La Sixième Commission se penche sur la modernisation de l’enregistrement des traités internationaux, avant d’aborder l’état de droit
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a achevé ce matin un débat inédit sur le renforcement et la promotion du régime conventionnel international en entendant une vingtaine de délégations se prononcer en faveur de la modernisation de l’enregistrement et de la publication des traités, par le recours notamment à des moyens électroniques.
Certaines délégations, dont celle de la France, ont également redit leur attachement au multilinguisme et souhaité le maintien d’une traduction d’un traité en version française et en version anglaise lors du processus d’enregistrement. Après ce débat, la Commission a entamé l’examen du point suivant de son programme de travail, l’état de droit aux niveaux national et international, et notamment l’action de l’ONU dans ce domaine, y compris dans le contexte de la pandémie.
Les délégations sont donc revenues sur le règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte des Nations Unies relatif à l’enregistrement des traités, récemment modifié pour autoriser la soumission des documents sous forme électronique. Cette question technique est d’importance, puisque comme l’ont rappelé les intervenants, les traités sont la pierre de touche de l’ordre juridique international. La Chine a rappelé que la pratique de l’enregistrement et de la publication des traités existe depuis un siècle et souligné sa pertinence pour éviter « une diplomatie clandestine ».
Les délégations ont exploré les pistes pour remédier au nombre considérable de traités en vigueur qui n’ont pas été déposés pour enregistrement et au déséquilibre géographique qui caractérise cette procédure. Notant par exemple que les traités pour la région Asie-Pacifique n’ont représenté que 9% des traités enregistrés de 2009 à 2019, les Philippines se sont prononcées pour une modernisation par le biais des technologies numériques.
La Fédération de Russie et l’Égypte ont aussi salué la modification du règlement faite en 2018 qui autorise la soumission d’une copie certifiée conforme sous forme électronique, sans présenter de version papier. « Il est crucial de certifier l’authenticité des traités enregistrés sous cette forme », a déclaré la déléguée russe.
Le règlement prévoit ainsi que la copie soit assortie d’une attestation certifiant qu’il s’agit d’une copie exacte et intégrale. Du 1er février 2019 au 31 mai 2020, environ 80% des traités qui ont été déposés au Secrétariat pour enregistrement l’ont été sous forme électronique, le reste ayant été soumis uniquement sur support papier, précise le rapport du Secrétaire général sur la question.
Soucieux de réduire l’intervalle entre la présentation d’un traité en vue de son enregistrement et sa publication par le Secrétariat, le délégué de l’Espagne a suggéré de le mettre à la disposition des États sur le site électronique de la Section des traités. L’Iran a aussi souhaité la mise au point d’un outil d’inscription en ligne, permettant des soumissions électroniques effectuées par les États Membres.
Afin de remédier aux disparités géographiques précitées, la Slovénie a appelé à se servir des outils d’enregistrement en ligne, « ce qui serait opportun pour les petits États aux ressources limitées ». Le délégué égyptien a, lui, plaidé pour un renforcement des capacités des pays en développement dans ce domaine.
Les délégations ont affiché leurs divergences sur la traduction des traités en langue française et en langue anglaise. Le délégué de la Colombie a rappelé que, conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du règlement, le Secrétariat publiera chaque traité enregistré dans la ou les langues originales, suivi d’une traduction en anglais et d’une autre en français.
Or, les États fournissant rarement des traductions, la Section des traités doit s’en occuper et celle-ci n’a pas été en mesure de suivre la publication de sa compilation, en grande partie en raison de retards de traduction, a expliqué la Colombie. « Les traités devraient avoir une traduction en anglais ou en français dans le cadre du processus de publication, mais pas les deux », a tranché la délégation.
« La possibilité que le règlement envisage la présentation d’une traduction dans l’une des six langues officielles de l’ONU rendrait le processus d’enregistrement et de publication des traités qui ont été négociés dans n’importe quelle langue plus efficace », a estimé le délégué du Mexique. Il a déclaré que le multilinguisme en serait renforcé en tant qu’expression du multiculturalisme à l’ONU.
L’Iran a écarté une telle suggestion, en rappelant la nécessité pour la Cour internationale de Justice d’avoir accès aux traités enregistrés et publiés dans ses langues de travail, qui sont le français et l’anglais. « La suppression de l’exigence de traduction en anglais et en français des traités publiés dans le Recueil des Traités des Nations Unies ne devrait pas être une option », a appuyé la Grèce, à l’instar de la Belgique.
La France s’est, elle aussi, opposée à la suppression de cette obligation de traduction en français et en anglais, au nom de « la transparence, de l’accessibilité du droit et du multilinguisme ». Elle a invité à explorer d’autres mesures, tels l’extension du champ de la règle de la publication limitée ou le remplacement de recueils mensuels par la publication d’un traité par la seule voie électronique. Cette publication se ferait dans ses versions en langues française et anglaise, a-t-elle déclaré.
La Sixième Commission poursuivra son débat sur l’état de droit aux niveaux national et international demain, mardi 20 octobre 2020, à 15 heures.
RENFORCEMENT ET PROMOTION DU RÉGIME CONVENTIONNEL INTERNATIONAL (A/75/136)
Fin du débat général
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a noté l’importance en ces temps de pandémie d’un possible enregistrement des traités en ligne et s’est dit en faveur du développement d’un tel outil. S’agissant des retards dans les enregistrements et la publication en raison de la traduction, il s’est dit d’avis que le multilinguisme doit être défendu par le Secrétariat, celui-ci devant s’acquitter des nécessaires traductions de traités, comme c’est le cas actuellement. « Nous pensons néanmoins que des solutions innovantes qui soient fonctionnelles et promeuvent le multilinguisme sans créer de fardeau excessif pour les États Membres sont possibles. » Il a aussi pointé les disparités géographiques dans l’enregistrement des traités, qu’il a imputées au manque de capacités des pays en développement. Le délégué a donc plaidé pour un renforcement desdites capacités par le biais notamment d’ateliers de travail. Enfin, il a abordé le sujet d’une adaptation des méthodes de travail pour donner plein effet à l’Article 102 de la Charte aux fins de modernisation et jugé crucial que le Secrétariat se conforme pleinement à la résolution pertinente de l’Assemblée générale. « Il est très dommageable que le Secrétariat ait enregistré un protocole d’accord qui ne remplit clairement pas les obligations d’enregistrement stipulées dans les règles figurant en annexe de la résolution 73/210 de l’Assemblée générale. »
M. RICARDO GARCÍA LÓPEZ (Espagne) a demandé de réduire en priorité l’intervalle entre la présentation d’un traité ou d’un accord international en vue de son enregistrement et sa publication par le Secrétariat. Il a suggéré, à défaut, de le mettre à la disposition des États sur le site électronique de la Section des traités. Il a encouragé à se servir des deux pièces maîtresses de l’ONU, à savoir le multilinguisme à travers ses six langues officielles, et l’utilisation des technologies de l’information et la communication. Pour ce qui est de soumettre les traités avec des traductions en anglais et français, l’Espagne considère que cela apporte une valeur ajoutée dans les cas où les traités sont conclus dans des langues autres que les six langues officielles de l’ONU. M. García López a donc estimé que le règlement relatif à l’enregistrement doit refléter la pratique de mise à disposition en ligne tant des versions originales que des traductions en anglais et français, dès que celles-ci sont prêtes. L’Espagne s’efforce de réfléchir à des formules pour améliorer la situation actuelle, son principal souci étant de favoriser l’accès au contenu des traités et accords internationaux en temps voulu.
Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a été d’avis que l’examen du renforcement du régime conventionnel international ne devrait pas être « confiné » aux règles d’enregistrement mais qu’il devrait servir de « plateforme » pour une discussion plus large sur des questions liées aux traités, notamment le retrait ou le rôle croissant d’instruments qui ne sont pas des traités et qui sapent le rôle des traités. Elle a appuyé l’idée de débattre du rôle et du recueil de bonnes pratiques des dépositaires. La représentante a noté, d’autre part, un important déséquilibre géographique dans l’enregistrement des traités au cours de la décennie écoulée, le Groupe des États d’Europe orientale ne représentant qu’à peine 8% de tous les enregistrements. Pour cette raison, elle a recommandé une simplification des modalités d’enregistrement en se servant en particulier des outils d’enregistrement en ligne, ce qui serait opportun pour les petits États aux ressources limitées.
Au sujet de l’article 1 du règlement, elle a abondé dans le sens du Mexique concernant la pratique d’enregistrement de l’application provisoire des traités. Par souci de clarté et de transparence, elle a opiné que l’alinéa 2 de l’article 1 gagnerait si l’on y insérait un libellé explicite sur l’enregistrement des traités, en gardant à l’esprit que certains traités multilatéraux, comme les accords sur les marchandises, renvoient aussi bien à l’entrée en vigueur provisoire qu’à l’application provisoire. La Slovénie s’est prononcée contre la proposition figurant à l’article 12 relative à la traduction car elle risquerait de décourager les États Membres, notamment les plus petits, d’enregistrer les traités.
M. JUAN CUELLAR TORRES (Colombie) a considéré qu’il reste des questions relatives au règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte qui doivent être revues, mises à jour et améliorées. Ces questions ont à voir avec les conditions de fond de l’enregistrement; le rôle des dépositaires autres que l’ONU; le dépôt électronique et autres utilisations des médias électroniques; la traduction des traités; la politique de publication limitée; le format de publication de la compilation des traités; et l’assistance technique et le renforcement des capacités. Ces considérations, mises en évidence dans le rapport du Secrétaire général, doivent être prises en compte afin de disposer d’une version réellement mise à jour du règlement, a préconisé le représentant. « Le véritable défi consiste donc à actualiser le processus d’enregistrement et de publication des traités afin qu’il devienne une incitation et non un obstacle au respect de l’Article 102 », a-t-il ajouté.
En ce sens, l’un des moyens les plus efficaces d’encourager l’enregistrement des traités consiste à simplifier les traductions, a poursuivi M. Cuellar Torres. Conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du règlement, le Secrétariat publiera chaque traité enregistré dans la ou les langues originales, suivi d’une traduction en anglais et d’une autre en français. « Il y a beaucoup de pays, y compris le mien, qui doivent faire une double traduction gratuite en anglais et en français. Mais à vrai dire, les États fournissent rarement des traductions. Par conséquent, la Section des traités doit s’en occuper. Hormis les coûts impliqués, la Section n’a pas été en mesure de suivre la publication de sa compilation, en grande partie en raison de retards de traduction. Nous considérons cela comme inutile et, surtout, comme un obstacle au respect de l’Article 102 de la Charte. » C’est la raison pour laquelle la délégation estime que les traités devraient avoir une traduction en anglais ou en français dans le cadre du processus de publication, mais pas les deux.
Mme ELENA A. MELIKBEKYAN (Fédération de Russie) a souligné l’importance des traités dans les relations internationales, qualifiant « d’unique » la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Elle s’est dite satisfaite du système d’enregistrement et de publication actuel, même si elle n’exclut pas une possible modernisation par le biais des nouvelles technologies. Si une telle modernisation était mise en œuvre, il faudra alors s’attacher à garantir l’authenticité des traités, a-t-elle dit. Elle a évoqué, dans le droit fil du rapport, la piste d’un formulaire en ligne, qui serait envoyé à une boîte postale centralisée à l’ONU. Il conviendra néanmoins de garder les moyens traditionnels, a déclaré la déléguée russe. S’agissant de la question du multilinguisme, elle a déclaré que son pays n’a pas d’avis tranché. Plutôt que « d’inventer de nouveaux moyens », elle a plutôt plaidé pour un consensus sur ladite question et pour l’allocation de moyens en vue de garantir une parité entre les langues officielles de l’ONU. Enfin, la représentante de la Fédération de Russie a rappelé que nombre de délégations souhaitent que l’Assemblée générale s’attelle au droit des traités.
M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) s’est déclaré prêt à examiner les propositions d’autres États, surtout les idées visant à assouplir les processus de traduction et de publication des traités, en gardant à l’esprit la transparence et l’accessibilité. Il a appuyé tout ce qui serait susceptible d’accélérer le processus d’enregistrement tant que cela n’affecte pas la raison d’être de l’enregistrement et de la publication. En effet, l’enregistrement est essentiel en ce qu’il renforce la pertinence de l’instrument dans les relations internationales et l’accomplissement, en toute bonne foi, des obligations agréées ainsi que la connaissance des devoirs qui lient les États entre eux. La publication renforce quant à elle la confiance des États à l’égard du droit international et permet une circulation de l’information sur la pratique étatique.
Le délégué a souligné que la pandémie de COVID-19 et l’évolution des moyens numériques exigent une promotion de la pratique et l’utilisation d’outils technologiques modernes à même de faciliter les consultations entre États et au sein de la communauté juridique en général. Enfin, il a encouragé le Bureau des affaires juridiques à se pencher sur la question des disparités géographiques dans l’enregistrement des traités.
M. CLEMENT YOW MULALAP (Micronésie) a regretté la persistance d’une « ambivalence géographique » dans l’enregistrement des traités et accords internationaux. « La région Asie-Pacifique est particulièrement à la traîne. » Pour cette raison, la délégation est d’avis qu’un outil d’enregistrement en ligne standardisé permettrait de corriger ce déséquilibre. Elle soutient également la possibilité d’adapter le Recueil des Traités en format numérique, y compris une base de données consultable en ligne. Dans le même temps, elle rappelle les difficultés technologiques que connaissent les petits États insulaires en développement, comme la Micronésie. Le représentant a ensuite appuyé la proposition faite par l’Autriche, visant à ce que ce point de l’ordre du jour serve également à discuter d’autres questions au-delà de l’enregistrement des traités et des accords internationaux. Le renforcement du cadre des traités internationaux exige, entre autres, de bien prendre en considération les circonstances changeantes qui pourraient avoir une incidence sur l’intégrité des traités et accords internationaux enregistrés auprès du Secrétariat.
À cet égard, la Micronésie estime, sur la base du droit international et de la pratique établie, qu’un traité de frontière maritime enregistré auprès du Secrétariat est immuable en l’absence d’un amendement formel des parties au traité, même si un tel traité repose sur l’identification des lignes de base maritimes et d’autres caractéristiques maritimes qui évoluent en fonction du niveau de la mer et d’autres effets néfastes des changements climatiques. Les parties au traité seront libres d’invoquer un tel traité devant un organe des Nations Unies, indépendamment de ces changements dans les caractéristiques maritimes sous-jacentes. La position de la Micronésie est que les modifications des caractéristiques maritimes sous-jacentes, dues à l’élévation du niveau de la mer et à d’autres effets néfastes des changements climatiques causés par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, ne peuvent être considérées comme des erreurs au regard de l’article 79 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a clarifié son représentant.
M. MOON YOUNG KIM (République de Corée) s’est également prononcé en faveur de procédures claires et simplifiées s’agissant de l’enregistrement et de la publication des traités, ainsi que d’un amendement des règles relatives à la soumission par voie électronique, pour plus de transparence et d’accessibilité. Il a rappelé que tout amendement doit être fondé sur des consultations prudentes et approfondies entre les États. M. Kim s’est inquiété de l’arriéré dans la publication des traités, attribué en partie aux ressources et à la capacité limitées des États et du Secrétariat de fournir, dans les délais impartis, des traductions en langue française et anglaise. Il a invité les États Membres à rechercher activement une solution pour leur publication rapide, conformément à l’Article 102 de la Charte. Mais ces efforts ne doivent pas impliquer de nouvelles obligations pour les États et les organisations internationales concernant la responsabilité pour la traduction des traités, a-t-il prévenu.
Mme FREUDENREICH (France) a estimé que la révision du règlement destiné à mettre en application l’Article 102 a permis de simplifier les procédures d’enregistrement et de faciliter l’utilisation des ressources électroniques dans le processus d’enregistrement et de publication. Elle a considéré néanmoins que « la réduction des délais de publication ne saurait être obtenue au détriment des objectifs et principes de transparence, d’accessibilité du droit et de multilinguisme qui constituent la raison d’être même de l’enregistrement de la publication des traités par le Secrétariat des Nations Unies ». La France estime par ailleurs que cette révision ne devrait pas créer d’obligations nouvelles à la charge des États Membres et des organisations internationales. Une telle éventualité risquerait selon elle de limiter la capacité de certains États et organisations à respecter leurs obligations au titre de l’Article 102 de la Charte, et en particulier ceux disposant des ressources administratives et financières limitées. Il pourrait également en résulter une baisse du nombre de traités transmis au Secrétariat, avec un risque d’enregistrement et de publication à deux vitesses préjudiciable aux objectifs et principes de transparence et d’accessibilité du droit.
La représentante a insisté également sur l’obligation de traduction en anglais et en français des traités, conformément aux objectifs de transparence, d’accessibilité du droit et de multilinguisme. « La suppression de cette obligation serait peu compatible avec la nécessité pour le Secrétariat et la Cour internationale de Justice d’avoir accès aux traités enregistrés et publiés dans leurs langues de travail, qui demeurent le français et l’anglais. » De plus, la France considère que d’autres mesures devraient être examinées afin de réduire le délai de publication et de traduction des traités. Parmi ces mesures, elle a identifié l’extension du champ de la règle de la publication limitée ainsi qu’un allégement des contraintes liées à la publication du Recueil des Traités. Pour la délégation, la publication de recueils mensuels pourrait être remplacée par la publication d’un traité par la seule voie électronique dès lors que l’ensemble des éléments nécessaires serait disponible pour un traité enregistré. Cette publication se ferait dans ses versions en langues française et anglaise.
En 2018, a rappelé le représentant du Mexique, sa délégation a présenté des propositions d’amendements afin que la pratique de l’enregistrement des traités à l’ONU soit conforme à l’évolution du droit international. L’examen des propositions a été reporté faute de temps pour leur analyse, mais en ce sens, les propositions du Mexique restent en vigueur, a ajouté le représentant. Cette question est abordée dans le rapport du Secrétaire général, dans lequel il est observé que l’enregistrement provisoire des traités appliqués est en fait une pratique répandue: plus de 1 700 traités et près de 1 500 actions conventionnelles ont été provisoirement enregistrés, « dans des catégories archaïques qui devraient être revues ». Cependant, les normes qui régissent l’Article 102 de la Charte des Nations Unies n’offrent toujours pas de solution adéquate à cette question, car elles suivent un critère juridique de 1946, adoptée par la Sixième Commission, qui doit être mis à jour, a souligné le représentant.
Aussi le représentant a-t-il jugé nécessaire d’harmoniser la réglementation avec les normes du droit international en vigueur, en particulier la Convention de Vienne sur le droit des traités, et de tenir compte des progrès réalisés en la matière par la Commission du droit international (CDI). « Nous apprécions le rapport présenté par le Secrétariat et nous estimons que certaines propositions, comme celle présentée par l’Espagne, pourraient offrir de grands avantages. » La possibilité que le règlement envisage la présentation d’une traduction dans l’une des six langues officielles de l’ONU rendrait le processus d’enregistrement et de publication des traités qui ont été négociés dans n’importe quelle langue plus efficace. Selon le représentant, ces mesures ne rendraient pas le processus beaucoup plus onéreux. En outre, « le multilinguisme serait renforcé en tant qu’expression du multiculturalisme à l’ONU et dans les instruments internationaux que l’Organisation protège ».
Mme SARAH ZAHIRAH BINTI RUHAMA (Malaisie) a appuyé une révision du règlement donnant effet à l’Article 102 de la Charte qui remédierait aux lacunes actuelles dans l’enregistrement des traités. Sa délégation apprécie en outre les modifications apportées aux articles 5, 7, 9 et 13 pour faciliter les soumissions électroniques en vue de s’adapter aux derniers développements en matière d’enregistrement des traités et aux progrès des technologies de l’information. La Malaisie estime que les obligations des dépositaires, au titre de l’article 1, paragraphe 1, devraient être maintenues. Mme Ruhama a soutenu l’approche selon laquelle l’enregistrement des traités ou des accords internationaux par le dépositaire au titre de l’article 1, paragraphe 3, devrait être encouragé et non rendu obligatoire, en conformité avec l’article 77 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.
M. ALI NASIMFAR (République islamique d’Iran) a noté une disparité géographique importante dans l’enregistrement des traités, qui pourrait être attribuée à la connaissance limitée de l’obligation d’enregistrer les traités ainsi qu’au manque de ressources pour la soumission des traités à l’enregistrement. Pour remédier à cette situation, la délégation appuie une révision du règlement en vigueur est d’une « importance vitale » afin de faciliter l’enregistrement, de le rendre moins bureaucratique et coûteux. À cet égard, la Sixième Commission pourrait jouer un rôle essentiel. Il faudrait envisager des mesures supplémentaires, comme par exemple le renforcement des capacités et l’assistance technique.
M. Nasimfar a salué la simplification des soumissions électroniques pour l’enregistrement et les efforts déployés pour développer et améliorer la base de données électronique des traités. À cet égard, l’Iran appuie l’idée de mettre au point un outil d’inscription en ligne, qui améliorerait l’accessibilité en permettant aux soumissions électroniques d’être effectuées directement par les autorités compétentes des États Membres, a-t-il dit. Par ailleurs, le représentant a été d’avis que toute suggestion tendant à supprimer l’obligation de traduire les traités en anglais et en français en vertu du paragraphe 1 de l’article 12 du règlement devrait être évitée. « La Cour internationale de Justice, en particulier, a besoin d’accéder aux traités enregistrés et publiés dans ses langues de travail, qui sont l’anglais et le français. » Enfin, il a jugé qu’il n’était pas nécessaire de modifier la réglementation en vigueur en ce qui concerne l’enregistrement des traités appliqués à titre provisoire.
Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a considéré que les modifications au règlement adoptées en 2018 prévoient un moyen efficace de les adapter à l’évolution des technologies de l’information et de faciliter leur publication en temps opportun dans le Recueil des Traités des Nations Unies. Dans ce contexte, la soumission électronique des demandes d’enregistrement de traités a été d’une grande aide tant pour les États Membres de l’ONU que pour le Secrétariat, a observé la Grèce. « Compte tenu de ce qui précède, la proposition contenue dans le rapport du Secrétaire général tendant à ce que l’ONU mette au point un outil d’enregistrement en ligne devrait être activement soutenue », a-t-elle préconisé, en estimant qu’une telle procédure électronique pourrait remplacer tout autre moyen de soumission.
Les retards dans la traduction des traités sont considérés comme la principale raison de l’arriéré dans la publication du Recueil des Traités des Nations Unies, a rappelé la délégation. Selon elle, les États devraient fournir des traductions de courtoisie en anglais ou en français des traités conclus dans d’autres langues, à condition que l’exactitude de ces traductions soit dûment vérifiée. « La suppression de l’exigence de traduction en anglais et en français des traités publiés dans le Recueil des Traités des Nations Unies ne devrait pas être une option, étant donné que ces deux langues sont les langues de travail du Secrétariat de l’ONU ainsi que celles de la Cour internationale de Justice », a précisé la représentante. Enfin, elle a rappelé les « vives préoccupations » de son pays au sujet de l’enregistrement récent d’un mémorandum d’accord qui, entre autres, ne répondait pas aux critères nécessaires pour l’enregistrement.
Mme LISELOT FRANCESCA EGMOND (Pays-Bas) a déclaré qu’en tant que dépositaire expérimenté de plus de 100 traités internationaux, les Pays-Bas attachent une grande importance à la question des dépositaires. Pour cette raison, sa délégation apprécie la reconnaissance explicite de leur rôle dans l’article 1 du règlement. Elle apprécie aussi la recommandation du Secrétaire général visant à poursuivre la collecte et l’échange de vues sur la pratique des dépositaires. À la lumière des contraintes imposées par la situation sanitaire mondiale actuelle, Mme Egmond a souligné l’importance d’une approche pratique en ce qui concerne l’utilisation des ressources numériques et électroniques. Elle a souhaité le développement d’un outil d’inscription en ligne pour faciliter la soumission des traités à l’enregistrement, afin de simplifier et de rationaliser ces procédures et d’accroître leur efficacité et leur accessibilité.
M. FLORIAN L’HEUREUX (Belgique) a appuyé les objectifs de la révision du règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte, notamment l’accélération de la mise en forme, de l’enregistrement et de la publication des traités et documents afférents. Toutefois, la Belgique est d’avis que la réduction des délais de publication ne saurait être obtenue au détriment des objectifs et principes de transparence, d’accessibilité du droit et du multilinguisme. De la même manière, la Belgique considère que la révision éventuelle du règlement ne devrait pas créer d’obligations nouvelles à la charge des États Membres et des organisations internationales. Cela risquerait de diminuer le nombre de traités transmis au Secrétariat pour enregistrement, et d’entraîner une augmentation des délais d’enregistrement, a averti le représentant.
La Belgique estime également qu’il faudrait éviter toute modification qui tendrait à supprimer l’obligation de traduction en anglais et en français des traités, prévue à l’article 12, paragraphe 1, du règlement. En effet, le Secrétariat et la Cour internationale de Justice ont par exemple besoin d’avoir accès aux traités enregistrés et publiés dans leurs langues de travail, qui sont l’anglais et le français, a argumenté M. L’Heureux, ajoutant que son pays reste cependant prêt à explorer toutes les pistes permettant de réduire le retard dans la publication des traités enregistrés.
Enfin, la Belgique juge « préférable » de ne pas modifier les obligations qui pèsent sur les dépositaires, telles que prévues actuellement. L’enregistrement des traités par le dépositaire devrait par conséquent juste être « encouragé », et ne pas devenir obligatoire. Une telle obligation ne serait en effet pas conforme à l’article 77 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a-t-il rappelé en conclusion.
Le besoin de processus qui facilitent l’élaboration de traités n’a jamais été aussi important pour le Royaume-Uni, a déclaré Mme WICKREMASINGHE (Royaume-Uni), alors que son pays est actuellement engagé dans un vaste processus d’élaboration de traités, en particulier dans le domaine du commerce et principalement en raison de son retrait de l’Union européenne. De ce fait, sa délégation est d’avis que le traitement, l’enregistrement et la publication rapides des traités sont essentiels au maintien du cadre de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La représentante a également expliqué que la pratique du Royaume-Uni en matière d’enregistrement des traités consiste à enregistrer un traité auprès du Secrétariat de l’ONU après son entrée en vigueur et après sa publication dans le propre Recueil des traités du Royaume-Uni. Pour cette raison, la délégation réitère son plein soutien à la Section des traités des Nations Unies et demande aux membres de la Sixième Commission de renforcer le régime conventionnel en examinant les pratiques existantes des Nations Unies. Elle attend donc avec intérêt les discussions sur la façon de répondre aux défis, en faisant un usage efficace des nouvelles technologies pour promouvoir l’accès et la participation universelle à l’enregistrement des traités.
Mme INDIRA GUARDIA GONZÁLEZ (Cuba) a salué les travaux menés par la Section des traités et l’assistance qu’elle fournit aux États Membres, notamment par le renforcement des capacités, le développement de publications et l’assistance technique. Cuba considère que l’utilisation de ressources électroniques peut contribuer à surmonter les lacunes actuelles du système de publication des traités. « Les pratiques de publication pourraient être modernisées, tout en conciliant les demandes de réduction de l’arriéré dans la publication du Recueil des Traités avec la nécessité de respecter le multilinguisme en tant que valeur fondamentale de l’Organisation. » S’il est vital d’assurer la parité entre les six langues officielles, a expliqué la déléguée, il faut toutefois améliorer le système en termes de coûts et de temps. L’enregistrement et la publication des traités dans l’une des six langues officielles, avec traduction des traités dans l’une de ces langues, contribueraient, selon Cuba, aux efforts visant à promouvoir le multilinguisme, tout en économisant les ressources de l’ONU et des États Membres.
Le représentant de Chypre a souligné la nécessité d’établir un dialogue plus régulier entre la Section des traités du Bureau des affaires juridiques et les États Membres sur les questions relatives au droit et à la pratique des traités, de préférence en marge de la Sixième Commission.
Chypre respecte l’obligation de soumettre ses traités bilatéraux pour enregistrement par voie électronique, a précisé le délégué. Il a pensé que la mise au point d’un outil en ligne pour l’enregistrement des traités devrait être examinée comme étant davantage un moyen de faciliter le processus. Chypre se conforme par ailleurs à l’obligation de fournir une traduction de courtoisie des traités soumis en anglais ou en français. Tout en reconnaissant l’arriéré croissant dans la publication des traités, Chypre estime que cette pratique devrait être maintenue.
Chypre exprime ses graves préoccupations quant à l’enregistrement des accords qui ne satisfont pas aux critères d’enregistrement nécessaires en vertu de l’Article 102 de la Charte des Nations Unies. Cela est « évident » dans le cas récent d’un enregistrement fait par la Section des traités, qui a enregistré un protocole d’accord bilatéral qui ne répond pas prima facie aux critères d’enregistrement et qui est manifestement ultra vires, a regretté le représentant. Cela contrevient de manière flagrante aux règles bien établies du droit international, y compris le droit international de la mer, a-t-il critiqué. Un tel enregistrement contribue à créer davantage de tensions régionales.
M. XU CHU (Chine) a déclaré que le système d’enregistrement et de publication existe depuis cent ans et constitue un instrument de lutte contre la « diplomatie clandestine ». Il a salué l’emploi de moyens numériques pour moderniser ledit système et appelé le Secrétariat, eu égard aux menaces cybernétiques, à prendre des mesures nécessaires pour assurer la sûreté de ce système. Le multilinguisme est une valeur essentielle de l’ONU, tout comme l’égalité entre les six langues officielles. Eu égard aux retards dans la publication des traités, le délégué chinois a appelé les parties à prendre les mesures adéquates, sans pour autant saper les valeurs du multilinguisme. Enfin, le délégué a demandé un appui technique accru aux pays en développement.
Mme MARIA ANGELA ABRERA PONCE (Philippines) a regretté le déséquilibre géographique dans l’enregistrement et la publication des traités, notant que les traités pour la région Asie-Pacifique ne représentaient que 9% des traités enregistrés et publiés en 2009 et 2019. Elle s’est dite en faveur d’une modernisation du système actuel par le biais des technologies numériques. Elle a notamment appuyé la création d’une base de données numériques des traités. Le multilinguisme est une valeur essentielle, a-t-elle reconnu, et il convient d’encourager la traduction à titre gracieux en anglais et en français des traités par le Secrétariat. Mais demander aux États, notamment en développement, de s’acquitter de cette tâche serait placer sur leurs épaules un « fardeau injustifié », a déclaré la représentante. Enfin, elle a estimé que le règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte doit être suffisamment prévisible pour être pleinement respecté par les États Membres.
L’ÉTAT DE DROIT AUX NIVEAUX NATIONAL ET INTERNATIONAL (A/75/284)
Ouverture du débat
M. ALI NASIMFAR (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a déclaré que pour les États membres de ce groupe, le respect de l’état de droit aux niveaux national et international est essentiel au maintien de la paix et de la sécurité internationales et au développement socioéconomique. Le Mouvement continue de penser que l’état de droit au plan international requiert une plus grande attention de la part de l’ONU, et qu’il se fonde sur le respect des principes consacrés par la Charte: égalité souveraine des États; interdiction de la menace de l’emploi ou de l’emploi de la force dans les relations entre États; règlement pacifique des différends.
Le représentant a considéré que les pratiques de corruption, y compris le blanchiment d’argent et le transfert à l’étranger de fonds et d’actifs acquis illégalement, sapent la stabilité économique et politique et la sécurité des sociétés, ainsi que la justice sociale, en plus de mettre gravement en danger les efforts de développement durable. Les pays non alignés sont d’avis que la Convention des Nations Unies contre la corruption fournit des normes universellement acceptées pour prévenir et combattre les pratiques de corruption. Ils exhortent tous les États parties et les organisations internationales compétentes, conformément aux principes de ladite Convention, à renforcer leur coopération à tous les niveaux afin de faciliter la restitution rapide d’avoirs d’origine illicite, et d’aider les États qui en font la demande à renforcer leurs capacités humaines, juridiques et institutionnelles pour faciliter le traçage, la confiscation et le recouvrement de ces avoirs.
Le Mouvement des pays non alignés reste préoccupé par l’application de mesures unilatérales et leurs conséquences négatives sur l’état de droit au plan international. Aucun État ou groupe d’États n’a l’autorité de priver d’autres États de leurs droits juridiques à des fins politiques, a martelé M. Nasimfar. De la même manière, le Mouvement est préoccupé par « l’empiétement continu » du Conseil de sécurité sur les fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social. Le Conseil de sécurité doit se conformer pleinement au droit international et à la Charte des Nations Unies, a plaidé le représentant. Il a réaffirmé que les activités de renforcement des capacités et d’assistance technique doivent être entreprises à la demande des gouvernements bénéficiaires intéressés, dans le strict respect des mandats respectifs des fonds et programmes des Nations Unies. « Il est également nécessaire de prendre en compte les coutumes et les réalités politiques et socioéconomiques nationales pour éviter l’imposition de modèles préétablis aux États Membres qui entraveraient la résolution des problèmes existants dans chaque pays. »
Par ailleurs, M. Nasimfar a estimé que des mécanismes appropriés devraient être mis en place pour garantir une interaction régulière entre le Groupe des amis de l’état de droit et l’Assemblée générale. À cet égard, il a tenu à souligner « qu’il n’existe pas de définition convenue unique de l’état de droit ». Les activités de collecte de données des organes des Nations Unies ne doivent pas conduire à une formulation unilatérale d’indicateurs de l’état de droit et à un classement des pays de quelque manière que ce soit.
Ces indicateurs de l’état de droit, qui n’ont pas été convenus par les États Membres dans le cadre d’une discussion et d’une consultation ouvertes et transparentes, ne sont pas « acceptables », a conclu le représentant.
S’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, M. THABO MICHAEL MOLEFE (Afrique du Sud) a déclaré qu’il fallait renforcer les efforts collectifs en vue de fournir aux États Membres les ressources nécessaires pour relever le défi provoqué par cette pandémie sans précédent. Il a ensuite remercié l’ONU de son soutien au principe de responsabilité et de prévention pour parvenir à la paix pérenne et au renforcement de l’état de droit. Dans cette optique, le représentant a considéré que la diffusion du droit international doit être un instrument de prévention qui peut être facilité par les moyens technologiques existants.
L’Assemble générale avait convenu, il y a quelques années, que des efforts coordonnés et intégrés sont essentiels pour lutter contre la corruption à travers le monde, laquelle affaiblit l’état de droit, exacerbe les inégalités, nuit à la confiance du public et aux efforts de développement. Dans cette perspective, le Groupe des États d’Afrique estime que les États Membres doivent se mobiliser dans leur riposte contre ce fléau aux niveaux national et international et que davantage d’efforts doivent être déployés à l’appui des politiques et des pratiques de prévention dans les secteurs public et privé. Leur représentant a ainsi préconisé la création d’organes anticorruption, l’adoption de codes de conduite ainsi que de politiques de transparence et de responsabilité.
M. SOVANN KE (Cambodge), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a remercié le Secrétaire général pour son rapport sur le sujet à l’étude, tout en espérant que les futurs rapports seront présentés de manière objective, neutre et impartiale. L’ASEAN promeut l’état de droit depuis sa fondation en 1967 et est engagée en faveur de la stabilité et de la sécurité de la région.
Le représentant a ensuite affirmé que l’ASEAN prend au sérieux la lutte contre la corruption, fléau qui sape le développement économique et social. La corruption ne saurait être associée à une culture ou à un peuple en particulier. Les 10 membres de l’ASEAN ont ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption. M. Ke a indiqué que la lutte contre la corruption, pour être fructueuse, exige un renforcement de la coopération et du partage des informations, notamment entre les entités chargées du maintien de l’ordre. Les efforts de promotion de l’état de droit aux niveaux national et international doivent pleinement respecter la Charte des Nations Unies, y compris les principes d’égalité souveraine et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Enfin, M. Ke a insisté sur l’engagement actif de l’ASEAN dans le processus devant conduire à une session spéciale de l’Assemblée générale sur les défis et les mesures pour prévenir et combattre la corruption et renforcer la coopération internationale, prévue en 2021.
Mme DANIELA GAUCI, de l’Union européenne (UE), a indiqué que l’état de droit doit être respecté en toutes circonstances, aucune crise ne pouvant justifier que l’on s’en écarte. « L’état de droit est une protection contre le droit du plus fort », a-t-elle dit. Elle a ensuite pointé l’incidence profondément négative de la corruption sur la jouissance des droits de l’homme et détaillé les mesures prises par l’UE pour combattre la corruption, notamment une directive de 2017 contre la fraude aux intérêts financiers de l’Union. La directive est basée sur le postulat que la corruption est une menace grave aux intérêts financiers de l’UE. La représentante a aussi indiqué que les États membres de l’UE ont harmonisé les définitions, les peines et les délais de prescription des infractions portant préjudice aux intérêts financiers de l’UE.
L’UE combat également le fléau de la corruption sur le plan international. La représentante a indiqué que les accords internationaux signés par l’Union et ses membres incluent ainsi des dispositions sur la coopération dans la lutte contre la corruption et la promotion de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Elle a apporté le soutien indéfectible de l’Union à tous les mécanismes internationaux de lutte contre l’impunité, y compris la Cour pénale internationale et les autres tribunaux internationaux.
M. RASMUS JARAK NEXØ JENSEN (Danemark), au nom des pays nordiques, a noté la tendance négative vers un affaiblissement de l’état de droit dans de larges parties du monde, en ajoutant que « la pandémie n’a fait qu’aggraver la situation ». La promotion de l’état de droit protège contre le droit du plus fort. Il a salué l’inscription de la lutte contre la corruption comme point de l’ordre du jour de la Commission, notant que la corruption fragilise davantage encore les plus vulnérables. La corruption affecte négativement la croissance économique et le développement au niveau national. « En résumé, la corruption répand l’insécurité, qui est l’exact opposé de l’état de droit », a déclaré M. Jensen. En conclusion, il a déclaré que les pays nordiques sont engagés en faveur de la Convention des Nations Unies contre la corruption et de la promotion de l’état de droit.
Le représentant du Nicaragua a déclaré que son pays respecte l’état de droit aux niveaux national et international. Pour la délégation, ces deux niveaux se complètent, autant que les principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale des États. Le Nicaragua a en outre toujours eu recours à la Cour internationale de Justice qu’il considère comme l’outil international idoine pour le règlement pacifique des différends. Pour autant, le délégué a constaté que de grandes puissances recourent quant à elles à des mesures qui menacent l’équilibre et l’état de droit au plan international, en imposant notamment des mesures coercitives unilatérales, illégales au regard du droit international. En ces temps de pandémie de COVID-19, ces mesures deviennent de « véritables crimes contre l’humanité », a dénoncé le représentant, et doivent cesser. Alors que l’ONU fête ses 75 ans, un nouveau cadre international doit être instauré, pleinement respectueux des peuples et des principes inscrits dans la Charte, a-t-il conclu.
En tant que coordonnatrice du Groupe des amis de l’état de droit, la représentante de l'Autriche s’est félicitée que le Secrétaire général ait continué d’accorder une priorité élevée à l’état de droit en tant que question de coordination des politiques à l’échelle du système, particulièrement en ces temps difficiles. « La pandémie de COVID-19 a touché toutes les régions du monde. Le rapport révèle que la mise en œuvre de mesures pour la contenir dans le respect de l’état de droit, tout en protégeant les droits de l’homme et l’accès à la justice, est devenue un défi majeur que nous devons tous relever. » L’efficacité des mesures gouvernementales pour contenir la pandémie dépend dans une large mesure de la capacité des institutions publiques et de leur leadership à fournir des actions transparentes, efficaces et responsables, dans le respect de l’état de droit, a analysé la représentante.
La mise en place d’institutions résilientes auxquelles les citoyens peuvent faire confiance est particulièrement liée à la lutte contre la corruption, a poursuivi la représentante, saluant la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale sur la corruption en 2021 comme une occasion importante de renforcer la mise en œuvre pleine et effective de la Convention des Nations Unies contre la corruption. L’Autriche s’est dite ensuite fière d’accueillir à Vienne l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Académie internationale de lutte contre la corruption, qui créent un véritable « centre international de lutte contre la corruption ». Elle a appuyé le rôle transformateur de l’éducation et de la formation pour accroître la sensibilisation et l’intégrité tant au sein du secteur public que privé.
M. SINA ALAVI (Liechtenstein), citant une étude de l’Équipe spéciale de l’accès à la justice, a déclaré qu’au moins 250 millions de personnes vivent dans des conditions extrêmes d’injustice; 1,5 milliard ne peuvent résoudre leurs problèmes quotidiens de justice et 4,5 milliards sont exclues des opportunités offertes par la loi. La pandémie de COVID-19 est venue aggraver cette situation. C’est donc un moment critique pour défendre et développer davantage l’état de droit aux niveaux national et international, a-t-il plaidé. Citant ensuite le Secrétaire général pour qui « la corruption à l’époque de la COVID-19 a le potentiel de saper gravement la bonne gouvernance dans le monde et de nous éloigner encore plus de notre travail pour atteindre les objectifs de développement durable », le représentant a recommandé de redoubler d’efforts pour réduire la corruption. M. Alavi a souligné que la corruption est à la fois une cause profonde sous-jacente et un outil facilitant la réalisation et le maintien de l’esclavage moderne et de la traite des êtres humains. Le Liechtenstein a lancé, avec l’Australie et les Pays-Bas et le soutien de l’Université des Nations Unies, l’« Initiative sur le financement contre l’esclavage et la traite » (FAST), un partenariat public-privé qui vise à engager le secteur financier à lutter contre l’esclavage moderne en se concentrant sur les domaines de l’investissement et de l’innovation.
Mme JO-PHIE TANG (Singapour) a fustigé les passages erronés du rapport relatifs à la peine de mort, en notant qu’il n’y a pas de consensus international sur ce sujet. Elle s’est dite préoccupée par l’imposition d’un avis « unique » sur cette question en dépit de l’absence de normes internationales interdisant le recours à la peine de la mort. Les États, a-t-elle dit, ont le droit souverain de fixer des peines, comme le reconnaît d’ailleurs l’Assemblée générale. La déléguée a dénoncé le manque total d’objectivité du rapport sur le sujet. Elle a ensuite détaillé le cadre robuste et global de son pays contre la corruption, avant de réitérer l’engagement de son pays en faveur de la promotion de l’état de droit.
Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a estimé que la corruption est l’un des principaux obstacles à la réalisation du développement durable, en réduisant l’efficacité et exacerbant les inégalités: elle mine la bonne gouvernance, érode la confiance des citoyens dans les institutions publiques et facilite le crime organisé. Dix-sept ans après l’adoption du seul instrument universel en la matière, la Convention des Nations Unies contre la corruption, la lutte contre la corruption nécessite une approche « multidimensionnelle et synchronisée » qui consiste à prévenir et punir ce fléau et à recouvrer les sommes détournées, a dit la représentante.
Au niveau national, l’Argentine a élaboré des politiques et des pratiques de prévention de la corruption, a expliqué la représentante, en faisant tout particulièrement valoir l’Office anticorruption, agence technique spécialisée doté d’un rang ministériel. Et dans le cadre de ces efforts de lutte contre la corruption, nous mettons en avant certaines initiatives nationales, dont la « fédéralisation des politiques d’intégrité » pour favoriser la création de politiques publiques liées à la transparence au niveau provincial et municipal, en offrant des outils de formation et une assistance technique, a ajouté Mme Squeff. De même, des recommandations ont été formulées pour renforcer l’intégrité et la transparence des marchés publics et créer des « zones d’intégrité et de transparence » au sein des juridictions du pays.
M. ALTARSHA (République arabe syrienne) a déclaré qu’en dépit des discussions sur la nécessité d’un état de droit au plan international, des obstacles demeurent. Par exemple, la Syrie est toujours victime de forces étrangères qui continuent d’occuper son territoire, d’exploiter ses ressources, en pleine violation du droit international et des droits du peuple syrien, a-t-il dénoncé. De même, le Secrétaire général continue d’apporter un soutien au Mécanisme international, impartial et indépendant sur la Syrie, alors que ce mécanisme « illégal » selon le représentant n’a pas été appuyé par une majorité d’États Membres. La Syrie, a-t-il insisté, n’a jamais demandé la création d’un tel mécanisme et continuera de rejeter toute collecte de preuves hors de son territoire. Par ailleurs, le représentant a affirmé que son gouvernement appuie le travail de la Commission constitutionnelle, en tant qu’organe chargé de réfléchir à un avenir politique intersyrien. À ce sujet, la Syrie rejette toute forme de pression extérieure, politique et financière, ainsi que les tentatives d’imposer des « calendrier artificiels ».
Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a indiqué que le respect de l’état de droit permet de renforcer les institutions et d’assurer une efficacité accrue de l’action gouvernementale, laquelle est d’une importance capitale en ces temps de pandémie. Elle a exhorté les États à renoncer à user de la force, de la coercition ou de l’intimidation et à baser leurs revendications sur des normes internationales applicables. La lutte contre l’impunité est l’un des piliers du droit international, a déclaré la déléguée, en soulignant l’importance de la coopération entre États pour punir les auteurs de crimes graves. L’initiative dite MLA, que promeut la Slovénie, vers une convention pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, devrait permettre une coopération plus efficace au niveau international. Elle a précisé que 75 pays appuient cette initiative. Enfin, s’agissant de la lutte contre la corruption, Mme Langerholc a précisé que la Slovénie s’est dotée d’un organe autonome et indépendant: la Commission pour la prévention de la corruption.
Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a estimé que le concept d’état de droit est un élément clef de l’action de l’Organisation et des États Membres pour mettre en œuvre le Programme 2030. Elle a ensuite salué le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour son action dans le domaine de la justice et de la sécurité dans son pays, une contribution essentielle pour garantir l’accès à la justice de toutes les personnes. Pour sa part, le Gouvernement hondurien travaille à une politique destinée à l’autonomisation juridique des femmes pour qu’elles puissent être à pied d’égalité avec les hommes dans les processus de prise de décisions politique et législatif, dans l’exercice du droit à la propriété et dans l’accès au financement. Son pays, a assuré la représentante, a démontré sa ferme volonté politique de lutter contre la corruption et l’impunité aussi bien en droit interne que sur le plan international, notamment en devenant partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui prévoit une approche intégrée pluridisciplinaire de lutte contre ce fléau.
Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a indiqué que la modération et la transparence gouvernent les actions de son pays depuis sa fondation. Elle a salué les efforts d’appui de l’ONU pour la promotion de l’état de droit et la lutte contre le terrorisme. Elle a souligné l’importance de renouveler l’engagement des États en faveur d’un ordre régi par le droit international. « Nous devons revenir à l’état de droit et nous conformer à la Charte des Nations Unies », a dit la déléguée, en soulignant l’importance du multilatéralisme. Le respect de l’état de droit est nécessaire au bien-être de l’humanité, a conclu la représentante.
M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis) a déclaré que le rapport du Secrétaire général identifie un certain nombre de tendances préoccupantes. Il indique que dans de nombreuses régions du globe, la pandémie de COVID-19 a aggravé les vulnérabilités dans le domaine de l’état de droit. Parmi ses conclusions les plus préoccupantes, figurent celles relatives à la corruption, s’est alarmé le représentant. Pour ces raisons, il est tout à fait normal que la Sixième Commission choisisse d’examiner la question au cours de la session de cette année. « Dans les situations d’après conflit, l’ONU et d’autres acteurs internationaux sont confrontés au défi de taille consistant à fournir une assistance sans soutenir par inadvertance les réseaux de corruption qui ont pu contribuer au conflit en premier lieu. »
Le représentant a espéré que la Commission sera en mesure de parvenir à un consensus sur un sous-thème pour l’année prochaine. D’après lui, la pratique consistant à sélectionner des sous-thèmes peut conduire à des débats plus ciblés et plus productifs sur l’état de droit. Enfin, « permettez-moi de dire que lorsque nous nous réunissons ici à la Sixième Commission, nous le faisons sur la base d’une entente implicite », a poursuivi le représentant. Au mieux, le discours juridique est un substitut à des manières plus dangereuses d’aborder les problèmes, a-t-il déclaré. Selon sa délégation, cette même compréhension est fondamentale pour préserver la primauté du droit. « Si l’état de droit est protégé, alors l’ordre juridique international fondé sur des règles est également protégé et nous serons mieux à même de relever collectivement les défis mondiaux urgents qui se présentent à nous. »
Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a dit que la corruption est un fléau qui menace le tissu social, avant de détailler les mesures prises par son pays pour la combattre. Mon pays est partie notamment à la Convention des Nations Unies contre la corruption et a noué une coopération étroite avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré la déléguée. Une révision du Code pénal salvadorien est également en chantier. Elle a déclaré que le renforcement des institutions est un axe fort de la politique suivie par son gouvernement. Enfin, la représentante a réitéré l’engagement de son pays en faveur de la lutte contre la corruption.