Conseil de sécurité: pour certaines délégations, les frappes aériennes contre des troupes turques dans le nord-ouest de la Syrie montrent les limites du processus d’Astana
Quelques heures à peine après que le Conseil de sécurité a tenu sa réunion hier sur l’« inhumanité » de la situation humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, 33 soldats turcs y perdaient la vie dans des frappes aériennes. Aujourd’hui, les membres du Conseil se sont retrouvés pour condamner cette escalade, appeler à un cessez-le-feu immédiat et pour certains d’entre eux, souligner l’incapacité du processus d’Astana de faire taire les armes.
Ces neuf derniers jours, a expliqué la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, des groupes armés non étatiques ont lancé une contre-offensive dans l’est d’Edleb, reprenant des mains des forces gouvernementales syriennes, la ville de Saraqib, grâce, selon les suspicions, au rôle d’appui des forces turques. Hier, une attaque a été lancée contre ces forces, faisant, selon le Ministre de la défense turc, 33 morts et 32 blessés parmi les soldats. Le Ministère russe de la défense a confirmé qu’un nombre non spécifié de soldats turcs, qui se seraient trouvés aux côtés de groupes armés non étatiques, ont été la cible de frappes du Gouvernement syrien. En représailles, la Turquie a frappé des positions du Gouvernement syrien avec des aéronefs, des drones armés et de l’artillerie.
Le Secrétaire général de l’ONU n’a pas caché sa profonde préoccupation face à la « nature changeante » du conflit à Edleb car au-delà de la situation humanitaire dramatique, nous faisons face, a-t-il alerté, à une escalade réelle. Le fait que les Présidents russe et turc se soient parlés ce matin-même et qu’une délégation russe séjourne à Ankara, sans être parvenu à un accord, crée, s’est alarmé M. António Guterres, un environnement où le risque d’une escalade qui échapperait à tout contrôle n’est plus à écarter. Le Secrétaire général a dit insister sur le cessez-le-feu non seulement pour améliorer une situation humanitaire catastrophique mais aussi pour éviter une montée des tensions qui pourrait mener à un conflit d’une nature différente, avec des conséquences tragiques.
Les civils d’Edleb, en proie à une terreur quotidienne, et cherchant à échapper aux bombardements et aux tirs de mortiers, ne demandent pas une pause dans les combats mais un arrêt des combats. « Nous devons tous assumer notre responsabilité de faire tout ce que nous pouvons pour que la violence cesse », a martelé la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques. Il est clair désormais, a estimé le Royaume-Uni, que le processus d’Astana ne mènera pas à un cessez-le-feu durable. Il semble que cette initiative n’avait pour but que de faciliter le soutien russe au régime syrien.
L’attaque d’hier, ont renchéri les États-Unis, a été « le dernier clou du cercueil d’Astana ». Ce format, ont-ils estimé, ne peut plus être réparé et nous ne pouvons lui confier le travail vital d’établir un nouveau cessez-le-feu. Exigeant un cessez-le-feu « immédiat, durable et vérifiable », seule réponse au conflit, les États-Unis ont exhorté le Secrétaire général à faire tout son possible pour l’obtenir, conformément à la résolution 2254 (2015).
Le Secrétaire général et son Envoyé spécial, a ajouté la France, doivent également se consacrer à la reprise du processus intersyrien, qui seul peut aboutir à un règlement de la crise syrienne et aborder la question des élections. La France a toutefois relevé que ce processus politique ne saurait se résumer à des discussions constitutionnelles, lesquelles servent aujourd’hui de « paravent » au régime pour poursuivre une stratégie limitée à la reconquête militaire. La Fédération de Russie, a exhorté la France, doit revenir aux arrangements de cessez-le-feu de l’automne 2018.
Nous restons attachés au mémorandum de Sotchi, a confirmé la Fédération de Russie qui a assuré de sa volonté d’apaiser les tensions, expliquant que « l’incident » qui a impliqué des militaires turcs était dû à un manque de coopération dans l’échange des coordonnées. Les civils, a-t-elle assuré, subissent les assauts des terroristes qui ont pris des positions dans la zone d’Edleb, ces derniers mois. Dans ce contexte, a plaidé la Fédération de Russie, le Gouvernement syrien « a le droit » de réagir et de faire respecter sa souveraineté nationale conformément à la Charte des Nations Unies.
Elle a mis en garde « les Occidentaux » contre l’erreur qui consisterait à s’associer à des mouvements terroristes comme en Afghanistan, en Iraq ou encore en Libye. Le problème d’Edleb, a dit à son tour la Chine, tient au fait que les forces terroristes contrôlent la région. Il faut donc que les parties en présence recherchent une solution dans le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie et que le Conseil de sécurité garde « son impartialité ».
Mais ceux qui ont demandé cette réunion du Conseil ne veulent qu’une chose: discréditer le format d’Astana, a soupçonné la République arabe syrienne. Les trois garants du processus, a-t-il rappelé, « dont le régime turc », se sont accordés en 2017 sur la mise en place de zones de désescalade, sur les mesures à prendre pour respecter le cessez-le-feu et lutter contre tous les groupes terroristes et sur l’action à mener pour séparer l’opposition armée des groupes terroristes. Or aujourd’hui, a accusé la Syrie, les postes d’observation de la Turquie se sont transformés en postes d’appui aux groupes terroristes. Nous appelons les délégations européennes à ne pas tomber dans le piège des manigances de l’armée turque. Edleb est en Syrie, pas en Californie ni en Belgique et encore moins en France et nous allons continuer à y combattre le terrorisme, a promis la Syrie.
La Turquie a, à son tour, promis qu’elle n’abandonnera pas ses postes d’observation et qu’elle poursuivra ses renforts militaires car « il ne fait aucun doute que le régime et ses soutiens ont pour objectif de dépeupler Edleb ». Notre présence, a affirmé la Turquie, est un motif d’espoir pour des millions de civils pris au piège et le dernier rempart contre les crimes contre l’humanité perpétrés par le régime. Il est temps, a voulu la Turquie, que le Conseil dise que « trop, c’est trop ». Elle a mis en garde contre les conséquences qu’aurait en Europe, dans la région et bien au-delà, l’indifférence de la communauté internationale à l’égard des événements d’Edleb.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, s’est dit profondément préoccupé par la nature changeante du conflit à Edleb. Nous sommes au fait de la gravité de la situation humanitaire mais il est important de reconnaître, s’est-il expliqué, que la nature du conflit a changé avec la grave escalade observée ces derniers jours. Tout en saluant l’échange téléphonique ce matin entre les Présidents russe et turc, et l’envoi d’une délégation russe à Ankara, le Secrétaire général s’est inquiété de ce que ces démarches n’aient abouti ni à un accord ni à une évolution positive. En conséquence, a-t-il alerté, nous sommes dans un environnement où le risque d’une escalade échappant à tout contrôle ne peut être écarté, en raison de l’importance des forces présentes à Edleb. Le Secrétaire général a insisté sur le cessez-le-feu pour améliorer la situation humanitaire mais aussi éviter une montée des tensions qui pourraient mener à un conflit d’une nature différente, avec des conséquences tragiques.
Mme ROSEMARY ANNE DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a indiqué que la situation à et autour d’Edleb continue de se détériorer gravement, avant de revenir sur certains évènements clefs. Ces neuf derniers jours, les forces du Gouvernement syrien, avec l’appui aérien russe, ont continué d’avancer, prenant le contrôle d’un large ensemble de villages dans le sud d’Edleb. Les frappes aériennes se sont poursuivies dans les zones de front mais aussi dans des zones densément peuplées, situées loin des affrontements. Pendant la même période, des groupes armés non étatiques ont lancé une contre-offensive dans l’est d’Edleb, reprenant la ville de Saraqib, dont les forces gouvernementales syriennes avaient repris le contrôle ces dernières semaines. Cette opération a eu pour effet de priver le Gouvernement syrien du contrôle de l’autoroute stratégique M5. Les forces turques « auraient » joué un rôle d’appui dans cette opération.
La Secrétaire générale adjointe a indiqué que les délégations turque et russe ont repris leurs discussions, entamées le 26 février, à Ankara, lesquelles se sont poursuivies aujourd’hui, avec des contacts présidentiels par téléphone. Le 27 février, des frappes se sont produites contre des troupes turques présentes en Syrie. Selon le Ministre de la défense turc, a-t-elle poursuivi, 33 soldats turcs ont trouvé la mort et 32 ont été blessés. La Turquie a imputé la situation au Gouvernement syrien. Le Ministère de la défense russe a confirmé qu’un nombre non spécifié de soldats turcs, qui se seraient trouvés aux côtés de groupes armés non étatiques, ont été la cible de frappes du Gouvernement syrien. Le Ministère de la défense turc a noté, qu’après les frappes contre les forces turques, la Turquie a frappé des positions du Gouvernement syrien avec des aéronefs, des drones armés et de l’artillerie.
« Nous exhortons instamment la Russie et la Turquie à s’appuyer sur leurs accords antérieurs afin de sécuriser un nouveau cessez-le-feu dans le nord-ouest syrien », a déclaré Mme DiCarlo. Elle a noté que les derniers développements se déroulent dans le contexte d’une escalade militaire grandissante qui a d’ores et déjà eu des effets dévastateurs pour les civils dans le nord-ouest. « Pendant des mois maintenant, les bombardements et frappes du Gouvernement syrien, avec l’appui de ses alliés, se sont poursuivis dans la soi-disant zone de désescalade d’Edleb », a-t-elle affirmé, notant que ces frappes ont été conduites sans égard apparent pour les civils. Elle a indiqué que près d’un million de personnes ont été déplacées depuis début décembre, dont plus de 560 000 enfants. Ces personnes fuient vers le nord, loin des bombardements accrus, vers des zones d’une superficie toujours plus réduite, où elles espèrent se trouver en sécurité.
Mme DiCarlo a fait état d’au moins 1 750 civils tués depuis avril dernier, ajoutant que le bilan véritable est probablement plus élevé. Trois cent cinquante et un civils ont été tués lors des deux derniers mois. Alors que la majorité de ces civils –94%- ont été tués dans des zones aux mains de l’opposition, cibles des bombardements des forces progouvernementales, 6% ont été tués dans des zones contrôlées par le Gouvernement, a-t-elle dit. « Cela est un rappel que Hayat Tahrir al-Sham, que le Conseil a désigné comme organisation terroriste, et d’autres groupes armés non étatiques ont également frappé des zones densément peuplées de manière indiscriminée. » La Secrétaire générale adjointe a affirmé que les civils sont tués dans les camps de déplacés, dans les écoles et dans les hôpitaux. « Cela se déroule au vu et au su de tous, nuit et jour, jour après jour. Des hôpitaux détruits. Des écoles détruites. Des vies humaines détruites. Et cela se passe sous nos yeux. »
Devant cette litanie toujours plus longue de destructions et d’atrocités, Mme DiCarlo a noté les exhortations incessantes de l’ONU pour un cessez-le-feu et pour rappeler le caractère inacceptable des attaques contre les civils et infrastructures civiles. Nous avons réaffirmé auprès de toutes les parties que toutes les opérations militaires doivent respecter le droit international humanitaire, a-t-elle dit. « Si de tels tactiques et actes odieux persistent malgré l’indignation mondiale, n’est-ce pas dû en grande partie au fait que leurs auteurs ne craignent pas l’établissement des responsabilités et la justice? » Enfin, Mme DiCarlo a rappelé que les civils d’Edleb, en proie à une terreur quotidienne, et qui cherchent à échapper aux bombardements et aux tirs de mortiers, ne demandent pas une pause dans les combats mais un arrêt des combats. « Nous devons tous assumer notre responsabilité de faire tout ce que nous pouvons pour que la violence cesse. »
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a dit soutenir l’appel d’un cessez-le-feu immédiat lancé par le Secrétaire général. Il a appelé au sens de l’humanité de « ceux qui mènent l’offensive » et déploré que malgré la réunion d’hier sur la Syrie, les forces turques aient subi des attaques. Le délégué s’est dit choqué par le bilan de 33 morts parmi les soldats turcs. Ces combats, a-t-il prévenu, aggravent la situation sur le terrain et affectent en premier lieu les civils qui font déjà face à un hiver difficile. Le représentant a insisté sur l’efficacité de l’aide transfrontalière, avant d’estimer qu’il est clair désormais que le processus d’Astana ne mènera pas à un cessez-le-feu durable. Il semble que cette initiative n’avait pour but que de faciliter le soutien russe au régime syrien. Comme alternative, le représentant a prôné un soutien renouvelé à l’Envoyé spécial des Nations Unies.
Nous ne sommes ici ni pour écouter ni pour discuter, a prévenu Mme KELLY CRAFT (États-Unis). Nous sommes ici pour parler franchement et sans gant. Elle a condamné dans les termes les plus vifs possible l’attaque d’hier contre les troupes turques, des attaques qu’elle a qualifiées d’injustifiées, d’insensées et de barbares. Elle a promis un appui sans faille à la Turquie, un allié de l’OTAN. Nous avons vu, a-t-elle dit, la Russie et le « régime d’Assad » violer les accords de cessez-le-feu à trois reprises et cette dernière attaque est « le dernier clou dans le cercueil d’Astana ». Ce format, a-t-elle estimé, ne peut plus être réparé et on ne peut y revenir. Nous ne pouvons pas lui confier le travail vital d’établir un nouveau cessez-le-feu. Les États-Unis, a-t-elle dit, appellent à un cessez-le-feu immédiat, durable et vérifiable dans le nord-ouest de la Syrie car un cessez-le-feu permanent est la réponse au conflit. Nous demandons à la Fédération de Russie de clouer immédiatement ses avions au sol et aux forces syriennes et à leurs alliés russes de se retirer de la ligne du cessez-le-feu établie en 2018.
Le « régime d’Assad, la Russie et l’Iran, a ajouté la représentante, doivent stopper leur offensive et pour ce faire, nous appelons le Secrétaire général à faire tout ce qui est possible pour conclure un cessez-le-feu. Je l’ai dit hier, a rappelé la représentante: chacun de nous ici a un choix à faire. Allons-nous rester passifs? Allons-nous rester muets? Allons-nous réagir? Combien de bébés encore doivent mourir de froid avant que nous élevions la voix et disions « ça suffit ».
« L’heure est grave. L’escalade est là: il y a urgence à mettre un terme à l’offensive du régime appuyé par la Russie à Edleb », a lancé M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) à l’entame de son intervention. Il a indiqué que le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de son pays, M. Jean-Yves Le Drian, a adressé aujourd’hui ses condoléances à son homologue turc, M. Mevlüt Çavuşoğlu, et lui a réaffirmé la solidarité de la France à la suite de l’attaque menée contre les forces turques dans le nord-ouest de la Syrie.
M. Le Drian, a poursuivi le représentant, a également condamné les violations répétées par le régime syrien et la Russie du droit international humanitaire et la remise en cause des engagements de l’automne 2018 concernant la désescalade dans la province d’Edleb. La lutte contre des groupes terroristes ne saurait justifier des violations massives du droit international auxquelles nous assistons, a fait valoir M. de Rivière, appelant à une désescalade immédiate, en écho à l’appel du Secrétaire général. Selon lui, une nouvelle escalade aurait pour conséquence d’exacerber une situation humanitaire déjà désastreuse et d’augmenter le risque de dispersion des combattants terroristes, à la faveur de mouvements de population d’ampleur.
La France, a souligné le représentant, s’est engagée, notamment en lien avec l’Allemagne ces derniers jours, pour contribuer à une désescalade de la violence. Le délégué a rappelé, à cet égard, que le Président de la République française et la Chancelière allemande en ont parlé avec le Président turc, M. Recep Tayyip Erdogan, et le Président russe, M. Vladimir Putin, la semaine dernière. La France, a-t-il insisté ne ménagera aucun effort, avec ses partenaires, pour parvenir à une désescalade.
Jugeant que la priorité doit être d’œuvrer collectivement à la mise en place d’une cessation immédiate des hostilités, il a appelé le régime syrien et la Russie à mettre un terme à l’offensive militaire engagée dans le Nord-Ouest syrien, à pleinement respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire et à en revenir aux arrangements de cessez-le-feu de l’automne 2018. Les engagements pris doivent être tenus, notamment par la Russie, a-t-il martelé. Il a par ailleurs constaté que le cadre d’Astana a montré ses limites: il ne peut prendre en charge toutes les dimensions du règlement de la crise ni se substituer à un processus pilote par les Nations Unies. C’est pourquoi, a plaidé M. de Rivière, il est primordial que le Secrétaire général et son Envoyé spécial s’impliquent directement pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat, durable et vérifiable, conformément à la résolution 2254. Ils doivent également se consacrer à la reprise du processus intersyrien, qui seul peut aboutir à un règlement de la crise syrienne et aborder la question des élections, a-t-il renchéri, relevant toutefois que ce processus politique ne saurait se résumer à des discussions constitutionnelles, lesquelles servent aujourd’hui de « paravent » au régime pour poursuivre une stratégie limitée à la reconquête militaire.
Mme BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a demandé que cessent immédiatement les hostilités, et que toutes les parties belligérantes fassent preuve de retenue et protègent la population civile. Il faut, a-t-elle ajouté, donner aux humanitaires présents sur le terrain la possibilité de faire pleinement leur travail, à temps et dans de bonnes conditions de sécurité. « Avant que cela ne soit trop tard », a précisé la déléguée. Elle a craint que, sinon, la situation sur le terrain ne devienne rapidement la plus triste tragédie humaine de notre temps. Elle a salué au passage l’héroïsme de ce personnel humanitaire.
La représentante en a appelé à la responsabilité collective. Elle a fait remarquer qu’« il n’y a qu’un seul Conseil, pas deux; une seule Charte, pas deux; une seule humanité, pas deux ». « Et celle-ci est en crise. » Mme Morrison González a souhaité que la position commune, ici aujourd’hui, soit de chercher une solution diplomatique à l’offensive militaire en cours et de protéger la population civile. « Notre inaction sera injustifiable. » La déléguée a appelé la Fédération de Russie et la Turquie à redoubler d’efforts et à se réengager dans le cadre de l’Accord de Sotchi, pour parvenir à sa pleine mise en œuvre. Elle a assuré du soutien de la République dominicaine pour accompagner ces efforts, soulignant que l’ONU devait faire de même.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a exigé de la Syrie qu’elle cesse immédiatement son offensive militaire contre les civils et les forces turques, tout en invitant également la Fédération de Russie à cesser son soutien au régime. Il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien ni au conflit yéménite ou libyen. Les auteurs des attaques contre les civils doivent rendre compte de leurs actes, en vertu du droit international humanitaire. Il a invité la Fédération de Russie à poursuivre les pourparlers avec la Turquie pour que soit respecté le cessez-le-feu à Edleb. L’Allemagne et la France sont d’ailleurs prêtes à travailler avec ces parties à cette fin, a-t-il assuré. Le processus d’Astana ne fonctionnant pas, il serait de bon ton de s’en remettre à la résolution 2254 (2015), a souligné, à son tour, le représentant. Il a aussi demandé que la Commission constitutionnelle puisse poursuivre ses travaux, avant d’inviter la Fédération de Russie à cesser de s’investir dans des solutions militaires et à se tourner plutôt vers des initiatives humanitaires. « Un régime qui tue son propre peuple ne peut apporter la réconciliation en Syrie », a-t-il enfin déclaré.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a rappelé que les forces turques bombardées à Edleb sont présentes dans la zone depuis mai 2017 dans le cadre des efforts de désescalade qui ont émergé du format d’Astana promu par la Fédération de Russie elle-même. Avec l’attaque d’hier, le format d’Astana a perdu tout son sens, a estimé le représentant, ne voyant aucune justification à la mort de 33 soldats turcs. Comme les autres délégations, il a demandé une cessation immédiate des hostilités. Il faut cesser de terroriser la population civile sous le prétexte de lutter contre le terrorisme. Maintenant que tous les moyens d’assurer la paix et la stabilité en Syrie ont échoué, le Conseil de sécurité doit prendre le relais, a dit le représentant, dénonçant le fait que les résolutions appelant à un cessez-le-feu aient bloqué. La Fédération de Russie, a-t-il plaidé doit revoir sa position et Damas revenir au respect du droit international humanitaire et de la résolution 2254.
Ceux qui ont commis des crimes seront traduits en justice collectivement et personnellement, a assuré le représentant, persuadé que les mécanismes d’enquête de l’Assemblée générale, du Conseil des droits de l’homme et du Secrétaire général permettront de réunir les preuves et de faire éclater la vérité.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a souligné l’urgence pour tous les pays concernés par le conflit de cesser immédiatement les hostilités. Nous partageons la déclaration du Secrétaire général qui disait aujourd’hui que la nécessité urgente est un cessez-le-feu immédiat avant que la situation n’échappe à tout contrôle. Le représentant a exhorté la poursuite du dialogue pour parvenir à la désescalade, insistant sur la protection prioritaire des civils. Il a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. La communauté internationale doit aussi soutenir l’acheminement de l’aide humanitaire. À cet égard, le représentant a appelé à une coopération accrue entre le Gouvernement syrien et les Nations Unies. Le Conseil de sécurité, a-t-il souligné, a un rôle important à jouer dans le soutien aux efforts humanitaires en Syrie.
Il ne saurait y avoir de solution de militaire au conflit en Syrie, a martelé M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud). Comme pour tous les conflits au monde, il faut qu’au bout du compte toutes les parties se mettent à négocier un règlement pacifique à long terme dans l’intérêt de tous. Profondément préoccupé par l’escalade dans le nord-ouest de la Syrie, le représentant a jugé essentiel que toutes les parties fassent preuve de la plus grande retenue pour prévenir tout autre montée des tensions. Il a appuyé l’appel au cessez-le-feu immédiat du Secrétaire général. Toutes les parties, a-t-il insisté, doivent honorer leurs obligations en vertu des droits de l’homme et du droit international humanitaire, dont la protection des personnes et infrastructures civiles. L’aggravation de la violence, a-t-il souligné, a un impact dévastateur sur la situation humanitaire. Nous ne pouvons attendre de civils innocents qu’ils endurent ce type de menaces à leur sécurité. Le Conseil doit se montrer uni dans son appel à la cessation immédiate des hostilités. La seule voie valable, c’est celle d’un dialogue inclusif mené et pris en main par les Syriens pour trouver une solution politique conforme à la volonté du peuple et basé sur la résolution 2254. La violence doit cesser et les négociations doivent commencer, a martelé, une nouvelle fois, le représentant.
Selon M. JUN ZHANG (Chine), le problème d’Edleb tient au fait que les forces terroristes contrôlent la région. Il faut donc que les parties en présence recherchent une solution par la voie des négociations, dans le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriales de la Syrie. Il a aussi demandé que le Conseil de sécurité garde son impartialité pour promouvoir une solution durable en Syrie. Il a relevé que le terrorisme est un ennemi commun de la communauté internationale, et qu’il est donc impératif d’éradiquer les groupes terroristes afin de parvenir à une paix durable dans toute la région.
Les opérations contre les terroristes doivent être menées en tenant compte de la protection des civils, a souligné le représentant. Il a aussi demandé que les armes saisies soient répertoriées et que l’on indique leur origine pour savoir qui les leur fournit. Les terroristes, a-t-il martelé, doivent être neutralisés pour éviter toute exfiltration dans les pays voisins. Le représentant a réservé son dernier mot à la situation humanitaire, rappelant que son pays est prêt à soutenir les efforts de reconstruction, y compris les activités de déminage. La Chine, a-t-il conclu, soutient le travail de l’Envoyé spécial des Nations Unies et l’invite à renforcer sa collaboration avec le Gouvernement syrien.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a fait observer d’emblée que son pays a déjà exposé à de nombreuses reprises ses positions sur le conflit syrien. Il n’a pas jugé bon de les rappeler toutes. À la lumière des derniers développements, il a toutefois exprimé à nouveau son inquiétude quant à la récente escalade de la situation dans le nord-ouest de la Syrie. Il s’est dit particulièrement préoccupé par les risques apparus ces derniers jours d’un conflit « plus grave et plus incontrôlable encore ». Le représentant a, par conséquent, réitéré son soutien à l’appel à un cessez-le-feu immédiat lancé par le Secrétaire général. Nous appelons toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à intensifier leurs efforts de dialogue afin de trouver une solution au conflit dans cette région, a-t-il dit. Il a réaffirmé, à cet égard, qu’aux yeux du Viet Nam, seule une solution politique permettra de trouver un règlement à ce conflit, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2254.
Le représentant a d’autre part estimé que la situation à Edleb est « un trop lourd fardeau à porter pour des millions de civils ». Dans ce contexte, il convient de répondre aux besoins et de faciliter le travail humanitaire, y compris par des voies et moyens permettant une livraison correcte et dans les temps de l’aide, a-t-il plaidé. Il a enfin appelé à combattre les organisations terroristes « en allant à l’encontre de leur objectif, qui est de terroriser la population et déstabiliser la société », et ce, dans le respect du droit international, de la Charte des Nations Unies et du droit international humanitaire.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a invité toutes les parties à un maximum de retenue et à déployer tous les efforts pour parvenir à un cessez-le-feu global. Il a dit la nécessite de respecter le droit international humanitaire en épargnant les personnes et infrastructures civiles. Il a jugé indispensable que toutes les populations dans le besoin puissent avoir accès à l’aide humanitaire. « Cela passe par la mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité », a-t-il insisté. Il a encouragé les contacts entre les parties au conflit, sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies.
M. ABDOU ABARRY (Niger) a demandé à la Fédération de Russie et à la Turquie de poursuivre le dialogue. La lutte contre le terrorisme, a-t-il dit à son tour, doit se faire dans le respect du droit international. Le représentant a rappelé la tragédie des populations que les hauts fonctionnaires des Nations Unies ont décrit dans cette même salle hier. Le Niger, a-t-il souligné, apporte son soutien aux efforts du Secrétaire général pour parvenir à une solution durable à la crise syrienne.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exprimé la volonté de son pays d’apaiser les tensions. Une délégation russe séjourne en ce moment même à Ankara pour des pourparlers intensifs avec les interlocuteurs turcs et la recherche d’une solution. « L’incident » qui a impliqué des militaires turcs est dû à un manque de coopération dans l’échange des coordonnées. Le lieu touché n’était pas un poste d’observation, a affirmé le représentant et les coordonnés échangées ne mentionnaient pas la présence de militaires turcs dans la zone visée. Le respect des accords de déconfliction permettra à l’avenir d’éviter de tels incidents, a assuré le représentant russe qui s’est dit attaché au respect du mémorandum de Sotchi de 2018 visant à distinguer les groupes terroristes des autres forces et à emprunter sans entrave les autoroutes M4 et M5, indispensables à l’économie syrienne et à l’aide humanitaire. Ce sont les terroristes qui ont pris des positions dans la zone d’Edleb, ces derniers mois, qui sont responsables des attaques contre les civils. Dans ce contexte, a plaidé le représentant, le Gouvernement syrien « a le droit » de réagir et de faire respecter sa souveraineté nationale conformément à la Charte des Nations Unies.
Le représentant a exhorté « les Occidentaux » à ne pas répéter leurs erreurs, en renforçant des régimes pour faire avancer leurs propres objectifs géopolitiques et en s’associant à des mouvements terroristes comme en Afghanistan, en Iraq ou encore en Libye. « Il faut unir nos forces pour lutter contre le terrorisme », a insisté le représentant russe.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que le bombardement d’hier contre le contingent turc à Edleb, dans lequel des dizaines de soldats turcs ont perdu la vie, représente un tournant dramatique dans la situation déjà alarmante d’Edleb. Il a indiqué que la Turquie est présente sur le terrain pour protéger les civils syriens, sur la base de l’Accord d’Astana de 2017 et l’Accord de Sotchi de 2018 avec la Fédération de Russie, lesquels créaient autour d’Edleb une zone de désescalade et de démilitarisation. Il a accusé la Syrie et la Fédération de Russie d’avoir, à maintes reprises, violé ces accords de cessez-le-feu. Cette situation désastreuse aurait été totalement évitable si les parties avaient respecté leurs propres engagements, a-t-il déclaré. Le représentant a ainsi appelé la Syrie et la Fédération de Russie à mettre fin à l’escalade militaire, affirmant que sans une action urgente, le risque d’une escalade encore plus importante augmente d’heure en heure. Il a conclu en relevant que la seule voie vers la stabilité est une solution politique crédible et inclusive facilitée par les Nations Unies, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dit que les trois garants du format d’Astana, dont le régime turc, se sont accordés en 2017 sur la mise en place de zones de désescalade en Syrie. Les garants, dont le régime turc, se sont engagés à prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter le cessez-le-feu et lutter contre tous les groupes terroristes. Les garants, dont le régime turc, a insisté le représentant, se sont engagés à prendre des mesures pour séparer l’opposition armée des groupes terroristes. Le 17 septembre 2018, l’Accord de Sotchi a prévu la création d’une zone démilitarisée dans la région d’Edleb et certaines zones d’Alep. Ce que les populations d’Edleb subissent aujourd’hui, ce sont les pratiques des groupes terroristes, appuyés par la Turquie a accusé le représentant. « Ces groupes pillent, tuent, kidnappent, violent, imposent des taxes et trafiquent antiquités et produits humanitaires. » Aujourd’hui, a affirmé le représentant, les postes d’observation de la Turquie se sont transformés en postes d’appui aux groupes terroristes et les soldats turcs touchés par les frappes aériennes se trouvaient en dehors de ces postes. Le représentant s’est étonné que l’on demande à son armée de revenir aux lignes de front alors qu’elle poursuit des groupes terroristes.
Il a fait sienne « l’excellente suggestion de la délégation mexicaine » qui a appelé à ne pas interpréter l’Article 51 de la Charte et seule la délégation turque n’a pas adhéré à cette proposition. Il s’est interrogé sur les motivations de la Turquie qui a coupé hier l’approvisionnement en eau d’une ville de 600 000 habitants. Nous appelons les délégations européennes à ne pas tomber dans le piège des manigances de l’Armée turque. Edleb, a asséné le représentant, est en Syrie, pas en Californie ni en Belgique et encore en France et nous allons continuer à y combattre le terrorisme. Aux délégations qui ont demandé cette réunion, le représentant a demandé: la présence des forces turques sur le sol syrien constitue-t-elle ou pas une occupation militaire? Il a accusé ces délégations de ne vouloir qu’une chose: discréditer le format d’Astana.
« Notre dernière discussion sur la situation en Syrie date de moins de 24 heures », a constaté M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) en portant de « graves développements » à l’attention du Conseil de sécurité. « Hier, à peu près au moment où ce Conseil était réuni, un convoi militaire turc a été la cible d’une série de frappes aériennes qui a duré cinq heures », a-t-il dit, ajoutant que l’attaque s’est produite aux abords du village de Balyun, situé près de la zone de désescalade d’Edleb. Ce convoi, a-t-il indiqué, visait à renforcer un poste d’observation turc ainsi que certaines fortifications. « Nous n’avons pas identifié la nationalité de l’appareil qui a frappé notre convoi et nos positions », faisant 34 morts et un certain nombre de blessés dans les rangs des Forces armées turques, a précisé le représentant, avant de relever toutefois que « des traces radar ont montré que des appareils du régime et de la Russie effectuaient un vol en formation à ce moment précis ».
Les forces turques étaient seules dans cette zone et elles ont été délibérément ciblées, a martelé le délégué. Selon lui, la localisation du convoi avait fait l’objet d’une coordination avec les forces russes. Pourtant, les frappes se sont poursuivies « en dépit de nos avertissements immédiats à la suite de la première attaque ». Même les ambulances dépêchées pour emmener les blessés ont été prises pour cible, a-t-il renchéri, évoquant « un acte d’agression belliqueux à l’encontre de la Turquie », auquel celle-ci a répondu en légitime défense.
Le contingent turc attaqué hier avait été déployé conformément aux accords existants de désescalade à Edleb, a fait valoir le délégué. Il avait, selon lui, pour mission de garantir la sécurité des militaires turcs servant dans des postes d’observation; de protéger les civils contre l’agression du régime, de permettre un accès rapide et ininterrompu de l’aide humanitaire; de prévenir des déplacements massifs en Turquie et au-delà; de préserver le statut de la zone de désescalade d’Edleb; et de contribuer à l’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, comme prévu par la résolution 2254.
Nous poursuivons notre dialogue avec la Russie, a assuré le représentant, faisant remarquer qu’une délégation russe se trouvait à Ankara le jour de l’attaque. Aujourd’hui, a-t-il ajouté, le Président Erdogan s’est entretenu avec le Président Putin. À cette occasion, a indiqué le représentant, il a été réaffirmé à la partie russe que la Turquie n’abandonnera pas ses postes d’observation et poursuivra ses renforcements militaires. Suivre cette « logique », que certains interprètent comme une « désescalade de la violence » reviendrait à mettre ces civils « à la merci du régime », a-t-il déclaré, estimant que les près de cinq millions de personnes concernées « ne se rendront pas » et fuiront le pays. De fait, a-t-il soutenu, « il ne fait aucun doute que le régime et ses soutiens ont pour objectif de dépeupler Edleb ».
Les événements d’hier viennent rappeler de manière sinistre que le régime poursuivra coûte que coûte ses attaques pour intimider les civils, détruire l’opposition et anéantir les perspectives de solution politique. Dans ce contexte, a-t-il souligné, « la présence turque à Edleb est un motif d’espoir pour des millions de civils pris au piège et le dernier rempart contre les crimes contre l’humanité perpétrés par la régime ». À ses yeux, la présence turque est également la seule garantie de la continuation de l’assistance humanitaire, ce qui explique pourquoi le régime et ses soutiens s’attaquent aux Forces armées turques. Si ces derniers ont pris l’habitude de s’en prendre aux civils et aux membres de l’opposition, ils doivent savoir que s’attaquer aux Forces armées turques est « différent », a martelé le délégué, avertissant dans le même temps les « mercenaires extrémistes à la solde du régime ». La Turquie, a-t-il résumé, « ne veut pas la guerre mais elle n’hésitera pas à recourir à la force si sa sécurité est menacée ».
Il a enfin souligné que son pays fait preuve de la plus grande retenue afin d’éviter une confrontation militaire directe. « Mais il s’agit d’un combat entre le bien et le mal », mené au nom de la communauté internationale pour protéger des civils, a-t-il dit, appelant les membres du Conseil, non pas à exprimer leur gratitude, mais à « partager cette responsabilité ». « Il est temps que le Conseil dise que trop, c’est trop », a-t-il conclu, mettant en garde contre les conséquences qu’aurait en Europe, dans la région et bien au-delà, l’indifférence de la communauté internationale à l’égard des événements d’Edleb.