Le Conseil de sécurité appelle à renforcer l’appui accordé à l’Afrique dans la lutte antiterroriste
Le Conseil de sécurité a exprimé, aujourd’hui, sa vive inquiétude face aux répercussions néfastes que les actes de terrorisme ont sur la paix et la sécurité en Afrique, en adoptant à l’unanimité une déclaration présidentielle par laquelle il prône un appui renforcé aux États africains dans la lutte contre le terrorisme et contre l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme.
Par ce texte, le Conseil appelle notamment à mener des activités de renforcement des capacités et à échanger de meilleures pratiques, s’agissant en particulier de la coopération interinstitutions entre et parmi les États Membres en Afrique. Il mentionne aussi l’élaboration et une meilleure exécution de stratégies et de plans d’action nationaux et régionaux axés sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme.
En outre, le Conseil préconise de détecter les actes de terrorisme et autres infractions graves grâce à l’utilisation d’informations sur les déplacements et de bases de données internationales, à l’échange de bonnes pratiques sur la sécurité et la gestion des frontières, à la promotion du rôle des parlementaires dans l’exécution des obligations relatives à la lutte contre le terrorisme et à la promotion de la coopération Sud-Sud.
Le texte cite également la mise en place et le renforcement de systèmes de justice pénale équitables et efficaces dans le cadre de la lutte antiterroriste; la prévention de l’acquisition d’armes et de munitions par les terroristes et les groupes terroristes; ainsi que l’élaboration et l’exécution de plans d’urgence et de plans d’intervention relatifs aux mesures de protection, d’atténuation, d’enquête, d’intervention et de relèvement face aux dommages causés par des attentats terroristes contre des cibles molles et des infrastructures essentielles.
Par cette déclaration, le Conseil demande aussi à la communauté internationale d’affermir son engagement politique et d’envisager de mobiliser des ressources et compétences plus prévisibles et durables pour renforcer la capacité des pays d’Afrique de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, notamment en facilitant la mise en commun d’informations et de bonnes pratiques, en sensibilisant le public par l’éducation et les médias et en consolidant les mécanismes de coopération internationale.
En raison des menaces que font peser les Chabab, Boko haram, l’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), les affiliés de l’EIIL et d’Al-Qaida, ou encore l’État islamique au grand Sahara et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », la trentaine de délégations qui s’est exprimée lors de ce débat se sont inquiétées de l’impact du terrorisme sur le continent africain qui, selon les termes de la délégations de Djibouti, serait en passe de devenir la plaque tournante du terrorisme transnational.
L’Observatrice permanente de l’Union africaine (UA), Mme Fatima Kyari Mohammed, a averti que le terrorisme s’étend à présent à des parties du continent jusqu’alors épargnées et que les outils utilisés par les groupes terroristes deviennent de plus en plus sophistiqués, citant notamment l’utilisation de drones et des méthodes de recrutement améliorées. Elle a relevé que ces groupes terroristes se sont transformés en quelques années en « gouvernements de l’ombre organisés » qui fournissent des services et, dans certains cas, agissent comme juges et parties.
La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, a souligné pour sa part que les femmes subissent de manière disproportionnée la violence terroriste, notamment en raison de l’esclavage sexuel. « Tout comme la misogynie réside au cœur des stratégies de nombreux groupes terroristes, les femmes doivent figurer au cœur de notre riposte », a-t-elle plaidé.
Au cours du débat, les délégations ont été nombreuses à appuyer la Force du G5 Sahel ainsi que l’Initiative « Faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 », notant l’importance que revêt une coopération multilatérale solide pour faire front contre le terrorisme et l’extrémisme violent. L’impératif de répondre en amont aux causes sous-jacentes du terrorisme en Afrique, notamment en appuyant le développement et l’emploi des jeunes, a aussi été souligné à plusieurs reprises.
De son côté, le Conseiller spécial de l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. Abdoulaye Mar Dieye, a appelé à investir dans la prévention, afin de protéger les États contre une perte de 2 à 8% de leur PIB. Or il y a des progrès à faire dans ce domaine car, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seulement 2% de l’aide publique au développement accordée aux pays fragiles sont consacrés à la prévention et 10% à la consolidation de la paix. De plus, les investissements tendent à privilégier les approches sécuritaires, ce qui risque d’augmenter l’extrémisme violent, a mis en garde M. Dieye. En effet, selon une étude du PNUD, les violations des droits de l’homme par les forces de l’ordre constituent un facteur déclencheur pour les 71% des personnes qui rejoignent un groupe extrémiste.
C’est pourquoi, dans sa déclaration présidentielle, le Conseil de sécurité appelle à fournir un appui aux États africains qui s’emploient à garantir le respect des droits humains et de l’état de droit dans toutes leurs politiques de lutte contre le terrorisme, « en tant que fondement essentiel de la lutte contre le terrorisme ».
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
LUTTER CONTRE LE TERRORISME ET L’EXTRÉMISME EN AFRIQUE - S/2020/161
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité se déclare préoccupé par le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, le condamne énergiquement et constate la menace croissante que ce phénomène représente pour la paix et la sécurité en Afrique, en particulier dans les régions les plus touchées du Sahel, notamment la zone des trois frontières (Mali-Niger-Burkina Faso), le bassin du lac Tchad et la Corne de l’Afrique, et exprime sa vive inquiétude face aux répercussions néfastes que les actes de terrorisme ont sur la paix et la sécurité en Afrique.
Le Conseil présente ses condoléances aux familles des victimes du terrorisme, se déclare solidaire envers les pays d’Afrique ayant subi des attentats terroristes et exprime son appui aux rescapées de la violence terroriste.
Le Conseil est conscient de la grave menace terroriste qui pèse sur l’Afrique et souligne qu’il importe d’appliquer avec diligence et efficacité ses résolutions relatives à la lutte contre le terrorisme, toutes les mesures de sanction visant les personnes, groupes, entreprises et entités désignés qui sont associés à l’EIIL (Daech), à Al-Qaïda et à leurs affiliés et, à cet égard, se félicite que le Comité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) ait récemment décidé d’inclure le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », l’État islamique du Grand Sahara et l’État islamique d’Iraq et du Levant en Libye dans sa liste relative aux sanctions.
Le Conseil souligne que le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme peuvent exacerber les conflits dans les régions touchées et contribuer à affaiblir les États touchés, en particulier sur les plans de la sécurité, de la stabilité, de la gouvernance et du développement économique et social.
Le Conseil salue les efforts déployés et les progrès accomplis par les pays d’Afrique, l’Union africaine et d’autres organisations régionales et sous-régionales dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et conformément au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.
Le Conseil réaffirme son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de tous les États conformément à la Charte des Nations Unies, et souligne que c’est aux États Membres qu’il incombe au premier chef de lutter contre les actes de terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme.
Le Conseil réaffirme également que les États Membres doivent veiller à ce que toute mesure de lutte contre le terrorisme soit conforme aux obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire, souligne que le respect des droits humains, des libertés fondamentales et de l’état de droit et les mesures efficaces de lutte contre le terrorisme sont complémentaires et se renforcent mutuellement, et sont essentiels au succès d’une action antiterroriste, note l’importance du respect de l’état de droit s’agissant de prévenir et de combattre efficacement le terrorisme, et note également que le non-respect de ces obligations et d’autres obligations internationales, notamment de celles énoncées dans la Charte des Nations Unies, est l’un des facteurs qui contribuent à la radicalisation menant à la violence et favorise un sentiment d’impunité.
Le Conseil exhorte les États Membres et les organismes du système des Nations Unies à prendre des mesures, conformément au droit international, pour lutter contre tous les facteurs de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, tant internes qu’externes, de manière équilibrée, comme le stipule la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.
Le Conseil est conscient des effets et des défis liés au commerce illicite et au détournement d’armes légères et de petit calibre en Afrique, qui permettent aux groupes terroristes d’accroître considérablement leurs capacités armées.
Le Conseil insiste sur le fait que le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme ne peuvent ni ne doivent être associés à aucune religion, nationalité, ou civilisation ni à aucun groupe ethnique.
Le Conseil souligne l’importance d’une approche globale pour combattre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, dans le respect des dispositions applicables du droit international, et d’efforts tenant compte des aspects du problème liés à la gouvernance, à la sécurité, aux droits humains et au développement ainsi qu’à ses dimensions humanitaires et socio-économiques, notamment l’emploi des jeunes et l’élimination de la pauvreté.
Le Conseil souligne qu’il importe d’adopter une approche associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société et insiste sur l’importance de la coopération avec toutes les parties prenantes, en particulier la société civile, dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme en Afrique, encourage à cet égard la participation des femmes et leur représentation à des postes de direction, et engage les États Membres à offrir aux jeunes des perspectives d’emploi et des formations professionnelles, à promouvoir un enseignement de qualité et à envisager d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et des programmes qui facilitent la participation constructive des femmes et des jeunes à la vie politique, y compris leur participation réelle et entière, sur un pied d’égalité, à tous les niveaux de la prise de décisions. Le Conseil constate que ces efforts contribuent à la lutte contre le recrutement aux fins du terrorisme et de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, et à la promotion de l’inclusion et de la cohésion sociales, rendant les sociétés plus résilientes face à la radicalisation menant à la violence.
Le Conseil se déclare vivement préoccupé par les actes de violence sexuelle et de violence de genre et par le recrutement et l’utilisation d’enfants, dont il sait qu’ils font partie des objectifs stratégiques et de l’idéologie de certains groupes terroristes, qui s’en servent comme tactique de terrorisme et comme instruments permettant de consolider leur pouvoir en facilitant le financement de leurs activités, le recrutement et la destruction des communautés.
Le Conseil se déclare gravement préoccupé par la menace que font peser les combattants terroristes étrangers qui reviennent, en particulier des zones de conflit, vers leur pays d’origine ou de nationalité, ou se réinstallent dans des pays tiers, notamment en Afrique, et souligne combien l’appui et l’assistance fournis aux pays d’Afrique à l’échelle internationale sont importants pour écarter la menace que représentent les combattants terroristes étrangers, notamment pour ce qui est d’échanger des informations, d’assurer la sécurité des frontières, de mener des enquêtes, d’engager des procédures judiciaires, de prévenir le recrutement de combattants terroristes étrangers et de bloquer l’aide financière qui leur est destinée, ainsi que de définir et de mettre en œuvre des stratégies appropriées de répression, de réadaptation et de réinsertion.
Le Conseil note avec une vive inquiétude que les terroristes et les groupes terroristes qui sévissent, notamment en Afrique, lèvent et transfèrent des fonds par divers moyens, notamment le recours à des passeurs de fonds, l’utilisation à des fins illégales d’entreprises commerciales légitimes, l’exploitation de ressources naturelles, et le produit des activités criminelles, notamment l’enlèvement contre rançon, l’extorsion, la traite d’êtres humains ainsi que le commerce illicite et le trafic de biens culturels, de drogues et d’armes légères et de petit calibre, et rappelle les obligations qu’il a faites à tous les États Membres en matière de prévention et de répression du financement du terrorisme, notamment par ses résolutions 1373 (2001) et 2462 (2019).
Le Conseil constate avec une vive préoccupation que les terroristes présents en Afrique peuvent mettre à profit la criminalité transnationale organisée comme source de financement ou appui logistique, tout en sachant que la nature et l’ampleur des liens qui existent entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée varient en fonction des contextes, et souligne qu’il importe de renforcer la coordination de l’action menée aux niveaux local, national, infrarégional, régional et international pour régler ce grave problème, conformément au droit international.
Le Conseil est conscient de l’engagement des États Membres africains en faveur de la lutte contre le terrorisme, conformément aux traités et conventions internationaux, aux instruments et initiatives de l’Union africaine, à ses propres résolutions et à la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, et engage à nouveau la communauté internationale à appuyer les efforts déployés par l’Afrique pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme.
Le Conseil se félicite des efforts entrepris par ses organes subsidiaires chargés de la lutte contre le terrorisme pour favoriser la coopération au moyen d’arrangements régionaux et sous-régionaux.
Le Conseil souligne la nécessité de continuer à fournir un appui renforcé aux États Membres africains dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme aux niveaux national, sous-régional et régional, y compris grâce à des activités efficaces et ciblées de renforcement des capacités, à des formations, à l’échange de meilleures pratiques et de données d’expérience et à d’autres ressources nécessaires à l’appui des efforts engagés, s’agissant en particulier:
– du renforcement de la coopération interinstitutions entre et parmi les États Membres en Afrique, grâce à la mise en place de mécanismes de coordination interinstitutions au niveau national;
– de la détection des actes de terrorisme et autres infractions graves grâce à l’utilisation d’informations sur les déplacements et de bases de données internationales, à l’échange de bonnes pratiques sur la sécurité et la gestion des frontières, à la promotion du rôle des parlementaires dans l’exécution des obligations relatives à la lutte contre le terrorisme et à la promotion de la coopération Sud-Sud;
– de l’élaboration et de la meilleure exécution de stratégies et de plans d’action nationaux et régionaux axés sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, sur demande;
– de la mise en place et du renforcement de systèmes de justice pénale équitables et efficaces dans le cadre de la lutte antiterroriste;
– de la prévention de l’acquisition d’armes et de munitions par les terroristes et les groupes terroristes;
– de l’élaboration et de l’exécution de plans d’urgence et de plans d’intervention relatifs aux mesures de protection, d’atténuation, d’enquête, d’intervention et de relèvement face aux dommages causés par des attentats terroristes contre des cibles molles et des infrastructures essentielles;
– de l’appui aux États africains dans leurs efforts visant à continuer de garantir le respect des droits humains et de l’état de droit dans toutes leurs politiques de lutte contre le terrorisme, en tant que fondement essentiel de la lutte contre le terrorisme.
Le Conseil note les efforts que continuent de déployer les entités compétentes des Nations Unies, notamment la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, le Bureau de lutte contre le terrorisme, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et le Programme des Nations Unies pour le développement en Afrique, et insiste sur la nécessité de renforcer la coordination et la cohérence avec les donateurs et les bénéficiaires à cet égard, en tenant compte des perspectives nationales et en vue de renforcer l’appropriation par les pays.
Le Conseil demande à la communauté internationale d’affermir son engagement politique et d’envisager de mobiliser des ressources et compétences plus prévisibles et durables pour renforcer la capacité des pays d’Afrique de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, notamment en facilitant la mise en commun d’informations et de bonnes pratiques, en sensibilisant le public par l’éducation et les médias et en consolidant les mécanismes de coopération internationale, ainsi que de mobiliser les ressources nécessaires là où il existe des besoins.
Le Conseil réaffirme qu’il importe de s’attaquer aux conditions sous-jacentes favorisant la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme en Afrique, notamment en assurant le relèvement et la reconstruction au niveau national, en améliorant la gouvernance et en facilitant le développement socio-économique de l’Afrique, y compris en créant des emplois et en promouvant l’entrepreneuriat, et en fournissant des services d’éducation et de santé pour favoriser le bien-être des populations qui y vivent.
Le Conseil souligne que les entités des Nations Unies devraient collaborer étroitement avec l’Union africaine et les organisations et dispositifs sous-régionaux, ainsi qu’avec les États Membres de la région, salue l’importante contribution à la paix et à la sécurité de la région qu’apportent les initiatives de sécurité menées en Afrique, notamment la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel et la Force multinationale mixte, qui œuvrent dans la région du bassin du lac Tchad, et prend note du Sommet de Pau tenu le 13 janvier 2020.
Le Conseil encourage la tenue de dialogues sous-régionaux, régionaux et continentaux en Afrique destinés à mettre en commun les meilleures pratiques en ce qui concerne les mesures de lutte contre le terrorisme et note à cet égard la tenue de la Conférence régionale africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme organisée par le Bureau de lutte contre le terrorisme à Nairobi en juillet 2019.
Le Conseil réaffirme son appui à l’initiative Faire taire les armes d’ici à 2020 en Afrique et estime que la réalisation de cet objectif contribue à la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui est celui d’une Afrique intégrée, pacifique, sûre et prospère, dans l’esprit du Programme 2030.
Déclarations
Mme ROSEMARY ANNE DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a constaté que le continent africain continue de faire face à des vulnérabilités qui menacent la paix et la sécurité, entravent son développement économique et sapent les droits de l’homme et l’état de droit. Elle s’est notamment inquiétée de la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent qui, a-t-elle alerté, continue d’augmenter dans différentes parties du continent. Elle a notamment cité la menace des Chabab en Somalie et l’Afrique de l’Est, des affiliés de l’EIIL et d’Al-Qaida qui mènent des attentats de plus en plus sophistiqués au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Elle a aussi parlé de la présence de l’EIIL en Libye, ainsi que de la situation au Sahel et dans le bassin du lac Tchad où la population est terrorisée par l’État islamique au grand Sahara et dans la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique ». Elle a salué la mémoire de dizaines de milliers de victimes africaines du terrorisme, pour ensuite souligner que les femmes subissent de manière disproportionnée cette violence, notamment en raison de l’esclavage sexuel. Tout comme la misogynie réside au cœur des stratégies de nombreux groupes terroristes, les femmes doivent figurer au cœur de notre riposte, a-t-elle affirmé.
Mme DiCarlo a insisté sur la nécessité de répondre aux causes sous-jacentes du terrorisme, notant que cette menace est souvent la conséquence de défis liés au développement, à la situation humanitaire, aux droits de l’homme et d’ordre sécuritaire que les groupes terroristes tentent d’exploiter. Des solutions sécuritaires et militaires ne suffiront pas, a-t-elle estimé. Il faut répondre aux problèmes de la pauvreté, de la faible gouvernance, des tensions intercommunautaires, de l’inégalité entre les sexes, du chômage des jeunes, des activités illicites et de l’utilisation de nouvelles technologies et des médias sociaux pour recruter. Elle a également jugé nécessaire de mieux comprendre les menaces et les besoins prioritaires de chaque pays et région. Il n’y a pas de solution à taille unique, a-t-elle insisté.
Le terrorisme ne connaissant aucune frontière, pour le prévenir et le combattre il importe d’établir une solide coopération multilatérale, a-t-elle poursuivi, citant notamment la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et l’appui fourni par l’ONU aux stratégies régionales du Sahel et de l’Afrique centrale et australe ainsi qu’à celle adoptée par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la Corne de l’Afrique et la Tanzanie. L’ONU appuie aussi les initiatives africaines dans des domaines prioritaires, notamment la protection des cibles vulnérables, le déplacement des terroristes, l’élaboration de mécanismes de coordination pour l’application de la loi, le renforcement des capacités pour les enquêtes et la prévention des cyberattaques, le rôle des parlementaires dans la mise en œuvre des obligations découlant de la lutte antiterroriste, ainsi que la promotion de la coopération Sud-Sud et du respect des droits et l’homme et de l’état de droit.
Mme DiCarlo a aussi insisté sur l’importance d’appuyer la Force du G5 Sahel qui, a-t-elle affirmé, peut jouer un rôle crucial pour combattre le terrorisme dans les régions frontalières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Elle a appelé la communauté internationale à fournir un ferme appui à ces efforts.
Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, Observatrice permanente de l’Union africaine (UA) auprès des Nations Unies, a noté que cette réunion se tient en des temps où le terrorisme et l’extrémisme violent continuent de s’étendre et opèrent avec une intensité sans précédent sur le continent africain et au-delà. Déjà présent au Sahel, dans le bassin du lac Tchad et dans la Corne de l’Afrique, le terrorisme s’étend à d’autres parties du continent jusqu’alors épargnées. Dans ce contexte, a-t-elle constaté, ce sont des régions entières qui se trouvent en guerre aujourd’hui et des dizaines de militaires et de civils y meurent chaque semaine. Des écoles ont fermé ou ont été détruites, des familles ont dû fuir leur foyer et ont perdu leurs moyens de subsistance, alors que des infrastructures de base ont été endommagées, ce qui a mis en péril les gains de développement.
En parallèle, les outils utilisés par les groupes terroristes deviennent de plus en plus sophistiqués. Ces derniers recourent à la technologie et font usage de drones pour perpétrer leurs attentats, a fait observer Mme Mohammed. Les groupes ont aussi amélioré leurs méthodes de recrutement, lesquelles sont facilitées par les plateformes en ligne et les vulnérabilités structurelles que constituent la pauvreté et les divisions ethniques et religieuses. Mais la sophistication des groupes terroristes ne s’arrête pas là: ils se sont transformés depuis des années en gouvernements de l’ombre organisés qui fournissent des services et, dans certains cas, agissent comme juges et parties. En outre, a-t-elle observé, ces groupes alimentent les tensions intercommunautaires dans plusieurs pays.
Pour Mme Mohammed, la complexité du terrorisme et de l’extrémisme traverse les générations et ne peut être généralisée et réglée par des réponses uniques. Dès 1992, a-t-elle rappelé, l’UA a pris des mesures pour renforcer la coopération entre ses États membres face à ces fléaux. Le continent a ainsi reconnu la nécessité d’une approche multidimensionnelle en adoptant en 1999 la Convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, qui prévoit notamment des mesures visant à endiguer le financement du terrorisme, à renforce les ripostes judiciaires et à encourager la coopération policière entre les États. Les institutions de l’UA ont aussi continué à renforcer les capacités de renseignement et de maintien de l’ordre pour combattre le terrorisme. Dans la foulée des processus de Nouakchott et Djibouti pour le renforcement de la coopération dans le domaine de la sécurité, l’UA a mis en place des opérations d’appui à la paix, telles que la Force conjointe du G5 Sahel pour combattre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée au Sahel, démontrant son engagement en faveur de l’élimination de cette menace transfrontalière. De fait, a ajouté l’Observatrice permanente, la communauté internationale doit comprendre la nécessité d’appuyer ces mécanismes, d’autant plus que les défis dépassent les ressources politique et financière des États membres individuels et des organisations internationales.
Avant de conclure, Mme Mohammed a mis l’accent sur trois priorités. Selon elle, il convient tout d’abord de se concentrer sur la prévention, tout en y intégrant des réponses en matière de sécurité et de maintien de l’ordre, ainsi que sur la stabilisation et la reconstruction post-conflit. Deuxièmement, a-t-elle affirmé, il va falloir mieux comprendre ce qui pousse un grand nombre de jeunes à rejoindre les rangs de groupes extrémistes et apporter des réponses à certaines réalités locales et à une multiplicité de facteurs, économiques, ethniques, politiques et religieux. Enfin, il importe que la communauté internationale garde à l’esprit que les conditions propices à l’extrémisme violent doivent être abordées sous des angles à la fois local et mondial.
M. ABDOULAYE MAR DIEYE, Sous-Secrétaire général et Conseiller spécial de l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a appelé à prévenir l’extrémisme violent par l’intermédiaire d’une approche qui privilégie le développement durable et les droits humains, notant que « même » les pays du Sahel ont un important potentiel de croissance économique. Il ne faut pas oublier les progrès de l’Afrique, ni la promesse qu’est l’Afrique, a-t-il dit, rappelant les investissements qui y sous-tendent le développement. Il s’est toutefois inquiété de la situation dans « l’arche de l’instabilité », qui s’étend au Sahel, dans la région du lac Tchad et dans la Corne de l’Afrique avec pour épicentres le triangle Liptako-Gourma, le centre du Mali, le bassin du lac Tchad et la Somalie. Il s’est aussi soucié de l’absence de preuves empiriques, expliquant que cela empêche de connaître avec certitude les besoins des communautés et des institutions, ainsi que les stratégies qui ont réussi à y répondre et les façons d’investir pour obtenir un impact notable.
M. Dieye a ensuite cité le rapport « Vers l’extrémisme en Afrique » du PNUD qui révèle que 55% des recrues volontaires sont frustrées en raison de leur situation économique, tandis que 83% estiment que leur gouvernement ne se préoccupe pas de leurs intérêts et que plus de 75% n’ont aucune confiance dans les politiciens et les institutions chargées de l’application de la loi. Nombre d’entre eux n’ont qu’un faible niveau d’éducation et la majorité des recrues viennent de régions frontalières ou de zones périphériques où des générations entières ont été marginalisées. Ces espaces non-gouvernés et négligés sont les points névralgiques de la violence et sont l’occasion d’influencer les décisions de communautés qui subissent l’impact de l’absence de services. Le représentant a également signalé que, selon un autre rapport du PNUD, de nombreux groupes extrémistes violents en Afrique ont utilisé le message de l’autonomisation des femmes pour les recruter.
Pour répondre aux racines de l’extrémisme violent, M. Dieye a appelé à investir dans la prévention, affirmant que chaque dollar investi permet, à long terme, de diminuer de 16 dollars le coût des conflits. Investir dans la prévention permet de protéger l’État d’une perte de 2 à 8% de son PIB. Or, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seulement 2% de l’aide publique au développement accordée aux pays fragiles est consacré à la prévention et 10% à la consolidation de la paix. De plus, les investissements tendent également à privilégier les approches sécuritaires, ce qui risque d’augmenter l’extrémisme violent, a-t-il signalé, précisant que pour 71% des personnes qui rejoignent un groupe extrémiste, le facteur déclencheur a été la violation, par les forces de l’ordre, des droits de l’homme.
Selon M. Dieye, des solutions qui privilégient le développement s’imposent pour répondre aux racines de l’extrémisme violent. Les projets qui intègrent un appui psycho-social, la formation professionnelle et l’éducation limitent les « tendances extrémistes » chez les jeunes et renforcent la tolérance au sein des communautés, tandis que l’investissement dans l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes renforce la paix et la sécurité. Une approche intégrée et équilibrée en matière de sécurité et de développement doit donc être privilégiée pour répondre au défi de l’extrémisme violent, a-t-il tranché. M. Dieye, a par ailleurs, salué l’appui accordé par l’UA à la campagne « Faire taire les armes en Afrique» et a invité son Conseil de paix et de sécurité à unifier les différentes perceptions et interprétations du concept de prévention de l’extrémisme violent.
M. JUN ZHANG (Chine) a constaté que le terrorisme est une menace qui pèse sur tous les peuples. Les défis sont complexes et aucun pays n’est à l’abri, a-t-il fait remarquer en soulignant que, récemment, l’Afrique a été profondément troublée par ce fléau. De fait, de nouvelles menaces émergent et l’Afrique se trouve en première ligne. Des acteurs terroristes s’y infiltrent, semant l’instabilité, sapant la situation socioéconomique et minant la paix et la stabilité. Dans ce contexte, le délégué a recommandé que la communauté internationale aide l’Afrique à se donner les moyens d’éradiquer les conditions permettant au terrorisme de s’étendre. Il a souligné, dans cet esprit, les efforts auxquels appelle la Déclaration présidentielle en matière de renforcement des capacités des États et de consolidation des actions de l’ONU pour contrer le terrorisme et l’extrémisme. À cette fin, a plaidé M. Zhang, il faut adopter des normes uniformes et parvenir à un consensus sur les questions de lutte antiterroriste.
La Chine, a-t-il assuré, appuie le soutien qu’apporte la communauté internationale aux pays africains sans aucune contrepartie politique. De même, il faut s’attaquer aux racines et aux branches du terrorisme, dont le sous-développement est un facteur majeur. Certains pays sont confrontés à de nombreux défis et la communauté internationale a le devoir de les aider à atteindre les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et du Programme 2030 de l’ONU. Il convient de se concentrer tout particulièrement sur l’éducation et l’emploi des jeunes, a-t-il indiqué, soucieux en particulier de la jeunesse africaine qui ne doit pas être la proie d’idéologies terroristes pernicieuses. Il faut aussi respecter le rôle de chef de file d’Afrique elle-même, a poursuivi le délégué en prônant la recherche de « solutions africaines à des problèmes africains », dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales des États.
Se prononçant ensuite pour le renforcement des capacités des pays africains, le représentant a espéré que les mesures pertinentes contenues dans la Déclaration présidentielle pourront être mises en œuvre sur le terrain. Il importe, selon lui, d’aider également les organisations régionales et sous-régionales, qui sont les mieux placées, à trouver des solutions adaptées. Enfin, rappelant l’appui financier apporté par la Chine au programme de formation de l’ONU pour la lutte contre le terrorisme, il a réaffirmé la détermination de son pays à appuyer les pays africains et à contribuer à la paix et à la stabilité sur le continent.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est préoccupé de la dégradation notable de la situation en Afrique de l’Ouest où le nombre de morts a été multiplié par cinq depuis 2016. Il a appelé à prendre des mesures audacieuses pour faire front contre le terrorisme et aider les États concernés à surmonter les problèmes qui limitent leur action. Il faut aussi répondre aux causes du phénomène, notamment le lien entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. C’est une véritable « synergie du mal » qui vient miner les structures étatiques, freiner le développement et entraver le tissu social, a-t-il expliqué.
M. Singer Weisinger a appelé à une participation active des femmes à la prise de décisions en matière de prévention et de règlement des conflits, et à la gestion des scénarios post-conflit. Il faut aussi, a-t-il ajouté, renforcer le rôle des jeunes et répondre à leurs besoins, mettre l’accent sur l’éducation et l’emploi et veiller à l’existence de conditions propices au développement. M. Singer Weisinger s’est aussi inquiété du problème des combattants terroristes étrangers et du défi « colossal » qu’ils représentent pour les pays africains: un appui judiciaire est donc nécessaire. Le représentant a en outre appelé à mettre en œuvre les résolutions visant à entraver le financement du terrorisme. À cet égard, la collaboration entre États et l’appui des organisations régionales sont essentiels, a-t-il dit.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souscrit à la Déclaration présidentielle préparée sur proposition de Beijing et a dit sa solidarité avec les gouvernements et les peuples du Sahel et du bassin du lac Tchad dans leur lutte contre le terrorisme. Il a relevé que la terrible influence du terrorisme et de l’extrémisme violent est observée tout particulièrement en Afrique de l’Ouest, où le nombre d’attentats terroristes va croissant. À ses yeux, la situation a été compliquée par le transfert de groupes terroristes sous de la bannière de l’EIIL et la création de nouvelles filiales régionales. Suite à la défaite de l’EIIL en Syrie et en Iraq, sont apparus des flux de combattant étrangers qui sévissent aujourd’hui en différents points. Ces groupes mènent en outre des activités de recrutement en professant leur idéologie extrémiste. Face à cette menace, a souligné le représentant, tout appui technique apporté doit se faire à la demande des États concernés.
À cet égard, a signalé M. Nebenzia, tous les pays sont loin d’accepter les mécanismes de prévention qu’on leur propose. De même, a-t-il poursuivi, s’il est crucial que la société civile joue un rôle de premier plan dans la prévention du terrorisme, ces efforts seront vains si les organismes étatiques ne reconnaissent pas la responsabilité première qui leur incombe dans ce domaine. Sans s’appesantir sur les mesures prises par son pays en la matière, le délégué a indiqué que la Russie organiserait prochainement une séance publique sur ce thème avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT).
Pour le représentant, une attention plus grande devrait être portée à la mise en œuvre des protocoles, conventions et résolutions traitant de la question du terrorisme. Il a invité les pays africains à se joindre à la Convention de l’Organisation de coopération de Shanghai contre le terrorisme. Pour combattre efficacement le terrorisme, il convient en priorité de régler les crises socioéconomiques qui représentent un terrain fertile mais aussi de contrecarrer les tentatives de « mise en place d’un chaos contrôlé ». Sur ce point, a-t-il souligné, le contexte libyen ne doit pas être ignoré lorsque l’on parle d’approvisionnement des terroristes en armes. Cela veut dire que cet afflux d’armes ne se réduit pas alors que la guerre a commencé il y a neuf ans dans ce pays, a-t-il alerté. Dans ce contexte, a-t-il conclu, la Russie suit de près la situation et continue de fournir une aide à plusieurs pays du continent, notamment par le biais de formations de militaires et de policiers.
Au nom du Groupe des A3+1, (Niger, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Afrique du Sud et Tunisie), M. TAREK LADEB (Tunisie), s’est inquiété de l’arrivée croissante de combattants terroristes étrangers sur le continent africain. Il a noté les conséquences de la crise libyenne, dont l’afflux de terroristes et d’extrémistes qui aggravent les troubles dans le Sahel, le bassin du lac Tchad et la Corne de l’Afrique. « Pas plus tard que samedi, a dit le représentant, un groupe terroriste a attaqué les villages de Dinguila et Barga dans le nord du Burkina Faso, faisant 43 morts et beaucoup de blessés. »
Face à ce constat, le représentant du Groupe des A3+1 a d’abord jugé crucial de détecter, perturber et poursuivre tous les appuis dont bénéficie le terrorisme en Afrique, y compris les sources de financement. Ensuite, il a dit qu’il était important de s’attaquer aux racines et sources du terrorisme en Afrique, comme la marginalisation économique, le manque d’éducation, le non-respect des droits de l’homme et les diverses instabilités politiques. Puis, il a appelé à s’attaquer aux liens entre criminalité transnationale organisée et terrorisme et à renforcer les capacités des États pour qu’ils soient en mesure d’anticiper et d’atténuer les attaques contre des « cibles molles ». Enfin, il a estimé qu’il était important de renforcer la coopération aux niveaux bilatéral et régional ainsi que le partage d’information dans les domaines de gestion et sécurité des frontières, justice criminelle, informations de voyage, police et renseignements.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a constaté que la menace terroriste en Afrique évolue rapidement et a insisté sur l’importance de la coopération internationale pour y faire face. Il a plaidé pour l’élaboration de mécanismes de partage d’information notant que celui-ci est souvent inadéquat, à la fois au sein et entre les pays. Il a aussi encouragé le PNUD et le Bureau de lutte antiterroriste à respecter les décisions de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT). Le représentant a par ailleurs appuyé la création de programmes bilatéraux dans tous les pays d’Afrique afin de répondre à toutes les facettes du terrorisme. Il a donné l’exemple de son pays qui appuie des infrastructures de détention dans certaines régions et travaille avec les organes judiciaires de certains pays pour poursuivre et condamner les terroristes.
M. Allen a reconnu que la lutte antiterroriste ne repose pas uniquement sur la dimension sécuritaire. Il a notamment relevé que plusieurs groupes terroristes fournissent des services essentiels dans certaines régions et qu’il importe donc de répondre au problème de la fourniture de services. Il n’y a pas de solution à taille unique et la riposte doit avant tout suivre une approche locale, a-t-il recommandé. Ce qui fonctionne en Italie ne va pas forcément fonctionner à Mombassa, a-t-il expliqué, avant d’appeler à privilégier le dialogue. Il a indiqué qu’il ne répondrait pas aux arguments politiques de la délégation russe, mais a insisté sur la coopération entre les États pour faire face à la menace terroriste. Le délégué a par ailleurs indiqué que certaines mesures prises par les États risquent de pousser certaines personnes dans les bras des terroristes. La stigmatisation de masse, ou d’une minorité ou religion, risque de radicaliser les individus au niveau local, a-t-il prévenu.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a observé que les intervenants ont dressé un tableau très sombre de la situation de l’Afrique face au terrorisme et à l’extrémisme. Il s’est dit d’accord avec la Déclaration présidentielle pour dire qu’il faut une approche holistique pour y faire face. Selon le représentant, le point de convergence principal des efforts à mener porte sur la prévention. Pour cela, il faut connaître les raisons qui poussent les jeunes à se rallier à ces groupes terroristes. Mieux cerner les moteurs permettant de créer des sociétés plus résilientes et respectueuses de l’état de droit doit être une priorité, a-t-il plaidé. Il faut aussi compléter les démarches de long terme avec le travail des agences des forces de l’ordre et du secteur de la sécurité. Il convient à cet égard de contrôler la manière dont agissent les forces de l’ordre et les mécanismes par lesquels elles rendent des comptes.
Relevant ensuite que 71% des sondés dans l’étude présentée par M. Dieye ont assuré avoir rejoint des groupes terroristes en raison du mépris que leur opposaient les autorités, le représentant a jugé crucial de cerner les raisons profondes de ces ralliements. Dans cette étude, a-t-il poursuivi, on évoque aussi la marginalisation et les difficultés socioéconomiques qui alimentent la radicalisation. Toutefois, a-t-il fait valoir, la pauvreté n’est pas le moteur principal du terrorisme, elle n’entraîne pas automatiquement un recours à l’extrémisme violent. Pour faire face à ces menaces, il est essentiel non seulement de les prévenir mais aussi d’assurer la dignité humaine, de permettre le développement et de proposer des perspectives sociales et économiques. L’éducation est une autre condition importante, de même que l’égalité entre les sexes, notamment en matière de prise de décisions, a ajouté le représentant. Soucieuse d’apporter son concours à ce combat contre les causes du terrorisme, l’Allemagne copréside le Forum de lutte contre le terrorisme, au sein duquel elle travaille aux questions de désarmement. Elle contribue aussi à l’initiative « Faire taire les armes en Afrique », a signalé M. Heusgen.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que le continent africain est de plus en plus exposé à la menace terroriste. Pour la France, la priorité est de construire une approche globale de la lutte contre le terrorisme, en impliquant tous les acteurs et en répondant à toutes les causes du phénomène. À cet égard, il a salué la montée en puissance de la Force conjointe du G5 Sahel qui poursuit sa dynamique d’engagement opérationnel en coordination étroite avec l’opération Barkhane. Le renforcement de la coopération internationale, en particulier celle entre les États de la région, est un préalable essentiel à une approche concertée et efficace de la lutte contre le terrorisme. M. de Rivière est revenu sur les résultats du Sommet de Pau du 13 janvier 2020, qui a permis de réunir les chefs d’État des pays du G5 Sahel et leurs principaux partenaires multilatéraux (ONU, Union européenne, Organisation internationale de la Francophonie) et d’appeler au lancement de la Coalition pour le Sahel. Celle-ci repose sur quatre piliers: la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités sécuritaires des États du G5 Sahel, l’appui au redéploiement des services régaliens, et l’aide au développement pour répondre à l’ensemble des causes du terrorisme.
Le représentant a aussi recommandé d’agir auprès de la population africaine, car sans une action ciblée sur les populations les plus exposées au terrorisme, dont les femmes et les jeunes, il ne sera pas possible de traiter les causes profondes de cette menace et d’y répondre. M. de Rivière a appelé à traduire la résolution 2242 sur le rôle des femmes dans la lutte contre l’extrémisme violent dans les faits. Par ailleurs, rappelant que près de la moitié de la population africaine aura moins de 25 ans d’ici à 2050, il a appelé à intégrer que les groupes terroristes recrutent parmi ces jeunes et que la solution à cela passe par l’éducation et le développement socioéconomique. La France appelle en outre à lutter contre la propagande terroriste qui cible tout particulièrement les femmes et les jeunes, en particulier sur Internet. Il faut également tarir les sources de financement, un élément clef de la lutte contre le terrorisme, a poursuivi le représentant, en rappelant les dispositions de la résolution 2462 à cet égard et en appelant à sa pleine mise en œuvre.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) s’est dit très inquiet de l’augmentation du nombre d’attaques commises par des groupes terroristes comme l’État islamique et les groupes affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique, notamment aux frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Dans ce contexte, il a jugé vital de s’attaquer aux racines de l’extrémisme violent. Il a appelé à une démarche holistique qui comprenne la prévention du terrorisme par le renforcement de la gouvernance, la résolution des conflits en suspens, le règlement des problèmes d’exclusion, la lutte contre la pauvreté et les inégalités ainsi que le renforcement du développement économique et social.
« Pour combattre la diffusion du terrorisme nous devons intensifier nos efforts pour rejeter cette idéologie et les incitations à la haine qui en découle », a insisté le représentant. Notant que le terrorisme ne peut survivre sans financement, il a souligné la nécessité de détruire les réseaux de financement du terrorisme et de renforcer les capacités juridiques et institutionnelles des États pour prévenir, détecter et punir les actes illégaux. Dans ce contexte, il a exhorté les États Membres à mettre en œuvre la résolution 2462 du Conseil de sécurité sur la lutte contre le financement du terrorisme. Il a aussi jugé important de renforcer la coopération internationale aux fins de l’assistance aux pays affectés et de la solidarité avec eux.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a souligné l’ancrage de partisans de Daech et Al-Qaida en Afrique, en particulier au Sahel, en Somalie et dans la péninsule arabique, ainsi que l’instrumentalisation de conflits locaux par des mouvements terroristes comme Boko Haram, AQMI, les Chabab et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique ». Ces groupes s’approprient des compétences dévolues aux États, en imposant leur idéologie d’extrémisme violent, a noté le représentant en s’inquiétant de l’augmentation des attaques terroristes de Daech et Al-Qaida au Sahel. Notant que ces groupes travaillent de plus en plus souvent ensemble, contrairement aux rivalités qu’ils entretiennent au Moyen-Orient, le représentant a également noté que le terrorisme, sur le continent africain, se conjugue avec la criminalité transnationale.
Conscient du tableau « sombre » qu’il dépeint et de l’énormité des défis à relever, il a insisté pour que le continent africain puisse compter sur le soutien du Conseil de sécurité et de la communauté internationale. Il peut compter sur l’appui de la Belgique et de l’Union européenne, a confirmé M. Pecsteen de Buytswerve en soulignant l’importance d’une approche intégrée dans la lutte contre le terrorisme, « l’approche de l’Union européenne en étant une ». Elle mobilise en effet toute la gamme de ses instruments, y compris la diplomatie politique de haut niveau, la médiation, les consultations, des mesures restrictives et la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, y compris la traite des êtres humains.
Les pays africains où le terrorisme trouve un terrain fertile ont également besoin de développement économique et de perspectives politiques enracinés dans une éducation de qualité, a poursuivi le représentant avant de proposer, pour augmenter la résilience des communautés africaines contre l’influence néfaste du terrorisme, de renforcer la gouvernance en s’attaquant au sentiment d’exclusion et de manque de confiance dans les structures gouvernementales. Il faut également permettre à la société civile d’opérer et promouvoir l’inclusion politique, y compris celle des femmes, dans l’élaboration des stratégies de lutte contre l’extrémisme violent, a-t-il suggéré. La Belgique appelle en outre à reconnaître le rôle considérable joué par les ONG dans la distribution impartiale de l’aide humanitaire. Elle appelle à mitiger les effets négatifs de la lutte antiterroriste sur ces activités humanitaires. À cet égard, le représentant a salué la concertation accrue des pays africains sur cette question « épineuse », avec plusieurs initiatives régionales et sous-régionales, en partenariat avec l’ONU.
Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a rappelé l’action de son pays pour combattre l’EIIL au Moyen-Orient, se préoccupant de sa capacité à s’adapter comme il ressort de la création de ses branches dans le monde entier. Elle s’est notamment souciée de la situation au Sahel et dans la Corne de l’Afrique, ainsi que des attentats perpétrés par les Chabab en Somalie et au Kenya. Pour lutter contre cette menace de manière globale et éliminer les conditions propices à la propagation du terrorisme, elle a recommandé de travailler ensemble. Cela commence par le leadership, une bonne gouvernance, l’état de droit et le respect des droits de l’homme. Citant une étude, elle a relevé que les actions de la police et des militaires peuvent pousser à passer de la radicalisation à la violence. « Nous devons nous assurer que toutes les mesures que nous prenons pour lutter contre le terrorisme respectent pleinement nos obligations en droit international de respecter les droits de l’homme, les libertés fondamentales et l’état de droit. » Le contre-terrorisme ne peut jamais justifier l’incarcération arbitraire de dissidents, de journalistes ou de membres de groupes religieux et ethniques minoritaires, a ajouté la représentante en rappelant qu’un contre-terrorisme efficace doit être ancré dans le respect plein et entier des droits de l’homme.
La représentante a parlé des efforts déployés par les États-Unis pour appuyer les efforts de lutte antiterroriste de l’Afrique. Elle a notamment parlé d’un programme de formation de la police et de l’armée au Niger, qui porte sur la façon de transférer les preuves médico-légales physiques et numériques du champ de bataille aux autorités civiles chargées de l’application des lois. Les États-Unis travaillent dans toute l’Afrique pour renforcer les systèmes de justice pénale, autonomiser les femmes et les filles exposées à l’extrémisme violent, faciliter la sécurité civile et la cohésion communautaire et réduire les flux financiers vers les terroristes, dont la plupart viennent de l’extérieur de l’Afrique. Elle s’est par ailleurs félicitée de ce que la DECT ait accordé la priorité à la région, avant de rappeler que son pays avait fait inscrire au Comité des sanctions 1267, le mois dernier, d’autres groupes (l’EIIL-Grand Sahara, l’EIIL-Afrique de l’Ouest et l’EIIL-Libye). Nous remercions les nombreux pays qui ont coparrainé ces listes et nous encourageons les autres États Membres à se joindre à nous pour identifier, sanctionner et cibler chaque affilié de l’EIIL dans le monde, a-t-elle dit. Mme Craft a par ailleurs insisté sur l’importance d’inclure la société civile en raison de son expertise au sujet des situations locales. Elle s’est aussi inquiétée des tentatives de certaines groupes terroristes d’infiltrer les systèmes éducatifs.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a remarqué que le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique sont « une question transfrontalière » exacerbée par la porosité des frontières et l’autorité insuffisante des États. Revenant sur la résolution adoptée il y a un an par la Conseil sur le financement du terrorisme, qui met en exergue la dépendance des terroristes d’activités illégales souvent transfrontalières, le représentant a appelé à une action coordonnée aux niveaux régional et international. En Afrique, le rôle de l’UA et d’autres organisations sous-régionales est essentiel, a dit le représentant en saluant la coopération avec les pays du G5 Sahel et en rappelant la contribution de l’Estonie en personnel militaire à l’opération Barkhane.
L’Estonie rappelle aussi que c’est en premier lieu aux États d’assurer la sécurité de leur population, ce qui implique de donner un bon accès aux systèmes de santé et d’éducation et de garantir une présence sécuritaire avec du personnel bien formé. Le représentant a appelé ces États à veiller à ce que leurs actions de lutte antiterroriste restent dans la conformité avec le droit international, en particulier le droit international humanitaire et les droits de l’homme. Ignorer le droit international peut saper les activités antiterroristes, a-t-il mis en garde, et pousser à une radicalisation alimentée par la violence et une impression d’impunité. Dès lors l’Estonie plaide pour une approche holistique qui réponde aux causes profondes de l’extrémisme violent.
Pour construire des communautés résilientes, il faut accorder plus d’attention à la réduction des tensions intercommunautaires et faciliter les processus de réconciliation, a poursuivi le représentant. De telles activités doivent souvent commencer au niveau des villages et des quartiers dans les villes, et leur succès dépend de leur inclusivité. Le représentant a notamment suggéré des dialogues intercommunautaires inclusifs avec la participation des femmes et des jeunes. Il a également souligné qu’il faut améliorer les conditions socioéconomiques et assurer l’accès aux services gouvernementaux pour ne pas faciliter le recrutement des groupes extrémistes. Si les gens ont des alternatives pour gagner leur vie et s’ils ont de meilleures opportunités, ils sont moins susceptibles de se faire recruter par des groupes extrémistes, a-t-il expliqué. S’agissant de l’Afrique, le représentant a également appelé à tenir compte des effets des changements climatiques, notamment dans le bassin du lac Tchad, dans la Corne de l’Afrique et au Sahel. L’ONU a un rôle important à jouer à cet égard et l’Estonie soutient l’action innovatrice de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM) en termes de coordination pour la sécheresse et la nomination d’un conseiller en sécurité environnementale.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a fait remarquer qu’il n’y a pas de solution toute faite et de modèle unique en matière de lutte contre le terrorisme et que chaque pays et chaque région fait face à des défis spécifiques. Il a noté, par exemple, que la spécificité des liens entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme varie en fonction des pays et des régions. En outre, il a jugé essentiel de promouvoir le dialogue régional pour partager les meilleures pratiques et expertises en matière de lutte contre le terrorisme. Il a aussi recommandé de faciliter la collaboration afin de renforcer les capacités africaines pour permettre notamment aux pays de faire face à des défis comme le retour des combattants étrangers et de leurs familles. Il a d’ailleurs jugé indispensable de développer des capacités nationales et régionales en matière de poursuite, réhabilitation et réintégration conformément aux résolutions 2178 (2014) et 2396 (2017).
Au-delà du renforcement de l’état de droit, le représentant a prôné des approches souples en matière de prévention du terrorisme: il faut favoriser la diffusion de messages de paix, de modération et de tolérance en répondant notamment aux frustrations qui peuvent être exploitées par les groupes terroristes. M. Djani a aussi invité à renforcer les capacités en matière de lutte contre le terrorisme par le biais de la coopération Sud-Sud, avant de préciser que son pays prévoit d’accueillir dans quelques mois un séminaire sur la lutte contre le terrorisme pour les pays africains.
Pour M. OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE) auprès de l’ONU, la lutte contre le terrorisme est une priorité commune pour l’Afrique comme pour l’Europe. Exprimant sa solidarité avec les proches des victimes de ce fléau, il a constaté qu’en dépit des efforts déployés, la menace n’a pas été éradiquée. Loin s’en faut même puisque, selon le rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions paru en janvier, la menace terroriste s’étend en Afrique de l’Ouest, passant du Sahel aux zones côtières, et se propage désormais à des régions dans l’est de l’Afrique, notamment au Mozambique. Face à ce fléau, a-t-il affirmé, l’UE prône une démarche axée sur les droits de la personne, les libertés fondamentales et le respect de l’état de droit. Autant de mesures qui doivent aller de pair avec l’égalité des sexes et la protection des enfants.
Dans ce contexte transnational, les terroristes ont « mondialisé leurs modes opératoires », a souligné le représentant, ce qui réclame une réponse plus coordonnée et plus intégrée. De surcroît, a-t-il relevé, le lien entre la criminalité organisée et l’expansion de l’extrémisme violent met à mal la stabilité des États fragiles d’Afrique, dont la résilience doit être renforcée. À cet égard, a précisé le délégué, l’UE appuie les efforts de ses partenaires africains visant à répondre à tout l’éventail des défis posés par le terrorisme. Elle concentre notamment ses efforts dans la Corne de l’Afrique, en particulier en Somalie via la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), dans le bassin du lac Tchad et au Sahel.
Parallèlement, a-t-il poursuivi, l’UE coopère avec plusieurs agences des Nations Unies, notamment le Bureau de lutte contre le terrorisme, avec lequel elle a aidé le Soudan à normaliser ses relations avec la communauté internationale, et la DECT. Enfin, jugeant essentiel de diagnostiquer les causes profondes du terrorisme, le représentant a plaidé pour la coopération internationale face au fléau du terrorisme, évoquant l’exemple du récent sommet de Pau, qui a permis de lancer une « coalition du Sahel » à cette fin. Il a terminé en se disant impatient de connaître le résultat du prochain sommet extraordinaire de l’UA qui se tiendra en mai en Afrique du Sud avec pour thème la lutte antiterroriste.
M. ALIE KABBA (Sierra Leone) a appelé à privilégier la prévention pour faire face aux causes du terrorisme en privilégiant une approche reposant notamment sur la bonne gouvernance, la protection des droits de l’homme et l’adaptation climatique. Il a estimé que la dimension transnationale du terrorisme appelle à renforcer la coopération multilatérale avec l’Afrique. Il a aussi appelé l’ONU à davantage appuyer les États Membres pour les aider à renforcer leurs capacités de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Les États bien dotés doivent pour leur part fournir un appui technique et financier pour aider l’Afrique à renforcer ses efforts antiterroristes, a-t-il ajouté.
Le représentant a ensuite parlé des mesures déployées par la Sierra Leone pour mettre en œuvre la stratégie antiterroriste de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une stratégie de communication reposant sur des débats radiophoniques et télévisuels et des conférences de presse, vise notamment à combattre la radicalisation. Un atelier a également été organisé en février 2020 dans le but de renforcer la collaboration entre le Gouvernement et la communauté religieuse. De plus, certains dirigeants religieux ont commencé une tournée nationale pour souligner que l’Islam est une religion de paix. Comme autres mesures en cours, une formation est offerte au personnel de sécurité, une législation antiterroriste vient d’être été élaborée et devrait être promulguée, et la loi de lutte contre le financement du terrorisme a été renforcée. Le Gouvernement est également en train d’améliorer les capacités du Ministère de la jeunesse pour lui permettre de fournir des formations et des perspectives d’emplois aux jeunes. M. Kabba a aussi insisté sur l’importance de répondre et de promouvoir les droits des victimes du terrorisme.
M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) s’est félicité que le Conseil débatte de la lutte contre le terrorisme, qui est un des sujets les plus importants de l’agenda international. L’Égypte, compte tenu de sa proximité géographique avec des États frappés par le terrorisme et l’extrémisme violent, a acquis une expertise dans la façon d’appréhender cette menace, a-t-il assuré. Évoquant la menace terroriste au Sahel, le représentant a indiqué que son pays a suivi l’évolution des groupes armés dans cette sous-région. Selon lui, le faible contexte institutionnel de certains États du Sahel a permis à ces groupes de proliférer et de gagner en puissance. De plus, les organisations terroristes au Sahel profitent de différentes formes de criminalité organisée comme le trafic de drogue, la traite des personnes et la levée de taxes illégales. À cet égard, a souligné le délégué, l’Égypte appuie tous les efforts onusiens et régionaux visant à éradiquer ces fléaux au Sahel et à faire respecter l’état de droit dans les cinq pays concernés, à commencer par le soutien à la Force conjointe du G5 Sahel. Il a ajouté que son pays croit au rôle d’un État fort pour sortir du terrorisme. C’est pourquoi l’Égypte met l’accent sur la dimension sécuritaire de cette lutte et fournit 1 000 bourses de formation à des personnels militaires au Sahel.
S’agissant de la Libye, M. Edrees a jugé que la menace terroriste dans ce pays exige que la communauté internationale se prononce fermement. La menace a pris une telle ampleur qu’elle met désormais en péril la paix et la sécurité internationales, a-t-il regretté, avant de se dire particulièrement préoccupé par les transferts de combattants étrangers vers ce pays, au mépris des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Ces agissements mettent en danger les efforts de paix, notamment ceux déployés à la suite de la Conférence de Berlin, a averti le représentant, notant que ces milices sont appuyées financièrement et logistiquement par des pays étrangers. Il est incroyable de constater que ce mépris flagrant du droit international se déroule sous nos yeux, comme indiqué par le rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions de l’équipe de contrôle et de vérification, a-t-il encore commenté. Face à des terroristes dont l’objectif est de générer le chaos et d’entretenir les tensions, la mise en œuvre des résolutions et de la justice est essentielle, a-t-il plaidé. De même, il faut respecter les critères permettant d’inscrire des individus sur les listes de sanctions. Enfin, invitant le Conseil à faire respecter ses résolutions, notamment la 2393 qui porte sur le déplacement de combattants terroristes étrangers, le représentant a rappelé qu’aux côtés de l’Espagne, l’Égypte présidera le septième examen biennal de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.
M. OMER MOHAMED AHMED SIDDIG (Soudan) a indiqué que le Premier Ministre soudanais avait été visé, récemment, par une tentative d’assassinat, imaginant que si cet attentat avait réussi, il aurait torpillé les perspectives de paix dans son pays. Il a appelé à mettre sur pied un régime multipartite efficace pour faire face aux menaces que connaît le monde et a insisté sur le rôle capital joué par l’ONU pour combattre le terrorisme. Il a aussi indiqué que le Soudan a ratifié toutes les conventions internationales, africaines et arabes de lutte contre le terrorisme.
Le représentant a ensuite condamné le terrorisme sous toute ses formes et a appuyé la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, notant que sa mise en œuvre incombe aux États Membres. Il s’est enorgueilli de ce que le Soudan ait été l’un des premiers pays à soumettre son rapport sur la mise en œuvre de cette Stratégie. Il a aussi insisté sur le rôle important du Conseil de sécurité dans ce domaine et a appelé à renforcer le partenariat entre l’ONU et l’UA. Il importe aussi de renforcer les capacités nationales des États pour les aider à mettre en œuvre la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, a-t-il recommandé.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déclaré que 2019 fut pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, l’une des années les plus dramatiques en raison de la multiplication des attaques terroristes. En dépit des efforts consentis par les gouvernements africains, les organisations terroristes continuent de prospérer sur le terreau fertile de la fragilité de certains États et des conflits communautaires récurrents. De même, le chômage des jeunes, la faiblesse des systèmes de sécurité, l’absence d’infrastructures sociales de base et la corruption participent à la création d’un environnement propice à l’enracinement du terrorisme et de l’extrémisme. Le représentant a appelé à un engagement plus fort de la communauté internationale pour accompagner les États à investir dans la construction de sociétés résilientes. Ces États doivent pour leur part veiller à répondre aux multiples préoccupations de leurs populations.
En matière de prévention, le représentant a estimé que les réseaux sociaux peuvent servir à la sensibilisation contre toutes les formes de violence et à la lutte contre toute idéologie et rhétorique radicale des groupes antiterroristes. Agir sur le levier de l’éducation peut de même contribuer à prévenir ces fléaux, a-t-il ajouté, notant que le désœuvrement des jeunes et le déficit d’éducation les rendent vulnérables aux discours fondamentalistes. Il a également souligné que le caractère transnational du terrorisme et de l’extrémisme violent exige une coopération renforcée entre les États aux niveaux régional et sous-régional. Il a rappelé le lancement, en 2017, de l’Initiative d’Accra qui a permis la création d’une plateforme d’échange d’informations et de renseignement entre le Benin, le Burkina Faso, le Ghana, le Togo et la Cote d’Ivoire. De même les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO et de l’UEMOA ont pris des engagements financiers en vue de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme. C’est également l’impératif d’une coopération régionale efficace qui est à l’origine de la mise en place du G5 Sahel et de la Commission du bassin du lac Tchad, a fait observer le représentant qui a appelé à un soutien accru à l’opérationnalisation de la Force conjointe et de la Force multilatérale mixte.
Passant à l’action de la Côte d’Ivoire, M. Adom a indiqué qu’avec l’appui de la France, une Académie internationale de lutte contre le terrorisme est en création. Par ailleurs, le Gouvernement initie diverses actions afin de faire face aux besoins sociaux des populations vulnérables, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Il a ensuite appelé à la mise en œuvre effective de la Stratégie antiterrorisme mondiale des Nations Unies et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
M. OMAR HILALE (Maroc) a estimé que ce débat tombe à point nommé, alors que le terrorisme est devenu l’une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité internationales, une menace qui entrave aussi la concrétisation des objectifs de développement durable et des droits humains universels. Ce constat, a-t-il dit, s’applique à l’Afrique, et tout particulièrement au Sahel, où les terroristes s’attaquent de plus en plus aux infrastructures cruciales et aux cibles vulnérables. De fait, a souligné le représentant, les séparatistes et les groupes armés non étatiques, notamment ceux dont les liens avec des groupes terroristes sont avérés, représentent une réelle menace à la paix et à la sécurité. Jugeant impératif de s’attaquer aux causes profondes qui poussent des populations à rejoindre les terroristes, le délégué a assuré que son pays s’est engagé en faveur de la promotion d’une approche globale de ce fléau conjuguant la dimension sécuritaire, la réalisation du développement économique et humain et la préservation de l’identité culturelle et cultuelle. Cette approche ambitionne de renforcer la résilience face à la nature complexe et multidimensionnelle des défis auxquels le continent est confronté.
Dans ce cadre, le Maroc s’investit dans des projets concrets au bénéfice de « pays africains frères », notamment dans des projets ciblant les populations les plus défavorisées, a poursuivi M. Hilale. En plus du développement socioéconomique, le Maroc s’emploie à promouvoir et à protéger l’islam modéré, tolérant et ouvert, « prévalant historiquement dans la région ». C’est ainsi que l’Institut Mohammed VI de formation des imams prédicateurs a formé 1 754 imams de plusieurs pays africains. Face à une menace terroriste multiforme, évolutive et durable, il est nécessaire de privilégier l’édification de sociétés pacifiques, inclusives et prospères fondées sur l’état de droit, les droits humains et le développement durable, a aussi plaidé le représentant. Il est en outre indispensable, selon lui, d’opposer à ces menaces des mesures résolues et proportionnées, complétées par des investissements à moyen et long terme en faveur de la prévention et du renforcement de la résilience.
M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a relevé que si le terrorisme est une menace mondiale, ses racines, à savoir la radicalisation et l’extrémisme, sont locales. Les terroristes prospèrent, a-t-il reconnu, là où les minorités et les groupes désavantagés sont exclus et marginalisés et où l’autorité de l’état est faible, voire inexistante. Il a également pointé la prolifération de l’intolérance et des discours de haine sur Internet et les médias sociaux. Il a estimé, à son tour, que les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être assortis de mesures visant à promouvoir le développement socioéconomique à commencer par l’emploi des jeunes, la lutte contre la pauvreté et les violences intercommunautaires. Les femmes et les jeunes doivent être impliqués de manière active dans la prise de décisions à tous les niveaux, a ajouté le représentant.
Il a souligné que les pays en développement ont beaucoup de mal à mettre en œuvre les cadres juridiques et les régimes de sanctions, sans une contribution au renforcement de leurs capacités et sans un appui technique, en particulier pour couper les sources de revenus des terroristes. M. Amde a appelé l’ONU à renforcer son partenariat avec l’UA, mais aussi à soutenir l’initiative Faire taire les armes en Afrique. Il s’est également soucié de l’impact des changements climatiques sur les conflits communautaires, voyant là une situation que les terroristes tentent d’exploiter. Une coopération régionale plus ferme s’impose en matière de partage d’informations et de renseignements et de gestion conjointe des frontières, a poursuivi le représentant. Il a préconisé une gestion transfrontalière des ressources naturelles, a-t-il insisté.
Le représentant s’est attardé sur le phénomène des Chabab et leur faculté à lever des fonds et à mener des attaques meurtrières. Pour éliminer cette menace une fois pour toutes, il faut appuyer l’AMISOM, investir dans le renforcement des capacités de l’Armée nationale somalienne et intensifier l’appui au Gouvernement somalien en cette année électorale, a prêché le représentant. L’Éthiopie, a-t-il conclu, est en train de mener d’importantes réformes aux niveaux juridique, économique et politique. Des mesures ont également été prises pour établir un système d’établissement des responsabilités pour les violations graves des droits de l’homme et accélérer la réforme du système de justice pénale et des services de sécurité.
M. MOHAMED SIAD DOUALEH (Djibouti) a observé que le fléau du terrorisme n’a fait que croître en Afrique depuis le début des années 1990. L’année 2019 a été particulièrement meurtrière, a-t-il déploré, estimant à cet égard que la communauté internationale gagnerait à mener une analyse statistique des schémas d’attaques des terroristes et des réponses apportées. Rappelant ensuite que le trente-troisième sommet des chefs d’État de l’UA, qui a eu lieu à Addis-Abeba en février, a consacré 2020 comme l’année de « faire taire les armes », le délégué a fait état de « développements positifs » sur le continent, à commencer par la formation d’un gouvernement provisoire d’unité nationale au Soudan du Sud. Cependant, a-t-il relevé, en remettant en cause les avancées encourageantes, la menace terroriste constitue le plus grand péril à la mise en œuvre de la stratégie continentale de gestion des crises. Plus grave encore, le flux croissant de combattants étrangers en provenance de Syrie et d’Iraq permet à des groupuscules déjà présents en Afrique de renforcer leurs capacités de mutation et de diversifier leurs sources de financement. Face à cette situation, le sommet de l’Union africaine a entériné le déploiement de 3 000 soldats au Sahel au travers de la Force africaine en attente, s’est-il félicité.
Rappelant ensuite que son pays contribue depuis le début des années 2000 aux efforts régionaux, continentaux et internationaux visant à lutter contre le fléau du terrorisme et de la piraterie maritime dans le Golfe d’Aden, le délégué a assuré que Djibouti maintient la plus grande vigilance sur le plan religieux, en favorisant une « immunisation de la pensée contre les discours extrémistes », tout en procédant à des investissements massifs dans les secteurs sociaux prioritaires et en renforçant son arsenal juridique et préventif. Enfin, après avoir plaidé pour le respect des engagements en matière d’aide au développement, le partage d’expériences dans cette guerre contre la terreur est une plus grande prévisibilité dans le financement des opérations de maintien de la paix, il a conclu sur un avertissement. « Le continent africain est en passe de devenir la plaque tournante du terrorisme transnational », a-t-il soutenu, estimant que seule une organisation supérieure à celle des groupes terroristes pourra proposer une réponse durable.
Mme FATOUMATA KABA (Guinée) a indiqué que le terrorisme et l’extrémisme violent sont des défis auxquels l’Afrique est confrontée depuis de trop nombreuses années sans pourvoir y apporter une solution en raison des causes multiples et complexes et de l’évolution permanente des stratégies mises en œuvre par les groupes terroristes. Elle a alerté que le bilan des activités terroristes en Afrique s’évalue en millier de victimes et en millions de personnes déplacées, avec un retrait des services étatiques dans les zones affectées. Elle s’est inquiétée du fait que la communauté internationale peine à trouver une définition consensuelle et une réponse appropriée, notant que cette lacune est l’un des obstacles à la mise en œuvre d’une stratégie globale et efficace de lutte contre le fléau. Il est grand temps que le Conseil de sécurité accorde toute l’attention qu’il faut à la lutte contre le terrorisme en Afrique au regard de l’ampleur et de la complexité des mouvements terroristes qui y opèrent, a-t-elle dit.
La représentante a considéré que la lutte contre le terrorisme dans ce continent doit notamment mettre l’accent sur le règlement urgent des conflits qui persistent, la mise en œuvre effective des instruments pertinents sur la démocratie et la gouvernance et une coopération renforcée entre les organisations régionales et l’ONU. Elle a aussi appelé au renforcement des capacités des forces armées africaines, au gel des avoirs et des sources financement des activités terroristes, au partage des informations, au renforcement des procédures d’identification des combattants terroristes étrangers, et à la lutte contre la pauvreté endémique en Afrique, entres autres. Outre l’appui à la campagne qui vise à faire taire les armes en Afrique en 2020, elle a appelé à donner un mandat clair et un mandat conséquent à la force multinationale mixte de lutte contre Boko Haram et à la Force conjointe du G5 Sahel. Enfin, Mme Kaba a salué la mise en place du Plan de soutien des Nations Unies destiné à 10 pays, dont la Guinée, estimant que cette nouvelle approche contribue à lutter contre l’extrême pauvreté, les inégalités et les effets pervers des changements climatiques, qui sont des terreaux pour le terrorisme.
Pour M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon), le modèle linéaire pour la paix et la sécurité ne peut plus suivre le rythme de l’environnement en mutation rapide en Afrique et en particulier au Sahel. Il a évoqué à cet égard le « cercle vicieux » qui entretient le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique, en proposant trois moyens potentiels pour en sortir.
En premier lieu, a-t-il plaidé, il faut donner aux communautés locales les moyens de lutter contre ces fléaux parce que trop souvent ce sont les griefs locaux qui donnent aux terroristes une base de soutien. Pour y remédier -y compris pour combattre le manque de sécurité, de justice, de gouvernance et de services sociaux-, il faut miser sur un système de soutien durable, à savoir la communauté, a expliqué le représentant. Pour le Japon, une approche centrée sur la personne peut changer la donne et permettre de renforcer la résilience en vue de parvenir à la paix et la stabilité en Afrique, mais cela ne se fait pas automatiquement et cela suppose un développement inclusif, a précisé le représentant. Il faut également renforcer les capacités institutionnelles pour arriver à toucher les communautés locales. Cela suppose de miser sur le long terme, a expliqué le délégué, notamment sur des institutions fortes et dignes de confiance et, parallèlement, sur le développement économique. Les communautés locales peuvent être un rempart contre l’extrémisme violent, a-t-il affirmé, mais uniquement si une bonne gouvernance du secteur sécuritaire est en place.
C’est la raison pour laquelle le Japon a placé le renforcement des capacités dirigé par l’Afrique au cœur de son engagement, en particulier dans le secteur de la sécurité et de la justice. Depuis 2008, le Japon a ainsi collaboré avec 14 centres de formation au maintien de la paix en Afrique pour renforcer les capacités pluridimensionnelles régionales du maintien de la paix ONU/UA. Il a également soutenu des programmes de formation en justice pénale dans les pays africains francophones pour consolider les capacités de la police, des procureurs et des juges à travers la coopération Sud-Sud. Tout en mettant l’accent sur les communautés locales, le Japon est conscient de la menace transfrontalière et transnationale que représente le terrorisme et encourage la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales pour la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, a dit le représentant en concluant son intervention.
Pour M. SOFIANE MIMOUNI (Algérie), le terrorisme reste une menace internationale grave pour laquelle nul pays n’est à l’abri et qui n’a pas épargné l’Afrique. En dépit des pertes de territoire par certains groupes terroristes, on assiste à une augmentation alarmante dans les recrutements de l’EIIL et d’Al-Qaida en particulier en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel. Par conséquent, il va falloir s’attaquer aux causes profondes du terrorisme ce qui suppose une démarche globale pour le développement socioéconomique, a martelé le représentant pour qui cela doit inclure la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance, la prévention des conflits, le renforcement des institutions de l’État et la lutte contre les inégalités, la pauvreté et la radicalisation. M. Mimouni a ajouté qu’il fallait en plus veiller à la mise en œuvre du Programme 2030 et à l’implication des communautés locales à cet égard.
L’Algérie est parvenue à tenir en échec le terrorisme dans les années 90, a-t-il rappelé, et le pays se trouve aujourd’hui sur les devants de la scène dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent car il met particulièrement l’accent sur la lutte contre les facteurs d’exclusion, la marginalisation et les injustices sociales, des facteurs qui sont souvent exploités par la propagande terroriste. Elle s’attache également à promouvoir la démocratie et à défendre les droits de la personne et les libertés fondamentales tout en luttant contre le terrorisme résiduel. À l’échelle régionale, a indiqué le représentant, l’Algérie coopère notamment avec les pays du Sahel grâce à différents mécanismes comme l’Unité de centralisation du renseignement et de liaison du Sahel. En qualité de champion de l’UA dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, l’Algérie présente des rapports sur une base régulière notamment sur la radicalisation des jeunes, un phénomène qui gagne du terrain, et aussi sur les liens entre terrorisme et criminalité transnationale organisée qui ont atteint des « proportions effrayantes », selon le délégué.
De surcroit l’Algérie a présenté à l’UA un mémorandum sur les sept piliers autours desquels pourrait s’articuler la stratégie de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent de l’UA notamment en tarissant les sources de financement du terrorisme et en luttant contre le problème des combattants terroristes étrangers. Plusieurs initiatives de sécurité ont été lancées au niveau du continent, a rappelé M. Mimouni, en citant le processus de Nouakchott ainsi que l’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL) et le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT) qui se trouvent tous deux à Alger et continuent de jouer un rôle important dans le renforcement des capacités africaines de lutte antiterroriste et contre le crime transnational organisé. Enfin, dans le cadre des efforts internationaux, l’Algérie coopère avec d’autres acteurs comme le Forum mondial de lutte contre le terrorisme et dans le cadre du Groupe de travail pour l’Afrique de l’Ouest qu’elle préside avec l’Allemagne, a encore indiqué M. Mimouni.
M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a souligné les souffrances infligées à son pays et à l’Afrique par les groupes terroristes, dont les Chabab et Boko Haram. Le Kenya continue d’être aux avant-postes de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent et reste déterminé à forger des partenariats pour élaborer une approche stratégique et opérationnelle pour prévenir et combattre lesdits terrorisme et extrémisme violent, a-t-il dit. Le délégué a ensuite rappelé les propositions avancées lors de la conférence de haut-niveau qui s’est tenue en juillet 2019 à Nairobi sur le sujet, dont les coprésidents étaient le Président du Kenya, le Président de la Commission de l’Union africaine et le Secrétaire général de l’ONU. Parmi ces propositions, le délégué a cité le renforcement de la coopération antiterroriste africaine, régionale et sous-régionale, la tenue de dialogues annuels entre l’ONU et l’UA ou bien encore la création d’une plateforme interagences au Kenya afin de mieux coordonner les efforts antiterroristes régionaux.
Face au terrorisme, M. Amayo a plaidé pour une approche globale, impliquant toute la société et le gouvernement. Il a aussi recommandé de lutter contre les facteurs de fragilité, en vue notamment de renforcer l’autorité de l’État dans les territoires vulnérables. En outre, il faut des initiatives transfrontières et le développement de programmes robustes de désarmement, démobilisation et réintégration. Le Conseil de sécurité doit faire en sorte que toutes les entités associées à des groupes terroristes notoires soient inscrites sur ses listes pour mieux les contrer, a-t-il dit. Il a aussi exhorté les États Membres à s’acquitter de leurs obligations en vertu notamment de la résolution 2322 (2016). Enfin, M. Amayo a appelé la communauté internationale à doter l’AMISOM d’un financement adéquat, étant donné que « la guerre contre le terrorisme des Chabab est loin d’être terminée ».
M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a relevé que les moteurs du terrorisme sont l’idéologie, le manque de développement, la prolifération des armes légères et de petit calibre, ou encore le manque d’état de droit. Il a souligné l’importance des cadres africains pour renforcer les capacités des États Membres à lutter contre le terrorisme, citant notamment les liens entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Il a salué l’importance du Comité des services de renseignement et de sécurité africains (CISSA), du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme ou encore de l’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL). Il a souligné la pertinence de la stratégie de la CEDEAO qui s’appuie sur trois piliers, à savoir la prévention, la lutte contre le terrorisme et la reconstruction des communautés après les conflits.
Au niveau national, le Nigéria a adopté en 2014 une stratégie de lutte contre le terrorisme (NACTEST) puis, en 20017, un cadre de prévention de l’extrémisme. Notant que les groupes terroristes se nourrissent des faiblesses des États, le représentant a demandé au Conseil de sécurité d’aider les pays en développement à agir plus fermement contre le terrorisme. Il s’est inquiété des faibles capacités de gestion des frontières des pays africains. Parce que le terrorisme est un fléau mondial, il a jugé important de privilégier une coopération internationale qui permette de soutenir les pays dans le besoin. Il a aussi salué le rôle de l’ONUDC.
Mme YOHANNES (Érythrée) a souligné la nécessité de disposer de mécanismes de coordination robustes aux niveaux régional et mondial pour lutter contre le terrorisme. Elle a suggéré la création d’arrangements flexibles pour la coopération dans le domaine de la défense, pour faire face à des menaces spécifiques. Mettant l’accent sur l’importance de la coopération régionale, la représentante a indiqué que son pays a accueilli des sommets sur les relations bilatérales et multilatérales. Illustrant son propos, elle a cité la tenue en janvier 2020 d’une réunion trilatérale au cours de laquelle les présidents de l’Érythrée, de l’Éthiopie et de la Somalie se sont accordés sur un plan pour combattre ensemble et neutraliser des menaces communes, comme le terrorisme ou les trafics d’armes de personnes et de stupéfiants. La représentante a indiqué que son pays continue d’améliorer son cadre juridique pour prévenir les actes de terrorisme et condamner leurs auteurs, en mettant notamment l’accent sur le financement du terrorisme.
M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a rappelé que le sommet de l’UA, qui s’est tenue en février 2020, a été l’occasion de s’accorder sur la nécessité de lutter contre les liens entre terrorisme et criminalité transnationale organisée. Il a souligné la difficulté pour les pays africains d’assurer la sécurité de leurs frontières. Il a précisé que l’Angola a adopté en novembre 2019 une loi encadrant la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le terrorisme, expliquant que cette loi impose des devoirs de vérification accrue aux personnes politiquement exposées. « Cette loi, qui fait suite à des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), interdit la création de banques intermédiaires, qui sont responsables de 70% de la circulation des capitaux appartenant à des organisations terroristes. Soulignant le caractère fondamental de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme, le représentant de l’Angola a souligné l’importance des résolutions 1373, 1624 et 2178 du Conseil de sécurité.
M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a constaté que les efforts multidimensionnels jusqu’ici déployés sur le continent africain, notamment dans la bande sahélo-saharienne, n’ont pas encore permis d’endiguer la menace sécuritaire liée au terrorisme et à l’extrémisme violent. Déplorant une prolifération rapide de la menace dans cette partie du continent, il a rappelé qu’en 2019, plus de 700 attaques terroristes commises par des groupes terroristes, des réseaux criminels et des milices communautaires et tribales ont été recensées au Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les attaques menacent désormais les États côtiers et que des trafics en tout genre alimentent les réseaux terroristes, favorisant par là même la migration clandestine.
Face à ce fléau, qui met en péril la réalisation des objectifs de développement durable, l’heure est venue de revoir nos cadres d’action, a poursuivi le représentant. Saluant le plan d’action 2020-2024 de lutte contre le terrorisme adopté par la CEDEAO en décembre dernier, il a estimé que cette initiative est à encourager, de même que la stratégie régionale en faveur de la stabilisation menée par l’UA et la Commission du lac Tchad. Il s’est aussi félicité des actions du G5 Sahel et de la déclaration commune signée en janvier à Pau entre la France certains pays de la sous-région, qui jette les bases d’une « coalition pour le Sahel ». La mise en œuvre de ces efforts est toutefois confrontée à la difficulté de mobiliser le financement nécessaire, a-t-il noté, appelant les États à respecter les engagements pris dans le cadre de ces initiatives.
Considérant que la réponse à apporter ne peut être uniquement financière et sécuritaire, le délégué a indiqué que son pays met en œuvre une stratégie antiterroriste axée sur la prévention, via des programmes de développement économique et social pour combattre les causes structurelles et conjoncturelles du terrorisme. Parallèlement, le Sénégal mène des campagnes de sensibilisation associant société civile, leaders d’opinion, chefs coutumiers et religieux et jeunes, dans le but de promouvoir une alternative aux discours de propagande haineux des groupes terroristes. Il collabore en outre avec des institutions spécialisées de l’ONU telles que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Bureau de lutte contre le terrorisme, tout en coopérant avec des partenaires bilatéraux dans les domaines de l’assistance technique, du partage de données et du renseignement en matière de flux de financement. Dans ce monde globalisé, où aucun pays ne peut faire face, seul, à la menace terroriste, il a jugé impératif d’adopter une stratégie intégrée prenant notamment en compte la lutte contre le financement du terrorisme, dans l’esprit de la résolution 2462 (2019).
M. KOKOU KPAYEDO (Togo) a insisté sur la gravité croissante de la menace terroriste en Afrique subsaharienne et notamment en Afrique de l’Ouest où « plus un seul jour ne passe sans qu’on ne dénombre une victime du terrorisme ». Ces quatre dernières années, l’Afrique de l’Ouest a été victime de plus de 2200 attaques qui ont occasionné 11 500 morts, des milliers de blessés et des millions de déplacés, a-t-il rappelé avant de saluer les efforts déployés par la Force G5 Sahel pour lutter contre ce fléau et sécuriser les différentes zones atteintes. Mais, compte tenu des difficultés rencontrées par la Force sur le terrain, il a plaidé pour une approche plus élargie de ce combat qui « ne peut et ne doit se circonscrire aux seuls États qui y font face de longue date ».
Le Togo salue la nouvelle dynamique impulsée par la CEDEAO dont les membres ont annoncé, en septembre 2019, leur volonté de mobiliser un milliard de dollars sur quatre ans en soutien aux actions du G5 Sahel. Il se félicite en outre de l’engagement de l’ONU aux côtés des États Membres qui, à travers le Comité contre le terrorisme, appuie les États dans leurs initiatives nationales pour juguler ce mal. Dans le cas du Togo, à l’issue d’une visite d’évaluation en juillet 2019, le Comité a formulé des recommandations sur l’architecture nationale du Comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent. Des mesures ont également été prises pour lutter contre les transferts illicites de fonds afin de tarir les sources potentielles de financement des réseaux terroristes, a encore précisé le représentant. Le Togo a également misé sur l’inclusion pour empêcher le recrutement par des réseaux terroristes en orientant prioritairement son action vers la consolidation de l’état de droit et l’enracinement de la démocratie, l’éducation à la paix et à la citoyenneté ainsi que la lutte contre les discours de haine, a expliqué M. Kpayedo. Ces mesures transparaissent clairement dans le Plan national de développement du Togo dont l’Axe 3 est intitulé « consolidation du développement social et renforcement des mécanismes d’inclusion ».