8702e séance – matin     
CS/14076

Progrès « considérables » et menaces « sérieuses »: le Conseil de sécurité fait le point sur la situation en Colombie

La politique de « la paix par le droit » en Colombie est irréversible, a assuré, ce matin, la nouvelle Ministre colombienne des affaires étrangères, Mme Claudia Blum de Barberi, aux membres du Conseil de sécurité, lors d’une réunion au cours de laquelle le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie a indiqué que le pays avait continué d’enregistrer des progrès considérables dans son processus de paix, malgré des menaces « sérieuses », notamment en ce qui concerne la sécurité dans les zones touchées par les conflits, des dirigeants sociaux et des anciens combattants. 

Dès lors, le message de M. Carlos Ruiz Massieu était clair: ces gains doivent être protégés et, pour cela, la pleine et entière mise en œuvre de l’accord de paix signé en 2016 et de tous ses aspects interconnectés reste le meilleur moyen et espoir pour la Colombie de jeter les bases d’un avenir plus pacifique et prospère.  L’appui de la communauté internationale, notamment du Conseil de sécurité, demeure essentiel pour cela, a-t-il insisté.

Ce point de vue a été largement défendu par les membres du Conseil de sécurité qui ont unanimement relevé et salué l’attachement du Gouvernement colombien à la paix et applaudi le succès des élections locales et départementales du 27 octobre 2019 qui ont vu la première participation du parti politique Force alternative révolutionnaire du peuple (FARC).  L’élection de candidats anciens combattants constitue des garanties pour assurer la participation des anciens FARC à la vie politique, a d’ailleurs fait observer la Ministre des affaires étrangères de la Colombie.

Il n’en demeure pas moins que des efforts urgents sont nécessaires pour consolider les acquis de ces trois dernières années, d’autant plus, ont relevé la France et les États-Unis, que cela s’inscrit aujourd’hui dans un contexte compliqué par la crise migratoire vénézuélienne.

La recrudescence des violences et menaces dirigées contre les dirigeants communautaires et des militants de droits de l’homme et des anciens combattants a suscité de vives inquiétudes, l’Allemagne ayant notamment relevé que 2019 avait été l’année la plus violente pour les anciens combattants depuis la signature de l’accord de paix, 173 personnes ayant été tuées.  La Ministre colombienne a cependant répondu que 51 mandats d’arrêts ont été délivrés contre des personnes impliquées dans ces assassinats ainsi que 23 verdicts.  Elle a ajouté que les autorités avaient déjoué une tentative d’assassinat qui visait le Président du parti politique des FARC, Rodrigo Londono, alias « Timochenko ».

M. Ruiz Massieu a lui aussi averti que la violence généralisée dans les zones touchées par le conflit continue de menacer la consolidation de la paix, comme en témoignent « les évolutions profondément inquiétantes des dernières semaines ».  Le Représentant spécial a notamment signalé qu’au cours des 15 derniers jours, la communauté de Bojayá a dénoncé l’occupation de terres par le groupe Autodefensa Gaitanistas de Colombia, tandis que d’autres communautés de la région de Chocó sont touchées par les activités de l’Armée de libération nationale (ELN).  Les assassinats de dirigeants sociaux et d’anciens combattants ont repris dès le premier de l’An.

Cauca, Chocó et Nariño restent les épicentres de la violence, a expliqué M. Massieu en imputant la cause à la pauvreté dans des zones rurales où l’État n’a qu’une présence limitée et où des groupes armés et des structures criminelles continuent à faire de la population civile leurs victimes pour contrôler des trafics illicites.  Pour le Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, la pleine application de l’accord final aiderait donc les agriculteurs à passer de la culture de la coca à des productions légales, mais aussi à adopter et appliquer de toute urgence des politiques publiques visant à démanteler ces groupes armés illicites par le truchement de la Commission nationale des garanties de sécurité.

Le Représentant spécial a de plus appelé à prêter attention aux plus de 9 000 anciens combattants qui vivent en dehors des anciens secteurs territoriaux de formation et de réintégration et qui font face à des risques sécuritaires accrus ainsi qu’à des obstacles supplémentaires en ce qui concerne l’accès aux services de base, à l’éducation et à l’emploi.  M. Ruiz Massieu a aussi appelé à régler la question de l’accréditation de tous les anciens membres des FARC-EP car, a-t-il prévenu, sans accréditation, ces derniers restent dans une situation légale incertaine et ne peuvent tirer parti des avantages de la réintégration.  Cela crée une insécurité juridique et augmente le risque de récidive, s’est d’ailleurs inquiétée la Belgique.  

À ce sujet, la Ministre colombienne des affaires étrangères a toutefois précisé que 13 185 anciens combattants avaient été accrédités à la fin décembre 2019 et que le Gouvernement colombien avait signé, le 17 décembre, une feuille de route pour la réintégration socioéconomique agréée avec les FARC.

De son côté, la délégation des États-Unis a salué les « conversations nationales » lancées récemment par le Président Duque en réponse aux importantes mobilisations sociales en Colombie.  « Nous espérons qu’elles permettront de favoriser l’intégration des anciens combattants, d’élargir la présence du Gouvernement et l’octroi de services dans les territoires où cette présence fait défaut et d’offrir des perspectives économiques à tous les Colombiens », a souligné la délégation. 

« On ne saurait imaginer une paix durable en Colombie sans prendre en compte les avis de l’ensemble de la société », a insisté pour sa part le Fédération de Russie qui a espéré que les autorités colombiennes accorderont l’immunité aux dirigeants colombiens qui se trouvent toujours à Cuba et tiendront compte de leurs avis. 

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (S/2019/988)

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a indiqué que durant l’année écoulée, la Colombie a continué d’enregistrer des progrès considérables dans son processus de paix malgré des menaces sérieuses, en particulier en termes de sécurité dans les zones touchées par les conflits, les dirigeants sociaux et les anciens combattants.  Il a salué la sécurité renforcée et la plus grande participation aux élections régionales d’octobre dernier qui ont démontré, selon lui, l’impact positif du processus de paix sur la démocratie colombienne.  Par ailleurs, des milliers d’anciens combattants continuent de bâtir de nouvelles vies grâce aux occasions que leur offre la paix. 

Tout cela a été possible grâce aux efforts déployés par le Gouvernement colombien et les FARC, avec l’assistance de la communauté internationale, ainsi que les Colombiens eux-mêmes qui s’emploient au quotidien à réaliser et consolider la paix dans leurs communautés.  Ces gains doivent être protégés et le meilleur moyen pour cela est de promouvoir la mise en œuvre complète de l’accord de paix, a estimé M. Ruiz Massieu.  Il a ensuite encouragé les deux parties à renforcer leur dialogue au sujet de leurs différends sur la mise en œuvre de l’Accord final, notamment par le truchement des mécanismes prévu par l’Accord lui-même, comme la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application de l’Accord de paix.  Le Représentant spécial a également fait remarquer que les mobilisations sociales qui ont eu lieu depuis novembre dernier ont ouvert la voie à un dialogue constructif sur la réalisation de la paix.

M. Ruiz Massieu a ensuite salué l’adoption, le 17 décembre dernier, de la feuille de route sur la réintégration qui plante le cadre d’un processus de réintégration à long terme.  Il a également indiqué qu’à ce jour, près de 2 500 projets collectifs pour les anciens combattants ont été approuvés.  Il a appelé à veiller à leur viabilité à long terme au-delà de leur approbation et financement, à travers un accès à la terre, à l’assistance technique et aux marchés.  Il importe également d’accroître la participation des femmes et des communautés locales de sorte que ces projets favorisent la réconciliation et le développement local. 

Le Représentant spécial a aussi souligné qu’une attention particulière doit être accordée aux plus de 9 000 anciens combattants qui vivent en dehors des anciens secteurs territoriaux.  Ces derniers font face à des risques sécuritaires accrus ainsi qu’à des obstacles supplémentaires en ce qui concerne l’accès aux services de base, à l’éducation et à l’emploi.  Des mesures durables s’imposent également pour assurer la protection de 2 000 enfants d’anciens combattants.  En outre, la question de l’accréditation de tous les anciens membres des FARC-EP doit être réglée.  Sans accréditation, ils restent dans une situation légale incertaine et ne peuvent tirer parti des avantages de la réintégration, a-t-il notamment prévenu. 

M. Ruiz Massieu a ensuite averti que la violence généralisée dans les zones touchées par le conflit continue de menacer la consolidation de la paix, comme en témoignent « les évolutions profondément inquiétantes des dernières semaines ».  La violence risque notamment de se propager dans le département de Chocó en raison des activités des groupes illicites armés, a-t-il alerté.  Et au cours des 15 derniers jours, les communautés de Bojayá ont dénoncé l’occupation de terres par le groupe Autodefensa Gaitanistas de Colombia, tandis que d’autres communautés de la région sont touchées par les activités de l’Armée de libération nationale (ELN).  Il a indiqué avoir rencontré, la semaine dernière, le dirigeant afro-colombien, Leyner Palacios, de Bojayá, qui lui a fait un compte rendu de première main de la situation catastrophique de ces communautés ainsi que d’autres situées sur la côte pacifique.  M. Ruiz Massieu a aussi évoqué l’assassinat de l’artiste et leader sociale, Lucy Villarreal, le 23 décembre, dans le département de Nariño, ainsi que celui de Benjamin Banguera Rosales, un ancien combattant FARC-EP à Cauca le 1er de l’an.  Les responsables d’attaques contre des dirigeants sociaux et des anciens combattants doivent être rapidement traduits en justice et des mesures plus efficaces sont impératives pour protéger ces individus et leurs communautés, a exigé le Chef de la mission onusienne.  L’annonce faite hier par les autorités, qu’elles avaient réussi à déjouer un attentat qui visait le Président du parti FARC, Rodrigo Londono alias « Timochenko », ne fait que souligner les risques qu’affrontent les anciens membres des FARC-EP et qui pèsent sur le processus de paix lui-même, a-t-il ajouté.

Le Représentant spécial a expliqué que Cauca, Chocó et Nariño restent les épicentres de la violence dont les causes sous-jacentes sont connues: la pauvreté en zone rurale où l’État n’a qu’une présence limitée et où des groupes armés et des structures criminelles continuent à faire de la population civile leur victime pour contrôler les trafics illicites.  Il y a vu une raison supplémentaire de pleinement appliquer l’Accord final, notamment pour aider les fermiers à passer de la culture de la coca à des productions légales.  Il est également urgent que des politiques publiques visant à démanteler ces groupes armés illicites soient mises en œuvre par le truchement de la Commission nationale des garanties de sécurité, a-t-il ajouté.

Depuis le 1er janvier, a-t-il enchaîné en espagnol, la Colombie dispose de nouvelles autorités locales et départementales, y compris les maires, les gouverneurs et les membres des assemblées départementales et huit anciens combattants des FARC-EP font partie de ces nouvelles autorités.  Il a souligné que le rôle de ces autorités locales et départementales est fondamental pour l’application de l’accord de paix.

Poursuivant en anglais, il s’est dit convaincu que la pleine et entière application de l’Accord, et de tous ses aspects interconnectés, reste le meilleur moyen et espoir pour la Colombie de jeter les bases d’un avenir plus pacifique et prospère.  L’appui de la communauté internationale, notamment du Conseil de sécurité, demeure essentiel.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a salué l’attachement du Gouvernement colombien à la paix et le succès des élections locales et départementales d’octobre 2019 avec la première participation des FARC en tant que mouvement politique.  Elle a souligné le rôle clef des nouvelles autorités locales élues en octobre pour mettre en œuvre l’accord de paix signé il y a trois ans.  Elle a estimé que des efforts urgents étaient nécessaires pour consolider les acquis de ces trois dernières années.  La représentante s’est dite préoccupée par les menaces et violences dirigées contre les dirigeants communautaires et les militants des droits de l’homme.  Elle a appelé à utiliser le mécanisme de la Commission nationale des garanties de sécurité pour avancer dans ce domaine et assurer la protection des anciens combattants.  « Nous invitons le Gouvernement à accélérer le processus d’intégration des anciens combattants », a encore insisté la représentante du Royaume-Uni avant de prévenir qu’une paix durable ne pourra être obtenue que si toutes les composantes de l’Accord seront mises en œuvre. 

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a salué la détermination impressionnante des Colombiens de consolider la paix après des décennies de guerre.  Tout en saluant le succès des élections locales et départementales d’octobre 2019, elle s’est inquiétée de la persistance de violence à l’égard des anciens combattants et des dirigeants communautaires militants des droits de l’homme.  Elle a salué les progrès accomplis en matière de justice transitionnelle, et a estimé que le mécanisme de justice transitionnelle défini dans l’accord de paix est un mécanisme déterminant pour asseoir la paix.  La représentante a relevé que la réussite de la mise en œuvre de l’accord de paix est étroitement liée au problème de la drogue ainsi qu’à la crise que traverse le Venezuela et qui menace de déstabiliser la région. 

Elle a appuyé les efforts du Gouvernement de la Colombie pour réduire la production de coca, soulignant qu’ils permettent d’appuyer le processus de paix, mais aussi de renforcer le développement économique.  La représentante a également salué les « conversations nationales » lancées par le Président Duque en réponse aux importantes mobilisations sociales.  Nous espérons qu’elles permettront de favoriser l’intégration des anciens combattants, d’élargir la présence du Gouvernement et l’octroi de services dans les territoires où cette présence fait défaut et d’offrir des perspectives économiques à tous les Colombiens. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a réitéré son ferme appui au processus de paix en Colombie et a félicité le peuple colombien pour son engagement en faveur de la consolidation de ce processus.  Il a salué les efforts du Gouvernement colombien pour répondre aux attentes du peuple dans le cadre du dialogue national et a espéré que cela débouchera sur l’adoption de mesures concrètes et tangibles pour augmenter la confiance du peuple dans le processus.  Il a regretté la violence qui persiste dans certaines parties du pays à cause de la présence de groupes armés illégaux et a encouragé toutes les parties à garantir un environnement sûr et sans violence à la population civile.

Le dialogue et la concertation sont la seule voie possible pour réaliser la paix dans tout le pays, et, pour cela, il faut utiliser les moyens existants comme la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application de l’Accord de paix prévue par l’Accord lui-même, a-t-il estimé.  Le représentant a salué le lancement d’une réforme rurale en vue de combattre la pauvreté et promouvoir le développement des communautés les plus touchées par le conflit.  Il a également jugé essentiel de continuer à offrir des opportunités et de garantir le droit à l’éducation des anciens combattants pour en faire des agents du changement et de la réconciliation en Colombie.  S’agissant des conditions de sécurité, en particulier dans les zones rurales, il a dénoncé les actes de groupes armés illégaux qui ont visé d’anciens combattants et des dirigeants sociaux, mais aussi des enfants colombiens et vénézuéliens.  La République dominicaine les exhorte à mettre fin à de tels actes.  Pas plus tard qu’hier, le Gouvernement de la Colombie a déjoué un attentat contre le dirigeant du parti FARC, a signalé le représentant en appelant à traduire les responsables en justice.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a salué la présence de Mme Claudia Blum de Barberi, la nouvelle Ministre des affaires étrangères de la Colombie, en notant qu’elle était d’origine allemande.  Il a salué la détermination impressionnante du peuple colombien, trois ans après la signature de l’accord de paix, de surmonter des décennies de violence.  Illustrant son propos, il s’est félicité de la forte participation des Colombiens aux élections locales et départementales du mois d’octobre, marquées par la première participation des FARC en tant que parti politique.  Il a jugé important de mettre en œuvre au plus vite la feuille de route pour l’intégration récemment adoptée. 

Le représentant a également appelé le Conseil de sécurité à préserver son unité et son engagement en faveur de la Colombie et à veiller à ce que la communauté internationale continue d’aider les Colombiens à réaliser leur aspiration à un avenir pacifique.  Abordant les défis en matière de réintégration, M. Heusgen a noté que 9 000 anciens combattants se trouvent en dehors de leurs anciens secteurs territoriaux.  Sur le plan sécuritaire, il a relevé que 2019 avait été l’année la plus violente pour les anciens combattants depuis la signature l’accord de paix, 173 personnes ayant été tuées. 

« Plus de trois ans après la signature de l’accord de paix, la Colombie peut être fière », a déclaré M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), qui a estimé que les récentes élections locales témoignent de l’impact positif du processus de paix sur la démocratie colombienne.  Il a notamment relevé que moins d’incidents violents ont été notés et les citoyens ont pu participer aux élections dans des parties du pays auparavant trop peu sûres.  Il s’est également dit encouragé par la mise en œuvre des « programmes de développement à vocation territoriale » ainsi que par les progrès en matière de réinsertion économique et sociale.  Le représentant a cependant jugé préoccupant, en ce qui concerne les garanties juridiques, qu’aucun progrès substantiel n’ait été accompli dans le processus d’accréditation des anciens combattants.  Cela crée une insécurité juridique et augmente le risque de récidive, s’est-il inquiété.  Il s’est ensuite félicité des progrès importants accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix et a exhorté tous ceux qui sont sous sa juridiction à contribuer aux efforts de recherche de la vérité.

Poursuivant, M. Pecsteen de Buytswerve a regretté la violence continue exercée contre les défenseurs des droits de l’homme, les dirigeants sociaux et les anciens combattants des FARC, se disant particulièrement préoccupé par le ciblage spécifique des femmes défenseuses des droits et des dirigeantes sociales.  Il a aussi cité le manque de protection pour les 70% d’anciens combattants résidant en dehors des anciennes zones de concentration (TATR).  Il a réclamé la finalisation du plan d’action de la Commission intersectorielle de la sécurité des femmes dirigeantes et défenseuses des droits de l’homme.  Le délégué a aussi dit être profondément préoccupé par le nombre élevé de recrutements et d’utilisation d’enfants par l’Armée de libération nationale (ELN) et des dissidents des FARC.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a indiqué que le Conseil de sécurité s’est efforcé de soutenir l’effort collectif du Gouvernement colombien dans la mise en œuvre de l’accord de paix.  Trois ans après la signature de cet accord, des élections locales ont pu être réalisées en octobre dernier dans des conditions globalement satisfaisantes et avec une bonne participation, a-t-elle noté, y voyant la preuve de la contribution positive de l’accord de paix à la démocratie colombienne.  Par ailleurs, le dispositif de réintégration produit des résultats et Mme Gueguen s’est notamment félicitée que la grande majorité des anciens membres FARC-EP reste engagée dans sa réalisation. 

La représentante a insisté sur l’importance de la mise en œuvre de l’ensemble de l’accord de paix, en notant que certains volets restent en retard, notamment le programme de substitution des cultures illicites et les reformes rurales et politiques.  L’application pleine et entière de l’accord de paix est la seule voie pour consolider la paix, a-t-elle martelé et, à cet égard, la France appelle les autorités colombiennes à assurer la présence de tous les services sur tout le territoire et à assurer la protection des enfants, des leaders sociaux et des anciens combattants.  La France est consciente que la mise en œuvre de l’accord s’inscrit dans un contexte complexe en raison de la crise migratoire vénézuélienne, et elle salue les efforts du Gouvernement colombien.

M. MONCEF BAATI (Tunisie) a considéré que l’accord de paix signé il y a trois ans était une réalisation historique pour ouvrir la voie vers la paix et la prospérité en Colombie.  Il a jugé important que toutes les parties colombiennes continuent d’accorder la priorité à la paix et la réconciliation nationale.  Il s’est félicité de l’initiative du Président en matière de dialogue national inclusif.  « Le dialogue national est un mécanisme utile pour régler toutes les questions en suspens sans exclure ou marginaliser », a-t-il insisté.  Le représentant a aussi dit l’importance de la justice transitionnelle qui doit fournir des garanties de sécurité.  Il a jugé nécessaire d’établir des programmes supplémentaires pour garantir la réintégration des enfants anciens combattants. 

M. WU HAITAO (Chine) a noté que depuis la conclusion de l’accord de paix il y a trois ans, des progrès constants ont été enregistrés en Colombie.  Il a notamment cité les élections locales et départementales d’octobre dernier, y voyant la preuve des progrès politiques.  Il a également salué la contribution de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie à la réalisation de l’accord de paix, notamment pour ce qui est de la réintégration des anciens combattants.  Cet accord reflète les aspirations des parties et représente un vaste consensus dans le pays, a-t-il constaté, mais le chemin à parcourir reste encore long.  En effet, la sécurité reste précaire dans certaines régions et des dirigeants sociaux et des anciens combattants restent menacés.  La Chine espère que le Colombiens sauront poursuivre sur la voie de la réalisation du processus de paix en Colombie, en collaboration avec la Mission.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a félicité les Colombiens pour le succès des élections locales et départementales du 27 octobre 2019 avec la participation, pour la première fois, des FARC en tant que mouvement politique.  Il a encouragé les nouveaux élus et autorités locales à faire de la mise en œuvre des programmes liés à l’accord de paix la priorité de leurs nouvelles administrations.  Il a noté que la réintégration politique, juridique et socioéconomique des anciens membres de FARC est fondamentale pour le succès du processus de paix.  « L’Indonésie estime que le renforcement des capacités et l’assistance technique contribueront à créer un environnement propice à la mise en œuvre du processus de paix », a insisté le représentant. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que le succès du processus de paix dépend de la capacité des Colombiens à pleinement appliquer l’accord de paix, « une paix pour laquelle ils ont payé un prix si élevé ».  Il faut poser dès maintenant les bases de la paix même si le processus risque d’être long, a estimé le représentant, en insistant sur le rôle de la Mission de vérification de l’ONU, même si la responsabilité première de la réalisation de l’Accord final reste celle des autorités colombiennes.

Le représentant s’est préoccupé de la question non réglée de la sécurité, regrettant notamment que 2019 ait enregistré le plus grand nombre de victimes depuis la signature de l’Accord.  Il a également confié ne pas comprendre pourquoi l’un des sièges réservés pour un représentant du FARC au Parlement reste à ce jour bloqué.  Une importante insatisfaction de la société est en outre liée à la lenteur du programme des cultures de substitution, a noté le représentant.  Il s’est également soucié des menaces dont font l’objet des anciens combattants ainsi que leurs avocats.  Cette pratique doit cesser car il s’agit de tentatives d’intimidation, a-t-il affirmé. 

On ne saurait imaginer une paix durable en Colombie sans prendre en compte les avis de l’ensemble de la société, a poursuivi le représentant.  Dès lors, la Fédération de Russie espère que les autorités colombiennes accorderont l’immunité aux dirigeants colombiens qui se trouvent toujours à Cuba et tiendront compte de leurs avis.  La stabilisation de la situation passe par des moyens pacifiques et par un large dialogue national, a martelé le représentant en insistant à nouveau sur la prise en compte de tous les éléments de la société.  Il a salué l’attachement affiché au processus de paix du Gouvernement colombien, tout en insistant sur sa pleine et stricte mise en œuvre de l’Accord final.

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a souligné que la seule solution durable et viable au conflit colombien est la pleine mise en œuvre de l’accord de paix et un règlement politique inclusif, dirigé au niveau national par et dans l’intérêt du peuple colombien.  Il a salué les progrès du processus de démobilisation et de réintégration des membres des FARC, tout en estimant qu’il devrait être accompagné de programmes de formation et de création d’opportunités économiques pour les anciens combattants.  Il s’est dit préoccupé par l’augmentation des intimidations et des meurtres d’anciens combattants des FARC et de dirigeants communautaires et sociaux, notamment membres des communautés autochtones et afro-colombiennes.  M. Van Shalkwyk a souligné la nécessité de créer un environnement sûr, pour assurer la protection des femmes et des enfants, des dirigeants communautaires et des défenseurs des droits de l’homme ainsi que de tous ceux qui participent à la mise en œuvre de l’accord de paix.  À cet égard, il est important de renforcer le rôle de la Commission nationale des garanties de sécurité qui peut être utilisée pour appliquer rapidement l’accord de paix, a plaidé le représentant. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est félicité du succès des élections locales et départementales du 27 octobre 2019, les premières organisées depuis la signature, en 2016, de l’accord de paix.  Il a estimé que ces élections présentent l’occasion, pour les nouveaux élus, de mettre en œuvre le processus de paix au niveau local.  Il s’est réjoui que la grande majorité des anciens combattants continuent d’être engagés en faveur de la paix durable en se réintégrant dans la vie civile.  Il a noté que la majorité d’entre eux vivent dans des communautés civiles où il devient plus difficile de les suivre.  « Nous sommes inquiets par l’augmentation de la violence à l’encontre des dirigeants communautaires, des défenseurs de droits de l’homme et des anciens combattants », a dit le représentant.  Il s’est notamment inquiété de la violence contre les femmes en politique.  Il a souhaité que la Commission nationale des garanties de sécurité, créée par l’accord de paix, se concentre sur le démantèlement des organisations criminelles et leurs appuis. 

Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a noté des obstacles importants à la mise en œuvre complète de l’Accord final.  Elle s’est notamment préoccupée de l’état des progrès du processus d’accréditation des anciens combattants, ainsi que des difficultés à assurer la sécurité de certaines communautés.  Ces garanties juridiques et sécuritaires sont primordiales pour la réintégration holistique des anciens combattants des FARC-EP.  Des solutions permanentes pour la formation et la réintégration des 70% d’anciens combattants des FARC-EP résidant en dehors des anciens secteurs territoriaux sont essentielles pour la pleine mise en œuvre de l’Accord final.  Des réformes agricoles et la mise en œuvre intégrale du programme de substitution des cultures illicites, qui doivent décourager les participants d’entrer dans l’économie illégitime, sont également cruciales, a estimé Mme King, qui est aussi préoccupée par les menaces proférées contre les participants à ce programme.  Saint-Vincent-et-les Grenadines est troublée par la poursuite des actes de violence, en particulier contre les femmes et les enfants, les attaques contre les communautés et le massacre des autochtones et des afro-colombiens. 

M. ABDOU ABARRY (Niger) a salué les progrès appréciables enregistrés par l’accord de paix final dans certains volets.  Ces progrès, bien que lents ou même insuffisants à certains égards, témoignent néanmoins de la ferme volonté des autorités colombiennes et des autres parties prenantes à faire avancer le processus de paix, a-t-il estimé.  Il s’est également réjoui du bon déroulement des élections municipales, saluant notamment l’élection pour la première fois d’une femme comme maire de la capitale Bogota.

Le représentant a ensuite appelé tous les acteurs à redoubler d’efforts pour consolider les acquis, prévenant que plusieurs facteurs peuvent remettre en cause les avancées enregistrées.  Il a notamment cité la présence non encore effective de l’État dans plusieurs régions du pays, le financement insuffisant de la mise en œuvre de l’accord de paix ainsi que les assassinats d’activistes des droits de l’homme, des leaders des peuples autochtones et des ex-combattants.  Il s’est également préoccupé du réarmement d’une parties des groupes armés qui ont décidé de ne plus poursuivre leurs engagements avec l’État colombien.  M. Abarry a par ailleurs affirmé que la diversification de l’économie à travers la substitution des cultures illicites par une production agricole alternative contribuera à la réduction du niveau de la violence.

Trois ans après la signature de l’Accord final, M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a mis l’accent sur l’importance de sa pleine application.  Saluant les progrès réalisés à ce jour, ainsi que le rôle joué par la Mission de vérification de l’ONU, il a toutefois noté les difficultés qui demeurent et entravent le processus de paix.  La sécurité de tous les Colombiens doit être une priorité absolue pour le Gouvernement colombien, a estimé à cet égard le représentant.  Il a également insisté sur la prévention des cultures illicites, des crimes et de la violence et a appelé à promouvoir le développement inclusif en vue de consolider les progrès réalisés à ce jour, en offrant des opportunités à tous les Colombiens.

Mme CLAUDIA BLUM DE BARBERI, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a dit que la politique de « la paix par le droit » mise en œuvre par le gouvernement du Président Ivan Duque vise à réaliser le droit constitutionnel des Colombiens à la paix, en établissant un cadre pour la mise en œuvre de l’accord de paix signé en 2016.  Elle a expliqué que cette stratégie prévoit des instruments décisifs pour aller de l’avant en matière de réintégration des anciens combattants et des garanties de sécurité pour les communautés qui vivent dans les zones touchées par les violences.  Elle a souligné la participation inédite, aux élections du 27 octobre, du parti politique des FARC.  L’élection de candidats anciens combattants constitue des garanties pour assurer la participation des anciens FARC à la vie politique, a-t-elle indiqué, avant de parler des efforts déployés par son gouvernement pour lever les obstacles à la participation de ces anciens combattants aux élections. 

Passant aux initiatives en matière de réintégration économique et sociale, Mme Blum de Barberi a cité la mise en place de 898 projets productifs individuels et 47 projets collectifs d’accès à l’emploi qui ont permis à davantage d’anciens combattants du disposer de leurs propres revenus et de ne plus dépendre d’aides gouvernementales.  Elle a précisé que 99% des anciens membres des FARC sont aujourd’hui affiliés aux services de santé et 9 000 d’entre eux ont accédé à une éducation formelle et une formation professionnelle.  Elle a aussi cité l’adoption, le 17 décembre 2019, par le Gouvernement, d’une feuille de route pour la réintégration socioéconomique agréée avec les FARC.  Le but de cette démarche est notamment de garantir la réalisation des droits des familles des FARC sur la voie de la réintégration, a-t-elle expliqué.  Elle a précisé que 13 185 anciens combattants avaient été accrédités à la fin décembre 2019. 

La Ministre a en outre souhaité que la Mission de vérification de l’ONU se penche davantage sur la question des réparations dues par des anciens combattants à leurs victimes et invite les anciens combattants à coopérer pour indiquer où ont été posées des mines antipersonnel. 

S’agissant de la question de la sécurité des communautés touchées par la violence, Mme Blum de Barberi a cité l’adoption de 16 plans de développement qui concernent 170 municipalités les plus touchées par la violence et la pauvreté.  En 17 mois, le Gouvernement a adopté 309 projets à mettre en œuvre par les autorités locales pour un budget total de 500 millions de dollars.  Elle a aussi souligné l’importance du secteur privé qui reconnaît l’avantage de la stabilité des territoires. 

Parmi les défis, la Ministre a notamment mis l’accent sur les problèmes liés à l’économie illégale, dont le trafic de stupéfiants et l’exploitation minière illégale.  Néanmoins, elle s’est félicitée que la Colombie ait enregistré en 2019 le taux le plus bas d’enlèvement de son histoire contemporaine.  Elle a souligné les efforts de l’État pour achever dans les meilleurs délais les enquêtes judiciaires et renforcer les mesures de prévention, d’alerte précoce et de protection face aux activités criminelles.  Illustrant son propos, elle a dit que 51 mandats d’arrêt ont été délivrés contre des personnes impliquées dans les assassinats d’anciens combattants et 23 verdicts ont été délivrés.  « Nous avons déjoué une tentative d’assassinat du Président du mouvement politique des FARC », a-t-elle ajouté. 

S’agissant de la lutte contre les stupéfiants, elle a fait savoir que 100 000 hectares de coca ont été éliminés en 2019 grâce à des programmes d’éradication manuelle.  « Entre 2020 et 2022, 900 millions de dollars seront consacrés au renforcement des axes routiers pour renforcer les connexions des zones rurales les plus enclavées avec le reste du pays », a-t-elle aussi souligné.  Elle s’est particulièrement félicitée de l’importance du « grand dialogue national » lancé par le Président en tant qu’outil de concertation entre le Gouvernement et les citoyens.  Au 31 décembre 2019, 12 concertations avaient eu lieu entre le Gouvernement et plus de 1 000 membres de la société civile 

« Je voudrais aujourd’hui souligner que la construction de la paix par le droit en Colombie reste la priorité.  Ce processus est irréversible », a insisté la Ministre des affaires étrangères de la Colombie, avant d’exhorter les membres du Conseil de sécurité à appuyer les efforts du Gouvernement colombien. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.