnement et pour l’envoi d’argent liquide; les drones utilisés pour l’évaluation des catastrophes et l’acheminement de l’aide; l’impression 3D qui peut considérablement réduire les délais et les coûts de livraison; et des « chatbots » pour les communications avec les communautés affectées.
« Ce sont toutes des innovations prometteuses à fort potentiel. » M. Rajasingham a néanmoins averti qu’il faudrait dûment tenir compte de l’exigence de protection des données ainsi que de la restriction des libertés personnelles pouvant découler de l’utilisation abusive des données. Il a aussi prévenu du risque d’« infodémie »: la propagation de la désinformation et l’utilisation de la technologie pour stigmatiser les gens ou provoquer des tensions.
Ont également participé à cette table ronde le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la commémoration du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, M. Fabrizio Hochschild; la Directrice exécutive adjointe du PAM, Mme Valerie Guarnieri; le Directeur de la transformation numérique et des données au CICR, M. Balthasar Staehelin; la Directrice exécutive du Centre d’assistance humanitaire de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, Mme Adelina Kamal; le Président de WeRobotics, M. Patrick Meier; le Président, fondateur et éditeur en chef de Devex, M. Raj Kumar; et la Responsable du fonds pour l’innovation à l’UNICEF, Mme Sunita Grote.
« Mobiliser des moyens d’action pour améliorer l’aide humanitaire fournie aux personnes déplacées et trouver des solutions durables »
« Avec 50 millions de déplacés à travers le monde, ces derniers auraient pu former un pays de la taille de l’Espagne, de la Corée du Sud ou du Kenya », a déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence en guise d’introduction à la troisième et dernière table ronde de haut niveau du segment humanitaire de l’ECOSOC.
Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux sont déplacés du fait d’un conflit, ce qui entraîne des problèmes supplémentaires de stress, d’incertitude, de traumatisme et de perte, a noté M. Lowcock. La COVID-19 affectant désormais tous les coins de la planète, les déplacés vont être exposés aux risques de manière disproportionnée et ils sont encore plus vulnérables que quiconque aux pertes d’emplois et aux pénuries alimentaires.
Alors que de nouveaux problèmes de déplacement surviennent, les anciens ne sont pas résolus et, par conséquent, leur nombre ne cesse d’augmenter, a regretté M. Lowcock en exprimant son inquiétude d’abord pour les personnes déplacées. « Chaque fois que vous rencontrez des personnes déplacées et que vous leur parlez, le message principal qu’elles font passer est leur fort désir d’avoir une chance de reprendre leur vie, de regagner leur dignité et leur autosuffisance. »
C’est également intenable pour les pays touchés, a-t-il ajouté, notant que cette importante communauté de personnes déplacées constitue un obstacle majeur à la réalisation des objectifs de développement durable. Et bien sûr, c’est intenable pour un système humanitaire déjà surchargé et sous-financé.
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, il a rappelé que ces déplacés vivent souvent dans des camps ou des sites surpeuplés, dans des pays ayant des systèmes de santé très insuffisants. Très souvent ils n’ont pratiquement pas accès aux services de base, dont l’assainissement. De même, les organisations humanitaires qui essayent de les aider sont débordées.
Pour le Coordonnateur des secours d’urgence, nous devons donc faire les choses différemment. Il s’est dit encouragé par le nombre croissant d’États touchés par les déplacements qui tiennent leurs promesses de faire face au problème, afin de ne laisser personne de côté. Il s’est aussi félicité des solutions créatives et innovantes adoptées par certains gouvernements, par des autorités locales ou encore par des agences des Nations Unies. Il a aussi évoqué la récente mise sur pied, par le Secrétaire général de l’ONU, d’un groupe de haut niveau sur les déplacements internes, lequel a été chargé de générer de nouvelles idées et approches pour trouver des solutions au problème du déplacement prolongé.
À ce propos, la Coprésidente du Groupe de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies sur les déplacements internes, Mme Federica Mogherini, a pris la parole. Elle a été suivie par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet; le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi; le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations, M. António Vitorino; la Secrétaire générale de la Société de la Croix-Rouge du Kenya, le docteur Asha Mohammed; le Coprésident du Groupe d’Amis sur les déplacements internes et Représentant permanent de l’Afghanistan auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Nasir Ahmad Andisha; et enfin, la Chargée de l’égalité des sexes de l’Unité de coordination des associations de personnes handicapées, Mme Veronica Ngum Ndi.
Clôture du segment humanitaire et recommandations
Au cours de la séance de clôture, le Sous-Secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires et Coordonnateur adjoint des secours d’urgence a dit avoir retenu deux messages majeurs des discussions.
Le premier est que la COVID-19 exacerbe les problèmes humanitaires préexistants et que, dans certaines situations, elle inverse des décennies de progrès en matière de développement. Il a aussi expliqué que les femmes et les filles connaissent deux pandémies: celle de la COVID-19 en même temps qu’une pandémie de la violence sexiste pendant le confinement. L’insécurité alimentaire augmente également, alors que l’accès des enfants à la vaccination et à l’éducation est compromis. Il en est de même de l’accès humanitaire qui se détériore du fait des mesures de confinement et parce que les agents humanitaires et de santé sont vulnérables aux attaques.
Le second message majeur retenu par M. Rajasingham est que la pandémie de COVID-19 a également révélé et amplifié les inégalités existantes. En effet, les plus vulnérables sont affectés de manière disproportionnée. L’inégalité entre les sexes en particulier a été mise en évidence, tandis que les plus vulnérables payent le prix fort, en particulier les personnes déplacées.
Le Sous-Secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires a, par ailleurs, présenté quelques recommandations issues des travaux qui visent à améliorer la riposte mondiale.
Premièrement, « l’accès » est crucial pour une réponse efficace. De ce fait, les États devraient faciliter la fourniture de l’aide humanitaire et lever toutes les restrictions concernant le personnel et les fournitures humanitaires. Deuxièmement, il est impératif de garantir le respect du droit international, dont le droit humanitaire, les droits de l’homme et le droit des réfugiés.
La troisième recommandation est que l’engagement communautaire et le caractère local de la réponse doivent être renforcés. Il est donc question d’impliquer les acteurs locaux, en particulier les organisations locales dirigées par des femmes, dans la réponse qui doit être flexible et s’adapter en permanence pour répondre aux besoins locaux. La quatrième recommandation concerne la violence sexiste: il faut investir en priorité dans l’atténuation, la riposte et la prévention de cette violence.
Cinquièmement, la santé mentale et le soutien psychosocial devraient faire partie intégrante de la riposte humanitaire. Il est important de continuer à investir dans le renforcement des services de santé, suggère la sixième recommandation. Septièmement, nous devons faire davantage pour répondre aux besoins des personnes déplacées. Ensuite, selon la huitième recommandation, il est clair que les actions préventives ont sauvé des vies dans cette crise, et elles peuvent encore en sauver davantage.
Pour la neuvième recommandation, M. Rajasingham a souligné l’importance de l’action humanitaire collective qui n’a jamais été aussi évidente. La dixième recommandation stipule que tous les autres besoins humanitaires restent au moins aussi urgents qu’avant la COVID-19, et qu’il ne faut pas les négliger.
Enfin, et en conclusion, le point le plus important à retenir de ce segment des affaires humanitaires, selon le Sous-Secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires, est de reconnaître que des défis nous attendent, mais que nous devons saisir l’occasion, en travaillant avec les États Membres, les personnes affectées et tous nos partenaires, pour sauver des vies et prévenir les souffrances. Il a donc invité les acteurs humanitaires à agir d’urgence et différemment.
Par ailleurs, le Vice-Président de l’ECOSOC et Président du segment humanitaire a indiqué que contrairement aux précédentes éditions, le débat de cette année n’adoptera pas de résolution annuelle sur le « renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies ». De ce fait, le projet de résolution E/2020/L.13 sera examiné quand l’ECOSOC tiendra de nouveau des réunions physiques, à moins que l’ECOSOC n’adopte une procédure de vote virtuel.
La Section des communiqués de presse a effectué ce résumé des travaux du segment des affaires humanitaires de l’ECOSOC à partir des documents envoyés par le Secrétariat de l’ECOSOC et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).