8732e séance – après-midi   
CS/14121

Yémen: le Conseil de sécurité reconduit le régime de sanctions jusqu’au 28 février 2021 et proroge le mandat du Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2021

Cet après-midi, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2511 (2020) par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Fédération de Russie), par laquelle il reconduit jusqu’au 26 février 2021 le régime de sanctions applicable au Yémen, et notamment l’embargo ciblé sur les armes, et proroge le mandat du Groupe d’experts créé en vertu de la résolution 2140 (2014) jusqu’au 28 mars 2021.

Ce texte a fait l’objet de quelques heures de négociations supplémentaires ce matin, et la délégation porte-plume, le Royaume-Uni, ainsi que la France, la Belgique et les États-Unis avaient espéré pouvoir compter sur l’unité du Conseil lors de son adoption.  Ne cachant pas sa déception, la représentante du Royaume-Uni a mis en garde contre la possibilité que le veto devienne une tactique de négociation.  Se limiter au plus petit dénominateur commun ne devrait pas suffire, a-t-elle estimé en appelant les membres du Conseil à faire des compromis, dans l’intérêt de l’autorité de cet organe.  Allant dans le même sens, la France a souligné que les résolutions du Conseil sont toujours le fruit de compromis et qu’il s’agit là du fondement même du multilatéralisme.

Le représentant russe leur a rétorqué que si les autres membres du Conseil ne veulent pas entendre et tenir compte de ses remarques lors des consultations, cela aura alors des conséquences au moment de l’adoption des résolutions.  En effet, même si ce texte proroge le régime de sanctions, il ne reflète qu’une partie des préoccupations exprimées par la Fédération de Russie, a expliqué le représentant de ce pays en regrettant qu’« à nouveau », les méthodes de travail au sein du Conseil n’aient pas été constructives.  L’adoption de ce texte aurait dû se faire sur la base du consensus, a-t-il tranché.  Pour la Fédération de Russie, la priorité du Conseil devrait être de rassembler la communauté internationale autour d’un consensus pour stabiliser la région, et non pas de mettre l’accent sur l’isolement et les sanctions. 

Son homologue de la Chine a dit qu’il aurait même préféré que le Conseil procède à un simple renouvellement technique de la résolution.  La délégation chinoise, a-t-il précisé, a pour cela proposé nombre d’amendements afin de préserver l’unité du Conseil.  En fin de compte, la résolution adoptée ne satisfait pas aux critères souhaités par la Chine, ce qui explique son abstention.  Le délégué a ainsi jugé trop large le mandat confié au Groupe d’experts, faisant référence à son obligation d’inclure dans son rapport des informations sur les composants disponibles dans le commerce qui ont été utilisés par des personnes ou des entités désignées par le Comité des sanctions pour assembler des drones, des engins explosifs improvisés flottants et d’autres systèmes d’armes.  Pour la Chine, les parties devraient plutôt travailler au niveau du Comité des sanctions. 

C’est le paragraphe 8 du dispositif de la résolution qui prévoit cet élément du mandat du Groupe d’experts, « étant entendu que cette requête ne devrait pas compromettre l’aide humanitaire ou les activités commerciales légitimes », précise le texte.  Le Groupe d’experts est également prié de présenter au Comité un bilan à mi-parcours, le 28 juillet 2020 au plus tard, et de remettre au Conseil, après concertation avec le Comité, un rapport final le 28 janvier 2021 au plus tard. 

La Chine a aussi fait remarquer que les mentions relatives à la violence sexuelle et au recrutement d’enfants en temps de conflit armé -actes qui peuvent tous être passibles de sanctions- sont déjà contenues dans des résolutions relatives aux droits de l’homme.  La Belgique s’est pourtant dite satisfaite que le texte adopté reconnaisse que de tels actes puissent constituer des actes passibles de sanctions au regard de la résolution 2140 (2014).  Le texte ajoute aussi l’acte, également passible de sanctions, qui consisterait à « se livrer ou à apporter un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen, tel que décrit au paragraphe 17 de ladite résolution ». 

Le Yémen a salué cette inclusion dans la résolution 2511 adoptée aujourd’hui, sur la base des conclusions du Groupe d’experts.  Il a insisté pour que ce dernier puisse avoir accès aux zones sous contrôle des milices houthistes.  Celles-ci tentent de faire fi de l’Accord de Stockholm et continuent de bénéficier d’un appui militaire et de recevoir des armes de l’Iran, a affirmé le représentant du Yémen en les accusant ainsi de violer l’embargo sur les armes.  À cet égard, le Gouvernement yéménite aurait aimé que le texte adopté contienne une condamnation plus ferme. 

Cette accusation a été reprise par les États-Unis qui ont commencé par rappeler que tous les États Membres ont l’obligation de mettre pleinement en œuvre les sanctions contre le Yémen.  Toutefois, a déploré leur représentant, la réalité veut qu’un État Membre continue de faire fi de ses obligations au regard du régime de sanctions.  Dans son rapport annuel, a-t-il fait remarquer, le Groupe d’experts sur le Yémen est arrivé à la conclusion que les houthistes continuent de recevoir des armes qui ont des caractéristiques semblables à celles des armes fabriquées en République islamique d’Iran.  Non seulement les houthistes évoquent la possibilité de lancer des armes sophistiquées à des centaines de kilomètres, en Arabie saoudite et dans d’autres États voisins, mais l’Iran leur a fait passer ces armes en contrebande.  Ce faisant, a-t-il accusé, Téhéran a violé l’embargo ciblé sur les armes imposé par le Conseil aux houthistes ainsi que l’embargo sur les armes décidé contre l’Iran.

Les violations commises par l’Iran se poursuivent, a encore affirmé la délégation américaine en rappelant à cet égard que la Marine américaine avait intercepté 358 missiles de fabrication iranienne et d’autres composants d’armes probablement en route vers les houthistes.  Cette cargaison constituait un exemple de tentatives de contrebande d’un nouveau système de missiles sol-air iranien dont le Groupe d’experts a fait rapport pour la première fois en janvier.  Ainsi, non seulement l’Iran continue de fournir des armes aux houthistes, mais il accroît également la sophistication de ces armes, lesquelles sapent profondément les perspectives de paix, a renchéri le délégué américain. 

Ce qui compte, finalement, c’est que cette résolution a été adoptée et qu’elle va entrer en vigueur, a conclu la délégation porte-plume, le Royaume-Uni.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Lettre datée du 27 janvier 2020, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur le Yémen (S/2020/70)

Texte du projet de résolution (S/2020/146)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures pertinentes et les déclarations de sa présidence concernant le Yémen,

Réaffirmant son ferme attachement à l’unité, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Yémen,

Se déclarant préoccupé par les difficultés politiques, économiques et humanitaires et les problèmes de sécurité, notamment la violence et les disparitions forcées, que continue de connaître le Yémen, et par les dangers posés par le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes,

Soulignant les risques pour l’environnement et la nécessité pour les fonctionnaires de l’ONU d’accéder sans tarder au pétrolier Safer, qui se trouve dans le nord du Yémen contrôlé par les houthistes,

Demandant de nouveau à toutes les parties yéménites de choisir la voie du dialogue et de la concertation pour régler leurs différends, de renoncer à recourir à la violence à des fins politiques et de s’abstenir de toute provocation,

Réaffirmant que toutes les parties doivent s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient,

Exprimant son appui et son attachement à l’action menée par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen en vue d’appuyer le processus de transition au Yémen,

Se déclarant préoccupé de constater que certaines zones du Yémen continuent d’être sous le contrôle d’Al-Qaida dans la péninsule arabique, dont la présence, l’idéologie extrémiste violente et les agissements sont préjudiciables à la stabilité du Yémen et de la région, et ont des conséquences humanitaires dévastatrices pour la population, s’inquiétant de la présence croissante au Yémen d’éléments affiliés à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), qui pourraient être encore plus nombreux à l’avenir, et réaffirmant sa volonté de répondre à la menace, sous tous ses aspects, que constituent Al-Qaida dans la péninsule arabique, l’EIIL (Daech) et tous les autres groupes, entreprises, entités et personnes qui leur sont associés,

Rappelant l’inscription d’Al-Qaida dans la péninsule arabique et de personnes qui y sont associées sur la Liste relative aux sanctions contre l’EIIL (Daech) et Al‑Qaida, et soulignant à cet égard la nécessité d’une vigoureuse application des mesures édictées au paragraphe 2 de la résolution 2253 (2015), comme outil majeur de lutte contre le terrorisme au Yémen,

Notant l’importance capitale de l’application effective du régime de sanctions institué par les résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015) et le rôle clef que les États de la région peuvent jouer à cet égard, et préconisant que la coopération soit encore renforcée,

Se félicitant du travail accompli par le Groupe d’experts sur le Yémen créé en application de la résolution 2140 (2014),

Rappelant les dispositions du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) imposant un embargo ciblé sur les armes, et engageant tous les États Membres et les autres acteurs à respecter cet embargo,

Condamnant avec la plus grande fermeté les violations du droit international humanitaire et les violations du droit international des droits de l’homme et les atteintes à celui-ci, notamment la violence sexuelle liée au conflit dans les zones contrôlées par les houthistes et le recrutement et l’utilisation d’enfants dans le conflit armé partout au Yémen, consignés dans le rapport final du Groupe d’experts (S/2020/70),

Exprimant son inquiétude face aux obstacles dressés aux activités et à l’accès du Groupe d’experts au cours de son dernier mandat,

Exprimant sa vive inquiétude face à la situation humanitaire désastreuse au Yémen et aux obstacles de toutes sortes qui gênent l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment l’ingérence récente dans les opérations d’aide dans les zones contrôlées par les houthistes ainsi que les obstacles et les restrictions indues entravant la fourniture de produits de première nécessité à la population civile partout au Yémen, qui empêchent les personnes vulnérables de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour survivre,

Soulignant qu’il faut que le Comité créé au paragraphe 19 de la résolution 2140 (2014) (« le Comité ») examine les recommandations formulées par le Groupe d’expert dans ses rapports,

Considérant que la situation qui règne au Yémen continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Réaffirme la nécessité de procéder rapidement et intégralement à la transition politique à la suite de la Conférence de dialogue national sans exclusive, comme le prévoient l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe et le Mécanisme de mise en œuvre, en application de ses résolutions précédentes pertinentes et au vu des attentes du peuple yéménite;

2.    Décide de reconduire jusqu’au 26 février 2021 les mesures imposées par les paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014), réaffirme les dispositions des paragraphes 12, 13, 14 et 16 de ladite résolution et réaffirme également les dispositions des paragraphes 14 à 17 de la résolution 2216 (2015);

3.    Souligne qu’il importe de faciliter la fourniture de l’aide humanitaire, et décide que le Comité créé au paragraphe 19 de la résolution 2140 (2014) (ci-après, le « Comité ») peut, au cas par cas, exclure toute activité des mesures de sanctions imposées dans ses résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015) s’il estime que cette dérogation est nécessaire pour faciliter les activités de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires au Yémen ou à toute autre fin compatible avec les objectifs de ces résolutions;

Critères de désignation

4.    Réaffirme que les dispositions des paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014) et du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité, ou visées dans l’annexe de la résolution 2216 (2015) comme se livrant ou apportant un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen;

5.    Réaffirme les critères de désignation énoncés au paragraphe 17 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 19 de la résolution 2216 (2015);

6.    Affirme que la violence sexuelle en temps de conflit armé, ou le recrutement ou l’utilisation d’enfants en temps de conflit armé en violation du droit international, pourrait constituer un acte de ceux précisés à l’alinéa c) du paragraphe 18 de la résolution 2140 (2014) et, par conséquent, l’acte, passible de sanctions, consistant à se livrer ou à apporter un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen, tel que décrit au paragraphe 17 de ladite résolution;

Présentation de rapports

7.    Décide de proroger jusqu’au 28 mars 2021 le mandat du Groupe d’experts énoncé au paragraphe 21 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 21 de la résolution 2216 (2015), déclare son intention de le réexaminer et de se prononcer, le 28 février 2021 au plus tard, sur une nouvelle prorogation, et prie le Secrétaire général de prendre dès que possible les mesures administratives requises, en consultation avec le Comité, pour rétablir le Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2021, en faisant au besoin appel aux compétences des membres du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2140 (2014);

8.    Prie le Groupe d’experts de présenter au Comité un bilan à mi-parcours le 28 juillet 2020 au plus tard, de lui remettre, après concertation avec le Comité, un rapport final le 28 janvier 2021 au plus tard, et d’inclure des informations, le cas échéant, sur les composants disponibles dans le commerce qui ont été utilisés par des personnes ou des entités désignées par le Comité pour assembler des drones, des engins explosifs improvisés flottants et d’autres systèmes d’armes, étant entendu que cette requête ne devrait pas compromettre l’aide humanitaire ou les activités commerciales légitimes;

9.    Charge le Groupe d’experts de coopérer avec les autres groupes d’experts qu’il a créés pour épauler ses comités des sanctions, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004), dont le mandat a été prorogé par la résolution 2368 (2017);

10.   Demande instamment à toutes les parties et à tous les États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts, et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat;

11.   Souligne qu’il importe de tenir des consultations avec les États Membres concernés, selon que de besoin, afin de veiller à la pleine application des mesures énoncées dans la présente résolution;

12.   Rappelle le rapport de son groupe de travail officieux sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997) concernant les meilleures pratiques et méthodes, notamment les paragraphes 21, 22 et 23, qui traitent des mesures susceptibles de clarifier les normes méthodologiques appliquées par les mécanismes de surveillance;

13.   Réaffirme qu’il suivra en permanence la situation au Yémen et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris pour ce qui est de les renforcer, de les modifier, de les suspendre ou de les lever, selon ce que dicterait l’actualité;

14.   Décide de rester activement saisi de la question.

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