En cours au Siège de l'ONU

8750e séance – matin
CS/14263

République centrafricaine: le Conseil de sécurité renouvelle d’un an l’embargo sur les armes et crée une nouvelle dérogation pour les lance-roquettes

Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin à l’unanimité, de proroger d’un an l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine (RCA), tout en créant une nouvelle dérogation pour les lance-roquettes.

L’adoption de la résolution 2536 (2020) s’est faite à main levée dans la salle du Conseil économique et social (ECOSOC), plus grande que celle du Conseil de sécurité, pour respecter la distanciation sociale imposée par la pandémie de COVID-19.  Le Conseil prévoit d’alterner réunions en personne et visioconférences.

En adoptant ce texte, le Conseil de sécurité décide que, jusqu’au 31 juillet 2021, tous les États Membres devront continuer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects d’armements à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux.

Dans ses neuf dérogations, le Conseil parle pour la première fois de livraisons de lance-roquettes et de munitions spécialement conçues pour ces armes.  Ce nouvel assouplissement de l’embargo sur les armes vise à répondre aux besoins spécifiques des forces de sécurité centrafricaines, a expliqué la France, porte-parole de la résolution qui a rappelé que le Conseil a déjà procédé à trois assouplissements depuis le début de l’embargo.  Mais au nom de l’Estonie, la Belgique et l’Allemagne, les États-Unis ont dit craindre que, sans une bonne gestion des stocks d’armes et de munitions, ce nouvel assouplissement risque de favoriser la prolifération des lance-roquettes et donc leur contrebande.  Le Royaume-Uni a dit partager ces craintes alors que la République dominicaine a exhorté la République centrafricaine à remplir les critères fixés par le Conseil pour éviter que les armes ne tombent dans les mains des groupes armés.

La Fédération de Russie n’a pas dit autre chose, voyant dans la réalisation de ces critères, une chance pour la République centrafricaine d’obtenir « d’ici un an », ce qu’elle réclame: la levée des sanctions.  Si l’embargo sur les armes a joué un rôle positif au début du conflit, il sape à présent les capacités des forces de sécurité centrafricaines alors que pendant ce temps-là les fauteurs de trouble continuent de s’armer grâce à la contrebande, a argué la Fédération de Russie.  Les sanctions ne sont pas un objectif en soi.  Elles sont là, a souligné le Niger, pour appuyer les progrès vers la paix et la concrétisation des aspirations des autorités nationales.  Le souci de ces aspirations a été mis en avant par la Chine.  Dans la résolution qu’elle a adoptée aujourd’hui, le Conseil a dûment prorogé jusqu’au 31 août 2021 le mandat du Groupe d’experts chargé de suivre le respect des sanctions.

Texte du projet de résolution (S/2020/738)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures, les déclarations de sa présidence et les déclarations à la presse sur la situation en République centrafricaine,

Se félicitant des efforts faits par les autorités centrafricaines, en coordination avec leurs partenaires internationaux, pour faire avancer la réforme du secteur de la sécurité, notamment le déploiement en cours des forces de défense et de sécurité centrafricaines et les encourageant à mettre en œuvre leur plan national de défense, le concept d’emploi des forces et la politique nationale de sécurité, et sachant que les autorités centrafricaines ont besoin de former et d’équiper de toute urgence leurs forces de défense et de sécurité pour être en mesure d’apporter une réponse proportionnée aux menaces contre la sécurité de l’ensemble des citoyens de la République centrafricaine,

Se félicitant également de l’engagement dont font preuve les autorités centrafricaines et leurs partenaires internationaux et des progrès qu’ils ont accomplis vers la réalisation des objectifs de référence aux fins du réexamen des mesures d’embargo sur les armes, notamment de leur suspension ou de leur levée progressive, définis dans la déclaration de son président en date du 9 avril 2019 (S/PRST/2019/3) (« les principaux objectifs de référence ») et prenant note de la lettre que les autorités centrafricaines ont adressée à son président (S/2020/57),

Soulignant qu’il importe que les autorités centrafricaines accomplissent les objectifs de référence afin de faire avancer la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement et les réformes nécessaires de la gestion des armes et des munitions, et encourageant les autorités centrafricaines à poursuivre leurs efforts et à continuer de progresser à cet égard,

Rappelant que les livraisons d’armes, de munitions et de matériel militaire et la fourniture d’une assistance technique ou d’une formation à l’intention des forces de sécurité centrafricaines et exclusivement destinées à soutenir le processus de réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine ou à être utilisées dans le cadre de celui-ci, de la part des États Membres et des organisations internationales, régionales et sous-régionales devront être affectées uniquement à l’usage indiqué dans les notifications et les demandes de dérogation pertinentes, et soulignant leur contribution au renforcement des institutions du secteur de la sécurité centrafricaines, à la réponse aux besoins spécifiques des forces de défense et de sécurité centrafricaines et à l’appui à l’extension progressive de l’autorité de l’État,

Insistant sur la nécessité pour les autorités centrafricaines de veiller à la protection physique, au contrôle, à la gestion, à la traçabilité et à la redevabilité des armes, des munitions et du matériel militaire qui leur ont été transférés,

Se félicitant du rapport du Secrétaire général du 16 juin 2020 (S/2020/545) présenté en application de la résolution 2499 (2019),

Prenant note de la lettre du Secrétaire général datée du 30 juin 2020 adressée au Président du Conseil de sécurité (S/2020/622) conformément au paragraphe 13 de la résolution 2507 (2020) et du rapport des autorités centrafricaines adressé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine (« le Comité ») conformément au paragraphe 12 de la résolution 2507 (2020),

Prenant note également du rapport final (S/2020/662) du Groupe d’experts sur la République centrafricaine créé en application de la résolution 2127 (2013), dont le mandat a été élargi par la résolution 2134 (2014) et prorogé en application de la résolution 2507 (2020) du Conseil de sécurité (« le Groupe d’experts »), et prenant note également des recommandations du Groupe d’experts,

Constatant que la situation en République centrafricaine continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Décide que, jusqu’au 31 juillet 2021, tous les États Membres devront continuer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux, d’armements et de matériel connexe de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que de toute assistance technique ou formation et de toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et matériel connexe, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire, et décide également que ces mesures ne s’appliquent pas :

a)    aux fournitures destinées exclusivement à l’appui de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et aux missions de formation de l’Union européenne déployées en République centrafricaine, aux forces françaises dans les conditions prévues au paragraphe 52 de la résolution 2499 (2019), et aux forces d’autres États Membres qui assurent une formation ou prêtent assistance sur notification préalable conformément à l’alinéa b) du paragraphe 1 ci-après, ou à leur utilisation par ces missions et forces ;

b)    aux livraisons de matériel non létal et à la fourniture d’une assistance, y compris les activités de formation opérationnelle et non opérationnelle dispensée aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, exclusivement destinés à soutenir le processus de réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine, ou à être utilisés dans le cadre de celui-ci, en coordination avec la MINUSCA, et sur notification préalable au Comité, et demande à la MINUSCA de lui faire rapport sur la contribution de cette dérogation au processus de réforme du secteur de la sécurité, dans le cadre des rapports périodiques qu’elle lui soumet ;

c)    aux fournitures apportées en République centrafricaine par les forces soudanaises ou tchadiennes pour leur usage exclusif dans le cadre des patrouilles internationales de la force tripartite créée le 23 mai 2011 à Khartoum par la République centrafricaine, le Soudan et le Tchad, pour renforcer la sécurité dans leurs zones frontalières communes, en coopération avec la MINUSCA, telles qu’approuvées préalablement par le Comité ;

d)    aux livraisons de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection et à l’assistance technique ou à la formation connexes, sur notification préalable au Comité;

e)    aux vêtements de protection, dont les gilets pare-balles et les casques militaires, temporairement exportés en République centrafricaine, pour leur usage personnel uniquement, par le personnel des Nations Unies, les représentants des médias et les agents humanitaires et d’aide au développement et le personnel connexe;

f)    aux livraisons d’armes légères et autre matériel connexe destinés exclusivement à être utilisés dans le cadre des patrouilles internationales qui assurent la sécurité dans l’aire protégée du Trinational de la Sangha et par les gardes forestiers armés du Projet Chinko et du Parc national de Bamingui-Bangoran afin de lutter contre le braconnage, la contrebande d’ivoire et d’armes, et d’autres activités contraires au droit interne de la République centrafricaine ou aux obligations que lui impose le droit international, dont le Comité aura préalablement reçu notification;

g)    aux livraisons d’armes de calibre égal ou inférieur à 14,5 mm et de munitions et composants spécialement conçus pour ces armes, de véhicules militaires terrestres non armés et de véhicules militaires terrestres montés d’armes de calibre égal ou inférieur à 14,5 mm et leurs pièces détachées, et de lance-roquette de type RPG et de munitions spécialement conçues pour ces armes, et à la fourniture d’une assistance connexe, destinés aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, dont le Comité aura préalablement reçu notification;

h)    aux livraisons d’armes et autre matériel létal connexe qui ne sont pas énumérés à l’alinéa g) du paragraphe 1 de la présente résolution, et à la fourniture d’une assistance connexe, destinés aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, sous réserve de l’approbation préalable du Comité;

i)    aux autres ventes ou livraisons d’armes et de matériel connexe, ou à la fourniture d’une assistance ou de personnel, sous réserve de l’approbation préalable du Comité;

2.    Décide qu’il incombe au premier chef à l’État Membre fournisseur de donner notification au Comité et que cette notification doit avoir lieu au moins 20 jours avant la livraison de tout matériel autorisé en application des alinéas d), f) et g) du paragraphe 1 de la présente résolution, et déclare qu’il incombe au premier chef à l’organisation internationale, régionale ou sous-régionale fournisseuse de donner notification au Comité et que cette notification doit être donnée au moins 20 jours avant la livraison de tout matériel autorisé en application des alinéas d), f) et g) du paragraphe 1 de la présente résolution;

3.    Décide de reconduire jusqu’au 31 juillet 2021 les mesures et les dispositions énoncées aux paragraphes 4 et 5 de la résolution 2488 (2019) et au paragraphe 2 de la résolution 2399 (2018) et rappelle les paragraphes 8 et 9 de la résolution 2488 (2019);

4.    Décide de reconduire jusqu’au 31 juillet 2021 les mesures et les dispositions énoncées aux paragraphes 9, 14 et 16 à 19 de la résolution 2399 (2018) et prorogées par le paragraphe 4 de la résolution 2507 (2020) et rappelle les paragraphes 10 à 13 et 15 de la résolution 2399 (2018);

5.    Réaffirme que les mesures énoncées aux paragraphes 9 et 16 de la résolution 2399 (2018) s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité, conformément aux dispositions des paragraphes 20 à 22 de la résolution 2399 (2018), prorogées par le paragraphe 5 de la résolution 2507 (2020);

6.    Décide de proroger jusqu’au 31 août 2021 le mandat du Groupe d’experts, tel qu’il l’a énoncé aux paragraphes 30 à 39 de la résolution 2399 (2018) et reconduit au paragraphe 6 de la résolution 2507 (2020), exprime son intention de réexaminer le mandat et de faire le nécessaire concernant sa nouvelle reconduction le 31 juillet 2021 au plus tard, et prie le Secrétaire général de prendre dès que possible les dispositions administratives voulues pour reconduire le Groupe d’experts, en consultation avec le Comité, en faisant au besoin appel aux compétences des membres actuels du Groupe d’experts;

7.    Prie le Groupe d’experts de lui remettre d’ici au 31 janvier 2021, après concertation avec le Comité, un rapport à mi-parcours, et un rapport final d’ici au 30 juin 2021, et de lui adresser au besoin des rapports d’étape ;

8.    Se déclare particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles des réseaux transnationaux de trafiquants continuent de financer et d’approvisionner les groupes armés en République centrafricaine, et demande au Groupe d’experts de prêter une attention particulière à l’analyse de ces réseaux dans le cadre de l’exécution de son mandat, en coopération, selon que de besoin, avec les autres groupes d’experts qu’il a créés;

9.    Exhorte toutes les parties et tous les États Membres, ainsi que les organisations internationales, régionales et sous-régionales, à coopérer avec le Groupe d’experts et à assurer la sécurité de ses membres;

10.   Exhorte également tous les États Membres et tous les organismes compétents des Nations Unies à permettre au Groupe d’experts de consulter toutes personnes et d’accéder à tous documents et sites, afin qu’il puisse s’acquitter de son mandat, et rappelle qu’il est utile que la MINUSCA et le Groupe d’experts mettent en commun les informations dont ils disposent ;

11.   Réaffirme les dispositions relatives au Comité et les dispositions concernant la présentation de rapports et la révision des mesures prises énoncées dans la résolution 2399 (2018) et prorogées par la résolution 2507 (2020) ;

12.   Prie les autorités centrafricaines de faire rapport au Comité, d’ici au 15 juin 2021, sur les progrès accomplis dans la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement, et la gestion des armes et des munitions;

13.   Prie le Secrétaire général, en étroite consultation avec la MINUSCA, y compris le Service de la lutte antimines, et le Groupe d’experts, de procéder, au plus tard le 15 juin 2021, à une évaluation des progrès accomplis par les autorités centrafricaines quant aux principaux objectifs de référence ;

14.   Affirme qu’il continuera de suivre l’évolution de la situation en République centrafricaine et se tiendra prêt à réexaminer l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, à tout moment selon les besoins, à la lumière de l’évolution de la situation en matière de sécurité dans le pays, des progrès réalisés quant au processus de réforme du secteur de la sécurité, au processus de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement et à la gestion des armes et des munitions, en particulier la gestion et le traçage d’armes et d’autre matériel connexe ayant fait l’objet de notifications et de dérogations, notamment en ce qui concerne le rapport et l’évaluation demandés aux paragraphes 12 et 13 de la présente résolution, et du respect de la présente résolution;

15.   Décide de rester activement saisi de la question.

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