Conseil de sécurité: l’Envoyée spéciale adjointe défend un processus politique élargi en Syrie pour un rétablissement graduel de la confiance
L’Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, Mme Khawla Matar, a plaidé, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, pour un processus politique élargi en vue d’un rétablissement graduel de la confiance entre les parties. La Commission constitutionnelle, dont la deuxième session s’est soldée par un échec, ne suffit pas pour remédier à toutes les préoccupations, a-t-elle dit. Lors du débat, les délégations ont affiché des divergences sur les raisons du blocage.
Créée en septembre dernier, la Commission constitutionnelle devait marquer le début d’un processus politique visant à mettre fin au conflit syrien conformément aux dispositions de la résolution 2254 (2015). Composée de 150 membres du Gouvernement, de l’opposition et de la société civile, elle s’était déjà réunie une première fois, le 30 octobre. Sa deuxième session s’est achevée à la fin du mois de novembre sans même un accord sur l’ordre du jour.
En déplacement à Damas, l’Envoyé spécial veille actuellement à aplanir les divergences et espère être en mesure de réunir la Commission dans les meilleurs délais, a assuré aujourd’hui son adjointe, Mme Khawla Matar. Elle a formé le vœu que les sessions se poursuivraient à un rythme soutenu dans les prochains mois. Il est urgent, a-t-elle pressé, de rétablir la confiance pour ouvrir la porte à un processus politique plus large.
Un tel élargissement pourrait être la résultante d’actions « réciproques, se renforçant mutuellement », prises non seulement par les Syriens mais aussi par les acteurs étrangers. Ces actions pourraient se traduire en améliorations tangibles pour la population, a argué Mme Matar. Elles permettraient d’instaurer un environnement sûr, calme et neutre, susceptible d’encourager le retour des réfugiés dans la sécurité et la dignité afin de rebâtir le pays.
Les retards accusés par la Commission constitutionnelle sont dus au « régime syrien » et à ses alliés, ont tranché les États-Unis. Ils ont souligné que chaque élément du processus politique visant à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) est paralysé aujourd’hui car le « régime syrien » entend poursuivre sur la voie militaire. Une solution militaire est pourtant « illusoire » en Syrie, ont-ils averti.
Même son de cloche du côté du Royaume-Uni, qui a accusé le « régime syrien » de refuser le dialogue. L’ingrédient principal du processus, à savoir la volonté de Damas, manque, a-t-il constaté. L’impasse apparente est le résultat direct de l’absence de volonté des autorités syriennes de respecter le processus politique prévu par la résolution 2254 (2015), a renchéri l’Estonie.
Il ne faut pas dramatiser la situation et désigner des coupables, a réagi la Fédération de Russie, en assurant de son appui à une nouvelle session de la Commission constitutionnelle. Tant que les négociations se poursuivent, les divergences d’opinions sont « naturelles » et même « saines », a ajouté la Tunisie. Compromis et souplesse doivent prévaloir, a-t-elle prescrit.
Devant le risque que le blocage de la Commission ne devienne une « distraction », la France a souligné l’importance de progresser en parallèle dans la mise en œuvre de tous les éléments de la résolution 2254. Parmi ces éléments, le Niger a mentionné la libération massive des détenus et l’identification des personnes disparues.
L’Envoyée spéciale adjointe a justement indiqué que le Groupe de travail sur la libération des personnes détenues ou enlevées et la restitution des dépouilles, ainsi que sur l’identification des personnes disparues, tiendra sa première réunion en février, à Genève. Les progrès ne seront pas faciles, a-t-elle prévenu, mais ce dossier est d’une importance capitale pour de nombreux Syriens qui veulent voir augmenter le nombre des libérations.
Alors que la Chine affirmait que le processus politique en Syrie ne doit pas être « parasité » par des ingérences extérieures, la Syrie a relevé que quatre envoyés spéciaux se sont succédé depuis neuf ans sans résultats concrets. Ils ont échoué parce que certains, au sein de ce Conseil, donnent « la primauté à la loi de la force au détriment de la force de la loi », a-t-elle diagnostiqué.
La Syrie a profité de l’occasion pour dénoncer la « tentative misérable » de l’Administration américaine de mettre en œuvre « un nouveau projet de colonisation » dans la région. C’est un acte unilatéral, une agression contre les Nations Unies et un mépris de toutes les résolutions concernant la Palestine et le Golan syrien occupé, a-t-elle lancé. La Fédération de Russie et l’Indonésie ont rejeté toute souveraineté israélienne sur le Golan syrien occupé, la première affirmant que le plan sur le Moyen-Orient dévoilé hier à Washington est entaché d’une grave « erreur géographique ».
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
Mme KHAWLA MATAR, Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, a indiqué, sur le plan politique, que l’Envoyé spécial, en déplacement à Damas, continue à travailler avec les parties syriennes et les parties prenantes internationales en vue d’avancer sur le long chemin du règlement du conflit syrien et de la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015). La Commission constitutionnelle, qui s’est réunie deux fois à Genève, participe des efforts en cours, a-t-elle souligné en rappelant sa composition: des représentants du Gouvernement syrien, des représentants nommés par le Comité de négociation syrien et un tiers de membres de la société civile. Les divergences entre les coprésidents sur l’ordre du jour n’ont pas rendu possible la réunion du groupe restreint lors de la seconde session, a-t-elle cependant signalé. L’Envoyé spécial œuvre actuellement à aplanir ces divergences et espère être bientôt en mesure de réunir la Commission constitutionnelle dans les meilleurs délais. Il espère aussi que les sessions de cette commission se poursuivront à un rythme soutenu dans les prochains mois. Il est urgent de bâtir la confiance, afin d’ouvrir la porte à un processus politique plus large, a commenté Mme Matar.
Elle a également informé le Conseil qu’une première réunion aura lieu en février, à Genève, pour le Groupe de travail sur la libération de personnes détenues ou enlevées et la restitution des dépouilles, ainsi que sur l’identification des personnes disparues, groupe qui comprend la République islamique d’Iran, la Fédération de Russie, la Turquie et l’ONU. Les progrès ne seront pas faciles, a prévenu Mme Matar, mais ce dossier est d’une importance considérable pour de nombreux Syriens qui veulent voir augmenter le nombre de libérations.
Rappelant la détérioration de la situation sur le terrain, en particulier dans le nord-ouest, elle a demandé un cessez-le-feu immédiat et exhorté les parties à œuvrer à une désescalade dans le nord-ouest comme dans les autres zones de la Syrie, leur demandant aussi de protéger les civils. Une diminution de la violence, en vue d’une cessation des hostilités dans tout le pays, est plus cruciale que jamais, a poursuivi Mme Matar pour qui la présence de cinq armées étrangères est un rappel des dangers que la crise pose pour la paix internationale et des défis au rétablissement de la souveraineté syrienne.
Elle a ensuite indiqué que la Commission constitutionnelle n’est pas suffisante pour remédier aux préoccupations de toutes les parties: il faut donc un processus plus large ramenant graduellement la confiance. Cela pourrait être la résultante d’actions réciproques, se renforçant mutuellement, prises non seulement par les Syriens mais aussi par les acteurs étrangers, se traduisant par des améliorations tangibles pour la population, en vue d’instaurer un environnement sûr, calme et neutre. Un tel environnement pourrait encourager un retour des réfugiés dans la sécurité et la dignité afin de rebâtir le pays, a-t-elle expliqué. L’Envoyé spécial est d’avis qu’il y a des ouvertures « modestes » lui permettant de poursuivre son travail et il œuvrera à cette fin avec soin.
« Nous continuons de donner la priorité à la prise en compte du plus large éventail possible des voix syriennes dans ce processus. » Mme Matar a ainsi indiqué avoir entendu des Syriens de Syrie et de l’étranger à Genève, la semaine dernière, lesquels ont plaidé pour une transparence et une inclusivité maximales du processus politique. Nous continuerons de notre côté, à l’ONU, de mener de larges consultations et de bâtir des ponts chaque fois que cela est possible, a-t-elle déclaré.
Enfin, Mme Matar a assuré que l’Envoyé spécial continuera d’œuvrer en faveur d’une cessation de la violence, de la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle et de la libération des détenus. Il continuera de travailler en vue d’un processus politique aboutissant à un règlement durable, respectant les aspirations des Syriens et restaurant la souveraineté et l’unité du pays, en conformité avec la résolution 2254 (2015), a-t-elle conclu.
Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) s’est félicitée de la tenue de cette réunion sur le volet politique de la crise syrienne, jugeant que les sessions mensuelles restent cruciales et nous guident dans nos efforts. Selon elle, chaque élément du processus politique visant à mettre en œuvre la résolution 2254 est aujourd’hui paralysé car le régime syrien entend poursuivre sur la voie militaire. À cet égard, a indiqué la représentante, il n’est pas besoin de chercher loin les preuves des attaques menées contre des cibles civiles par Damas et Moscou. Toutes deux ont perturbé le processus politique de façon délibérée et ont cherché à poursuivre « une solution militaire illusoire en Syrie », a accusé la déléguée américaine.
Qualifiant l’offensive en cours à Edleb de « plus grave violation de la résolution 2254 jusqu’à présent », Mme Norman-Chalet a déclaré craindre qu’elle ait des conséquences durables. Dans ce contexte, a-t-elle souligné, le message que nous envoyons est que le Conseil de sécurité doit faire montre d’unité pour dire aux autorités syriennes et à la Russie que « nous ne respecterons pas la solution militaire » qu’elles recherchent. Nous devons exiger, a-t-elle ajouté, que la Syrie et la Russie mettent en œuvre pleinement et de manière irréversible et vérifiable tous les aspects de la résolution 2254. La représentante a averti les acteurs qui entravent le cessez-le-feu qu’ils feront l’objet de davantage de sanctions américaines et ceux qui intimident les personnes déplacées pour entraver leur retour en Syrie qu’ils ne pourront plus agir en toute impunité. Pour la déléguée, le régime d’Assad et ses alliés doivent cesser leurs offensives dans le nord-ouest, lesquelles ont un effet délétère sur le processus politique mené par les Nations Unies. De fait, a-t-elle insisté, les Nations Unies doivent œuvrer en faveur d’un cessez-le-feu complet et rejeter les annonces tactiques de la Syrie et de la Russie qui évoquent une prétendue suspension des hostilités qui, selon elle, n’en est pas une.
Les retards accusés par la Commission constitutionnelle sont dus au régime syrien et à ses alliés, dont les agissements ont entraîné le déplacement de millions de Syriens, a estimé la représentante, déplorant en outre que la Russie ait publiquement menacé de porter atteinte à l’aide humanitaire transfrontière. Selon elle, le régime d’Assad devrait apporter à son peuple des conditions de subsistance au lieu d’utiliser des mesures brutales contre la population civile. Des millions de dollars sont ainsi utilisés pour acheter des missiles et des roquettes alors que les civils n’ont même pas d’électricité, a-t-elle constaté. De surcroît, les produits de base sont inaccessibles pour la majorité des Syriens alors que d’autres vivent dans le luxe. Dans ce contexte, a relevé Mme Norman-Chalet, une solution militaire ne réglera jamais les problèmes. Au contraire, si cette voie est maintenue, le terrorisme et l’extrémisme violent se poursuivront. De fait, a-t-elle souligné, les États-Unis continueront de retenir l’aide à la reconstruction jusqu’à ce que la résolution 2254 soit effectivement mise en œuvre. Il faut que le régime syrien garantisse à la population la protection et les produits alimentaires de base, et qu’il suive les prescriptions de ladite résolution, a-t-elle insisté, ajoutant en guise de conclusion que son pays continuera d’exercer une pression politique et financière sur Damas tant que le régime n’agira pas en conformité avec le texte adopté par le Conseil de sécurité.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est associé aux pays qui demandent un cessez-le-feu immédiat en Syrie afin d’encourager le processus politique. S’agissant de la Commission constitutionnelle, le représentant a constaté que peu de progrès ont été réalisés depuis le dernier exposé devant le Conseil. L’impasse apparente est, selon lui, le résultat direct du manque de dispositions des autorités syriennes à respecter le processus politique prévu par la résolution 2254. Certains, a observé le délégué, insistent pour que l’on n’impose pas de dates artificielles aux travaux de la Commission. Cela ne saurait être le cas, a-t-il dit, interrogeant son homologue syrien sur ce qui permettrait au régime de Damas de venir à la table des négociations pour trouver une solution globale.
De l’avis de M. Jürgenson, la résolution 2254 présente une série de moyens permettant de relancer le processus politique. À ses yeux, il est crucial de rétablir la confiance dans ce processus. Les Syriens de la rue et Mme Matar ont, à cet égard, mis en exergue la question des personnes détenues arbitrairement ou disparues, a-t-il souligné, saluant le travail du groupe d’Astana qui s’efforce d’assurer la libération mutuelle de détenus. Toutefois, a-t-il ajouté, les échanges sur un pied d’égalité ne suffisent pas, car le Gouvernement syrien détient huit fois plus de personnes que tous les autres groupes et parties réunis. De fait, le représentant a appelé à des libérations unilatérales, qui contribueraient à rétablir la confiance des Syriens et à appuyer le processus politique, y compris les travaux de la Commission constitutionnelle.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a appelé les « pays bailleurs de fonds » à s’abstenir de toute politisation de la situation en Syrie. Il a déclaré que son pays reste attaché au règlement pacifique de la crise en Syrie, avant d’évoquer la Commission constitutionnelle, qui a pu voir le jour, a-t-il rappelé, grâce à l’appui des garants du processus d’Astana. Il a assuré l’Envoyé spécial de l’appui de son pays pour un nouveau cycle de négociation au sein de ladite commission. Il ne faut pas dramatiser la situation et désigner des coupables, a-t-il dit, ajoutant que son pays œuvrera pour assurer le succès de la prochaine session.
M. Nebenzia a dénoncé les activités et provocations des groupes terroristes, qui entravent la mise en œuvre du cessez-le-feu signé par la Russie et la Turquie. Les provocations à Edleb ne resteront pas impunies, a-t-il mis en garde. Selon le représentant, ces groupes terroristes comptent augmenter le nombre de mises en scène d’emploi d’arme chimique afin de jeter le discrédit sur le Gouvernement syrien. Enfin, le délégué a évoqué le plan de paix pour le Moyen-Orient dévoilé hier à Washington, dont il estime qu’il comporte une grave « erreur géographique ». Nous ne reconnaissons pas la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, qui fait partie intégrante de la Syrie, a conclu M. Nebenzia.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a avoué ne pas être étonné de voir que « le régime syrien cherche à faire traîner les choses » dans les pourparlers politiques en cours. Affirmant que la solution au conflit syrien devrait être politique et non militaire, il a estimé que si « nos amis russes » arrêtaient d’apporter un soutien au régime syrien, celui-ci s’empresserait de se tourner vers la Commission constitutionnelle pour trouver une solution politique. Aux yeux du représentant, cette tendance militaire est particulièrement visible dans le nord-ouest de la Syrie, où 1 500 civils ont été tués ces derniers mois et où 400 000 personnes ont été déplacées depuis décembre. Évoquant en particulier le sort des enfants, le représentant a fait remarquer qu’ils ont payé un lourd tribut à ce conflit, avec des vies fauchées, des écoles détruites, des mineurs recrutés par des groupes armés et une génération entière risquant d’être perdue.
Pour M. Heusgen, les provocations de groupes comme Hay’at Tahrir el-Cham (HTS) ne justifient pas les attaques aveugles menées par le régime syrien et ses alliés contre des hôpitaux et des marchés. À notre sens, a-t-il fait valoir, il n’y a qu’une solution politique au conflit et il importe à cette fin de se pencher sur la question des détenus. En effet, a-t-il expliqué, le régime détient arbitrairement et torture des dizaines d’innocents qui n’ont fait qu’exercer leur liberté d’expression. Ces violations des droits de l’homme se poursuivent dans tout le pays, y compris dans les zones présentées par Damas comme « réconciliées ». Les Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) doivent donc avoir accès à tous les centres de détention contrôlés par le régime, a-t-il exigé. Enfin, en dépit des résistances de « nos amis russes », la redevabilité est un impératif pour parvenir à une paix durable et la réconciliation, a plaidé le représentant, appelant le Conseil à appuyer les efforts en ce sens, pour que les coupables soient traduits en justice.
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a rappelé qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise syrienne. Elle a dit espérer que la prochaine session de la Commission constitutionnelle soit convoquée au plus vite et qu’elle amène des résultats positifs. Elle a relevé que l’amélioration de la situation sécuritaire dans le pays est cruciale pour le succès du processus politique dans son ensemble. Elle a donc imploré toutes les parties de respecter le cessez-le-feu, ainsi que leurs engagements en vertu du droit international. Elle a insisté sur la protection des civils, ajoutant que les atrocités ne sauraient être ignorées et l’impunité encouragée. Elle a donc salué la décision du Secrétaire général de l’ONU, datant du mois d’août dernier, qui a établi une commission du Siège de l’ONU chargée d’enquêter sur une série d’incidents qui se sont produits dans le nord-ouest de la Syrie depuis la signature du mémorandum sur la stabilisation de la situation dans la zone de désescalade d’Edleb entre la Russie et la Turquie le 17 septembre 2018.
Mme King a également appelé les parties à prendre des mesures de confiance afin d’assurer le succès du processus politique. Elle a aussi invité le Gouvernement syrien à prendre des mesures sur la question des personnes disparues et détenues. Dans le même temps, il faut s’assurer que les besoins humanitaires des Syriens soient résolus immédiatement, a-t-elle demandé, avant d’insister sur l’importance du respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, et sur la nécessité de tenir compte des avis du Gouvernement et du peuple syriens.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé que la résolution 2254 reste à mettre en œuvre, cinq ans après son adoption. Le Conseil de sécurité, comme garant de cette résolution, a la responsabilité « non transférable » de donner une impulsion à son application par la voie notamment de la médiation et du dialogue inclusif, selon le représentant. Il a jugé à cet égard malheureux que le dialogue n’avance pas entre le Gouvernement, l’opposition et la société civile, dans le cadre de la Commission constitutionnelle. Seul un dialogue authentique et significatif entre les parties, avec comme objectif une solution politique négociée, permettra de poser les bases nécessaires pour répondre aux aspirations du peuple syrien, a-t-il dit. Il a plaidé pour la participation effective des femmes dans tous les aspects du processus politique, avant de souligner que les besoins et les solutions des femmes déplacées et réfugiées doivent être au cœur dudit processus.
Le représentant s’est inquiété des attaques aveugles qui touchent la population, obligeant des centaines de milliers de personnes à se déplacer. Il s’est dit notamment inquiet de la situation dans le nord-ouest du pays et des violations du droit international humanitaire, ce qui exige, selon lui, l’intervention du Conseil de sécurité. Il est fondamental de parvenir à un cessez-le-feu durable avec un accès sûr et durable aux populations dans le besoin, et ce, pas uniquement dans le nord-ouest mais dans l’ensemble du pays, a réclamé M. Singer Weisinger. C’est le minimum que peuvent faire les parties, a-t-il ajouté. Il a demandé d’accompagner ces efforts de mesures sur le terrain pour renforcer la confiance. Le représentant a également plaidé pour que le retour des personnes déplacées se fasse en toute sécurité et dans la dignité, en respectant leur volonté. Enfin, il a enjoint tous les membres du Conseil d’honorer les engagements souscrits dans la résolution 2254.
M. WU HAITAO (Chine) a noté avec satisfaction que la première réunion de la Commission constitutionnelle en octobre dernier a constitué un point de départ pour le processus politique en Syrie. Il s’est aussi félicité de la venue, hier à Damas, de M. Geir Pedersen, pour traiter de questions politiques avec le régime, saluant les efforts de médiation de cet Envoyé spécial du Secrétaire général en Syrie. Pour le représentant, les Nations Unies doivent continuer de faire avancer le processus politique avec pour base la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Certes, a-t-il concédé, la poursuite du conflit est patente et les différences de point de vue entre les parties sont évidentes. Il faudra donc du temps pour parvenir au terme de ce processus politique, mais il ne doit pas pour autant être parasité par des ingérences étrangères, a estimé le délégué.
Selon lui, les membres de la Commission constitutionnelle doivent faire preuve d’un esprit de dialogue et de compromis et préserver l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. S’agissant de la lutte contre le terrorisme, la question du groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTS) est un problème qui a eu un effet domino, a fait valoir le représentant, invitant tous les pays à adopter une attitude commune à cet égard. Il faut aussi améliorer la situation économique et humanitaire du pays et encourager la reconstruction, a-t-il plaidé. Assurant enfin que la Chine est prête à contribuer aux efforts actuellement menés en faveur du peuple syrien, il a estimé que la fourniture d’une aide humanitaire à ce pays ne devrait pas être assortie de conditions préalables.
Mme HARSHANA BHASKAR GOOLAB (Afrique du Sud) a salué les efforts de l’Envoyé spécial Pedersen dans l’optique de trouver une solution politique à la situation en Syrie. La délégation sudafricaine soutient également les efforts de l’Envoyé spécial pour promouvoir des mesures de renforcement de la confiance entre les parties. La représentante a invité les membres de la Commission constitutionnelle à rester engagés dans le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution pour le pays. Elle les a aussi invités à être flexibles pour trouver des accords sur le programme de travail avant la prochaine phase de discussions.
Mme Goolab a rappelé que le travail de la Commission constitutionnelle n’est qu’un aspect du vaste processus politique en Syrie, en vertu de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Elle a du reste rappelé que la seule solution possible à la crise syrienne passe par la mise en œuvre de cette résolution qui appelle à un dialogue inclusif mené par le Syriens eux-mêmes.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a indiqué que la première des priorités doit être le peuple syrien. Le processus politique doit être basé sur les intérêts et aspirations des Syriens, a-t-il insisté, en réaffirmant également l’engagement de son pays pour le respect de la souveraineté de la Syrie. Il a indiqué, dans ce droit fil, que le Golan syrien occupé fait partie intégrante de la Syrie. Il a donc rejeté la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien occupé. S’agissant de la Commission constitutionnelle, il a espéré que le troisième cycle de négociation sera bientôt réalité. Il a encouragé les parties à consentir des efforts véritables afin que les travaux de la Commission avancent. Flexibilité et robustesse des engagements doivent être de mise pour aller de l’avant, a-t-il dit. Il a souhaité que les travaux de la Commission obéissent à la règle du consensus et que les divergences entre les parties soient surmontées par le dialogue. Enfin, le délégué a insisté sur l’importance d’une désescalade des hostilités et appelé à éviter toute rhétorique ou action provocatrice de nature à saper le travail de la Commission constitutionnelle.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a insisté « sur le drame qui se joue sous nos yeux à Edleb ». La France, a-t-elle dit, condamne fermement les bombardement intenses et indiscriminés du régime et de ses alliés, qui ciblent notamment les zones de peuplement, ainsi que des infrastructures médicales et des camps de déplacés. La représentante a réitéré son appel à la cessation des hostilités. Mettre fin à cette offensive meurtrière doit être la première priorité de la communauté internationale et de l’Envoyé spécial, a ordonné Mme Gueguen, pour qui la lutte contre le terrorisme ne peut pas servir de prétexte à un tel déchaînement de violence. En ce qui concerne le processus politique, « qui demeure indispensable pour stabiliser durablement le Syrie », elle a appelé à démarrer enfin les travaux de la Commission constitutionnelle tout en souhaitant que cette commission ne soit pas une distraction qui conduise la communauté internationale à détourner les yeux de ce qui se passe en Syrie. Elle a dit « attendre des parrains du régime qu’ils appellent Damas à la raison », et des Nations Unies qu’elles rendent compte fidèlement des blocages du processus et imputent clairement les responsabilités.
Mme Gueguen a aussi demandé à l’Envoyé spécial de progresser en parallèle dans la mise en œuvre de tous les éléments de la résolution 2254 (2015). Il dispose de tout notre soutien pour travailler à des mesures de confiance qui permettent de créer l’environnement sûr et neutre que le Communiqué de Genève appelait de ses vœux. Cet environnement sûr dans lequel les Syriens ne vivront plus dans la peur des bombes et des arrestations arbitraires est indispensable pour tenir des élections crédibles, a-t-elle fait valoir en précisant que ces élections devront se tenir sous la supervision des Nations Unies et permettre la participation de tous les Syriens, y compris les réfugiés et les déplacés. Concernant les réfugiés, elle a plaidé pour que leur retour se fasse dans le strict respect du droit international, c’est-à-dire de manière sûre, digne et surtout volontaire. La France ainsi que ses partenaires européens ne financeront pas la reconstruction tant qu’un règlement politique ne sera pas solidement en place, a averti la représentante. Il en va de même pour la levée des sanctions, ainsi que pour la normalisation des relations avec le régime syrien. Elle a terminé en invitant la Fédération de Russie à faire le choix courageux de la coopération et à œuvrer avec le Conseil de sécurité et la communauté internationale à une solution politique crédible en Syrie.
Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a affirmé qu’une solution politique est la seule qui soit possible pour résoudre le conflit syrien. Alors que la Commission constitutionnelle qui a été créée en septembre dernier suscitait un espoir prudent d’une nouvelle dynamique, elle a estimé que cet espoir risque de s’éteindre. Elle a donc appelé Damas à se réengager dans le processus politique et à ne pas faire obstacle à un accord sur l’ordre du jour de la Commission, afin que sa deuxième session ait lieu. Selon la représentante, la bonne foi des autorités syriennes sera évaluée sur la base des résultats de ce processus.
La déléguée a souligné que la Belgique, en ligne avec la politique de l’Union européenne, ne participera pas au processus de reconstruction si une solution politique n’est pas en bonne voie. Elle a précisé que le processus politique ne se limite pas à la Commission constitutionnelle. Elle a ainsi demandé la libération des détenus et des personnes enlevées, jugeant que c’est d’une importance humanitaire immense et un élément essentiel pour renforcer la confiance. Les familles doivent être en mesure de serrer à nouveau dans leurs bras leurs proches, ou, à tout le moins, recevoir des informations sur leur localisation et leur situation, a-t-elle argué, ajoutant que le comportement des autorités syriennes dans ce dossier est inacceptable. La représentante a appelé les autorités syriennes et ceux qui les appuient militairement à instaurer d’urgence un cessez-le-feu dans le nord-ouest du pays. Elle a conclu en rappelant que la solution au conflit passe par un processus politique négocié, conforme à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève de 2012.
M. ABDOU ABARRY (Niger) a appelé les Nations Unies à redoubler d’efforts dans leur capacité de liaison et de dialogue entre les parties à tous les niveaux, et ce, afin de maintenir la stabilité et le calme et ainsi contribuer efficacement à l’instauration de conditions favorables au processus de paix en Syrie. Pour le représentant, cet objectif passe par un cessez-le-feu effectif à Edleb en vue d’éviter une escalade susceptible d’impacter les avancées observées sur le plan politique. M. Abarry a ainsi demandé aux parties de soutenir davantage les mesures d’accompagnement des travaux de la Commission constitutionnelle ainsi que l’ensemble des éléments de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, y compris le soutien au retour des réfugiés, la libération massive de détenus et de personnes disparues ainsi que la préparation d’élections libres, justes et transparentes.
Dans cette perspective, le délégué nigérien a encouragé l’inclusion de tous les Syriens aux efforts de paix, notamment les organisations de femmes et de jeunes telles que le Syrian Women Advisory Board. Avant de conclure, il a invité les membres du Conseil de sécurité à toujours avoir à l’esprit les intérêts du peuple syrien dans leurs prises de position car, a-t-il souligné, « c’est lui qui souffre de ces atrocités et c’est pour son mieux-être que nous devons agir ».
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a indiqué que l’élément clef pour la réussite du processus politique en Syrie est l’engagement fort des parties syriennes. Or, l’ingrédient essentiel manque, à savoir la volonté du Gouvernement, a-t-il dit. Il a rappelé l’avancée historique qu’a été la mise sur pied de la Commission constitutionnelle. Malheureusement, après deux sessions, le régime refuse tout dialogue, a-t-il regretté. Il a également déploré le manque de volonté sur le dossier de la libération des détenus. Le délégué s’est ensuite étonné des accusations selon lesquelles il y aurait une approche de deux poids, deux mesures s’agissant de l’aide humanitaire et une duplicité de la part de l’Occident. Le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne sont les principaux bailleurs de fonds du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie, a-t-il rappelé.
Le représentant a déploré que le « régime syrien », enhardi par la Russie, ait refusé toute autre option que l’option militaire. Il a dénoncé la poursuite des frappes à Edleb, avant d’appeler toutes les parties prenantes à respecter le droit international. Enfin, le délégué a affirmé que le seul espoir en Syrie réside dans un changement de cap du régime syrien et dans les pressions de son « protecteur russe » afin que ledit régime revienne à la table des négociations.
M. MONCEF BAATI (Tunisie) a rappelé que la mise sur pied de la Commission constitutionnelle est une avancée importante. Tant que les négociations se poursuivent, toute divergence d’opinion est naturelle et même saine, a-t-il affirmé. Le représentant a appuyé les bons offices de l’Envoyé spécial et dit espérer que la Commission constitutionnelle reprenne ses travaux aussi vite que possible. Il a souhaité qu’elle adopte son ordre du jour, dans le respect de ses procédures internes, en appelant ses membres à faire preuve d’un esprit de compromis et de la souplesse nécessaire. Il a souhaité que la Commission suive la règle du consensus dans ses travaux, sans conditions préalables.
Évoquant l’expérience de son pays et le pluralisme qui le caractérise, le représentant a déclaré que toute imposition d’une opinion ne peut que nuire à un processus de transition. Revenant à la Syrie, il s’est dit préoccupé par la situation sur le terrain, les combats s’étant intensifiés dans le nord-ouest. Il a ensuite insisté sur le lien étroit qui existe entre cessez-le-feu et processus politique en Syrie. Par ailleurs, il s’est dit inquiet du transfert d’éléments terroristes de la Syrie vers la Libye. Enfin, le délégué a insisté sur l’importance que le processus politique s’accompagne de mesures de confiance. Le sort des personnes disparues doit être connu et les détenus doivent être libérés, a conclu le délégué tunisien.
Pour M. DANG DINH QUY (Viet Nam), la seule façon de régler le conflit est de trouver une solution politique globale, à long terme et équilibrée, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, et de la non-ingérence dans ses affaires intérieures. Le représentant, qui a apporté son appui au rôle de la Commission constitutionnelle, a dit attendre avec intérêt l’engagement soutenu des divers membres de la Commission en vue de réaliser des progrès substantiels dans les mois à venir. Il a exhorté le Gouvernement syrien et les autres parties à s’appuyer sur les progrès récents pour engager des négociations et un dialogue avec la large participation des acteurs concernés, afin de trouver une solution politique durable acceptable par le peuple syrien.
« Nous sommes préoccupés par l’absence de progrès de la Commission constitutionnelle depuis décembre », a indiqué M. Dang, qui a souligné l’importance de l’unité du Conseil de sécurité pour trouver des solutions viables aux problèmes en Syrie, y compris pour assurer une aide humanitaire aux personnes nécessiteuses. Toutes les parties concernées doivent faire preuve de retenue et s’abstenir de toute action qui pourrait compliquer la situation, a-t-il plaidé en conclusion.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a commencé par évoquer la question humanitaire, indiquant que son gouvernement a adressé un message au Directeur régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’informer que Damas accepte l’accès d’un convoi d’assistance médicale de l’OMS actuellement en attente en Iraq. Le Gouvernement de Damas, en coopération avec l’OMS et le Croissant-Rouge arabe syrien, va coopérer pour distribuer cette assistance aux hôpitaux et aux citoyens qui en ont besoin, a-t-il assuré.
Sur le volet politique, le représentant a indiqué que le Vice-Premier Ministre syrien s’est entretenu avec l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geir Pedersen, pour que le processus politique réussisse à répondre aux intérêts du peuple syrien, et ce, en respectant la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale du pays. D’après lui, les deux parties se sont entendues sur des méthodes de travail à cette fin. Pour le représentant, neuf années maigres se sont écoulées au cours desquelles quatre envoyés spéciaux se seront succédé sans obtenir de résultats concrets. À ses yeux, ils ont échoué parce que certains, au sein du Conseil de sécurité, « donnent la primauté à la loi de la force et non à la force de la loi ».
Le délégué a ensuite dénoncé la « tentative pitoyable » du Gouvernement américain de mettre en œuvre un nouveau projet de colonisation « dans notre région », à l’instar de la « néfaste » Déclaration de Balfour et en dépit de toutes les résolutions pertinentes du Conseil sur le retrait de l’occupation israélienne aux lignes de 1967. Il s’agit d’un acte unilatéral, d’une agression contre les Nations Unies et d’un mépris de toutes les résolutions concernant la Palestine et le Golan occupés, a-t-il lancé. Tout comme le projet de l’administration Bush en 2003, celui de 2020 ne fait aucune mention du droit international ou des droits de l’homme, a-t-il noté. Dans ces conditions, comment peut-on faire confiance à l’Administration américaine concernant la sécurité internationale? s’est-il interrogé, accusant « certains pays » d’utiliser le mensonge pour semer l’instabilité dans la région et tenter de convaincre de leur « politique myope » qui n’aura d’autres conséquences que la destruction et la ruine. « Comme le disait Jean-Paul Sartre, l’enfer c’est les autres », a-t-il poursuivi, avant d’estimer que le rétablissement de la paix en Syrie nécessite de « traiter les défis terroristes » et de « cesser d’occuper le Conseil avec des crises fabriquées ».
De l’avis du délégué, le Gouvernement syrien a été très patient en optant pour toutes les possibilités d’entente et de compromis, notamment celles d’Astana et de Sotchi, afin de faire prévaloir l’intérêt du peuple syrien. M. Ja’afari a ainsi fait valoir que Edleb et sa région sont sous le contrôle du groupe HTS, lequel est le bras armé d’Al-Qaida et regroupe dans ses rangs des milliers de combattants étrangers que certains considèrent comme une « opposition armée modérée ». « Qu’auraient fait vos gouvernements s’ils voyaient une organisation terroriste occuper une région en ciblant des civils? Seriez-vous restés les bras croisés? » a-t-il conclu, se disant convaincu du principe d’égalité entre les États, conformément aux principes de l’ONU.