Conseil de sécurité: deux hauts responsables de l’ONU appellent à mettre un terme à « l’inhumanité » de la situation en Syrie
« Des nourrissons qui meurent de froid », « des enfants tellement traumatisés qu’ils en ont perdu la parole », « des parents contraints de brûler leurs propres habits. » Deux hauts responsables de l’ONU ont détaillé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la catastrophe humanitaire en cours dans le nord-ouest de la Syrie et enjoint le Conseil à agir pour mettre un terme à « l’inhumanité » de la situation.
Première oratrice à s’exprimer, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence s’est fait l’écho des paroles de femmes syriennes, selon lesquelles ce qui se passe dans le nord-ouest de la Syrie dépasse l’imagination. « Ce n’est pas humainement tolérable », a-t-elle dit.
Selon les dernières données, a poursuivi la Sous-Secrétaire générale, près de 950 000 personnes ont fui les lignes de front dans le nord-ouest depuis le 1er décembre. Elle a précisé qu’en janvier, 1,4 million de personnes ont reçu une assistance alimentaire par le biais des mécanismes transfrontières et plus de 230 000 personnes ont obtenu des articles non alimentaires, soit plus qu’en tout autre mois depuis l’autorisation des opérations transfrontières en 2014.
« Malgré ces efforts, les femmes d’Edleb m’ont informé qu’elles n’ont pas assez de nourriture et d’eau potable et que se chauffer est une lutte quotidienne », a-t-elle déclaré. Une inquiétude partagée par la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF): avec l’escalade des combats depuis décembre dernier dans le nord-ouest du pays, on compte plus de 900 000 déplacés, dont plus de 500 000 sont des enfants.
Des dizaines de milliers de ces déplacés, a poursuivi la Directrice exécutive, vivent dans des tentes de fortune, dans des bâtiments publics et en plein air, massés sous des arbres et exposés à la pluie, à la neige et aux températures parfois en dessous de zéro du rude hiver syrien. Elle a notamment jugé « repréhensibles et moralement répugnantes » les attaques perpétrées, il y a deux jours, contre des camps à Edleb, visant 10 écoles.
Face à cette situation, les deux responsables ont plaidé pour un cessez-le-feu immédiat et exhorté le Conseil de sécurité à œuvrer en faveur d’une solution politique pour mettre fin à la guerre, « une fois pour toute ». « Le bilan humain terrible de la situation dans le nord-ouest de la Syrie demande l’attention et une action de ce Conseil », a martelé la Coordonnatrice adjointe.
Un appel à l’action relayé par un certain nombre de délégations, notamment occidentales, qui ont accusé les autorités syriennes et leur « protecteur russe » d’être responsables de la situation. « Dans ce contexte catastrophique, mon pays appelle le “régime syrien” et la Fédération de Russie à entendre les voix des responsables de l’ONU et à cesser d’ignorer les faits », a martelé le Ministre fédéral des affaires étrangères de l’Allemagne.
« Il faut aujourd’hui unir nos efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat et durable à Edleb », a appuyé le délégué de la France. Son homologue des États-Unis a indiqué que ceux qui sont restés « les bras croisés » devant des enfants morts de froid devront rendre des comptes, tandis que le délégué de la Turquie, pays présent militairement dans le nord-ouest syrien, a insisté sur la « responsabilité collective » de faire cesser ce massacre.
Un tiers des Syriens déplacés à Edleb ont trouvé refuge dans les zones que les opérations Bouclier de l’Euphrate et Branche d’olivier ont nettoyé des terroristes, a précisé le représentant turc. « Nous n’abandonnerons pas nos sœurs et frères syriens », a-t-il assuré.
Montré du doigt, le délégué de la Fédération de Russie a regretté que la situation anormale dans le nord-ouest n’ait pas été anticipée à l’approche de l’hiver. « Alors que la Syrie ne fait pas obstacle à l’acheminement de l’aide, pourquoi ce problème n’est-il pas résolu? » s’est-il interrogé.
Il a affirmé que la seule solution à long terme est de chasser les terroristes du pays, à l’instar du délégué syrien qui a dénoncé l’approche trompeuse adoptée par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dans la présentation de la situation. « L’armée syrienne et ses alliés parviennent à imposer des défaites aux groupes terroristes à Edleb, ce qui a permis à des millions de personnes d’être libérées du joug de ces groupes », a-t-il affirmé.
La situation humanitaire fragile dans le nord-est syrien a également été au cœur des interventions. Avec le vote de la résolution 2504 (2020) et la suppression des points de passage de Ramtha et de Yaaroubiyé, le Conseil avait demandé au Secrétariat d’examiner la faisabilité de modalités alternatives au point de passage de Yaaroubiyé.
La Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, qui présentait deux rapports du Secrétaire général sur le sujet, a indiqué que le point de passage de Tell Abiad serait l’option la plus viable. Le délégué turc a promis l’aide de son pays pour rendre opérationnel ce point de passage alternatif.
Le Vice-Premier Ministre et Ministre des finances et du développement de la Belgique a jugé regrettable, après l’adoption de ladite résolution, qu’il n’ait pas été possible de recourir à d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé, pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne par les voies les plus directes. La déléguée des États-Unis a encouragé le Conseil à explorer l’alternative de Tell Abiad et a plaidé pour que l’autorisation des deux points de passage restants soit renouvelée en juillet. Pour elle, ce sont la Chine et la Fédération de Russie qui portent la responsabilité de la fermeture du point de Yaaroubiyé, alors que celui-ci fonctionnait bien et permettait de sauver des vies.
Sur ce point, le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la campagne d’information menée par certains membres du Conseil n’avait que pour objectif d’éviter tout changement dans le système transfrontière. « Nous comprenons ce point de vue, mais nous ne le partageons pas », a-t-il précisé, en assurant qu’il y a de quoi faire face aux besoins jusqu’en mai.
La délégation chinoise, quant à elle, a regretté que « certains pays abusent de leur position au Conseil de sécurité » et a défendu le principe de non-ingérence. Le Gouvernement syrien a la responsabilité première de rétablir la stabilité dans le pays, a-t-il fait observer.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Rapport du Secrétaire général sur l’examen d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé (S/2020/139)
Rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018), 2449 (2018) et 2504 (2020) du Conseil de sécurité (S/2020/141)
Déclarations
Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a parlé de la catastrophe humanitaire en cours dans le nord-ouest de la Syrie. Elle a indiqué avoir parlé avec 14 femmes syriennes à Edleb et dans le nord d’Alep. « Ce qui se passe dans le nord-ouest de la Syrie, ont-elles déclaré, dépasse l’imagination. Ce n’est pas humainement tolérable. Elles m’ont parlé d’enfants tellement traumatisés qu’ils en ont perdu la parole. »
Selon les dernières données, près de 950 000 personnes ont fui les lignes de front qui se rapprochent dans le nord-ouest depuis le 1er décembre. La plupart se sont rendues dans le nord-ouest de la province d’Edleb, une petite zone le long de la frontière avec la Turquie qui accueille déjà des centaines de milliers de personnes déplacées. Il règne un froid glacial, a dit Mme Mueller en ajoutant que les violences contre les femmes sont routinières.
Alors que les combats se rapprochent de zones densément peuplées, Mme Mueller a indiqué que les hôpitaux, écoles, camps et autres sites accueillant des familles de personnes déplacées ne sont pas épargnés. Ces derniers jours, un camp accueillant plus de 800 personnes a été bombardé à Dana, qui est le district le plus peuplé de la province d’Edleb, a-t-elle dit.
La Sous-Secrétaire générale a ensuite détaillé l’opération humanitaire massive en cours dans le nord-ouest de la Syrie. En janvier, 1,4 million de personnes ont reçu une assistance alimentaire par le biais des mécanismes transfrontières et plus de 230 000 personnes ont obtenu des articles non alimentaires, soit plus qu’en tout autre mois depuis l’autorisation des opérations transfrontières en 2014. Malgré ces efforts immenses, « les femmes d’Edleb m’ont informé qu’elles n’ont pas assez de nourriture et d’eau potable et que se chauffer est une lutte quotidienne », a déclaré Mme Mueller. Les modalités transfrontières dans le nord-ouest demeurent cruciales, la population à Edleb ne pouvant être assistée par d’autres moyens, a-t-elle dit, en insistant sur le rôle d’appui du Conseil aux efforts humanitaires.
Abordant la situation dans le nord-est du pays, elle a indiqué que les civils demeurent extrêmement vulnérables. Ces dernières semaines, la recrudescence des hostilités dans le district de Tell Tamr ont déplacé 1 600 civils supplémentaires vers Qamichli, alors que 800 personnes sont arrivées à Raqqa. Près de 1,9 million de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire dans le nord-est, la majorité d’entre elles, soit 1,34 million de personnes, se trouvant dans des zones hors du contrôle du Gouvernement. Avant le 10 janvier, l’ONU fournissait une assistance dans le nord-est par le biais du point de passage de Yaaroubiyé, a-t-elle dit, en appelant le Conseil à autoriser de nouveau ce point de passage. Toute réduction de l’accès humanitaire ne pourrait que causer des souffrances supplémentaires, a mis en garde la Sous-Secrétaire générale.
Elle a rappelé qu’avec la résolution 2504 (2020) et la suppression des points de passage de Ramtha et de Yaaroubiyé, le Conseil avait demandé au Secrétariat d’examiner la faisabilité de modalités alternatives au point de passage de Yaaroubiyé. Dans son rapport, le Secrétaire général conclut que le Gouvernement doit élargir l’accès dans le nord-est, en particulier pour l’aide médicale. Le Gouvernement devrait aussi consentir à l’acheminement transfrontière de l’aide humanitaire, par des points de passage sûrs et praticables, et en utilisant les routes les plus directes.
Si des mesures ne sont pas prises pour permettre l’arrivée de l’aide depuis Damas et en l’absence du consentement du Gouvernement et des pays voisins d’utiliser les points de passage vers le nord-est syrien, le Conseil devra autoriser l’ONU à utiliser des points de passage supplémentaires, a déclaré Mme Mueller. Dans le contexte actuel, le point de passage de Tell Abiad est jugé l’option la plus viable.
Le rapport, a-t-elle souligné, mentionne les quatre conditions pour un fonctionnement efficace des modalités transfrontières: l’approbation dans les meilleurs délais du Gouvernement de l’importation d’articles médicaux en Syrie; un processus d’approbation du Gouvernement simplifié et plus fiable pour acheminer de l’aide depuis Damas vers le nord-est par voie terrestre; l’octroi par le Gouvernement d’une autorisation d’accéder à toutes les zones; et la facilitation de la fourniture de l’aide par les autorités locales dans toutes les zones dans le nord-est syrien.
Mme Mueller s’est félicitée que le Gouvernement ait donné hier une autorisation globale pour l’acheminement d’une aide médicale par voie terrestre dans toutes les zones du pays. Elle a averti que, si des alternatives fiables au point de passage de Yaaroubiyé ne sont pas trouvées, les besoins humanitaires deviendront encore plus pressants, ajoutant que les premiers manques devraient se faire sentir dès mars.
Elle a ensuite abordé la situation à Roukban, précisant que plus de 19 400 personnes, soit la moitié de la population, ont quitté la zone. Des milliers de personnes veulent quitter Roukban et des mesures sont prises pour les aider à y arriver, a-t-elle dit, en appelant les parties à faciliter les efforts en ce sens.
« Le bilan humain terrible de la situation dans le nord-ouest de la Syrie demande l’attention et une action de ce Conseil. » Mme Mueller s’est de nouveau fait l’écho des mots des femmes d’Edleb: « Nous ne voulons pas partir en Europe. Nous voulons rester ici, à Edleb, et reconstruire nos vies. Tout ce que nous demandons c’est que cette misère cesse, que les tueries cessent. Nous voulons le droit de vivre. » Pour conclure, Mme Mueller a demandé un cessez-le-feu immédiat pour mettre un terme à la catastrophe humanitaire et éviter une escalade incontrôlable.
Mme HENRIETTA FORE, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a relevé qu’avec l’escalade des combats dans le nord-ouest de la Syrie depuis décembre dernier, on compte plus de 900 000 déplacés, dont plus de 500 000 sont des enfants. Et pour certains, c’est le sixième ou septième déplacement. Des dizaines de milliers parmi eux vivent dans des tentes de fortune, dans des bâtiments publics et en plein air, massés sous des arbres et exposés à la pluie, à la neige et aux températures parfois en dessous de zéro du rude hiver syrien. Elle a jugé « repréhensibles et moralement répugnantes » ces attaques perpétrées, il y a deux jours, contre des camps à Edleb, visant 10 écoles avec des enfants et des enseignants qui ont ainsi péri. Elle a aussi évoqué ces rapports faisant état d’enfants mourant gelés, soulignant que lorsque le bois de chauffe est épuisé, les familles brûlent tout ce qu’elles trouvent: des sacs en plastique, des détritus, des meubles jetés, juste pour avoir un scintillement de chaleur contre le froid, ou pour cuire tout aliment qu’elles peuvent trouver. Dans ces abris informels, a-t-elle expliqué, les enfants et les femmes sont particulièrement exposés au risque de violence et d’exploitation. De plus, les toilettes de fortune n’offrent aucune sécurité ni intimité. Étant donné que les mines terrestres et les engins explosifs improvisés parsèment le paysage, chaque pas effectué est un risque, a aussi relevé Mme Fore.
La Directrice exécutive de l’UNICEF a ensuite indiqué que 280 000 enfants ne sont pas scolarisés dans le nord-ouest de la Syrie, et qu’environ 180 écoles ne sont pas opérationnelles parce qu’elles sont endommagées ou utilisées comme abris. De même, il est quasiment impossible de recevoir des soins de santé, soit parce qu’il n’y en a pas, soit par manque d’argent. Alors que les hôpitaux continuent d’être la cible d’attaques, 72 parmi eux ont suspendu leurs services du fait du conflit. À travers le pays, a-t-elle poursuivi, les neuf années de conflit ont décimé les services publics. Plus de la moitié des centres de santé et 3 écoles sur 10 ne sont pas fonctionnels. En outre, l’économie est en chute libre, avec la destruction des biens physiques et des dommages qui sont estimés à 120 milliards de dollars, sans parler des 500 000 milliards de dollars de perte, tandis que la monnaie nationale, la livre syrienne, a perdu près de la moitié de sa valeur au cours de l’année dernière.
Le vrai coût du carnage, a-t-elle précisé, ne se mesure pas en infrastructures perdues ou en dévastation économique, mais il se ressent dans la vie quotidienne des gens. Sur les 11 millions de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire, près de la moitié sont des enfants. De plus, l’insécurité alimentaire fait que 6,5 millions de Syriens souffrent quotidiennement de la faim. En effet, le prix des denrées essentielles a été multiplié par 20 depuis le début de la guerre. Mme Fore a qualifié la situation de désastreuse pour un pays dont 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ainsi, les familles sont contraintes de vendre leur maison et d’envoyer les enfants travailler afin d’avoir le strict nécessaire. Les enfants ne sont pas vaccinés et ne reçoivent pas de soins médicaux à cause du prix élevé ou des lacunes dans les services de base, a-t-elle ajouté.
En Syrie, a aussi indiqué Mme Fore, un enfant sur trois ne va pas à l’école, et rien qu’en 2018, 1 100 enfants ont été tués dans les combats, un record depuis le début du conflit. En 2019, 900 enfants sont morts et des centaines ont été mutilés. Ces chiffres ne concernent que les cas qui ont été vérifiés, a-t-elle précisé en affirmant que les vrais chiffres sont plus élevés.
La Directrice exécutive de l’UNICEF a par ailleurs parlé d’enfants emprisonnés et utilisés comme monnaie d’échange, avant de dénoncer le fait que des garçons soient utilisés sur les lignes de front par les groupes armés. Alors que les filles sont violées, les plus jeunes n’étant âgées que de 9 ans, Mme Fore a prévenu qu’un enfant sur quatre court le risque d’être affecté par des troubles mentaux.
Dans ce contexte, l’UNICEF et d’autres partenaires font de leur mieux, a-t-elle assuré en évoquant des actions de terrain de l’UNICEF, comme les consultations médicales offertes à plus de deux millions de Syriens et le soutien psychologique dont ont bénéficié près de 400 000 femmes et enfants, ou encore la vaccination de 600 000 enfants de moins de 1 an. Mme Fore a reconnu que les besoins sont immenses et les ressources insuffisantes. Elle a annoncé son déplacement en Syrie et dans la région en fin de semaine, afin de voir ce qui peut être fait sur le terrain. En plus des moyens et financements qu’il faut augmenter, elle a invité le Conseil de sécurité à « se lever pour les enfants de Syrie et parler d’une seule voix ».
Mme Fore a lancé cinq appels, les premiers s’adressant aux parties en Syrie: la protection des enfants et des infrastructures dont ils ont le plus besoin (écoles, hôpitaux et systèmes d’eau); une cessation des hostilités dans le nord-ouest, avec des pauses humanitaires; un plus grand accès humanitaire, depuis la Syrie ou à partir des pays voisins. À tous les États Membres, elle a demandé de respecter leurs obligations découlant de la Convention relative aux droits de l’enfant, et de rapatrier les enfants de manière sûre, volontaire et digne. Elle a attiré l’attention sur les conditions de vie déplorables dans lesquelles vivent les enfants, notamment ceux qui sont dans les territoires tenus par Daech. Elle a plaidé pour que ces enfants soient rapatriés avec leurs proches, et avec la personne prenant soin d’eux, très souvent la mère. Elle a aussi demandé aux autorités de transférer les enfants des sites de détention à d’autres lieux plus appropriés.
Son dernier appel s’est adressé au Conseil de sécurité qui doit œuvrer à une solution politique pour mettre fin à la guerre, une fois pour toute. « Plus la guerre se poursuit, et plus d’enfants mourront alors que le monde regarde », a-t-elle averti. « On ne peut se permettre une nouvelle année avec le même carnage, le même mépris du droit international, la même inhumanité avec lesquels nous avons commencé 2020. » Elle a rappelé qu’un enfant né en début du conflit est aujourd’hui âgé de 9 ans. « Allons-nous lui dire que la paix n’est pas à notre portée? Et que nous ne pouvons ou ne voulons pas mettre fin à cette guerre destructrice? » a-t-elle lancé.
Au nom des porte-plume sur le dossier humanitaire en Syrie (Allemagne et Belgique), M. ALEXANDER DE CROO, Vice-Premier Ministre et Ministre des finances et du développement de la Belgique, a rappelé que 11 millions de personnes, principalement des enfants et des femmes, ont toujours besoin d’aide humanitaire et de protection après neuf années de guerre. Ces chiffres exigent une action prompte et nous rappellent que la situation humanitaire en Syrie doit rester parmi les priorités du Conseil de sécurité, selon lui. Il a souligné que la situation à Edleb nécessite une action commune pour aider les 950 000 personnes qui ont fui les violences depuis début décembre et les 200 000 qui s’apprêtent à en faire autant. Il a appelé à respecter les principes du droit international humanitaire en rappelant qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise syrienne. Après l’adoption de la résolution 2504 relative au mécanisme transfrontalier, il est regrettable qu’il n’ait pas été possible de recourir à d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé, pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne par les voies les plus directes aux personnes qui en ont besoin, a dit M. De Croo.
S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, le Vice-Premier Ministre de la Belgique a indiqué que son pays a accordé 230 millions d’euros d’aide humanitaire, depuis le début de la crise syrienne en 2011, et s’apprête à verser une aide supplémentaire de 14 millions d’euros. Alors que les lignes de front se rapprochent des zones densément peuplées, il a exhorté les parties à s’accorder immédiatement sur un cessez-le-feu et à faire preuve d’un maximum de retenue. Il a dit que la confrontation directe entre la Turquie, d’une part, et la Syrie et la Russie, d’autre part, constitue un risque d’escalade aux conséquences imprévisibles. Par ailleurs, M. De Croo a condamné les attaques perpétrées par les groupes terroristes désignés en tant que tels par le Conseil de sécurité. Il a prévenu que les violations du droit international humanitaire ne sauraient rester impunies. Il a regretté qu’aucun accord n’ait pu être trouvé depuis janvier pour renouveler les modalités du point de passage humanitaire de Yaaroubiyé, pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne par les voies les plus directes jusqu’au nord-est de la Syrie, dans le respect des principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. La communauté internationale a besoin de garanties vérifiables de la part des autorités syriennes sur la délivrance de l’aide humanitaire, a-t-il dit. Pour lui, une mise en œuvre partiale ou sous condition de cette aide est inacceptable. Dans ce contexte, il a exhorté le Conseil de sécurité à considérer l’option du point de passage de Tell Abiad comme l’alternative la plus faisable au point de passage de Yaaroubiyé.
« J’aimerais avoir une vie sans guerre ni bombardements. J’aimerais réussir à l’école. » M. HEIKO MAAS, Ministre fédéral des affaires étrangères de l’Allemagne, a ouvert son intervention en citant les propos tenus il y a quelques jours par la petite Amina, 11 ans, à une équipe du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Cette fillette est l’un des 500 000 enfants d’Edleb qui ont été déplacés, pour la deuxième ou la troisième fois pour nombre d’entre eux, a-t-il souligné, relevant que des enfants comme Amina n’ont jamais connu la paix et ne sont jamais allés à l’école. Et maintenant, ils meurent de froid, s’est-il indigné.
Observant qu’il est de plus en plus difficile de mettre des mots sur les souffrances humaines endurées à Edleb, le Ministre a cependant estimé que les faits et les chiffres présentés à cette séance font que nous devons à ces personnes et à tous les intervenants humanitaires toute notre gratitude et notre soutien. Dans ce contexte catastrophique, l’Allemagne appelle le « régime syrien » et la Fédération de Russie à entendre les voix des responsables de l’ONU et à cesser d’ignorer les faits. En tant que parties au conflit, ils ont l’obligation de protéger les civils, a-t-il martelé. Mais, au lieu de cela, ils bombardent des infrastructures civiles, comme des hôpitaux et des écoles. Pour le Ministre, mener des opérations antiterroristes ne dispense aucunement de respecter le droit international humanitaire. Les attaques conduites sans discernement contre des civils constituent des crimes de guerre et les responsables doivent répondre de leurs actes, a lancé le Ministre.
Face à cette tragédie, le Conseil peut et doit faire davantage pour faire cesser les souffrances. D’abord, a plaidé M. Maas, il doit garantir un plein accès à l’aide humanitaire. Comme le note le rapport du Secrétaire général sur les voies d’accès alternatives, il ne fait aucun doute que l’aide transfrontalière demeure d’une importance vitale. Toutes les possibilités doivent, selon le Ministre, être examinées conformément aux principes humanitaires. Alors que le froid s’intensifie en Syrie, l’Allemagne, porte-plume sur cette question, a renforcé son assistance de 25 millions d’euros afin de fournir un abri aux personnes dans le besoin, a-t-il indiqué, notant que l’Union européenne a également augmenté le niveau de son aide. Deuxièmement, un cessez-le-feu humanitaire est essentiel a-t-il ajouté, affirmant en avoir discuté avec ses homologues turc et russe lors de la récente Conférence de Munich sur la sécurité. Avec la France, a-t-il dit, nous sommes prêts à poursuivre nos efforts dans ce sens, avec la Fédération de Russie et la Turquie, au plus haut niveau. Enfin, il faut renforcer nos efforts pour parvenir à une solution politique, a-t-il souligné, jugeant qu’un régime qui tue et torture son propre peuple ne peut apporter une paix durable et la stabilité à la Syrie. De plus, une réconciliation sans justice pour les terribles crimes commis ne pourra pas fonctionner, a soutenu le Ministre. Avant de conclure, il a réaffirmé qu’une solution politique placée sous l’égide des Nations Unies et conforme à la résolution 2254 (2015) est la seule façon de résoudre ce conflit.
Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a estimé que, pour mettre un terme à la catastrophe dans le nord-ouest, il faut œuvrer avec tous nos efforts pour un cessez-le-feu immédiat et durable. Elle a exhorté la Russie à ne pas faire décoller ses avions et à faire pression sur le régime syrien afin que celui-ci opère un retrait de ses forces. Elle a décrit une situation effroyable dans le nord-ouest, où les parents doivent brûler leurs propres vêtements pour réchauffer leurs enfants, où les familles creusent elles-mêmes leurs abris, où les bébés meurent de froid. Elle s’est désolée que le Conseil de sécurité ne puisse pas trouver d’accord sur la façon de traiter ce problème, soulignant l’opposition entre la majorité de ses membres d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre.
Mme Craft a indiqué que les points de passage qui subsistent dans le nord-est sont les dernières planches de salut pour les civils dans cette zone. Avec la suppression du point de passage de Yaaroubiyé, il est crucial que les deux points de passage restants soient de nouveau autorisés, après le mois de juillet, a-t-elle dit. Toute entrave à une action de ce Conseil en ce sens aurait de graves conséquences sur la fourniture d’articles médicaux, a-t-elle prévenu en s’inquiétant du sort des civils dans le nord-est (1,9 million) qui sont « piégés par les vetos russe et chinois ». Il faut que l’UNICEF soit autorisé à poursuivre son aide vitale, a-t-elle ajouté. Elle a également fait sienne la suggestion du Secrétaire général de sélectionner le point de passage de Tell Abiad comme possible alternative, une solution que prônait déjà l’OCHA et que soutenaient les États-Unis, a-t-elle rappelé. « Nous encourageons le Conseil à explorer cette alternative, avec une position humanitaire fondée sur des principes, car elle a le potentiel de sauver des milliers de vies innocentes. »
« La crise a été imposée aux Syriens par deux de nos membres », a affirmé Mme Craft. Elle a déploré la fermeture des deux points de passage en critiquant la Chine et la Russie, dont l’action a obligé la communauté internationale à se tourner vers des solutions moins fiables. Selon elle, il n’y a aucune raison de croire que le régime d’Assad gérera de manière responsable le financement de l’aide humanitaire. « Nous ne devrions pas mettre un seul dollar de ce financement entre ses mains », en a-t-elle déduit. Nous devons tous être prêts à reprendre les opérations transfrontalières des Nations Unies dans toute la Syrie, ce que le Secrétaire général a recommandé au Conseil. Enfin, Mme Craft a indiqué que « ceux qui savaient que des bébés mouraient de froid en Syrie et n’ont rien fait » devront un jour rendre des comptes.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré qu’il y a urgence à faire taire les armes à Edleb. La priorité absolue doit être de parvenir à une cessation immédiate des hostilités. La France, a ajouté le représentant, condamne avec la plus grande fermeté les bombardements intenses de l’aviation du régime et de ses alliés, en particulier la Russie. « Ces crimes ne doivent pas rester impunis et nous continuerons à soutenir l’ensemble des mécanismes mis en place par l’ONU pour lutter contre l’impunité. Nous maintiendrons notre engagement dans le cadre de nos juridictions nationales », a—t-il promis. Il faut aujourd’hui unir nos efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat et durable à Edleb, a exhorté le délégué, rappelant que 14 ministres des affaires étrangères de pays membres de l’Union européenne se sont exprimés hier en ce sens. Le représentant a appelé la Russie à poursuivre ses négociations avec la Turquie pour parvenir à une désescalade, estimant qu’il est « de notre responsabilité de nous mobiliser collectivement pour faire taire les armes ». Les Nations Unies ont un rôle central en la matière, comme le prévoit la résolution 2254 (2015), a-t-il rappelé.
M. de Rivière a également dit que tout doit être fait pour garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave pour atteindre les personnes ayant besoin d’aide, appelant « les parties, en particulier le régime syrien », à le faire, ainsi que la Russie. Il a aussi déploré que le Conseil n’ait pas renouvelé son autorisation pour l’utilisation du point de passage de Yaaroubiyé et a jugé essentiel de trouver sans délai des solutions pour permettre l’acheminement durable de matériel médical dans le nord-est. Plaidant ensuite pour une solution politique, « plus que jamais nécessaire », il a appelé à remettre sur les rails le processus politique en vue de la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) dans tous ses éléments, en particulier des mesures de confiance et des élections libres et transparentes, supervisées par l’ONU et auxquelles tous les Syriens pourront prendre part. Seule une solution politique permettra, par ailleurs, aux six millions de réfugiés syriens de revenir dans leur pays dans des conditions dignes, a souligné M. de Rivière en regrettant que ces conditions ne soient pas réunies. Dès qu’un règlement politique sera solidement engagé, de manière irréversible, la France, avec ses partenaires, sera prête à financer la reconstruction et à lever les sanctions, a-t-il indiqué, mais « pas avant ». « La clef pour sortir de l’impasse est donc entre les mains du régime et de ses alliés. »
Mme DIANI JIMESHA ARIANNE PRINCE (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a exhorté toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à s’engager en faveur d’un nouveau cessez-le-feu. Elle a estimé que la situation humanitaire qui affecte des millions de Syriens mérite une action immédiate pour faciliter l’accès humanitaire à toutes les populations. La gravité de la crise démontre selon elle « l’importance vitale du mécanisme transfrontalier pour préserver la réponse humanitaire ». La représentante a salué la pertinence du rapport du Secrétaire général sur la faisabilité du projet de recourir à d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé, en notant que le point de passage transfrontalier de Tell Abiad représente l’alternative la plus faisable. Elle a exprimé son soutien à la résolution 2504 pour trouver les arrangements les plus optimaux en matière d’accès.
La représentante a ensuite abordé la question de la future reconstruction de la Syrie, notamment de ses infrastructures médicales et éducatives, et exhorté la communauté internationale à permettre à la Syrie de disposer des infrastructures permettant d’éviter que les personnes déplacées soient entassées dans des camps surpeuplés. Dans ce contexte, elle a appelé les pays qui ont imposé des sanctions unilatérales à la Syrie à engager des discussions avec le Gouvernement syrien sur la question de la reconstruction pour permettre le retour chez eux, dans les meilleures conditions possibles, de millions de réfugiés syriens.
M. TAREK LADEB (Tunisie) s’est déclaré préoccupé par la nouvelle escalade militaire dans le nord-ouest de la Syrie. En raison de cette intensification des hostilités, notamment dans la région d’Edleb, les victimes civiles sont nombreuses, il y a des vagues de déplacements forcés et les besoins humanitaires sont immenses, a-t-il déploré. À ses yeux, la priorité est un cessez-le-feu immédiat et de sommer les parties à faire preuve de retenue. Condamnant les attaques menées contre des infrastructures civiles ainsi que les violences perpétrées par des groupes terroristes figurant sur la liste de l’ONU, le représentant a estimé que l’Organisation doit jouer son rôle en appuyant les efforts déployés en vue d’une suspension des combats, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Ces efforts, a-t-il fait valoir, seront couronnés de succès lorsque le Conseil sera uni. Dans l’immédiat, a poursuivi le délégué, un éventuel cessez-le-feu ne sera qu’une solution temporaire tant que l’on n’aura pas trouvé le moyen d’éradiquer les organisations terroristes présentes sur le territoire syrien.
Sur le plan humanitaire, a-t-il ajouté, nous devons adopter une approche graduelle de transition afin de garantir l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de la Syrie. L’objectif est, selon lui, de s’assurer que le Gouvernement syrien puisse coordonner les efforts en cours. À cet égard, a-t-il insisté, les différentes parties doivent garantir le bon fonctionnement des opérations de l’ONU mais il convient également d’améliorer le dialogue avec le Gouvernement syrien pour le bien des activités humanitaires. De même, a poursuivi M. Ladeb, il est essentiel d’envisager d’autres voies alternatives pour l’acheminement de l’aide, telles que celles proposées par le Gouvernement syrien. Enfin, a-t-il conclu, il faut relancer le processus politique à Genève afin de jeter les bases d’une constitution acceptable par tous les Syriens et d’ouvrir la voie à l’organisation d’élections sous l’égide de l’ONU.
Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) s’est inquiétée de l’incapacité de la communauté internationale à prévenir la violence dans le nord-ouest de la Syrie. Elle a appelé à accorder la priorité au respect du cessez-le-feu, soulignant qu’il n’existe pas de solution militaire au conflit. La représentante a ensuite dénoncé les attaques contre les civils et les infrastructures civiles. Elle a salué les efforts des organisations humanitaires et appelé à financer le Plan de réponse humanitaire pour la Syrie afin de subvenir aux besoins des centaines de milliers de personnes déplacées dans le nord-ouest du pays. Elle a plaidé pour un accès humanitaire sûr et sans obstacles, appuyant au passage les propositions d’alternatives au point de passage de Yaaroubiyé qui figurent dans le rapport du Secrétaire général. Elle a également jugé nécessaire de progresser en ce qui concerne la libération des personnes détenues arbitrairement, ainsi que de favoriser la réunification familiale.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a avoué qu’il était profondément préoccupé par les niveaux croissants de souffrances humaines dans le nord-est de la Syrie depuis début décembre 2019 en raison des tensions et des hostilités. « Nous sommes particulièrement préoccupés par le nombre de civils tués par des armes, dont plus de 31% étaient des enfants. Ce n’est tout simplement pas acceptable », a dénoncé le représentant. « Nous sommes également préoccupés par le fait que la situation humanitaire demeure désastreuse dans d’autres parties du pays, par exemple des centaines de milliers de civils toujours déplacés dans le nord-est, faute de fournitures de base nécessaires au quotidien », a poursuivi le délégué qui a exhorté toutes les parties concernées à respecter leurs obligations en droit international humanitaire et à veiller à ce que la protection des civils et l’acheminement de l’aide humanitaire soient une priorité absolue.
Saluant le rapport du Secrétaire général, M. Dang a déclaré qu’il était particulièrement préoccupé par « le fait qu’il n’y a que deux hôpitaux et quatre centres de soins de santé primaires fonctionnant à pleine capacité, le manque de ressources pouvant aggraver la situation dans ce domaine ». Pour aller de l’avant, il a exhorté les pays concernés et l’ONU à travailler en étroite collaboration pour trouver les voies et moyens les plus efficaces et les plus réalisables pour fournir une assistance aux personnes dans le besoin, à l’endroit et au moment où elles en ont le plus besoin. Toutes les suggestions sur les options d’acheminement transfrontalier et transversal sont sur la table, a-t-il noté.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a plaidé pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel à Edleb, en rappelant la demande du Conseil faite au Secrétaire général dans sa résolution 2254 (2015) pour qu’il dirige les efforts en ce sens. Il a jugé la situation dans le nord-ouest « extrêmement perturbante » et exhorté les parties à protéger les civils et à respecter le droit international. Les opérations transfrontières demeurent un mécanisme clef pour fournir une aide humanitaire, a-t-il dit, en demandant que les besoins pressants dans le nord-ouest soient immédiatement pris en compte. Il a pris note des observations du Secrétaire général sur d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé, avant d’exhorter le Gouvernement à élargir un accès humanitaire transfrontière vers le nord-est. Il s’est félicité que le Gouvernement ait approuvé hier l’acheminement d’une aide médicale par voie terrestre dans toutes les zones du pays. Enfin, le délégué a exhorté le Conseil à se montrer exemplaire sur le dossier syrien, en agissant.
Condamnant à son tour les récentes attaques conduites sur des écoles et des hôpitaux en Syrie, M. ABDOU ABARRY (Niger) a appelé les protagonistes à un cessez-le-feu immédiat. Il a ensuite pris acte du rapport du Secrétaire général, estimant que son analyse devrait permettre au Conseil d’évaluer la pertinence des points de passage pour l’aide humanitaire. Ce rapport, a souligné le représentant, vient confirmer une dégradation de la situation humanitaire. Depuis la dernière consultation sur ce sujet, les forces du régime syrien ont enregistré de sérieux gains et les parties sous contrôle des terroristes continuent de s’étioler, a-t-il constaté, avant de déplorer le prix humain de cette confrontation, payé par les civils, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants exposés à tous les dangers en cette période de grand froid.
Dans ce contexte, a poursuivi le délégué, la distribution de l’aide humanitaire a été dangereusement hypothéquée. Si la résolution 2504, en permettant la continuation de l’utilisation des couloirs humanitaires, a été salutaire, la coordination entre les humanitaires et le Gouvernement syrien mérite que des améliorations substantielles lui soient apportées, a-t-il plaidé. Selon lui, la situation à Edleb doit pousser le Conseil à un sursaut de solidarité. Tout doit être mis en œuvre pour stopper l’escalade militaire en cours qui ne fera qu’aggraver la situation humanitaire, a-t-il conclu en saluant les efforts déployés par le Secrétaire général en vue d’obtenir au plus vite un cessez-le-feu dans le nord-ouest syrien.
Mme HARSHANA BHASKAR GOOLAB (Afrique du Sud) a mis particulièrement en avant sa vive préoccupation concernant les attaques contre les infrastructures civiles et les services de base, y compris les établissements de santé et d’enseignement. La poursuite de la violence continuera d’avoir des effets à long terme sur le peuple et les enfants de Syrie, a craint la représentante. Elle a rappelé que toutes les parties au conflit doivent respecter leurs obligations en droit international des droits de l’homme et droit international humanitaire, en particulier en ce qui concerne la protection des infrastructures civiles.
L’Afrique du Sud exhorte une fois de plus toutes les parties à trouver un règlement non militaire au conflit. Cela implique la cessation des hostilités et une solution qui respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. À cet égard, a ajouté la représentante, nous tenons à souligner que le soutien extérieur aux groupes armés et aux groupes terroristes désignés comme tels par l’ONU doit cesser immédiatement. Au vu de la montée des tensions et du potentiel d’une confrontation directe entre la Syrie et la Turquie, nous nous tournons vers les différents forums, dont le processus d’Astana et les engagements bilatéraux entre les parties prenantes, pour contribuer à la réduction de ces tensions, a déclaré Mme Goolab. Avant de terminer, la déléguée a pris note des observations du Secrétaire général dans son rapport sur « l’examen d’autres modalités au point de passage de Yaaroubiyé » en priant toutes les parties au conflit et le Conseil de sécurité d’être à la hauteur de leurs responsabilités et d’assurer que le peuple dans le nord-est de la Syrie reçoive l’aide dont il a désespérément besoin.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est alarmé de la tragédie en cours en Syrie. « Nos collègues syriens nous disent qu’il s’agit d’un combat contre le terrorisme mais ils sont en train de transformer le berceau de l’humanité en un vaste tombeau », s’est-il indigné. Il s’est dit extrêmement préoccupé par l’escalade du conflit militaire entre les forces turques, syriennes et russes qui opèrent dans la région, avant d’appeler « le régime syrien et ses alliés » à mettre un terme à l’offensive et à respecter le cessez-le-feu établi en 2018. Le processus d’Astana a échoué, a constaté le représentant qui a appelé le Conseil de sécurité à jouer un rôle plus important dans le dossier syrien.
S’agissant de l’acheminement de l’aide humanitaire, il a relevé qu’il existe des alternatives au point de passage de Yaaroubiyé désormais fermé. Selon lui, les passages pourraient notamment se faire via Tell Abiad, à la frontière turque, voire même depuis Damas. Le représentant a appelé la Syrie à alléger la bureaucratie pour les organismes de secours et à garantir un accès humanitaire sans entrave. « Malheureusement, le régime syrien a décidé de négliger ces exigences et de n’accorder qu’un accès sporadique », a-t-il dénoncé. Il a conclu en prévenant que « la communauté internationale ne normalisera pas ses relations avec le régime syrien tant que Damas ne respectera pas le droit international humanitaire et la résolution 2254 du Conseil de sécurité ».
M. WU HAITAO (Chine) a assuré que son pays soutient les efforts des Nations Unies pour apporter une aide humanitaire à la population civile de Syrie. Face à une situation socioéconomique et politique qui reste grave, il convient d’agir sur le plan humanitaire, notamment en augmentant les livraisons dans l’ensemble du territoire, a-t-il plaidé en recommandant à la communauté internationale de prendre des mesures intégrées pour gérer cette crise. Elle devrait fournir aux Nations Unies des financements pour permettre la fourniture d’une aide appropriée, notamment médicale. Il importe aussi de stabiliser l’économie du pays et d’aider les autorités dans leurs efforts de reconstruction et de déminage. Il a aussi invité la communauté internationale à coopérer dans le cadre d’un effort conjoint visant à traduire les terroristes en justice. Selon lui, les groupes terroristes qui agissent en Syrie sont un obstacle majeur à la restauration de la paix et il est essentiel à cet égard de soutenir les parties pertinentes dans leurs efforts pour trouver une solution à Edleb. Le Gouvernement syrien a la responsabilité première de rétablir la stabilité dans le pays, a-t-il fait valoir.
Dans le même temps, l’aide humanitaire transfrontalière et le mécanisme correspondant doivent être ajustés en fonction de la situation sur le terrain, a poursuivi M. Wu, se félicitant que le Gouvernement ait autorisé l’Organisation mondiale de la Santé à utiliser des points de passage avec la participation du Croissant-Rouge arabe syrien. L’OCHA devrait répondre favorablement à cette proposition syrienne, a-t-il affirmé, avant de rappeler que son pays fournit depuis le début de la crise toutes sortes d’équipements, de moyens de transport et de produits humanitaires à la Syrie. La Chine coopère aussi avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et vient en aide aux pays voisins touchés par la crise des réfugiés. Dans ce contexte, elle rejette catégoriquement les accusations proférées par les États-Unis à son encontre. La Chine, a insisté le délégué, est engagée sur le plan diplomatique et défend l’objectif d’un règlement fondé sur une solution politique. « Nous déterminons notre position en fonction de la situation, tout en soutenant fermement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de la Syrie. Nous défendons aussi le principe de non-ingérence », a-t-il conclu, regrettant que « certains pays abusent de leur position au Conseil de sécurité ».
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a noté en introduction que, compte tenu de la fréquence des réunions du Conseil sur la situation humanitaire en Syrie, beaucoup de membres peuvent deviner quelles seront les déclarations des autres. « On sait à l’avance ce que vont dire les collègues de la troïka ou les porte-plume », a-t-il observé. Évoquant ensuite les rapports du Secrétaire général, le représentant s’est dit préoccupé par la situation humanitaire à Edleb. Elle n’est pas normale, a-t-il dit, regrettant que cette situation n’ait pas été anticipée à l’approche de l’hiver. Alors que la Syrie ne fait pas obstacle à l’acheminement de l’aide, pourquoi ce problème n’est-il pas résolu? s’est-il interrogé. Il a par ailleurs noté que, lors des séances d’information précédentes, on avait reproché à la Russie d’adopter une position sans lien avec les faits. Aujourd’hui, a-t-il affirmé, l’heure est venue de présenter des faits. Tout d’abord, la seule solution à long terme est de chasser les terroristes du pays, a martelé le délégué. Il ne faut pas nous dire que nous exagérons le problème ou dédouaner le groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), a-t-il soutenu, assurant que le rapport du Secrétaire général confirme cette nécessité.
Deuxièmement, a-t-il poursuivi, on nous répète que Damas refuse de coopérer et de dialoguer. Or, dans le même temps, les autorités syriennes autorisent des centaines d’opérations humanitaires dans le pays. Du reste, a-t-il argué, toutes les agences de l’ONU y travaillent et il n’y pas de restrictions dans le nombre des opérations humanitaires. Damas en a autorisé 1 193 le mois dernier, a-t-il assuré, regrettant que certains membres du Conseil ne lisent pas les rapports du Secrétaire général. Il ne faut pas dire qu’il n’y a pas de problème, mais il ne faut pas non plus dépeindre la situation en noir et blanc, a-t-il plaidé, avant de défendre les efforts menés dans le cadre du format d’Astana. « Nous œuvrons à trouver une solution mais des mesures unilatérales viennent saper cette action », a constaté le représentant. Selon lui, certaines cellules terroristes utilisent des informations erronées reprises par des États pour salir les autorités syriennes et leurs alliés. Pour y voir clair, il suffirait pourtant de donner quelques coups de téléphone, a-t-il dit, accusant les États-Unis d’avoir évoqué, à tort, des bombardements de camps de personnes déplacées.
S’agissant du point de passage de Yaaroubiyé, retiré des points autorisés depuis l’adoption de la résolution 2504, il convient d’examiner la situation, a encore souligné M. Nebenzia. La campagne d’information menée par certains membres du Conseil n’avait que pour objectif, selon lui, d’éviter tout changement dans le système transfrontière observant à cet égard que, comme le note le rapport du Secrétaire général, toutes les marchandises fournies dans le nord-est le sont depuis la Syrie et non depuis l’Iraq. Ainsi, un convoi du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a pu être organisé depuis Damas, a-t-il expliqué. Quant aux solutions alternatives, il a noté que l’une d’elles consisterait à obtenir des autorisations de Damas pour livrer des produits humanitaires depuis la Syrie. Hier, a ajouté le représentant, le Gouvernement syrien a donné son aval pour l’acheminement de fournitures médicales depuis Damas vers le nord-ouest. Avant de conclure, il a également noté que le rapport du Secrétaire général sur cette question contredit les affirmations de certains membres du Conseil en ce qui concerne le manque de médicaments dans les provinces syriennes. Il y a de quoi faire face aux besoins jusqu’en mai, a-t-il assuré, indiquant que la seule pénurie envisageable concernerait les médicaments de santé sexuelle et génésique.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a qualifié de « désespérée » la situation dans le nord-ouest en raison des bombardements russes et syriens. « Les enfants meurent de froid. » C’est la pire situation humanitaire que nous ayons connue depuis le début du conflit, a-t-il dit. Il a rappelé au délégué russe que la présence de 1% de terroristes dans la population à Edleb n’autorise pas à attaquer les 99% restant. Il a condamné les violations répétées de la dignité humaine la plus élémentaire en Syrie et indiqué que les crimes commis ne devront pas rester impunis.
Le représentant a soutenu les efforts de la Turquie pour un cessez-le-feu, avant de se tourner vers la situation dans le nord-est. Il n’y a guère d’alternative au point de passage de Yaaroubiyé, a-t-il dit, en insistant sur l’épuisement des stocks d’articles médicaux. Il a estimé que l’on ne peut faire confiance à la Syrie pour acheminer de l’aide, indiquant qu’il n’y a eu, en 2019, aucun passage de convoi humanitaire depuis Damas vers le nord-est. Il faut rétablir un point de passage transfrontière, a-t-il demandé. Enfin, le délégué a redit la détermination de son pays à continuer de fournir une aide, tout en précisant que le Royaume-Uni n’envisagera aucune aide au relèvement de la Syrie tant qu’un véritable processus politique ne sera pas entrepris.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déclaré, à l’entame de son propos, que les autorités d’occupation turques ont fermé l’approvisionnement en eau potable de Saqqa et des villages environnants. Or il s’agit du seul moyen de garantir l’eau potable à Saqqa, ville du nord-est de la Syrie où vivent 600 000 habitants. Ce crime est, selon lui, semblable aux crimes perpétrés par les groupes terroristes de la banlieue de Damas qui, depuis 2014, sont appuyés par la Turquie et le Qatar. Après avoir salué les interventions de Mme Fore, pour l’UNICEF, et de la représentante de Saint-Vincent-et-les Grenadines, le représentant a une nouvelle fois accusé certains membres du Conseil de vouloir transformer cet organe en enceinte de l’OTAN tout en sapant son rôle pour la paix et la sécurité internationales. Il a par ailleurs dénoncé l’approche trompeuse adoptée par l’OCHA dans la présentation de la situation, et singulièrement des éléments terroristes sur place. À en croire M. Lowcock, a-t-il lancé, ces groupes terroristes sont en fait des membres de l’opposition non armée. Heureusement, a-t-il ajouté, l’armée syrienne et ses alliés parviennent à imposer des défaites aux groupes terroristes à Edleb, ce qui a permis à des millions de personnes d’être libérées du joug et des massacres de ces groupes.
Dans ce contexte, a-t-il renchéri, le Gouvernement appelle les Syriens à regagner les zones libérées du nord-ouest du pays. Il réaffirme en outre son engagement à répondre à tous leurs besoins et exhorte les États ayant une influence sur le régime turc et ses affiliés de permettre à un million de Syriens déplacés en raison de l’agression turque de regagner leurs foyers. De même, il demande aux entités de l’ONU de fournir une aide urgente au lieu de proférer des accusations mensongères qui ne servent qu’à protéger des gouvernement parrains, a souligné le délégué. S’agissant des fournitures médicales de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui n’ont pu être livrées depuis l’Iraq, le représentant a indiqué que Damas avait pourtant donné son autorisation à leur acheminement par différents points de passage. Malgré toutes ces mesures, Mme Ursula Mueller fait fi de ces informations, ne mentionnant dans son exposé que le point de passage de Yaaroubiyé. À cet égard, le délégué a contesté le fait que le point de Tell Abiad soit le plus approprié pour répondre aux besoins dans le nord-est de la Syrie. Il a également rappelé que la coopération entre le Gouvernement, l’ONU et ses entités et les 28 ONG internationales présentes dans le pays dure depuis des années et permet l’acheminement de l’aide humanitaire pour des millions de personnes. Cela signifie, à ses yeux, qu’il est possible d’acheminer cette aide vers le nord-ouest depuis l’intérieur du pays sans politiser la situation et sans avoir à ouvrir d’autres points transfrontières, autant d’éléments instrumentalisés par le régime d’Erdogan, a-t-il martelé, plaidant pour que l’assistance humanitaire soit garantie par le Gouvernement et le Croissant-Rouge arabe syrien sous la houlette de l’ONU. Dans cette perspective, les groupes terroristes comme HTS restent le principal obstacle, a-t-il insisté, s’élevant enfin contre la présence étrangère turque, britannique et française sur le territoire syrien et contre les agressions israéliennes qui permettent d’appuyer l’occupation turque.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a relevé que la crise humanitaire n’a fait que s’aggraver, en accusant le régime d’Assad de ne laisser aux civils que deux options: soit rester à Edleb et espérer survivre aux attaques aveugles du régime et de ses alliés, soit fuir pour rester en vie. « Cette stratégie n’est pas nouvelle. Elle a été élaborée par Assad. » Il a exhorté la communauté internationale à ne pas rester les bras croisés devant des enfants qui meurent de froid en Syrie. « Nous avons la responsabilité collective de faire cesser ce massacre. » Le délégué a indiqué que son pays, qui accueille déjà quatre millions de réfugiés syriens, ne restera pas inactif, ajoutant que la « présence de son pays sur le terrain a donné espoir à des millions de personnes ». Un tiers des Syriens déplacés à Edleb ont trouvé refuge dans les zones que les opérations Bouclier de l’Euphrate et Branche d’olivier ont nettoyé des terroristes, a-t-il précisé. « Nous n’abandonnerons pas nos sœurs et frères syriens. »
Le délégué a demandé la cessation immédiate des hostilités, la pleine mise en œuvre du mémorandum de Sotchi et le retour au statu quo ante: ce sont les messages de son pays à la Russie, a-t-il précisé. Il a promis la poursuite des contacts avec Moscou, « protecteur du régime », pour revenir au respect des cadres relatifs à la situation à Edleb. La Turquie, a averti le représentant, ne retirera pas ses troupes et n’évacuera pas ses postes d’observation; la Turquie ne permettra pas au régime d’agir en violation des cadres relatifs à Edleb. « Toute agression militaire contre les forces turques sera sévèrement punie. Nous n’hésiterons pas à prendre toutes les mesures nécessaires. »
M. Sinirlioğlu a rappelé que la population dans le nord-ouest dépend de l’aide transfrontière et précisé que son pays continuera de renforcer les capacités des deux points de passage existants. « Nous avons un besoin urgent d’abris temporaires, d’écoles et d’hôpitaux pour plus d’un million de personnes déplacées, dont la moitié sont des enfants », a-t-il dit, en demandant davantage de ressources financières. Rappelant l’avis du Secrétaire général selon lequel le point de passage de Tell Abiad est l’option la plus viable, il a promis l’aide de son pays pour rendre opérationnel ce point de passage alternatif et insisté sur la nécessité de poursuivre l’aide transfrontière. « Si nous échouons, c’est l’humanité qui échoue. » Enfin, il a rappelé que la seule solution en Syrie est politique, non militaire, et a déclaré que le représentant syrien n’a aucune légitimité à siéger au sein de cette enceinte.
Le délégué de la République arabe syrienne a repris la parole pour rappeler que l’Empire ottoman avait envahi la Syrie en 1516. L’occupation ottomane a cessé en 1916, a-t-il dit, en dénonçant l’arrogance de son homologue turc. Ce dernier, pas plus que son président, ne peuvent parler au nom du peuple syrien, a-t-il affirmé. Nous sommes engagés dans une lutte contre le terrorisme, a-t-il dit, en dénonçant l’appui turc aux terroristes. Il a affirmé que le cadre d’Astana demeure le format le plus important, en balayant la position contraire de la Turquie sur ce point. Enfin, il a indiqué n’avoir « aucun problème » avec l’opposition syrienne non armée et expliqué que la Turquie a pris ses distances avec le cadre précité pour poursuivre son appui aux terroristes.